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Immunologie
Notions sur la tolérance et l’auto-immunité
Cours d'Immunologie
 


 

Le système immunitaire a pour vocation principale la défense de l’organisme contre les agents infectieux et, de façon plus mal élucidée, l’élimination des tumeurs.

Ces fonctions, dont on peut rapprocher le rejet des greffes, sont fondées, pour ce qui concerne l’immunité spécifique, sur la reconnaissance par les lymphocytes B et T d’antigènes ou, plus précisément, de certains motifs, déterminants antigéniques ou épitopes, propres aux antigènes exprimés par les agents infectieux, les tumeurs ou les greffes.

Les molécules de l’organisme, ou molécules du « soi », expriment également des déterminants antigéniques, pouvant donner lieu à une réponse immunitaire lorsqu’ils sont introduits par immunisation chez des individus appartenant à une espèce différente.

On a réalisé, au cours de ces dernières décennies, que le système immunitaire de tout individu normal pouvait, de fait, reconnaître et réagir vis-à-vis de déterminants antigéniques exprimés par les organes de l’hôte qui l’héberge.

On parle d’antigènes du « soi » ou d’auto-antigènes.

Dans certains cas malheureux, cette reconnaissance se prolonge par une authentique réponse auto-immune pathogène pouvant donner lieu à des manifestations cliniques, les maladies auto-immunes.

La question se pose, dès lors, de savoir quelles sont les bases cellulaires et moléculaires de cette autoréactivité et, surtout, de comprendre les raisons pour lesquelles cette autoréactivité ne conduit pas, chez l’individu normal, à l’émergence d’une maladie auto-immune.

En d’autres termes, quels sont les mécanismes immunitaires qui assurent le maintien de ce qu’il est convenu d’appeler la tolérance physiologique ou tolérance au « soi », celle-ci étant définie par l’absence de développement d’une réponse immunitaire pathogène contre les auto-antigènes auxquels le système immunitaire, par ailleurs pleinement immunocompétent, est exposé.

L’étude de la tolérance au « soi » passe par l’analyse des étapes de l’ontogenèse des lymphocytes, c’est-à-dire de leur différenciation au cours du développement au sein des organes lymphoïdes centraux (moelle osseuse et thymus), ainsi que des mécanismes qui contrôlent leur activation et leur expansion à la périphérie.

Enfin, la tolérance immunitaire n’est pas un phénomène inné mais un caractère acquis.

Il est donc possible, en exploitant les mêmes mécanismes immunitaires qui sous-tendent la tolérance au « soi », d’induire de novo, chez des individus nouveau-nés ou adultes, une tolérance immunitaire vis-à-vis d’antigènes étrangers, qu’il s’agisse de protéines xénogéniques (appartenant à une autre espèce) ou d’antigènes exprimés par une allogreffe (allo-antigènes).

Répertoire des récepteurs lymphocytaires B et T :

A - Définition :

Le système immunitaire comprend avant même toute exposition avec l’environnement des lymphocytes B et T possédant des récepteurs capables de reconnaître une multitude d’antigènes du « soi » mais aussi du « non-soi » (c’est-à-dire des antigènes étrangers).

Cet ensemble de lymphocytes porteurs de récepteurs pour l’antigène distinct constitue le répertoire lymphocytaire.

Le phénomène fut longtemps considéré paradoxal, au point qu’on proposa des théories dites instructrices selon lesquelles les antigènes pouvaient induire de novo la formation des récepteurs de reconnaissance qui leur étaient complémentaires.

Ces théories, incompatibles avec les connaissances acquises depuis lors sur la synthèse des protéines, durent céder la place aux théories sélectives selon lesquelles les récepteurs aux antigènes sont préformés et préexistent donc à toute rencontre avec les antigènes spécifiques.

Le répertoire lymphocytaire comprend donc une multitude de clones lymphocytaires B et T; chaque clone (groupe de cellules toutes issues d’une même cellule mère) exprime des récepteurs identiques pour l’antigène ayant notamment la même spécificité, ce qui permet de générer un répertoire de récepteurs pour l’antigène ayant une grande diversité.

L’analyse des séquences protéiques des parties variables des immunoglobulines, puis surtout l’étude des gènes codant ces parties variables, ont révélé que les récepteurs pour l’antigène était le produit de réarrangements de divers gènes, présents en nombre limité dans le génome, donnant lieu à une multitude de combinaisons différentes.

