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Hématologie
Syndrome des antiphospholipides
Cours d'hématologie
 


 

Introduction :

Nos connaissances concernant le syndrome des anticorps antiphospholipides (SAPL), le plus fréquent des états thrombophiliques acquis, ont énormément progressé ces dernières années ce dont témoigne une abondante littérature.

Plusieurs revues générales récentes lui sont consacrées, mais des controverses persistent, nous conduisant à un certain nombre de simplifications.

Historique. Nosologie. Fréquence :

Il a été rapporté, il y a plus de 50 ans, chez des patients atteints de lupus érythémateux systémique (LES), des cas de positivité dissociée de la sérologie syphilitique, liée au fait que le réactif du Venereal Disease Research Laboratory (VDRL) contient de la cardiolipine (CL).

C’est en 1952 qu’ont été décrits des cas de thromboses associés à un allongement des tests de coagulation lié à la présence d’un anticoagulant circulant de type lupique, ou lupus anticoagulant (LA).

L’association de fausses couches répétées et d’événements thrombotiques en présence d’un LA était rapportée dès 1980 par Soulier et Boffa.

En 1983, Harris et al retrouvent dans le LES une association entre une thrombose et la présence d’anticorps anticardiolipine (aCL) détectés par enzyme-linked immunosorbent assay (Elisa).

Entre 1983 et 1986, de nombreuses publications font état de différentes manifestations cliniques paraissant rattachées à ces différentes variétés d’anticorps antiphospholipides (aPL) : infarctus cérébral, thrombose des artères rénales ou hépatiques, hypertension artérielle pulmonaire, thrombopénie, livedo, myélite transverse, syndrome de Guillain et Barré.

Alors que la première conférence internationale sur les aPL a lieu à Londres en 1984, le SAPL est finalement défini par Harris et al en 1987 comme l’association d’au moins une manifestation clinique à une anomalie biologique.

Le SAPL s’individualise du LES dans les années 1987-1988 pour rapidement gagner son autonomie.

Les années 1990 sont marquées par la découverte de « cofacteurs », protéines associées aux phospholipides et qui constitueraient en fait la véritable cible des anticorps.

Parmi les différents cofacteurs identifiés, la bêta2-glycoprotéine I (bêta2-GPI) est la principale cible des aCL et de certains LA.

La présence, chez certains malades ayant fait des thromboses récidivantes, d’anticorps anti-bêta2-GPI isolés, a fait proposer le terme de syndrome des antiphospholipides/cofacteurs . Cette situation apparaît néanmoins particulièrement rare.

La fréquence des aCL dans la population générale et l’augmentation de leur titre avec l’âge peuvent amener à des diagnostics par excès.

C’est pourquoi Alarcon-Segovia a proposé des niveaux différents de probabilité diagnostique : SAPL défini, probable ou douteux, selon le nombre de manifestations cliniques et les taux d’aPL.

De nombreuses situations cliniques peuvent s’accompagner d’aPL, mais en dehors du SAPL primaire et des aPL associés au lupus, ces anticorps sont rarement symptomatiques.

Des aPL isolés, totalement asymptomatiques, peuvent être découverts à l’occasion d’un bilan de coagulation préopératoire, d’une consultation prénuptiale ou dans le cadre de l’enquête familiale d’un patient ayant un SAPL défini.

Il n’y a pas lieu de parler de SAPL en l’absence d’événement thrombotique et/ou obstétrical.

Physiopathologie :

A - NOUVELLE CONCEPTION DES ANTICORPS ANTIPHOSPHOLIPIDES :

Ambigu mais consacré par l’usage, le terme générique d’aPL désigne une famille très hétérogène d’autoanticorps reconnaissant des phospholipides anioniques ou neutres (« vrais » aPL) et/ou des protéines qui leur sont associées, plasmatiques ou endothéliales.

Les aPL détectés par les tests de coagulation et immunologiques courants, LA et aCL respectivement, servent de critères biologiques pour le diagnostic du SAPL, bien qu’ils possèdent une spécificité médiocre.

Des aPL considérés comme un épiphénomène peuvent en effet se rencontrer dans de nombreuses situations cliniques qui ne s’accompagnent généralement pas de thrombophilie.

Les aPL présumés pathogènes (potentiellement thrombogènes) entrent seuls dans le cadre des pathologies autoimmunes représentées par le SAPL primaire ou secondaire au LES ; ils se caractérisent par une dépendance vis-à-vis de cofacteurs/cibles protéiques pour leur fixation in vitro et in vivo.

La reconnaissance de protéines liant les phospholipides telles que bêta2-GP1 (par les aCL et une fraction des LA) et prothrombine (par certains LA), ou encore protéine C, protéine S, annexine V et kininogènes par des aPL associés au SAPL mais non détectés par les tests usuels, a fait évoluer nos conceptions sur l’origine et la pathogénicité de ces anticorps.

B - COMPLEXES ANTIGÉNIQUES ET IMMUNOGÉNICITÉ :

Nous verrons, dans le cadre du diagnostic biologique, que la détection directe des anticorps anti-bêta2-GPI et antiprothrombine est possible en l’absence de tout phospholipide.

Pour autant, les phospholipides ne peuvent être relégués au second plan.

Les phospholipides incriminés dans le SAPL sont des constituants ubiquitaires des membranes cellulaires, organisés en bicouche et classés selon leur charge nette à pH physiologique.

Cette charge est négative pour la CL et la phosphatidylsérine, neutre pour la phosphatidyléthanolamine.

La CL est présente dans la membrane interne mitochondriale et sans doute accessible uniquement en cas de nécrose cellulaire.

Les deux autres sont des aminophospholipides séquestrés dans le feuillet interne de la membrane plasmique, puis exposés à la surface de la cellule et des microparticules qui s’en détachent après stimulation appropriée, à l’origine des réactions enzymatiques en chaîne de la coagulation.

