La notion de secret n’a pas toujours existé. Elle s’est structurée
sous l’influence conjuguée des progrès médicaux, de
l’organisation des professions de santé et des nécessités de
la santé publique.
Le terme « secret » : nom masculin, est défini comme « ce
qui doit être tenu caché, silence qui entoure quelque
chose » ; adjectif : « qui n’est connu que d’un petit nombre
de personnes, et ne doit être divulgué aux autres ; exemple :
le dossier médical » (Larousse).
Ces deux définitions, nom et adjectif, sont quasi paradoxales
: ce qui doit être tenu caché peut, néanmoins, être
partagé par un petit nombre de personnes ; d’ores et déjà
nous constatons que l’obligation du secret a un caractère
non pas absolu mais relatif.
L’évolution vers ce caractère relatif de l’obligation de secret
résulte d’une lente construction jurisprudentielle.
Jurisprudence motivée par des exigences, certes ponctuelles
mais répétées, d’intérêt de santé public, intérêt social, et
intérêt du malade.
1- Intérêt de santé publique :
Le secret n’est pas absolu et cesse de pouvoir être invoqué
lorsque l’ordre public est en cause.
Le développement d’épidémie au Moyen Âge conduit les autorités à demander
aux médecins la communication des noms des malades
contaminés afin de juguler la contagion.
Aujourd’hui la déclaration à l’autorité sanitaire des maladies
vénériennes est obligatoire.
Elle se fait sous forme
de déclaration simple ou de déclaration nominale en
période contagieuse, lorsque le malade se refuse à entreprendre
ou poursuivre le traitement, lorsque le médecin
estime que la personne atteinte fait courir un risque grave
de contamination à un ou plusieurs tiers (art. L. 255 et s CSP).
2- Intérêt du malade :
À de nombreuses reprises, depuis la fin des années 50, les
tribunaux ont précisé que « le secret est la chose du
malade », le médecin n’étant que le dépositaire de cette
chose.
Dans les années 60, la conception du dépôt « inviolable »
va s’assouplir puisque l’obligation de secret ne saurait
interdire à un médecin de justifier de sa bonne foi au cours
d’une instance judiciaire.
Le droit de se défendre est une
liberté essentielle.
B - Sources philosophiques :
Le concept de « secret » est fondé selon trois théories, qui
en pratique ne sont pas indépendantes les unes des autres :
le contrat médical, l’ordre public, la notion de vie privée.
1- Fondement contractuel
(protection de la confidence) :
Il se forme, depuis l’arrêt de principe Mercier de 1936,
entre le médecin et le patient un véritable contrat (tacite et
oral).
De nombreux auteurs considèrent que le respect du
secret est inclus dans ce contrat.
Le malade doit être en
mesure de donner au médecin toutes les informations, quelquefois
intimes, nécessaires à la prescription d’un traitement.
Il sera d’autant plus confiant que ces informations
resteront confidentielles.
2- Fondement d’ordre public :
Certains estiment que le secret répond davantage à un souci
de protection de l’ordre public qu’à la préservation des intérêts
du malade.
La société a intérêt à préserver la discrétion
du médecin et garantir un devoir professionnel indispensable
à tous, tant pour la défense de l’individu
lui-même, que pour la salubrité du climat social.
La loi protège ainsi toute confidence qu’un particulier se
trouve obligé de faire à une personne, qui du fait de sa profession
ou de sa mission, devient un confident nécessaire.
D’autres auteurs, considérant que le Code pénal est garant
de l’ordre public absolu, prétendent en conséquence que la
règle du silence est inviolable et qu’aucune autorisation ne
peut y déroger.
Cette thèse a connu un vif succès dans le
milieu médical au début du siècle.
Cependant, très rigide,
elle ne peut tenir compte des nécessités pratiques et semble
difficilement compatible avec la notion d’ordre public qui,
par essence, varie selon l’état social (moeurs et opinions)
et juridique de la société.
Le secret ne peut être, ici encore, que relatif.
3- Fondement sur la notion de vie privée
(protection de l’intimité) :
Si la protection du secret est le centre d’un perpétuel conflit
d’intérêts entre le médecin, la société et le malade, personne
ne peut nier que son but principal est de protéger
l’intimité du patient.
« Le secret professionnel, institué dans l’intérêt du patient,
s’impose à tout médecin dans les conditions édictées par
la loi. » Code de déontologie, article 4.