B - Répertoire B :

1- Ontogenèse :

Chez les mammifères, les lymphocytes B se développent dans le foie foetal ou, après la naissance, dans la moelle osseuse, sous l’influence de différents facteurs de croissance issus du micro-environnement.

C’est au cours de ce développement que se déroule le réarrangement des gènes codant les chaînes lourdes et légères d’immunoglobulines (gènes V, D et J) permettant l’acquisition d’un nombre très élevé de récepteurs immunoglobuliniques qui incluent de très nombreux récepteurs reconnaissant des antigènes du « soi ».

Au cours de leur maturation, les lymphocytes B autoréactifs vont être en partie éliminés, suite à leur rencontre avec l’auto-antigène spécifique.

Cette élimination, ou délétion centrale, qui implique la mort cellulaire active par apoptose du lymphocyte autoréactif éliminé, reste néanmoins partielle.

De ce fait, nombre de lymphocytes B produisent, très précocement, des auto-anticorps appelés aussi auto-anticorps naturels, à ne pas confondre avec les anticorps naturels dirigés contre les antigènes du « non-soi », qui apparaissent après exposition aux antigènes de l’environnement.

Ces autoanticorps, qui sont codés par des gènes en configuration germinale (c’est-à-dire qui n’ont pas subi les mutations somatiques dont il sera question plus bas) sont souvent d’isotype IgM.

Leur affinité est faible, au point qu’ils peuvent apparaître polyspécifiques.

Les idiotypes, portés par leur partie variable, sont publics, c’est-à-dire partagés par différents anticorps.

Ces auto-anticorps naturels sont produits en quantité particulièrement importante par une sous-population de lymphocytes B exprimant la molécule CD5, initialement considérée comme un marqueur des lymphocytes T.

Les cellules B CD5+ portent des IgM de surface tout comme les cellules B conventionnelles mais, contrairement à celles-ci, n’expriment que peu ou pas d’IgD. Les lymphocytes B CD5+ prédominent dans les cavités péritonéale et pleurale alors qu’ils sont présents en très faible nombre dans les ganglions et la rate.

En cas de croissance non contrôlée, ces lymphocytes B CD5+ génèrent les leucémies lymphoïdes chroniques.

2- Évolution au cours de la réponse immunitaire :

Les récepteurs B, codés par les gènes germinaux ont, en règle générale, une affinité faible ou moyenne pour les antigènes qui leur sont présentés comme l’illustre la faible affinité des auto-anticorps naturels.

L’efficacité fonctionnelle des anticorps, qui demande une haute affinité pour l’antigène, sera acquise au cours de la réponse immunitaire qui implique une intense prolifération des clones B stimulés suite à leur rencontre avec l’antigène.

Cette prolifération donne lieu à de multiples mutations dont certaines intéressent les régions déterminant la complémentarité (ou CDR pour complementarity determining region selon la terminologie anglo-saxonne) correspondant au site de liaison avec l’antigène.

Lorsque la mutation se traduit par une augmentation de l’affinité du récepteur, le clone en acquiert un avantage sélectif et son expansion se fait préférentiellement à celle des clones n’ayant pas subi de mutation favorable.

Ce mécanisme de sélection positive sous l’influence de la stimulation antigénique vaut autant, nous le reverrons, pour les anticorps dirigés contre le soi que ceux reconnaissant le « non-soi », sans qu’on puisse dire, néanmoins, si les auto-anticorps produits en réponse à une stimulation auto-antigénique sont issus des clones qui produisent les auto-anticorps naturels mentionnés plus haut.

C - Répertoire T :

1- Ontogenèse :

Les lymphocytes T se différencient dans le thymus où ils subissent une double maturation parallèle impliquant, d’une part l’émergence du répertoire des récepteurs pour l’antigène (TCR) et, d’autre part, l’acquisition de certaines molécules de membrane dont la présence, conjointement à celle du récepteur pour l’antigène, permet la mise en place des processus de sélection intrathymique.

Cette maturation est dépendante de facteurs solubles dont des cytokines (interleukine 7) et des peptides produits par l’épithélium thymique.

