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Gynécologie
Thérapeutique foetale (Suite)
Cours de Gynécologie
 
Obstétrique
 
 

5- Hyperplasie congénitale des surrénales :

Parmi les nombreuses erreurs innées du métabolisme, l’hyperplasie congénitale des surrénales est l’une des plus fréquentes, survenant une fois sur 10 000 naissances.

Elle est dans 95 % des cas secondaire à un déficit en 21 hydroxylase dont il existe deux gènes situés sur le bras court du chromosome 6 et qui contribue à la synthèse du cortisol à partir du cholestérol.

Le déficit de cette enzyme est transmis sur le mode autosomique récessif et est lié au complexe majeur d’histocompatibilité (HLA).

Outre une synthèse de cortisol absente ou insuffisante, il est responsable :

– d’une accumulation des précurseurs en amont et notamment d’une élévation de la 17-OH progestérone ;

– d’une activation de synthèse des androgènes, en particulier de D4 androstènedione et de testostérone ; cette production accrue d’androgènes entraîne une virilisation des foetus féminins ; elle débute dès la septième semaine, conduisant parfois dans ce cas à une masculinisation complète des organes génitaux externes ;

– d’une stimulation de la secrétion d’adrenocorticotropic hormone (ACTH), par levée du rétrocontrôle exercé sur cette secrétion par le cortisol, responsable de l’hyperplasie des grandes surrénales ;

– d’une absence de métabolites en aval du bloc enzymatique et, en particulier, de production d’aldostérone, pouvant entraîner un syndrome de « perte de sel » associé à une déshydratation parfois sévère dès la période néonatale.

Le syndrome de perte de sel est réversible et peut bénéficier d’un traitement substitutif, la virilisation des organes génitaux externes ne l’est pas ; l’ambiguité sexuelle qui en résulte chez les foetus féminins constitue une malformation grave, qui nécessite des interventions chirurgicales délicates et est à l’origine de perturbations psychologiques familiales importantes.

C’est pour prévenir cette virilisation qu’un traitement anténatal de cette affection a été proposé.

Ce traitement ne peut être envisagé que pour des grossesses survenant après la naissance d’un enfant atteint, avec l’accord des parents et après un conseil génétique éclairé.

Son principe est basé sur la freination de l’hyperproduction foetale d’androgènes par une supplémentation maternelle de glucocorticoïdes.

La dexaméthasone semble actuellement le médicament le mieux adapté pour réaliser ce traitement :

– elle ne se lie pas à la transcortine ; – elle n’est pratiquement pas inactivée par le placenta ;

– son transfert placentaire est efficace avec un gradient mère-enfant proche de 1 ;

– l’action suppressive sur l’ACTH est plus marquée. Il doit être débuté le plus tôt possible vers la 6e semaine avant que le bourgeon génital ne soit sensible à l’action masculinisante des androgènes et donc avant toute possibilité de diagnostic anténatal.

La première tentative de traitement anténatal a été réalisée en 1979 et publiée par l’équipe de David et Forest en 1984.

Les doses de dexaméthasone proposées étaient de 0,5 mg deux fois par jour.

Par la suite, d’autres études ont montré qu’une augmentation du traitement à 0,5 mg toutes les 8 heures entraînait un effondrement plus marqué du cortisol et une meilleure efficacité ; toutefois, à la suite des résultats des 10 premières années de traitement, il a été suggéré, en raison de disparités corporelles, d’ajuster la posologie en fonction du poids et d’administrer une dose de 20 mg/kg fractionnée en deux ou trois prises.

Ce traitement doit être poursuivi au minimum jusqu’aux résultats des investigations diagnostiques anténatales, ce qui implique l’éventualité de traiter un foetus sain ; or, le risque d’avoir un foetus féminin atteint étant de 1/8, sept foetus sont donc traités inutilement.

Ce diagnostic anténatal repose sur deux méthodes :

– une méthode bioclinique basée sur le dosage amniotique de la 17-OH progestérone, à partir de la 10e semaine ; mais le résultat est faussé par la corticothérapie instituée antérieurement ; elle ne sert donc que comme témoin d’une bonne freination surrénalienne ;

– une méthode génétique, basée sur des techniques de biologie moléculaire :

– par typage HLA des cellules foetales sur biopsie de trophoblaste avec détermination du caryotype ;

– par l’étude de l’acide désoxyribonucléique extrait des villosités choriales des gènes CYP 21 et C4 ; la détection de mutations responsables de la maladie dans la famille est possible par la méthode de polymerase chain reaction.

Les résultats du diagnostic anténatal conditionnent la poursuite de la corticothérapie maternelle, ainsi :

– si le foetus est de sexe masculin et qu’il soit atteint ou non, le traitement doit être arrêté ;

– si le foetus est de sexe féminin, hétérozygote ou homozygote sain, il doit aussi être arrêté ;

– si le foetus est de sexe féminin et atteint, il doit être poursuivi jusqu’à la fin de la grossesse.

Dans tous les cas, l’arrêt du traitement doit se faire à dose décroissante, par paliers réguliers de 4 ou 5 jours sur une période d’environ 2 semaines.

Une surveillance biologique stricte est nécessaire, les dosages hormonaux répétés devant apporter la preuve d’une bonne freination surrénalienne.

L’efficacité thérapeutique est jugée sur :

– l’effondrement des taux plasmatiques maternels de cortisol, déhydro-épiandrostérone et 17-alpha OH-pregnénolone sur des prélèvements faits avant le début du traitement et après 15 jours ;

– la normalisation des taux amniotiques de 17 OH-progestérone, D4-androstènedione et testostérone ;

– le maintien de taux très bas d’oestriols maternels au troisième trimestre (si le traitement est poursuivi), témoignant d’une freination foetale.

Des échecs partiels ont été signalés, objectivés par l’existence d’un certain degré de virilisation (stade 1 et 2 de Prader), mais moins marqués toutefois.

Ils ont été rapportés à une mise en route trop tardive du traitement, une dose insuffisante ou pas assez fractionnée, un arrêt trop prolongé après amniocentèse.

D’autres raisons ont été invoquées :

– le degré de virilisation des filles atteintes peut varier à l’intérieur d’une même famille ;

– le passage transplacentaire des corticoïdes peut être influencé par leur affinité avec la transcortine ;

– la fonction stéroïdogénique de la surrénale n’est pas seulement régulée par l’ACTH ;

– la quantité de corticoïdes transférée chez le foetus varie selon la clairance maternelle.

L’ensemble des travaux fait apparaître l’efficacité remarquable de ce traitement, qui a transformé l’évolution de beaucoup d’enfants : la multiplication des essais dans une étude européenne confirme ces résultats.

