La décortication, au sens strict, est l’intervention qui consiste à
rendre sa fonction ventilatoire au poumon en le libérant de la
gangue fibreuse qui l’enserre et le comprime sur le médiastin.
Cette
gangue est le résultat d’un épanchement pleural enkysté plus ou
moins évolutif et/ou compliqué.
La décortication n’est pas une
simple « toilette pleurale », c’est une intervention parfois difficile et
dangereuse qui nécessite la compétence d’un chirurgien thoracique.
Historique
:
A - FIN DU XIXe siècle
:
C’est en 1893 que Fowler décrit avec étonnement, la « réexpansion
progressive d’un poumon » après excision d’un trajet fistuleux et
ablation d’une poche pleurale enkystée, dans les suites d’une
pleurésie purulente chronique antérieurement drainée.
L’année
suivante, Delorme intervient sur l’hémithorax gauche d’un soldat
présentant une pleurésie tuberculeuse chronique et libère le poumon
après avoir réséqué la coque pleurale qui l’emprisonnait.
C’est ainsi
que furent décrites les deux premières décortications pulmonaires
dont la paternité revient pour les Anglo-Saxons à Fowler du fait de
son antériorité.
Quant au terme de « décortication » il revient à Delorme, qui, à
l’issue d’une démarche réfléchie remontant à 1892, dépose une
lettre à l’Académie Française de Médecine proposant cette technique
pour le traitement des pleurésies purulentes chroniques.
En 1893, il
l’expose lors d’un congrès de chirurgie à l’occasion du traitement
chirurgical d’un volumineux abcès froid thoracique.
De même, lors
d’autopsies au cours desquelles il lui avait été possible de
« décortiquer une membrane résistante comme du cuir », il montre
que le poumon ainsi libéré peut être facilement insufflé.
En 1896,11 il
fait état d’une série de 26 malades ainsi traités par décortication et
ajoute officiellement cette technique dans les procédés chirurgicaux
utilisés dans tous les cas de pleurésie purulente chronique.
Malgré
cela, la décortication ne prit pas encore la place des thoracoplasties
et des résections pariétales thoraciques diverses couramment en
usage parmi les chirurgiens de cette fin de siècle.
B - PREMIÈRE GUERRE MONDIALE
:
Au début du XXe siècle, convaincus du bien-fondé physiologique de
cette méthode, deux chirurgiens, Lilienthal et Eggers, utilisèrent et
développèrent la décortication durant la Première Guerre mondiale.
Toutefois, la pauvreté des moyens chirurgicaux et les balbutiements
de la réanimation ne permirent pas encore une réelle expansion de
cette technique.
En 1915, Lilienthal utilise la décortication dans le traitement des
pleurésies purulentes à germes banals vues à des stades relativement
précoces.
Surtout, il préconise d’aborder la cavité pleurale par une
large thoracotomie intercostale, évitant ainsi l’exérèse de plusieurs
côtes ou la confection d’un volet costal, procédés couramment en
usage.
En 1923, Eggers rapporte une série impressionnante de
99 décortications pour hémothorax infectés, empyèmes
parapneumoniques et tuberculeux avec un seul décès
postopératoire.
Il décrit la technique encore utilisée de nos jours
associant par thoracotomie intercostale, « décortication
pulmonaire », « décortication de la paroi thoracique » et pneumolyse
complète du reste du poumon.
C - DEUXIÈME GUERRE MONDIALE
:
Aidés en cela par l’apparition de nouvelles techniques de
réanimation et d’antibiothérapie, les chirurgiens militaires de la
Deuxième Guerre mondiale ont définitivement consacré la
décortication.
L’impulsion est essentiellement le fait de Burford,
Parker et Samson.
En 1945, ces auteurs rapportent une étude de
l’évolution des hémothorax infectés ou non vers la fibrose et
démontrent l’excellence des résultats obtenus par la décortication
dans ces « empyèmes » post-traumatiques.
En 1947, Samson et Burford discutent de l’élargissement des indications de la
technique à d’autres enkystements pleuraux.
En 1949, Weinberg
confirme l’intérêt de cette technique dans le traitement de la
tuberculose pleurale et des séquelles de la collapsothérapie.
La fin
des années 1940 voit les auteurs s’intéresser aux bénéfices
fonctionnels que peut aussi permettre cette technique.
La
décortication pulmonaire, dont la morbi/mortalité apparaît par
ailleurs faible, entre alors définitivement dans la pratique courante
de la chirurgie thoracique.
Plèvre et évolution des épanchements
pleuraux
:
Les techniques de la décortication ne peuvent être comprises sans
un minimum de connaissances sur la plèvre et l’évolution des
épanchements pleuraux.
A - PLÈVRE
:
La plèvre viscérale et pariétale médiastinale et diaphragmatique, est
formée, vers la cavité qu’elle délimite, d’une seule couche de cellules
mésothéliales.
Ces cellules, bordées de microvillosités, sont
particulièrement actives.
En desquamant dans la cavité pleurale elles
se transforment en macrophages ; en culture, elles peuvent donner
des fibroblastes.
Grâce à ces phénomènes, elles aident les cellules
d’autres origines dans leur « lutte » contre les agressions intrapleurales.
La cavité pleurale, en apparence virtuelle, sécrète par le biais des
deux feuillets pleuraux un film liquidien qui est réabsorbé au niveau
de la plèvre pariétale et plus particulièrement diaphragmatique.
À
ce niveau, il existe un riche réseau de vaisseaux lymphatiques qui
communiquent avec la cavité pleurale par des orifices appelés pores
ou stomata.
La réabsorption des liquides est active car les vaisseaux
lymphatiques sont pulsatiles et valvulés.
Les molécules organiques
et les cellules sont aussi réabsorbées à ce niveau.
B - FORMATION DES POCHES PLEURALES
ET DES FIBROTHORAX :
La moindre agression pleurale ou intrapleurale va rompre l’équilibre
entre sécrétion et réabsorption.
