Thérapeutique foetale
(Suite) Cours de
Gynécologie
Obstétrique
2- Pathologie pulmonaire
:
* Hydrothorax :
Les hydrothorax constituent une pathologie anténatale rare mais de
diagnostic facile.
En dépit du volume parfois très important, l’indication chirurgicale
(drainage) est exceptionnelle.
Elle permet plutôt d’améliorer la prise
en charge néonatale.
La fréquence varie de trois à dix pour
10 000 naissances.
Lorsqu’il existe un hydrothorax, quelle qu’en soit l’origine, il peut
être responsable d’une hypoplasie pulmonaire et notamment
lorsqu’il débute avant 24 SA.
Il peut exister également une
anasarque associée à un hydramnios pouvant être responsable de
mort in utero ou d’accouchements prématurés.
De plus, l’hypoplasie
pulmonaire associée à la compression pulmonaire peut gêner une
ventilation pulmonaire postnatale.
L’intérêt d’un drainage anténatal
est de réduire la fréquence des hypoplasies pulmonaires, de réduire
le risque d’anasarques secondaires à une gêne du retour veineux
cardiaque et également l’intensité de l’hydramnios, responsable
d’accouchements prématurés, et enfin il permet une réexpansion
pulmonaire anténatale, facilitant ainsi la ventilation pulmonaire
postnatale.
Plusieurs possibilités thérapeutiques sont envisageables :
– la ponction évacuatrice sous contrôle échoguidé à l’aide d’une
aiguille de 20 à 22 G ;
– la mise en place d’un drain thoracoamniotique ;
– la prescription d’indométacine afin de réduire le volume de
l’hydramnios.
Les principales indications sont les suivantes.
La ponction évacuatrice est indiquée lorsque le volume de
l’épanchement pleural augmente, lorsqu’il est bilatéral ou lorsqu’il
existe une anasarque et si le terme est supérieur à 35 SA.
Une
nouvelle ponction per partum pourrait être envisagée afin de
faciliter la ventilation pulmonaire postnatale.
Dans certaines situations apparemment stables peuvent survenir des
altérations du rythme cardiaque foetal, témoignant d’une anomalie
du fonctionnement cardiaque ; dans ce cas, une ponction évacuatrice
réalisée en urgence est indiquée.
Le drainage à l’aide d’un shunt thoracoamniotique est envisagé
lorsque cette même symptomatologie apparaît avant 25 SA et
lorsqu’elle est bilatérale, associée à une anasarque.
En cas d’hydramnios, on peut réduire en urgence le volume
amniotique, soit par une ponction évacuatrice du liquide
amniotique, soit en associant de l’indométacine.
Les contres-indications sont l’existence d’autres anomalies
morphologiques ou chromosomiques.
Les principales complications peuvent être la survenue d’une
infection amniotique, d’une rupture prématurée des membranes,
d’un traumatisme foetal, voire exceptionnellement d’une mort in
utero.
Les séries publiées sont relativement courtes, inférieures à dix
observations.
En cas de ponction évacuatrice, l’épanchement
réapparaît rapidement.
Certaines équipes ont réalisé des ponctions itératives, jusqu’à cinq.
La survie globale après drainage est de 58 % ; cette valeur n’est pas
significativement différente de la fréquence des survies en l’absence
de traitement.
En cas de drainage pleuroamniotique, la survie
globale est de 75 % ; ce chiffre est nettement significatif, et ce
d’autant que les drains étaient mis en place essentiellement lorsqu’il
existait une pathologie sévère, c’est-à-dire comportant une anasarque
associée à une pathologie bilatérale survenant précocement au cours
de la grossesse (la ponction évacuatrice permet également un
diagnostic étiologique).
* Séquestration pulmonaire :
C’est une malformation qui comporte une individualisation du
parenchyme pulmonaire séparée du parenchyme normal et
présentant le plus souvent une vascularisation différente de la vascularisation bronchique habituelle.
Cette pathologie est
responsable d’hydrothorax ; elle peut être associée à une fistule oesotrachéale, à une duplication oesophagienne, à un diverticule
oesophagien et à des kystes bronchogéniques.
C’est une pathologie
rare.
Dans les formes simples, le principal problème est lié à
l’hydrothorax responsable d’une hypoplasie pulmonaire.
Réduire
l’hydrothorax, c’est réduire le risque d’hypoplasie pulmonaire.
On dispose donc de deux principaux moyens thérapeutiques : la
ponction de liquide pleural et la mise en place d’un drain permanent thoracoamniotique.
La ponction isolée peut s’envisager lorsque l’on est à proximité du
terme et lorsque l’hydrothorax est volumineux, pouvant gêner une
ventilation pulmonaire postnatale.
La mise en place d’un drain peut
s’envisager lorsque l’hydrothorax est volumineux, lorsqu’il est
évolutif et lorsqu’il survient avant 32 SA.
Les contre-indications sont bien entendu l’existence d’anomalies
chromosomiques et l’existence de malformations létales.
Peu d’observations ont été publiées ; Kitano et al rapportent
41 observations de séquestration pulmonaire, avec dans 28 cas une
régression totale et, dans les 13 cas restants, deux interruptions
médicales de grossesse, sept résections chirurgicales postnatales, un
foetus avec anasarque décédé, trois foetus avec hydrothorax et
anasarque traités in utero par drainage.
* Malformations adénomatoïdes du poumon
:
Elles correspondent à une tumeur bénigne kystique du poumon, le
plus souvent localisée à un lobe.
Sur le plan histologique, il s’agit
d’une prolifération des bronchioles terminales qui forment des
kystes de taille variable et dont les alvéoles sont anormales.
Il existe
plusieurs types macroscopiques, histologiques et échographiques,
classés en trois catégories selon la classification de Stocker.
Dans le
type III, l’aspect échographique est celui d’une tumeur échogène et
dense correspondant sur le plan histologique à de très nombreux
kystes de 2 à 5mm.
Cette variété est rarement associée à d’autres
malformations (agénésie rénale, hernie diaphragmatique, atrésie
intestinale).
Cependant, le pronostic est sombre en raison de
l’évolution compressive sur les organes intrathoraciques (poumon,
système cardiovasculaire et oesophage).
Les formes kystiques isolées ont un meilleur pronostic ; leur mode
évolutif est plus progressif.
Cette maladie est exceptionnelle : moins de 200 cas ont été publiés
jusqu’à maintenant.
On dispose de trois principaux moyens thérapeutiques : les
ponctions évacuatrices, la mise de place de drains thoracoamniotiques
dans le type I et la résection chirurgicale (chirurgie in
utero) ou destruction par laser Nd:Yag dans le type III.