Les lipoprotéines athérogènes (very low density lipoproteins [VLDL] et low density lipoproteins [LDL]) servent également de support à l’assemblage du complexe prothrombinase et à la génération de thrombine, et cet effet est augmenté par l’oxydation des acides gras insaturés de leurs phospholipides.

Les différentes possibilités d’assemblage de complexes protéolipidiques, par exemple du type enzyme-substrat-cofacteur catalyseur (facteur Xa-prothrombine-facteur VIII pour le complexe prothrombinase), où plusieurs protéines sont physiquement associées à l’interface phospholipidique et prises en charge par la même cellule présentatrice d’antigène, seraient à l’origine des associations d’anticorps contre plusieurs protéines liant les phospholipides, variables selon les malades.

Il est actuellement admis que la bêta2-GPI et autres protéines apparentées, liées à des phospholipides rendus accessibles à la suite de l’activation ou de la mort cellulaire, représentent les cibles in vivo d’aPL.

Par ailleurs, certains aPL pourraient pénétrer dans les cellules vivantes et interagir avec des structures intracellulaires telles que les endosomes tardifs.

Ceci ne préjuge en rien des conséquences pouvant découler d’une telle interaction :

– induction ou aggravation d’un état thrombophilique ou de lésions athéromateuses ;

– neutralisation du potentiel pathogène (procoagulant) de la phosphatidylsérine exposée ;

– perturbation de la clairance de particules étrangères, cellules sénescentes ou apoptotiques comme l’ont suggéré plusieurs études ;

– ou altérations des fonctions cellulaires.

C - MODÈLES ANIMAUX DE SYNDROME DES ANTICORPS ANTIPHOSPHOLIPIDES :

Si l’association d’aPL avec des manifestations telles que thromboses ou avortements ne prouve naturellement pas un lien de causalité, le développement de plusieurs modèles murins de SAPL, spontanés et induits expérimentalement, plaide en faveur du rôle pathogène de certains de ces anticorps.

Des souches de souris lupiques se caractérisent par une réduction de la taille des portées et une thrombopénie, conjointement à l’apparition d’aPL bêta2-GPI dépendants.

Le transfert passif d’aPL polyclonaux ou monoclonaux (anti-bêta2-GPI) à des souris gestantes accroît le taux de résorption foetale et diminue le poids des placentas.

Les aspects obstétricaux, et peut-être neurologiques, du SAPL peuvent être reproduits chez la souris par immunisation active avec des aPL de malades (par perturbation du réseau « idiotypique ») ou de la bêta2-GPI hétérologue.

L’effet thrombogène des aPL a été démontré en étudiant les caractéristiques du thrombus induit par pincement de la veine fémorale chez des souris ayant préalablement reçu des immunoglobulines G (IgG) aPL ou de la bêta2-GPI humaines.

L’efficacité de nouvelles thérapeutiques (induction d’une tolérance orale à la bêta2-GPI par exemple), éventuellement transposables à l’homme, peut être testée dans ces modèles animaux.

Il existe chez l’homme une association étroite entre la présence d’aPL et les stigmates urinaires ou sanguins de peroxydation lipidique et d’hypercoagulabilité.

Par ailleurs, les malades souffrant de SAPL développent fréquemment une artériosclérose précoce ainsi que des anticorps anti-LDL oxydées, et une fraction des aPL reconnaîtrait des modifications oxydatives des lipides et/ou de protéines associées dont la bêta2-GPI.

Les liens complexes unissant ces deux pathologies ont été corroborés chez la souris, d’une part dans l’un des modèles précédents de SAPL par l’injection de LDL oxydées, d’autre part dans un modèle d’athérome par l’immunisation avec de la bêta2-GPI.

Dans chacun des modèles, ces manipulations ont provoqué l’aggravation de la maladie initiale, ce qui suggère le rôle des anticorps anti-bêta2-GPI dans l’athérome, en accord avec la fixation préférentielle de la bêta2-GPI aux LDL sous forme oxydée et à la prise en charge accrue de ces particules par les macrophages en présence d’anticorps anti-bêta2-GPI.

D - MÉCANISMES D’ACTION DES ANTICORPS ANTIPHOSPHOLIPIDES :

Un grand nombre de mécanismes pathogéniques potentiels des aPL ont été proposés à partir de systèmes in vitro contenant sérum ou plasma et de populations d’aPL mal définies quant aux spécificités antigéniques reconnues.

Une réévaluation s’impose donc pour étayer l’hypothèse selon laquelle des autoanticorps particuliers (ou des combinaisons d’autoanticorps) expliqueraient la gamme des manifestations cliniques observées dans le cadre du SAPL.

De plus, certains de ces anticorps ne sont probablement délétères qu’en présence d’autres facteurs de risque associés (chirurgie, traumatisme, contraceptifs oraux, immobilisation prolongée, etc).

Étant donné l’hétérogénéité du système, il est possible que différents mécanismes soient impliqués.

Les anticorps anti-bêta2-GPI étant les plus étroitement liés aux complications thrombotiques, les caractéristiques biochimiques et fonctionnelles de cette protéine méritent d’être inventoriées .

L’affinité de la bêta2-GPI pour des membranes riches en phosphatidylsérine, relativement faible dans les conditions physiologiques de concentration saline et calcique, est fortement majorée en présence d’anticorps anti-bêta2-GPI se fixant de façon bivalente.

Les complexes bêta2-GPI-anti-bêta2-GPI ainsi stabilisés à l’interface phospholipidique peuvent interférer avec la fixation d’autres protéines de la coagulation en affectant les mécanismes hémostatiques qui en dépendent.

À titre d’exemple, les anticorps anti-bêta2-GPI et la bêta2-GPI pourraient, de manière synergique, inhiber les fonctions anticoagulantes de la protéine C activée et de l’annexine V (protéine anticoagulante placentaire I), à l’origine respectivement de thromboses veineuses et d’infarctus placentaires.