Mais, le risque d’atteinte foetale étant de 1/8, la durée du traitement doit être la plus courte possible, même si aucun effet secondaire n’a été rapporté chez des foetus sains.

Ceci souligne l’importance des techniques modernes de diagnostic anténatal par un prélèvement sur villosités choriales.

Aucune complication n’a été constatée à la naissance ; aucun effet tératogène, même minime, n’a été signalé.

Les nouveau-nés avaient des mensurations normales dans l’ensemble et les quelques retards de croissance modérés observés ne paraissent pas devoir être imputables au traitement.

Le suivi ultérieur de ces enfants a montré une croissance staturopondérale et un développement psychomoteur normaux, même si le recul est peut-être encore insuffisant.

La tolérance maternelle au traitement a dans l’ensemble été bonne, bien que certains inconvénients aient été constatés : une prise de poids nécessitant un régime strict, des douleurs gastriques, un faciès cushingoïde, une tendance hyperglycémique, une élévation de la tension artérielle, une irritabilité.

Ces effets doivent être connus des parents avant que ne soit débuté le traitement et justifie une surveillance appropriée, même s’ils sont transitoires.

6- Phénylcétonurie :

La phénylcétonurie est une aminoacidopathie transmise sur le mode récessif autosomique.

Sa fréquence est de 1 pour 15 000 naissances, soit environ 40 nouveaux cas annuels en France.

Elle provient d’un déficit enzymatique de la phénylhydroxylase qui transforme la phénylalanine en tyrosine, dont il résulte un excès de phénylalanine responsable d’un trouble du développement cérébral et d’une encéphalopathie, et une insuffisance en tyrosine également délétère pour le cerveau.

Le taux sanguin normal de phénylalanine est de 1 à 2 mg/100 mL (60 à 120 mmoles/L) ; il peut dépasser 20 mg/100mL (1 200 mmoles/L) chez les sujets atteints de phénylcétonurie classique, mais les formes modérées s’accompagnent d’un taux inférieur à 10 mg/100 mL (600 mmoles/L). Le dépistage de cette maladie est effectué à la naissance en France depuis 1977 par le test de Guthrie.

Il permet, en cas de positivité, une prise en charge précoce des nourrissons atteints et une prévention de l’encéphalopathie grâce à un régime approprié, institué dès les premières semaines de vie.

Ce régime appauvri en phénylalanine et enrichi en tyrosine vise à maintenir un taux de phénylalanine inférieur à 10 mg/100 mL ; il doit aussi assurer à l’enfant une croissance staturopondérale et un développement psychomoteur normaux.

Sa durée est en moyenne de 8 ans ; mais à son arrêt va se produire naturellement une remontée du taux de phénylalanine.

Actuellement, les bénéfices indiscutables de ce dépistage pourraient être remis en question depuis que des femmes atteintes de cette maladie, traitées et perdues de vue, sont en âge de procréer.

En effet, outre le risque d’être atteints de la même maladie, les nouveau-nés de mères phénylcétonuriques sont menacés par un retard mental dont les premiers cas ont été rapportés par Dent en 1957 puis par Denniston en 1963.

Depuis, d’autres études ont permis d’individualiser le syndrome du nouveau-né de mère phénylcétonurique, embryofoetopathie qui associe un retard mental, une microcéphalie, un retard de croissance intra-utérin, une malformation cardiaque (tétralogie de Fallot, communication interventriculaire, coarctation de l’aorte) et inconstamment une dysmorphie faciale évoquant celle de la foetopathie alcoolique, une cataracte, des anomalies du squelette.

Le mécanisme profond de cette atteinte foetale ferait intervenir une action directe et indirecte de la phénylalanine sur la croissance du cerveau, en inhibant le transport d’acides aminés neutres à travers le placenta jusqu’au cerveau.

Il existe chez ces enfants des défauts de myélinisation et des anomalies biochimiques (diminution des cérébrosides et des sulfatides) identiques à celles des enfants atteints de phénylcétonurie.

Enfin, l’insuffisance en tyrosine et l’excès de certains métabolites de la phénylalanine, tels que l’acide phénylacétique, interfèrent avec un développement cérébral normal.

La sévérité de l’embryofoetopathie est corrélée au taux de phénylalanine maternelle ; il semble que l’atteinte foetale soit certaine lorsque ce taux dépasse 20 mg/100 mL.

Une étude a montré à partir de 524 grossesses chez 155 mères atteintes de phénylcétonurie que la fréquence du retard mental atteint 92 % si le taux est supérieur à 20 mg/100 mL, 73 % s’il est entre 16 et 19 mg/100 mL, 22 % s’il est entre 11 et 15 mg/100 mL, 21 % s’il est inférieur à 10 mg/100 mL.

D’autre part, la dysmorphie faciale est un signe sensible ; il existe une bonne corrélation entre les taux de phénylalanine entre la 8e et la 12e semaine et la dysmorphie, présente dans 50 % des cas si les taux sont normaux et dans 90 % des cas si les taux sont supérieurs à 12 mg/100 mL.

Il n’y a pas de cardiopathie lorsque le taux est inférieur à 6 mg/100 mL jusqu’à 8 semaines.

Il apparaît ainsi cliniquement que le meilleur moyen d’éviter l’incidence de ces problèmes est de maintenir un taux de phénylalanine maternel toujours inférieur à 8 mg/100 mL grâce à un régime appauvri en phénylalanine qui doit, en outre, obéir à des impératifs bien précis :

– être poursuivi durant toute la grossesse, ce qui exige une discipline stricte et un degré d’intelligence indispensables, ce qui n’est pas toujours le cas, certaines mères gardant un retard mental même modéré ;

– être débuté plusieurs semaines avant la conception afin d’obtenir dès le début de la grossesse un taux de phénylalanine le plus bas possible, entre 3 mg et 8 mg/100 mL ; plusieurs essais de régime réalisés chez ces mères en tout début de grossesse ou dans les premières semaines n’ont pas empêché la constitution d’une embryofoetopathie ; la différenciation cérébrale s’effectuant entre la 4e et la 8e semaine de gestation, l’excès précoce de phénylalanine va contrarier le développement cérébral et la multiplication cellulaire, favorisant la survenue d’une microcéphalie ;

– faire l’objet d’une surveillance rigoureuse clinique et biologique par un dosage hebdomadaire du taux sanguin de phénylalanine et un encadrement, assuré par les obstétriciens, les pédiatres et les diététiciens, ainsi qu’un soutien psychologique ; il faut en effet tenir compte :

– de la sévérité de l’atteinte maternelle, certaines femmes ayant, pour un même équilibre du taux sanguin, une tolérance différente ;

– de l’absence d’effet protecteur placentaire, les valeurs de phénylalanine et de tyrosine étant deux fois plus élevées au cordon que chez la mère ;

– de la nécessité de garder un équilibre protéique et énergétique suffisant sans risque de malnutrition maternelle et foetale ni de retentissement sur la croissance du foetus.

