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Ophtalmologie
Strabismes précoces
Cours d'Ophtalmologie
 
 
 

Introduction. Définitions :

Le strabisme précoce ou plutôt le « syndrome de strabisme précoce » est l’ensemble des signes oculomoteurs et oculosensoriels survenant progressivement quand une déviation permanente des axes visuels est présente avant l’apparition des liens binoculaires, en pratique avant l’âge de 6 mois de vie.

Comme tout syndrome, il comporte un ensemble de signes dont certains sont majeurs, quasi pathognomoniques, et d’autres plus inconstants et de valeur diagnostique moindre.

Le tableau évolue avec le temps et tous les signes ne sont pas présents au même moment.

Certains apparaissent avec la croissance, d’autres disparaissent ou s’amenuisent.

Le strabisme, ou au moins sa part horizontale, n’est qu’une facette du syndrome ; on l’observe en grande majorité en convergence (ésotropie), mais parfois aussi en divergence (exotropie), voire en quasi-orthotropie (microtropie).

Ce sont surtout les signes associés qui permettent de caractériser le syndrome.

Le terme de « strabisme précoce » (« infantile strabismus ») est préférable à celui de strabisme congénital, car même si la cause peut être prénatale, le strabisme n’est que rarement permanent avant quelques mois de vie.

En revanche, le dérèglement oculomoteur et sensoriel retrouve son origine durant les 6 premiers mois de vie, phase de maturation fondamentale du système optomoteur, et laisse des séquelles durant toute la vie, quelle que soit la qualité du traitement médicochirurgical.

Le terme « essentiel » (« strabisme essentiel à début précoce » de Hugonnier) est parfois rajouté pour signifier l’absence de cause connue, notamment paralytique, musculaire ou accommodative.

Le syndrome est assez fréquent et nous l’avions retrouvé dans 34 % de 622 cas consécutifs de désordres oculomoteurs, nous rapprochant des données de la littérature.

La fréquence globale est appréciée entre 0,1 et 0,5 % de la population générale.

Historique :

Le concept de strabisme précoce est assez récent.

On a regroupé sous un même cadre pathologique des signes connus depuis longtemps, isolant ainsi une entité strabologique particulière.

Worth (1905) et Chavaase (1934) isolent des strabismes dont la cause remonte à la petite enfance, avec absence de fusion, le plus souvent définitive.

Costenbader, à partir de 1950, regroupe sous le terme d’ésotropie avec blocage en convergence, l’association d’un strabisme d’apparition précoce, avec un grand angle de déviation, peu modifié par la correction optique.

L’amétropie associée est souvent faible. Ciancia en 1962 et Cuppers en 1964 précisent l’association de ce syndrome à un nystagmus augmentant en abduction et diminuant en adduction, avec limitation bilatérale de l’abduction, fixation croisée et une composante accommodative faible.

On appelle alors le syndrome « syndrome de Ciancia » en Amérique et « nystagmus bloqué de Cuppers » en Europe.

Lang, en 1967, a rattaché au syndrome la présence d’une hyperphorie alternante, de l’excyclodéviation de l’oeil non fixateur et a fait la description globale du syndrome d’ésotropie précoce telle qu’elle est retenue actuellement.

C’est par la suite que des explications pathogéniques ont été avancées à la lumière de découvertes neurophysiologiques récentes concernant le développement de la vision binoculaire et de l’oculomotricité.

Si on reste incertain quant au mécanisme causal, on comprend mieux les relations unissant des signes sensorimoteurs très variés dans le même syndrome.

Développement normal et anormal de la vision binoculaire :

Les 6 premiers mois de vie sont considérés comme fondamentaux dans le développement de la vision binoculaire et de l’équilibre oculomoteur.

Hubel et Wiesel démontrèrent que 80 % des neurones du cortex visuel étaient binoculaires.

Ce sont les supports cellulaires des champs récepteurs et de la notion de points rétiniens correspondants.

Les études ultérieures montrèrent que la vision dite « binoculaire » était acquise chez l’homme durant les 6 premiers mois de vie, au terme d’un développement sensoriel et moteur complexe.

La présence d’un strabisme précoce est la preuve clinique d’une anomalie de ce développement.

Toutefois, il est probable que plusieurs formes et plusieurs degrés d’atteinte et d’irréversibilité soient possibles selon la cause et le moment de l’atteinte.

À la naissance, les yeux sont le plus souvent en exotropie et la coopération binoculaire est quasi absente.

La rétine de chaque oeil est sensible de manière fruste à la perception des mouvements d’objets sur sa partie nasale, par les voies magnocellulaires, et capable d’induire des mouvements oculaires de poursuite temporonasale.

La stimulation de la rétine temporale est moins efficace, et il existe une quasi-impossibilité de déclencher une poursuite oculaire nasotemporale.

Ceci est bien représenté par l’étude du nystagmus optocinétique (NOC) et plus récemment des potentiels évoqués visuels (PEV) dynamiques et de leur asymétrie avant l’âge de 6 mois.

Nous avions pu aussi confirmer cette prédominance initiale des voies visuelles croisées à cet âge et sa persistance en cas de strabisme précoce sur des enregistrements d’électroencéphalogrammes numérisés avec étude de la réactivité électrique du cortex visuel.

Le développement lié à l’expérience visuelle et la coopération bioculaire permettent une symétrisation progressive du système optomoteur.

Il est lié à la maturation de la macula, permettant une résolution monoculaire suffisante, à l’apparition de connexions synaptiques tout le long des voies visuelles jusqu’au cortex visuel primaire (V1).

