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Hépatologie
Prise en charge et surveillance de la cirrhose
Cours d'Hépatologie
 


 

Introduction :

La cirrhose du foie est un syndrome dont la définition est anatomopathologique.

Elle représente l’évolution de la plupart des maladies chroniques du foie.

Sa traduction clinicobiologique est peu spécifique, car la plupart des signes qui lui sont associés témoignent en fait de ses complications (insuffisance hépatocellulaire, hypertension portale) ou de son étiologie.

Le but de cet article est de faire la synthèse des données éparses la concernant, en insistant sur la pratique clinique, en particulier sur sa prise en charge diagnostique et thérapeutique, après en avoir exposé l’histoire naturelle.

Histoire naturelle :

A - CIRRHOSE COMPENSÉE :

La cirrhose s’installe insidieusement. On parle de cirrhose compensée lorsque aucune des complications classiques n’est présente.

Elle est longtemps latente, découverte par hasard lors d’un examen systématique ou lors du bilan de la maladie causale.

Après une phase de décompensation, il est tout à fait possible de revenir à l’état compensé sous l’effet du traitement ou du sevrage.

B - CIRRHOSE DÉCOMPENSÉE :

L’apparition d’une des complications classiques (hémorragie digestive, ascite, encéphalopathie) signe la décompensation de la cirrhose.

Habituellement, il s’agit d’une décompensation ictérooedématoascitique, déclenchée par une hémorragie, une infection ou une poussée évolutive de la maladie causale.

La survenue d’un carcinome hépatocellulaire (CHC) est également une cause de décompensation, souvent révélatrice.

La sévérité de la cirrhose est habituellement évaluée grâce au score de Child-Pugh.

Ce score est utilisé en routine pour évaluer le pronostic et guider les indications thérapeutiques, en particulier en matière de traitement des hémorragies digestives et de transplantation hépatique.

C - HISTOIRE NATURELLE EN FONCTION DE L’ÉTIOLOGIE :

Le taux de survie à 5 ans des patients présentant une cirrhose alcoolique est de l’ordre de 50 %.

Il est meilleur chez les patients tempérants (65 à 95 %) que chez les patients ayant continué leur intoxication alcoolique (40 à 75 %). Il est moins bon en présence d’une complication.

En cas de récupération, le patient se retrouve dans le cas de figure de la cirrhose compensée et son pronostic s’améliore de nouveau.

Il s’agit donc d’une maladie qui, au fil de poussées entrecoupées de récupérations plus ou moins complètes, évolue vers l’aggravation progressive et le décès, le plus souvent par insuffisance hépatocellulaire ou CHC.

L’existence d’une hépatite alcoolique grave surajoutée, appréciée sur le score de Maddrey ou sur la présence d’une encéphalopathie hépatique spontanée, obère le pronostic (taux de décès à 2 mois entre 30 et 60 % malgré le sevrage).

Plus rarement, malgré le sevrage, les patients évoluent d’un seul tenant vers l’aggravation continue de l’insuffisance hépatocellulaire, puis le décès.

Il s’agit de patients qui se présentent souvent avec un tableau initial sévère.

Dans les cirrhoses hémochromatosiques pures, l’insuffisance hépatocellulaire et l’hypertension portale sont rares.

Le traitement déplétif permet l’amélioration du bilan hépatique et la prévention de l’aggravation de la fonction hépatique.

En revanche, le risque de CHC est présent dès que la cirrhose est installée et représente la plus grande cause de décès chez ces patients.

Dans la maladie de Wilson au stade de cirrhose, le traitement déplétif peut entraîner l’amélioration d’une cirrhose décompensée.

Les hépatites auto-immunes sont souvent diagnostiquées au stade de cirrhose, avec parfois, déjà lors du diagnostic, l’existence d’une décompensation sévère.

En cas de réponse au traitement immunosuppresseur, l’évolution est souvent favorable, avec normalisation des fonctions hépatiques, vers une cirrhose inactive.

Cependant, le risque de survenue d’un CHC, contrairement à une notion répandue, existe comme pour toute les cirrhoses.

Dans les cirrhoses d’autre origine, le pronostic de la décompensation est plus défavorable, car il n’y a, le plus souvent, aucun traitement de la cause et l’état hépatique s’aggrave progressivement.

La cirrhose liée à une surinfection delta d’une hépatite B semble d’évolution particulièrement rapide.

Dans la cirrhose virale B, le taux de survie spontané à 5 ans n’est que de 14 % en cas de décompensation, alors qu’il est de 84 % lorsque la cirrhose est compensée.

Le risque de CHC est particulièrement marqué.

