Principes du traitement des sarcomes des tissus mous de l’adulte Cours de Chirurgie
Introduction
:
Les sarcomes des tissus mous représentent en France 1 000 nouveaux
cas par an dont 600 localisés aux membres.
Le risque essentiel de
ces tumeurs rares est de méconnaître initialement le diagnostic, ce
qui entraîne des gestes inadaptés (drainage sur un diagnostic
d’hématome, effraction tumorale, liposuccion, énucléation) qui
peuvent compromettre un traitement conservateur ultérieur.
La chirurgie initiale conditionne l’avenir du patient et les reprises
chirurgicales élargies ne permettent pas toujours de replacer le
patient dans des conditions optimales.
Afin d’éviter des gestes inadaptés sur une tumeur des tissus mous,
il est nécessaire de réaliser, avant toute chirurgie, une imagerie
adaptée, puis de faire une biopsie sur le trajet de la future exérèse
afin d’adapter d’emblée le geste chirurgical et la démarche
thérapeutique au diagnostic histologique définitif (un examen
extemporané ne permet pas toujours de trancher entre bénin et
malin ni de certifier s’il s’agit bien d’une tumeur conjonctive).
Épidémiologie
:
A - FRÉQUENCE
:
Les sarcomes des tissus mous sont rares.
Ils représentent de 0,5 à
1 % des tumeurs malignes de l’adulte.
Leur incidence est évaluée en
fonction des données de certains centres spécialisés.
Elle est estimée
à 30 cas par million d’habitants.
Les sarcomes sont beaucoup moins fréquents que les tumeurs
bénignes développées dans les tissus mous.
En pratique générale, le rapport est de l’ordre de un sarcome pour 100 tumeurs bénignes.
Cette proportion est nuancée selon les modes de recrutement et
d’activité, mais la relative rareté des sarcomes combinée à une
grande variété morphologique explique largement la difficulté du
diagnostic anatomopathologique.
B - ÂGE ET SEXE
:
Comme pour les carcinomes, la fréquence des sarcomes des tissus
mous augmente chez l’adulte avec l’âge, et la moitié environ des
patients sont âgés de plus de 50 ans.
Il existe néanmoins des
variations de répartition des différents types de sarcomes en fonction
de l’âge : les synovialosarcomes, les sarcomes à cellules claires, les
sarcomes épithélioïdes sont plus fréquents chez l’adulte jeune (20-30
ans), alors que l’histiocytofibrome malin (MFH) prédomine
largement chez l’adulte plus âgé (50-60 ans).
Suivant les séries, la répartition entre les deux sexes est équilibrée
ou montre une discrète prédominance masculine.
Cette
prépondérance s’accentue, dans certaines séries, au-delà de 60 ans.
C - LOCALISATION
:
Près de 60 % des sarcomes des tissus mous (STM) siègent au niveau
des extrémités. Par ordre de fréquence décroissante ils intéressent :
les membres inférieurs (50 %), les régions profondes du tronc
(médiastin et rétropéritoine) (20 %), les membres supérieurs (15 %),
la paroi du tronc (10 %), la tête et le cou (5 %).
À peu près les trois
quarts des sarcomes sont profonds, situés sous l’aponévrose
superficielle.
D - FACTEURS ÉTIOLOGIQUES
:
Le mécanisme de la genèse des sarcomes des tissus mous est
inconnu.
Certains facteurs favorisants sont reconnus, d’autres sont
suspectés.
Le rôle exact d’un facteur précis est difficile à déterminer
en raison de la relative rareté des sarcomes, d’un temps de latence
important entre l’exposition à ce facteur et la survenue de la tumeur,
et de l’intrication possible de différents facteurs environnementaux
ou de prédisposition.
1- Irradiation et facteurs génétiques
:
Deux types de facteurs interviennent de manière certaine :
l’irradiation et les facteurs génétiques.
* Irradiation
:
Environ 0,1 % des patients ayant subi une radiothérapie intensive
pour une tumeur maligne et ayant survécu plus de 5 ans
développent en zone irradiée un sarcome des os ou des tissus mous.
