Syndrome de la queue de cheval Cours de Neurologie
Diagnostic positif
:
Il est avant tout clinique et sera orienté par l’imagerie
médicale pour l’étiologie.
Selon le site lésionnel, le syndrome
de la queue de cheval associe à des degrés divers,
des troubles sensitivomoteurs, génito-sphinctériens et
une anomalie des réflexes.
1- Interrogatoire
:
Il précise :
– le mode de début (aigu ou non) ;
– l’évolution des symptômes (douleurs++, troubles
sphinctériens) ;
– la notion d’une claudication radiculaire avec son périmètre
de marche ; les signes (paresthésies, radiculalgies
ou déficit moteur) entraînent des troubles de la marche,
absents au début de la marche, empêchant sa poursuite
et disparaissant après un court repos ;
– les antécédents (cancer++, maladie rhumatologique…)
;
– les signes d’accompagnement (fièvre, baisse de l’état
général) ;
– la profession (travail de force) et les habitudes de vie
(jardinage, bricolage).
2- Examen clinique (patient déshabillé) :
Il comporte un examen du rachis lombosacré (modifications
posturales, douleur provoquée) et surtout un
examen neurologique soigneux qui précise les racines
atteintes en recherchant les signes déficitaires ou le trajet
d’une douleur radiculaire.
Réalisé en décubitus dorsal,
le signe de Lasègue évoque une atteinte sciatique,
en déterminant l’angle d’élévation du membre inférieur
en hyperextension par rapport au plan du lit.
La
manoeuvre de Leri (hypertension de la cuisse sur le bassin,
membre inférieur en extension) reproduit une douleur
L3 ou L4.
Un examen général est nécessaire orienté
par le mode de survenue des troubles et les
antécédents.
3- Explorations complémentaires :
• Radiographies standard (FP 3/4) et tomographies
: de moindre intérêt depuis l’avènement du scanner
et de l’IRM, elles objectivent une cause de compression
(spondylolisthésis, fracture, tassement,
arthrose favorisant l’étroitesse du canal, élargissement
d’un trou de conjugaison évoquant un neurinome sur
des clichés de profil et de trois quarts, élargissement du
canal lombaire en faveur d’une tumeur intradurale…).
• Examens de contraste : la radiculographie ou la myélographie
réalisée après injection d’amipaque précise le
siège et les limites de la compression.
Elle oriente le
diagnostic étiologique : arrêt en dôme pour les neurinomes
et méningiomes, en bec de flûte en cas de compression
extradurale, image fusiforme d’une tumeur intramédullaire.
La réalisation d’un scanner après l’injection
précise l’image anormale.
Ces examens sont indiqués en cas de discordance clinico-
scanographique et dans certains cas de canal lombaire
étroit.
La discographie et le disco-scanner sont d’indication
exceptionnelle.
• Scanner rachidien (PAS 2) : il est pratiqué au niveau
de la zone lésionnelle suspectée, parfois après myélographie
(lésions intradurales) ou injection intraveineuse
de produit de contraste.
En première intention, il est réalisé
sans injection de produit de contraste, en fenêtres
molles (disques, sac dural, graisse, racines) et osseuses
avec coupes de 5 mm d’épaisseur.
S’il n’y a pas de point
d’appel particulier, il faut réaliser une exploration systématique
de tous les étages.
Le scanner peut aussi servir
de repère pour une ponction guidée.
• L’imagerie par résonance magnétique permet de
mieux apprécier l’extension de la lésion qu’avec le
scanner et d’orienter le diagnostic étiologique.
• Phlébographie et artériographie : seule l’artériographie
garde un intérêt pour explorer une malformation
vasculaire ou une tumeur hypervascularisée.
Elle précède
parfois une embolisation à visée thérapeutique.
• La ponction lombaire reste utile dans les syndromes
de la queue de cheval d’allure infectieuse ou néoplasique
(recherche de cellules anormales).
La positivité de
la manoeuvre de Queckenstedt Stookey et une dissociation
albumino-cytologique évoquent une tumeur.
• Explorations électrophysiologiques (PAS 3) : l’électromyogramme
et l’étude des vitesses de conduction nerveuse permettent de confirmer l’atteinte de certains
territoires (sciatique, crural…) et ont surtout un intérêt
pour le diagnostic différentiel.
Les potentiels évoqués
moteurs et sensitifs sont parfois utiles pour préciser la
localisation lésionnelle.
• Selon l’étiologie suspectée (cancer ++) on complète
les explorations par une scintigraphie osseuse qui sert
également de bilan d’extension.
• Les examens biologiques sont orientés : vitesse de
sédimentation (VS), numération-formule sanguine
(NFS), recherche de bacilles de Koch (BK), sérologie de
la brucellose, du cytomégalovirus (CMV) ou de la
syphilis, marqueurs tumoraux.