Les ponctions ou les drainages sont proposés lorsqu’il existe des
kystes volumineux, c’est-à-dire de type I, avec anasarque, à un terme
inférieur à 32 SA.
Dans les type III, l’évolution spontanée comporte la survenue d’une
anasarque dans 38 % des cas.
En cas de survenue d’une anasarque,
le pronostic est très sombre, même en cas de chirurgie in utero (38 %
de mortalité in utero).
Par ailleurs, dans 15 % des cas ces anomalies
régressent et dans 7 % des cas le diagnostic est erroné : il s’agit en
réalité d’une séquestration pulmonaire.
Les indications raisonnables sont la survenue d’une anasarque avant
32 SA.
Dans ce cas, la technique chirurgicale consiste à réaliser une
lobectomie par hystérotomie.
La destruction hyperthermique au laser pourrait être une alternative
intéressante ; la première observation publiée s’est soldée par le
décès du foetus 3 jours après le traitement.
* Hernie diaphragmatique
:
Les hernies diaphragmatiques sont une pathologie postnatale de très
mauvais pronostic.
Le dépistage anténatal a cependant permis de
réduire la mortalité liée à cette malformation du fait d’une prise en
charge immédiate en période néonatale et en raison de l’utilisation
de technique de ventilation à haute fréquence.
La fréquence varie de 1 pour 2 500 à 1 pour 5 000.
Elle représente
8 % des malformations congénitales.
L’association à d’autres malformations ou anomalies chromosomiques,
retrouvée dans 35 à 40 % des cas, constitue l’élément
pronostique le plus important.
Le taux de survie varie de 25 % à 83 %.
Dans 45 % des cas, il existe un retard du développement.
En dehors de la pathologie pulmonaire peuvent survenir des
complications liées à la compression intrathoracique survenue
pendant la période foetale : anomalie fonctionnelle oesophagienne,
reflux gastro-oesophagien, déformation thoracique. Dans 5 à 22%
des cas peut survenir une récidive de la hernie.
La question posée est celle de l’intérêt d’une prise en charge
thérapeutique in utero.
Le bénéfice d’un traitement in utero versus
postnatal dépend du type anatomique.
Actuellement, trois
principaux éléments pronostiques ont été identifiés :
– le terme de diagnostic ; avant 25 SA, le pronostic est très mauvais ;
– le rapport poumon sur circonférence de la tête ; lorsque le
rapport est inférieur à 1, il n’existe pas de survie, lorsqu’il
est supérieur à 1,4, tous les foetus ont survécu et, entre ces deux
valeurs, le taux de survie est de 38 % ;
– la position du foie ; lorsque le foie est en position intrathoracique,
le pronostic est très mauvais.
Lorsque le pronostic est « bon », la chirurgie in utero n’améliore pas
la survie néonatale.
Lorsque le pronostic est mauvais
(rapport inférieur à 1, terme inférieur à 25 SA et hernie hépatique),
en l’absence d’intervention in utero, la survie est proche de 0 %.
Différentes interventions ont été proposées : réparation de la hernie
in utero après hystérotomie, puis, plus récemment, occlusion de la
trachée.
La réparation de la hernie in utero comporte trois temps :
– réintégration des viscères dans la cavité abdominale ;
– fermeture du diaphragme ;
– fermeture de la paroi abdominale.
La fermeture de la paroi abdominale nécessite l’application d’une
prothèse afin d’éviter une compression des organes intra-abdominaux.
Le principe de la technique d’occlusion est d’empêcher la circulation
des sécrétions pulmonaires ; ceci entraîne une dilatation progressive
du système bronchique et secondairement une expansion
pulmonaire à l’origine d’un refoulement des organes intrathoraciques.
Cependant, ces interventions réalisées in utero posent
essentiellement des problèmes de prématurité, en dehors de la
morbidité maternelle induite.
L’équipe de Harrison a réalisé l’occlusion trachéale sous endoscopie
en mettant en place un clip sur la trachée du foetus.
Le taux de
survie est de 75 % versus 15 % lorsque l’intervention est réalisée par
hystérotomie.
Les séries sont toujours très courtes, mais ceci peut donner un espoir
dans ces situations de très mauvais pronostic.
* Syndrome d’obstruction des voies aériennes supérieures
:
Dans certaines circonstances, le nouveau-né présente un obstacle sur
l’arbre respiratoire qui empêche l’intubation trachéale postnatale
rendue nécessaire du fait d’une détresse respiratoire aiguë.
Cette pathologie est tout à fait exceptionnelle.
Les étiologies peuvent
se diviser en anomalies intrinsèques des voies respiratoires
supérieures (syndrome « CHAOS » qui inclut atrésie du larynx et de
la trachée, et kyste laryngé) et anomalies extrinsèques des voies
respiratoires supérieures, représentées essentiellement par les
tératomes cervicaux et les lymphangiomes kystiques volumineux.
La technique Ex utero Intrapartum Treatment (Exit) envisagée
consiste à profiter de la persistance de la circulation funiculaire entre
la mère et le foetus pour réaliser soit une intubation transtrachéale,
soit une trachéotomie, le foetus restant en position intra-utérine tant
que le geste n’est pas terminé.
Un relâchement de l’utérus est donc
nécessaire.
Lorsque celle-ci est réalisée, le cordon peut être coupé.
Le plus souvent, cette technique est pratiquée au cours d’une
césarienne.
Actuellement, plus de dix interventions de cette nature ont été
réalisées.
La durée moyenne de l’intervention est de 28 minutes.
Huit enfants ont survécu et ont été opérés secondairement.
3- Hypothyroïdie et hyperthyroïdie maternelles :
4- Traitement d’un goitre foetal :
La découverte échographique d’un goitre chez un foetus est une
situation rare, dont plusieurs cas ont été rapportés, et qui amène à
poser les deux questions essentielles de son origine et de l’existence
ou non d’un dysfonctionnement thyroïdien risquant de perturber le
développement et la maturation cérébrale.
Sur le plan physiopathologique, la constitution d’un goitre foetal ou
néonatal est la conséquence d’une hyperactivation sur la glande
thyroïde de la TSH hypophysaire dont la synthèse et la libération
sont sous la dépendance de la TRH, en réponse à une insuffisance
thyroïdienne.