Ces tumeurs, qui surviennent dans un délai d’au moins 3 ans après
l’irradiation, représentent environ 5 % des sarcomes.
Ce sont
principalement des histiocytofibromes malins, des ostéosarcomes
extrasquelettiques, et des fibrosarcomes.
Ils ont en commun une
forte agressivité et un pronostic défavorable.
* Facteurs génétiques
:
La large majorité des sarcomes apparaît sporadique, mais différentes
maladies génétiques sont associées au développement d’un
sarcome :
– dans la neurofibromatose de type 1 ou maladie de Von
Recklinghausen, maladie autosomique dominante, 1 à 5 % des
patients présentent des sarcomes des gaines des nerfs périphériques
correspondant à la dégénérescence maligne de neurofibromes
préexistants.
Le gène NF1, localisé sur le chromosome 17, est
considéré comme un gène suppresseur de tumeur qui interviendrait
dans la prolifération et/ou la différenciation cellulaire.
Le rôle précis
de la neurofibromine codée par ce gène reste à préciser.
L’altération
partielle et constitutionnelle du gène serait à l’origine des lésions
bénignes, tandis que son altération complète et acquise expliquerait
leur transformation maligne ;
– le syndrome de Li Fraumeni est un syndrome familial rare qui
comporte une fréquence élevée de tumeurs malignes chez des sujets
jeunes, dont des sarcomes des tissus mous et des os.
Ce syndrome
est associé à des modifications germinales et à des altérations
acquises du gène suppresseur de tumeur p53 ;
– dans le cadre du rétinoblastome héréditaire bilatéral une
complication possible est la survenue tardive d’un sarcome des
tissus mous, en dehors de toute zone d’irradiation.
La perte de
fonction (successivement constitutionnelle puis acquise) des deux
allèles du gène RB1, qui est également un gène suppresseur de
tumeur impliqué dans le contrôle de la prolifération cellulaire,
détermine la survenue des tumeurs rétiniennes et des sarcomes.
2- Autres facteurs
:
D’autres facteurs sont fréquemment ou plus épisodiquement
évoqués :
– les traumatismes, souvent mentionnés par les patients ou leur
entourage, semblent essentiellement révélateurs, attirant le plus
souvent l’attention sur une lésion préexistante au traumatisme.
Ils
ont exceptionnellement fait la preuve de leur responsabilité directe ;
– en dehors des angiosarcomes sur lymphoedème chronique, des
observations anecdotiques ont été publiées de sarcomes survenant
sur cicatrice d’une lésion ancienne ou sur une lésion chronique ;
– des produits chimiques, dont la dioxine, entrant dans la
composition de certains herbicides ont été incriminés comme étant à
l’origine d’une plus grande incidence des sarcomes des tissus mous
dans certaines catégories professionnelles (agriculteurs, forestiers)
sans que des preuves formelles aient été retenues ;
– le rôle de certains virus, parmi lesquels le cytomégalovirus, mais
aussi l’herpès virus (HHV8), est suspecté dans le sarcome de Kaposi
associé au syndrome d’immunodéficience acquise (sida).
Le virus Epstein-Barr est associé à certaines proliférations tumorales à
différenciation musculaires lisses dans le cadre de déficits
immunitaires acquis.
Imagerie
:
Toute masse des tissus mous persistante doit avoir une imagerie
adaptée avant un geste diagnostic ou thérapeutique (biopsie ou
chirurgie).
Se rappeler que l’hématome persistant n’existe
pas, a fortiori sans facteurs de risques (anticoagulants, hémophilie).
L’erreur la plus fréquente est d’opérer d’emblée sur un diagnostic
d’hématome ou d’abcès un sarcome.
L’effraction tumorale liée au
drainage contamine tout le foyer opératoire et les reprises sont
difficiles.
À l’échographie, la nécrose tumorale peut également en
imposer pour un hématome et il faut être prudent, cela d’autant que
l’on retrouve parfois un antécédent de traumatisme chez les patients
qui développent un sarcome.
Aucune méthode d’imagerie ne permet de différencier avec certitude
les lésions bénignes des lésions malignes, bien que l’imagerie par
résonance magnétique ait néanmoins considérablement amélioré les
performances.