« Chacun a droit au respect de sa vie privée. » Code civil,
article 9.
Si l’on conçoit que la révélation du secret porte atteinte à la
vie privée, on conçoit également que cette révélation puisse
être sanctionnée, au plan civil, par le régime de la responsabilité
pour faute et paiement de dommages et intérêts.
Cette théorie est loin de faire l’unanimité de la doctrine.
Curieusement, certains auteurs refusent de voir dans le droit
à la vie privée le fondement de l’obligation de se taire.
En
revanche, d’autres considèrent le secret professionnel
comme l’une des expressions premières de ce droit.
Ils rattachent,
dans le cadre du contrat médical, la théorie de l’intérêt
privé de la personne (droit de la personnalité) à celle
de la protection de sa vie privée.
Droit positif
:
« La révélation d’une information à caractère secret par une
personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession,
soit à raison d’une fonction ou d’une mission temporaire,
est punie d’un an d’emprisonnement et de 100 000 F
d’amende. » Code pénal de 1992, article 226.13.
En matière pénale, l’interprétation de la loi est par principe
stricte.
Néanmoins, la notion complexe de secret a évolué
progressivement, aussi bien pour les personnes concernées
que pour les éléments constitutifs de l’infraction.
A - Personnes tenues au secret :
Les médecins ont le devoir de se taire quels que soient leur
statut et le cadre de leur activité.
Les internes, externes et
étudiants en médecine sont assimilés.
Il n’y a pas de secret partagé entre praticiens.
Ils ne peuvent
communiquer entre eux les informations recueillies
sans l’autorisation du malade.
En revanche, le secret est commun lorsque plusieurs médecins
collaborent au diagnostic ou au traitement du malade.
Les praticiens de santé, les collaborateurs du médecin et
toutes les personnes aptes à recevoir ou à surprendre un
secret, ont l’obligation de se taire.
La définition du Code pénal est générique.
Elle vise les
personnes dépositaires par état, profession ou fonction,
mais aussi celles qui le sont par l’effet d’une simple mission
temporaire.
Il semble que l’on passe insensiblement
du « secret médical » au « secret des professionnels de
santé ».
La difficulté réside dans la définition de ces professionnels.
1- Personnel soignant :
• Les médecins sont tenus au devoir de se taire quels que
soient le cadre de leur activité et leur statut : libéral, fonctionnaire
du système hospitalier, salarié ; les internes,
externes et étudiants en médecine sont assimilés.
Les médecins admettent souvent que le secret n’existe pas
entre eux, qu’ils peuvent le partager.
Cette conception est
un vestige de l’époque où le monde médical considérait
que le secret lui appartenait.
En réalité, le secret est la chose
du malade. Le praticien ne peut y avoir accès que s’il en
est directement dépositaire, ou s’il collabore avec le médecin
traitant, ce dernier estimant que les nécessités thérapeutiques
exigent la mise en commun du secret.
Il s’agit
alors d’un secret commun et non d’un secret partagé.
A fortiori, lorsque le malade consulte séparément deux
confrères, ces derniers ne peuvent sans son autorisation, communiquer
entre eux les informations recueillies.
• Les praticiens de santé, psychologues, chirurgiens-dentistes,
kinésithérapeutes, infirmiers, sages-femmes, pédicures,
orthophonistes, orthoptistes, éducateurs spécialisés
d’enfants handicapés, sont tenus comme les médecins au
secret, ainsi que tous les collaborateurs aptes à recevoir ou
à surprendre un secret.
Tous ceux qui concourent au diagnostic ou au traitement :
le personnel des laboratoires d’analyse, préparateurs en
pharmacie, pharmaciens… sont également tenus au secret.
• Le service public hospitalier : le secret médical s’est
adapté aux exigences du système hospitalier.
En droit, le
service public hospitalier est caractérisé par sa neutralité,
sa continuité, son adaptabilité, son indivisibilité.
En matière
de secret, le service doit être considéré comme un confident
indivisible.
Une étude statistique a montré que pour
un patient hospitalisé, 75 personnes avaient accès aux informations
concernant l’état de santé et donc l’intimité du
malade.
De même, lorsque le malade s’adresse à un organisme qui
pratique la médecine collégiale (dispensaire, groupe mutualiste)
pour lui prodiguer des soins, c’est à l’ensemble de
cet organisme que le secret est confié, sauf prescription
particulière du malade.