Formés à la surface de cellules endothéliales, ces mêmes complexes bêta2-GPI-anti-bêta2-GPI induisent leur activation, appréciée par la sécrétion d’interleukine 6, l’expression de molécules d’adhésion et l’adhérence de monocytes.

Par ailleurs, des anticorps antiprothrombine polyclonaux et monoclonaux majorent la fixation de prothrombine à des cellules endothéliales et la quantité de thrombine générée dans ce système.

Ainsi, le paradoxe entre l’allongement parfois considérable de certains tests de coagulation in vitro, dû à l’interférence des LA avec la fonction procoagulante des phospholipides (facteur limitant des étapes d’activation du facteur X et de la prothrombine), et l’augmentation du risque thrombotique in vivo, n’est qu’apparent et trouve avec les mécanismes précédents des explications satisfaisantes.

Les LA ne se manifestent en effet par des troubles hémorragiques que dans le cas, assez rare, où ils s’accompagnent d’une thrombopénie sévère ou d’une hypoprothrombinémie acquise, traduction de la présence d’anticorps antiprothrombine de forte affinité se complexant avec la prothrombine circulante et l’éliminant.

Aspects cliniques :

Si la prévalence du SAPL n’est pas aujourd’hui encore bien connue, il semble exister une prédisposition génétique suggérée par certaines études familiales ou la découverte, dans la famille d’un patient atteint, de porteurs sains, voire d’autres cas de SAPL.

Certains sousgroupes HLA (human antigens leucocyte) de classe II pourraient être déterminants mais apparaissent différents en fonction des populations étudiées.

Il existe de toute manière sans doute plusieurs gènes de susceptibilité.

Des études de large cohorte sont en cours. Le SAPL, lorsqu’il est primaire, est en général une pathologie du sujet de moins de 45 ans pour l’âge de la première thrombose.

La thrombose observée au cours du SAPL a la particularité de survenir sur une paroi vasculaire saine, indemne de toute infiltration cellulaire.

Parfois, le thrombus se constitue sur une lésion athéromateuse, les aPL apparaissent alors comme un facteur précipitant.

Tous les territoires vasculaires peuvent être touchés : artères (quel qu’en soit le calibre), artérioles, capillaires, veinules, veines profondes ou veines superficielles.

Ceci explique la diversité des tableaux cliniques observés.

A - THROMBOSES VEINEUSES :

Ce sont de loin les plus fréquentes.

Les territoires profonds veineux des membres inférieurs sont plus souvent concernés, mais tous les sites sont possibles.

L’attention doit être attirée vers un SAPL d’autant plus que la thrombose veineuse survient dans un territoire inhabituel : veines caves supérieure ou inférieure, veines rénales, veines surrénales, veines mésentériques, veine porte ou veines sushépatiques, veines rétiniennes ou veines des sinus veineux cérébraux ou veines superficielles, en l’absence de varices.

La présence d’aPL constitue non seulement un risque de premier épisode thrombotique veineux, mais aussi un risque important de récidive.

Associé au LES, le SAPL peut s’exprimer pour la première fois à tout âge.

La thrombose veineuse est toujours multifactorielle.

C’est pourquoi il ne faudrait pas, sous prétexte d’une grossesse, d’un alitement ou de la prise d’oestroprogestatifs, négliger la recherche d’aPL si le phénomène thrombotique survient avant l’âge de 50 ans, et bien sûr si un LES est associé.

B - THROMBOSES ARTÉRIELLES :

La thrombose peut concerner tous les territoires artériels, quel que soit le calibre vasculaire, des gros vaisseaux à la microcirculation.

Le système nerveux central est plus fréquemment concerné.

Il peut s’agir d’accidents ischémiques transitoires ou constitués.

Le territoire carotidien est plus souvent touché que le territoire vertébrobasilaire.

Le syndrome de Sneddon est une entité particulière du sujet jeune qui associe livedo et infarctus cérébral.

Les aPL y sont présents près d’une fois sur deux et le risque de récidive est important en l’absence de traitement, avec une évolution possible vers la démence vasculaire.

L’imagerie par résonance magnétique (IRM) nucléaire cérébrale, avec séquences T2 et séquences FLAIR, est l’examen de choix pour mettre en évidence les infarctus cérébraux (parfois silencieux).

L’IRM retrouve aussi assez fréquemment des hypersignaux de petite taille (de signification incertaine) dans la substance blanche corticale ou sous-corticale et plus rarement une atrophie cérébrale.

Les aPL sont reconnus aujourd’hui comme un véritable facteur de risque indépendant d’accident ischémique cérébral avec un risque important de récidive rapidement après un premier épisode en l’absence de traitement.

Ce risque chez un individu donné est huit fois plus élevé lorsque des aPL sont présents.

De nombreuses manifestations neurologiques ont été rapportées associées aux aPL .

Il faut toujours garder à l’esprit que l’infarctus cérébral peut avoir un mécanisme embolique à point de départ cardiaque.

L’échodoppler cardiaque fait donc partie des examens nécessaires et indispensables dans le SAPL avec thrombose artérielle.

C - MANIFESTATIONS CARDIAQUES :

Il s’agit surtout d’atteintes valvulaires à type d’épaississements diffus des valves, plus souvent la mitrale que l’aortique, formant parfois de véritables végétations donnant alors le tableau caractéristique d’endocardite de Libman-Sacks.

Ces aspects valvulaires seraient la conséquence de dépôts sous-endocardiques d’aPL et ne sont pas sensibles aux traitements anticoagulants ou antiagrégants plaquettaires.

Cette atteinte valvulaire peut avoir un retentissement hémodynamique, plus souvent à l’origine d’une fuite valvulaire, et être la source d’emboles ayant avant tout une destinée cérébrale.

