Syndrome inflammatoire biologique persistant Cours
d'infectieux
Définition
:
Le syndrome inflammatoire biologique est défini par
l’augmentation des protéines de l’inflammation dont les
plus utiles en pratique clinique sont le fibrinogène, la
protéine C réactive (CRP), l’haptoglobine, et l’orosomucoïde,
qui peuvent (inconstamment) élever aussi la
vitesse de sédimentation des hématies (VS).
La connaissance
incomplète du rôle joué par ces diverses protéines
rend difficile la présentation d’un schéma global de
leurs activités.
Des perturbations de l’hémogramme
accompagnent souvent un syndrome inflammatoire biologique
persistant : anémie, thrombocytose.
Le caractère
persistant est arbitrairement fixé lorsque le syndrome
inflammatoire biologique dure plus de 3 semaines.
A - Élévation de la vitesse de sédimentation
:
La mesure de la vitesse de sédimentation est un examen
simple et peu coûteux (15 F).
Seule la mesure à la
première heure exprimée en millimètres a un intérêt.
Les valeurs normales de la vitesse de sédimentation sont
plus basses chez l’homme que chez la femme (vitesse
de sédimentation inférieure à 16 chez l’homme, et à
25 chez la femme) et elles augmentent avec l’âge.
La
correction de Miller donne les normes de la vitesse de
sédimentation en fonction de l’âge et du sexe : vitesse de
sédimentation < 0,5 x âge pour l’homme ; vitesse de
sédimentation < 0,5 x (âge + 10 ans) pour la femme.
Une vitesse de sédimentation supérieure à 100 mm
conduit à un diagnostic 9 fois sur 10.
Les maladies
infectieuses représentent la moitié des cas, l’autre moitié
étant le fait d’une pathologie inflammatoire ou tumorale.
L’élévation de la vitesse de sédimentation n’est pas toujours
synonyme de syndrome inflammatoire. À l’inverse,
certains facteurs diminuent cette vitesse et peuvent
masquer un syndrome inflammatoire.
La vitesse de sédimentation est indépendante de la
température corporelle et de traitements par aspirine ou
anti-inflammatoires non stéroïdiens.
B - Augmentation des protéines de l’inflammation :
Les principales protéines de l’inflammation utilisées
en pratique courante sont présentées ici.
D’autres
protéines sont moins utilisées, qu’elles soient en cours
d’évaluation ou que leur dosage soit de pratique moins
courante : alpha1-antitrypsine, a1-antichymotrypsine,
protéine SAA (serum amyloid A), céruloplasmine…
L’interprétation des dosages doit tenir compte d’un certain
nombre de facteurs susceptibles d’interférer : une
hémolyse s’accompagne d’une diminution de l’haptoglobine
; l’insuffisance rénale chronique s’accompagne
fréquemment d’une augmentation du fibrinogène ; une
corticothérapie abaisse le fibrinogène ; une coagulation intravasculaire disséminée (CIVD) diminue le fibrinogène
par « consommation » ; une insuffisance hépatocellulaire
diminue toutes les protéines de l’inflammation,
par défaut de synthèse ; un syndrome néphrotique
augmente les protéines de l’inflammation, à l’exception
de la protéine C réactive, et cela en réponse à la baisse
de pression oncotique.
• La protéine C réactive est très intéressante car de cinétique
rapide.
Elle augmente dès le début d’une infection,
diminue 48 heures après la disparition de celle-ci, et se
normalise en 10 jours environ (contre 3 à 6 semaines pour
la vitesse de sédimentation).
Son élévation est très nette
dans les infections bactériennes et elle est également utile
au cours des connectivites pour distinguer une poussée de
la maladie (protéine C réactive normale) d’une complication
infectieuse (protéine C réactive élevée).
• Le dosage de l’haptoglobine est surtout intéressant
dans les maladies inflammatoires subaiguës ou chroniques
telles que la maladie de Horton, pour s’assurer de
l’évolution sous traitement.