Plusieurs phénomènes favorisent une atteinte thyroïdienne foetale et
provoquent la formation d’un goitre :
– une surcharge iodée consécutive à la prise maternelle d’un
médicament contenant de l’iode ; l’utilisation d’amiodarone pour
traiter un trouble du rythme foetal peut entraîner une hypothyroïdie
néonatale ;
– un surdosage thérapeutique par des antithyroïdiens de synthèse
pour traiter une maladie de Basedow qui franchissent la barrière
placentaire ; de plus, des modifications hormonales apparues
pendant la grossesse peuvent créer un déséquilibre obligeant à
augmenter le traitement ;
– un mécanisme immunologique par le biais d’autoanticorps
maternels traversant la barrière placentaire pour atteindre la
thyroïde foetale ; les anticorps antithyroglobuline et antimicrosomiaux
sont dirigés contre des antigènes précis de la glande
thyroïde et ont une participation active dans la maladie de Basedow
et la thyroïdite d’Hashimoto ; d’autres, plus spécifiques, précisent le
mécanisme de l’atteinte thyroïdienne, tels que les anticorps
antirécepteurs de la TSH (thyrotropin-binding inhibitory Ig)
rencontrés également dans la maladie de Basedow, qui inhibent
l’action de la TSH sur l’adényl cyclase et empêchent la formation
d’adénosine monophosphorique cyclique ; d’autres enfin sont
associés à des thyroïdites auto-immunes transitoires durant la
grossesse, entraînant une atteinte foetale passagère ; il s’agirait d’un
phénomène immun naturel provoqué par des analogies antigéniques
entre le tissu placentaire ou foetal et la paroi thyroïdienne ;
– un exceptionnel trouble de l’hormonogenèse dont il existe
quelques formes familiales ;
– une carence profonde maternelle en iode dans certaines régions
d’endémie goitreuse.
Le diagnostic de goitre foetal se fait sur l’échographie qui montre
une masse bilobée, antérieure, symétrique, homogène et avasculaire
au doppler ; elle en précise les mensurations et permet également
de rechercher une altération de la fonction thyroïdienne sur la
réduction des mouvements actifs, un retard de maturation osseuse,
un ralentissement du rythme cardiaque foetal.
Le diagnostic d’hypothyroïdie foetale repose sur des dosages
hormonaux par :
– l’amniocentèse, dont l’intérêt réside surtout dans le dosage de la TSH amniotique qui donne une bonne évaluation de l’activité
thyroïdienne ; son élévation témoigne d’une hypothyroïdie ; la
triiodothyronine (T3) et la thyroxine (T4) sont mesurables, mais ne
reflètent pas, dans le liquide amniotique, la fonction
thyroïdienne ;
– la ponction de sang foetal, qui donne des précisions plus fiables
de l’atteinte thyroïdienne par l’effondrement de T3 et de T4.
L’existence d’une hypothyroïdie foetale est préjudiciable sur le plan
cérébral et fait courir un risque d’atteinte neurologique irréversible
sans un traitement substitutif précoce à la naissance.
C’est pourquoi
sa confirmation sur la présence d’un goitre à l’échographie et sur les
dosages hormonaux (surtout si ces données sont évolutives) justifie
pleinement l’institution d’un traitement hormonal anténatal ; celui-ci
a pour but de freiner la sécrétion de TSH et répond à plusieurs
objectifs :
– corriger l’hypothyroïdie pour prévenir un possible retard mental ;
la période au cours de laquelle le système nerveux central est
dépendant de l’activité de la glande thyroïde se situe dans les 2 mois
précédant le terme normal ; une insuffisance hormonale durant cette
période peut entraîner un ralentissement de la maturation cérébrale
par défaut de myélinisation et de développement des jonctions
neuronales ;
– améliorer les conditions d’accouchement en réduisant les risques
qu’entraînerait un excès de volume du goitre par la diminution de
l’hyperextension cervicale et par la réduction d’un excès de liquide
amniotique, souvent associé et secondaire à la compression
cervicale ;
– favoriser enfin de bonnes conditions de naissance en évitant une
obstruction des voies aériennes par le goitre, responsable d’une
détresse respiratoire.
Le faible passage transplacentaire des hormones thyroïdiennes et de
la TSH, sauf en fin de grossesse, exclut toute possibilité de traitement
hormonal maternel pour corriger l’hypothyroïdie foetale.
La seule
possibilité thérapeutique repose sur l’administration directe
d’hormones thyroïdiennes au foetus.
Les injections intramusculaires
ou intraveineuses sont délicates, nécessitent des injections répétées
et peuvent occasionner des blessures foetales.
L’injection intra-amniotique est nettement préférable ; elle est d’accès
facile et peut être renouvelée avec des intervalles plus longs.
La L-thyroxine est utilisée à partir de la 32e semaine de gestation ;
les besoins quotidiens en T4 pour un foetus hypothyroïdien sont
estimés à 50 mg par jour ; la thyroxine injectée est absorbée avec la
déglutition du liquide amniotique ; le pic plasmatique foetal décroît
au bout de 5 jours, ce qui nécessite une nouvelle injection tous les
10 jours.
Quelques complications hémorragiques et infectieuses
ont été rapportées ; elles restent exceptionnelles.
La première observation de goitre foetal ayant bénéficié d’un
traitement a été rapportée en 1980.
D’autres cas ont été
découverts au cours de la surveillance systématique d’une grossesse
chez des femmes présentant une maladie de Basedow traitée par
antithyroïdiens de synthèse, ayant subi l’ablation
d’un adénome thyroïdien sans traitement, présentant un taux
élevé d’anticorps antimicrosomiaux ou encore ayant une
surcharge iodée.
Pour d’autres, aucun antécédent ni aucune
preuve immunologique d’atteinte thyroïdienne n’ont pu être mis en
évidence.
Un traitement hormonal foetal a été proposé avec des doses de L-thyroxine allant de 200 à 600 mg.
Dans un cas, l’injection a été
renouvelée une fois ; pour un autre, elle l’a été deux fois.
Pour
un autre, elle a été répétée toutes les semaines pendant 4 semaines.
Au décours de ce traitement, on observait à la naissance une
disparition du goitre dans deux cas et une diminution de volume
dans trois cas.
Ce traitement a toujours eu pour effet une élévation
rapide de T4, puis une baisse significative de TSH.
Tous les
nouveau-nés traités in utero avaient une fonction thyroïdienne
normale ; deux ont reçu une hormonothérapie substitutive pendant
plusieurs semaines devant la persistance du goitre ou d’une TSH
encore élevée.
Or, celle-ci s’élève de façon physiologique dès les premières heures et se normalise en 3 jours ; ce pic serait consécutif
à la baisse rapide de la température à laquelle est exposé le
nouveau-né en milieu extra-utérin.
Tous ces enfants ont eu un
développement neurologique et psychomoteur normal.
Parmi les six cas de goitres non traités par L-thyroxine, l’un des
foetus est décédé ; quatre avaient une hypothyroïdie confirmée à la
naissance, nécessitant une hormonothérapie prolongée ; un autre
présentait in utero un goitre associé à une hyperthyroïdie, la mère
ayant des Thyroid-Stimulating Immunoglobulins -TSI) et des Thyroid
binding Inhibitory Immunoglobulins (TSII) ; l’hyperthyroïdie foetale a
été traitée par l’administration maternelle d’antithyroïdiens de
synthèse ; après la naissance, les antithyroïdiens puis la L-thyroxine
ont permis d’obtenir une guérison définitive.