Le rôle de l’imagerie est de suggérer une possible lésion maligne, de
déterminer l’extension locale et à distance afin d’adapter la
démarche thérapeutique et l’étendue du geste chirurgical, d’évaluer
la réponse au traitement, et de détecter les récidives.
A - BILAN LOCAL
:
1- Clichés standards
:
Ils n’ont qu’un rôle limité.
Ils sont néanmoins toujours réalisés pour
éliminer une tumeur osseuse envahissant les tissus mous, identifier
des calcifications ou un envahissement osseux de voisinage.
2- Échographie
:
Elle permet d’identifier une masse superficielle, et de détecter une
récidive.
Le champ de vue limité et le rôle de l’opérateur, ainsi
que la non-représentation spatiale pour le chirurgien, limitent son
utilité.
3- Scanner
:
Il n’est utilisé dans le bilan local que si l’imagerie par résonance
magnétique (IRM) n’est pas disponible, ou contre-indiquée.
C’est
une bonne technique d’étude du rétropéritoine, où ses performances
égalent l’IRM.
Il peut également guider des biopsies de récidives ou
de métastases.
4- Imagerie par résonance magnétique
:
C’est la méthode principale d’imagerie des tumeurs malignes des
parties molles, du fait de son contraste élevé et de la possibilité
d’acquisitions dans plusieurs plans sans déplacer le patient.
* Bilan initial
:
L’examen initial doit être pratiqué avant la biopsie.
Le protocole
comprend d’habitude des images pondérées T1 et T2, avec des
études dans des plans orthogonaux.
La tumeur maligne est
habituellement une masse hétérogène de signal faible en imagerie
pondérée T1, intense en imagerie T2, et qui augmente son signal
après injection de produit de contraste.
Un oedème péritumoral est
fréquemment rencontré.
La taille de la lésion est aussi un critère
d’évaluation simple, peu de lésions malignes mesurant moins de
3 cm de diamètre.
Cependant, il y a un recoupement trop
important pour permettre une réelle possibilité diagnostique.
Les
études dynamiques, étudiant la durée entre l’injection et l’apparition
de la prise de contraste, ou mieux entre les prises de contraste
artériel et tumorale, apportent des éléments utiles, mais pas de
certitude, les lésions malignes prenant souvent le contraste plus
tôt, et d’abord en périphérie.
L’extension locale est bien appréciée en IRM. Dans les parties molles,
elle est mieux étudiée sur les images pondérées T2, et en
intramédullaire sur les séquences pondérées T1.
De même, l’atteinte
cutanée, vasculaire ou nerveuse est bien appréciée.
* Évaluation de la chimiothérapie préopératoire
:
L’IRM permet de suivre les tumeurs sous chimiothérapie néoadjuvante.
La diminution de taille de la tumeur et sa moindre
vascularisation après injection de produit de contraste sont en faveur
d’un traitement efficace.
* Surveillance après traitement
:
L’IRM est la méthode de choix pour détecter les récidives après
traitement.
La séquence pondérée T2 est la plus utile pour exclure
une récidive : l’absence de signal intense permet d’affirmer l’absence
de récidive.
Un signal intense diffus sans masse traduit des lésions
inflammatoires, habituellement consécutives à la radiothérapie.
En
cas de masse de signal intense, on doit utiliser une injection de
produit de contraste qui permet de différencier hématome ou cavité
liquidienne postopératoire qui ne se modifient pas, d’une récidive
tumorale ou de processus inflammatoires qui prennent le produit
de contraste.
Cependant, certaines tumeurs contenant du mucus
(chondrosarcome, liposarcome) peuvent ne pas avoir de
rehaussement après injection.
Dans les cas difficiles où tumeur ou
pseudotumeur inflammatoire sont mal différenciées, une étude
dynamique peut être réalisée : la tumeur prend le produit de
contraste dans les deux premières minutes après injection,
l’inflammation le plus souvent plus tardivement.
B - BILAN À DISTANCE
:
La recherche de métastases pulmonaires repose sur les clichés
standard et le scanner thoracique.