2- Expression des antigènes de différenciation :

Le précurseur T, issu des cellules souches de la moelle osseuse, qui migre dans le thymus est initialement dépourvu des principales molécules impliquées dans la reconnaissance de l’antigène ainsi que de celles nécessaires à la transduction du signal d’activation induit par la reconnaissance de l’antigène.

Ils sont, en particulier, dépourvus des molécules CD3, CD4 et CD8, d’où leur nom de thymocytes « triple négatifs ». Ces molécules apparaissent au cours de la différenciation intrathymique.

Pour ce qui concerne les molécules CD4 et CD8 on distingue 3 étapes : celle des thymocytes « double négatifs » (CD4-CD8), « double positifs » (CD4+CD8+) et enfin « simple positifs » (CD4+CD8- ou CD4-CD8+).

Le complexe CD3, qui assure la transduction du signal, suite à la reconnaissance du peptide antigénique par le récepteur T, apparaît précocement au début du stade de thymocyte double négatif.

3- Expression du récepteur T pour l’antigène :

C’est au stade de thymocyte triple négatif que débute le réarrangement des gènes codant la chaîne b du TCR.

Les cellules qui réarrangent de manière productive, sur un chromosome au moins, les gènes codant cette chaîne b, vont l’exprimer à leur surface.

Or, la chaîne b ne peut s’exprimer à la surface lymphocytaire de manière isolée et, à ce stade, les thymocytes ne présentent pas de réarrangement des gènes codant la chaîne a conventionnelle.

En fait, c’est une variante de la chaîne a, ou chaîne pré-Ta, qui est exprimée par la plupart des thymocytes immatures et qui, associée à la chaîne b et au complexe CD3, constitue un pré-TCR.

Seuls les thymocytes qui expriment un pré-TCR vont être engagés dans la transition vers le stade de thymocytes double positifs et dans les processus de sélection positive et négative.

C’est au stade de thymocyte double positif que le réarrangement des gènes codant la chaîne a du TCR va prendre place d’où l’expression, bien qu’à faible densité, d’un complexe CD3/TCR.

Plus de 95 % de ces thymocytes double positifs vont mourir par apoptose dans le thymus suite aux processus dits de sélections positive et négative.

Les survivants mûrissent vers le stade final de thymocyte simple positif.

4- Sélection intrathymique du répertoire T :

À chaque récepteur T issu du réarrangement de gène V, D et J correspond un clone de cellules T.

Ces clones sont très divers mais ne comportent qu’un nombre limité de cellules.

Deux phénomènes sélectifs majeurs interviennent séquentiellement dans le thymus pour façonner le volume et la diversité du répertoire lymphocytaire T : la sélection positive et la sélection négative.

• La sélection positive intervient au stade de thymocyte double positif CD4+CD8+ et découle d’une interaction entre le récepteur T, exprimé par le thymocyte, et les molécules d’histocompatibilité de classe I ou de classe II, exprimées par les cellules du stroma thymique.

Seuls vont survivre et proliférer les thymocytes dont le récepteur T peut reconnaître des peptides dans le contexte des molécules d’histocompatibilité du « soi ».

Cette expansion est donc spécifique des molécules du complexe majeur d’histocompatibilité (CMH) de l’individu.

Elle explique qu’ultérieurement les cellules T ainsi sélectionnées ne seront plus capables de reconnaître les peptides antigéniques que dans le contexte des molécules de classe I (ou de classe II) vis-à-vis desquelles elles ont été sélectionnées (de fait éduquées).

C’est le phénomène de restriction allogénique. La sélection positive provoque l’expansion d’un grand nombre de clones autoréactifs ayant des affinités variables pour les peptides du « soi ».

Certains de ces clones présentent une spécificité pour le « non-soi » qui s’explique par un mimétisme moléculaire.

Il se trouve, en effet, que la combinaison de certains peptides du « soi » avec des molécules d’histocompatibilité du « soi », reconnue par les clones sélectionnés positivement, peut donner lieu à des conformations proches de celles que des peptides du « non-soi » pourront présenter une fois associés aux mêmes molécules d’histocompatibilité du « soi ».

Au cours de cette étape, des clones T spécifiques non seulement de peptides du « soi » mais également de peptides du « non-soi » (ou étrangers) seront donc sélectionnés et vont se développer.

• La deuxième étape, dite de sélection négative, limite les effets de cette expansion car elle a pour but d’éliminer par apoptose ces thymocytes immatures autoréactifs.