La découverte d’un goitre chez un foetus impose de rechercher son
origine, une pathologie maternelle si celle-ci n’était pas connue, une
hypothyroïdie associée.
Elle implique une démarche logique et
justifie une hormonothérapie in utero, dont les conséquences sur la
maturation cérébrale et le pronostic intellectuel peuvent être
déterminantes.
Cette démarche comporte plusieurs étapes :
– la recherche de signes d’hypothyroïdie à l’échographie (fréquence
cardiaque, maturation osseuse, mobilité) ;
– la confirmation d’une hypothyroïdie biologique par le dosage de
la TSH amniotique, et de T3 et T4 dans le sang foetal ;
– l’injection intra-amniotique de L-thyroxine (ou la réduction des
antithyroïdiens de synthèse en cas de traitement d’une maladie de
Basedow) ;
– la surveillance échographique et biologique jusqu’à la naissance,
qui peut décider d’une adaptation thérapeutique.
Lorsque les explorations identifient une hyperthyroïdie foetale, la
prescription d’antithyroïdiens de synthèse peut être envisagée.
5- Hydrocéphalie
:
L’hydrocéphalie est une maladie congénitale grave, dont le pronostic
est difficile à établir in utero et pour laquelle les techniques de
dérivation postnatale donnent des résultats satisfaisants dans
certaines formes de la maladie.
Elle varie de 0,5 à 1,5 pour 1 000 naissances en France.
Un trouble de la circulation du liquide céphalorachidien dans le
cerveau est responsable d’une hyperpression intraventriculaire qui,
secondairement, entraîne une destruction de l’épendyme, un oedème
de la substance blanche, une gliose périventriculaire et une
démyélinisation.
Ces différents phénomènes sont responsables d’une
destruction cérébrale.
Dans certaines situations cliniques postnatales (méningite), une
dérivation ventriculopéritonéale permet de diminuer la pression
intraventriculaire et d’éviter l’apparition des lésions sus-décrites.
On
peut penser que réaliser un tel traitement in utero devrait pouvoir
améliorer le pronostic cérébral de ces enfants.
On dispose actuellement de deux moyens, la ponction et la mise en
place d’un drain ventriculoamniotique.
Les indications raisonnables pourraient être la
survenue d’une dilatation ventriculaire précoce importante et
évolutive.
Les contre-indications sont dans ce cas l’association
d’anomalies du tube neural (de 20 à 30 % des cas), d’une infection
virale et d’anomalies chromosomiques.
La plupart des équipes pratiquant des drainages in
utero concluent qu’il n’existe pas d’amélioration liée à un
traitement in utero.
La morbidité et la mortalité sont identiques.
De plus, on sous-estime dans ce cas la possibilité de
stabilisation, voire de régression spontanée in utero.
6- Myéloméningocèle :
La myélingocèle lombosacrée constitue une pathologie grave car
mettant en jeu le pronostic moteur et de la continence en fonction
de la localisation, et le pronostic cérébral en fonction de l’importance
de la ventriculomégalie en rapport avec une malformation d’Arnold-Chiari.
Le plus souvent, sa mise en évidence conduit à une IMG en
raison du pronostic fonctionnel. Le diagnostic est parfois tardif,
conduisant à une mise en cause de l’échographiste, notamment
lorsque la lésion est volumineuse.
En réalité, il est vraisemblable
que le liquide amniotique ait une toxicité pour le tube neural « mis
à nu » à l’origine d’une majoration progressive des lésions au cours
de la grossesse.
D’où le concept d’envisager une fermeture du spina
bifida la plus précoce possible, au cours de la grossesse, afin d’une
part de stopper l’évolution des lésions et d’autre part d’éviter un
engagement des amygdales cérébelleuses.
Après une phase expérimentale, deux équipes ont réalisé ce type de
réparation in utero.
L’étude de Bruner concerne 29 foetus dont la réparation chirurgicale
a été effectuée entre 24 et 30 semaines, et celle d’Adzick dix foetus
avec une réparation plus précoce, entre 22 et 25 SA.
Les techniques chirurgicales sont différentes dans les deux études,
mais se rapprochent de celles utilisées en postnatal.
S’il existe un consensus pour dire que la réparation in utero de la myéloméningocèle diminue le risque d’engagement des amygdales
cérébelleuses (38 % versus 95 %) et la nécessité d’un shunt de
dérivation pour l’hydrocéphalie en postnatal, il apparaît très
nettement, et de façon prévisible, une augmentation de la morbidité
maternofoetale avec accouchement prématuré (terme moyen
33,2 semaines), oligoamnios (48 % versus 4 % dans le groupe témoin), rupture
utérine et occlusion intestinale maternelle.
L’évaluation à long terme, en matière de
développement psychomoteur, marche, fonction vésicale et
intestinale, sera fondamentale pour juger du bénéfice fonctionnel de
ces techniques, en regard des risques maternels encourus, notamment
sur l’avenir obstétrical de ces femmes.
7- Uropathies :
Le diagnostic d’uropathie foetale est le plus souvent aisé par
échographie.
La fréquence des uropathies varie de 1 % à 1/500
lorsqu’on s’intéresse aux uropathies symptomatiques.
La plupart des uropathies ne posent pas de problèmes in utero, soit
parce qu’elles sont unilatérales, soit parce qu’elles sont modérées.
Toutefois, les formes modérées nécessitent un suivi postnatal par
échographie, voire cystographie rétrograde.
Les formes qui nous préoccupent in utero sont celles dans lesquelles
il existe un risque d’hypoplasie pulmonaire lié à l’oligoanamnios en
rapport avec une anurie.
Il s’agit d’anomalies sévères bilatérales
rénales ou des uropathies basses.
En cas de néphropathies bilatérales à l’origine d’un anamnios, il
n’existe pas de moyens thérapeutiques.
On peut envisager une IMG
après avoir vérifié qu’il ne s’agit pas d’une rupture des membranes,
que la vessie est vide et que les paramètres biologiques sanguins du
foetus confirment l’anurie.