Le risque de greffe bactérienne nécessite alors une prophylaxie antibiotique en cas de gestes endoscopique ou dentaire.

Les aPL apparaissent prédictifs d’infarctus du myocarde chez le sujet jeune.

Il peut s’agir de thrombose coronaire, parfois de microthromboses distales donnant un aspect coronarographique normal.

D’autres événements sont plus rares : thrombus intracardiaque , insuffisance cardiaque droite secondaire à une hypertension artérielle pulmonaire postembolique ou par thrombose in situ.

D - SYNDROME OBSTÉTRICAL :

La forme obstétricale du SAPL, en général conséquence de l’ischémie placentaire, est aujourd’hui bien individualisée et se caractérise par des pertes foetales ou embryonnaires, mais peut aussi donner un tableau clinique d’éclampsie.

Les critères diagnostiques ont été précisés à l’occasion d’une conférence de consensus au cours de l’année 1999.

Tant dans les modèles expérimentaux animaux que chez la femme enceinte, l’ischémie placentaire est liée à des infarctus localisés.

Les anticorps anti-bêta2-GPI sont de plus capables de provoquer expérimentalement des pertes foetales et les aPL bêta2-G8I dépendants ou indépendants peuvent gêner l’implantation normale dans l’utérus des cellules trophoblastiques.

Les femmes porteuses d’aPL qui ont subi une première perte foetale ont moins de 10 % de chances de mener spontanément une grossesse ultérieure à terme.

En revanche, avec l’association aspirine-héparine, les chances de mener à bien une grossesse atteignent 80 %.

Parmi les femmes qui ont eu des fausses couches à répétition, environ 15 % ont des aPL.

Leur rattachement au SAPL paraît discutable, surtout s’il n’existe que des aCL isolés à taux faible.

La relation avec le SAPL est plus probable :

– si l’interruption de grossesse survient au cours du deuxième trimestre ;

– si les aPL persistent à un titre élevé ;

– enfin, si l’analyse du placenta montre des lésions de vasculopathie thrombotique avec infarctus.

Il est vraisemblable que certains cas de syndrome HELLP (Haemolysis, Elevated liver enzyme, Low Platelet count) soient liés aux aPL.

Cette variété de microangiopathie thrombotique, classiquement reliée à un état prééclamptique, associe hémolyse, cytolyse hépatique et thrombopénie.

E - SYNDROME CATASTROPHIQUE :

Le syndrome catastropique des aPL est une forme particulière de SAPL caractérisée par une défaillance multiviscérale liée à une microangiopathie thrombotique.

Une cinquantaine de cas ont été rapportés dans la littérature qui ont en commun des thromboses des vaisseaux de petit calibre bien souvent, mais parfois de plus gros calibre, affectant au moins trois organes différents, avec fréquemment une atteinte rénale, une hypertension artérielle et une atteinte du système nerveux central.

Le décès survient en quelques jours ou semaines dans un cas sur deux, malgré les traitements symptomatiques de l’insuffisance cardiaque, rénale ou respiratoire.

F - MANIFESTATIONS CLINIQUES SANS SUPPORT THROMBOTIQUE APPARENT :

Le SAPL s’accompagne parfois de manifestations d’allure non thrombotique qui répondent plus à la corticothérapie qu’au traitement anticoagulant.

Il s’agit parfois d’une simple association, mais dans d’autres cas certaines données expérimentales suggèrent la possibilité de réactions croisées avec d’autres cibles antigéniques :

– des athéroscléroses précoces et accélérées peuvent survenir chez des sujets jeunes porteurs d’aCL à titre élevé. Les aCL pourraient se fixer sur les LDL oxydées et accélérer ainsi le processus d’athérosclérose.

Des facteurs génétiques interviendraient peut-être dans la physiopathologie de ces lésions précoces ;

– certaines manifestations neurologiques associées aux aPL ne semblent pas avoir un support ischémique.

C’est le cas de certaines chorées, myélites transverses, méningoradiculites ou comitialités, et de quelques tableaux de pseudosclérose en plaques ;

– quelques cas d’hypertension artérielle pulmonaire primitive sans phénomène thrombotique ont été rapportés, mais apparaissent exceptionnels et sans doute discutables.

En revanche, des thrombopénies périphériques de mécanisme auto-immun sont possibles, plus rarement des anémies hémolytiques.

Des polyarthralgies, voire d’authentiques polyarthrites, ont été décrites, conséquences peut-être de l’interaction des aPL avec les LDL oxydées participant à la peroxydation lipidique articulaire.

G - MANIFESTATIONS HÉMORRAGIQUES :

L’infarctus hémorragique de la glande surrénale (par thrombose veineuse surrénale) est à l’origine d’un syndrome douloureux abdominal ou lombaire.

Plusieurs cas ont été rapportés au cours du SAPL. Les formes bilatérales peuvent entraîner un hypocorticisme définitif qui peut être un mode inaugural du SAPL, parfois fatal s’il n’est pas rapidement reconnu.

Dans d’autres cas, l’hémorragie surrénalienne survient alors qu’un traitement anticoagulant est en cours, en dehors parfois de tout surdosage. Des syndromes hémorragiques ont été rapportés dans certains cas de SAPL, s’accompagnant d’anticorps antiprothrombine puissants à l’origine d’une baisse acquise du taux de prothrombine (syndrome LA-hypoprothrombinémie).

Il y a une place dans ce syndrome pour la corticothérapie par voie générale.

Plusieurs cas d’hémopéritoine d’origine ovarienne ont été rapportés chez des femmes atteintes de SAPL et traitées par antivitamine K (AVK) sans surdosage évident.

Il s’agit le plus souvent d’une complication de l’ovulation par rupture d’un kyste du corps jaune ou d’un kyste fonctionnel ovarien, parfois favorisé par les microprogestatifs.