Elle se déroule également au cours du stade de thymocyte double positif.

Elle conduit à la disparition d’une fraction importante des cellules T autoréactives.

Le phénomène est bien illustré par la destruction sélective des cellules porteuses d’un récepteur T spécifique de l’antigène mâle HY (absent des souris femelles).

Lorsque des souris transgéniques chez lesquelles un pourcentage important des cellules T expriment un récepteur spécifique de HY sont produites, seuls les animaux mâles ont une délétion dans le thymus des cellules porteuses du récepteur anti-HY.

Fait important, la sélection négative est incomplètement efficace.

Outre les clones porteurs de récepteurs de très faible affinité, éventuellement capable de reconnaître le « non-soi », de nombreux clones ayant une affinité suffisante pour donner lieu à une réponse autoimmune dans la périphérie ne sont pas l’objet d’une sélection négative.

5- Évolution du répertoire T dans la périphérie :

Une fois que les cellules T ont quitté le thymus, elles continuent de se diviser, en donnant naissance à plusieurs générations de cellules avec la même spécificité et permettant au système immunitaire de conserver toute son immunocompétence même en l’absence du thymus (pourvu que celui-ci n’ait pas été enlevé avant les quelques jours suivant la naissance chez la souris et probablement plusieurs jours avant la naissance chez l’homme).

Le répertoire T peut néanmoins subir d’importantes modifications sous l’influence des stimulations antigéniques qui peuvent provoquer l’expansion de certains clones exprimant éventuellement des gènes Va ou Vb particuliers.

Par ailleurs, certaines molécules endogènes (certains virus) ou exogènes (en particulier des toxines bactériennes) peuvent entraîner l’expansion brutale puis la délétion de clones T exprimant un gène Vb particulier.

Ces molécules, appelées superantigènes, se lient à la chaîne b du récepteur T en présence de la molécule d’histocompatibilité, indépendamment du site de liaison du récepteur T avec le peptide qui lui correspond. Fait important, le répertoire T n’est pas modifié, comme le répertoire B par des mutations somatiques.

6- Méthodes d’étude :

Différentes méthodes sont utilisées pour étudier le répertoire T.

Il est possible de compter dans les préparations de lymphocytes isolés, les cellules exprimant les gènes Va et Vb pour lesquels des anticorps monoclonaux sont disponibles.

La numération se fait par immunofluorescence indirecte en cytométrie de flux.

On peut aussi utiliser la technique de transcription réverse suivie d’une réaction en chaîne de la polymérase (RT-PCR) qui permet l’étude, éventuellement quantitative, des ARN messagers correspondant aux différents gènes Va ou Vb.

Une méthode ingénieuse, l’immunoscope, a été décrite pour mettre en évidence des pics d’expansion de certains clones ayant la même séquence au niveau des régions déterminant la complémentarité CDR3 qui correspondent au site de liaison de l’antigène.

En effet, comme pour les immunoglobulines, les boucles CDR3 de chacun des 2 domaines Va et Vb sont particulièrement variables puisqu’elles sont codées par la jonction de 2 ou 3 segments géniques.

Ces méthodes ne permettent pas de ramener les biais de répertoire à une réponse immunitaire ayant une spécificité donnée mais cette difficulté n’est pas expérimentalement incontournable.

Tolérance aux antigènes du « non-soi » :

A - Définition :

Il existe, nous venons de le voir, des clones préformés reconnaissant les antigènes du « non-soi ». L’administration de ces antigènes en quantité suffisante, éventuellement en présence d’adjuvants, déclenche une réaction immunitaire faisant participer à des degrés divers les lymphocytes B et T. Inversement, administrés dans certaines conditions, sur lesquelles nous allons revenir, ces mêmes antigènes peuvent induire une « paralysie immunitaire » spécifique de l’antigène administré.

Un des exemples classiques est celui de la réponse observée, chez la souris adulte, vis-à-vis de gammaglobulines humaines débarrassées de tout agrégat et injectées par voie intraveineuse.

Non seulement les souris ne produisent pas d’anticorps dirigés contre les gammaglobulines humaines désagrégées, mais deviennent réfractaires à toute immunisation par cet antigène pendant une longue durée.