On pratique un bilan d’extension lymphatique dans les sous-types lymphophiles.
Biopsie
:
A - RATIONNEL
:
La biopsie est indispensable dans la majorité des cas pour les raisons
suivantes :
– confirmer qu’il s’agit bien d’une tumeur conjonctive (la moitié des
tumeurs des tissus mous rétropéritonéaux sont des lymphomes, des
tumeurs germinales ou des métastases de carcinomes : ces tumeurs
ne justifient pas systématiquement d’un traitement chirurgical, en
tout cas d’emblée) ;
– savoir s’il s’agit d’une tumeur bénigne ou maligne ;
– définir d’emblée le type de chirurgie qui doit être réalisé. La
plupart des tumeurs conjonctives bénignes peuvent être énucléées
alors qu’un sarcome relève d’une chirurgie élargie.
Les reprises
d’exérèse élargies après chirurgie initiale inadaptée ne sont pas
toujours possibles et ne permettent pas toujours de se replacer dans
des conditions optimales en particulier quand il y a eu une effraction
tumorale ;
– discuter un traitement néoadjuvant (chimiothérapie intraveineuse,
perfusion de membre isolé, radiothérapie préopératoire) lorsqu’il
s’agit d’une tumeur localement évoluée.
Leurs indications
respectives, voire leurs associations dépendent de la
topographie de la tumeur, de son grade, de l’âge et des comorbidités
du patient, de l’existence de métastases synchrones…).
B - BIOPSIE CHIRURGICALE OU BIOPSIE PERCUTANÉE
(« TRU-CUT »)
:
Jusqu’à présent, le standard était de réaliser une biopsie chirurgicale
dans l’axe du membre, à l’aplomb de la tumeur afin que celle-ci
puisse être réséquée secondairement largement lors de l’exérèse.
Depuis quelques années, la divulgation de la technique de biopsie
sous scanner permet, en collaboration avec le radiologue et
l’anatomopathologiste, de réaliser cette biopsie sous anesthésie
locale avec un trocart protégé par un mandrin.
Les avantages et inconvénients respectifs de ces deux modalités
techniques doivent être connus pour en poser l’indication.
Seule la biopsie chirurgicale peut ramener un fragment suffisant qui
permet de grader la tumeur et d’en congeler une partie pour des
études cytogénétiques.
Les inconvénients de l’abord chirurgical sont le risque d’hématome,
de surinfection et d’envahissement secondaire de la cicatrice
cutanée.
De plus, si la lésion est profonde, la réalisation de la biopsie
chirurgicale impose une anesthésie générale, ce qui alourdit la prise en charge.
Mais le risque essentiel est une voie d’abord ectopique de
la biopsie par rapport à la cicatrice d’exérèse chirurgicale ultérieure
(cicatrice « esthétique » dans le pli inguinal par exemple).
Ces voies
d’abord ectopiques peuvent définitivement compromettre un
traitement fonctionnel ultérieur.
L’alternative est de réaliser la biopsie par voie percutanée, sous
scanner ou sous échographie si la lésion est profonde (ce qui évite
une anesthésie générale), et de réserver la biopsie chirurgicale aux
échecs de la biopsie percutanée.
L’abord percutané évite les complications locorégionales de l’abord
chirurgical et l’anesthésie générale.
Cette technique est beaucoup
plus simple dans le cas des tumeurs rétropéritonéales où elle évite
d’une part le risque d’essaimage intrapéritonéal d’une biopsie
chirurgicale transpéritonéale et d’autre part des laparotomies inutiles
(près de la moitié des tumeurs rétropéritonéales ne sont pas des
sarcomes et justifient d’un traitement médical : lymphomes, tumeurs
germinales).
L’organisation est plus simple, ce qui permet une mise
en pratique et une divulgation plus large.
L’inconvénient est qu’il n’est pas toujours possible de grader la
tumeur car il y a moins de matériel biopsique qu’avec l’abord
chirurgical, cependant, elle permet le plus souvent de faire le
diagnostic de sarcome.