Les données de la littérature s’accordent pour proposer un régime qui associe :

– un apport de phénylalanine de 5 mg/kg/j dans les 2 à 3 mois précédant la grossesse ; puis de 10 mg/kg/j jusqu’au cinquième mois, avec des aménagements selon la tolérance maternelle de 300 mg à 800 mg/j ; enfin, de 15 mg/kg/j jusqu’à la naissance, la ration pouvant atteindre 1 500 mg en raison d’une meilleure tolérance et de l’augmentation pondérale ;

– un apport protéique moyen de 1,5 g/kg/j (de 60 à 70 g), constitué par des mélanges d’acides aminés dépourvus de phénylalanine et enrichis en tyrosine ;

– un apport calorique de 2 500 à 3 000 kcal/j ;

– un apport de tyrosine de 3 g/j pour maintenir une tyrosinémie supérieure à 0,5 mg/100 mL (30 µmoles/L) ;

– une supplémentation en vitamines, en sels minéraux, en oligoéléments et en acide folique. L’instauration de ce régime, débuté et équilibré avant le début de la grossesse, a donné des résultats très satisfaisants.

Plusieurs enquêtes rapportent les cas de mères ayant reçu un régime strict avant la conception pour obtenir un taux de phénylalanine inférieur à 10 mg/100 mL et ayant mis au monde des nouveau-nés normaux dont certains, suivis ultérieurement, ont eu un développement psychomoteur normal.

Ces mesures diététiques essentielles ne doivent pas faire oublier l’importance d’autres facteurs à caractère préventif.

La perte de vue, en effet, d’un certain nombre de filles guéries et pouvant par défaut d’information mettre au monde des nouveau-nés atteints ou porteurs d’une embryofoetopathie devrait justifier :

– la mise en place d’une surveillance après l’arrêt du régime et à la puberté grâce au médecin traitant ;

– une information et des conseils à l’intention des filles phénylcétonuriques et de leur parents vis-à-vis de cette maladie et des risques sur la descendance ;

– une prise en charge, en cas de désir de grossesse, sous encadrement médical et psychologique, afin que celle-ci soit programmée dans les meilleures conditions d’équilibre diététique et biologique.

7- Prévention des anomalies de la gouttière neurale :

Les anomalies de la gouttière neurale résultent d’un défaut de neuralisation ou de canalisation du tube neural primitif.

Leur fréquence a diminué depuis 20 ans mais reste non négligeable, en particulier en Grande-Bretagne où la prévalence est environ deux fois supérieure à celle de la plupart des autres pays.

Ces malformations englobent plusieurs entités : l’anencéphalie, toujours létale, dont l’incidence est de une pour 1 000 naissances ; l’encéphalocèle, qui résulte d’un défaut de fermeture crânienne entraînant une hernie des méninges et du tissu cérébral de très mauvais pronostic ; le spina bifida, secondaire à l’absence d’arc vertébral, responsable de séquelles lourdes et dont la fréquence est de deux pour 1 000 naissances.

Les mécanismes conduisant à ces défauts de fermeture du tube neural (DFTN) sont encore imprécis.

Certains éléments tels que le diabète maternel ou des traitements antiépileptiques sont connus ; le rôle d’une carence en zinc n’a pas été confirmé.

D’autres facteurs ont été suggérés : génétiques, diététiques fondés sur l’augmentation du taux de ces malformations dans des milieux carencés et surtout biochimiques, en rapport avec une altération du métabolisme de l’acide folique.

Le rôle d’une insuffisance maternelle en acide folique dans la genèse des DFTN a été évoqué en 1964.

Plusieurs études ont révélé que les femmes de niveau social bas, et donc possiblement sousalimentées, et plus encore les femmes ayant mis au monde des nouveau-nés porteurs d’un DFTN avaient un déficit en acide folique dont le rôle dans le développement du système nerveux central est bien connu.

L’aminoptèrine, antagoniste de l’acide folique, a un effet tératogène sur le système nerveux central.

Des travaux ont montré des discordances entre les taux de folates sériques et érythrocytaires chez les femmes de nouveau-nés atteints, expliqués par un transfert de l’acide folique vers la moelle pour y être incorporé dans les hématies, entraînant ainsi un abaissement du taux sérique disponible pour le foetus.

Enfin, une étude récente a montré que les taux de folates sériques et érythrocytaires ainsi que le taux de folate méthylé étaient significativement plus bas chez les mères d’enfants atteints par rapport aux autres, alors que les taux de folates étaient identiques chez tous les foetus ; l’existence d’un métabolisme folique altéré maternel et non foetal s’associe à un passage transplacentaire normal des folates : la baisse du taux de méthylation des folates pourrait être en cause dans la pathogénie des DFTN.

Le risque de récidives des DFTN lors d’une grossesse suivante existe (récurrence de 1 % pour l’anencéphalie et de 5 % pour le spina bifida).

Pour l’éviter, une supplémentation en acide folique a été proposée pendant la période périconceptionnelle et les premières semaines de grossesse correspondant à la durée de l’embryogenèse du cerveau, pour les femmes ayant déjà eu un enfant porteur d’un DFTN.

La première étude en 1980, non randomisée, a été réalisée avec une supplémentation vitaminée contenant 0,36 mg/j d’acide folique ; elle a montré une récurrence sept fois plus faible chez les femmes supplémentées par rapport aux femmes témoins.

Cette étude, reprise en 1983, a opposé 254 femmes supplémentées à 219 femmes témoins ; le taux de récurrence était notablement réduit chez les premières (0,7 % versus 4,7 %).

Une autre étude a montré, chez 44 femmes recevant 4 mg/j d’acide folique pendant les 8 premières semaines de grossesse, l’absence de récurrence de la malformation alors qu’elle survenait six fois chez 51 témoins.

Enfin, une étude en double aveugle a été effectuée chez 1 195 femmes réparties en quatre groupes selon qu’elles recevaient de l’acide folique (4 ng), de l’acide folique et des vitamines, des vitamines seules ou un placebo ; elle a révélé 27 DFTN dont 21 chez les femmes non supplémentées en acide folique.

Seule une étude ne paraît pas confirmer l’intérêt de cette prévention chez les femmes ayant eu un nouveau-né porteur d’un DFTN.

Le même auteur n’a pas retrouvé de baisse significative du taux sérique des folates chez les femmes dont le nouveau-né présentait un DFTN.

Aucun effet adverse n’a été rapporté, quelle que soit la dose d’acide folique utilisée ; une dose élevée pourrait être plus efficace ; l’association d’une dose plus faible avec d’autres vitamines aurait un effet synergique. En revanche, la date du traitement est essentielle.