Cet effet, qui est spécifique de l’antigène utilisé (la réactivité de l’hôte est tout à fait normale vis-à-vis d’autres antigènes non reliés structurellement à l’antigène initial), est dénommé tolérance immunitaire ; l’antigène utilisé pour établir la tolérance est le tolérogène.

Un élément fondamental du modèle des gammaglobulines humaines désagrégées et de tous ceux qui, développés par la suite en utilisant divers antigènes et différentes conditions, ont confirmé ces résultats, est que les lymphocytes B spécifiques de l’antigène sont toujours présents, bien que fonctionnellement inactifs, chez les animaux tolérants.

C’est donc là la preuve qu’il n’est aucunement nécessaire de supprimer les lymphocytes spécifiques pour que s’établisse une tolérance immunitaire opérationnelle.

B - Conditions d’induction de la tolérance immunitaire :

1- Protéines xénogéniques :

Nous avons cité l’exemple des immunoglobulines débarrassées de tout agrégat par ultracentrifugation.

De façon plus générale, les fortes doses de protéines xénogéniques surtout lorsqu’elles sont administrées par voie intraveineuse sont plus tolérogènes qu’immunogéniques.

2- Allo-antigènes :

L’injection intraveineuse ou intrapéritonéale en période néonatale de cellules de moelle osseuse allogéniques induit également une tolérance immunitaire durable.

Celle-ci se manifeste par le fait que les animaux tolérants, une fois adultes, acceptent indéfiniment les allogreffes de peau d’individus histocompatibles avec les cellules inoculées à la naissance, alors qu’ils rejettent toujours une greffe provenant d’une tierce partie. Ici encore il s’agit donc d’un effet spécifique de l’antigène tolérogène.

Une tolérance analogue peut être obtenue chez l’adulte en recréant transitoirement un environnement immunitaire par certains aspects déficients proches de celui du nouveau-né.

Pour ce faire, il est important d’associer à l’introduction de l’allo-antigène (sous forme de cellules de moelle osseuse ou d’une allogreffe d’organe) un traitement intense par des anticorps antilymphocytaires polyclonaux ou monoclonaux (anti-CD3, anti-CD4, anti-CD40L) ou molécules recombinantes telles que celle issue de la fusion de la molécule CTLA4 et d’une IgG ou CTLA4-Ig.

3- Interprétation :

Les conditions de la tolérogenèse qui viennent d’être citées indiquent qu’une tolérance peut être induite plutôt qu’une réponse immunitaire à deux conditions : que l’hôte soit immuno-incompétent au moment de l’induction et que l’antigène soit administré dans des conditions ne favorisant pas sa présentation préférentielle par des cellules dendritiques.

C - Mécanismes :

Trois mécanismes principaux ont été décrits pour expliquer la tolérogenèse.

Tout laisse penser que ces 3 mécanismes interviennent à des degrés divers selon le modèle.

• La délétion, c’est-à-dire la destruction des clones spécifiques du tolérogène, représente la première possibilité, tant pour les cellules B que pour les cellules T.

• La paralysie sans destruction des clones spécifiques du tolérogène a été démontrée dans nombre de modèles.

S’agissant des cellules T, on parle alors d’anergie, encore que la définition de ce terme initialement restreinte à l’absence de capacité de prolifération à l’antigène, et réversible par l’addition d’interleukine 2 exogène, se soit récemment élargie au point de devenir difficile à cerner.

• L’immunorégulation est la troisième possibilité. Elle fait intervenir des cellules T immunorégulatrices qui viennent s’opposer à la différenciation des cellules T auxiliaires (pour la production d’anticorps) ou effectrices (pour les réactions cellulaires comme le rejet des greffes).

La nature précise des cellules T régulatrices, habituellement CD4+, et surtout leur mode d’action restent incertains.

Les cytokines produites par ces cellules pourraient jouer un rôle majeur, notamment les cytokines Th1 vis-à-vis des réactions cellulaires et les cytokines Th2 vis-à-vis de la production des anticorps, mais la réalité de l’intervention des cytokines en général et de ces cytokines Th1 ou Th2 en particulier reste hypothétique dans beaucoup de modèles.

Maintien de la tolérance au « soi » :

A - Définition :

La sélection négative intrathymique assure l’élimination d’une fraction importante des cellules T autoréactives porteuses de récepteurs de haute affinité pour les peptides du « soi ».

Le filtre est loin, cependant, d’être complètement efficace.