Les équipes du Memorial Sloan Kettering de
New York et du Royal Marsden de Londres ont montré que la
biopsie percutanée permettait le diagnostic de sarcome dans 95 %
des cas et que le grade était correct dans 62 à 80 % des cas.
La biopsie sous scanner peut être réalisée en première intention car
elle permet le plus souvent de faire le diagnostic de sarcome et
d’éliminer d’autres pathologies.
Secondairement, l’indication d’une biopsie chirurgicale peut être
discutée en comité multidisciplinaire spécialisé.
C - TECHNIQUE DE LA BIOPSIE
:
1- Écueils à éviter
:
Les écueils à éviter sont :
– ne pas faire la biopsie avant une imagerie adaptée ;
– ne pas prendre de décision thérapeutique sur un examen
extemporané.
Les tumeurs conjonctives exposent aux risques
d’erreurs entre bénin et malin.
S’il s’agit d’une tumeur maligne, c’est
l’immunohistochimie sur l’examen définitif qui permet de s’assurer
que c’est bien un sarcome et non une tumeur maligne qui ne
justifierait pas d’un traitement chirurgical (lymphome par exemple).
L’étude cytogénétique permet, dans certains cas, de préciser le soustype
histologique ;
– ne pas compromettre ou compliquer le traitement ultérieur par
une incision inadaptée (trop grande et se rapprochant d’un drainage
tumoral, mal placée ou dans un axe inadéquat et pouvant nécessiter
un lambeau lors de la chirurgie d’exérèse) ou par une complication
(infection, hématome, envahissement de la cicatrice cutanée) ;
– faire un prélèvement insuffisant ne permettant pas un travail histodiagnostique complet. Si une biopsie sous scanner a été
effectuée, il faut soit la recommencer avec des trocarts d’un diamètre
correct, soit effectuer une biopsie chirurgicale.
L’extemporané peut
permettre de s’assurer qu’il y a suffisamment de matériel biopsique.
2- Technique de la biopsie sous scanner
:
La biopsie sous scanner se fait sous anesthésie locale.
L’orifice de
ponction doit être situé au niveau de la future cicatrice d’exérèse de
façon à pouvoir être repris secondairement.
Il faut donc en discuter
préalablement avec le chirurgien qui fera l’exérèse.
Ce point d’entrée
doit être tatoué.
Il faut utiliser des aiguilles coaxiales d’un diamètre
suffisant (16 G) et prendre plusieurs carottes pour rapporter
suffisamment de matériel.
Il ne faut pas ponctionner dans une zone
nécrotique et s’aider de l’examen extemporané pour s’assurer qu’il
y a suffisamment de matériel.
3- Technique de la biopsie chirurgicale
:
* Biopsie incisionnelle
:
Elle doit obéir à des règles strictes dont le non-respect peut
compromettre le traitement, voire être à l’origine d’amputations
iatrogènes :
– faire un abord tumoral le plus direct possible, à l’aplomb de la
tumeur pour permettre une exérèse de l’ensemble du trajet cutané
et profond lors du temps thérapeutique par une incision ogivale
circonscrivant la cicatrice de biopsie ;
– pratiquer l’incision dans l’axe des membres ou des côtes.
Dans le
cas des tumeurs rétropéritonéales, la difficulté de reprendre une
cicatrice de biopsie rétropéritonéale lors du temps d’exérèse (la voie
d’abord n’est pas forcément la même) fait privilégier les biopsies
sous scanner car le trocar de ponction est protégé par un mandrin et
on peut se passer de reprendre le trajet de biopsie ;
– effectuer la cicatrice de biopsie la plus petite possible (incision de
1 à 2 cm) pour pouvoir facilement passer à distance lors de l’exérèse
chirurgicale (une grande incision se rapproche d’un « drainage »
chirurgical) ;
– ne pas disséquer ou décoller les plans anatomiques mais traverser
l’aponévrose puis les muscles en « dissisant » dans leur axe les fibres
jusqu’à la tumeur ;
– aborder le seul compartiment atteint afin de ne pas contaminer
un compartiment adjacent par la biopsie (exemple : effraction d’une
membrane interosseuse d’un membre) ;
– éviter de biopsier à proximité d’un pédicule vasculonerveux
majeur ;
– éviter de drainer. Si un drainage est nécessaire, faire sortir le drain
par la cicatrice ou à proximité afin que son trajet puisse être enlevé
ultérieurement ;
– si besoin, faire réaliser une analyse extemporanée des tissus
prélevés, non pour obtenir un diagnostic dans l’immédiat, mais pour s’assurer que le tissu prélevé contient bien des fragments tumoraux
analysables (et non seulement de la nécrose ou de la stroma-réaction
périphérique).