L’apparition de la vision binoculaire est liée au développement de synapses horizontales entre les colonnes de dominance oculaire des deux yeux dans la couche V1.

La légère disparité des messages de chaque oeil est encodée pour aboutir à la perception stéréoscopique, d’autant plus fine que venant de champs récepteurs correspondants maculaires, voire fovéolaires. Dans le même temps, l’oculomotricité se développe.

On note une symétrisation de tous les réflexes visuomoteurs : la poursuite oculaire devient symétrique et harmonieuse ainsi que le NOC.

Ces fonctions sont centralisées par les voies visuelles extrastriées ou magnocellulaires.

L’exodéviation initiale diminue en même temps qu’apparaissent les vergences.

La fixation se stabilise.

Les deux fovéas se correspondent au niveau cortical et une véritable force unit, verrouille l’image centrale binoculaire : c’est la fusion.

Cette fusion est dite motrice par les Anglo-Saxons, notamment Helveston, car sous dépendance des mouvements fusionnels.

La fusion sensorielle serait pour eux un phénomène passif survenant quand la fusion motrice a permis une superposition parfaite et stable des images bifovéolaires.

Elle a en fait probablement un support sensorimoteur : les mouvements fusionnels sont induits par la sensation de disparité des images transmises par les deux fovéas, et nous ne parlerons que de fusion sans précision sur l’origine motrice ou sensorielle.

Le centre neurologique de la fusion est intracérébral mais n’est pas actuellement isolé.

Il existe une période de latence pendant les premières semaines de vie durant laquelle des anomalies telles qu’une paralysie ou un defect sensoriel transitoires sont sans conséquences.

En revanche, un déficit plus profond touchant les centres neurologiques a des conséquences définitives sur ce développement.

Le syndrome de strabisme précoce est probablement lié au nondéveloppement des liens binoculaires dans ces premiers mois de vie pour des raisons variables.

A Spielmann pense que le système visuel reste alors archaïque, bioculaire, les deux yeux évoluant de manière autonome.

Les signes oculomoteurs et sensoriels alternent selon l’oeil fixateur et témoignent tous d’un arrêt du développement de l’oculomotricité binoculaire.

Le système fonctionne sur un mode monoculaire, qu’elle rapproche du syndrome du monophtalme congénital.

Même si une certaine stéréoscopie, voire une limitation des perversions oculomotrices peuvent être obtenues dans des cas d’excellents résultats chirurgicaux réalisés précocement, une vision binoculaire réelle, avec amplitude de fusion correcte, vision stéréoscopique au-delà de 120 secondes, et surtout correspondance rétinienne normale, n’est jamais récupérée.

Syndrome de strabisme précoce :

Il associe, de manière plus ou moins complète et évoluant avec le temps, certaines caractéristiques.

A - ANTÉCÉDENTS :

Le plus souvent, l’enfant présentant un strabisme précoce est sain, neurologiquement normal, sans problèmes associés et sans antécédents.

Toutefois, un certain nombre de situations prédisposent à développer le syndrome.

La présence dans la famille directe de syndromes de strabisme précoce, voire d’anomalies plus frustes du développement de la vision binoculaire (syndrome de déficience fusionnelle de Parks avec neutralisation maculaire monolatérale) favoriserait l’apparition, mais les études à ce sujet manquent d’homogénéité quant à la définition des types de strabismes et notamment en incluant parfois les strabismes d’apparition secondaire.

Les lésions neurologiques pré- ou néonatales, par souffrance neurologique, hydrocéphalie, embryofoetopathies… sont associées à une haute fréquence de strabismes précoces (20 à 40 % selon les auteurs), en raison de la perturbation évidente du développement de la vision binoculaire.

C’est dans cette population que l’on retrouve le plus d’exotropies précoces, à tel point qu’un bilan neurologique doit être systématique devant la découverte d’une exotropie permanente avant l’âge de 6 mois.

La prématurité, pour les mêmes raisons, d’autant plus qu’associée à des hémorragies intraventriculaires, est liée à une haute fréquence de strabismes précoces.

Des amétropies importantes peuvent être responsables du syndrome, par leur facteur accommodatif ou par un facteur de déprivation si elles sont majeures.

Une interruption prolongée et précoce des connexions binoculaires, telle une amblyopie organique unilatérale congénitale, peut être responsable d’un strabisme précoce non alternant ou syndrome du monophtalme congénital, et nous avions montré que la récupération de l’amblyopie le transforme en un syndrome de strabisme précoce alternant classique.

B - ÂGE DE DÉBUT DES SIGNES :

Il est recherché à l’interrogatoire car l’enfant est rarement vu à cet âge par l’ophtalmologiste.

La déviation est notée par les parents ou les médecins traitants avant l’âge de 6 mois.

Toutefois, elle peut n’être constatée que plus tard, et confondue à tort avec un strabisme à potentiel binoculaire normal.

La recherche des signes associés pathognomoniques est alors fondamentale, notamment la présence d’un nystagmus manifeste latent ou d’une asymétrie du NOC.

C - AMÉTROPIE ASSOCIÉE :

Elle est le plus souvent modérée : 40 % d’hypermétropes légers (< 2 dioptries), 40 % d’hypermétropes moyens (2 à 5 dioptries), 10 % de myopes, 10 % d’hypermétropes forts pour Costenbader (in Von Noorden), statistiques confirmées ailleurs.

Il est, en revanche, nécessaire de répéter les évaluations sous cycloplégiques dans les premières années, un facteur accommodatif pouvant se démasquer secondairement.