La preuve de cet échappement est apportée par la mise en évidence de cellules B et T autoréactives chez les sujets normaux.

Ainsi, il existe des cellules B reconnaissant des auto-antigènes dans le sang circulant et des lignées T autoréactives peuvent être dérivées à partir du sang chez des sujets normaux aussi facilement que chez des patients atteints d’une maladie auto-immune.

Il est en outre possible d’induire de novo une réponse autoimmune B ou T par simple immunisation avec un autoantigène en présence d’adjuvant.

Comment expliquer, dès lors, que cette autoréactivité ne conduise pas plus souvent à des lésions à l’origine de maladies auto-immunes ?

Deux explications complémentaires peuvent être apportées à cette question : d’une part, par une sorte d’indifférence (en reprenant le terme qui a été utilisé pour désigner le phénomène), la coexistence de cellules T porteuses de récepteurs pour un auto-antigène et de cellules cibles exprimant ces auto-antigènes ne suffit pas, en l’absence d’une activation lymphocytaire, pour induire une différenciation des cellules T effectrices ; d’autre part, des mécanismes d’immunorégulation freinent ou empêchent le développement de réponses auto-immunes.

B - Indifférence :

Nous avons vu plus haut qu’il existait chez tout sujet normal, en l’absence de maladie auto-immune, des cellules T autoréactives vis-à-vis d’auto-antigènes de certains organes. Une démonstration encore plus directe est apportée par les expériences utilisant des souris transgéniques.

Ces souris expriment en quantités importantes dans les cellules b des îlots de Langerhans le gène codant une glycoprotéine (GP) ou une nucléoprotéine (NP) du virus de la chorioméningite lymphocytaire (LCMV).

Ces animaux ne présentent aucun signe de destruction des îlots par des cellules lymphocytaires ni même d’infiltration.

De même, les lymphocytes périphériques anti-LCMV-GP ou NP de ces souris ne réagissent pas vis-à-vis de l’antigène viral. Cet état de nonréponse ou de tolérance n’est pas dû à une anergie de ces lymphocytes spécifiques puisque lorsque les souris transgéniques sont infectées par le virus, elles développent une réponse antivirale fulgurante, qui met en jeu des lymphocytes CD8+ cytotoxiques spécifiques des protéines virales, qui détruisent massivement les cellules b du pancréas.

L’hypothèse est donc que les lymphocytes anti-LCMV-GP ou NP en question sont « indifférents » vis-à-vis des antigènes viraux tant que ceux-ci sont présentés par les cellules b sous forme vraisemblablement peu immunogène (les cellules b sont dépourvues de molécules de costimulation et de molécules CMH de classe II).

En revanche, ils vont s’activer, se différencier et devenir pathogènes lorsque les mêmes antigènes viraux sont présentés, comme c’est le cas après inoculation conventionnelle du virus, au sein des organes lymphoïdes par des cellules professionnelles de la présentation comme le sont les cellules dendritiques.

Plus généralement, il apparaît, ainsi, qu’une activation des cellules T soit nécessaire pour déclencher une réaction auto-immune pathogène.

Cette stimulation implique en règle générale une présentation des peptides auto-antigéniques par des cellules présentant l’antigène de type « professionnel », telles que des cellules dendritiques, pourvues des molécules de costimulation (B7.1 et B7.2) capables de produire diverses cytokines.

C - Immunorégulation :

Plusieurs ordres d’arguments indiquent que des cellules CD4+ peuvent réguler de façon négative la différenciation des cellules autoréactives pathogènes.

Ainsi, la reconstitution de souris immuno-incompétentes par des cellules T dont la population exprimant de fortes quantités à la surface du marqueur CD45RB a été éliminée, induit une colite d’origine auto-immune.

De même, des cellules T de jeunes souris chez qui le nombre de cellules CD25+ a été réduit induisent-elles un syndrome polyauto- immun.

Enfin, on peut mettre en évidence dans le thymus et la rate de jeunes souris NOD (pour non obese diabetic), non encore diabétiques mais génétiquement prédisposées à développer un diabète auto-immun de façon spontanée, des cellules T CD4+ capables d’inhiber le transfert de la maladie par des lymphocytes T « diabétogènes » provenant de la rate d’une souris diabétique.