* Biopsie exérèse
:
Elle est réservée aux petites tumeurs.
Elle correspond à l’énucléation
de la lésion. Il ne faut pas faire d’effraction tumorale.
Histologie
:
A - GÉNÉRALITÉS
:
L’identification des tumeurs des tissus mous repose essentiellement
sur un examen microscopique standard rigoureux.
La lecture des
prélèvements de ces tumeurs rares nécessite de l’habitude, et il est
important de demander facilement une relecture des lames en cas
de doute.
L’immunohistochimie est actuellement la technique
spéciale la plus utilisée en complément de la morphologie.
Il est
donc indispensable d’attendre le résultat définitif de
l’anatomopathologie et de ne pas prendre de décision sur un examen
extemporané.
Les sarcomes des tissus mous sont définis comme les tumeurs
malignes développées aux dépens du tissu conjonctif commun extrasquelettique et de ses variétés spécialisées : tissu adipeux, tissu
musculaire strié, vaisseaux et système nerveux périphérique.
En sont exclus les sarcomes des viscères et des os qui posent des
problèmes diagnostiques, thérapeutiques et évolutifs différents, de
même que les tumeurs du tissu lymphoïde et du système nerveux
central.
B - DIAGNOSTIC
:
Le diagnostic anatomopathologique nécessite un prélèvement
représentatif, il est avant tout basé sur l’analyse morphologique
microscopique standard d’un matériel prélevé et traité dans de
bonnes conditions techniques.
L’examen des coupes colorées
habituellement à l’hématoxyline-éosine-safran (HES) recueille sur la
lésion des informations à différents grandissements intéressant sa
taille, sa situation (cutanée, sous-cutanée, profonde), l’aspect des
bords et la cellularité, l’architecture générale, l’aspect des cellules et
du stroma, la présence de nécrose, les aspects et anomalies des
noyaux et des cytoplasmes, la fréquence des mitoses.
Ces lésions
rares posent des problèmes spécifiques au pathologiste qui doit
procéder par étapes et répondre successivement à trois ordres de
questions.
1- S’agit-il réellement d’une tumeur,
ou s’agit-il d’une lésion pseudotumorale ?
Les lésions pseudotumorales réactionnelles (fasciites
pseudosarcomateuses et lésions apparentées : myosite proliférative,
nodule à cellules fusiformes postopératoire) ont un aspect inquiétant
et trompeur par leur croissance rapide, une importante cellularité,
des atypies nucléaires et un index mitotique élevé qui peuvent en
imposer pour une tumeur maligne.
Il est capital de reconnaître ces
lésions parfaitement bénignes qui guérissent après simple exérèse
ou régressent parfois spontanément.
Il est fondamental que le
pathologiste soit parfaitement informé du contexte clinique et réalise
un examen microscopique attentif en s’attachant tout
particulièrement à l’aspect architectural de la lésion.
L’immunohistochimie est, dans ces cas, d’un intérêt limité.
Elle doit
être pratiquée et interprétée avec circonspection : ces lésions sont
riches en myofibroblastes et le profil immunohistochimique avec une
positivité pour l’actine musculaire lisse n’est pas spécifique.
2- S’il y a tumeur, est-elle maligne ou bénigne,
d’aspect atypique ou rare ?
Le diagnostic de malignité peut être difficile en particulier pour les
tumeurs graisseuses : lipome ou liposarcome de bas grade « lipomalike
».