Dans la « cirrhose biliaire primitive », l’existence d’une cirrhose histologique est un facteur de gravité.

La décompensation est un tournant évolutif de la maladie.

Dans la cholangite sclérosante primitive, l’apparition d’une cirrhose est également un tournant évolutif et il y a risque de développement de cholangiocarcinome.

Prise en charge diagnostique :

A - DIAGNOSTIC DE LA CIRRHOSE :

La cirrhose peut être définie comme une atteinte diffuse du foie par un processus associant fibrose annulaire et nodules de régénération.

1- Histologie :

L’examen histologique est l’examen de référence pour le diagnostic de la cirrhose.

L’examen macroscopique (pièce d’hépatectomie totale, laparoscopie) est le seul capable d’apprécier le caractère diffus des lésions, mais il est rarement disponible.

C’est donc sur l’examen d’un fragment de parenchyme, prélevé par ponction-biopsie, que repose le plus souvent le diagnostic.

Cet examen présente un certain nombre de faux négatifs, liés au fait qu’il n’observe qu’une partie infime du foie, non toujours représentative des lésions.

Le taux de complication de la biopsie hépatique est estimé à 0,015 %.

2- Diagnostic non invasif :

La plupart des signes cliniques observés au cours de la cirrhose sont en rapport avec ses complications.

Seule la constatation d’un foie dur, à face antérieure régulière et lisse ou granitée et à bord inférieur tranchant, témoigne de la seule cirrhose et a une bonne spécificité pour son diagnostic, mais peut manquer, en cas de cirrhose atrophique, d’ascite importante ou de paroi épaisse.

Toutefois, la cirrhose étant de très loin la cause la plus fréquente d’insuffisance hépatocellulaire et d’hypertension portale en France, la constatation d’angiomes stellaires ou d’une circulation veineuse collatérale et a fortiori d’une décompensation ictéro-oedémato-ascitique, a une bonne valeur prédictive positive du diagnostic de cirrhose.

Au plan biologique, la conjonction de signes d’insuffisance hépatocellulaire (baisse du taux de prothrombine [TP], du facteur V et de l’albumine sérique) et d’hypertension portale (hypersplénisme) ou la présence d’un bloc bêta-gamma est très évocatrice de l’existence d’une cirrhose.

Les marqueurs spécifiques de fibrose proposés n’ont pas encore fait la preuve de leur utilité et ne sont pas utilisés en pratique clinique.

La mise en évidence de signes d’hypertension portale en endoscopie est un signe assez spécifique dans les pays européens, mais peu sensible.

L’échographie a été bien évaluée et peut observer des modifications liées à la cirrhose, des signes d’hypertension portale ou une ascite.

La tomodensitométrie hépatique donne des résultats équivalents.

La spécificité de cette sémiologie est excellente.

En revanche, sa sensibilité paraît moins bonne.

Dans une étude récente comparant échographie et biopsie hépatique transpariétale, les deux meilleurs critères échographiques étaient l’aspect nodulaire de la surface du foie et la vitesse du flux portal.

La sensibilité du diagnostic échographique de cirrhose était de 82 % et la spécificité de 85 %, donnant une efficacité diagnostique de 84 %.

Reste le problème de la reproductibilité des résultats d’un opérateur à un autre. Beaucoup de ces signes ont une bonne spécificité, mais une moins bonne sensibilité.

Le jugement clinique est rarement pris en défaut lorsque la cirrhose est considérée comme certaine.

Pour tenter d’améliorer la sensibilité, les auteurs ont essayé de regrouper les signes en définissant des scores aux performances peu convaincantes et d’utilisation difficile.

Une récente étude française a montré que les deux meilleurs paramètres biologiques étaient les taux de prothrombine et de hyaluronate sérique.

Un TP inférieur ou égal à 85 % avait une sensibilité de 80 % et une spécificité de 88 % pour le diagnostic de cirrhose, ce qui donnait une valeur prédictive positive de 74 % et une valeur prédictive négative de 91 % dans une population où la prévalence de cirrhose serait importante, comme dans un service d’hépatogastroentérologie.

Le taux de hyaluronate sérique avait des performances un peu meilleures.

Il faut souligner cependant la possible variabilité des résultats des dosages sériques d’un laboratoire à l’autre.

Dans le cas particulier de l’hémochromatose, il a été montré qu’il était possible de prédire l’absence de fibrose de stade 3 ou 4 (cirrhose) chez les patients homozygotes pour la mutation C282Y du gène HFE, grâce à un algorithme simple.

En revanche, la prédiction positive de la fibrose sévère était moins fiable.