Formes cliniques
:
1- Syndrome complet :
• Les troubles moteurs réalisent une paraplégie flasque.
L’amyotrophie est en général tardive.
• Les réflexes rotuliens, crémastériens, achilléens et anal
sont abolis.
Les cutanés plantaires sont indifférents.
Les
réflexes cutanés abdominaux, crémastériens et médiopubiens
sont conservés.
• Les troubles sensitifs subjectifs souvent inauguraux
(lombalgies, radiculalgies mono ou multiradiculaires)
peuvent persister à ce stade. Ils sont en règle augmentés
par l’hyperpression abdominale (toux, défécation…),
qui augmente la pression du liquide céphalo-rachidien
(LCR).
• L’hypo ou l’anesthésie est à tous les modes, intéressant
la totalité des membres inférieurs et le périnée.
L’atteinte
de la région périnéale, des organes génitaux externes, de
l’anus et de la partie haute de la face interne des cuisses
réalise une anesthésie dite « en selle ».
Le patient se
plaint parfois également de sensations inhabituelles (perte
ou diminution) lors de la défécation ou des mictions.
• Les troubles sphinctériens réalisent une incontinence
urinaire (mictions impérieuses au début) voire anale
[gaz et (ou) matières] ou des difficultés à uriner avec
mictions par regorgement pouvant aboutir à une rétention
vésicale.
• Les troubles génitaux comportent une impuissance et
des troubles de l’éjaculation chez l’homme, une frigidité
chez la femme, en relation avec l’anesthésie de la
vulve et du vagin.
• Les troubles trophiques précoces sont à type d’escarres
aux points d’appui.
2- Syndromes partiels :
• Syndrome d’atteinte haute (territoire du plexus lombaire
: nerfs crural et obturateur).
Le déficit est proximal.
Les réflexes rotuliens sont abolis ou diminués.
• Syndrome moyen lombosacré : il associe des troubles génito-sphinctériens et une atteinte sciatique. Les
réflexes achilléens peuvent être abolis.
• Syndrome sacré : il concerne l’atteinte des 3 ou 4 dernières
racines sacrées.
Le diagnostic est difficile. Les
douleurs sacrées et périnéales sont parfois inaugurales.
Il n’y a pas de déficit moteur apparent hormis une faiblesse
des muscles fessiers : les réflexes anaux et bulbocaverneux
sont abolis.
L’anesthésie en selle est limitée ;
l’impuissance et la frigidité sont de règle de même que
les troubles sphinctériens.
• Hémisyndrome de la queue de cheval : secondaire à
une compression unilatérale, il correspond le plus souvent
à une forme de début où les signes déficitaires sont homolatéraux à la lésion.
Une sciatalgie est souvent
inaugurale puis apparaissent des troubles respiratoires,
une anesthésie en selle et un déficit pluriradiculaire.
Diagnostic différentiel
:
1- Neuropathies périphériques :
Les troubles sensitivo-moteurs s’installent le plus souvent
progressivement et prédominent en distalité.
Il n’y
a pas de troubles génito-sphinctériens ni d’anesthésie en
selle.
Le diagnostic est confirmé par l’électromyograme
et l’étude des vitesses de conduction nerveuse.
2- Plexopathies lombosacrées
:
Le contexte est souvent évocateur (néoplasie, radiothérapie).
Les investigations complémentaires (imagerie et
étude électrophysiologique) font le diagnostic.
3- Polyradiculonévrites :
Les signes neurologiques peuvent apparaître rapidement
dans les formes aiguës type Guillain et Barré.
L’étude électrophysiologique
confirmera le diagnostic, de même que la
ponction lombaire qui révèle une hyperprotéinorachie.
4- Atteinte du cône médullaire :
Il existe des signes pyramidaux qui se résument le plus
souvent à un signe de Babinski.
La recherche étiologique
est identique et les causes souvent communes
avec les syndromes de la queue de cheval.
Diagnostic étiologique
:
Nous insisterons plus particulièrement sur certaines causes
fréquentes ou qui relèvent d’un traitement spécifique.
1- Hernies discales médianes :
Elles représentent une des causes les plus fréquentes
de syndrome de la queue de cheval et une urgence
neurochirurgicale.
Parfois inaugurale, la hernie survient
le plus souvent chez un patient aux antécédents
de lombalgie, lombosciatalgie voire hernie discale
opérée.
Le début est brutal, volontiers lors d’un
effort, avec des sciatalgies très violentes puis s’installent
un déficit sensitivomoteur, des troubles sphinctériens
et une anesthésie en selle qui, paradoxalement,
peuvent s’accompagner d’une sédation des douleurs.