D - ANOMALIES SENSORIELLES :

Les anomalies sensorielles binoculaires sont constantes et définitives pour la plupart.

Si le traitement précoce minimise les conséquences optomotrices et permet d’obtenir une meilleure qualité de vision binoculaire, il n’obtient jamais de vision binoculaire vraie avec amplitude de fusion normalisée et stéréoscopie de haut grade.

Les tentatives de normalisation de la vision binoculaire après prismation et traitement déneutralisants n’ont jamais atteint un tel but.

La neutralisation est le mécanisme puissant de lutte contre la diplopie dans les grands angles de strabisme.

Il s’agit le plus souvent d’une neutralisation alternante selon l’oeil fixateur.

Cette neutralisation s’adapte assez facilement aux changements angulaires, notamment après chirurgie, chez l’enfant.

Toutefois, le scotome devient plus étroit et moins plastique avec l’âge, ce qui souligne la nécessité de le tester en réalisant un test d’adaptation prismatique quand une intervention est envisagée à l’âge adulte.

La correspondance rétinienne anormale est constante, définitive mais finalement utile si l’angle est faible.

Elle permet alors d’obtenir une pseudovision binoculaire ou union binoculaire (anomalous binocular vision), avec stéréoscopie de faible grade (toujours inférieure à 240 secondes d’arc) et même quelques mouvements fusionnels (anomalous fusional movement).

Quéré a montré que cet état, qui n’est pas éducable ni rééducable, ne dépend que de l’angle strabique résiduel qui doit être inférieur à 8 dioptries horizontales et 4 dioptries verticales.

Il ne garantit pas, selon lui, la stabilité motrice ultérieure.

La fréquence de l’amblyopie est diversement appréciée.

Von Noorden fait état de 35 % d’amblyopies sur 408 cas d’ésotropies précoces.

En revanche, fait étonnant, Calcutt n’en retrouve que 9 % chez 145 adultes ayant une ésotropie précoce prouvée jamais traitée.

Quoi qu’il en soit, elle doit être le souci constant de la surveillance de ces strabismes précoces, sa prévention étant réalisée par le maintien d’une alternance de fixation, autant avant qu’après intervention.

E - ANOMALIES OCULOMOTRICES :

Nous pourrions les décrire classiquement en signes horizontaux et signes verticaux.

Nous inclinons plutôt à regrouper les signes selon une logique physiopathologique.

Nous avons vu que les signes apparaissant sur l’oeil fixateur sont liés à l’absence de maturation et de symétrisation du système optomoteur ; ils sont spécifiques du syndrome de strabisme précoce, ce sont des anomalies de la fixation.

Les signes observés sur l’oeil non fixateur sont parfois mal expliqués.

On y inclut les déviations des axes visuels (c’est-à-dire le strabisme proprement dit) avec des composantes horizontales, verticales ou torsionnelles.

Les déviations dissociées sont des anomalies de l’oeil non fixateur retrouvées le plus souvent dans ce syndrome, mais pas totalement pathognomoniques.

1- Signes apparaissant sur l’oeil fixateur :

* Signes témoignant de l’attraction vers l’adduction :

+ Fixation en adduction :

Il s’agit d’un signe plus ou moins fréquent et intense. Il est responsable d’une attitude de fixation en torticolis, retrouvée dans 20 à 80 % des cas selon les auteurs.

Le torticolis change de direction selon l’oeil fixateur ; on l’appelle « torticolis alternant dissocié ».

Lors de l’occlusion monolatérale, le sujet tourne alternativement la tête du côté de l’oeil fixateur, prenant ainsi une attitude de fixation en adduction.

Il s’agit aussi d’une situation où le nystagmus diminue en intensité.

Dans de rares cas, un torticolis alternant dissocié d’abduction de l’oeil fixateur est observé (8 % des cas), plutôt dans les exotropies précoces, probablement lié à une situation de repos musculaire.

En fixation bioculaire, c’est le torticolis de l’oeil fixateur qui est présent.

C’est celui qu’il convient de neutraliser (en tout cas ne pas aggraver) lors du traitement médical ou chirurgical.

Ceci explique la nécessité d’opérer souvent de manière bilatérale, oeil dominant et oeil dominé.

+ Nystagmus congénital manifeste latent (NCML) :

Il s’agit d’une forme particulière de nystagmus, spécifique du syndrome de strabisme précoce.

Il s’agit d’un nystagmus congénital et afin d’éviter la confusion avec les autres formes de nystagmus, on devrait le nommer NCML.

Malauzat et Quéré l’incluent dans le groupe des tropies nystagmiques (association d’un strabisme et d’un nystagmus) dont il représente la majeure partie des cas (82 % des tropies nystagmiques, 53 % des nystagmus congénitaux).

La physiopathologie des NCML est totalement différente de celle des nystagmus congénitaux patents (NCP).

En effet, dans les NCML, le nystagmus est le témoin de l’immaturité du développement de la binocularité sensorielle et motrice et toujours intégré dans le cadre d’un syndrome de strabisme précoce.

À l’inverse, le NCP est le témoin d’une immaturité du réflexe de fixation et souvent observé sans aucun strabisme ni trouble de la vision binoculaire associé.

Il s’agit de deux pathologies différentes, pouvant d’ailleurs coexister sous la forme d’un nystagmus congénital mixte.

Le NCML est une pathologie de l’oeil fixateur, rendue plus évidente lorsqu’on le prive du soutien pourtant imparfait de l’autre oeil.

Il témoigne de l’attraction vers l’adduction avec nystagmus battant vers la tempe.