3- Indications de la biopsie hépatique :

Il est important de ne pas méconnaître le diagnostic de cirrhose, car il a des implications pronostiques et, à présent, thérapeutiques, importantes : indication des antiviraux dans l’hépatite B ou C, mise en route du dépistage des varices à risque hémorragique et du CHC, etc.

Lorsque le tableau clinique et biologique, l’imagerie et l’endoscopie sont suffisamment évocateurs, l’histologie n’est pas nécessaire, d’autant qu’elle ne peut permettre de réfuter une forte suspicion de cirrhose.

C’est donc dans les maladies hépatiques compensées que la question de la réalisation d’une biopsie hépatique, le plus souvent par voie transpariétale, est discutée.

La biopsie est souvent réalisée dans les maladies virales ou auto-immunes.

Dans les maladies alcooliques du foie, son indication est plus controversée.

Au vu de l’histoire naturelle de la maladie, le buveur excessif non sevré présentant un bilan hépatique normal ou une augmentation isolée des gamma-glutamyltranspeptidases (gamme-GT) a un risque très faible d’avoir une cirrhose. Une biopsie hépatique ne se justifie pas dans cette situation.

Dans les autres cas, elle doit être discutée, en tenant compte de la compliance prévisible du patient et du retentissement possible du diagnostic de cirrhose sur la prise de conscience de la dépendance à l’alcool.

B - DIAGNOSTIC DES COMPLICATIONS :

1- Circonstances de découverte :

La cirrhose est le plus souvent diagnostiquée lors du bilan de la maladie causale.

Elle peut être découverte fortuitement, lors d’un examen clinique, d’une endoscopie, d’une échographie, voire d’une laparotomie.

Elle peut être révélée par des signes fonctionnels, asthénie ou altération de l’état général avec amaigrissement.

Enfin, la cirrhose est fréquemment révélée par ses complications.

2- Bilan :

Le bilan clinique comprend la recherche d’une hépatomégalie, dont on appréciera les caractères palpatoires.

On recherchera des signes d’insuffisance hépatocellulaire (angiomes stellaires, érythrose palmaire, ongles blancs, ictère, foetor hepaticus et astérixis, hypogonadisme et féminisation) et d’hypertension portale (splénomégalie, circulation collatérale de type portocave, ascite).

Le bilan biologique peut être strictement normal, ou mettre en évidence une insuffisance hépatocellulaire.

La bilirubine, les transaminases, les phosphatases alcalines (Palc) et la gamme-GT peuvent être normales ou augmentées.

L’élévation polyclonale des gammaglobulines est fréquente.

La numération formule sanguine peut être normale, ou montrer une anémie normo- ou macrocytaire, arégénérative. Une anémie hémolytique sévère par acanthocytose est exceptionnelle, associée à la cirrhose alcoolique avec grande insuffisance hépatocellulaire.

L’hypersplénisme se traduit par une thrombopénie et une neutropénie.

L’alphafoetoprotéine (AFP) est dosée dans un but de dépistage du CHC, mais peut être augmentée en cas de régénération hépatique.

L’échographie abdominale est indispensable.

Réalisée par un opérateur entraîné, sur un appareil récent, elle permet le diagnostic de cirrhose, mais aussi le bilan de ses complications.

Le foie peut être de taille normale, diminuée ou augmentée.

Son échogénicité peut être normale ou augmentée, homogène ou hétérogène de façon diffuse.

Ses contours peuvent être normaux ou déformés par des nodules.

L’échographie peut mettre en évidence des signes d’hypertension portale : veines porte, splénique ou mésentérique dilatées, présence de shunts portocaves, tels une reperméabilisation de la veine ombilicale ou un shunt splénorénal, splénomégalie.

L’échographie peut enfin révéler des complications, comme une ascite dont elle est le mode de détection le plus sensible, un CHC, une thrombose porte. En cas d’ascite, la paroi vésiculaire est souvent épaissie.

L’échographie peut être associée à un examen doppler, en mode pulsé ou couleur, qui n’est cependant pas indispensable en pratique courante.

Ce n’est qu’en cas d’examen insuffisant (en raison de la mauvaise échogénicité du patient) et à condition que l’état du patient ne préjuge pas déjà d’un mauvais pronostic, ou en cas de suspicion de CHC, qu’un examen tomodensitométrique du foie est proposé.

La technique repose actuellement sur des coupes jointives sans injection, puis sur la réalisation d’une double spirale avec injection, l’une au temps artériel (permettant la visualisation de l’hypervascularisation artérielle des petits CHC) et l’autre au temps portal (visualisant le système porte et sus-hépatique).

L’examen par résonance magnétique nucléaire fournit des renseignements comparables à ceux de la tomodensitométrie.

