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Psychiatrie
Syndrome démentiel
Cours de psychiatrie
 


 

Le groupe de travail réuni par le National institute of Neurological and Communicative Disorders and Stroke (NINCDS) et par l’ Alzheimer’s Disease and Related Disorders Association (ADRDA) a tenté de définir la démence comme « le déclin, sur une période donnée, de la mémoire et d’autres fonctions cognitives en comparaison avec l’état antérieur du patient » et d’établir des critères de diagnostic clinique de cette affection.

Mais pour la recherche clinique, l’épidémiologie, les essais thérapeutiques et aussi pour le diagnostic clinique, les critères de syndrome démentiel les plus utilisés sont désormais ceux de l’American Psychiatric Association (APA) dans le DSM III-R (Diagnostic and Statistical Manual third edition) et le DSM IV, et ceux de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) dans la Classification Internationale des Maladies, 10e révision (CIM 10). Dans le DSM III-R, les critères diagnostiques comprenaient 3 éléments principaux : les troubles de la mémoire, d’autres troubles des fonctions mentales, dont des modifications de la personnalité, et un retentissement de ces troubles sur les activités socio-professionnelles.

Il fallait en outre que les troubles ne surviennent pas de façon exclusive au décours d’une confusion mentale et qu’il n’y ait pas de dépression majeure pouvant expliquer les altérations des fonctions cognitives.

Dans le DSM IV, le syndrome démentiel correspond au développement de multiples déficits cognitifs, mémoire altérée et un (ou plusieurs) désordre(s) cognitif(s) suivant( s) : une aphasie, une apraxie, une agnosie ou un trouble des fonctions exécutives (difficultés d’abstraction, de planification, de séquençage, d’initiation et d’organisation d’actions complexes).

Ces déficits cognitifs entraînent une altération significative dans le fonctionnement occupationnel et social et représentent un déclin significatif par rapport au niveau antérieur.

L’altération de la personnalité n’y figure plus et à l’encontre des recommandations actuelles, les symptômes psychiatriques et comportementaux sont complètement absents de ces critères. Ces déficits ne doivent pas survenir exclusivement au cours de l’évolution d’un état confusionnel.

Enfin, le trouble présent ne doit pas être mieux catégorisé par un autre diagnostic de l’axe I (par exemple un trouble dépressif majeur).

Dans le « type Alzheimer », l’évolution est caractérisée par un début progressif et un déclin cognitif continu et les déficits ne doivent pas être dus à d’autres atteintes du système nerveux central, à des maladies générales (systemic conditions) et à des toxiques.

Dans le « type vasculaire », il y a des signes et des symptômes neurologiques focaux ou des images évidentes d’atteinte vasculaire cérébrale, qui sont jugés avoir un lien étiologique avec le trouble.

Dans la CIM 10, le principal critère de démence est la constatation d’un déclin touchant à la fois la mémoire et la pensée, d’un degré suffisant pour retentir sur les activités personnelles de la vie quotidienne. La CIM 10 précise le « trouble du traitement de l’information » retrouvé dans tout syndrome démentiel : il s’agit de difficultés à « saisir plus d’un stimulus à la fois » et à « déplacer l’attention d’un sujet à l’autre ».

Elle introduit la notion de durée des troubles : plus de 6 mois ; et pour la démence dans la maladie d’Alzheimer, elle précise que c’est une maladie dégénérative primaire du cerveau d’origine inconnue et propose des critères proches du DSM IV.

Diagnostic positif :

Un syndrome démentiel peut donc être curable ou non selon la cause, justifiant une démarche diagnostique systématique.

La suspicion diagnostique impose un examen clinique complet et un interrogatoire soigneux du patient et de son entourage permettant de préciser les modalités d’apparition des divers troubles, leur évolutivité et les éventuels antécédents familiaux et personnels du sujet.

Un bilan biologique est parfois nécessaire.

Les conséquences cliniques dépendent surtout de la topographie des lésions.

À un stade précoce, l’examen clinique permet d’observer un affaiblissement global acquis des fonctions corticales supérieures, y compris de la mémoire, de la capacité de résoudre les problèmes quotidiens de l’existence, des facultés perceptivo-motrices acquises, de la capacité à vivre en société, de tous les aspects du langage et de la communication, et du contrôle des réactions émotionnelles, en l’absence de troubles flagrants de la conscience.