La notion d’indivisibilité du secret
est de nouveau confirmée.
2- Personnel non médical :
Le médecin est responsable en matière de secret des personnes
qui l’assistent dans l’exercice de sa profession. Doiton
considérer que ce personnel est seulement soumis à une
obligation générale de discrétion ?
La formule générique
du Code pénal devrait permettre d’incriminer le personnel
administratif ou social et toute personne qui, par sa profession
ou sa mission même temporaire en rapport avec
une activité de soin, aura la possibilité ou la nécessité de
pénétrer dans la vie d’autrui.
L’obligation au devoir de se taire est la conséquence de cette
intrusion dans la vie privée de la personne qui, soumise à
des soins médicaux, sociaux ou psychologiques, se trouve
dans un état d’infériorité.
Il n’y a donc pas de différence de
nature entre le secret du médecin et celui de l’infirmière ou
de l'assistante sociale, ni de hiérarchie entre eux.
B - Éléments constitutifs de l’infraction :
Ils sont au nombre de 3, contenus dans le Code pénal. «La
révélation d’une information à caractère secret… »
L’ensemble des informations que le médecin a pu connaître
ou constater au cours de son exercice est soumis au silence.
Seul le juge est souverain pour qualifier et apprécier la
confidentialité des faits.
La révélation du secret doit être intentionnelle, c’est-à-dire
volontaire, indépendamment de toute intention de nuire.
Sa forme importe peu.
Elle peut être écrite ou orale, partielle
ou totale, faite en public ou en privé, être directe ou
progressive.
1- Information à caractère secret
:
La définition de cette information est floue.
S’agit-il des
seuls faits révélés et confiés au médecin ? Ou bien faut-il
avoir une conception plus large et entendre par secret : tout
ce que le médecin a pu connaître ou constater au cours de
son exercice.
La tendance actuelle de la jurisprudence est
à la conception large du secret.
C’est l’ensemble des informations
auxquelles accède le médecin, examen clinique,
diagnostic et examens paracliniques, qui seront soumises
au silence, ainsi que la nature de la maladie, ses causes et
ses conséquences.
Le Code de déontologie précise : « le secret couvre tout ce
qui est venu à la connaissance du médecin dans l’exercice
de sa profession, c’est-à-dire non seulement ce qui lui a
été confié, mais aussi ce qu’il a vu, entendu ou compris. »
2- Caractère secret
:
Qui peut ou doit juger de la confidentialité d’une information
?
Le dépositaire (médecin) ou son propriétaire
(malade) ?
La jurisprudence est partagée.
Existe-t-il des faits secrets
par nature en raison de leur gravité ou de leur aspect gênant
pour le malade ?
Doit-on considérer la confidentialité des
faits en fonction des dommages conséquents à leur révélation
éventuelle ?
L’information est-elle secrète par la seule
volonté du malade ? (encore faut-il que cette volonté ne soit
pas indifférente.
Le malade, en général, ignore l’étendue
de la connaissance du professionnel).
Soulignons que la médecine n’est pas un métier mais un
état, que le professionnel de santé peut être amené à
connaître des informations confidentielles en dehors du
cadre de ses fonctions.
Le juge est souverain pour qualifier et apprécier les faits.
3- Révélation :
Pour que la violation du secret soit incriminée, il faut que
les informations soient effectivement portées à la connaissance
d’autres personnes et qu’elles portent sur des faits
secrets.
La tentative de révélation n’est pas sanctionnée.
Cette révélation doit être intentionnelle.
Le délit existe dès
que la révélation a été faite avec connaissance, c’est-à-dire
volontairement, indépendamment de toute intention de
nuire.
En revanche, la négligence du médecin qui permettrait
la révélation d’une information confidentielle, engagerait
sa responsabilité civile pour faute.
La forme de la révélation importe peu.
Elle peut être écrite
ou orale, directe ou progressive, faite en public ou de
manière privée, partielle ou faite en totalité.
Soulignons
que l’auteur de publications scientifiques prendra soin de
gommer tous les éléments nominatifs ou autres permettant
de rattacher l’information à l’identité du patient.
Le médecin doit rester prudent lorsqu’il révèle une information
déjà connue ayant un caractère public.
Son témoignage
apportera toujours un élément nouveau et risque
d’ajouter quelque chose à la notoriété des faits peut-être
soumis jusque-là à controverse.