En cas d’uropathie, plusieurs moyens thérapeutiques sont à notre
disposition, ponction-évacuation, shunt vésicoamniotique, chirurgie
in utero ou accouchement prématuré :
– l’abstention thérapeutique peut être proposée lorsqu’il existe une
pathologie stable ou unilatérale, ou avec une vessie normale, et une
biochimie normale ;
– l’accouchement prématuré est proposé à partir de 35 SA lorsque
l’anomalie est bilatérale et évolutive avec une fonction rénale
normale ;
– la mise en place d’un shunt vésicoamniotique est envisagée
lorsqu’il s’agit d’une uropathie basse, découverte avant 30 SA, avec
un anamnios, une mégavessie avec hydronéphrose bilatérale isolée
(pas d’autres anomalies morphologiques et caryotype normal) et une
fonction rénale améliorée par des ponctions vésicales répétées ;
– des interventions chirurgicales ont été décrites, dans le même
contexte, à utérus ouvert ou plutôt par foetoscopie ; il s’agit de
destruction au laser de valves de l’urètre sous cystoscopie foetale.
Après drainage vésicoamniotique, le taux de complications est de
44 %, correspondant à un drainage insuffisant ou une migration du
shunt dans 19 % des cas, à un accouchement prématuré dans 12 %
des cas, à une ascite urinaire dans 7 % des cas et à une
choriamniotite dans 5 % des cas.
L’Internationnal Foetal Registry rapporte, en 1986, 73 dérivations in
utero pratiquées entre la 17e et la 36e SA ; six de ces dérivations ont
été placées correctement dès la première tentative. Toutes les autres
ont nécessité entre deux et sept essais.
Trois décès et 13 avortements sont directement liés aux manoeuvres
in utero et 27 décès sont survenus après la délivrance, dans le cadre
d’une hypoplasie pulmonaire.
Au total, 30 enfants ont survécu.
Le faible taux de succès est en
rapport avec le caractère tardif de la dérivation : tardif sur le plan
rénal (les lésions rénales sont déjà irréversibles) et tardif sur le plan
pulmonaire, les lésions pulmonaires étant constituées très tôt dans
la grossesse.
Coplen et al, en 1996, ont colligé les cinq plus grandes séries de
drainage in utero.
Le taux de survie est de 47 %, avec des
complications directement en rapport avec le drainage dans 45 %
des cas.
Lorsque la quantité de volume amniotique n’était pas
augmentée par le drainage, le taux de mortalité était de 100 %.
Il semble qu’il existe un gain dans certaines situations bien définies.
L’analyse du devenir à long terme de ces enfants est cependant
nécessaire.
Les résultats de la chirurgie in utero sont également trop parcellaires
pour en tirer des implications pratiques : sept observations
conduisant à trois décès néonataux par hypoplasie pulmonaire ; une IMG devant la découverte d’une malformation urogénitale
complexe ; trois enfants ont survécu avec une fonction rénale
satisfaisante.
Si la place de la prise en charge thérapeutique anténatale n’est pas
claire, en revanche il est bien établi que le suivi postnatal de toute
anomalie des voies urinaires, même modérée (pyélectasie égale
à 15 mm), est nécessaire.
8- Kyste ovarien
:
Les kystes de l’ovaire sont suspectés in utero du fait de leur
localisation pelvienne et de l’identification d’un sexe féminin, d’un
appareil urinaire normal et d’un tractus gastro-intestinal normal.
La
conduite thérapeutique proposée dans la période postnatale, très
interventionniste, soulève la question de la conduite thérapeutique
anténatale.
Les kystes ovariens représentent 5 % des
tumeurs abdominales du nouveau-né de sexe féminin.
Dans 82 %
des cas, il s’agit de kystes fonctionnels (apparaissant au troisième
trimestre), dans 15 % des cas de tumeurs bénignes et dans 3 % des
cas de tumeurs malignes.
Les kystes de l’ovaire peuvent être responsables de compression
d’organes (reins, tube digestif, diaphragme), de torsion d’organes
(tube digestif, ovaires), de rupture ou d’hémorragie, et enfin de
dystocie.
L’aspect échographique est celui d’une image anéchogène arrondie
à parois fines ; lorsque le contenu change, devenant hétérogène, ceci
peut correspondre à une torsion ou à une hémorragie intrakystique.
Dans ce cas, l’ovaire est détruit. La plupart des
kystes ovariens observés en prénatal vont disparaître spontanément
dans les 6 mois qui suivent la naissance.
Cependant, en cas de chirurgie postnatale, une
ovariectomie est réalisée dans 90 % des cas.
L’attitude thérapeutique va dépendre du risque estimé
de torsion.
Il semble exister une certaine corrélation avec la
taille du kyste.
Ainsi, la ponction évacuatrice est envisagée lorsque
le kyste a un diamètre supérieur à 5 cm ou lorsqu’il augmente de
taille rapidement.
Les complications de ce geste sont rares.
Le taux de récidive après ponction est de 30 % et des
observations d’hémorragies survenues après ponction à ciel ouvert
ont été rapportées.
9- Allo-immunisation foetomaternelle :
10- Pathologie infectieuse maternofoetale :
Toxoplasmose, cytomégalovirus, parvovirus, listériose, syphilis,
mycoplasmes, paludisme, maladie de Lyme...
11- Tératome sacrococcygien :
Les tératomes sacrococcygiens sont des tumeurs rares (1/40 000
naissances d’enfants vivants), dérivant des trois feuillets
embryonnaires et siègeant à l’extrémité caudale de l’embryon.
Le sex-ratio est de trois filles pour un garçon.
Leur consistance est le plus souvent solide ou hétérogène, rarement
liquidienne pure.
Il s’agit le plus souvent d’une découverte fortuite, mais parfois la
révélation est faite à partir d’une complication obstétricale :
hydramnios, menace d’accouchement prématuré...
Selon l’extension tumorale, quatre types de tératomes sacrococcygiens sont décrits (classification de l’American Academy
of Paediatrics Surgical Section Survey).
Le pronostic de ces lésions est différent entre les séries de découverte
prénatale (de 40 à 60 % de mortalité, sans tenir compte des IMG) et
les séries de découverte postnatale (90 % de survie).
Les facteurs pronostiques tiennent compte :
– de l’existence d’anomalies associées ;
– du volume tumoral ;
– de la présence d’un hydramnios ;
– de la rapidité de croissance tumorale ;
– de l’existence de signes d’hémorragie intratumorale pouvant
conduire à une déglobulisation foetale, à des troubles de
l’hémostase ;
– de signes d’hypervascularisation tumorale pouvant être à l’origine
d’un effet shunt avec mauvaise tolérance hémodynamique foetale,
anasarque foetoplacentaire et défaillance cardiaque.
La surveillance échographique de ces foetus doit dépister les formes
graves et rechercher les anomalies associées.
Pour les formes de bon pronostic, stables sur le plan évolutif, la
majorité de ces enfants ont un bon pronostic après chirurgie
d’exérèse en période néonatale.
La plupart des auteurs préconisent
une césarienne si la lésion est importante et peut entraîner une
dystocie avec risque d’hémorragie tumorale et complications
néonatales.