Biologie :

L’hétérogénéité des aPL a pour corollaire de nécessiter la mise en oeuvre de plusieurs tests de détection et de rendre leur standardisation très difficile.

Les tests de détection des aPL utilisés à titre diagnostique, dépendent des phospholipides.

Il s’agit de tests de coagulation pour les LA et de tests immunologiques type Elisa pour les aCL qui doivent être pratiqués conjointement, une seule variété d’anticorps pouvant être présente (taux de recouvrement de 60 % environ dans le SAPL).

Les réactions sérologiques de la syphilis, donnant une positivité dissociée (le réactif VDRL contient de la CL), sont plus rarement utilisées car leur sensibilité est faible dans le cadre du SAPL, de l’ordre de 5 %.

Le diagnostic devrait, en revanche, bénéficier d’une large diffusion de tests Elisa reposant sur l’immobilisation directe des protéines-cibles des aPL, en particulier la bêta2-GPI.

Au vu de la complexité croissante de l’exploration biologique du SAPL, il semble raisonnable que ces tests ne soient effectués que dans des laboratoires spécialisés.

Enfin, il faut être prudent dans l’interprétation des résultats et bien les intégrer dans le contexte clinique.

A - TESTS DE COAGULATION :

La recherche de LA doit s’effectuer sur des échantillons plasmatiques si possible dépourvus d’héparine et strictement déplaquettés (par double centrifugation ou filtration) afin d’éviter la neutralisation de l’anticorps par lyse de plaquettes résiduelles.

La procédure diagnostique d’un LA, qui doit être à la fois sensible et spécifique, impose la réalisation d’une combinaison de tests reposant sur des principes différents et comporte schématiquement trois étapes : dépistage, mise en évidence d’un inhibiteur, confirmation de sa dépendance en phospholipides.

Des systèmes « intégrés », combinant en un seul test, dépistage, inhibition et confirmation, sont disponibles dans le commerce, mais il faut insister sur le rôle capital du couple réactifs-machines, car ce qui marche bien avec certaines machines ne marche pas avec d’autres. Plusieurs variétés de LA peuvent coexister chez un même patient.

Le choix de deux tests de dépistage parmi les suivants est préconisé :

– le temps de céphaline activée (TCA) utilisant un réactif sensible aux LA est le plus utilisé.

Sa sensibilité peut être augmentée par dilution de la céphaline, voire omission de phospholipides exogènes (temps de kaolin) ;

– le temps de venin de vipère Russell (dRVVT), faisant intervenir un activateur direct du facteur X, n’est pas influencé par les déficits en facteurs de la voie endogène, en facteur VII ou par la présence d’anticorps contre ces facteurs ;

– le temps de thromboplastine diluée, enfin les temps de venin Taïpan ou de textarine (venins activateurs de la prothrombine), qui sont insensibles aux déficiences ou inhibiteurs de la plupart des facteurs.

La démonstration de la présence d’un inhibiteur repose sur l’absence de correction de l’allongement du test de dépistage par l’apport de plasma normal, dans un rapport 1 : 1 classiquement, mais aussi 4 : 1 et 1 : 4 (épreuve de mélange afin d’exclure un déficit en facteur).

La réalisation du test avant et après incubation du mélange 2 heures à 37 °C permet d’objectiver une activité inhibitrice progressive dans environ 10 % des cas de LA, tandis que la dépendance vis-à-vis du temps et de la température est la règle pour les inhibiteurs spécifiques.

L’indice de Rosner : temps mélange temps témoin/temps malade X 100, signe la présence d’un inhibiteur s’il est supérieur ou égal à 15.

La caractérisation de cet inhibiteur passe par l’apport d’un excès de phospholipides sous forme purifiée ou de lysat plaquettaire, tendant à normaliser le test de coagulation initialement perturbé lorsqu’il s’agit d’un LA.

À ce stade, l’exclusion d’une anomalie de coagulation éventuellement associée au LA peut s’avérer utile, et nécessiter la mesure des facteurs de la voie endogène sur des dilutions progressives du plasma du malade afin d’éviter une baisse artefactuelle due à l’inhibiteur.

B - TESTS IMMUNOLOGIQUES :

1- aCL :

Le test standard pour la recherche des aCL est un Elisa basé sur l’immobilisation de la CL et l’utilisation d’un sérum animal, apportant un excès de bêta2-GPI, pour saturer les plaques et/ou diluer les échantillons à tester.

Sa finalité est la mise en évidence des aCL bêta2-GPI dépendants, mais d’autres variétés d’aCL sont indifféremment détectées.

Un CL-Elisa « modifié », comparant la fixation des anticorps en l’absence et en présence de sérum animal ou de bêta2-GPI purifiée, a été proposé afin de préciser leur dépendance en cofacteur.

L’interprétation de ce dernier test est toutefois délicate, d’autant que plusieurs variétés d’aCL peuvent coexister chez des patients lupiques en particulier.

La recherche directe des anticorps anti-bêta2-GPI nous paraît bien plus informative et simple à réaliser.

L’utilisation de phospholipides anioniques autres que la CL, isolément ou en mélange, n’apporte que peu d’informations supplémentaires par rapport au CL-Elisa standard.

Des ateliers de travail, à l’échelon national et international, se sont efforcés de standardiser le test, mais il persiste d’importantes variations entre laboratoires ou selon les trousses commerciales utilisées, et ce malgré l’expression quantitative des résultats en unités GPL et MPL, respectivement pour les IgG et les IgM aCL.

La standardisation est sans doute difficile du fait des différences observées entre patients et chez un même patient (différents autoanticorps, différentes affinités, différents antigènes…).

La signification d’un résultat « faiblement positif » est donc très incertaine.

Le diagnostic de SAPL ne saurait reposer sur un seul résultat positif d’aCL (même classé moyen ou fort), l’exigence d’une confirmation à 2-3 mois d’intervalle visant notamment à exclure les populations d’aCL transitoires.