Au début, ces signes sont souvent discrets en raison de la persistance de certains automatismes et d’une tendance à minimiser le trouble ; ce qui masque la symptomatologie déficitaire.

Par la suite, on peut souvent distinguer 2 grandes catégories de syndromes démentiels : ceux en rapport avec une atteinte corticale (dont le prototype serait la maladie d’Alzheimer) et ceux dus à une atteinte sous-corticale (dans la démence corticale, le sujet a perdu ses outils ; dans le dysfonctionnement sous-cortical, il les a toujours mais ne les utilise pas).

Cette distinction reste cependant controversée, notamment parce que de nombreuses démences sont dues à des lésions corticales et sous-corticales, et parce que les atteintes neuropsychologiques ne paraissent pas vraiment toujours spécifiques de l’une ou de l’autre localisation.

L’intérêt reste clinique car il permet de distinguer des patterns de performance de type cortical ou sous-cortical.

A - Topographie des lésions :

1- Syndrome temporo-pariétal :

Le syndrome temporo-pariétal, assez typique de la démence de type Alzheimer, a pour tableau clinique prédominant l’association :

• de troubles de la mémoire qui touchent d’abord les faits récents, les détails de la vie quotidienne, puis des faits plus significatifs comme les noms des personnes familières avec une perte d’acquisitions plus anciennes (personnages célèbres, dates historiques…), puis l’évocation des souvenirs personnels s’appauvrit ;

• de désorientation progressive avec d’abord une altération de la discrimination des grandes durées puis des petites, avec une désorientation spatiale plus tardive mais qui suit le même processus (le sujet peut se perdre dans l’espace familier), et avec enfin une perte de la reconnaissance des personnes d’abord peu familières, puis des proches (prosopagnosie ou incapacité de reconnaître les visages) ;

• de troubles de l’efficience intellectuelle qui regroupent les troubles du jugement, de l’attention et de la concentration, et la difficulté à résoudre des problèmes et à faire face à des situations nouvelles ;

• des troubles des fonctions instrumentales réalisant des troubles du langage (d’abord un manque du mot puis des troubles plus massifs), des troubles des gestes (apraxies) et constructifs (par exemple objectivés par la mauvaise réalisation de la reproduction d’une figure géométrique) et des troubles gnosiques (mauvaise reconnaissance de stimulus normalement perçu) ;

• à ce tableau cognitif, se surajoutent fréquemment des troubles dépressifs, des troubles du comportement (apathie, indifférence, déambulations, fugues, irritabilité, agressivité, qui sont souvent des manifestations brutales et inadaptées…) et parfois des phénomènes délirants interprétatifs, imaginatifs (particulièrement à thème de préjudice, et concernant souvent l’entourage immédiat du patient, sa famille ou ses voisins) ou de type hallucinatoire.

2- Syndrome fronto-temporal :

Le syndrome fronto-temporal correspondrait à un certain nombre d’entités anatomopathologiques distinctes (maladie de Pick, dégénérescence aspécifique des lobes frontaux et temporaux, démence frontale avec maladie du motoneurone…) avec cependant un tableau clinique relativement homogène.

Il est de début insidieux avec une progression lente :

• d’abord marquée par une négligence personnelle ; puis des perturbations des conduites sociales avec désinhibition (parfois des conduites incongrues à conséquences médico-légales), impulsivité et perte de la flexibilité mentale.

Le comportement alimentaire devient perturbé (avec excès et incohérence) et les conduites deviennent répétitives et stéréotypées ;

• une indifférence totale avec perte de toute spontanéité et un grand manque d’attention complètent le tableau dans lequel mémoire, orientation et praxies sont longtemps préservées.

Il est à noter que dans la CIM 10, seule la maladie de Pick est individualisée.

Elle s’y définit ainsi : « Démence évoluant progressivement, débutant à l’âge moyen de la vie (habituellement entre 50 et 60 ans), caractérisée par des modifications précoces, lentement progressives, du caractère, et par une dégradation sociale suivie d’une altération des fonctions intellectuelles, de la mémoire et du langage, accompagnées d’une apathie, d’une euphorie et, plus rarement, de symptômes extrapyramidaux.