Le phénotype de ces cellules régulatrices de l’auto-immunité est encore mal précisé mais pourrait être CD4+CD25+CD62L+ (L-sélectine+), CD25+CD45RB+CD38+.

Il reste à déterminer s’il s’agit d’une population spécialisée ou plutôt d’un état fonctionnel de certaines sous-populations lymphocytaires ayant reconnu les auto-antigènes dans un contexte particulier (dose et nature de l’auto-antigène, microenvironnement…).

Il reste également à déterminer le mécanisme d’action de ces cellules.

Agissent-elles par contact direct avec les cellules présentant l’antigène ou par la production de cytokines ?

Dans ce dernier cas, de quel type de cytokine s’agit-il ? [Th1, Th2 ou encore d’autres telles que transforming growth factor b(TGF b)].

L’existence de ces cellules T immunorégulatrices, qui sont présentes en grand nombre dans le thymus des animaux jeunes, explique l’induction du syndrome polyauto-immun observé après thymectomie post-natale (à J3) dans certaines souches de souris ainsi que l’accélération du diabète observé chez la souris NOD après thymectomie à l’âge de 3 semaines.

Maladies auto-immunes :

A - Définition :

Les réactions auto-immunes peuvent conduire dans certains cas à une authentique maladie.

Encore faut-il bien faire la part des réactions auto-immunes pathogènes des stigmates d’auto-immunité, éventuellement secondaires, observés au cours d’une maladie ne relevant pas, au moins initialement, d’une origine auto-immune.

La pathogénicité des auto-anticorps et des cellules T autoréactives peut seulement être affirmée par la démonstration de leur capacité de transférer la maladie.

Cette démonstration est souvent difficile à faire chez l’homme, hormis le cas particulier de la transmission maternofoetale de certaines maladies dues à des auto-anticorps (notamment la maladie de Basedow due à des autoanticorps dirigés contre le récepteur de la TSH ou de la myasthénie due à des auto-anticorps anti-récepteurs de l’acétylcholine).

Plus souvent, il faut se contenter de l’analogie avec les modèles animaux où le transfert a été obtenu, de l’effet in vitro des anticorps ou des cellules T, de la très forte association entre le marqueur autoimmun et la maladie ou de la sensibilité de la maladie à l’immuno-intervention.

B - Mécanismes pathogènes :

1- Auto-anticorps :

Certaines maladies auto-immunes sont provoquées par la présence d’auto-anticorps pathogènes.

Ceux-ci peuvent agir en provoquant la destruction de leurs cellules cibles, que la destruction se fasse dans la circulation avec l’aide du complément ou plus souvent dans les organes contenant un nombre élevé de cellules phagocytaires, comme le foie et la rate (avec intervention de certains facteurs du complément).

Dans d’autres cas, les auto-anticorps induisent la neutralisation (exemple du récepteur de l’acétylcholine) ou la stimulation (exemple du récepteur de la TSH) des fonctions des cellules cibles.

La neutralisation explique aussi l’effet pathogène des anticorps dirigés contre le facteur intrinsèque ou contre certains facteurs de coagulation comme le facteur anti-hémophilique.

Dans d’autres cas, enfin, les auto-anticorps agissent en induisant la formation de complexes immuns dans la circulation ou au sein de l’organe cible.

Ces complexes immuns entraînent une réaction inflammatoire qui peut être fortement pathogène.

2- Cellules T :

De très nombreuses maladies auto-immunes sont dues à l’effet pathogène direct de cellules T, indépendamment de l’effet auxiliaire des cellules T pour la production des auto-anticorps. C’est le cas du diabète insulinodépendant ou des uvéites auto-immunes.

Il est alors souvent difficile de déterminer si la lésion est due à l’action de cellules T cytotoxiques CD8+ ou à la libération locale de cytokines pro-inflammatoires par des cellules CD4+.

Lorsque ces cytokines interviennent, il semble, le plus souvent, qu’il s’agisse de cytokines de type Th1 (interleukine 2, interféron g) bien que certaines maladies auto-immunes dues à des cellules produisant des cytokines de type Th2 (interleukine 4, interleukine 5, interleukine 6, interleukine 10) aient été rapportées.

C - Hypothèses sur le déclenchement des maladies auto-immunes :

On peut imaginer que, dans certains cas, la maladie soit le résultat d’une activation polyclonale (mais spécifique d’un antigène particulier) des clones B et T autoréactifs, en particulier pour ce qui concerne les maladies autoimmunes humorales, des clones B producteurs d’autoanticorps naturels.