2- Anticorps anti-bêta2-GPI :

La détection directe des anticorps anti-bêta2-GPI par Elisa en l’absence de phospholipide (bêta2-GPI-Elisa) impose le choix de certaines plaques, chlorure de polyvinyle ou polystyrène irradié.

L’effet des charges négatives introduites par irradiation gamma à la surface du plastique n’est pas totalement élucidé.

Il est possible que la conformation de la bêta2-GPI ainsi fixée soit semblable à celle qu’elle adopte après liaison aux phospholipides. Plus probablement, la densité de bêta2-GPI fixée est augmentée, favorisant la liaison d’anticorps de faible affinité par des interactions bivalentes.

Les mêmes remarques s’appliquent à la détection des anticorps antiprothrombine par Elisa.

Les avantages du bêta2-GPI-Elisa par rapport au CL-Elisa résident dans l’ignorance des « vrais » aCL (habituellement sans conséquence clinique) et la détection de l’ensemble des anticorps anti-bêta2-GPI, y compris ceux spécifiques d’espèce (réagissant peu ou pas avec la bêta2-GPI bovine prépondérante dans le CL-Elisa) et ceux incapables de reconnaître la bêta2-GPI liée au CL (déterminants antigéniques au niveau du site de liaison des phospholipides).

C - RÉSULTATS ET PERSPECTIVES :

Étant donné l’hétérogénéité des aPL et la variété des situations cliniques dans lesquelles ces anticorps sont rencontrés, il est crucial de pouvoir identifier ceux qui s’intègrent véritablement dans un SAPL.

Il est classique de suspecter le caractère potentiellement pathogène des aPL sur les éléments suivants : aCL d’isotype IgG et de titre élevé, association à la présence d’un LA ou d’arguments en faveur de désordres auto-immuns, enfin persistance de ces anticorps sur des déterminations séquentielles.

La fluctuation des aPL dans le temps est minime, surtout lorsque les taux d’anticorps détectés sont élevés.

On assiste parfois à une chute de ces anticorps en cas d’accident thrombotique aigu, de syndrome néphrotique ou de traitement immunosuppresseur, les LA diminuant en général davantage que les aCL.

Le large spectre des cibles protéiques des aPL, dont l’inventaire n’est d’ailleurs pas terminé, offre dès à présent l’opportunité de démembrer cette vaste famille d’autoanticorps avec, comme principal objectif, l’établissement de corrélations clinicobiologiques significatives.

Dans deux études, l’une concernant 175 patients lupiques, l’autre 233 patients porteurs d’aPL, les analyses multivariées font de la présence d’un LA le facteur de risque majeur de thrombose artérielle et veineuse ; soit les anticorps antiprothrombine et anti-bêta2-GPI n’ont aucune signification supplémentaire, soit seuls les seconds représentent un facteur de risque indépendant de thromboses veineuses (IgG) ou de complications obstétricales (IgM).

Dans une étude différenciant anticorps antiprothrombine et anti-bêta2-GPI sur des profils de tests de coagulation (temps de kaolin et dRVVT sont respectivement les plus performants), la survenue de thromboses n’est statistiquement corrélée qu’avec les anticorps anti-bêta2-GPI.

Les résultats sont cependant sujets à discussion.

Une étude prospective semble identifier les IgG antiprothrombine (présentes à taux faibles sans anti-bêta2-GPI associés) comme facteur de risque d’infarctus du myocarde chez des hommes dyslipidémiques.

Les investigations dans ces différentes voies se poursuivent, mais les points suivants sont d’ores et déjà acquis :

– la présence d’anticorps anti-bêta2-GPI est statistiquement associée à celle des aCL, LA, ou antimitochondries M5 lorsque l’on s’adresse à une population de patients auto-immuns (SAPL primaire et LES spontané ou induit par des médicaments).

Ces anticorps sont généralement absents, malgré une fréquence élevée d’aCL, dans le cadre d’infections diverses telles que l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), la tuberculose ou la syphilis ;

– les anticorps anti-bêta2-GPI s’avèrent un marqueur biologique de choix pour le diagnostic de SAPL, nettement supérieurs aux aCL en termes de spécificité et de valeur prédictive positive ;

– la présence isolée d’anticorps anti-bêta2-GPI, en l’absence d’autres aPL détectables dans les tests conventionnels, peut se rencontrer dans des cas de SAPL (primaire ou secondaire), mais la fréquence de cette situation reste à déterminer.

D - EN PRATIQUE :

Le nombre de spécificités anticorps associées au SAPL s’accroît régulièrement, obligeant biologistes et cliniciens à effectuer des choix.

La détermination des isotypes IgG (surtout) et IgM, à la fois pour les aCL et les anticorps anti-bêta2-GPI, paraît la plus intéressante dans l’exploration du SAPL.

Cependant, les anticorps d’isotype IgA pourraient avoir un intérêt chez le sujet noir, et semblent corrélés avec le livedo et le phénomène de Raynaud en cas de lupus chez les Européens.

Deux variétés d’anticorps peuvent représenter les seuls aPL détectables par les tests disponibles en pratique quotidienne :

– les anticorps antiphosphatidyléthanolamine, détectés dans un Elisa utilisant ce phospholipide neutre, sont distincts des aCL et LA, bien que souvent associés dans des populations de patients autoimmuns, mais on peut aussi les rencontrer isolément dans un contexte de thrombose ou de pathologie vasculaire cutanée.

Certains d’entre eux dépendent des kininogènes ou de protéines associées, prékallicréine ou facteur XI ;

– les anticorps antimitochondries de type M5 sont identifiés par immunofluorescence indirecte sur coupes de tissus et la nature moléculaire de l’antigène n’est pas connue.