Le scanner rachidien et surtout l’IRM sont les examens
de choix ; ils mettent en évidence une volumineuse
hernie qui peut avoir migré à l’étage sus- ou
sous-jacent, médiane (syndrome complet ou non avec
signes bilatéraux) ou latérale (hémisyndrome de la
queue de cheval).
En cas de doute, une radiculomyélographie (suivie d’un
scanner) révélera un arrêt extradural du produit de
contraste.
Le pronostic fonctionnel dépend de la rapidité
de l’intervention (laminectomie en urgence).
2- Canal lombaire étroit :
L’étroitesse est souvent congénitale, aggravée par des
remaniements arthrosiques, une maladie osseuse (Paget,
acromégalie…) ou un spondylolisthésis.
Le tableau clinique
s’installe progressivement, le plus souvent chez
un patient de plus de 60 ans, avec une claudication
intermittente sensitivo-motrice, non douloureuse qui
réduit progressivement le périmètre de marche.
Le scanner
lombaire permet de mesurer le diamètre du canal
rachidien, montre un aspect trifolié évocateur et parfois
une zone élective de rétrécissement qui pourra bénéficier
d’une laminectomie.
L’IRM lombaire ou la radiculographie
(plus invasive) peuvent être réalisées à la
place ou en complément du scanner.
3- Neurinome de la queue de cheval :
C’est la tumeur intradurale la plus fréquente.
Elle se
manifeste chez l’adulte par une longue phase de douleurs monoradiculaires qui évoquent parfois à tort une
hernie discale.
Il n’y a cependant pas de facteur
déclenchant, pas de signe de Lasègue et les douleurs
sont surtout nocturnes.
Il faut rechercher des stigmates
cutanés et des antécédents familiaux de maladie de
Recklinghausen (risque de multiples localisations
nécessitant alors un bilan d’extension).
Le scanner fait
le diagnostic en découvrant une lésion arrondie homogène intracanalaire (parfois extracanalaire : neurinome
en sablier) rehaussée par le produit de contraste.
L’IRM montre un hypersignal et la myélographie
visualise la lésion.
Le pronostic est bon après exérèse
totale.
4- Épendymomes :
Ce sont les tumeurs primitives les plus fréquentes
(80 %) du filum terminale et du cône médullaire.
Ils
sont diagnostiqués chez l’adulte après une longue phase
de latence devant un syndrome de la queue de cheval.
Le diagnostic est parfois difficile devant une hémorragie
méningée (coup de poignard lombaire ou sciatique
aiguë signant la rupture des vaisseaux tumoraux), une
hypertension intracrânienne ou une hydrocéphalie de
mécanisme non univoque.
La myélographie montre un
arrêt intradural et des images pseudo-angiomateuses qui
peuvent nécessiter une artériographie (utile également à
visée préopératoire).
Le scanner et l’IRM montrent la
lésion et son étendue mais le diagnostic différentiel
d’avec les autres tumeurs intradurales est parfois difficile.
Le pronostic dépend du caractère complet de l’exérèse
(risque de récidive surtout dans les formes géantes) et
du grade tumoral (nécessitant parfois une radiothérapie
et pour certains une chimiothérapie).
5- Métastases vertébrales et épidurales :
Elles sont très fréquentes et le contexte est souvent évocateur.
Il peut s’agir d’une compression par tassement
d’une vertèbre métastatique (début brutal) ou d’un envahissement
de l’espace épidural par coulée métastatique
(évolution plus lente).
La scintigraphie complétera les
explorations locorégionales habituelles.
Le pronostic
dépend du cancer primitif et du nombre de lésions
osseuses (laminectomie et en fonction radiothérapie,
hormonothérapie dans certains cancers prostatiques ou
thyroïdiens).
6- Arachnoïdites :
Elles doivent être connues car elles contre-indiquent
tout acte invasif (ponction lombaire, radiculo- ou myélographie,
chirurgie rachidienne).
Elles correspondent à
une fibrose méningée avec adhérence et engainement
des racines.
Il existe des antécédents de ponctions lombaires
répétées, d’injections intrathécales ou de chirurgie
rachidienne.
Les douleurs sont au premier plan ; lombosciatalgie surtout nocturne avec dysesthésies, parfois
troubles génito-sphinctériens et atteinte pluriradiculaire.
Les troubles moteurs sont rares.
L’IRM est évocatrice,
montrant l’atteinte méningée avec un hypersignal
en T2.
Le traitement est symptomatique, médical, axé
sur la prise en charge de la douleur.
7- Malformations artérioveineuses :
Elles sont rares à ce niveau et se traduisent le plus souvent
par une atteinte du cône médullaire probablement
en raison d’un hémodétournement.
L’artériographie
montre une malformation artérioveineuse du filum terminale
ou une fistule artérioveineuse durale et précise la
vascularisation (artérielle et retour veineux) en vue
d’une chirurgie ou d’une embolisation.