• L’électrophorèse des protéines (EPP) est un examen
simple qui permet de doser albumine, a1-, a2-, b- et g-globulines.
Elle permet d’évaluer de façon globale
mais non spécifique l’augmentation des protéines de
l’inflammation.
• Notons que le taux de certaines protéines, à l’opposé
des précédentes, s’abaisse parfois de façon importante
en cas d’inflammation chronique : albumine, préalbumine,
transferrine.
• Le « profil protéique », comprenant les 3 protéines
précédentes, l’haptoglobine, l’orosomucoïde, la protéine
C réactive, la fraction C3 du complément et 3 immunoglobulines
(IgA, IgG, IgM) peut être proposé pour
explorer l’inflammation.
• En pratique courante, l’association de 2 des 4
paramètres suivants permet d’affirmer le syndrome
inflammatoire : protéine C réactive > 15 mg/L ; haptoglobine
> 2,5 g/L ; orosomucoïde > 1,5 g/L ; fibrinogène
> 5 g/L.
C - Ne pas se tromper de cible
:
• Une anémie, même profonde, n’élève que modérément
la vitesse de sédimentation.
Donc, la constatation
d’une vitesse de sédimentation supérieure à 50 nécessite
de rechercher une autre cause associée à l’anémie pour
expliquer l’augmentation de la vitesse de sédimentation.
• L’existence d’un syndrome néphrotique rend indéfinissable
une élévation de la vitesse de sédimentation et
de la plupart des protéines de l’inflammation, seule la
protéine C réactive reste contributive dans un tel contexte.
• Une maladie inflammatoire associée à un taux normal
ou bas d’haptoglobine doit faire rechercher une
hémolyse.
Orientation diagnostique
:
A - Interrogatoire et examen clinique :
Cette étape nécessaire, mais pas toujours suffisante, est
la plus importante dans la démarche pouvant conduire
au diagnostic.
L’interrogatoire recherche des renseignements
qui ne sont pas toujours mis en avant spontanément
par le patient.
Parmi ces éléments, les prises médicamenteuses
méritent d’être détaillées.
En effet, certains médicaments
peuvent être responsables de syndromes inflammatoires
chroniques : antiarythmiques (amiodarone,
quinidiniques), antiépileptiques (carbamazépine,
diphénylhydantoïne), antibiotiques, b-bloquants (lupus
induit), méthysergide (fibrose rétropéritonéale).
Des
cas de vascularites ont été rapportés à la suite de prises
de benzylthio-uracile, dihydralazine, D-pénicillamine.
Des médicaments réputés (à tort) anodins telle l’huile
de paraffine peuvent être en cause (pneumopathie
« huileuse » ou paraffinome).
L’imputabilité repose sur
les arguments suivants : introduction récente, fièvre,
éruption cutanée, hyperéosinophilie.
En cas de doute,
seul l’arrêt du médicament suspecté permet de confirmer
rétrospectivement sa responsabilité dans le syndrome
inflammatoire.
L’examen clinique doit être très complet, éventuellement renouvelé régulièrement
à la recherche d’un signe récent.
Les signes
de « pancarte » sont colligés : poids, température,
pression artérielle aux deux bras, fréquences cardiaque
et respiratoire.
B - Examens complémentaires :
Si au terme de la première étape, aucune orientation
diagnostique n’a pu être dégagée, il semble logique de
proposer un certain nombre d’examens complémentaires
de « débrouillage ».
Ces examens sont peu traumatiques, certains nécessitant
une coopération minimale du patient : radiographies,
examen ophtalmologique, panoramique dentaire (le
patient doit être capable de tenir assis).
Ces examens ont plusieurs objectifs.
• Éliminer un processus infectieux : foyer ORL,
dentaire, pulmonaire, urinaire, ou abdominal profond
(sigmoïdien, appendiculaire, périrénal…), une tuberculose,
une endocardite.