Le tableau neuropathologique est celui d’une atrophie sélective des lobes frontaux et temporaux, mais sans majoration des plaques séniles et des dégénérescences neurofibrillaires par rapport au vieillissement normal.

Les cas à début précoce ont habituellement une évolution plus défavorable.

Les manifestations sociales et comportementales précèdent souvent les altérations manifestes de la mémoire ».

Les démences fronto-temporales sont encore curieusement méconnues (la prévalence serait pourtant d’environ 1 pour 6 maladies d’Alzheimer).

3- Syndrome sous-cortical :

Le syndrome sous-cortical est généralement décrit dans l’évolution de pathologies dégénératives sous-corticales comme la maladie de Parkinson, la chorée de Huntington, la paralysie supranucléaire progressive.

Il s’agit d’une pathologie de l’anticipation. Les symptômes principaux sont représentés par une lenteur intellectuelle, une aboulie, une grande apathie, des troubles de la mémoire de rappel principalement, et par de nombreux éléments du syndrome dysexécutif frontal [dissociation entre la volition (penser l’action) et l’action ellemême].

Le langage est en grande partie préservé.

B - Conséquences cliniques :

Les conséquences cliniques de ces distinctions sont cependant relativement modestes.

D’une part, on estime que dans 60 à 70 % des cas, la maladie d’Alzheimer est la cause de la démence et que souvent, il y a un facteur vasculaire surajouté, dans un contexte d’hypertension artérielle, de diabète ou de troubles cardiovasculaires, réalisant une atteinte corticale par infarctus multiples ou sous-corticale par maladie de Binswanger (12 à 35 % des cas de démences autopsiés).

D’autre part, l’hétérogénéité clinique et évolutive de la démence ne permet pas toujours de corréler une symptomatologie clinique donnée avec l’atteinte d’une région cérébrale.

En outre, l’examen anatomopathologique post mortem, qui est rarement fait, rapporte assez souvent une combinaison d’atteintes lésionnelles qui ne sont pas toujours spécifiques de la maladie d’Alzheimer et qui ne se situent pas toujours dans les régions pariéto-temporales où elles devraient dominer.

Enfin, on observe parfois des démences ayant plutôt une allure clinique de type frontal, qui n’ont pas d’altérations histologiques caractéristiques.

• La démarche clinique repose donc sur une anamnèse la plus précise possible, une recherche de signes neurologiques focaux et d’atteintes somatiques générales et sur l’exploration des fonctions supérieures.

Il est à noter que le diagnostic de démence se pose rarement au décours d’une épilepsie tardive. Parfois, premier signe patent de la maladie, la crise comitiale constitue plutôt une complication évolutive.

• L’examen neurologique est donc indispensable.

Il s’attache plus à rechercher des signes objectifs : réapparition des réflexes archaïques (réflexe palmo-mentonnier, réflexe de préhension, réflexe de succion) et surtout des troubles moteurs (hypertonie oppositionnelle, incoordination motrice) plutôt présents à un stade avancé de la maladie.

Diagnostic différentiel :

1- Plainte mnésique :

La plainte d’avoir une diminution de ses capacités mnésiques est une des plaintes les plus communément rencontrées. Sa fréquence augmente avec l’âge (environ 9 % autour de 55 ans contre 23 % après 85 ans).

Elle est souvent liée à la crainte que ces troubles de la mémoire soient dus à une atteinte du cerveau pour laquelle il n’y aurait pas de ressource thérapeutique.

Elle fait cependant intervenir des facteurs non cognitifs comme la présence d’une symptomatologie dépressive, l’influence de l’anxiété et du stress, la personnalité et le niveau de santé général (en particulier lorsqu’il existe une incapacité fonctionnelle, des perturbations de la vue ou de l’audition, ainsi qu’une hypertension artérielle).

Des facteurs psychosociaux comme la sensation d’isolement, le peu d’importance accordée au rôle du sujet âgé dans la société, une conception négative du vieillissement, interviennent également.

2- Oubli bénin du sujet âgé :

Le sujet a des difficultés à se rappeler des détails d’événements, des noms propres, qui peuvent cependant être restitués à d’autres moments.

Il a plutôt tendance à s’en plaindre et à s’en irriter, et à côté de cela, il demeure bien orienté et son autonomie est bien conservée. Cet état est lié au processus de sénescence physiologique.