Le juge pénal a récemment retenu quatre éléments indispensables
à la constitution du délit, à savoir : un confide,
un secret, un acte de révélation, et une intention coupable.
Dérogations
:
L’obligation au secret connaît des limites rendues nécessaires
par la protection de l’intérêt social et par celle de
l’individu.
1- Dérogations d’ordre public :
• La naissance : lorsque la famille ne le fait pas ou lorsque
la mère demande le secret, l’enfant sera déclaré sous X
c’est-à-dire de père et de mère inconnus.
Dans les cas d’aide
à la procréation, quelle que soit la nature de la filiation (artificielle,
naturelle, ou légitime) la naissance sera déclarée,
la filiation restera secrète.
• Le décès : les certificats de décès (néonatal et adulte) sont
rédigés sur un formulaire spécial composé de deux parties
détachables.
La première comporte trois volets destinés à la mairie du
lieu d’implantation de la chambre funéraire ; au gestionnaire
de la chambre funéraire ; à la mairie du lieu du décès.
La seconde partie, anonyme et cachetée, comportant les
causes du décès, est adressée au médecin inspecteur de la
santé.
• Les maladies professionnelles et accidents du travail :
les certificats nominatifs doivent obligatoirement comporter
la nature des lésions et être adressés à la Caisse primaire
d’assurance maladie.
• Les maladies contagieuses et transmissibles : la déclaration
des maladies vénériennes est obligatoire.
Cette déclaration
est anonyme sauf pour les prostitués et les malades
qui refusent de suivre leur traitement.
La liste de ses maladies a été fixée par le décret du 10 juin
1986 (voir Code de santé publique).
Pour l’infection par le virus de l’immunodéficience
humaine (VIH) et le sida, la déclaration à l’autorité sanitaire
est obligatoire mais doit rester anonyme, excepté les
accidents du travail.
Il existe, en l’espèce, un conflit de
devoir entre garder le secret et l’obligation d’assister les proches en danger.
Le Code de déontologie stipule que le
malade peut être tenu dans l’ignorance de son diagnostic,
« sauf dans les cas où l’affection dont il est atteint expose
les tiers à un risque de contamination ».
Le médecin ne peut plus taire le diagnostic de sida à son
patient, mais il ne peut pour autant révéler ce diagnostic
aux proches du malade.
Il doit tout faire pour convaincre
la personne d’informer ses proches.
Cette attitude est identique en cas de maladie génétique
transmissible.
• Les alcooliques présumés dangereux, les toxicomanes
qui refusent de se soigner doivent être signalés à l’autorité
sanitaire.
• Les vaccinations obligatoires : cette déclaration sera
adressée au médecin responsable des vaccinations à la
DDASS.
La carte-lettre doit contenir les précisions suivantes
: nom, prénom, date de naissance et adresse de la
personne vaccinée ; examens médicaux et tests biologiques
effectués préalablement à la vaccination ; date de ces examens,
date de la vaccination ; numéro du lot du vaccin et
le nom du fabricant ; la carte-lettre doit être datée et signée
par le vaccinateur qui doit faire figurer également son nom
et son adresse.
• Les certificats médicaux sont nominatifs et descriptifs
en ce qui concerne les pensions militaires ; les certificats
de santé pour enfants en bas âge doivent mentionner toute
anomalie, maladie ou infirmité.
Deux certificats particuliers en matière d’assurance-vie,
soit en cas de suicide, soit en cas de décès par maladie dans
les vingt premiers jours du contrat de rente viagère.
Ces
certificats pourront attester qu’il ne s’agit pas d’un suicide
ou que la maladie existait déjà à la date de la signature du
contrat, sans en donner le diagnostic.
Pour les emplois publics ainsi que les naturalisations, les
certificats médicaux pourront mentionner toute anomalie
éventuelle.
En matière de coups et blessures involontaires ou de violences
et voies de fait volontaires, un certificat médical est
délivré.
• L’hospitalisation des malades mentaux : les certificats
d’internement, qui sont nominatifs et descriptifs, concernent
non seulement les malades mentaux, mais aussi les
alcooliques dangereux pour autrui (article L. 326 à 355 du
Code de la santé publique), et les incapables majeurs pour
la mise en tutelle ou en curatelle.
• Les sévices infligés à un enfant de 15 ans ou à une personne
incapable de se protéger : le médecin doit alerter le
procureur de la République, avec le consentement de la victime,
des sévices par lui constatés et qui lui laissent présumer
des violences sexuelles.