L’étude du couple orosomucoïde-haptoglobine peut constituer une aide pour le
diagnostic d’endocardite infectieuse, lorsque celle-ci
est suspectée, en révélant et en quantifiant une hémolyse
de diagnostic délicat en présence d’un syndrome
inflammatoire (dissociation orosomucoïde élevée et
haptoglobine normale ou basse).
La réalisation systématique
de sérologies est discutable et doit dépendre du
contexte [virus de l’immunodéficience humaine (VIH) , hépatites B et C, cytomégalovirus (CMV), mononucléose
infectieuse (MNI), réaction de Wright, maladie
de Lyme, Chlamydia, mycoplasme, légionelle, rickettsie,
amibiase, paludisme, hydatidose…].
Dans ce sens,
la conservation d’un tube de sérum s’avère parfois utile.
• Rechercher un cancer profond : bronchopulmonaire
(cliché de thorax), intra-abdominal (échographie abdomino-
pelvienne), une hémopathie lymphoïde (échographie
abdomino-pelvienne, augmentation des lacticodéshydrogénase).
Le dosage de certains marqueurs
tumoraux n’est réalisé que s’il existe un fort argument
clinique et en gardant à l’esprit qu’une élévation n’est
pas synonyme de cancer.
Le tabagisme augmente l’antigène carbohydrate 19-9 (CA 19-9) ; l’antigène spécifique
de la prostate (PSA) est élevé en cas de prostatite
aiguë ; l’antigène CA 125 s’élève en cas d’ascite ou
d’épanchement pleural…
• S’orienter vers une maladie inflammatoire : un facteur
rhumatoïde positif oriente vers une polyarthrite
rhumatoïde (il peut être négatif à un stade précoce mais
peut également être positif en présence d’une autre
affection telle une cryoglobulinémie).
Des anticorps
anti-cytoplasme des polynucléaires neutrophiles
(ANCA) peuvent orienter vers une polyangéite microscopique
ou vers une maladie de Wegener.
Une augmentation
des créatines phosphokinases oriente vers une
myosite.
Des facteurs antinucléaires positifs, bien
qu’aspécifiques, peuvent guider la recherche d’un lupus
(baisse associée du complément) ; enfin la constatation
d’une inflammation persistante chez un sujet âgé de plus
de 60 ans doit faire envisager de principe une maladie
de Horton, même en l’absence des signes cliniques
classiques.
En effet, dans ce dernier cas, un retard à
l’instauration d’une corticothérapie peut entraîner une
cécité souvent définitive.
• Si au terme des examens précédents le diagnostic n’a
pas pu être établi, et si l’état du patient le permet, il peut
être proposé une surveillance en ambulatoire (poids,
apparition d’un élément clinique nouveau, évolution des
marqueurs de l’inflammation).
Cette attitude est justifiée
d’une part, par le fait que deux tiers des syndromes
inflammatoires biologiques persistants disparaissent en
quelques mois sans qu’aucun diagnostic n’ait été établi
et, d’autre part, par le fait que la probabilité d’identifier
une affection à un stade précoce et d’en améliorer le
pronostic est faible.
Dans les cas où l’état général du patient oriente vers une
maladie évolutive, il est licite de poursuivre les explorations.
Certains examens
déjà réalisés précédemment pourront l’être à nouveau
(hémocultures à garder 10 jours
– germes à croissance
lente, sérologies 2eme prélèvement, stigmates d’autoimmunité).
Parmi les examens cités, certains méritent un
intérêt particulier : les tubages gastriques à la recherche
d’une tuberculose ; le scanner abdominal et pelvien ; la
biopsie ostéomédullaire ; la biopsie d’artère temporale,
d’emblée bilatérale pour certains auteurs (sujets de plus de 60 ans, ou plus jeunes en présence de
signes cliniques évocateurs) ; la biopsie hépatique n’est
réalisée qu’en cas de fièvre et (ou) de perturbations des
tests hépatiques.