Il correspond aussi au concept de “déficit mnésique lié à l’âge” (age-associated memory impairment).

3- Syndrome confusionnel :

Il correspond à une désorganisation aiguë du fonctionnement cérébral, liée à un trouble majeur du contrôle attentionnel.

Il entraîne des troubles de la vigilance (obnubilation de la conscience), une désorientation temporo-spatiale, un onirisme vécu et agi, fluctuant, à l’origine de moments de grande perplexité anxieuse.

Le rythme veille-sommeil est très altéré et il existe des symptômes généraux.

Il est le plus souvent d’installation brutale et réversible.

Il est généralement secondaire à une cause organique ou médicamenteuse, mais chez le sujet âgé, une cause émotionnelle est possible. Il peut compliquer l’évolution du trouble démentiel.

4- Trouble isolé d’une fonction symbolique :

Il peut s’agir d’apraxie ou d’agnosie isolées mais surtout d’aphasie (les troubles du langage rendent alors malaisée l’appréciation de l’efficience intellectuelle) au décours d’un accident vasculaire cérébral et plus rarement du fait d’un processus tumoral.

Un argument diagnostique important est l’attitude du patient vis-à-vis de son trouble : il réagit de façon anxieuse et coopérative, contrairement au sujet dément qui est plutôt indifférent et distrait.

5- Dépression pseudo-démentielle (ou pseudodémence dépressive) :

La cause la plus fréquente d’une démence curable est la dépression.

Elle correspond à une forme de survenue tardive où les symptômes majeurs sont des perturbations cognitives qui masquent le noyau dépressif (perte de l’élan vital, humeur triste, ralentissement psychomoteur, idées noires…).

Pour faciliter le diagnostic différentiel, Wells a proposé 22 critères cliniques (portant sur l’évolution des troubles, les doléances du patient, les anomalies du comportement et les caractéristiques cliniques de l’affaiblissement intellectuel).

Des éléments neuropsychologiques caractéristiques peuvent aussi être repérables (dans la dépression, la mémoire sémantique, la mémoire implicite et la mémoire indicée sont conservées tandis que dans la démence, ces 3 mémoires sont souvent altérées), ainsi que des modifications visibles lors de l’enregistrement électroencéphalographique du sommeil (latence d’apparition du sommeil paradoxal, pourcentage de sommeil paradoxal, précocité des éveils matinaux) dont la réalisation technique est difficile. D’autres examens neurophysiologiques comme l’électroencéphalogramme quantifié ou les potentiels évoqués cognitifs s’avèrent être dans certains cas une aide diagnostique utile.

Le diagnostic entre dépression et démence est toujours difficile et le plus souvent, c’est l’évolution favorable du déficit cognitif des patients sous traitement antidépresseur dit « d’épreuve », soit par chimiothérapie ou par électroconvulsivothérapie qui permet de confirmer le diagnostic de dépression.

Mais la dépression n’est pas le seul trouble psychiatrique à pouvoir mimer une démence, puisque le terme de « pseudodémence » s’applique aussi à des situations cliniques qui renvoient plutôt à une pathologie névrotique (états crépusculaires de nature hystérique) ou psychotique (formes évoluées de certains délires chroniques ou de schizophrénies parfois insuffisamment traités).

Diagnostic étiologique :

A - Causes éventuellement curables :

1- Hématome sous-dural (chronique) :

Il peut s’exprimer par une symptomatologie d’allure démentielle, parfois associée à des céphalées et des périodes d’obnubilation.

L’examen neurologique peut rester très pauvre.

L’interrogatoire du sujet et de son entourage peut parfois retrouver un traumatisme crânien dans les semaines qui précèdent.

Il faut se méfier de la chute sur les fesses qui peut entraîner un hématome du vertex.

Alcoolisme, traitement anticoagulant et grand âge sont des éléments qui doivent le faire évoquer.

Une imagerie cérébrale affirmera ce diagnostic qui justifie une sanction chirurgicale.

2- Hydrocéphalie à pression normale :

Elle se caractérise habituellement par la triade symptomatique : fléchissement intellectuel avec apathie croissante, troubles de la marche et de l’équilibre avec rétropulsion, troubles sphinctériens.