N’importe quel épanchement pleural
(exsudat, pus, sang, chyle), s’il n’est pas traité et/ou drainé, va être
le siège de dépôts de fibrine sur les surfaces pleurales qui le
délimitent.
Ce mécanisme va délimiter et contenir l’agression et
essayer de l’éliminer.
Les dépôts fibrineux, au fur et à mesure qu’ils
s’épaississent vont être colonisés par des fibroblastes et transformés
en collagène, couche isolante.
Les collagènes qui peuvent
initialement se résorber seront avec le temps de plus en plus longs à
disparaître, voire resteront fixés de façon définitive, pouvant se
calcifier et transformer cette poche pleurale enkystée en un véritable
corps étranger.
Si l’intérieur de la poche disparaît, il reste
alors une gangue fibreuse dense, improprement appelée pachypleurite puisqu’il ne s’agit pas d’un épaississement
inflammatoire de la plèvre elle-même mais d’une apposition
intrapleurale.
Cette gangue fibreuse appelée au hasard des
publications couenne ou coque pleurale, emprisonne le poumon,
incruste le diaphragme qu’elle immobilise, rigidifie la paroi
thoracique puis rétracte l’hémithorax conduisant alors au
fibrothorax.
Les côtes peuvent alors se déformer, se chevaucher
transformant la poche pleurale initiale en une véritable maladie de
la paroi.
C - POCHE PLEURALE
:
Elle peut se constituer à partir de tout épanchement pleural et
d’autant plus qu’existe une surinfection.
Les petits hémothorax vont être résorbés par la plèvre. Les
hémothorax de plus de 200 ml, ou surtout si le saignement persiste,
s’il s’associe un pneumothorax ou une surinfection, vont se
cloisonner et s’organiser en poche pleurale enkystée.
Ce fut le
modèle étudié par les chirurgiens de la Deuxième Guerre mondiale.
Dans les pleurésies purulentes, étiologie de loin la plus fréquente,
l’évolution vers une poche pleurale enkystée va dépendre de la
qualité de la prise en charge thérapeutique initiale, du statut
immunologique de l’hôte, et aussi du type de la bactérie en cause
(notamment certains germes banals aérobie et anaérobie et les
bacilles tuberculeux).
La gangue fibreuse est toujours plus épaisse du côté pariétal où elle
peut atteindre 4 à 5 cm.
Elle est plus mince du côté pulmonaire.
L’intérieur de la poche est le siège de dépôts fibrinopurulents.
Il est
rare que la cavité soit entièrement oblitérée.
La gangue fibreuse
se clive facilement du côté pulmonaire de la plèvre viscérale.
Elle
adhère, en revanche, à la plèvre pariétale, zone de la réabsorption
lymphatique, et ne pourra être libérée à ce niveau qu’en passant
dans le plan extrapleural.
La poche pleurale enkystée siège normalement en postérobasal et
latéralement, respectant parfois une partie du diaphragme.
Le
poumon est comprimé sur le médiastin.
Il adhère à la paroi
thoracique en dehors de la poche pleurale et notamment au niveau
du médiastin.
Ces adhérences sont souvent lâches.
Leur libération
sera nécessaire pour obtenir la réexpansion harmonieuse du
poumon.
Gangues fibreuses pariétale et pulmonaire sont en continuité avec le
pourtour de la poche et effectuent leur jonction non loin du médiastin, pouvant aller jusqu’au sternum en avant et jusqu’aux
corps vertébraux en arrière.
Au niveau de ces lignes de réflexion, la
poche se prolonge par une lame cellulofibreuse formée par le
tassement du tissu sous-pleural que Le Brigand considère être
une véritable « lame d’insertion ».
Cette jonction entre gaine
pariétale et pulmonaire est particulièrement fragile et se laisse
effondrer facilement ; ceci permet de repérer les limites de la poche
au niveau médiastinal en cas de difficulté.
D - RETENTISSEMENT FONCTIONNEL RESPIRATOIRE
:
Le retentissement sur la fonction respiratoire n’est pas proportionnel
à l’importance de la poche pleurale ou de la « pachypleurite ».
En
effet, de petites poches peuvent avoir les mêmes conséquences que
des poches plus importantes.
Les épreuves fonctionnelles respiratoires mettent typiquement en
évidence un syndrome restrictif.
Un syndrome mixte ou une
participation obstructive doivent attirer l’attention sur la fonction
du poumon non pas tant sous-jacent que controlatéral.
La perte de ventilation du poumon engainé est couplée à une
diminution réflexe de la perfusion et il n’y a habituellement pas
d’effet shunt.
La perfusion peut être quasiment nulle et ceci ne
présume pas de la destruction du poumon sous-jacent qui peut être
encore fonctionnel contrairement à l’hypothèse non fondée émise
par Thurer.
La réexpansion du poumon décortiqué permettra une amélioration
de ce syndrome restrictif mais la qualité de cette amélioration
dépend de l’état du poumon libéré.
Après hémothorax ou pleurésie
purulente à germes banals, l’état du poumon reste habituellement
bon.
Après pleurésie purulente sur lésion sous-jacente (telle une
dilatation des bronches) ou tuberculeuse, des territoires pulmonaires
peuvent être pathologiques compromettant ainsi la fonction
pulmonaire et obligeant parfois à des gestes d’exérèse.
Décortication pulmonaire : définitions
Décortiquer signifie étymologiquement « débarrasser de son écorce,
de sa carapace… ».
Décortiquer consiste donc à débarrasser le
poumon de la gangue fibreuse qui l’enserre.
Les premières
décortications consistaient d’ailleurs à ne libérer que le poumon au
travers de la proche pleurale délibérément ouverte.
La partie
pariétale de la poche était nettoyée et laissée en place.
Le but était
simplement de permettre au poumon de réoccuper l’espace ainsi
laissé vacant.
La décortication n’est pas la simple toilette pleurale des
épanchements cloisonnés non encore organisés, ni le décaillotage des
hémothorax récents.
Cette restriction est importante car depuis
l’avènement de la vidéothoracoscopie, le terme a été galvaudé et ces
« décloisonnements » pleuraux lui ont été assimilés.