La prévalence des DFTN chez les femmes ayant reçu cette supplémentation après 7 semaines est identique à celle observée chez les femmes non traitées.

Il semble donc justifié de proposer l’administration quotidienne de 4 mg d’acide folique chez les femnes ayant eu un enfant atteint de DFTN pendant les 2 premiers mois après la conception.

Il semble logique de l’étendre aux femmes diabétiques ou qui reçoivent un traitement antiépileptique.

Ce traitement pourrait-il être généralisé pour toutes les grossesses et diminuer ainsi l’incidence d’un DFTN ?

Une étude randomisée hongroise a proposé de donner une dose quotidienne de 0,8 mg d’acide folique chez 2 104 femmes sans antécédents comparées à 2 052 témoins ; aucun cas n’est survenu contre six chez les témoins.

En fait, ce problème n’est pas résolu et les risques d’avoir un premier enfant atteint ou un deuxième ne sont pas les mêmes.

La prévention est sans doute plus efficace contre la récurrence ; les femmes ayant déjà un antécédent ont plus à gagner de ce traitement que les autres et une toxicité éventuelle ne serait pas acceptable.

La grande majorité des études a montré l’efficacité de l’acide folique pour réduire la récurrence des DFTN.

Les recommandations de la Direction générale de la santé en 2000 sont de supplémenter systématiquement en folates (0,400 mg/j), au moins les 2 mois prédécédant une grossesse et les 2 premiers mois de la grossesse.

8- Laparoschisis :

Défect pariétal abdominal latéro-ombilical droit avec éviscération de l’intestin foetal, parfois de l’estomac, de la vessie et plus rarement du foie, il s’agit d’une malformation congénitale fréquente : une sur 4 000 à une sur 10 000 naissances vivantes ; le sex-ratio est de un.

Si le pronostic vital de cette affection a été transformé ces 30 dernières années par le diagnostic anténatal échographique, l’amélioration du suivi anténatal, les nouvelles techniques chirurgicales et les progrès de la réanimation périopératoire, l’enjeu actuel s’attache à diminuer la morbidité encore sévère en matière de séquelles digestives (reprise de transit difficile mais surtout « grêle court »).

Les lésions de l’intestin grêle sont secondaires à plusieurs mécanismes :

– lésions de péritonite chimique par contact de la séreuse digestive avec le liquide amniotique et les urines foetales ; selon les travaux de Aktug et al, ce processus ne débuterait pas avant la 30e semaine et serait d’autant plus important qu’il existerait un oligoamnios ;

– striction de l’intestin grêle au niveau du collet pariétal avec strangulation mésentérique pouvant évoluer jusqu’à la nécrose intestinale.

Le suivi échographique doit être rapproché et s’accentuer à partir de la 28e semaine de façon à dépister le plus rapidement possible des signes de souffrance intestinale et à prendre les mesures thérapeutiques nécessaires.

L’examen échographique apprécie la dilatation des anses intestinales (morbidité plus élevée pour un diamètre intestinal supérieur à 18 mm), l’épaississement des parois intestinales, l’existence d’anomalie du liquide amniotique (le plus souvent un oligoamnios est observé en deuxième partie de grossesse avec ses conséquences propres, mais l’apparition d’un polyhydramnios peut être très péjorative dans ce contexte, surtout s’il lui est associé un épaississement important des anses intestinales et des signes de souffrance foetale, traduction d’un obstacle mécanique irréductible.)

De plus, la croissance (en raison de la fréquence des retards de croissance intra-utérins) et le bien-être foetal sont suivis régulièrement.

L’attitude thérapeutique anténatale actuelle privilégie un accouchement avant terme vers 36 à 37 SA lorsque le bilan échographique ne montre pas d’anomalie intestinale.

Le mode d’accouchement est controversé, mais le plus souvent une césarienne programmée est réalisée de façon à optimiser la prise en charge néonatale.

Si l’aspect échographique est tel qu’une naissance prématurée paraît indispensable, l’enfant est extrait par césarienne sans risque majeur à partir de la 34e SA ; avant ce terme, la césarienne est réalisée après corticothérapie maternelle.

Compte tenu des résultats intéressants d’amnio-infusions itératives rapportés par Dommergues et al, Sapin et al et Luton et al chez des foetus porteurs de laparoschisis avec oligoamnios (amélioration du bien-être foetal, aspect normal des anses intestinales, non cartonnées, permettant le plus souvent une réintégration et la fermeture pariétale en un temps, et une reprise plus précoce de l’alimentation), cette attitude tend à se généraliser dans la prise en charge anténatale des laparoschisis avec ou sans oligoamnios.

Sur le plan pratique, on ponctionne après anesthésie locale, à l’aide d’une aiguille de 16 à 18 G munie d’une tubulure et d’un robinet à trois voies permettant l’amnio-infusion rapide de 500 à 3 000 mL de sérum physiologique à 37°, geste éventuellement précédé d’un amniodrainage si la quantité de liquide était normale avant l’intervention.

L’ensemble de la procédure n’excède pas une demiheure.

Les amnio-infusions sont répétées avec une fréquence variable (en moyenne une amnio-infusion par semaine à partir de 28 à 30 SA).

Une antibiothérapie prophylactique avant chaque procédure et une corticothérapie maternelle avant 34 SA sont instituées.

9- Incompatibilités érythrocytaires sanguines foetomaternelles

10- Anomalies du métabolisme phosphocalcique :

L’hypocalcémie néonatale n’est pas un trouble biologique rare.

Elle doit être particulièrement évoquée dans des groupes de nouveaunés à risque (prématurés, hypotrophes) et devant des convulsions.

Son mécanisme d’installation tient souvent à des particularités ou à des pathologies du couple maternofoetal.

L’étude de la régulation du métabolisme phosphocalcique pendant la grossesse permet de mieux comprendre comment se constitue le stock en calcium et en vitamine D du foetus.

Le calcium et le phosphore foetaux proviennent de la mère.

La calcémie foetale augmente au cours de la grossesse pour approcher vers 28 semaines la calcémie maternelle, puis la dépasser.

L’accumulation calcique s’accélère à partir du sixième mois de la grossesse, puis se ralentit après 38 semaines quand la vitesse de croissance diminue.

Les besoins foetaux impliquent un gradient positif maternofoetal en calcium et phosphore inorganique ; ceci est réalisé grâce à un transport actif transplacentaire.

Les facteurs hormonaux de la régulation de la calcémie et de la phosphorémie sont la parathormone (PTH), la vitamine D (25[OH]-D) et la calcitonine.

La PTH maternelle ne traverse pas le placenta et on détecte une sécrétion foetale dès 27 semaines ; la calcitonine est probablement sécrétée par le foetus ; en revanche, la 25(OH)D semble être exclusivement d’origine maternelle, même si une sécrétion foetale faible peut être détectée vers 26 semaines.