Des antécédents d’hémorragie méningée ou de méningite sont régulièrement retrouvés.

L’imagerie cérébrale montre une dilatation ventriculaire et des sillons normaux.

Un transit isotopique du liquide céphalo- rachidien (LCR) montre une mauvaise résorption du liquide.

Des ponctions lombaires évacuatrices améliorent les troubles.

Une intervention pour dérivation ventriculopéritonéale est parfois envisageable.

3- Tumeurs et abcès cérébraux :

Ils ne posent de problèmes diagnostiques avec une symptomatologie démentielle que dans leur localisation frontale.

Un syndrome focal neurologique, des céphalées persistantes, des signes d’hypertension intracrânienne incitent à réaliser une imagerie qui affirmera la lésion.

4- Troubles endocriniens et métaboliques :

L’hypothyroïdie est la cause à éliminer en premier car elle peut se développer insidieusement, et donc évoluer vers un état démentiel.

Il faut y penser devant un tableau initial fait d’apathie, d’indifférence, de ralentissement idéique, voire d’une tendance à la somnolence.

Elle peut aussi entraîner des troubles neurologiques, un état dépressif atypique, des idées délirantes et un onirisme.

Le diagnostic peut être évoqué sur certains signes cliniques : peau sèche infiltrée, dépilation, frilosité, pouls lent, et confirmé par la biologie [dosage de thyroxine libre plasmatique et de TSH (thyroid stimulating hormone) pour préciser l’origine].

Il existe d’autres causes beaucoup plus exceptionnelles : hyperthyroïdie, hypo- ou hyperparathyroïdie, hypoglycémies à répétition, carences en folates, en vitamine B12, syndrome d’apnées du sommeil, syndrome de Pickwick…

5- Causes infectieuses :

Outre la « présentation » démentielle, les atteintes infectieuses aiguës réalisent selon les cas un syndrome tumoral, méningitique ou méningo-encéphalitique dont l’évolution favorable va dépendre de la rapidité du diagnostic, du traitement et de l’agent causal.

On peut classer ici les atteintes infectieuses chroniques, même si leur curabilité n’est actuellement pas envisageable. Antérieurement, on évoquait d’abord la méningo-encéphalite d’origine syphilitique qui est désormais devenue rarissime. Une pénicillinothérapie intensive pouvait atténuer les troubles.

• L’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) est par contre devenue une cause plus fréquente de pathologie démentielle dont la gravité des troubles cognitifs est souvent proportionnelle à celle de l’atteinte somatique.

Ils sont associés à un ralentissement psychomoteur, à un déficit de l’attention et à des manifestations d’allure psychiatrique.

• La maladie de Creutzfeldt-Jakob (encéphalopathie spongiforme transmissible) est d’évolution mortelle en quelques mois.

Elle réalise un tableau démentiel plutôt présénile associé à un syndrome neurologique (troubles pyramidaux et extrapyramidaux, myoclonies et mouvements anormaux).

L’électroencéphalogramme est caractéristique avec des anomalies à type de « décharges pseudo-rythmiques » (activités lentes pseudo-périodiques de type pointes-ondes généralisées au rythme de 1 cycle/s).

Le responsable est un prion (structure protéique sans acide nucléique).

• Enfin plus rarement, la panencéphalite sclérosante subaiguë, due au virus de la rougeole, est rare.

Elle provoque une évolution démentielle subaiguë chez l’enfant et l’adolescent.

Elle comporte aussi des myoclonies rythmées, des troubles de la motricité et du tonus.

L’électroencéphalogramme révèle des décharges périodiques très caractéristiques.

6- Causes toxiques :

• Le syndrome de Korsakoff, qui réalise d’abord un trouble mnésique spécifique lié à une atteinte focale de l’encéphale, peut se compliquer d’une évolution démentielle.

Il comporte une amnésie antérograde de mémoration, des fausses reconnaissances et des fabulations. La mémoire des faits anciens est longtemps préservée puis progressivement modifiée, réorganisée, fabulée pour aboutir à un véritable « délire de la mémoire ».

Il est dû à une carence en vitamine B1, responsable d’une destruction bilatérale des corps mamillaires.

L’alcoolisme en est la principale cause et entraîne conjointement des symptômes polynévritiques. Un traumatisme crânien peut aussi en être responsable.