Dans les formes graves, une IMG peut être discutée, mais le plus
souvent le décès foetal in utero survient rapidement.
Pour les cas intermédiaires, évolutifs, à un terme « raisonnable »
(32 SA), une corticothérapie prénatale est instaurée afin de limiter
les risques liés à la prématurité d’une extraction précoce et
obligatoire.
Les hydramnios peuvent être ponctionnés, avec une
surveillance rapprochée du rythme cardiaque foetal.
En cas d’anémie
foetale sévère, une extraction ou une transfusion in utero peut être
réalisée en fonction du terme.
En cas de terme très précoce avec une forme évolutive, certains ont
envisagé une résection tumorale in utero.
D’autres ont rapporté
une expérience de coagulation au laser in utero des vaisseaux
nourriciers de la tumeur, améliorant l’hémodynamique foetale.
Les séries sont très limitées et les résultats ne sont pas suffisamment
positifs pour inclure une chirurgie foetale dans la stratégie de prise
en charge des tératomes sacrococcygiens.
L’attitude actuelle est de limiter les gestes invasifs prénataux chez
ces foetus dont l’équilibre hémodynamique est précaire.
En revanche,
une ponction évacuatrice d’un tératome sacrococcygien à forte
composante kystique avant l’extraction peut améliorer la prise en
charge à la naissance de l’enfant.
12- Syndrome transfuseur-transfusé :
C’est une complication des grossesses gémellaires monozygotes, le
plus souvent rencontrée (de 15 à 30 %) dans les grossesses
monochoriales biamniotiques.
Les mécanismes physiopathologiques sont encore imparfaitement
connus, ce qui rend compte des différents moyens thérapeutiques
utilisés ces dernières années (certains traitant les conséquences,
d’autres les causes).
Le syndrome transfuseur-transfusé est un processus dynamique
avec transfusion interfoetale par des anastomoses vasculaires
placentaires, ce qui provoque un retard de croissance et une anémie
chez le jumeau donneur et une polyglobulie avec surcharge
vasculaire chez le receveur, et donc polyurie et polyhydramnios.
L’évolution naturelle se fait dans de rares cas vers la stabilisation,
mais le plus souvent vers l’apparition d’un stuck-twin (jumeau
donneur « coincé » contre la paroi avec anamnios) et d’un
polyhydramnios chez le receveur ; l’autre complication étant la
défaillance cardiaque et le décès du receveur.
Le syndrome transfuseur-transfusé est responsable de 15 % de la
mortalité périnatale des grossesses gémellaires.
La prise en charge thérapeutique va permettre d’améliorer la survie
foetale en augmentant la durée de la grossesse :
– le traitement médical (cardiotoniques, corticoïdes, indométacine)
s’est avéré peu efficace et est abandonné au profit de techniques plus
invasives ;
– amniodrainages itératifs :
– ces amniodrainages permettent non seulement de limiter
l’hydramnios, source d’inconfort maternel et de menace
d’accouchement prématuré, mais aussi de diminuer la pression
du liquide amniotique et d’augmenter ainsi la perfusion du lit
placentaire et d’améliorer l’oxygénation foetale ;
– la ponction est réalisée à l’aide d’une aiguille de 18 G,
permettant une vidange importante (parfois plusieurs litres) et
rapide ; la patiente est installée en décubitus latéral gauche, une
anesthésie locale du point de ponction est réalisée ; une
antibiothérapie prophylactique est administrée en cas de
procédure répétée ;
– septotomie : la déchirure membranaire sous échoguidage a
permis dans certains cas une stabilisation, voire une régression, du
syndrome transfuseur-transfusé, vraisemblablement par équilibre de
pression amniotique dans cette grossesse devenue monoamniotique,
ce qui améliore le flux sanguin utéroplacentaire ;
– coagulation des anastomoses placentaires par laser sous
foetoscopie :
– cet examen est réalisé sous anesthésie locale (xylocaïne à 2 %,
injectée jusque dans le myomètre) ; un foetoscope rigide de 2,2 mm
est introduit par un trocart de 2,7 mm dans la cavité amniotique
du receveur, l’insertion de la membrane interamniotique est
repérée et toutes les anastomoses sont coagulées par le laser qui a
été introduit ; puis on réalise un amniodrainage et une tocolyse
par voie intraveineuse avec antibioprophylaxie ;
– cette technique permet d’interrompre les communications
vasculaires placentaires entre les jumeaux, à l’origine du
syndrome transfuseur-transfusé et de sa morbidité, mais il s’agit
d’une technique invasive ;
– foeticide sélectif par occlusion funiculaire :
– il a été utilisé dans certaines présentations sévères du syndrome transfuseur-transfusé dans le but de sauver un des foetus, devant
la constatation de signes de mort foetale imminente de son
jumeau, et de le protéger de complications cérébrales et
multiviscérales ; plusieurs techniques d’occlusion funiculaire ont
été testées : embolisation, photocoagulation par laser YAG,
ligature du cordon ;
– il s’agit de techniques invasives, grevées d’une morbidité non
négligeable pour un pronostic incertain chez le jumeau survivant.
Actuellement, seules deux approches thérapeutiques ont fait preuve
d’une efficacité : les amniodrainages itératifs et la coagulation des
anastomoses placentaires sous contrôle foetoscopique.
Les résultats publiés sont relativement limités.
Après traitement au laser, le taux de survie est de 55 à 68 % avec 2 à
6 % de lésions neurologiques séquellaires.
En cas d’amniocentèses répétées, le taux de survie est de 60 %, avec
19 % de lésions neurologiques séquellaires.
Une équipe allemande a comparé les deux techniques.
Le taux
de survie est de 61 % avec 6 % de lésions neurologiques séquellaires
dans le groupe laser, et 51 % et 18 % respectivement dans le groupe
amniocentèse.
Cette étude n’était pas randomisée.
Actuellement, une
étude randomisée est en cours dans le cadre d’Eurofetus.
Quintero et son équipe ont décrit une classification des syndromes
transfuseurs-transfusés avec cinq stades correspondant à des
situations de plus en plus sévères :
– stade I : vessie du donneur encore visible ;
– stade II : vessie non visible mais dopplers normaux ;
– stade III : dopplers anormaux (absence de diastole ou reverse flow
ombilical, reverse flow au ductus venosus) ;
– stade IV : anasarque d’un jumeau ;
– stade V : mort d’un des jumeaux.
Les stades II à IV devraient bénéficier d’un traitement au laser plus
que des amniocentèses répétées, avec une survie de 80 à 85 %.