Il ne faut pas
confondre la décortication avec les « débridements » pleuraux ni
avec les « déloculations » des Anglo-Saxons.
La décortication n’est pas une pleurectomie.
La pleurectomie
consiste à enlever la plèvre pariétale de façon plus ou moins
complète, au maximum en enlevant aussi la plèvre médiastinale.
Il
n’y a pas de pleurectomie en ce qui concerne la plèvre viscérale.
C’est d’ailleurs l’intérêt
de la décortication : récupérer le poumon engainé avec la plèvre
viscérale.
Toutefois, la décortication pulmonaire telle qu’elle se pratique
actuellement associe à la libération du poumon, la résection
extrapleurale de la « pachypleurite » pariétale : elle associe donc à la
décortication une « pleurectomie partielle ».
Celle-ci peut se
pratiquer séparément à poche ouverte ou de façon plus élégante,
décortication de poumon et pleurectomie peuvent être réalisées en
bloc sans ouverture de la poche : on parle alors d’empyèmectomie.
Le but de cette « pleurectomie » est de libérer le diaphragme, la paroi
et donc de permettre en plus une meilleure récupération de la
fonction respiratoire.
Techniques de la décortication
:
A - TECHNIQUE STANDARD DE LA DÉCORTICATION DITE
« À POCHE OUVERTE »
:
La technique standard actuelle associe la pleurectomie pariétale à la
décortication pulmonaire à poche ouverte.
C’est la technique
couramment décrite dans les traités anglo-saxons.
On peut
aussi parler de décortication par « morcellement » de la poche.
1- Préparation du patient
:
Il s’agit d’une intervention volontiers hémorragique, aussi
convient-il de corriger toute anémie, hypovolémie et
hypoprotidémie.
De plus, il faut veiller à un apport calorique
suffisant et à associer en pré- et postopératoire une gymnastique
respiratoire.
Si la poche pleurale est surinfectée, il ne faut pas hésiter à drainer le
pus et à instaurer un traitement anti-infectieux adapté au germe en
cause de façon à intervenir sur un sepsis en partie contrôlé.
2- Installation du patient
:
L’intervention menée sous anesthésie générale utilise une intubation
sélective : ceci permet certes de moduler la ventilation du poumon
opéré, mais surtout d’éviter la contamination septique du poumon
controlatéral en cas de fistule bronchopleurale.
Une sonde nasogastrique est absolument nécessaire car elle servira de repère
lors du décollement médiastinal postérieur.
Le patient est installé en décubitus latéral, un billot placé sous la
pointe de l’omoplate.
Le membre supérieur côté non opéré est posé
sur une attelle tandis que l’autre est simplement laissé pendant.
3- Voie d’abord
:
La cage thoracique est abordée par une large thoracotomie postérolatérale.
Le muscle grand dorsal est incisé.
Le muscle grand
dentelé est désinséré, respectant ainsi son corps charnu.
Le champ
opératoire doit avoir été prévu assez grand pour permettre un
éventuel agrandissement de l’incision vers le haut en interscapulovertébral, jusqu’à la racine du cou et vers le bas jusque
vers l’hypocondre homolatéral.
La cavité pleurale doit être abordée dans le 5e espace intercostal, au
bord supérieur de la 6e côte.
Il est souvent plus simple, surtout si la poche est ancienne, de réséquer cette 6e côte en intrapériosté.
Ceci
permet de prendre directement contact avec la coque pleurale au
milieu du lit périosté et d’amorcer le décollement extrapleural des
5e et 6e espaces intercostaux aux ciseaux.
Une fois ce décollement
réalisé, il convient de poursuivre la désolidarisation de la poche
pleurale et du gril costal en suivant le plan extrapleural.
4- Décortication
:
* Plan extrapleural
:
Le doigt est le meilleur instrument pour décoller le plan
extrapleural.
Toutefois, lorsque cette manoeuvre devient difficile,
certaines manoeuvres permettent de progresser : la plus habituelle
est de se servir d’une rugine pour forcer ce plan en jouant du bras
de levier que permet l’instrument.
Le plan est décollé suffisamment pour insérer un écarteur costal à
crémaillère (type Tuffier ou Finochietto), ce qui permet d’atteindre
les limites présumées de la poche pleurale.
Dans les cas les plus difficiles, il arrive de s’égarer dans les espaces
intercostaux rendant alors la dissection très hémorragique.
Il est
possible de retrouver le bon plan en utilisant le bistouri électrique.
L’ouverture de la poche pleurale permet de contrôler la partie la
plus adhérente de la coque pleurale pariétale, à la fois par en
dedans, et par en dehors, et de « sectionner » cette zone difficile.
Au fur et à mesure que des portions pariétales se libèrent, il faut
tamponner les zones décollées par des compresses qui, ainsi tassées,
permettent d’assurer l’hémostase.
Celle-ci doit en effet, être réalisée
pas à pas en électrocoagulant bien les zones de saignement
artériolaires. Certaines parties de la coque pariétale sont réséquées
au fur et à mesure de leur libération.
Ceci permet un meilleur jour intrathoracique alors que les côtes sont progressivement écartées par
l’écarteur à crémaillère.
* Approche médiastinale
:
Une fois arrivé aux limites présumées de la poche pleurale, il est
important d’établir la jonction avec le médiastin.
Généralement, ces
limites restent imprécises, obligeant à ouvrir la poche.
Ceci permet
l’accès à la zone de réflexion entre la coque pariétale et le poumon
et, après effondrement de cette jonction, d’accéder aux régions médiastinales.
Les risques de blessure iatrogène sont majeurs à ce moment de la
décortication.
En avant et des deux côtés, risques de
blessures des vaisseaux thoraciques internes tout au long de leur
trajet et des nerfs phréniques en haut.
En arrière et à droite, risque
de s’égarer en arrière de l’oesophage (d’où l’intérêt de la sonde nasogastrique), risque de blessure des racines de la grande veine
azygos et de blessure du canal thoracique.
En arrière et à gauche,
risque de s’égarer en arrière de l’aorte et de blesser les artères
intercostales.