Le nouveau texte du Code
pénal dépasse l’ancien qui visait uniquement les cas de viol
et d’attentat à la pudeur.
• La dénonciation des crimes en train de ou sur le point
d’être commis (art. 343 et suivants du Code pénal) : cet
article n’édicte pas une obligation générale de délation à
l’égard de toute personne coupable d’un crime ; ce n’est
pas l’identité ou le lieu de refuge du criminel qui doivent
être portés à la connaissance des autorités, mais seulement
le crime lui-même.
Néanmoins les personnes tenues au secret sont exemptées de ces dispositions, sauf si le crime
a été commis sur un mineur de 15 ans.
• Le médecin expert judiciaire : en qualité de mandataire de
justice, il doit rendre compte à l’autorité judiciaire qui l’a
commis des constatations médicales relatives à sa mission.
Le médecin traitant peut, en ce qui concerne les accidentés
par véhicule à moteur (loi Badinter du 5 juillet 1985)
assister à l’expertise du médecin de compagnie d’assurance
ou du médecin expert judiciaire, et lui fournir tous renseignements
utiles.
• Lorsque la responsabilité du médecin est mise en cause
en justice par un malade ou ses ayants droit, il peut pour
se défendre, divulguer tout ou partie du secret.
Le droit de
se défendre ne peut être mis en échec par les règles qui
régissent le secret professionnel.
C’est une liberté essentielle.
• Devant la multiplication des actions en justice mettant
en cause la responsabilité des médecins, la Cour de cassation
et le Conseil d’État ont rappelé les règles de levée
du secret par un praticien conduit à se défendre contre les
accusations portées par des confrères.
Dans ce cas, la levée
du secret doit être autorisée par le patient concerné, à défaut
les magistrats devront prescrire des mesures efficaces pour
éviter la divulgation de l’identité des malades.
Ils peuvent
ainsi désigner un médecin expert judiciaire chargé d’examiner
la teneur des documents confidentiels.
L’absence de public à l’audience, le fait que les documents
confidentiels aient été produits par son avocat et remis à
des personnes elles-mêmes soumises au secret professionnel,
sont sans incidence sur le caractère fautif des faits
reprochés au médecin.
• Perquisitions et saisies : le législateur a organisé une procédure
particulière aux perquisitions dans le cabinet du
médecin.
Le Code de procédure pénale (articles 56 et 57)
rappelle qu’elles doivent être effectuées par un magistrat
ou un officier de police judiciaire mandaté, en présence
d’un membre du Conseil de l’ordre ou de l’organisation
professionnelle à laquelle appartient le médecin.
Le magistrat (ou officier de police judiciaire) peut, seul,
prendre connaissance des documents avant de procéder à
leurs saisies.
Il a l’obligation de provoquer toutes mesures
utiles pour assurer le respect du secret et les droits de la
défense.
Toute objet ou document saisi est immédiatement
inventorié et placé sous scellés.
Le médecin doit être présent
à la perquisition, ou à défaut désigner un représentant
de son choix.
En cas d’impossibilité, l’officier de police
judiciaire choisira deux témoins requis à cet effet, en dehors
des personnes relevant de son autorité administrative.
2- Dérogations d’ordre privé :
Intérêt de la personne
• Le patient est maître de son intimité et seul juge de ses
intérêts.
Le médecin étant tenu de taire ce qui relève de
l’intimité du patient, ce dernier peut logiquement manifester
sa volonté et imposer au médecin de révéler certaines
informations, demande de certificats médicaux par
exemple.
En conséquence l’information perd son caractère
confidentiel, et fait disparaître un des éléments constitutifs
du délit de violation du secret.
• Le malade est décédé : certains auteurs affirment qu’à
l’égard d’un mort le secret médical n’existe que dans la
mesure où ce mort l’aurait voulu.
Ainsi le médecin ne sera
délié de son secret que pour défendre le défunt ou lorsque
ce dernier en avait manifesté la volonté avant de mourir.
Souvent les héritiers vont tenter d’obtenir le certificat médical
nécessaire au règlement de la prime d’assurance-vie.
Les tribunaux, longtemps réticents, leur accordent désormais
une certaine faculté d’investigation, particulièrement
lorsque la preuve exigée ne peut être rapportée que par la
déposition du médecin ou la rédaction d’un certificat médical
circonstancié.