Ces examens de « deuxième ligne » devront être
mûrement réfléchis avant d’être réalisés.
En effet, leur
éventuelle contribution au diagnostic doit toujours
être mise en balance avec leur pénibilité pour le patient
et (ou) avec leur toxicité potentielle.
Deux questions
illustrent, à titre d’exemple, ce dernier point : faut-il
réaliser un scanner avec injection d’iode chez un patient
diabétique et insuffisant rénal ?
Faut-il réaliser une artériographie
chez un patient ayant une athéromatose
généralisée, avec le risque de voir apparaître une maladie
des emboles de cholestérol après l’artériographie ?
Les réponses à ces questions et bien d’autres devront
être réfléchies au cas par cas en tenant compte de l’avis
du patient, de sa demande, et de son état général.
Certains diagnostics difficiles méritent d’être connus
pour être recherchés efficacement :
• une pathologie vasculaire : embolie pulmonaire
(scintigraphie pulmonaire), dissection aortique (scanner
thoracique), anévrisme de l’aorte abdominale fissurée
(scanner abdominal), infarctus du myocarde indolore du
sujet diabétique, de l’hypothyroïdien, ou du vieillard
(échographie cardiaque), maladie de Takayasu, vascularite
(artériographie coelio-mésentérique).
Une phlébite
entraîne inconstamment un syndrome inflammatoire, et
que l’existence d’une phlébite doit faire rechercher une
cause favorisante responsable de l’inflammation ;
• une pathologie cardiaque : syndrome de Dressler,
myxome auriculaire (échographie cardiaque) ;
• une fibrose pulmonaire (scanner thoracique), rétropéritonéale
(scanner abdomino-pelvien) ;
• la maladie de Whipple : fibroscopie oesogastroduodénale
avec biopsies, coloration au periodic acid
Schiff (PAS) ;
• le syndrome de Münchausen : pathomimie avec
injections, abcès… ;
• la scintigraphie au gallium peut être utile lorsque le
diagnostic de sarcoïdose est évoqué, la scintigraphie aux
polynucléaires marqués serait utile pour rechercher un
foyer inflammatoire profond mais est encore en cours
d’évaluation.
Enfin, dans les cas les plus difficiles, les confrontations anatomo-, bio-, et radiocliniques peuvent être très utiles.
C - Faut-il envisager un traitement
d’épreuve ?
Dans certains cas, pendant ou au terme de la réalisation
des examens complémentaires, l’altération progressive
de l’état général du patient peut faire discuter la mise en
route d’un traitement d’épreuve.
Celui-ci doit toujours
être discuté au cas par cas, en gardant à l’esprit qu’il est
parfois moins agressif que certains examens, par
exemple chez des sujets âgés.
Les principaux traitements à discuter sont :
• un traitement antituberculeux : il doit être prolongé au
minimum 3 mois pour juger de son éventuelle efficacité ;
• une antibiothérapie : sa seule indication est peutêtre
la suspicion de foyer infectieux profond intraabdominal.
Une association synergique (bêtalactamine
et aminoside) peut être proposée en sachant qu’un
prélèvement bactériologique préalable doit toujours être
préféré ;
• une corticothérapie : elle n’est envisagée qu’après
avoir éliminé une pathologie infectieuse évolutive.
Dans
le doute, le traitement de l’infection, et en particulier de
la tuberculose, doit toujours précéder cette alternative.
Une bonne indication à retenir est la suspicion de maladie
de Horton avec biopsie(s) d’artère(s) temporale(s)
négative(s).
L’interprétation de l’effet de ce traitement
est parfois difficile car un effet positif peut être constaté,
par exemple sur une pathologie tumorale.
De plus, toute
corticothérapie abaisse les protéines de l’inflammation,
sans toujours améliorer conjointement la maladie
responsable de son élévation.