Il arrive que certaines zones de la gangue fibreuse
adhèrent particulièrement à ces éléments.
Mieux vaut abandonner à
ces endroits des lambeaux de pachypleurite.
* Décortication viscérale
:
L’ouverture de la poche et la résection de la « pachypleurite »
pariétale déjà libérée, donnent directement accès à la coque
engainant le poumon.
L’incision prudente de cette gangue au
bistouri froid va aborder le plan dissécable la séparant du poumon.
L’incision peut être longitudinale puis dessiner un H ou être
cruciforme.
Les lambeaux de la gaine aussi délimités, soit
rectangulaires, soit triangulaires, sont alors agrippés à l’aide d’une
pince classiquement de Museux, mais de façon plus pratique par
une pince de Kelly.
Il est alors possible de disséquer prudemment
cette gaine du poumon soit au doigt, soit à la boulette (ou petit
tampon monté), soit aux ciseaux spatulés.
L’anesthésiste peut
aider cette manoeuvre en reventilant doucement le poumon.
Ce geste
est celui de la décortication pulmonaire au sens strict du terme.
Au fur et à mesure que le poumon est libéré, la gaine pleurale est
excisée et l’accès aux contours de la poche précédemment déjà
repérée au niveau des médiastins antérieur et postérieur, est de plus
en plus facile.
Parfois, le poumon peut également être libéré à partir
de ces extrémités antérieure et postérieure et les deux plans de la
décortication se rejoindre.
Les difficultés de la décortication sont
souvent plus grandes au niveau du diaphragme et de l’apex et la
décortication nécessite à ce niveau une attention particulière.
* Problèmes diaphragmatiques et apicaux
:
Au niveau du diaphragme, il peut être difficile de libérer la gaine
du muscle dans lequel elle s’incruste.
Pour avoir un meilleur
contrôle visuel de cette dissection il ne faut pas hésiter à aborder la
cavité pleurale au bord supérieur de la 8e ou 9e côte.
Ceci permet un
abord direct des adhérences diaphragmatiques.
Au niveau de l’apex, les difficultés de la décortication du poumon
sont variables.
La libération du médiastin supérieur, à partir des
réflexions médiastinales antérieure et postérieure de la poche,
permet habituellement d’isoler les attaches apicales du poumon et
de la poche, puis de libérer la périphérie de celle-ci sous contrôle de
la vue.
Un mauvais contrôle à ce niveau présente un risque pour le
nerf sympathique sur le versant postérieur vertébral, pour le nerf
phrénique sur le versant antérieur rétromanubrial et pour les racines
C8 D1 du plexus brachial à l’extrême apex.
Lors de décortication pour séquelles de pneumothorax extrapériosté,
la poche pleurale peut déborder sur le médiastin supérieur au
niveau de l’apex.
Les vaisseaux sous-claviers sont alors dans
ces cas particulièrement exposés et la prudence doit être extrême.
Il
ne faut pas hésiter à abandonner la couche fibreuse apicomédiastinale, ceci d’autant plus qu’en fin d’intervention, quand
les repères anatomiques auront été parfaitement identifiés, il est
parfois possible de compléter la pleurectomie.
* Pneumolyse
:
Le poumon est à ce stade libéré de sa gangue fibreuse et la
pleurectomie pariétale ainsi que le « désincrustement »
diaphragmatique sont terminés.
La poche pleurale a été excisée par
morceaux.
L’opération n’est pas pour autant terminée.
Il faut :
– séparer totalement le poumon du médiastin (pneumolyse) ;
– libérer en le sectionnant au bistouri électrique le ligament
triangulaire ;
– ouvrir, sans prendre de risque les scissures en libérant les
adhérences pleurales interscissurales ;
– libérer les zones d’atélectasie par enroulement et les plicatures de
languettes pulmonaires juxtascissurales et basales ;
– rechercher un « voile » périviscéral résiduel et en pratiquer
l’ablation, car il peut encore brider le poumon et entraver sa
réexpansion.
5- Pièges à éviter et contrôle des accidents peropératoires
:
Les pièges à éviter, dus aux égarements de la dissection médiastinale
au pourtour de la poche pleurale ont pour la plupart été déjà
évoqués.
Les accidents immédiatement les plus préoccupants sont de nature
hémorragique : plaies des vaisseaux thoraciques internes, de la
grande veine azygos et de ses racines, de l’aorte et des vaisseaux
intercostaux, des vaisseaux sous-claviers.
Ces plaies vasculaires
peuvent être difficiles à contrôler, ce d’autant que la libération de la
poche n’est pas encore obtenue.
Le premier geste est de tamponner
le saignement par des compresses ou des champs et d’attendre une
bonne dizaine de minutes. Pendant ce temps, il est possible parfois
de poursuivre la dissection sur une autre zone opératoire.
L’hémostase pourra être faite secondairement, soit par ligature ou
clip vasculaire, soit le plus souvent par suture.
Les autres lésions préoccupantes sont les plaies pulmonaires faites
lors de la libération du poumon.
Un décollement de la plèvre
viscérale qui reste adhérente à la coque fibreuse est peu grave ; les
fuites aériennes sont de nature purement alvéolaire et vont
disparaître en 24 à 48 heures.
Les lésions profondes dans le parenchyme pulmonaire par fausses routes intraparenchymateuses
donnent en revanche des fuites aériennes de nature bronchiolaire.
Les lésions pulmonaires séquellaires périphériques sont à l’origine
de fistules bronchopleurales.
Dans ces deux cas, les bronches et
bronchioles responsables doivent être minutieusement repérées et
suturées en appuyant si nécessaire les sutures sur des bandelettes.
Il
est parfois aussi simple dans certains cas de réséquer une zone de
fuite.
6- Fermeture de la thoracotomie
:
L’intervention est terminée par un ultime contrôle de l’hémostase.
Cette vérification de l’hémostase porte surtout sur les zones
pariétales et doit être minutieuse.
L’hémostase se fait par
électrocoagulation à la « boule ».