Le NCML s’observe et s’analyse assez facilement à l’examen clinique, éventuellement aidé par l’observation au biomicroscope, mais il est au mieux décrit en électro-oculo-motilographie (EOMG).

C’est un nystagmus à ressort, le plus souvent horizontal, mais parfois avec une composante torsionnelle ou verticale, apparaissant ou augmentant lors de l’occlusion monolatérale (composante latente).

Les deux yeux ouverts, on observe souvent un nystagmus moins important (composante manifeste).

Caractéristique spécifique, sa direction s’inverse selon l’oeil fixant : il bat du côté de l’oeil découvert, vers la droite en fixation monoculaire droite, et réciproquement.

Son intensité diminue en adduction et augmente en abduction, ce qui explique ou au moins s’associe au torticolis de fixation en adduction et à la préférence de fixation en adduction.

D’ailleurs, la position de fixation en adduction est celle de meilleure acuité visuelle et donc de meilleur confort visuel.

Le NCML est retrouvé à une fréquence variable selon les auteurs dans les strabismes précoces, de 40 à 90 % des cas.

Quand le nystagmus domine le tableau, avec strabisme typique, on parle de strabisme précoce avec nystagmus en abduction, forme décrite par Ciancia.

Quand le nystagmus domine le tableau mais que le strabisme est moins typique, on considère, jusqu’à preuve du contraire, qu’il peut s’agir d’une forme mixte de nystagmus et un bilan étiologique de NCP doit être réalisé, notamment oculaire, neurologique, voire neuroradiologique.

+ Asymétrie du nystagmus optocinétique :

L’aspect du NOC est caractéristique des strabismes précoces.

On observe, en fixation monoculaire, un aspect d’inexcitabilité optocinétique dans le sens nasotemporal alors que celui-ci est présent quand le tambour tourne dans le sens temporonasal.

Le phénomène s’inverse selon l’oeil fixateur.

En réalité, on observe plus souvent une asymétrie d’amplitude du NOC qu’une abolition complète, et il est donc préférable de parler d’hypoexcitabilité optocinétique nasotemporale.

Cet aspect persiste toute la vie et permet de dater l’âge d’apparition du strabisme chez un adulte.

* Fixation en incyclotorsion :

Ce signe est moins prononcé que la fixation en adduction.

La fixation se fait tête penchée sur l’épaule de l’oeil fixateur, afin de compenser une incyclotorsion de fixation. Lang l’explique en soulignant que dans les strabismes précoces, la perte de fixation est accompagnée d’une élévation et d’une excyclorotation.

La reprise de la fixation est accompagnée d’un abaissement et d’une incyclorotation.

Ce phénomène peut expliquer en partie les déviations verticales dissociées (DVD).

2- Signes apparaissant sur l’oeil non fixateur :

* Déviation horizontale :

+ Le plus souvent en ésotropie :

La forme typique du strabisme précoce est accompagnée d’une déviation majeure apparaissant assez rapidement après la naissance, devenant le plus souvent permanente, en convergence d’au moins 30 dioptries, sans grande variation en cours d’examen et sans grande différence selon la distance de fixation.

Elle est accompagnée d’une fixation croisée, oeil droit fixant à gauche et oeil gauche fixant à droite, corollaire de la fixation en adduction.

Elle est souvent accompagnée d’un aspect de paralysie de l’abduction, qui est en fait une pseudoparalysie.

En effet, elle ne résiste pas, le plus souvent, à la manoeuvre des yeux de poupée ou à des stimulations temporales, et l’abduction est toujours excellente dans les suites opératoires immédiates ou après injection de toxine botulique.

La déviation peut se modifier avec le temps.

Quelques cas peuvent se détendre spontanément, voire même passer spontanément en exotropie en quelques années. Initialement, la déviation a une origine innervationnelle prédominante.

D’ailleurs, pour Péchereau, sous anesthésie profonde réalisée précocement, la plupart des enfants ont leurs yeux centrés et un test d’élongation musculaire (TEM) quasi normal sur les droits médiaux.

La permanence de la déviation entraîne progressivement une rétraction musculaire.

Les adultes opérés de strabisme précoce présentent souvent une déviation sous anesthésie et des TEM perturbés.

Ces constatations ont des conséquences importantes sur le traitement physique des strabismes.

+ Parfois en exotropie :

Ces cas sont rares et souvent associés à des problèmes neurologiques précoces.

On peut retrouver dans leur cadre toutes les caractéristiques des strabismes précoces, y compris le torticolis de fixation en adduction. Leur traitement, notamment chirurgical, doit en tenir compte.

Leur variabilité fréquente ne doit pas non plus les faire confondre avec une exophorie-tropie à sensorialité normale.

+ Parfois en microtropie :

Les microstrabismes ont toujours une binocularité anormale.

Toutefois, ils ont la meilleure binocularité des binocularités anormales, c’est-à-dire l’union binoculaire.

Leur physiopathologie n’est sans doute pas univoque, mais un certain nombre sont des strabismes précoces typiques, avec déviations horizontales minimes.

On les retrouve alors associés aux NCML, fixation en adduction.

Ces formes sont rares car ces perturbations motrices sont probablement tempérées par l’union binoculaire.

Il faut d’ailleurs se souvenir que la microtropie est justement le but idéal du traitement des strabismes précoces, car elle atténuerait les conséquences sensorimotrices du syndrome.

* Déviations dissociées :

Ce sont des déviations apparaissant ou se modifiant lorsque l’illumination rétinienne est réduite sur l’oeil concerné par un filtre ou un cache.