De ces mécanismes de régulation découlent la physiopathologie des hypocalcémies néonatales :

– les hypocalcémies néonatales précoces des 3 premiers jours de vie, les plus fréquentes, sont reconnues par un dépistage chez les enfants à risque (nouveau-nés de mère diabétique, prématurés, de faible poids de naissance, ayant présenté une souffrance foetale anté- ou périnatale), car elles sont rarement symptomatiques ; la physiopathologie est complexe : réponse foetale à la PTH limitée, retard à l’alimentation et faible absorption digestive du calcium ; la principale cause chez l’enfant prématuré semble être la privation calcique brutale qui s’installe chez un être en pleine croissance squelettique ; la carence en vitamine D maternelle aggrave le risque de survenue de ces hypocalcémies ; corrigées, elles ne récidivent pas ;

– les hypocalcémies tardives, découvertes entre le troisième jour et les premières semaines postnatales, sont le plus souvent symptomatiques et bruyantes : convulsions, insuffisance cardiaque ; on distingue classiquement les hypoparathyroïdies transitoires, les formes chroniques d’atteinte parathyroïdienne (syndrome de Di George) et le rachitisme maternofoetal ; le bilan biologique de la mère et du nouveau-né est indispensable pour impliquer une anomalie vitaminique anténatale.

* Hypocalcémie néonatale secondaire à une hyperparathyroïdie maternelle :

L’hyperparathyroïdie maternelle n’entraîne aucune perturbation obstétricale ou foetale dans 50 % des cas, mais un taux très élevé de mort in utero (11 %), de décès en période néonatale (18 %) ou de prématurité lui est attribué.

L’hypercalcémie chez la mère est inconstante ; seul le dosage de la PTH intacte affirme l’anomalie maternelle.

L’hypocalcémie néonatale est attribuée à la freination des glandes parathyroïdes foetales sous l’influence de l’hyperparathyroïdie maternelle.

Le pronostic de ces hypoparathyroïdies secondaires est excellent, en dépit de la sévérité initiale du tableau et de la durée de la symptomatologie neurologique.

Ces hyperparathyroïdies chez l’adulte sont liées quasi exclusivement à des adénomes parathyroïdiens.

Leur traitement se résume souvent à une surveillance clinique et biologique, mais la connaissance de la pathologie maternelle permet de contrôler plus étroitement une grossesse et surtout de ne pas attendre chez le nouveau-né une hypocalcémie symptomatique.

* Hypocalcémie néonatale par carence en vitamine D :

La pauvreté du pool vitaminique D foetal, tributaire des réserves maternelles, est responsable de cette hypocalcémie.

Les taux de 25(OH)D des mères et des nouveau-nés sont abaissés.

Les calcémies, normales à la naissance, chutent rapidement vers le cinquième jour : à j5, elles sont positivement corrélées avec les taux de 25(OH)D.

La prévalence de l’hypocalcémie par carence en vitamine D maternelle est difficile à évaluer, mais il s’agit certainement de la première cause d’hypocalcémie néonatale tardive.

Plusieurs facteurs exposent au risque de carence en vitamine D des femmes enceintes :

– en France, la situation géographique à une latitude élevée et les conditions climatiques ne favorisent pas une irradiation solaire suffisante ; ceci explique la fréquence particulière des hypocalcémies en hiver et au printemps ; l’origine ethnique ne semble pas un facteur déterminant ;

– l’absence de supplémentation en vitamine D des femmes enceintes et l’alimentation pauvre et non enrichie en vitamine D.

* Pathologie du squelette des mères traitées par antiépileptiques :

Si des altérations de la voûte crânienne, de la face et des membres ont été décrites chez les enfants nés de mères recevant un traitement antiépileptique, le rachitisme néonatal est exceptionnel.

De plus, en dehors de quelques observations d’hypocalcémie néonatale chez ces enfants, la maladie épileptique et/ou son traitement ont des répercussions mal connues sur le métabolisme phosphocalcique et sur la minéralisation osseuse de la mère et de son enfant.

Sur la base des observations faites en période néonatale, on peut proposer l’hypothèse que les traitements antiépileptiques chez la mère puissent diminuer l’absorption intestinale de calcium conduisant à une « carence calcique » responsable d’un retard à l’acquisition de la masse osseuse du foetus.

Cette hypothèse n’a actuellement pas été confirmée par des investigations biologiques et cliniques.

De plus, l’épilepsie pourrait augmenter le risque de survenue d’une carence en vitamine D compte tenu des effets hépatiques des traitements antiépileptiques.

Compte tenu de ces données, on peut proposer une supplémentation systématique en vitamine D à ces patientes.

* Prévention des anomalies phosphocalciques :

La supplémentation maternelle en vitamine D contribue à corriger ces anomalies.

L’objectif du traitement préventif maternel est d’éviter la chute de 25(OH)D au troisième trimestre des grossesses en période hivernale : les taux de 25(OH)D maternel et foetal sont plus élevés qu’en l’absence de traitement et la baisse de la calcémie en période néonatale est moins importante ; les taux de calcium et de PTH chez la mère et l’enfant au moment de la naissance ne sont pas différents du groupe non supplémenté.

Divers protocoles de supplémentation sont proposés : soit un apport quotidien de vitamine D (1 000 U/j) à partir du sixième ou du septième mois de la grossesse, soit une dose unique variant selon les équipes (100 000 à 200 000 UI).

Les résultats de ces différents travaux confirment :

– la correction des taux bas maternels et néonataux de 25(OH)D, ainsi que des concentrations sériques en calcium plus élevées chez les patientes traitées ;

– dans les séries de grande taille, l’incidence réduite des hypocalcémies néonatales après traitement maternel ;

– l’absence d’effet adverse maternel ou néonatal ;

– l’efficacité identique des différents protocoles.

Au total, ces données conduisent à préférer, pour une observance thérapeutique parfaite, l’administration d’une dose unique de 100 000 UI au sixième ou septième mois des grossesses en période hivernale et au printemps.

Les protocoles proposés sont simples et efficaces ; ils sont dépourvus de toxicité, même appliqués à des femmes non carencées.

11- Interruption sélective de grossesse (ISG) :

Cette technique peut être envisagée dans deux situations :

– en cas de grossesse multiple avec un foetus malformé ;

– dans les grossesses multiples (2) ; les morbidités maternelle et foetale sont élevées avec un taux de prématurité supérieur à partir de trois.

En cas de grossesse multiple (³ 3), le taux d’accouchements prématurés et le terme moyen justifient la proposition d’une ISG sur le plan médical.

En cas de grossesse triple, le bénéfice de l’interruption sélective a longtemps été discuté jusqu’à la publication de l’étude de Yaro et al en 1999.