L’usage de colle biologique
peut aider mais n’est efficace que sur des suintements diffus : il ne
dispense donc pas de ce temps essentiel de l’intervention.
La
thoracotomie est ensuite refermée plan sur plan, comme toute
thoracotomie, sur un double, voire triple drainage associé ou non à
un lavage pleural.
7- Quelques problèmes particuliers
:
Ils ont trait à certaines caractéristiques de la poche et notamment
lorsque l’intervention est réalisée sur poche drainée.
Dans ce cas,
une fois le malade installé sur la table, le drain est enlevé, l’orifice
est désinfecté.
Il est inutile de le refermer, mieux vaut l’exciser en
l’englobant dans la thoracotomie, s’en servir d’orifice de drainage à
la fin de l’intervention, voire, s’il est vraiment aberrant, l’exciser et
le suturer lors de la fermeture de la thoracotomie.
En revanche, la poche adhère particulièrement à la paroi au niveau
des orifices de drainage.
Ceci est également le cas au niveau des
orifices de drainages anciens cicatrisés.
Lors de la résection de la
gaine pariétale, il est alors nécessaire de tailler dans la paroi pour
recréer un faux plan extrapleural, technique que nous avons déjà
évoquée.
Enfin, certaines décortications s’adressent à des poches qui sont le
siège de calcifications.
Ces calcifications doivent être enlevées de
façon quasi obligatoire, car elles sont l’équivalent de corps étrangers
susceptibles de pérenniser l’infection.
8- Avantages et inconvénients de la technique standard
:
La décortication avec ouverture délibérée de la poche présente de
nombreux avantages.
Le premier avantage est d’évacuer la poche.
Ceci permet d’éviter le
passage de son contenu dans l’arbre bronchique.
Les débris fibrinopurulents évacués seront prélevés pour la bactériologie.
L’intérieur de la poche est ensuite nettoyé (solution bétadinée).
Les
zones qui ne sont pas disséquées immédiatement sont isolées en y
insérant des champs tétras imbibés de solution antiseptique.
Les autres avantages sont de permettre l’exploration de l’intérieur
de la poche, de repérer les fistules bronchiques et de contrôler
visuellement et facilement ses limites, ce qui est à nos yeux l’avantage majeur pour les chirurgiens les moins chevronnés.
L’inconvénient majeur de la technique est, pour ses détracteurs,
d’exposer les champs opératoires au contenu septique de la poche
et de majorer les risques opératoires de l’intervention.
B - TECHNIQUE DE LA DÉCORTICATION DITE
« À POCHE FERMÉE »
:
L’excision en bloc de la poche, encore appelée « empyèmectomie »
est la technique préconisée par Weinberg.
Préparation,
installation du malade et voie d’abord sont les mêmes.
Après
« décortication extrapleurale » de la gaine pariétale, on s’arrête aux
limites présumées de la poche.
C’est en avant qu’on atteint le plus
facilement la zone où la « pachypleurite » s’infléchit.
Parfois, le
passage dans la zone lâchement symphysée du médiastin antérieur
est facile. Parfois, le passage est rendu difficile par la zone de
feutrage que
Le Brigand qualifiait de « lame d’insertion ».
Cette
lame doit être excisée pour retrouver la zone de symphyse lâche.
Quand on utilise cette technique, il faut plus que jamais avoir
présentes à l’esprit les zones où se trouvent les éléments
anatomiques dangereux qu’il faut avoir soin de respecter.
Le
contournement de la poche se fait de proche en proche, une fois la
poche libérée à sa périphérie.
Elle ne tient plus que par son
adhérence au poumon : il reste à faire la décortication à proprement
parler.
La libération s’effectue alors par la circonférence en séparant
le poumon, que l’on fait reventiler doucement, de la gaine viscérale.
La patience est de mise.
Si la progression devient impossible,
l’attaque doit porter ailleurs pour contourner les difficultés ou y
revenir ensuite.
Le reste de l’intervention se passe dès lors comme
dans la technique précédemment décrite.
L’avantage de cette technique est de ne jamais entrer en contact avec
le contenu potentiellement septique de la poche.
Son principal inconvénient est qu’elle est difficile à réaliser, sauf
pour les chirurgiens ayant déjà une expérience de la décortication.
Par ailleurs, elle convient plutôt à des poches relativement limitées
et de consistance particulière.
Surtout, de nombreux évènements
viennent souvent perturber son déroulement et conduire à
l’ouverture de nécessité de la poche :
– difficultés de dissection amenant à une ou plusieurs ouvertures
volontaires ;
– abandon de pastilles de la poche dans des zones anatomiquement
dangereuses ;
– présence d’un trajet de drainage ayant déjà signifié l’ouverture ;
– dissection d’une fistule bronchopleurale ouvrant la poche au
niveau de sa face viscérale.
Cette technique sert habituellement de description standard dans
les traités de langue française.
Si le plan de pleurectomie
est facile, et si le médiastin est abordé sans problème elle
peut être poursuivie, mais ce cas de figure se présente assez
rarement.
C -
DÉCORTICATION ET EXÉRÈSE PULMONAIRE :
Selon l’état
du poumon sous-jacent, des gestes d’exérèse peuvent être
nécessaires et compléter la décortication.
1- Pleurolobectomies
:
Il arrive que sous une poche pleurale enkystée, un lobe ne soit pas
récupérable.
Le plus souvent, il s’agit d’un lobe détruit par des
séquelles de tuberculose.
Parfois, il peut s’agir d’une pathologie
lobaire ayant occasionné la poche pleurale : lobe détruit par une
dilatation des bronches, une nécrose pulmonaire, une
tumeur.
Le plus souvent, l’exérèse du lobe est prévue dans le bilan
préopératoire, la nature de la destruction ayant été parfaitement
identifiée par le scanner.
Parfois, cette destruction est découverte lors
de l’opération : lobe enchâssé dans la pachypleurite, carnifié ou
anormalement dystrophique et bulleux ou ne ventilant pas.
L’intervention emportant la poche et le lobe détruit s’appelle pleurolobectomie.
En général, le lobe n’a pas été décortiqué.