Enfin, l’angiographie coeliaque et mésentérique supérieure est réservée à certains bilans préopératoires.

La fibroscopie haute est également indispensable dans le bilan d’une cirrhose.

Elle permet en effet le diagnostic des varices, précise leur siège oesophagien ou gastrique et leur risque hémorragique, sur des critères de taille et d’aspect superficiel.

Elle permet également de montrer d’autres lésions en rapport avec l’hypertension portale, telles qu’une gastropathie ou des ectasies vasculaires antrales.

3- Cas particulier : hospitalisation en urgence

Fréquemment, les patients sont hospitalisés en urgence pour une décompensation.

Il est fondamental de rechercher dès leur arrivée une cause de décompensation nécessitant des mesures urgentes.

L’infection est systématiquement évoquée : l’interrogatoire s’attache à rechercher l’existence de douleurs abdominales, de diarrhée, de brûlures mictionnelles, de fièvre ou de frissons les jours précédents.

La ponction d’ascite doit être immédiatement pratiquée, pour examen direct cytobactériologique permettant la numération des polynucléaires et ensemencement sur flacons d’hémoculture au lit du malade.

Un examen cytobactériologique des urines et des hémocultures sont pratiqués au moindre doute.

L’hémorragie est recherchée par l’interrogatoire à la recherche d’une hématémèse ou d’un méléna les jours précédents, parfois passés inaperçus, et par le toucher rectal systématique.

Les prises médicamenteuses récentes (diurétiques, sédatifs, anti-inflammatoires non stéroïdiens ou antibiotiques néphrotoxiques) doivent également être précisées.

Le bilan en urgence comprend aussi une numération formule sanguine, le groupe ABO et rhésus, un ionogramme sanguin, le TP et le temps de céphaline activé, le bilan hépatique et un cliché thoracique de face.

Diagnostic étiologique :

L’étiologie est importante et conditionne la conduite thérapeutique.

Il faut souligner la possible coexistence de plusieurs étiologies, pouvant aggraver le risque cirrhogène : consommation excessive d’alcool et hépatite C ou hémochromatose « arrosée » par exemple.

C’est dans ces conditions d’intrication diagnostique que la biopsie hépatique prend tout son intérêt étiologique.

A - DIFFÉRENTES ÉTIOLOGIES :

1- Consommation excessive d’alcool :

Il s’agit de la première cause de cirrhose en France.

La prévalence en est estimée à environ 150 000 cas (3 pour 1 000), dont un tiers serait asymptomatique et méconnu. Seuls 20 à 30 % des buveurs excessifs, définis par une consommation supérieur à 210 g d’alcool pur par semaine, développent une cirrhose.

Le risque relatif de développer une cirrhose pour une quantité d’alcool quotidienne déclarée donnée débute, chez l’homme, pour des valeurs de 40 g/j et croît d’une façon exponentielle avec la consommation.

L’obésité augmente le risque de cirrhose chez le buveur excessif.

Les principaux arguments en faveur de l’étiologie alcoolique d’une cirrhose sont :

– l’existence d’une consommation à risque d’alcool ;

– l’existence d’autres manifestations cliniques de la consommation excessive d’alcool ;

– une augmentation prédominante des aspartates aminotransférases (ASAT) sur les alanines aminotransférases (ALAT), surtout si le rapport ASAT/ALAT est supérieur à deux ;

– une discordance entre augmentation importante des gamme-GT et faible ou nulle des Palc ;

– la régression de ces anomalies avec le sevrage ;

– un bloc bêta-gamma sur l’électrophorèse des protéines avec élévation des immunoglobulines A ;

– un tableau histologique d’hépatite alcoolique ;

– l’absence d’autre étiologie.

2- Hépatites virales :

Les principaux arguments en faveur de l’étiologie posthépatitique d’une cirrhose sont :

– la positivité des marqueurs viraux.

Pour l’hépatite B, l’activité de l’hépatite peut diminuer, voire s’éteindre, même lorsque la cirrhose est installée.

De ce fait, la présence isolée de l’anticorps HBc, qui témoigne d’un contact ancien avec le virus, suffit à faire évoquer la possible implication de l’hépatite B dans l’étiologie de la maladie.

Cependant, la présomption est plus forte lorsque l’antigène HBs est présent, a fortiori lorsque l’hépatite est réplicative, avec virémie positive détectée par mise en évidence de l’acide désoxyribonucléique (ADN) du virus de l’hépatite B (VHB) circulant.

Une surinfection par le virus de l’hépatite D (VHD) est recherchée par la mise en évidence de l’antigène delta, des anticorps antidelta, ou de l’acide ribonucléique (ARN) viral circulant par polymerase chain reaction (PCR).