Les complications liées à ces techniques ne sont pas sans gravité :
rupture prématurée des membranes (de 10 à 12 %), hémorragie
utérine par lésions des vaisseaux latéro-utérins au moment de
l’introduction des trocarts, souffrance foetale aiguë par coagulation
trop importante de la vascularisation placentaire.
13- Foetus acardiaque :
Le foetus acardiaque est une complication évolutive des grossesses
monozygotes monochoriales monoamniotiques (quelques cas ont été
décrits dans les monochoriales biamniotiques, voire bichoriales
biamniotiques).
La fréquence est de une sur 35 000 naissances et cette complication
représente 1 % des grossesses monochoriales.
La présentation classique associe à un foetus normal, un foetus
polymalformé, acardiaque ou à coeur incomplet.
*
Étiopathogénie :
Elle est controversée et deux hypothèses ont été proposées :
– dans la première, l’existence d’anastomoses profondes artérioartérielles et veinoveineuses dans le placenta est à l’origine
du syndrome, du fait d’un déséquilibre de pression sanguine chez
l’un des foetus ; il est perfusé par son jumeau à contre-courant par
les artères ombilicales, mais il s’agit d’un flux sanguin à basse
pression, ne permettant qu’un développement partiel du foetus ;
dans certains cas, cette perfusion est insuffisante, avec un arrêt
évolutif plus ou moins précoce (jumeau évanescent, foetus
papyracé) ;
– la deuxième hypothèse met en avant une anomalie première de
l’embryogenèse comprenant entre autres des malformations
cardiaques et ce foetus ne devrait sa croissance qu’à l’existence
d’anastomoses vasculaires avec son jumeau.
Quelle que soit l’étiologie, le retentissement sur le jumeau normal
appelé « jumeau-pompe » se traduit par une insuffisance cardiaque
évolutive, pouvant conduire en l’absence de traitement ou
d’extraction (si le terme le permet) à un arrêt de la grossesse.
La mortalité néonatale du jumeau-pompe atteint de 50 à 75 %
du fait de l’insuffisance cardiaque, des complications de la
prématurité ; de plus, il est retrouvé des malformations chez le
jumeau-pompe dans 10 % des cas.
Les thérapeutiques proposées visent à protéger le foetus sain avant
défaillance cardiaque.
Plusieurs moyens médicaux et chirurgicaux
ont été utilisés, allant du plus conservateur au plus invasif.
Le potentiel à prédire l’issue a été évalué par Moore et al.
Leur
analyse de 49 grossesses compliquées par un jumeau acardiaque
conclut que le rapport du poids des jumeaux, exprimé en
pourcentage (poids du jumeau acardiaque par rapport à celui du
jumeau normal), représentait un pronostic quant à l’issue pour le
jumeau sain.
Ainsi, un rapport supérieur à 70 % indiquerait une
incidence de 90 % de prématurité, risque d’hydramnios dans 40 %
des cas, insuffisance cardiaque du jumeau-pompe dans 30 % des
cas.
Ces valeurs peuvent être comparées avec respectivement 75,
30 et 15 % lorsque le rapport pondéral des jumeaux est inférieur à
70 %.
Le poids de l’acardiaque par rapport au poids du jumeau sain est
donc une notion très importante et utile.
Son appréciation permet
d’évaluer le devenir in utero du cojumeau normal, le risque étant
élevé lorsque le poids de l’acardiaque dépasse de 50 % celui du
jumeau sain.
Dans une telle situation, la surveillance est encore plus
accrue et autorise, selon les circonstances, une thérapeutique
agressive.
En revanche, lorsque le poids de l’acardiaque est inférieur à 50 % de
celui du jumeau normal, la règle générale serait de laisser la
grossesse suivre son cours « normal ».
Le pronostic de survie pour
le cojumeau sain est dans ce cas meilleur.
* Traitements conservateurs
:
– Surveillance échographique hebdomadaire permettant une
extraction en fonction du terme, avant décompensation cardiaque.
– Prévention de la prématurité et de ses complications.
– Tocolyse par atosiban (Tractocile) plutôt que b2-mimétiques,
indométacine pour certains (risque d’insuffisance rénale et de
fermeture prématurée du canal artériel).
– Amniodrainage de l’hydramnios, utilisation prudente de
l’indométacine.
– Traitement de l’insuffisance cardiaque foetale par digitalisation de
la mère.
– L’interruption sélective de grossesse par différentes techniques de
ligature, embolisation ou coagulation par le laser YAG ont été
proposées, avec des risques non négligeables de
séquelles cérébrales, de prématurité.
C - VOIES DE RECHERCHE EN THÉRAPEUTIQUE FOETALE :
1- Greffe de cellules foetales
:
L’utilisation de cellules souches hématopoïetiques obtenues à partir
de la moelle osseuse a été pratiquée pour le traitement de maladies
génétiques.
En effet, à partir des cellules souches peuvent se
différencier des érythrocytes, des lymphocytes, les leucocytes et des
plaquettes.
Certaines maladies hématologiques ou métaboliques sont
en rapport avec des anomalies des cellules dérivées de cellules
souches hématopoïétiques (thalassémie, drépanocytose, maladie de Nieman-Pick, maladie de Hurler...).
Les moyens thérapeutiques envisageables sont de deux ordres : la
thérapie génique et les greffes de cellules souches in utero.
Chez
l’enfant et l’adulte, ce type de thérapeutique nécessite que
l’organisme hôte tolère la greffe.
Dans ce but, les thérapeutiques
utilisées sont immunosuppressives, soit chimique
(cyclophosphamide), soit irradiation totale du corps.
En
complément, la greffe est précédée d’une transfusion avec les
lymphocytes du donneur afin de favoriser la réaction de tolérance.
Une autre alternative a été d’utiliser pour la greffe un matériel ayant
une immunogénicité réduite.
Deux possibilités existent, soit la mise
en culture de l’organe ou du tissu à greffer avant la transplantation,
soit l’utilisation des tissus d’origine foetale.
Dans ce cas, les cellules
souches hématopoïétiques peuvent provenir soit du foie, soit du
thymus, soit de la moelle osseuse.
En fait, les organes
hématopoïétiques sont différents au cours de la grossesse : à partir
de 4 SA, la vésicule vitelline ; à partir de 6 SA, le foie et le thymus ;
à partir de 7 SA, la rate ; à partir de 20 SA, la moelle osseuse.
De
plus, avant 14 SA, les lymphocytes d’origine foetale ont une capacité
faible à induire une réaction immunologique.
Il était donc
raisonnable de penser que l’on pouvait envisager d’utiliser des
cellules foetales provenant du foie foetal essentiellement et prélevées
avant 18 SA.
Les principaux travaux de recherche à visée
thérapeutique ont été effectués à partir de cellules foetales transférées
à des adultes, essentiellement dans des anémies post-thérapeutiques
dans des syndromes aplasiques ou dans des leucémies.