Ils ont été décrits dans des formes « hématologiques » de LES ou associés avec des avortements répétés, une thrombopénie, mais pas avec des accidents thromboemboliques.

Le profil biologique conditionne le risque thrombotique, notamment veineux.

Ainsi, Wahl et al retrouvent un odds ratio (OR) de 1,56 dans une population tout-venant ayant des aCL, ce risque augmente à 3,21 en cas de titre élevé et passe à 11,1 en présence de LA.

Dans une population de patients atteints de maladies auto-immunes, le LA s’accompagne d’un risque élevé de thrombose (OR = 8,7), suivi des anticorps antiprothrombine (OR = 6,7) et des anticorps anti-bêta2- GPI (OR = 2,42).

Lorsque l’on considère la présence d’un LA associé à des anticorps antiprothrombine ou à des anti-bêta2-GPI, l’OR passe à 26,1 et 13 respectivement.

Les situations imposant la recherche d’aPL doivent être consensuelles et doivent tenir compte des impératifs économiques.

Certaines recommandations ont été proposées par Boffa et Piette.

Traitement :

A - PRÉVENTION SECONDAIRE DES THROMBOSES :

En raison du risque élevé de récidive thrombotique avec ou sans embolie pulmonaire (> 50 % dans les 2-3 ans d’après des études rétrospectives), la prévention constitue le premier objectif thérapeutique du SAPL.

Si, après un premier épisode thrombotique veineux, la récidive veineuse est plus fréquente, une thrombose artérielle peut aussi être le mode de récidive.

L’aspirine seule, clairement, ne prévient pas les rechutes thrombotiques, tandis que l’utilisation de la warfarine avec un taux d’INR supérieur ou égal à 3, associée ou non à l’aspirine, apporte le meilleur taux de couverture.

Avec ce traitement (warfarine ± aspirine et IRN >= 3), Khamashta et al ont 88 % de patients indemnes de récidive thrombotique à 5 ans, alors que, sans traitement, il reste moins de 30 % de malades indemnes de nouvel épisode thrombotique à 5 ans.

L’association de l’aspirine à la warfarine ne semble apporter aucun bénéfice supplémentaire, mais peut-être son effet à très long terme (notamment au niveau cérébral) n’est-il pas encore aujourd’hui évaluable et, de toute manière, ne le sera pas sans étude randomisée.

L’objectif d’un INR supérieur à 3 est pourtant à nuancer, car le travail de Khamashta est rétrospectif et non homogène en matière de population étudiée.

D’autres études suggèrent qu’un INR moins élevé peut suffire pour prévenir les récidives. Notre position est de viser comme objectif un INR le plus proche possible de 3.

Après un épisode de thrombose veineuse profonde, la règle est de maintenir les AVK de façon prolongée ou tant que persistent les aPL.

Il faut y associer la correction des facteurs de risque veineux.

La décision de maintenir ou non les AVK au long cours doit aussi tenir compte du type d’aPL, de l’association ou non à des anticorps anticofacteurs et de leur persistance ou non.

En l’absence d’étude randomisée, la décision ne peut être qu’individuelle en fonction du contexte clinique.

Dans les cas de syndrome de Sneddon avec aPL, les AVK au long cours sont incontournables, sous peine d’évolution inéluctable vers la démence vasculaire.

En l’absence de syndrome de Sneddon, le risque de récidive ischémique cérébrale est huit fois plus élevé chez les malades qui ont des aPL et survient habituellement dans l’année suivant l’épisode initial.

Levine et al rapportent le suivi prospectif de 75 malades avec aPL pendant une période d’un peu plus de 1 an : une récidive d’infarctus ou un accident ischémique transitoire est survenu chez 26 malades (soit 35 %) qui étaient traités par aspirine et dipyridamole, alors qu’aucun événement vasculaire n’est survenu sous warfarine.

Ce travail incite bien sûr à prescrire des AVK au long cours après un premier épisode ischémique cérébral s’il existe des aPL.

La prévention secondaire passe aussi par la correction des facteurs de risque vasculaire associés, notamment le tabac, l’hypertension artérielle, les anomalies métaboliques lipidiques et glucidiques et le surpoids.

Brey et al précisent qu’en fonction des situations et du mécanisme physiopathologique présumé de la thrombose associée aux aPL, l’aspirine et les anticoagulants ont tous les deux leur place.

Peut être cette place dépend-elle du profil biologique individuel (type d’aPL, présence ou non d’anticorps anticofacteurs) et de la persistance ou non de ces anticorps ?

Tant en pathologie artérielle qu’en pathologie veineuse, la prévention secondaire doit tenir compte de l’existence d’un autre facteur thrombophilique associé, comme une résistance à la protéine C activée, une mutation G20210A de la prothrombine, un déficit en protéine C, en protéine S, en antithrombine III, une hyperhomocystéinémie, dont la recherche éventuelle est fonction du contexte thrombotique personnel et familial.

Enfin, la décision thérapeutique dépend aussi de l’existence ou non d’une cardiopathie sous-jacente, les valvulopathies associées peuvent être source d’accidents ischémiques cérébraux, voire de dysfonctionnement valvulaire nécessitant alors le remplacement valvulaire.

Les oestroprogestatifs étant contre-indiqués du fait de leur risque thrombogène, l’utilisation de progestatifs dérivés de la 17-hydroxyprogestérone, comme l’acétate de cyprotérone ou l’acétate de chlormadinone, est préférable dans un but contraceptif.

B - CAS PARTICULIERS :

1- Prévention des pertes foetales :

Les femmes ayant des aPL et ne prenant aucun traitement ont environ une chance sur deux seulement de mener une grossesse à terme.

Lorsqu’une première perte foetale est survenue, les chances de mener ultérieurement une grossesse à terme sont réduites à 10 %.