L’aspect radiologique (travées musculaires au sein de la lésion
en faveur du lipome), la taille et la topographie (les lésions
profondes, intramusculaires, de plus de 5 cm sont suspectes) ou
l’évolution (la récidive d’un « lipome » doit faire suspecter un
liposarcome) peuvent aider au diagnostic.
La découverte de lipoblastes est nécessaire pour faire le diagnostic histologique de
liposarcome : comme ils peuvent être rares au sein d’une tumeur
très bien différenciée, cela conduit souvent à une sous-évaluation
initiale du diagnostic.
La cytogénétique peut aider au diagnostic de
liposarcome bien différencié.
L’étude cytogénétique moléculaire
révèle précocement des anomalies nucléaires non visibles
optiquement (chromosomes en anneaux surnuméraires,
amplification sur le chromosome 12).
Ces anomalies cytogénétiques
sont actuellement effectuées dans le cadre de la recherche mais
devraient être disponibles dans la pratique courante dans un avenir
proche.
De même, le diagnostic de malignité peut être difficile
également pour certaines tumeurs à cellules fusiformes.
Dans le cas de certaines tumeurs des nerfs périphériques comme le schwannome cellulaire ou le schwannome avec dystrophies
nucléaires, l’immunohistochimie peut apporter une aide efficace : la
protéine S100 est habituellement fortement positive dans la majorité
des cellules tumorales et ce type de résultat peut constituer un
argument décisif pour le diagnostic de bénignité.
Certaines tumeurs
rares rencontrées dans les tissus mous peuvent présenter un profil immunohistochimique particulier : le paragangliome contient des
cellules principales exprimant fortement la chromogranine A et des
cellules sus-tentaculaires exprimant la protéine S100.
La connaissance des formes atypiques des tumeurs bénignes
(exemple : forme cellulaire d’un histiocytofibrome cutané) et des
tumeurs rares (exemple : lipome à cellules pléiomorphes) est la
meilleure parade à cette possibilité de confusion et d’erreur.
Il faut
savoir interpréter les atypies nucléaires et la cellularité en fonction
du contexte et rechercher attentivement la nécrose tumorale qui
constitue un excellent signe en faveur de la malignité.
3- En cas de tumeur maligne : s’agit-il d’un sarcome ?
Devant une tumeur maligne indifférenciée, il convient d’éliminer
formellement les tumeurs non conjonctives : carcinome, mélanome,
ou lymphome qui peuvent prendre un aspect architectural (aspect
de MFH, d’hémangiopéricytome…) et cellulaire (cellules
pléiomorphes, fusiformes, rondes…) trompeur très évocateur d’un
sarcome.
Une plus grande attention doit être portée au contexte
clinique (antécédents, localisation à la peau ou aux muqueuses,
topographie ganglionnaire ou proximité d’organes), à la qualité de
l’échantillonnage et à la recherche de certains éléments
microscopiques comme une composante épithéliale ou mélanique
typique.
En dehors du recours aux colorations spéciales (exemple : recherche
de mélanine), c’est surtout l’immunohistochimie qui apporte une
aide précieuse.
Attendre le résultat définitif est essentiel et il ne faut
pas prendre de décision sur un examen extemporané.
L’immunohistochimie permet dans la majorité des cas d’identifier
un carcinome (cytokératine et epithelial membrane antigen [EMA]
positifs), un mélanome (vimentine, protéine S100 et HMB45 positifs),
un lymphome (CD45 positif).
Toutefois, il existe des cas dont
l’identification reste difficile : certains carcinomes (rein, poumon,
endomètre, thyroïde) exprimant la vimentine, certains sarcomes
exprimant les marqueurs épithéliaux (sarcome épithélioïde,
synovialosarcome), certains lymphomes n’exprimant pas l’antigène
leucocytaire commun (CD45).
Dans de telles circonstances, c’est
l’évaluation de l’importance réciproque des caractères cliniques,
morphologiques standards et immunohistochimiques qui conduit à
suggérer le diagnostic le plus plausible.
C - CLASSIFICATION
:
1- Références
:
La classification de référence des sarcomes des tissus mous est la
classification de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Proposée initialement en 1969, elle a été révisée en 1994.