La responsabilité du virus de l’hépatite C (VHC) est évoquée devant la positivité de la sérologie, et surtout de la virémie VHC ;

– l’absence d’autre étiologie ;

– une cytolyse marquée prédominante en ALAT ;

– une histologie hépatique montrant un aspect d’hépatite chronique active associée à la cirrhose, sans argument pour une autre étiologie, avec mise en évidence d’antigènes viraux par immunohistochimie.

Hépatites auto-immunes

Elles sont une cause non exceptionnelle de pathologies hépatiques graves et rapidement évolutives.

L’efficacité du traitement impose de savoir y penser.

Les principaux arguments en faveur de l’étiologie auto-immune d’une cirrhose sont :

– la survenue chez une femme ;

– l’activité biologique importante, avec ALAT souvent très élevées et élévation importante et polyclonale des immunoglobulines G ;

– l’association à d’autres maladies auto-immunes ;

– la présence d’une hépatite chronique très active sur l’histologie hépatique ;

– la présence d’autoanticorps à un titre significatif, très évocateurs quand il s’agit d’anticorps antimuscle lisse de type actine, plus difficiles à interpréter quand il s’agit d’anticorps antinucléaires, moins spécifiques ;

– l’absence d’autre étiologie ;

– une réponse claire et prolongée au traitement immunosuppresseur.

3- Pathologies biliaires :

* Cirrhose biliaire secondaire :

Les cirrhoses biliaires secondaires sont consécutives à un obstacle prolongé sur la voie biliaire principale et sont devenues exceptionnelles.

* Cirrhose biliaire primitive (CBP) :

Pendant une longue partie de son évolution, la CBP n’est pas une cirrhose et celle-ci ne se développe que de façon inconstante.

La cirrhose, qui peut être révélatrice, apparaît souvent après 60 ans.

Les principaux arguments en faveur de la CBP sont :

– l’existence d’un prurit marqué ;

– l’importance de la cholestase enzymatique, avec augmentation marquée des Palc ;

– l’absence d’argument pour une cholestase extrahépatique ou une cholangite sclérosante primitive sur les données d’imagerie ;

– l’élévation des immunoglobulines M ;

– la présence à un taux significatif d’anticorps antimitochondries de type M2 ;

– l’absence d’autre étiologie ; – la mise en évidence sur la biopsie hépatique de lésions typiques (granulomes inflammatoires entourant les canaux biliaires lésés), ou évocatrices (disparition des canaux biliaires et infiltrat inflammatoire portal).

4- Hémochromatose et surcharges en fer secondaires :

La cirrhose est une complication tardive de l’hémochromatose génétique, mais aussi des surcharges en fer secondaires (transfusions multiples, thalassémies).

Cependant, une surcharge en fer, parfois importante, peut apparaître au cours de l’évolution d’une cirrhose, en particulier au stade terminal, quelle que soit son étiologie.

Les principaux arguments en faveur de l’hémochromatose devant une cirrhose sont :

– l’augmentation du coefficient de la transferrine (supérieure à 60 %) après 1 semaine d’abstention de boissons alcoolisées ;

– la présence de la mutation C282Y du gène HFE à l’état homozygote ;

– une surcharge ferrique massive, diffuse, hépatocytaire mais aussi dans les canaux biliaires et les artères portales.

5- Maladie de Wilson :

Il s’agit d’une affection très rare, mais curable, qui doit donc être systématiquement évoquée devant toute hépatopathie du sujet jeune.

Les principaux arguments en sa faveur sont :

– l’âge jeune du patient ;

– la présence de manifestations extrahépatiques de la maladie : atteinte neurologique, anémie hémolytique ;

– l’absence d’autre étiologie ;

– la présence d’un anneau de Kayser-Fleisher ;

– la diminution franche de la céruloplasmine, la baisse de la cuprémie et l’augmentation de la cuprurie ;

– l’augmentation franche du cuivre hépatique dosé sur la biopsie hépatique.

6- Médicaments :

Certains médicaments peuvent entraîner une nécrose hépatique prolongée et la constitution d’une cirrhose.

L’origine médicamenteuse de la cirrhose est reconnue sur la notion de prise prolongée d’un possible médicament responsable et l’amélioration du tableau à l’arrêt du médicament en l’absence d’autre étiologie.

7- Hépatite stéatosique non alcoolique :

Cette entité est définie par des lésions histologiques ressemblant à celles observées dans une hépatite alcoolique, mais survenant chez des patients dont la consommation d’alcool n’est pas à risque.