Parfois, elles peuvent se décompenser spontanément.

Elles sont d’origine centrale.

+ Déviation verticale dissociée :

Elle est la plus connue mais sa physiopathologie reste incertaine. Elle réalise une élévation lente et progressive de l’oeil occlus, accompagnée d’une excyclorotation.

Lors de la reprise de la fixation, l’oeil s’abaisse, voire dépasse la ligne horizontale, et réalise une incyclorotation.

Il ne s’agit pas d’une phorie puisqu’il n’y a pas de trouble vertical de la position de repos des yeux.

Il ne s’agit pas non plus d’une déviation concomitante puisque l’autre oeil ne s’abaisse pas lors de l’occlusion alternée ; au contraire, il réalise à son tour un mouvement de DVD.

La DVD est en général bilatérale et asymétrique, prédominant sur l’oeil non fixateur.

Il ne s’agit pas d’une simple hyperaction du droit supérieur puisqu’elle est associée à une excyclorotation.

Elle peut être difficile à mettre en évidence, notamment chez le toutpetit et quand la déviation horizontale est importante, où elle peut être confondue avec une hyperaction des muscles obliques.

On dit classiquement qu’elle apparaît progressivement entre 18 mois et 5 ans ; elle est sans doute présente plus tôt mais difficile à mettre en évidence.

Sa physiopathologie n’est pas élucidée.

Il est probable qu’il s’agisse en fait d’un trouble autonome de la maturation oculomotrice, même si elle est retrouvée essentiellement dans les strabismes précoces.

La DVD ne serait pas un signe spécifique, mais une association fréquente des strabismes précoces (Von Noorden, Lang). Guyton a étudié l’aspect oculomoteur de la DVD en enregistrant les mouvements oculaires à l’aide d’électrodes sclérales.

Il l’expliquerait par une hyperaction des muscles obliques de l’oeil fixateur, initialement supérieur (abaissement et incyclotorsion), puis inférieur (pour compenser l’abaissement de l’oeil fixateur), et ensuite oblique inférieur et droit supérieur de l’oeil non fixateur.

L’origine serait pour lui un mécanisme de compensation des composantes cycloverticales du NCML.

+ Autres déviations dissociées :

Il s’agit de la déviation horizontale dissociée, apparaissant lors de l’occlusion, toujours en ésodéviation.

Ce n’est pas une phorie puisqu’elle est sans rapport avec la position de repos.

Elle est souvent associée au NCML pour Spielmann, sans en être un mécanisme compensateur puisqu’elle apparaît en même temps que le NCML se décompense.

L’excyclorotation d’occlusion est aussi une déviation dissociée, torsionnelle, mais elle est directement associée, voire incluse dans le phénomène de DVD.

* Déviations verticales non dissociées :

Ce sont des déviations apparaissant hors occlusion, lors de l’étude de la motilité oculaire, parfois concomitantes.

Elles ne sont pas spécifiques des strabismes précoces.

+ Élévation en adduction :

Ce n’est pas toujours une hyperaction des muscles obliques inférieurs et il faut en connaître les différents mécanismes.

– Hyperaction des obliques inférieurs : c’est la cause la plus fréquente.

Von Noorden la retrouve dans 68 % des cas sur 400 ésotropies précoces.

Sa fréquence semble diminuer avec le temps, puisque Calcutt ne la retrouve plus que dans 5 % des cas d’évolution spontanée jusqu’à l’âge adulte.

– Droit interne hyperactif sur un globe en extorsion (car non fixateur) : ce mécanisme est sans doute fréquemment impliqué, au moins dans les élévations modérées en adduction dont beaucoup disparaissent après une intervention simple sur les droits médiaux.

– Anomalies de position des poulies ténoniennes : suspectées depuis longtemps mais bien analysées récemment par Demer, elles sont sans doute responsables de bon nombre de syndromes alphabétiques associés.

– DVD, avec élévation lors de l’occlusion « naturelle » de l’oeil non fixateur en convergence par l’arrête nasale.

Ces considérations doivent bien sûr rendre prudent sur les conséquences chirurgicales de la découverte d’une élévation en adduction.

+ Syndromes alphabétiques :

Ils sont souvent associés aux strabismes précoces, sans en être spécifiques.

Leur mécanisme n’est pas univoque.

Pour Gomez de Llano, 50 % des syndromes V sont associés à des hyperactions des muscles obliques inférieurs et 75 % des syndromes A à une hyperaction des obliques supérieurs.

On retrouve classiquement plus de syndrome en V chez l’enfant mais l’évolution spontanée semble montrer une diminution de leur fréquence et une prépondérance des syndromes en A chez l’adulte (55 % de syndrome A pour 15 % de syndrome V dans l’étude de Calcutt).

Ceci doit encore une fois rendre prudent quant au traitement systématique des obliques inférieurs dans la petite enfance.

Discussion de l’étiologie du syndrome :

La raison du développement d’un syndrome de strabisme précoce n’est pas connue actuellement.

Il est toutefois probable que tout réside dans une anomalie du développement du réflexe de fusion, par absence congénitale de ce réflexe ou par retard de maturation, ou encore par atteinte périnatale de la zone corticale impliquée.

L’absence de fusion laisse les vergences toniques et accommodatives totalement débridées, et après un bref passage en exoposition, en général une ésotropie majeure se met en place.

La genèse des signes oculomoteurs n’est pas plus résolue.

L’absence de fusion et de coopération binoculaire dans les premiers mois de vie laissant le système évoluer sur un mode archaïque, d’autant plus que l’événement initial est précoce, semble la raison la plus logique.