Elle
répertorie les tumeurs bénignes et malignes en 15 grands types et
environ 170 sous-types.
La complexité de cette
classification se reflète dans la difficulté de la reproductibilité du
diagnostic de type histologique avec des discordances entre
pathologistes d’autant plus grandes qu’il s’agit de pathologistes non
spécialisés dans ce domaine.
Cette classification, dite à l’origine « histogénétique », fait référence
à la différenciation en comparant la tumeur au type cellulaire qui lui
ressemble le plus dans les tissus normaux (classification
« analogique »).
Elle ne préjuge pas de la cellule, du tissu ou de la
structure qui peuvent avoir donné naissance à la tumeur.
Classer un sarcome revient donc à déterminer le phénotype des
cellules tumorales (fibroblastique, musculaire lisse ou strié…) et cette
détermination est d’autant plus aisée que la lésion est bien
différenciée et qu’elle présente un profil morphologique facilement
reconnaissable.
Quelques colorations spéciales restent d’utilisation courante et
peuvent rendre service dans des situations précises : recherche de
glycogène par la coloration au periodic acide schiff (PAS), de mélanine par la
coloration de Fontana, d’une trame de réticuline intercellulaire
par imprégnation argentique.
2- Immunohistochimie
:
Elle est actuellement la technique la plus importante.
Elle est surtout
utile pour confirmer un type de sarcome suspecté sur la
morphologie, mais sa contribution dépend du type histologique
envisagé.
Elle est souvent décisive pour un rhabdomyosarcome
(desmine positive dans environ 90 % des tumeurs), un
synovialosarcome (vimentine, cytokératine et EMA positifs), un
sarcome vasculaire (sensibilité et spécificité du CD31 pour une
différenciation vasculaire) et certains sarcomes rares comme le
sarcome d’Ewing et les neuroépithéliomes des tissus mous
(détection par l’anticorps O13 de la protéine membranaire
correspondant au gène MIC2 hyperexprimé).
Elle peut apporter une
contribution pour un léiomyosarcome (desmine, actine musculaire
globale, actine musculaire lisse positives), une tumeur des gaines
des nerfs périphériques, ou un chondrosarcome extrasquelettique
(protéine S100 positive).
3- Cytogénétique
:
Elle a permis de mettre en évidence des anomalies chromosomiques
clonales caractéristiques de certains types histologiques de sarcomes.
La mise en évidence d’une telle anomalie peut rendre
service dans le cas d’un sarcome à cellules rondes qui s’avérera être
un sarcome d’Ewing extrasquelettique par la démonstration d’une
translocation t (11;22) (q24;q12), ou d’un sarcome à cellules
fusiformes correspondant à un synovialosarcome monophasique par
la mise en évidence d’une translocation (X;18) (p11;q11).
Délicates car nécessitant du matériel frais et rapidement mis en
culture, ces techniques ont tendance à être complétées et remplacées
par les techniques de la biologie moléculaire (Reverse transcriptionpolymerase
chain reaction [RT-PCR], hydridation par fluorescence in
situ [FISH]) qui permettent d’utiliser du matériel congelé et sous
certaines conditions du matériel fixé et inclus en paraffine.
C’est en
particulier le cas du sarcome d’Ewing et des tumeurs apparentées
où des transcrits anormaux correspondant aux gènes de fusion des
remaniements chromosomiques peuvent être mis en évidence.
D - GRADE
:
La définition du grade (en France, le plus utilisé est celui de la
Fédération nationale des centres de lutte contre le cancer [FNCLCC])
tient compte de trois paramètres : le nombre de mitoses, le
pourcentage de nécrose et la différenciation.
Les tumeurs de bas
grades ont un risque métastatique faible et le pronostic est surtout
local.
Les tumeurs de hauts grades ont un risque métastatique élevé.
Le grade est défini sur la tumeur initiale.
Les récidives ne sont pas
gradées, mais si elles l’étaient, le grade serait souvent plus élevé.
Les tumeurs de haut grade de malignité localement évoluée
doivent faire discuter une chimiothérapie néoadjuvante en fonction
des comorbidités du patient (voir paragraphe Chimiothérapie).