Elle est associée à la prise de certains médicaments (amiodarone), à la chirurgie de l’obésité, à la nutrition parentérale prolongée et surtout à un terrain dysmétabolique caractérisé par l’obésité, le diabète non insulinodépendant et l’hypertryglicéridémie, en particulier chez la femme.

La cirrhose complique l’évolution chez 10 à 15 % des patients. Les principaux arguments en faveur d’une hépatite stéatosique non alcoolique sont :

– l’absence d’autre étiologie, en particulier d’une consommation à risque d’alcool ;

– l’histologie évocatrice ;

– le terrain évocateur.

8- Cirrhose cryptogénique :

Il existe d’autres causes exceptionnelles de cirrhose. Cependant, dans un petit nombre de cas, aucune étiologie n’est retrouvée malgré un bilan exhaustif.

B - BILAN PRATIQUE :

Il ne faut pas faire un bilan exhaustif, coûteux et inutile devant toute cirrhose alcoolique, mais réserver ce bilan aux présentations atypiques ou lorsque l’étiologie n’est pas claire, tout en se méfiant de la possible intrication de plusieurs causes possibles.

Prise en charge thérapeutique :

A - ÉTIOLOGIQUE :

Le traitement à visée étiologique est fondamental, car lui seul est susceptible d’infléchir l’histoire naturelle de la maladie.

Ainsi, la prise en charge alcoologique des buveurs excessifs dépendants permet d’obtenir une abstinence durable, dans 40 à 50 % des cas, à 4 ans avec, dans notre expérience, des récupérations parfois spectaculaires et stables.

Un médicament responsable doit être reconnu et définitivement arrêté.

Le traitement immunosuppresseur d’une hépatite auto-immune doit absolument être tenté, car il peut permettre de revenir d’une cirrhose décompensée grave à une forme compensée quiescente de la maladie.

Dans l’hépatite B, le traitement par interféron doit être tenté, à dose diminuée et sous surveillance accrue du fait du risque de décompensation, surtout si la cirrhose est sévère ; la lamivudine est très efficace sur la réplication virale et bien tolérée même en cas de cirrhose, mais il reste à prouver qu’elle puisse réverser une décompensation.

Dans l’hépatite C, il est licite d’essayer l’association ribavirine/interféron en surveillant particulièrement la tolérance, même si les résultats sont souvent décevants.

L’acide ursodésoxycholique est également prescrit dans les CBP au stade de cirrhose compensée, en espérant retarder l’évolution vers la transplantation hépatique ou le décès.

Les soustractions sanguines répétées doivent être réalisées dans l’hémochromatose au stade de cirrhose compensée, mais sont contre-indiquées en cas d’ascite.

La D-pénicillamine doit être utilisée dans le traitement de la maladie de Wilson au stade de cirrhose.

Cependant, le traitement étiologique permet au mieux de maintenir ou de faire revenir le patient au stade de cirrhose compensée et le risque de CHC persiste.

De plus, il ne doit pas trop retarder l’indication de transplantation hépatique, si celle-ci s’avère nécessaire.

B - TRAITEMENT DE LA FIBROSE :

Aucun traitement spécifique de la fibrose n’a fait la preuve de son efficacité, ni dans la prévention, ni dans la réversion de celle-ci.

C - UTILISATION DES MÉDICAMENTS AU COURS DE LA CIRRHOSE :

Le foie joue un rôle clé dans le métabolisme des médicaments et les cirrhotiques sont particulièrement sensibles à certains médicaments.

Ceux-ci, comme l’aspirine et les anti-inflammatoires non stéroïdiens, les aminosides et les dérivés ergotiques sont contre-indiqués du fait d’un risque accru d’effets secondaires. Les sédatifs ne doivent être utilisés qu’avec une extrême prudence, en préférant les benzodiazépines.

Les diurétiques doivent être utilisés avec beaucoup plus de prudence que dans les autres causes de rétention hydrosodée.

D’autres médicaments doivent voir leur posologie adaptée du fait d’un risque d’accumulation et de surdosage.

D - VACCINATIONS :

Les patients porteurs d’une cirrhose sont probablement plus à risque de faire une hépatite aiguë grave ou fulminante.

Il semble licite de leur proposer une vaccination contre l’hépatite A et l’hépatite B.

Ces vaccins sont bien tolérés, mais l’efficacité du vaccin contre l’hépatite B est réduite en cas de cirrhose, en particulier décompensée.

E - TRAITEMENT DES COMPLICATIONS :

L’encéphalopathie hépatique est une complication rarement isolée au cours de la cirrhose : elle survient en général associée à une décompensation oedématoascitique, déclenchée par le traitement diurétique, une hémorragie digestive ou une infection bactérienne.