Elle explique la totalité des signes survenant sur l’oeil fixateur. Les signes de l’oeil non fixateur sont alors secondaires, voire autonomes.

Gracis a proposé récemment une hypothèse incluant un dysfonctionnement des noyaux du III qui explique la totalité des signes oculomoteurs et rejoint en partie les constatations de Guyton.

Ces théories pourraient aider à expliquer le développement des signes moteurs du syndrome.

Traitement :

Notre but n’est pas ici de reprendre la totalité du principe de traitement des strabismes mais d’en discuter les grandes lignes et leur actualité.

Des différences notables existent d’un pays ou d’un continent à l’autre, bien soulignées par l’étude de Bourron.

Il faut, en revanche, se rappeler que l’on ne guérit pas ce syndrome puisque l’on n’agit qu’en périphérie sur un dérèglement central dont les conséquences sensorimotrices sont définitives, quels que soient les efforts de traitement précoce ou ultraprécoce.

Le but idéal et actuel du traitement doit être d’obtenir une microtropie, avec isoacuité visuelle, facteur accommodatif traité, en débutant la prise en charge au plus tôt.

Les moyens et le moment varient considérablement d’un centre à l’autre.

Toutefois, une logique générale se dégage progressivement à la lumière de notre meilleure compréhension du syndrome.

A - ÉLÉMENTS DU TRAITEMENT SENSORIEL ET OPTIQUE :

1- Traitement du facteur accommodatif :

Ce facteur est classiquement peu important dans les ésotropies précoces, mais il ne faut pas le négliger, d’autant que l’amétropie peut évoluer dans les premières années de vie et être responsable d’une récidive ou d’un échec de traitement.

La répétition systématique des skiascopies sous cycloplégie et la correction systématique de toute amétropie dès la petite enfance sont les meilleurs moyens de traitement.

2- Vérifier l’alternance de fixation et l’absence d’amblyopie :

Les moyens d’obtention de l’alternance reconnus actuellement dans le syndrome de strabisme précoce sont d’abord et avant tout l’occlusion totale sur peau, alternée à un rythme adapté à l’alternance spontanée de fixation.

Utilisée précocement, elle minimiserait les conséquences optomotrices de la déviation.

Elle prépare donc à l’intervention précoce.

Si l’alternance doit être entretenue plus longtemps (ie si une chirurgie différée est choisie), l’utilisation des pénalisations optiques alternées est une bonne solution.

Les secteurs binasaux sont réputés exercer l’abduction, s’opposer aux spasmes des droits médiaux.

Ils sont peu recommandés dans ce syndrome car ils privent l’enfant de la fixation en adduction, zone de repos, de moindre nystagmus et probablement de meilleure vision monoculaire.

D’autre part, ils nécessitent une surveillance étroite par des soignants expérimentés pour ne pas passer à côté d’une fixation monolatérale et d’une amblyopie.

Les autres traitements sensoriels (déneutralisants ou basés sur un renforcement de l’amplitude de fusion) sont a priori proscrits, puisque la vision binoculaire ne peut être normalisée.

Ils risquent au contraire d’avoir des effets négatifs en affaiblissant la qualité de la neutralisation et exposant à un risque de diplopie postopératoire.

3- Durée du traitement :

Ce traitement médical doit être poursuivi jusqu’à obtention d’une microtropie, spontanée ou après chirurgie.

La microtropie permet d’équilibrer au mieux les influx bioculaires et limite les conséquences sensorimotrices du syndrome.

Toutefois, même dans le cas idéal de l’obtention précoce d’une microtropie, la surveillance régulière et le port de la correction optique doivent être poursuivis au moins jusqu’en sortie de la période sensible, voire plus, étant donné les risques d’évolution du syndrome (amblyopie, DVD, exotropie secondaire…).

B - TRAITEMENT DU STRABISME PROPREMENT DIT :

1- Traitement chirurgical :

* Protocoles opératoires :

Les conceptions évoluent considérablement sur ce point, tant sur la technique à utiliser que sur le moment de l’intervention.

Nous ne pouvons discuter ici de l’ensemble des éléments entrant en compte dans le choix de la technique et du protocole opératoire et nous renvoyons pour cela aux manuels spécialisés.

Il faut traiter le strabisme, mais aussi l’excès d’adduction qui atteint l’oeil fixateur.

En cas de strabisme alternant, le traitement le plus logique est donc l’affaiblissement des deux droits médiaux.

La chirurgie monolatérale est réservée aux cas de strabismes sans torticolis et non alternants ; parfois, elle est décidée volontairement.

Il semble aussi logique, et c’est le choix le plus souvent en Europe, de dissocier le geste en utilisant l’ancrage postérieur pour traiter la part dynamique du strabisme (part innervationnelle, excès d’adduction, NCML…) et la chirurgie conventionnelle de reculrésections pour traiter la part anatomique ou statique.

On est obligé, si l’on veut réaliser une telle chirurgie, de faire appel à des tests peropératoires complétant le bilan préopératoire.

Le protocole opératoire tient donc compte de l’angle minimal (avec correction optique et en fixation de loin) à l’état de veille et de ses variations, des troubles de la motilité, du NCML, du torticolis, du caractère alternant ou franchement unilatéral de la déviation.

Le signe de l’anesthésie (SA) et le TEM sont les compléments indispensables de ce bilan préopératoire, même si les conséquences de leur utilisation ne sont pas encore parfaitement quantifiées.