• La démence alcoolique entraîne une déchéance intellectuelle progressive associée régulièrement à des troubles graves du caractère et à des troubles neurologiques d’atteinte pyramidale, extrapyramidale, cérébelleuse et polynévritique.

Des crises convulsives sont aussi fréquentes.

• La dégénérescence centrale du corps calleux (maladie de Marchiafava-Bignami), complication plus rare de l’alcoolisme chronique, peut aussi réaliser un syndrome démentiel.

• Au décours d’un coma oxycarboné, il peut exister un tableau démentiel séquellaire, parfois stable, parfois évolutif avec confusion progressive, hypertonie et coma.

• Il existe d’autres causes toxiques plus rares : maladie de Wilson ou dégénérescence hépato-lenticulaire (secondaire à une anomalie génétique du métabolisme du cuivre) ; intoxication chronique avec des solvants (glue sniffing) ; encéphalopathie à l’aluminium (des dialysés), bismuthique, mercurielle…

7- Certaines affections neurologiques :

• La maladie de Parkinson

• La chorée de Huntington

• La maladie de Steele-Richardson-Olszewski

• Certaines formes évoluées de sclérose en plaques présentent parfois une évolution d’allure démentielle avec des troubles de la mémoire évolutifs explicables par des plaques périventriculaires étendues et des foyers de démyélinisation au niveau des piliers du trigone.

• La sclérose latérale amyotrophique (SLA), bien qu’étant au départ une maladie du motoneurone, présente une atteinte démentielle dans 4% des cas. Le syndrome clinique est fronto-temporal.

Chez les indigènes de race Chamorro de l’île de Guam (Océanie), on a observé une affection associant une démence, un syndrome parkinsonien et une sclérose latérale amyotrophique (une cause toxique alimentaire a été retenue).

• Certaines affections cérébelleuses peuvent comprendre une évolution démentielle : hérédo-dégénérescence spinocérébelleuse (maladie de Friedrich), maladie de Ramsay- Hunt, maladie de Déjerine-Thomas (atrophie olivo-pontocérébelleuse)…

B - Causes considérées comme non curables :

1- Affections dégénératives corticales :

• La maladie d’Alzheimer Historiquement, elle concernait les patients entre 45 et 60 ans atteints d’une pathologie démentielle dégénérative progressive avec confirmation anatomo-clinique des lésions histologiques (décrites en 1906 par Aloïs Alzheimer).

Actuellement, la démence sénile, qui apparaît en moyenne vers l’âge de 75 ans, est considérée comme étant une affection identique ou très proche (même lésions histologiques, cependant avec une répartition topographique parfois différente, même hypothèses étiopathogéniques, symptomatologie assez proche autrefois appelée « presbyophrénie ») mais d’évolution plus lente.

Aussi, il est commun de regrouper désormais démence présénile d’Alzheimer et démence sénile dégénérative sous le terme de « démence de type Alzheimer » (DTA).

On décrit classiquement à la période d’état un syndrome aphaso-apraxo-agnosique.

L’évolution sur plusieurs années se fait vers un tableau de démence profonde avec grabatisation.

• Les altérations anatomo-pathologiques caractéristiques mais non spécifiques de cette affection (appelées « lésions séniles ») peuvent être retrouvées (surtout dans l’amygdale, les structures hippocampiques, le cortex cérébral et la partie basale du cerveau antérieur) lors d’un examen post mortem ou lors d’une biopsie stéréotaxique rarement effectuée car dangereuse et très aléatoire.

Il s’agit de la dégénérescence neurofibrillaire, des plaques séniles, de la dégénérescence granulo-vacuolaire et de lésions capillaires.

De nombreuses hypothèses étiologiques ont été proposées pour expliquer cette affection.

L’imagerie cérébrale retrouve parfois une atrophie corticale et une dilatation ventriculaire globales ou prédominantes au niveau des carrefours et des cornes occipitales, mais ces signes ne sont ni nécessaires, ni spécifiques.

Le diagnostic de maladie d’Alzheimer est un diagnostic d’élimination.

Les vérifications anatomopathologiques des démences de type Alzheimer retrouvent dans 25 % des cas, des corps de Lewy comme dans la maladie de Parkinson.