Soit la poche lui est
adhérente ayant été libérée en bloc, soit seule adhère encore la coque
viscérale.
La lobectomie (quelle qu’elle soit, mais elle est le plus souvent
lobaire supérieure) est réalisée selon les techniques habituelles.
Toutefois, dans certains cas la dissection des éléments vasculaires
peut être difficile du fait d’éléments ganglionnaires séquellaires
fibreux et particulièrement adhérents.
Il sera prudent dans ces cas
de contrôler l’artère pulmonaire à son origine et de la mettre sur
lacs de façon à parer à toute blessure vasculaire.
2- Décortication et exérèses limitées
:
Les exérèses limitées se résument à des segmentectomies ou le plus
souvent à des exérèses atypiques ou « wedge resections ».
Ces dernières ont été rendues faciles par l’usage de matériel à agrafage
mécanique.
Il s’agit de l’exérèse de zones séquellaires distales,
périphériques, souvent sièges de fuites bronchiolaires.
Fréquemment, cette exérèse se confond avec le contrôle des fuites
aériennes que nous avons déjà évoquées.
On peut aussi être amené à exciser plusieurs zones douteuses et
pathologiques.
Cette excision a l’avantage supplémentaire d’éviter
la reviviscence de l’infection originelle : il ne faut pas hésiter à la
réaliser.
3- Cas particulier des pleuropneumonectomies
:
La pleuropneumonectomie sort du cadre de cet article puisque par
définition le poumon n’est plus décortiqué.
C’est en général une
intervention programmée car la poche pleurale engainant un
poumon détruit est facilement diagnostiquée sur le scanner.
Cependant, il peut arriver qu’une fois décortiqué, le poumon ne
présente pas un aspect autorisant sa conservation : zones
dystrophiques bulleuses alternant avec des zones fibreuses ventilant
mal, défaut de réexpansion, fuites aériennes majeures
incontrôlables… l’exérèse est alors indiquée.
Aussi, en cas d’aspect
douteux du parenchyme sur le bilan préopératoire, le patient doit
toujours être prévenu de la possibilité de ce type d’exérèse.
Il existe un cas assez particulier.
Après décortication, le poumon
peut être le siège de lésions emphysémateuses alternant avec des
zones fibreuses.
Cet aspect pathologique dénote à l’évidence un
poumon peu ou pas fonctionnel.
Toutefois, ventilant bien, il semble
conservable ce qui évite une pneumonectomie, intervention pouvant
apparaître comme trop mutilante.
Le terme de « poumon
prothèse » qualifie alors un tel poumon.
Les anciens auteurs y
voyaient un réel avantage, trouvant anormal de supprimer une
cavité pour la remplacer par une autre.
En revanche, la survenue
d’infections itératives et de complications diverses peut conduire à
son exérèse secondaire.
4- Avantages et inconvénients
:
Les avantages des exérèses parenchymateuses partielles associées
sont d’éviter des complications ultérieures dans ces territoires
détruits, une reviviscence de l’infection originelle, de permettre de
traiter des fuites aériennes d’origine bronchique…
L’inconvénient
est de laisser un poumon de taille réduite et d’exposer à des
difficultés de réexpansion.
D - DÉCORTICATIONS ET DÉFAUTS DE RÉEXPANSION
:
En cas de résection parenchymateuse associée ou si le poumon
décortiqué est de petite taille, la réexpansion peut s’avérer
problématique.
C’est là qu’un geste de type thoracoplastie est
associé à la décortication.
Dans ce cas, la thoracoplastie consiste en
l’ablation des 1re et 2e côtes et en l’exérèse partielle des deux ou
trois côtes suivantes : toutes ces côtes devront être désarticulées des
vertèbres.
Elle peut être faite dans le même temps opératoire : dans
ce cas, la voie d’abord thoracique est agrandie en inter-scapulovertébral.
Lorsqu’elle a été anticipée, il est préférable d’abandonner
une pellicule de la pachypleurite sur le versant pariétal supérieur.
En effet, une pleurectomie trop appuyée à ce niveau fragilise la
paroi.
Les espaces intercostaux risquent d’apparaître amincis,
aboutissant à une véritable pariétectomie.
Certains auteurs programment ce type d’intervention une quinzaine
de jours plus tard.
L’avantage de cette attitude est d’avoir parfois
la surprise de voir ce défaut de réexpansion disparaître.
L’adaptation
progressive du contenu au contenant peut également être favorisée
par un drainage électif de l’apex par voie postérieure.
Une autre alternative à la thoracoplastie est le comblement de la
cavité apicale résiduelle par une myoplastie ; ceci éviterait la
mutilation partielle de la cage thoracique.
Selon Deslauriers, l’inconvénient potentiel de ces deux techniques
chirurgicales serait d’accroître encore un peu plus la perte de
fonction respiratoire.
Décortications prévenant les défauts de réexpansion
:
*
Décortication du poumon seul
:
C’est la technique initiale décrite par Delorme qui ne consistait
qu’à libérer la gaine viscérale du poumon sous-jacent à travers la
poche.
Le poumon se réexpandait suffisamment pour réhabiter la
cavité et donc traiter l’infection.
L’avantage supplémentaire de la technique était d’éviter le
saignement important de la « décortication » pariétale à une époque
où cette complication pouvait être rapidement mortelle.
L’inconvénient était de ne pas se préoccuper de la fonction
pulmonaire, mais la surprise était de voir assez souvent la pachypleurite pariétale progressivement disparaître.
* Technique de décortication intermédiaire
:
Certains auteurs ont proposé une technique intermédiaire.
Après avoir ouvert et nettoyé la poche, le poumon seul est
décortiqué.
La face interne de la gangue pariétale est curetée de
façon à la récurer au mieux et à l’amincir légèrement. Les côtes sont
ensuite libérées sans résection.
La paroi musculopériostée et
la pachypleurite qui lui adhère sont ainsi abaissées, venant aider au
comblement de la poche pleurale.
L’espace extrapariétal sous-costal
va se combler progressivement par un exsudat qui se résorbera
ultérieurement.