En revanche, le médecin ne peut pas déférer à une simple
demande du notaire chargé de la succession ou d’une compagnie
d’assurance sans l’accord préalable des ayants droit.
La jurisprudence accorde une protection particulière aux
éléments touchant l’intimité, voir la sexualité du défunt.
Le juge veille à ce que la révélation ne porte pas atteinte à
la mémoire du défunt, encore faut-il qu’elle ait été autorisée
par les héritiers.
• Le droit d’accès au dossier médical : le patient a un droit
d’accès à son dossier.
Le secret médical hospitalier était
tellement strict que le malade lui-même en était exclu jusqu’à
ce que la loi du 6 janvier 1978 et le décret du 30 mars
1992 précisent :
« La communication du dossier médical intervient sur la
demande de la personne qui est ou a été hospitalisée ou de
son représentant légal ou de ses ayants droit en cas de
décès, par l’intermédiaire d’un praticien qu’ils désignent
à cet effet. »
Ce praticien communique les informations recueillies au
patient dans le respect des règles de déontologie, et aux
ayants droit dans le respect des règles du secret médical.
Le secret est opposable à la famille.
• Le carnet de santé : l’ordonnance du 24 avril 1996 (Juppé)
instaure un nouveau carnet de santé pour les individus de
plus de 16 ans.
Avant le 31 décembre 1998, une carte
magnétique se substituera à ce carnet.
L’un et l’autre
devront comporter avec l’autorisation du malade les informations
pertinentes nécessaires à la continuité des soins.
Ils seront détenus par le patient.
Il semble que le patient devienne maître de sa carte ou du
moins des informations dont il a autorisé l’inscription, et
de celles que le médecin, seul juge en conscience, a bien
voulu lui révéler.
3- Dérogations d’ordre social :
Si l’outil informatique permet de mieux gérer les dépenses
de santé, d’alléger le travail administratif des caisses de
sécurité sociale, des hôpitaux, des praticiens, d’améliorer
le suivi médical des individus et la recherche scientifique,
il affaiblit de manière constante la confidentialité des informations
individuelles à caractère médical.
En langage
informatique, on ne parle plus de secret médical mais de
confidentialité des données médicales.
• La vulnérabilité du système tient en premier lieu :
– à la technique : il existe toujours des risques de fraude,
de fuites, de commercialisations d’études épidémiologiques
à partir des données nominatives codées ; les assurés sociaux seront informés mais ne pourront s’y opposer.
Toutefois, le législateur a prévu des barrières de protection
du secret : codage des actes, des pathologies, des prestations,
des diagnostics, leur télétransmission aux caisses de
Sécurité sociale.
La carte de santé est protégée par un code
secret dont seul le patient sera dépositaire.
Elle ne pourra
être lue que sur des lecteurs mis à la disposition des professionnels
de santé ;
– aux traitements automatisés des données : la loi « Informatique
et liberté » de 1978 a instauré ces traitements,
qu’ils soient nominatifs ou indirectement nominatifs.
La
CNIL (Commission nationale de l’informatique et des
libertés) a énoncé que le droit de s’opposer aux traitements
ne s’applique pas et a imposé que cette interdiction soit
mentionnée dans la loi.
L’autorisation de levée du secret en faveur de l’administration
ne dépend plus de l’individu.
• Le détournement de l’autorisation du malade par la loi :
la loi de 1994 a modifié la loi de 1978 dans le but de faciliter
l’utilisation des données.
La levée de la confidentialité est subordonnée à deux autorisations
cumulatives :
– la première émane de la CNIL après avis du comité
consultatif national d’éthique en matière de recherche dans
le domaine de la santé ;
– la seconde doit être délivrée par la personne concernée
dûment informée : nature des informations transmises, finalité
des traitements des données, personnes physiques ou
morales destinataires de ces données.
Le décret de 1995
expose les procédures à suivre en ce qui concerne le droit
d’accès, de rectification et d’opposition.
A priori, la volonté
du malade est déterminante.
En fait, les chercheurs, dès qu’ils ont obtenu l’avis favorable
de la CNIL peuvent ne pas informer les patients du
changement de destination des données nominatives si ces
personnes sont difficiles à trouver !
Il leur est également
permis de procéder au traitement des données sans que la
personne concernée en connaisse la teneur exacte, la loi
autorisant le praticien à taire un diagnostic ou un pronostic
grave.