Cette hypothèse explique mal la spécificité d’organe dans un très grand nombre de maladies auto-immunes.

Plus souvent, même dans les maladies auto-immunes non spécifiques d’organes, la réaction auto-immune pathogène semble déclenchée par des auto-antigènes présents dans l’organe cible.

L’ablation de cet organe dans certaines maladies auto-immunes spontanées en prévient ou fait disparaître la réaction auto-immune.

Il existe, en outre, des indications en faveur de l’existence d’une activation par l’antigène de clones B ou T.

La sélection des clones B autoréactifs par l’antigène est démontrée par la présence de mutations somatiques dans les gènes codant les auto-anticorps du niveau des CDR.

S’agissant des cellules T, on retrouve par l’étude du répertoire Vb des restrictions d’utilisation de ces gènes.

Rappelons, en outre, l’association entre certains gènes du complexe majeur d’histocompatibilité (le système HLA) et la plupart des maladies auto-immunes qui suggère la présentation de certains peptides par des molécules HLA.

Si, effectivement, les auto-antigènes des organes cibles jouent un rôle déterminant dans le déclenchement de la réaction auto-immune pathogène, divers problèmes restent encore posés.

Quels sont les auto-antigènes impliqués dans le déclenchement initial de la maladie ?

De nombreux auto-antigènes candidats ont été proposés pour les principales maladies auto-immunes (par ex. l’insuline, la décarboxylase de l’acide glutamique (GAD) et la tyrosine-phosphatase (IA-2) dans le cas du diabète insulinodépendant).

En fait, on peut se demander s’il existe vraiment un autoantigène jouant un rôle princeps (ce que suggère l’association avec les HLA).

On sait, en effet, qu’une fois la réaction auto-immune déclenchée, l’inflammation locale qui en résulte entraîne par le biais de la sécrétion de cytokines, comme l’interféron g, l’expression accrue de nombreuses molécules notamment de costimulation qui contribue au recrutement d’autres cellules autoréactives spécifiques d’auto-antigènes, autres que l’auto-antigène princeps, également exprimés par les cellules cibles.

C’est le phénomène d’extension de la spécificité des réactions cellulaires par proximité qui explique probablement la multiplicité des auto-anticorps dirigés contre l’organe cible avec, néanmoins, une grande focalisation de la réponse auto-immune vers un organe cible particulier.

Par ailleurs, les explications tiennent moins pour les maladies auto-immunes non spécifiques d’organe.

Il faut noter, néanmoins, qu’on peut penser, à l’instar d’observations récentes dans le lupus érythémateux disséminé (démontrant que les cellules en apoptose expriment de façon anormale la quasi totalité des antigènes cibles du lupus) que la présentation anormale ne soit plus celle d’une cellule appartenant à un organe donné mais d’organites ou de sous-ensembles de cellules dans un état particulier quelle que soit leur localisation.

D’autres mécanismes peuvent intervenir pour déclencher la réponse auto-immune pathogène :

– une infection virale de l’organe cible qui crée une inflammation locale à l’origine d’une production de cytokines donnant lieu à un accroissement des molécules impliquées dans la présentation de l’antigène (molécules du CMH, molécules de costimulation telles que B7.1, B7.2…) ;

– un phénomène de mimétisme moléculaire selon lequel un antigène microbien présentant des homologies avec un auto-antigène induit une réaction au départ non auto-immune mais progressivement, par proximité, se retourne contre l’auto-antigène.

Le cas du rhumatisme articulaire aigu, dans lequel la réaction auto-immune dirigée contre le coeur est secondaire à une réponse contre des streptocoques b-hémolytiques du groupe A en est la meilleure illustration.

– l’effet de superantigène qui active tout un pan de cellules T porteuses d’une chaîne b du TCR particulière.

On peut, en outre, penser qu’un défaut de l’immunorégulation joue un rôle soit pour amplifier soit pour perpétuer la réaction auto-immune.

Les maladies autoimmunes expérimentales provoquées par l’administration d’auto-antigènes sont habituellement rapidement réversibles, sauf chez des souris présentant un déficit d’immunorégulation (NOD.SJL) chez qui elles ont un cours classique.

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