Les avantages de cette technique sont, selon ses auteurs,
l’absence de résection de côte avec déformation de la paroi et
l’amélioration de la fonction respiratoire après réexpansion.
Les
inconvénients théoriques non évalués, car cette technique est
rarement utilisée, seraient la surinfection de la poche d’extrapériosté,
voire l’absence de réexpansion du poumon…
E - DÉCORTICATION ET VIDÉOTHORACOSCOPIE
:
1- Thoracoscopie et traitement des pleurésies purulentes
:
La pleuroscopie a été utilisée dans le traitement des pleurésies
purulentes depuis le début des années 1970.
Elle permet avant
tout de mieux comprendre les raisons rendant les pleurésies
purulentes résistantes au drainage : nécrose pulmonaire, corps
étranger intrapleural, cause extrapulmonaire… et de nettoyer la
plèvre.
L’avènement de la chirurgie thoracique vidéoassistée a élargi
le champ d’application de la pleuroscopie : l’équipe de Braimbridge,
première à utiliser la vidéothoracoscopie propose une toilette des
plèvres suppurées sous pleuroscopie suivie d’une
irrigation-drainage.
2- Vidéothoracoscopie
:
Certains la proposent comme traitement initial des pleurésies
purulentes, d’autres après échec des drainages.
Elle remplace alors l’abord par thoracotomie (ce qui est son but essentiel quel que
soit le geste chirurgical…).
Le plus souvent, elle se résume à évacuer
des débris fibrinopurulents, décloisonner les poches pleurales,
réaliser une toilette pleurale complète et redrainer correctement.
Elle
permet donc le plus souvent de fausses décortications, type
« débridement » et « déloculation ».
Certains auteurs ont pu réaliser à cette occasion la libération de
poumons qui ne se réexpandaient pas en les libérant de leur gaine
viscérale.
L’intervention est menée sous anesthésie générale, intubation
sélective, patient en décubitus latéral comme pour une thoracotomie.
L’abord intrathoracique se fait par mise en place de trois trocarts.
Quand il s’agit d’un épanchement non encore enkysté, ce qui est
donc habituellement le cas, la mise en place des trocarts se fait
comme pour toute chirurgie pleurale.
En fait, dans un tel
contexte, le risque de perforation pulmonaire nous semble trop élevé
pour conseiller cette façon de procéder qui dénote bien qu’elle
s’adresse le plus souvent à des pleurésies purulentes non encore
organisées.
Dans les épanchements qui risquent d’être déjà
organisés, l’abord pleural du premier trocart peut être pratiqué sous
contrôle de la vue en effondrant les logettes au doigt.
Dans les
poches réellement enkystées il faut aborder directement la cavité
(après repérage) ou utiliser l’orifice du drain quand elle est encore
drainée.
La technique rapportée par Cheng semble la plus adaptée.
Par
l’orifice du drain, introduction d’une optique à 0° avec canal
opérateur.
Par ce canal, introduction d’un aspirateur permettant le
décloisonnement et la toilette de la poche.
Mise en place sous
contrôle de la vue des deux autres trocarts.
Remplacement de
l’optique à 0° par une optique à 30°. Introduction par les autres
trocarts d’instruments pour endoscopie (coagulateur, aspirateur, …),
mais aussi instruments conventionnels (pince, dissecteurs…) en
n’utilisant que les orifices du trocart si nécessaire.
La coque
engainant le poumon est incisée et disséquée progressivement de la
plèvre viscérale.
L’intervention est terminée par un grand
lavage de la plèvre au sérum physiologique.
Cheng associe au
double drainage thoracique une irrigation de la plèvre en
complément thérapeutique.
La décortication sous vidéothoracoscopie n’est pas toujours aussi
simple et le taux des thoracotomies (thoracoconversion) pour
compléter la décortication atteint 41 %, voire 44 %31 des cas.
La vidéothoracoscopie peut être utile pour nettoyer les plèvres et
éviter les drainages prolongés en permettant de fausses
décortications (débridement…) dont l’inconvénient est une
anesthésie générale chez des sujets souvent débilités.
Dans les
formes plus évoluées de pleurésies purulentes, la vidéothoracoscopie est considérée par les Anglo-Saxons comme une
alternative intéressante à la thoracotomie qu’elle permettrait d’éviter
dans au moins 56 % des cas.
F - DÉCORTICATIONS CHIMIQUES PAR FIBRINOLYTIQUES
:
1- Fibrinolytiques
:
Les fibrinolytiques utilisés sont la streptokinase et l’urokinase.
La streptokinase a été employée pour la première fois il y a plus de
50 ans.
L’usage de l’urokinase a commencé il y a environ 15 ans.
Ces deux enzymes sont de puissants activateurs du plasminogène
et conduisent à la plasmine, enzyme « trypsine-like » qui dégrade la
fibrine, le fibrinogène et d’autres molécules apparentées.
2- Protocole d’utilisation
:
Une revue de la littérature souligne la grande variété des protocoles
utilisés.
La quantité de sérum physiologique intrapleural, la
dose de fibrinolytique qu’elle contient, le nombre d’injections par
jour, le nombre de jours de traitement varient d’une publication à
l’autre.
La technique préconisée en 1983 par Debesse apparaît être une
synthèse de l’ensemble des données de la littérature.
Cette technique
utilisée par la suite en routine sur plus de 200 malades, dont les
deux tiers étaient adressés pour décortication n’a connu que deux
échecs (encore s’agissait-il de patients grabataires et séniles dont
l’état ne permettait ni anesthésie, ni chirurgie majeure).
Les résultats
de cette technique sont d’autant meilleurs qu’elle s’adresse à une
pleurésie purulente parapneumonique.
Ils sont également bons dans
des pleurésies purulentes d’autres origines.
Cette technique est basée sur un drainage immédiat, c’est-à-dire dès
l’épanchement reconnu. Les poches pleurales, même les plus petites,
sont drainées sous contrôle radio au besoin.
Il faut mettre des petits
drains (type drain de Monaldi, Porgès – France).