Le SA évalue la différence entre l’angle d’éveil et l’angle sous anesthésie.

Il affine la répartition du protocole opératoire entre chirurgie conventionnelle et ancrage postérieur des droits médiaux.

Par exemple, une détente parfaite sous anesthésie signifie un strabisme d’origine innervationnelle et incite à utiliser plutôt l’ancrage postérieur.

La chirurgie conventionnelle seule expose dans ce cas à une divergence secondaire.

Le TEM apprécie l’élasticité, le degré de rétraction musculaire et permet d’affiner le dosage de la chirurgie conventionnelle.

La répartition interoculaire est affinée par l’appréciation de la polarisation symétrique ou non de la déviation sous anesthésie générale.

On devrait reculer les muscles rétractés et réséquer les muscles hyperélongables, de manière proportionnelle à l’anomalie du TEM.

Les protocoles ne peuvent donc plus être systématisés ; le nombre de variables impliquées nécessite la mise en place de systèmes experts et de modélisations assistées qui se développent actuellement.

L’utilisation de protocoles plus simples, basés sur le double recul systématique des droits médiaux, expose à des divergences secondaires plus fréquentes et à des résultats plus dispersés.

En effet, ils ne tiennent pas compte du caractère innervationnel et de l’état musculaire propre à chaque cas. Le facteur vertical n’est traité en première intention que s’il est majeur.

Il s’agit le plus souvent d’un recul des obliques inférieurs.

Ce geste ne doit pourtant pas être systématique devant une élévation en adduction, surtout chez le jeune enfant puisque, d’une part son origine n’est pas univoque, et d’autre part elle a tendance à diminuer avec la croissance.

S’il est modéré, on a intérêt à attendre de voir l’efficacité du geste sur les droits horizontaux.

La DVD est très rarement traitée d’emblée, sauf chez le grand enfant et l’adulte.

On fait appel essentiellement au recul des droits supérieurs.

Quelques auteurs (Guyton notamment) proposent un geste sur les obliques supérieurs.

* Moment de la chirurgie :

Le moment de la chirurgie est avant tout limité par l’âge de prise en charge et la réalisation d’un traitement médical initial.

Dans l’idéal, une remise en microtropie la plus précoce possible devrait permettre de reprendre un développement visuel subnormal le plus vite possible et d’espérer limiter ainsi les conséquences sensorielles et motrices du syndrome.

On sait en tout cas qu’une restitutio ad integrum est impossible, aussi précoce qu’ait été l’intervention.

+ Interventions précoces :

On parle d’interventions précoces si celles-ci sont réalisées avant l’âge de 2 ans.

Elles semblent capables de restituer les plus hauts grades d’acuité stéréoscopique mais exposent aussi à plus de réinterventions.

Elles ne dispensent pas, bien sûr, du traitement pré- et surtout postopératoire, ce qui est parfois difficile à faire admettre aux parents. C’est toutefois actuellement la tendance la plus générale, limitée par la difficulté de la chirurgie et de l’établissement d’un protocole opératoire à cet âge.

Des études randomisées comparant les bénéfices d’une intervention précoce versus différée sont en cours et permettront sans doute de trancher dans quelques années, le bénéfice sensorimoteur n’étant toujours pas prouvé.

Les interventions ultraprécoces, avant 1 an, voire 6 mois, n’ont pas montré actuellement de bénéfice-risque positif.

Deux arguments annexes et non scientifiques en faveur de la chirurgie précoce sont l’amélioration de l’image sociale de l’enfant et l’amélioration subjective de l’agilité motrice de l’enfant.

À risque égal, ils doivent intervenir à notre sens pour une chirurgie précoce.

+ Intervention différée :

On ne parle plus de chirurgie volontairement différée au-delà de l’âge de 5 ans.

L’amélioration des techniques chirurgicales, de la sécurité des gestes anesthésiques, de la prise en charge médicale précoce réfutent les arguments pour les interventions tardives.

L’intervention différée après l’âge de 2 ans (et avant 5 ans) est soutenue par de nombreux auteurs dont Roth et Quéré, qui arguent que le strabisme est alors mieux stabilisé grâce à un traitement médical soutenu.

L’examen est aussi plus facile, notamment concernant l’appréciation des facteurs verticaux.

L’acte chirurgical aurait plus de chance d’être unique dans ce cas.

Enfin, certains parents peuvent refuser l’intervention pendant de nombreuses années ou celle-ci peut être impossible pour des raisons annexes.

Le traitement médical prolongé par correction optique, pénalisation optique alternée, est nécessaire pour préparer au mieux à une chirurgie tardive.

+ Intervention à l’âge adulte :

Un strabisme précoce peut tout à fait être opéré à l’âge adulte, avec quelques particularités et précautions.

Le facteur accommodatif, souvent négligé, doit être toujours réévalué précisément et traité.

Les zones de neutralisation sont souvent plus étroites et moins malléables, même en cas d’amblyopie profonde.

Le risque de diplopie postopératoire est facilement évalué par un test d’adaptation prismatique.

Le strabisme est souvent anatomisé et la chirurgie conventionnelle est plus souvent utilisée.

La chirurgie réglable est d’un appoint considérable, tant pour les facteurs horizontaux que cycloverticaux.

+ Réinterventions :

Elles sont envisagées quand le but du traitement n’est pas atteint : angle horizontal résiduel, divergence secondaire, facteurs verticaux non traités, notamment DVD.

On attend toujours une stabilisation postopératoire avant de considérer la situation comme non satisfaisante, en général plus de 6 mois.