Elle peut cependant apparaître relativement isolée dans deux situations : la prise de médicaments sédatifs ou bien l’existence de shunts portocaves à gros débit, soit spontanés, soit thérapeutiques.

Cliniquement, elle se manifeste par un large éventail de tableaux neuropsychiatriques, allant de signes mineurs d’altération de la fonction cérébrale, détectés uniquement par des tests psychométriques (encéphalopathie infra-clinique) jusqu’à un coma profond. L’examen neurologique soigneux est nécessaire pour exclure d’autres causes de perturbations neurologiques.

Les signes cliniques en faveur d’une encéphalopathie hépatique sont l’astérixis ou flapping tremor (qui disparaît en cas de coma), le foetor hepaticus, une rigidité extrapyramidale en « roue dentée ».

Il existe plusieurs systèmes de cotation de l’encéphalopathie hépatique.

Les tests psychométriques, en particulier le test de cotation des nombres, peuvent être utilisés pour suivre l’évolution.

L’électroencéphalogramme, d’intérêt limité, montre des anomalies non spécifiques : diminution synchrone bilatérale de la fréquence des ondes avec augmentation de leur amplitude, disparition du rythme alpha normal, présence d’ondes triphasiques.

Le bilan biologique et la tomodensitométrie cérébrale sont très utiles pour éliminer d’autres causes de perturbations neuropsychiques.

Devant un épisode d’encéphalopathie, il est essentiel de rechercher une cause déclenchante curable, hémorragie, infection, déshydratation, troubles hydroélectrolytiques ou médicaments.

Le traitement curatif repose sur celui de la cause déclenchante, en particulier l’injection intraveineuse d’un antagoniste des benzodiazépines (flumazénil) peut à la fois être un geste diagnostique et curatif.

Le traitement spécifique repose sur les antibiotiques non absorbables (néomycine) et surtout sur les disaccharides non digestibles (lactulose, lactitol), administrés en lavement au cours d’une hémorragie digestive ou par voie orale.

La posologie utile est celle qui permet d’obtenir deux à trois selles molles par jour.

Les effets secondaires sont le météorisme et, en cas de surdosage, une diarrhée sévère avec risque de déshydratation.

Le traitement préventif repose sur celui des complications et sur le régime limité en protides (70 g/j), surtout après anastomose portocave.

F - TRANSPLANTATION HÉPATIQUE :

La transplantation hépatique a transformé la prise en charge des cirrhoses, qui représentent plus de 80 % des indications.

Elle est indiquée devant une cirrhose décompensée dont le pronostic vital est mis en jeu dans l’année qui suit, ou devant la survenue d’un CHC découvert à un stade précoce.

C’est dire l’importance de définir des stades pronostiques permettant de guider l’indication de transplantation, celle-ci étant grevée d’une mortalité périopératoire non négligeable et d’une morbidité certaine.

G - SURVEILLANCE :

Il convient d’opposer la surveillance de la cirrhose compensée, dont le but est d’éviter la survenue de complications et de dépister, à un stade précoce, l’apparition d’un CHC, à celle de la cirrhose décompensée, dont le traitement est bien souvent purement palliatif, en dehors de la transplantation hépatique ou du sevrage alcoolique.

1- Cirrhose compensée :

Il est important d’obtenir une bonne compliance des patients aux schémas proposés, ce qui est souvent difficile, surtout chez les patients dépendants à l’alcool.

C’est dire l’importance d’un suivi mixte, hépatologique et alcoologique, tous les 3 à 6 mois.

À chaque consultation, sont rappelés les conseils de vigilance vis-à-vis des médicaments.

Les examens biologiques permettent de suivre le score de Child-Pugh, ainsi que l’activité de l’hépatopathie (ASAT, ALAT, gamme-GT).

* Dépistage des varices à risque hémorragique :

Il est important de dépister les varices à risque hémorragique, car il est bien démontré que le traitement par bêtabloquant est efficace pour en prévenir la rupture.

Il repose sur l’endoscopie haute, permettant la visualisation des varices, la cotation de leur taille (en trois stades) et la description de l’aspect de la muqueuse susjacente.

L’endoscopie doit être répétée tous les 2 à 3 ans en cas d’absence de varices lors de l’examen initial et tous les ans en cas de présence de varices de petite taille lors du dernier examen.

Le traitement préventif primaire est indiqué en cas de grosses varices, surtout si elles présentent des signes de la lignée rouge.

* Dépistage du carcinome hépatocellulaire :

+ Justification du dépistage :

Le dépistage du CHC est recommandé par la plupart des hépatologues, malgré l’absence d’essais randomisés prouvant son efficacité et d’études coût/efficacité.