Les conclusions sont les suivantes : le taux de fausses couches est de 6,2 % versus 25 % sans ISG, le terme moyen de naissance est de 35,6 SA versus 32,9 SA et le poids moyen de 2 254g versus 1 636g sans ISG.

Les techniques sont différentes :

– dans la première situation, on peut réaliser des techniques identiques à celles utilisées en cas de foetus acardiaque si la grossesse est monochoriale (clip ou ligature du cordon, mise en place de colle ou de système d’obstruction vasculaire) ; lorsque la grossesse est bichoriale, la technique consiste à injecter sous contrôle échographique dans le sang du foetus, par voie intrafuniculaire ou intracardiaque, du chlorure de potassium après injection d’un produit anesthésique type fentanyl ;

– en cas de grossesse multiple, la technique d’ISG consiste à injecter sous contrôle échographique du chlorure de potassium par voie intracardiaque à 10-11 SA par voie transabdominale ; les autres techniques consistant en une aspiration sélective des cavités ovulaires par voie vaginale où les injections par voie vaginale sont responsables d’un taux de fausses couches légèrement plus important.

Le taux moyen de pertes foetales est de 11,7 % : il varie en fonction du nombre initial d’embryons et du nombre d’embryons restants. Le taux moyen de prématuré (de 25 à 28 SA) est de 4,5 %.

B - SITUATIONS DANS LESQUELLES UNE THÉRAPEUTIQUE CURATIVE EST PRATIQUÉE :

1- Arythmies :

Les techniques d’investigations ultrasonores performantes ont transformé le diagnostic anténatal des cardiopathies congénitales et ouvert la voie au traitement in utero des troubles du rythme.

Le diagnostic d’arythmie foetale peut être décelé par auscultation systématique ou par échocardiographie de routine, dans le cadre de la surveillance prénatale.

Parfois, c’est au cours du bilan d’une défaillance cardiaque foetale ou d’une anasarque qu’est porté le diagnostic.

Le type d’arythmie et son retentissement peuvent être analysés par échographie mode-M et doppler.

La fréquence des principaux troubles du rythme est diversement appréciée.

Les extrasystoles isolées, auriculaires et ventriculaires, sont les arythmies les plus habituelles (de 70 à 75 %).

Elles ne mettent pas en danger la vie du foetus (mortalité inférieure à 1 %) ; elles doivent seulement faire éliminer une pathologie organique, malformative ou tumorale.

La surveillance doit être régulière car une arythmie soutenue peut être déclenchée par une extrasystole.

Les bradyarythmies (de 8 à 13 %) dont les fréquences sont inférieures à 60/min sont à haut risque pour la survenue d’une défaillance cardiaque ou le déclenchement d’un trouble du rythme ventriculaire.

Il faut rechercher d’une part une cardiopathie congénitale (de 40 à 60 %) et d’autre part une collagénose maternelle qui impliquerait une thérapeutique spécifique.

Les tachyarythmies (de 12 à 16 %) ont une incidence estimée à environ 1/10 000.

La plupart ont une origine supraventriculaire, la plus fréquente étant la tachycardie supraventriculaire par rythme réciproque ; peuvent également survenir un flutter, une fibrillation auriculaire ou une tachycardie atriale chaotique.

Parmi les causes possibles figurent les cardiomyopathies, les tumeurs cardiaques, l’instabilité fonctionnelle auriculaire, les cardiopathies congénitales (de 5 à 10%) et les myocardites virales (cytomégalovirus ou coxsackie B). Une insuffisance cardiaque responsable d’une anasarque est fréquente (de 50 à 85 %).

C’est dans ce domaine que les possibilités de traitement in utero se sont développées.

La prise en charge maternofoetale des tachycardies foetales doit être réalisée dans les centres ayant l’expérience du diagnostic prénatal, avec l’étroite collaboration des cardiopédiatres, des cardiologues d’adultes, des pédiatres néonatologues et des obstétriciens.

* Analyse rythmologique et échographique :

En l’absence d’électrocardiogramme foetal, méthode en cours de développement, le diagnostic et la surveillance reposent sur l’échocardiographie.

L’échocardiographie foetale permet d’étudier la morphologie cardiaque et le mécanisme de la tachycardie supraventriculaire par l’analyse en mode-M et en doppler.

L’échographie s’impose également pour l’évaluation de la tolérance hémodynamique et la surveillance du traitement.

Le monitoring obstétrical du rythme cardiaque foetal permet de différencier les formes intermittentes et permanentes (fréquence cardiaque supérieure à 200 battements/min pendant plus de 30 minutes).

* Médicaments antiarythmiques :

Le médicament à utiliser doit répondre à certaines caractéristiques :

– pharmacocinétique favorable à un bon passage transplacentaire et taux sérique stable ;

– accumulation myocardique spécifique ;

– activité antiarythmique connue, cardiosélective, sans effet sympathique intrinsèque.

Les principaux médicaments antiarythmiques les plus employés sont les suivants.

+ Digoxine :

L’activité antiarythmique de la digoxine est liée au fait qu’elle ralentit la conduction nodale (allongement de l’espace PR) et prolonge la période réfractaire.

Aux doses élevées, elle ralentit également la conduction dans le faisceau de His-Purkinje avec un risque de trouble du rythme ventriculaire.

Par ailleurs, son activité inotrope positive est particulièrement intéressante en cas d’insuffisance cardiaque consécutive à l’arythmie.

Le passage transplacentaire est important, de l’ordre de 60 à 100 %, mais il est nettement diminué en cas d’anasarque (< 30 %).

La voie intraveineuse semble préférable car elle permet d’obtenir des taux thérapeutiques efficaces plus rapidement ; la posologie est variable selon les différentes études, néanmoins les meilleurs résultats sont obtenus après utilisation de fortes doses (1 à 2 mg par voie intraveineuse), sans effet adverse maternel.

Il paraît nécessaire d’obtenir une digoxinémie d’au moins 1 ng/mL.

Les signes de surdosage chez la mère doivent être connus : troubles digestifs, céphalées, vertiges, coloration en jaune de la vision et surtout troubles de la conduction et de l’excitabilité.

L’analyse de l’efficacité de la digoxine est difficile pour plusieurs raisons :

– les récepteurs foetaux sont moins sensibles à la digoxine et cela justifierait parfois des doses plus élevées que celles tolérées par la mère ;

– la présence de substances digoxine-like, de nature inconnue et indépendante d’un traitement par digoxine, perturbe la surveillance thérapeutique ; leur dosage maternel est un préalable nécessaire au traitement.

+ Amiodarone :

L’amiodarone est un antiarythmique de classe III qui allonge la durée du potentiel d’action, principalement par allongement de la phase de repolarisation.