La démence à corps de Lewy fait en effet désormais l’objet de plus en plus de travaux. Elle serait considérée maintenant comme la seconde cause de démence chez le sujet âgé.

Les corps de Lewy se retrouvent dans l’hippocampe, dans les lobes temporal et cingulaire en plus de sites classiques que sont les régions sous-corticales et la substance noire comme dans la maladie de Parkinson.

En dehors d’une confirmation anatomopathologique, il faut actuellement rester prudent pour poser le diagnostic de cette démence car il existerait des formes associées avec la démence de type Alzheimer.

Certains signes cliniques sont cependant à retenir : une symptomatologie plus fluctuante, plus d’hallucinations surtout visuelles, plus de signes extrapyramidaux, une fréquente rigidité précoce et sur le plan cognitif, plus de déficits visuospatiaux de l’attention et de la fluence verbale et enfin de fréquentes chutes et une très grande sensibilité au traitement neuroleptique.

2- Démences fronto-temporales :

• La maladie de Pick qui représente un diagnostic différentiel de la démence de type Alzheimer reste la plus connue, mais elle est beaucoup plus rare.

L’atrophie est de localisation fronto-temporale.

Le malade a de graves troubles du jugement, une boulimie et de nombreuses stéréotypies.

Les fonctions mnésiques restent préservées pendant un certain temps, de même que les fonctions gnosiques et praxiques.

Les modifications de l’humeur sont fréquentes sous forme de niaiserie, d’euphorie (moria) ou d’indifférence affective.

La maladie évolue vers un tableau de palilalie, d’écholalie alternant avec des épisodes de mutisme et d’akinésie [syndrome PEMA (palilalie, écholalie, mutisme et amimie) de Guiraud].

L’électroencéphalogramme est normal tout au long de l’évolution.

L’imagerie cérébrale montre plutôt une atrophie à prédominance frontale et une dilatation parfois considérable des cornes frontales et temporales.

Elle permet d’éliminer une tumeur frontale qui peut donner le même tableau clinique.

L’examen anatomopathologique montre une déperdition neuronale avec gonflements des neurones restants (spongiose), des inclusions argyrophiles, une gliose astrocytaire.

Il n’existe pas de lésions séniles.

Toutefois la possibilité de démence de type Alzheimer avec atteinte frontale prédominante rend le diagnostic clinique difficile en l’absence de confirmation anatomopathologique.

Il est donc désormais admis qu’il existe d’autres formes de démences fronto-temporales ne répondant pas aux critères de maladie de Pick.

En particulier, la dégénérescence aspécifique des lobes frontaux et temporaux antérieurs serait 6 à 7 fois plus fréquente.

Elle serait liée dans certains cas à une mutation sur le chromosome 17.

Enfin, la troisième forme est représentée par la démence associée à une maladie du motoneurone (par exemple lors de la sclérose latérale amyotrophique).

3- Affections dégénératives sous-corticales :

Elles sont caractérisées par des lésions sous-corticales prédominantes.

Il y a une altération des connexions entre les structures sous-corticales et cortico-frontales (« désafférentation » ou « démodulation » du cortex frontal).

Le cortex restant intact, il y manque les déficits instrumentaux.

On retrouve une franche altération des facultés mnésiques et de la capacité d’utiliser les connaissances acquises, un ralentissement intellectuel (bradyphrénie) et des modifications de la personnalité et de l’humeur.

On y regroupe la maladie de Parkinson, la chorée de Huntington et la paralysie supranucléaire progressive.

• La maladie de Parkinson peut se compliquer de démence dans 40 à 80 % des cas.

Même si l’on sait qu’il y a une diminution de la quantité de cellules du locus niger, une dégénérescence des voies dopaminergiques et une réduction des taux de dopamine, la cause reste inconnue.

Ce trouble idiopathique du mouvement (bradykinésie, tremblement de repos, visage figé, rigidité en « roue dentée », marche à petits pas traînants) qui débute le plus souvent tard dans la vie s’associe aussi très fréquemment à une dépression considérée comme un trouble thymique organique.

• La maladie de Huntington est une affection héréditaire (autosomique dominante à pénétrance complète, avec une séquence d’acides nucléiques spécifiques sur le chromosome 4) qui débute généralement vers 35-40 ans, parfois par un syndrome dépressif.