L’Organisation mondiale de la santé a défini des critères permettant d’identifier les maladies nécessitant la mise en route d’un dépistage et le CHC remplit certains de ces critères :

– la maladie doit être fréquente et avoir un impact significatif en termes de morbidité ou de mortalité. Or, le CHC est le quatrième cancer en fréquence dans le monde ; en France, on estime que l’incidence annuelle pourrait croître avec l’impact grandissant des cirrhoses virales C ;

– la population à surveiller doit être facilement identifiable ; le facteur de risque majeur du CHC est l’existence d’une cirrhose, d’autant qu’elle est d’origine virale ;

– les tests de dépistage doivent être acceptables en termes de morbidité et avoir une bonne sensibilité et spécificité ; le dépistage repose actuellement sur l’échographie abdominale, associée ou non au dosage de l’AFP ; dans cette indication, la sensibilité de l’échographie serait de 78 % et la spécificité de 93 % ;

– les tests de confirmation doivent être consensuels ; la conduite à tenir devant l’apparition d’un nodule suspect chez un cirrhotique est assez bien établie, moins devant une élévation isolée de l’AFP ou un foie diffusément hétérogène.

En revanche, force est de constater que le CHC ne remplit pas certains critères cependant essentiels :

– la maladie doit avoir un traitement efficace ; ceci est loin d’être certain et la multiplicité des propositions thérapeutiques illustre bien leur manque global d’efficacité ; cependant, on peut retenir des dernières études que les traitements proposés sont peutêtre efficaces chez les patients ayant des petites tumeurs, autrement dit celles découvertes par dépistage ;

– le dépistage devrait réduire la mortalité de la maladie ; ceci reste à démontrer pour le CHC, aucune étude contrôlée n’ayant comparé le devenir de patients soumis à un dépistage par rapport à des patients non dépistés ; enfin, une seule étude, utilisant un modèle statistique, s’est intéressée au coût par année de vie sauvée d’un tel dépistage et a montré un intérêt potentiel chez des patients très sélectionnés.

En conclusion, le dépistage du CHC chez les patients cirrhotiques est une pratique acceptée par les hépatologues du monde entier, malgré les incertitudes qui persistent quant à son efficacité.

Il faut certainement, dans la pratique quotidienne, améliorer le rapport coût/efficacité potentiel par une sélection rigoureuse des candidats et une réalisation optimale du dépistage, ainsi que par la participation à des essais thérapeutiques randomisés.

+ Pratique :

Seuls les patients susceptibles d’être traités doivent être dépistés.

Ceci élimine les patients présentant un pronostic spontané inférieur à quelques années ou une décompensation hépatique (à moins qu’une transplantation hépatique ne soit envisageable).

Le dépistage ne doit pas être débuté trop tôt, pour éviter des examens inutiles, ni trop tard.

En pratique, il pourrait être débuté après la cinquantaine pour les cirrhoses alcooliques et hémochromatosiques, et 10 à 15 ans après la contamination supposée pour les cirrhoses virales.

Enfin, la compliance au suivi est primordiale. Le dépistage repose sur la pratique, tous les 6 mois, d’une échographie par un opérateur entraîné à ce type d’examen.

L’AFP peut être déterminée au même rythme, mais certains se contentent d’un dosage initial et le répètent uniquement en cas de syndrome de masse échographique.

2- Cirrhose décompensée :

Lorsque la cirrhose est décompensée, il importe de rechercher et de traiter, si possible, la cause de la décompensation.

Bien souvent, cela n’est possible que dans les hépatopathies alcooliques, le sevrage permettant parfois une amélioration spectaculaire, justifiant que soit préconisée une période de sevrage complet de 6 mois avant la décision de transplantation.

Sinon, l’étape ultérieure est de discuter sans tarder de l’indication de transplantation.

Si celle-ci est récusée, le traitement peut être considéré comme purement palliatif, la durée de vie n’étant souvent que de quelques mois ou années.

Il doit donc respecter, autant que faire se peut, la qualité de vie du patient et éviter tout accident iatrogène.

À ce stade, le dépistage du CHC doit être abandonné.

La prudence est de rigueur vis-à-vis de tout traitement médicamenteux.

Un traitement antibiotique est proposé pour prévenir la survenue des péritonites spontanées.

Au stade d’ascite réfractaire, des ponctions itératives sont réalisées (en hôpital de jour).

Le patient reçoit des conseils de régime hyposodé et de restriction hydrique, (mais la tolérance en est médiocre et il ne faut probablement pas insister, car de toute façon l’efficacité en est tout à fait limitée).

La douleur doit être soulagée, particulièrement chez les patients en phase terminale d’un CHC ou d’un syndrome hépatorénal.

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