Notons que le nombre des autorisations de levée de la confidentialité
se multiplie.
Voir la décision du 9 septembre 1996
relative à la création, à titre expérimental, d’un traitement
de données nominatives permettant la traçabilité des produits
sanguins labiles.
À propos du droit d’accès et de rectification, la recommandation
des ministres de l’Europe relative à la protection
des données médicales du 13 février 1997 souligne :
« toute personne doit pouvoir accéder aux données médicales
la concernant […] cet accès peut être refusé, limité
ou différé si :
– cela constitue une mesure nécessaire à la protection de
la sécurité de l’État, à la sûreté publique ou la répression
des infractions pénales ;
– si la connaissance des informations est susceptible de
causer une atteinte grave à la santé de la personne concernée
;
– si l’information sur la personne révèle des informations
sur des tiers ou en ce qui concerne les données génétiques, si ces informations sont susceptibles de porter une atteinte
grave à des parents consanguins ou utérins, ou à une personne
ayant un lien direct avec cette lignée génétique ;
– si les données sont utilisées à des fins de statistique ou
de recherche scientifique lorsqu’il n’existe manifestement
pas de risque d’atteinte à la vie privée des personnes
concernées, notamment du fait que les données ne sont pas
utilisées pour des décisions ou des mesures relatives à une
personne déterminée. »
Sanctions :
Elles peuvent émaner de trois juridictions, indépendantes
les unes des autres.
A - Sanctions pénales :
Le nouveau Code pénal de 1992 aggrave les sanctions de
violation du secret de la loi de 1944.
La peine d’emprisonnement
est passée de 6 mois à 1 an, l’amende qui s’élevait
de 500 à 15 000 F est passée à 100 000 F.
Le nombre des condamnations est faible.
Le procureur de
la République est maître de l’opportunité des poursuites du
moins lorsque la victime ne se constitue pas « partie civile ».
Depuis 1992, le médecin peut être relaxé du chef du délit
et condamné à payer à la partie civile des dommages et
intérêts.
L’atteinte à l’intimité de la vie privée est puni de 1 an d’emprisonnement
et de 300 000 F d’amende.
Quant aux infractions commises à l’occasion du traitement
informatique des données nominatives ayant pour but la
recherche dans le domaine de la santé, le fait de détourner
de sa finalité initiale autorisée par la CNIL les informations,
est puni de 5 ans d’emprisonnement et de 200 000 F
d’amende.
B - Sanctions civiles
:
La violation du secret professionnel déroge aux principes
fondamentaux qui régissent le droit de la responsabilité
médicale.
Conformément à l’arrêt Mercier de 1936, le
médecin a une obligation de moyens, c’est-à-dire qu’il doit
s’aider de tous les moyens nécessaires et utiles pour donner
des soins consciencieux, attentifs et conformes aux données
acquises et actuelles de la science.
En matière de secret, le professionnel est tenu, non pas « de
faire » une chose, mais au contraire « de ne pas faire », de
ne pas révéler la confidence.
Il s’oblige à un résultat. La
seule constatation, par la victime, de la révélation suffit à
engager la responsabilité du praticien. Nul n’est besoin de
prouver une faute de négligence, imprudence ou inattention.
En revanche, la victime devra prouver l’existence certaine
de son dommage.
Il ne peut s’agir ici que d’un préjudice
moral.
Le juge devra, pour que la réparation soit inégale, évaluer
pécuniairement le dommage en tenant compte de la gravité
de l’atteinte à la vie privée, du caractère confidentiel
des faits révélés, et des personnes auxquelles la divulgation
a été faite.
C - Sanctions disciplinaires
:
Le Code de déontologie de 1995 comporte plus de
20 articles relatifs à l’obligation du secret dont les articles
45, 72 et 73 prennent en considération les derniers progrès
de la technique informatique. Ils précisent que le secret doit
être préservé quel que soit son support.
La sanction pour violation du secret, qui émane du Conseil
régional de l’ordre des médecins ou de la section disciplinaire
du Conseil national, est la suspension temporaire
d’exercice.
C’est le Conseil d’État qui connaît des appels.
Le Conseil de l’ordre des médecins est une véritable juridiction,
indépendante des juridictions civiles et pénales.
Il
n’est pas tenu de surseoir à statuer lorsque les faits sont
portés à la connaissance de plusieurs tribunaux.