Ces réinterventions sont toutefois envisageables durant toute la vie du strabique.

Selon les auteurs, les techniques et le moment de la première intervention, une deuxième intervention est nécessaire dans 10 à 50 % des cas, sans que l’on puisse dégager une technique initiale plus efficace.

Cela souligne encore nos limites dans la prise en charge chirurgicale des strabismes précoces et le caractère multifactoriel des décisions thérapeutiques.

2- Traitement par injection de toxine botulique dans les droits médiaux :

Ce traitement physique, proposé initialement par Scott, apporte des éléments nouveaux dans la prise en charge des strabismes précoces. Les injections sont réalisées sous anesthésie au masque, en ambulatoire et de visu après mise en charge du muscle sur un crochet.

Le geste est moins agressif et iatrogène que la chirurgie, tout en ayant les mêmes avantages.

Il n’existe pas de risque de divergence secondaire iatrogène.

Enfin, en cas d’inefficacité après plusieurs injections, elle n’empêche ni ne gêne la chirurgie.

Au contraire, elle la prépare en évitant l’anatomisation de la déviation.

McNeer, à partir d’une large expérience personnelle et d’une revue de littérature, propose un protocole thérapeutique incluant systématiquement l’utilisation précoce, éventuellement itérative, de toxine botulique dans les strabismes précoces.

Les résultats sont encourageants puisque, selon diverses séries, l’alignement oculaire à moins de 10 dioptries de déviation est obtenu dans 60 à 85 % des cas en une à trois séries d’injections bilatérales si le traitement est entrepris précocement, à partir de 6 mois d’âge et si possible avant 18 mois pour les premières injections.

C - SCHÉMA THÉRAPEUTIQUE :

À partir des données de la littérature et de notre expérience personnelle, nous utilisons un protocole assez uniformisé, laissant de plus en plus de place à la toxine.

1- En cas de prise en charge avant l’âge de 18 mois :

On pratique une occlusion alternée sur peau permanente, le plus souvent de manière symétrique.

Dès l’obtention d’une alternance facile, le traitement par injection de toxine botulique dans les deux droits médiaux est proposé, sous anesthésie ambulatoire.

En cas de bonne efficacité initiale mais de récidive dans les 6 mois, une réinjection est proposée avec un maximum (arbitraire) de trois injections.

En cas de refus ou d’impossibilité d’utiliser la toxine, ou de récidive du strabisme après son utilisation, ou encore de facteurs verticaux manifestes, nous poursuivons le traitement médical et réalisons l’intervention dès la stabilisation des signes oculomoteurs et si possible avant l’âge de 3 ans.

Considérant que le strabisme précoce est une maladie bioculaire et dont les signes atteignent avant tout l’oeil fixateur, l’intervention est le plus souvent bilatérale et comporte en général un ancrage postérieur, associé à une chirurgie conventionnelle adaptée aux tests peropératoires.

Nous réservons la chirurgie unilatérale aux faibles déviations sans torticolis ni nystagmus de l’oeil fixateur, ou aux strabismes non alternants malgré le traitement médical prolongé.

Le facteur vertical n’est traité en première intention que s’il est majeur, notamment les hyperactions des obliques inférieurs. Nous ne traitons que très rarement la DVD avant l’âge de 3 ans.

Par la suite, l’enfant est surveillé.

En cas de microtropie avec isoacuité visuelle, une simple surveillance avec le port de la correction optique est poursuivie jusqu’à 10 ans.

En cas d’angle résiduel supérieur à 8 dioptries, un traitement visant à maintenir l’alternance est poursuivi.

Une réintervention n’est envisagée qu’après plus de 6 mois de stabilité.

2- En cas de prise en charge après l’âge de 18 mois :

L’accent est mis sur la qualité du traitement médical qui doit obtenir une stabilisation de l’état sensorimoteur.

Il comporte la prise en charge acharnée du facteur accommodatif et de l’amblyopie si elle est présente.

La toxine est d’autant moins proposée que l’enfant est grand.

L’intervention est proposée après un minimum de 6 mois de stabilité après récupération maximale d’une éventuelle amblyopie.

3- Chez l’adulte :

Nous insistons sur la nécessité de réévaluer le strabisme après correction du facteur accommodatif.

Le test d’adaptation prismatique est systématique.

Le plus souvent, les sutures ajustables sont proposées afin de réaliser un protocole adapté au mieux à la situation sans prendre de risque de sur- ou sous-correction majeure.

Conclusion :

Le strabisme précoce est une entité strabologique à part entière.

Son origine reste incertaine, mais inclut une anomalie précoce du développement du phénomène de fusion qui induit des anomalies majeures du développement oculomoteur.

Les signes les plus spécifiques sont ceux atteignant l’oeil fixateur mais de nombreux autres signes peuvent être associés.

La guérison totale de ce syndrome est impossible et celui-ci peut évoluer durant toute la vie.

Une prise en charge la plus précoce possible est nécessaire.

Elle doit avant tout éviter les conséquences sensorielles définitives telles que l’amblyopie.

Il n’est pas prouvé de manière formelle que la chirurgie précoce avec remise en microtropie améliore le pronostic à long terme, même si de nombreux arguments vont dans ce sens.

L’utilisation précoce de la toxine botulique dans le protocole thérapeutique semble une alternative d’avenir.

La surveillance est poursuivie pendant toute la phase de développement visuel afin de limiter ou de traiter les conséquences tardives.

Enfin, le résultat initial peut se modifier plusieurs années après, ce qui doit nous rendre toujours prudents quant au pronostic oculomoteur à long terme.

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