Dans les cellulles, elle bloquerait les canaux sodiques lents ; il en résulte un allongement de l’espace QT et de la durée de PR qui la rend particulièrernent efficace dans les tachycardies jonctionnelles et les flutters.

Cette molécule possède une action inotrope négative et provoque une vasodilatation coronaire.

Le passage placentaire de l’amiodarone maternelle est médiocre, de l’ordre de 10 à 25 % ; la durée d’élimination est longue (demi-vie de 25 à 110 jours) avec un métabolite actif (N-déséthylamiodarone).

Il existe des interférences cinétiques entre l’amiodarone et la digoxine (responsable d’une élévation importante des digoxinémies maternelles), la procaïnamide et la quinidine.

Elle est utilisée le plus souvent en association avec la digoxine, à des doses initiales de 800 à 1 600 mg/j.

Ses effets adverses maternels (nausées, vomissements, bloc auriculoventriculaire) et foetaux (hypothyroïdie consécutive à la surcharge iodée) doivent rendre son utilisation très prudente.

+ Procaïnamide et quinidine :

Ce sont des antiarythmiques de la classe I qui dépriment le courant sodique ; leur action électrophysiologique se traduit par un allongement de la période réfractaire ainsi que du complexe QRS et de l’espace QT ; ils bloquent la voie de conduction rétrograde.

Leurs effets hémodynamiques sont particulièrement nets à fortes doses.

Ils sont doués d’un effet inotrope négatif et peuvent être responsables de troubles de la conduction.

Le passage transplacentaire de la procaïnamide est d’environ 25 %.

Il existe un risque d’accumulation foetale.

La posologie usuelle est de 6 mg/kg/4 h, permettant d’obtenir un taux thérapeutique de 4 à 14 ng/mL. Les risques d’hypotension maternelle et d’arythmie ventriculaire doivent être pris en compte.

+ Bêtabloquant :

Le propranolol possède des effets électrophysiologiques proches de ceux de la digoxine : il diminue la durée du potentiel d’action, augmente la période réfractaire auriculoventriculaire et déprime l’automaticité du réseau de Purkinje.

Son passage transplacentaire est d’environ 25 %. Les risques d’effets adverses anté- et périnataux (hypoglycémie, instabilité tensionnelle, retard de croissance) en limitent les indications.

Il est administré par voie orale à la mère, à la dose de 100 à 800 mg/j, pour obtenir un taux sérique de 20 à 100 ng/mL.

L’association avec le vérapamil est à éviter. Le sotalol possède une originalité par rapport aux autres bêtabloquants, puisqu’il allonge la durée du potentiel d’action des cellules du réseau de Purkinje (allongement de QT) ; sa cardiosélectivité b1 en limite les effets secondaires. Son passage transplacentaire est d’environ 45 %.

Il est utilisé per os à des doses variant de 160 à 320 mg/j.

+ Vérapamil :

Il s’agit d’un inhibiteur calcique dont l’action électrophysiologique se traduit par un allongement des espaces PR et auriculohissien, et par une prolongation des périodes réfractaires.

Une action vasodilatatrice coronaire et un effet cardiodépresseur marqué sont également décrits.

Il possède un métabolite actif, le norvérapamil.

De nombreux succès ont été rapportés dans les tachyarythmies foetales (TAF), même avec anasarque, en association avec la digoxine, à la posologie de 80 à 120 mg toutes les 6 à 8 heures ; le taux thérapeutique maternel est d’environ 50 à 100 ng/mL.

Il est souvent utilisé en association avec la digoxine, dont il augmente le taux sérique ; l’association avec le propranolol doit être évitée car les deux ont un effet dépresseur myocardique.

Son effet inotrope négatif doit faire proscrire la voie intraveineuse ou l’injection intravasculaire foetale.

L’association avec le propranolol est à proscrire.

+ Flécaïnide :

Le flécaïnide est un antiarythmique de la classe Ic qui ralentit la conduction et prolonge le QRS ; la conduction est également allongée dans les faisceaux accessoires.

Le flécaïnide possède un effet inotrope négatif et proarythmique, qui semble en fait limité (< 1 %) si la posologie reste inférieure à 200 mg/m2/j et si les doses sont augmentées progressivement.

Son efficacité sur les tachycardies supraventriculaires est très bonne (de 75 à 100 %).

En revanche, son utilisation en cas de flutter doit être très prudente en raison de risques de ralentissement et de passage en tachycardie ventriculaire ; ces recommandations sont également applicables en cas d’anomalie structurale cardiaque.

L’absorption digestive est presque complète.

Le médicament est fortement métabolisé.

La diffusion placentaire et foetale est satisfaisante (de 70 à 83 %) ; le médicament s’accumule dans le liquide amniotique.

Les métabolites n’ont pas d’effet antiarythmique.

La dose utilisée varie de 100 à 300 mg en deux prises par voie orale.

* Stratégies thérapeutiques :

Depuis le premier succès de traitement in utero par digoxine, presque toutes les drogues antiarythmiques connues ont été essayées, seules ou le plus souvent associées à la digoxine.

L’objectif est d’éviter la survenue d’une anasarque foetale, d’une mort in utero ou d’une naissance prématurée avec défaillance cardiaque.

Mais l’histoire naturelle ou l’évolution sous traitement reste problématique, une régression spontanée pouvant être observée, même chez des foetus en anasarque, et des accès intermittents de tachycardie foetale pouvant aboutir à une décompensation.

De plus, tous les médicaments antiarythmiques utilisés ont entraîné des complications maternelles ou foetales.

+ Décision de traitement :

Ainsi, la décision de mise en route d’un traitement médicamenteux doit être bien pesée et prendre en compte l’âge gestationnel, le type de tachycardie et la tolérance hémodynamique.

La stratégie thérapeutique habituelle est de traiter tous les foetus avec tachycardie intermittente ou permanente, avec ou sans défaillance cardiaque, lorsque la tachycardie foetale survient à un terme exposant à la prématurité.

D’autres protocoles en cours d’étude ne proposent l’intervention thérapeutique qu’en cas de défaillance cardiaque.

À partir de 35 semaines, la tolérance du traitement antiarythmique est bonne, mais la survenue d’une anasarque peut conduire à envisager le déclenchement de l’accouchement.

Deux principes thérapeutiques, non exclusifs, se dégagent des données de la littérature : le traitement par voie transplacentaire, le plus habituel, et la thérapeutique foetale directe, qui reste exceptionnelle.

– Traitement de première intention

Le choix du premier médicament antiarythmique est un compromis entre le risque iatrogène, pour la mère et le foetus, et l’efficacité thérapeutique.

La digoxine est le médicament le plus employé, mais avec des réponses au traitement à des posologies et à des taux sériques variables.