Elle se caractérise par des mouvements choréiques touchant la musculature axiale et proximale et des troubles du tonus extrapyramidal, puis apparaissent des modifications de la personnalité et une détérioration intellectuelle.

L’évolution se fait vers la mort en 10 à 15 années.

La physiopathogénie la plus probable serait l’existence d’une hyperactivité dopaminergique au niveau du circuit nigro-strié, conséquence d’une hypoactivité gaba-ergique.

• La maladie de Steele-Richardson-Olzewski (ophtalmoplégie supranucléaire progressive) débute entre 50 et 65 ans et associe une dystonie axiale à des manifestations oculaires évocatrices, notamment une paralysie de la verticalité du regard.

L’évolution est marquée par l’apparition de troubles extrapyramidaux, d’une dysarthrie et d’une altération du rendement intellectuel, puis par la mort en 4 à 8 ans.

4- Atteintes vasculaires :

• La démence par infarctus multiples est due à l’artériosclérose cérébrale responsable d’infarctus parfois minimes et disséminés expliquant la variabilité des troubles cognitifs et neurologiques associés.

Le début est progressif ou brutal (par un accident vasculaire cérébral) et l’évolution se fait par à-coups chez des sujets exposés (hypertension artérielle surtout).

Il peut donc exister des signes neurologiques focaux (hémiparésie, hémianopsie latérale homonyme, signes pseudo-bulbaires).

Le scanner cérébral peut montrer de petites zones hypodenses arrondies, bien limitées, multiples, principalement dans les noyaux gris centraux et le tronc cérébral.

À l’électroencéphalogramme, l’asymétrie entre les 2 hémisphères est souvent importante, mais le rythme de fond alpha est mieux préservé que dans la démence de type Alzheimer.

Le traitement est d’abord préventif pour limiter de noveaux accidents vasculaires.

Les formes mixtes associant lésions dégénératives et atteinte vasculaire sont en fait très fréquentes surtout chez le sujet âgé (1 cas sur 3).

• La leuco-encéphalopathie de Binswanger est une maladie considérée comme une démence “sous-corticale”.

Les sujets atteints sont âgés de plus de 50 ans et présentent généralement une hypertension artérielle, un diabète et (ou) une affection cardiovasculaire.

L’hypoperfusion entraîne une destruction des connexions sous-corticales avec pour résultat un isolement fonctionnel du cortex cérébral. Son expression clinique est variable associant troubles du comportement et de l’humeur à des signes frontaux, des troubles de la mémoire et des troubles neurologiques (troubles de la marche, signes pseudo-bulbaires, syndrome pyramidal, déficits). Des convulsions et des myoclonies sont relativement fréquentes.

L’évolution fluctuante est émaillée de brusques aggravations (déclenchées par une hypotension, une arythmie, une intervention chirurgicale…).

L’imagerie peut montrer des zones hypodenses dans la substance blanche périventriculaire (« leuco-araïose » : halo ventriculaire très brillant, hétérogène à contours irréguliers).

Ces anomalies de la substance blanche augmentent cependant en nombre et en intensité avec l’âge et plusieurs autres affections peuvent en être responsables (en particulier la démence de type Alzheimer).

Enfin, il existerait des mutations de l’APP (amyloid precursor protein) qui ne provoquerait pas la démence de type Alzheimer mais l’angiopathie amyloïde cérébrale hémorragique héréditaire.

D’autres pathologies vasculaires beaucoup plus rares peuvent toucher le sujet jeune (angiopathie amyloïde, malformations artério-veineuses, encéphalopathie vasculaire familiale chronique…).

5- Cas particuliers :

• Une évolution démentielle peut compliquer certains traumatismes crâniens uniques mais importants, généralement après un intervalle libre de quelques mois, et plutôt s’il y a eu un syndrome confusionnel initial. On parle alors de démences post-traumatiques.

Elles surviennent cependant plutôt après des traumatismes répétés (démence des boxeurs) et s’associe facilement à un syndrome parkinsonien.

• Il faut aussi citer certaines autres causes très rares : insuffisance antéhypophysaire, maladie ou syndrome de Cushing, états post-anoxiques, collagénoses (lupus érythémateux disséminé), maladies systémiques (maladie de Horton, angéites nécrosantes, sarcoïdose), leucodystrophies et lipofuscinoses…

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