Dans une
étude publiée par l’équipe de Touraine, parmi les 37 patients traités
avec du foie foetal ou du thymus foetal, 30 étaient en vie et bien
portants.
D’autres études ont été réalisées, comportant une
transplantation de cellules adultes à des foetus in utero.
Peu
d’observations ont été rapportées.
La fréquence de greffes réussie
est très basse.
Des expériences de transplantation des cellules foetales
à des foetus ont été pratiquées, soit chez des brebis, soit chez des
singes et ont comporté essentiellement des cellules d’origine
hépatique ou de la moelle osseuse.
Dans tous les cas, il existait un chimérisme postnatal ; il semble donc que ceci soit la modalité
thérapeutique la plus efficace.
Depuis ces dernières années, quelques observations de traitements
in utero ont été rapportées. Parmi les 30 observations :
– les principales indications sont des syndromes déficitaires
immunitaires ou des maladies granulomateuses chroniques (un tiers
des cas) et l’iso-immunisation Rhésus, les hémoglobinopathies, les
maladies de surcharge ;
– les sources de cellules greffées sont maternelle, paternelle ou
hépatique foetale ;
– le terme de la greffe de cellules était entre 11 et 30 SA ;
– les résultats sont positifs en cas d’insuffisance immunitaire ; en
revanche, dans les autres situations, il n’existe pas d’améliorations
cliniques, bien qu’un microchimérisme puisse être observé dans
certains cas.
2- Thérapie génique :
Depuis 20 ans, les techniques de génie génétique ont contribué dans
un premier temps à explorer le génome humain, à identifier des
mutations à l’origine des maladies héréditaires monogéniques
permettant secondairement un diagnostic anténatal et
progressivement à envisager des thérapies géniques.
Actuellement,
parmi plus de 600 gènes humains clonés et répertoriés, 100 sont
directement impliqués dans une pathologie héréditaire monofactorielle.
Dans plus de 40 % des cas, l’anomalie a pu être
caractérisée au niveau génique.
Les maladies génétiques sont le plus souvent autosomiques
récessives.
Leur fréquence est exceptionnelle dans la population
générale.
En revanche, lorsqu’il existe un cas index, le risque de
récurrence est très élevé, variant suivant le mode de transmission et
l’existence d’une pénétrance.
* Principe
:
Réaliser une technique de thérapie génique, c’est soit réaliser une
thérapie des gènes, c’est-à-dire réparer l’anomalie génique
directement, soit réaliser une thérapie par les gènes, c’est-à-dire
assurer la suppléance du gène défectueux.
La première modalité est idéale, mais pour l’instant irréalisable sur
le plan technique.
La seconde modalité est celle habituellement utilisée ; elle consiste à
mettre en place un gène fonctionnel, tout en laissant en place le gène
muté.
* Modalités thérapeutiques
:
On peut réaliser une génothérapie germinale ; dans ce cas, c’est le
génome de la cellule germinale ou d’une cellule de l’embryon
ultraprécoce qui est la cible de la thérapie : il s’agit alors d’une
manipulation du génome constitutionnel.
La génothérapie peut concerner les cellules somatiques, aboutissant
alors à une modification phénotypique, la cible étant dans ce cas un
groupe cellulaire déterminant.
Pour des raisons techniques et
éthiques, la génothérapie germinale est actuellement inapplicable à
l’homme.
Pour les méthodes de thérapie génique vis-à-vis des
cellules somatiques, trois paramètres doivent être déterminés au
préalable : la nature du matériel génétique transféré, le mode de
transfert et la nature des cellules cibles.
Le matériel génétique transféré comporte le gène à greffer muni de
séquences annexes assurant un bon niveau d’expression.
Mode de transfert : pour la génothérapie somatique, on utilise des
vecteurs viraux (rétrovirus essentiellement).
Leur efficacité est telle
(100 %) que les autres procédés ont été abandonnés (transfert par électropolarisation, transsection sous forme de précipité de
phosphate de calcium, fusion de protoplastes ou de liposomes) ; les
gènes viraux sont délétés et remplacés par le gène à greffer.
Cellules cibles : les greffes de gènes sont réalisées le plus souvent ex
vivo, c’est-à-dire dans des cellules en culture. Secondairement, les
cellules greffées sont réimplantées ou réintroduites dans l’organisme
initial.
L’action n’est bénéfique pour l’organisme que si l’expression
des gènes est intense et surtout stable dans le temps.
*
Principales indications :
Actuellement, seules quelques indications de thérapie génique ont
été envisagées chez l’homme : immunothérapie des mélanomes
malins et certains déficits immunitaires mortels.
Afin de décider si
ces méthodes thérapeutiques sont indiquées dans certaines maladies
constitutionnelles, plusieurs exigences doivent être satisfaites :
– le gène défectueux ne doit pas être dominant ;
– le produit du gène greffé doit s’exprimer à un taux adéquat ;
– la transplantation doit concerner l’ensemble des cellules cibles ;
en effet, une efficacité de 100 % est obtenue à l’aide des rétrovirus ;
– le greffon doit être intégré et exprimé de façon stable ;
– l’efficacité thérapeutique de la greffe génique doit d’abord avoir
été validée par exploitation animale ;
– le processus doit offrir des garanties de sécurité à court et à long
terme, et notamment vis-à-vis de la lignée germinale et du risque de
cancérogenèse ;
– l’application à l’homme de telles méthodes n’est envisageable que
pour des maladies très graves ;
– enfin, tout projet d’essais thérapeutiques humains doit être soumis
à l’approbation d’un comité d’éthique.
Le concept est intéressant, mais les risques précis doivent être
identifiés pour le foetus (risque à long terme mutagène ?) et pour la
mère (circulation des cellules transférées à travers le placenta vers
l’organisme maternel).
Ceci représente les principales limites
actuelles de la génothérapie.
De nombreux travaux de recherche sont
en cours en expérimentation animale, avec des résultats rassurants
actuellement.
Conclusion :
La médecine foetale commence à exister en tant que spécialité médicale.
Toutefois, sa principale spécificité est en rapport avec les modalités
thérapeutiques : médicales ou chirurgicales, préventives ou curatives.
L’organisme maternel est traité de manière abusive dans la mesure où il
n’est le plus souvent pas malade.
D’où la nécessité de discuter
systématiquement les trois éléments qui guident le choix
thérapeutique : les effets secondaires maternels, le bénéfice du
traitement in utero (avec les effets secondaires foetaux) et les risques
d’une naissance anticipée.
La principale difficulté reste l’étude
pharmacocinétique des substances au sein de l’unité materno-foeto-placentaire.