Les données de pharmacocinétique maternelle et foetale font préférer la voie intraveineuse et les fortes doses pour obtenir un bon passage transplacentaire, surtout en cas d’anasarque.

La digoxine est le traitement de la phase initiale.

L’administration maternelle intraveineuse semble préférable (1 mg/12 heures le premier jour, puis 0,5 mg/12 heures).

Ensuite, il est nécessaire d’ajuster la dose en fonction du taux résiduel de digoxine (< 3 ng/mL) et de l’électrocardiogramme maternel.

L’efficacité du traitement doit être rapide.

En cas d’échec après 5 jours, la prise en charge thérapeutique doit être modifiée.

La réduction du trouble du rythme est obtenue dans 40 % des cas.

La réponse thérapeutique est déterminante pour la phase d’entretien.

Le contrôle du trouble du rythme foetal permet d’envisager de passer au traitement oral maternel.

Le traitement doit être poursuivi jusqu’à l’accouchement.

La persistance d’accès intermittents ou permanents, ou la survenue d’une défaillance cardiaque, imposent une association médicamenteuse.

– Traitement de deuxième intention par association médicamenteuse

L’association d’un second antiarythmique permet une normalisation dans 80 % des cas.

L’amiodarone a été fréquemment utilisée en France, mais son utilisation est plus limitée aux États-Unis en raison de sa toxicité thyroïdienne.

Les complications suivantes peuvent survenir : 21 % de retard de croissance intra-utérin, 12 % de prématurité, 9 % d’hypothyroïdie, 9 % d’allongement de QT persistant en période néonatale et 3 % de décès in utero ; dans 53 %, aucune complication n’est rapportée.

Dans les neuf observations de traitement par amiodarone (200 mg/j per os) pour indication maternelle décrites par Matsumura et al, une seule est compliquée d’hypothyroïdie néonatale.

Plusieurs auteurs soulignent qu’il est préférable de restreindre les indications de l’amiodarone aux formes les plus sévères résistant aux autres traitements ou s’accompagnant de décompensation oedématoascitique importante avec risque de mort foetale.

Par ailleurs, le traitement ne doit pas être prolongé audelà de 6 semaines et avec si possible des posologies basses (de 200 à 400 mg/j).

À l’heure actuelle, la mise à disposition du flécaïnide a modifié l’abord thérapeutique.

Ce médicament est utilisé en deuxième intention après échec de la digoxine ou d’emblée en première intention.

Les séries publiées rapportent un taux de succès élevé, le plus souvent rapide (travail inférieur à 48 heures) ; néanmoins, les données pharmacologiques et toxiques sont encore insuffisantes pour justifier d’un traitement en première ligne.

Ce médicament est recommandé en association à la digoxine après échec de celle-ci.

On prescrit une dose de charge de 150 mg répartie en deux prises, puis on augmente si nécessaire par paliers de 50 mg jusqu’à 300 mg/j au maximum, sous couvert d’une surveillance régulière des taux sériques maternels, d’un électrocardiogramme quotidien au début du traitement et d’une échocardiographie maternelle après quelques jours de traitement.

Le traitement par digoxine est maintenu pour utiliser son effet inotrope et limiter les effets proarythmiques auriculaires du flécaïnide.

Les doses de digoxine sont réduites et ajustées en fonction des taux résiduels maternels.

Le rapport sérique foetus/mère varie de 0,55 à 0,83 (détermination par ponction de sang foetal ou le plus souvent en postnatal immédiat).

L’utilisation prolongée du flécaïnide (indication maternelle) est bien tolérée par le foetus ; le passage dans le lait de femme est démontré.

L’encaïnide a pu être utilisé avec un succès partiel dans un cas de tachycardie supraventriculaire résistant à la digoxine seule.

En cas d’efficacité de l’association thérapeutique, le taux de récidive à l’arrêt du flécaïnide reste important et, même si ces rechutes répondent favorablement à la reprise du traitement, il semble préférable de poursuivre l’association.

Les observations de traitement in utero par procaïnamide ou quinidine sont en nombre réduit.

Des effets secondaires maternels liés à un métabolite actif de la quinidine ont été décrits, alors que le taux sérique maternel était dans la zone thérapeutique.

L’arrivée des nouveaux agents antiarythmiques a limité les indications de ces drogues.

L’association digoxine-propranolol est décevante.

Le sotalol donne de meilleurs résultats, sans complication, ni foetale, ni néonatale.

L’emploi des bêtabloquants reste très limité.

Il est toujours associé à la digoxine et employé après échec de celle-ci dans des cas d’anasarque importante, avec une bonne efficacité ; le contrôle du trouble du rythme est cependant plus long à obtenir.

Deux cas de toxicité foetale viennent tempérer ces bons résultats : un cas d’asystolie secondaire à une injection intravasculaire foetale ; un décès in utero, après retour en rythme sinusal et disparition de l’anasarque, probablement lié à un trouble de conduction secondaire à l’association digoxine-vérapamil administrée à la mère.

– Traitements par abord direct du foetus

Le transfert transplacentaire passif de la digoxine ou des autres antiarythmiques est réduit en cas d’anasarque, du fait de la forte pression hydrostatique intravasculaire, de l’oedème placentaire et de l’accroissement de l’espace de diffusion.

Le traitement par abord direct du foetus offre dans ces cas une approche thérapeutique intéressante.

Dans la série de Hansmann et al, 13 foetus en anasarque sévère malgré le traitement transplacentaire par digoxine reçoivent une association de digoxine, de vérapamil et d’amiodarone en injection intravasculaire dans la veine ombilicale.

La ponction de sang foetal initiale confirme une digoxinémie foetale basse, alors que le contrôle effectué après résolution de l’anasarque montre un passage placentaire plus important.

D’autres cas documentent l’intérêt de la ponction de sang foetal dans l’évaluation et le traitement des tachycardies supraventriculaires ne répondant pas au traitement transplacentaire.

Plusieurs types d’abord foetal sont décrits (injections intrapéritonéales, intramusculaires, intravasculaires), ainsi que l’utilisation de drogues variées.

Le principal intérêt est de permettre une correction du trouble du rythme et du syndrome oedématoascitique qui assure une meilleure efficacité du traitement transplacentaire ; l’indication de ce type de traitement doit être réservée aux foetus à haut risque de mort in utero et doit prendre en compte le caractère douloureux et le risque de lésion organique lié à la répétition des ponctions foetales.

Ce traitement ne peut être recommandé en routine.

+ Surveillance et poursuite du traitement :

Quel que soit le traitement employé, il faut toujours après guérison instaurer une surveillance jusqu’au terme et après la naissance ; le traitement antiarythmique est le plus souvent poursuivi après la naissance avec le médicament qui s’est montré le plus efficace.

Suite

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