Le drain risquant
de s’exclure rapidement et de se boucher, il faut utiliser les
fibrinolytiques le plus tôt possible.
Après avoir contrôlé la bonne position du drain par une
radiographie thoracique (face et profil), les injections de
fibrinolytiques sont commencées : 1/3 d’ampoule de streptokinase
(250 000 UI) dilué dans 15 à 20 ml de sérum physiologique.
Une fois
la solution injectée, le drain est clampé pendant 2 à 3 heures.
La
manoeuvre est répétée 3 fois par jour, ou au minimum matin et soir.
Lors du déclampage, le drain est mis en aspiration : cette période
est utilisée pour la kinésithérapie respiratoire.
Le passage du liquide dans les bronches lors des lavages se traduit
par une toux avec un goût amer dans la bouche.
C’est le témoin
d’une fistule bronchique ou de l’érosion de la corticalité du poumon.
Sans conséquence, cette péripétie doit juste faire suspendre ces
lavages quelques jours.
La quantité de pus recueillie chaque jour est notée ; assez
rapidement cette quantité va décroître.
La surveillance radiographique permet d’apprécier la résolution de
la poche.
Alors que la poche diminue, les lavages sont plus difficiles
et le liquide ressort parfois autour du drain : celui-ci est mobilisé
progressivement et retiré en 2 ou 3 jours de façon à éviter les
rétentions purulentes au niveau de son trajet.
Si nécessaire, un
deuxième drain peut être placé dans une poche cloisonnée
indépendante de la première, le traitement effectué sera le même.
Dans les formes très évoluées et vues tardivement, la
« pachypleurite » régresse habituellement dans les mois suivants.
L’avantage de cette technique est d’éviter toute anesthésie et le
recours à une chirurgie qui peut être lourde.
Ses inconvénients sont de ne « marcher » que dans les pleurésies
purulentes enkystées à germes banals et de nécessiter une
hospitalisation qui peut se prolonger.
Les causes d’échecs sont le fait de fausses poches pleurales enkystées
à germes banals : un tiers des patients chez qui une technique
analogue avait échoué étaient porteurs d’une pleurésie maligne
surinfectée.
La clef du succès est d’utiliser de petites injections
fractionnées répétées dans la journée et sans limite de durée.
Une seule dose journalière dans un volume important de sérum
physiologique laissée en place peu de temps et répétée quelques
jours seulement dilue les fibrinolytiques, diminue la durée de leur
action et entretient mécaniquement la taille de la poche.
Indications des décortications
:
A - INDICATIONS
:
Le but d’une décortication est de libérer le poumon afin qu’il
réoccupe l’espace pleural libéré dont l’avait exclu un épanchement
pleural organisé passé à la chronicité.
Toute collection intrapleurale
enkystée est une indication potentielle de la décortication.
Les décortications s’adressent avant tout à des poches pleurales
infectées :
– suppuration intracavitaire ;
– fistule bronchopleurale ;
– aspergillisation.
Pour pouvoir parler de décortication et non de déloculation, il faut
que le délai d’évolution soit supérieur à 3 mois après installation de
la suppuration.
Permettant une amélioration de la fonction
respiratoire, les poches pleurales enkystées qui entraînent une
dyspnée, d’effort le plus souvent, sont également justiciables d’une
décortication.
Il faut être certain que cette dyspnée ne connaît pas
une autre étiologie et être sûr que le poumon sous-jacent est
récupérable ou en partie récupérable.
Pour certains auteurs, une décortication est indiquée si la poche
pleurale enkystée occupe plus de 25 à 30 % de la cavité pleurale.
Ceci peut être discutable chez un patient totalement
asymptomatique dont l’histoire de l’épanchement pleural est
parfaitement connue depuis le début.
En revanche, ceci est justifié si
l’existence de cette poche enkystée pose un problème
diagnostique.
Il faut rapprocher de cette indication les pachypleurites d’étiologies particulières : urémie, parasites, etc…
De la même façon, une poche pleurale enkystée douloureuse ou qui
devient douloureuse et une poche pleurale dont la pachypleurite
augmente sur des contrôles radiographiques successifs sont des
indications à une décortication (intérêt diagnostique et
thérapeutique).
Selon Hertzog, l’apparition de calcifications serait
à interpréter également comme un signe d’évolutivité.
B - CONTRE-INDICATIONS
:
Une poche pleurale enkystée asymptomatique de découverte
fortuite sur une radiographie et/ou un scanner thoracique n’est pas
une indication de décortication en dehors de problèmes
diagnostiques particuliers.
Ceci n’est toutefois pas pour autant une
contre-indication.
Sont des contre-indications absolues : l’existence d’une
pathologie extensive ou évolutive dans le poumon sous-jacent à la
tomodensitométrie et l’existence de sténoses bronchiques ; c’est dire
que la fibroscopie bronchique doit être systématique dans le bilan
préopératoire.
La présence de bacilles de Koch et l’hypoperfusionscintigraphie
ne sont pas des contre-indications.
Sont des contre-indications relatives :
– l’existence d’une infection pleurale non contrôlée médicalement ;
– la présence de problèmes pulmonaires controlatéraux ;
– un état débilité ou très affaibli ;
– des risques anesthésiques et opératoires (insuffisance cardiaque
non contrôlée, infarctus récent, troubles de la coagulation) ;
– dans les cas complexes, il est toujours possible de faire appel dans
un premier temps à des interventions moins agressives
(fenestrations, etc…).
Beaucoup de ces contre-indications relatives
disparaîtront après le traitement en cause.
Conclusion
:
Les techniques de décortication permettent de faire face à toutes les
indications et chaque cas particulier permet de bénéficier de la technique
qui lui est le mieux adaptée.
La morbi/mortalité est peu importante pour
une intervention qui, dans sa forme standard, demeure une
intervention à haut risque.
La mortalité dépasse rarement 2 à 3 %
entre des mains expérimentées.
Au total, pour que les indications soient bien posées et que les
techniques soient bien utilisées, ce type d’intervention nécessite une
bonne connaissance de la chirurgie thoracique.