Dès 1985, l’association prednisone (0,5 mg/kg/j) et aspirine à faibles doses s’est avérée efficace pour mener à bien des grossesses, et ces résultats ont été confirmés par d’autres équipes.

Rapidement, on s’est rendu compte que l’aspirine était peut-être plus importante que la corticothérapie, qui s’avérait parfois délétère.

Dans une étude randomisée, l’aspirine seule s’est avérée aussi efficace que l’association aspirine-corticoïdes.

Cette étude était cependant méthodologiquement critiquable, car certaines femmes avaient été incluses après une seule perte foetale.

Par la suite, des travaux randomisés plus sérieux ont confirmé l’intérêt de l’aspirine, mais surtout associée à l’héparine, avec des grossesses menées à bien dans 42 à 44 % des cas lorsque l’aspirine était proposée seule et de 71 à 80 % des cas lorsque l’aspirine était proposée en association à l’héparine.

Il semble raisonnable, chez une femme porteuse d’aPL et ayant fait une première perte foetale précoce, de mener la grossesse suivante sous aspirine seule à la dose de 100 mg/j.

En cas d’échec de l’aspirine seule, il est conseillé de mener la grossesse ultérieure sous aspirine et héparine sous-cutanée à la dose de 80 à 100 mg/j d’aspirine et de 5 000 U deux fois par jour d’héparine.

Ce n’est qu’en cas d’échec (moins de 20 % des cas) que se discutent alors les corticoïdes ou surtout les Ig polyvalentes.

Chez la femme primipare, sans antécédent de perte foetale, la découverte d’aPL, surtout à titre moyen ou fort, incite à considérer l’aspirine à faibles doses comme une solution thérapeutique à faible coût et à faible risque.

Les héparines de bas poids moléculaire, même si elles n’ont pas encore l’autorisation de mise sur le marché (AMM) en France au cours de la grossesse, ont actuellement notre préférence, ce d’autant qu’elles ont déjà largement démontré qu’elles étaient utilisables pendant la grossesse en toute innocuité pour la mère et le foetus.

2- Athérosclérose et aPL :

L’athérosclérose du sujet jeune ou la survenue de thromboses itératives sur stent justifient aujourd’hui de faire une recherche d’aPL.

Dans cette situation particulière, on peut légitimement penser que l’aspirine a sa place.

Lorsqu’un geste de revascularisation est nécessaire chez ces malades, le risque de thrombose du pontage est important.

Il en est de même des gestes d’angioplastie qui exposent à un haut risque de thrombose.

Lors de la mise en place d’un stent, l’association aspirine-ticlopidine durant 3 semaines est validée, avec relais par l’aspirine au long cours.

Cette attitude vaut, qu’il y ait ou non des aPL. L’association clopidogrel-aspirine semble encore plus intéressante.

Lorsque des aPL sont présents, le risque thrombotique est nettement augmenté après un geste de revascularisation, atteignant 50 % des cas dans le travail de Ahn et al, et incite à une anticoagulation efficace.

En cas de geste endoluminal avec mise en place de stent, le risque de thrombose est important et ce parfois même sous anticoagulation efficace.

L’association AVK-aspirine mérite d’être évaluée après angioplastie ou mise en place de stent en relais d’une période initiale sous héparine ± aspirine.

3- Syndrome catastrophique :

C’est la situation type où il est nécessaire, d’une part d’agir sur les anticorps que l’on considère comme pathogènes en tentant de les éliminer, tout en associant un traitement anticoagulant par l’héparine.

Il n’y a, dans ces situations rares, pas de consensus thérapeutique, mais l’expérience incite à proposer des bolus de corticoïdes, voire de cyclophosphamide, ou l’association plasmaphérèse et traitement anticoagulant.

4- Prévention primaire des thromboses en cas d’aPL asymptomatiques :

Il n’y a en la matière aucun consensus. Pour certains auteurs, le sujet asymptomatique ne doit pas être traité.

Au cours du LES, on prescrit aisément de l’aspirine lorsque l’on découvre des aPL.

Cette décision relève cependant plus de l’expérience clinique que de données scientifiques précises.

En dehors du contexte de lupus, la prescription d’aspirine est loin d’être systématique.

Cette position doit être revue à la lumière des risques thrombotiques évalués lorsque plusieurs marqueurs biologiques sont associés.

Quel que soit le contexte, dans les situations à risque de thrombose, notamment veineuse, une prévention par héparine de bas poids moléculaire s’impose.

Dans le travail récent de Shah et al, on s’aperçoit que 52 % des malades ayant des aPL et n’ayant jamais fait de thrombose ont eu un événement thrombotique à 10 ans, alors que trois des 11 malades concernés avaient un traitement par aspirine à faibles doses en prévention primaire.

L’aspirine n’apporte donc pas une protection suffisante, mais il n’y a aucune donnée publiée à ce jour pour mettre ces patients asymptomatiques sous AVK.

Dans le modèle proposé par Wahl et al, il y aurait un bénéfice clinique à attendre des anticoagulants oraux prescrits en prévention primaire dans le lupus en présence d’un LA.

Gomez-Pacheco et al montrent que dans le lupus existe une forte association entre la présence d’anticorps anti-bêta2-GPI et la survenue d’un événement thrombotique : dans le sous-groupe avec thrombose, tous les malades avaient des anticorps anti-bêta2-GPI, alors qu’ils n’étaient que 17 % dans le groupe lupus sans thrombose.

Les moyens mis en oeuvre pour assurer une prévention primaire efficace doivent donc tenir compte de l’existence ou non d’un lupus associé et surtout du profil immunologique.

Il y aura peut-être une place demain pour les AVK à faibles doses ou pour l’hydroxychloroquine, dont le bénéfice vasculaire est de plus en plus reconnu.

L’induction d’une tolérance à la bêta2-GPI permettra peut-être demain d’assurer une prévention primaire vraiment efficace, voire une prévention secondaire sans anticoagulants.

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