Principes du traitement des sarcomes des tissus mous de l’adulte
(Suite) Cours de Chirurgie
Facteurs pronostiques
:
Les sarcomes des tissus mous ont un potentiel évolutif à la fois local
et métastatique conditionné essentiellement par les facteurs
pronostiques suivants : la taille de la lésion, le caractère profond
ou superficiel de la lésion, le développement intra- ou extracompartimental, le grade histologique et le caractère complet
ou incomplet de l’exérèse chirurgicale.
L’établissement de facteurs pronostiques reproductibles permet de sélectionner des sousgroupes
de patients susceptibles de bénéficier d’un traitement
adjuvant.
A - RECHUTE LOCALE
:
La qualité de l’exérèse chirurgicale lors du traitement initial est le
seul facteur retrouvé de façon constante et significative dans toutes
les études comportant une analyse multivariée.
L’exérèse large (taux
de rechute locale de 5 à 15 %) doit être privilégiée au détriment des
exérèses marginales toujours inadéquates (50 à 90 % de rechute
locale), et a fortiori des exérèses intracapsulaires qui ne sont autres
que de simples biopsies chirurgicales.
Les traitements adjuvants
actuels ne rattrapent en aucun cas une chirurgie de mauvaise
qualité, et une reprise systématique du lit tumoral doit être proposée
si la tumeur a été ouverte pendant l’intervention, si l’opérateur n’a
pas envisagé qu’il pouvait s’agir d’un sarcome en préopératoire, et
si l’exérèse est incomplète ou marginale.
B - RISQUE MÉTASTATIQUE
:
Le facteur pronostique le plus important est le grade histologique
(90, 60 et 35 % de survie à 5 ans respectivement pour les grades 1,
2 et 3).
L’influence de la rechute locale sur la survie globale est
diversement appréciée dans la littérature.
Dans de nombreuses
séries rétrospectives récentes et portant sur un nombre important de
patients, la rechute locorégionale est un facteur pronostique
indépendant défavorable pour la survie.
Technique chirurgicale
:
A - EXTENSION LOCORÉGIONALE DES SARCOMES DES
TISSUS MOUS :
La connaissance du mode d’extension locale des sarcomes des tissus
mous est indispensable pour comprendre les principes qui régissent
l’exérèse chirurgicale.
L’extension locorégionale des sarcomes des tissus mous a été
particulièrement étudiée par Bowden et Enneking.
Les sarcomes des
tissus mous croissent par poussée centrifuge à l’encontre des tissus
adjacents.
Contrairement aux carcinomes, l’aspect macroscopique
d’une tumeur primitive est rarement infiltrant, ce qui donne une
fausse impression de bénignité.
Cette poussée entraîne, en
périphérie de la tumeur, une compression des tissus, d’où
l’apparence d’une délimitation nette.
La pseudocapsule est donc
constituée de cellules tumorales densifiées.
La tumeur est d’ailleurs
habituellement clivable au niveau de cette stroma-réaction (on parle
d’énucléation).
En périphérie de cette pseudocapsule, l’examen
microscopique retrouve des éléments tumoraux.
On comprend que
l’énucléation simple en passant dans le plan de clivage naturel laisse
en place des reliquats tumoraux microscopiques sources de
récidives.
Des nodules satellites tumoraux peuvent migrer à distance
de la tumeur primitive (skip métastases), surtout en cas de haut
grade de malignité tumorale.
Un autre mode de propagation
locorégionale, indépendant du grade de malignité, est la migration
des cellules tumorales le long de plans anatomiques de résistance,
tels les fascias et aponévroses musculaires, les cloisons
intermusculaires, les gaines vasculaires et nerveuses, le périoste, le
trajet constitué par un drain chirurgical.
Les barrières anatomiques
ne sont que rarement et tardivement traversées ; elles déterminent
des compartiments et sont à la base de la classification d’Enneking.
L’existence de ces barrières anatomiques est l’une des raisons qui
rendent difficile d’apprécier la qualité de l’exérèse chirurgicale
uniquement sur des marges données en centimètres ou millimètres.
La texture du tissu constituant la marge chirurgicale est
probablement un facteur important mais cela n’a pas été démontré
La classification d’Enneking est avant tout chirurgicale.
Elle désigne
le compartiment comme cible du traitement.
Cette notion de
compartiment s’applique essentiellement aux sarcomes des membres
où des loges anatomiques bien délimitées sont décrites.
Un sarcome
situé dans une loge musculaire est intracompartimental, en
revanche, un sarcome situé dans la graisse qui entoure le nerf
sciatique est extracompartimental.
Les sarcomes rétropéritonéaux
sont également extracompartimentaux.
L’extension ganglionnaire est rare dans les sarcomes des tissus mous
de l’adulte (inférieure à 5 %).
L’incidence d’envahissement
ganglionnaire est plus élevée pour certaines formes histologiques :
sarcome épithélioïde, sarcome synovial, sarcomes à cellules claires,
rhabdomyosarcome.
B - DÉVELOPPEMENT DES TECHNIQUES
MÉDICOCHIRURGICALES :
Même en cas de chirurgie radicale (amputation de membre), environ
30 % des patients développent des métastases conduisant au décès
dans la majorité des cas.
Cela explique que depuis 25 ans, on assiste
à une diminution du caractère mutilant de la chirurgie des sarcomes
de membres rendue possible grâce au développement des
techniques chirurgicales et aux associations thérapeutiques
médicochirurgicales.
En 1975, Suit obtenait des taux de survie équivalents chez des
patients irradiés après chirurgie extracompartimentale (c’est-à-dire
en enlevant toute la ou les loges musculaires sièges de la tumeur et
en sectionnant les insertions tendineuses) et chez des patients
amputés.
Ces résultats ont été confirmés en 1983 par Rosenberg
dans une étude randomisée.
En 1986, Collin et Henneking ont
démontré qu’une exérèse large (fonctionnellement moins mutilante :
exérèse de la tumeur entourée d’une marge de tissu sain) suivie
d’une irradiation systématique assurait les mêmes taux de contrôle
local qu’une chirurgie extracompartimentale associée à une
irradiation systématique.
La chirurgie doit cependant être impérativement carcinologique et
répondre à des règles strictes afin d’éviter aux patients des exérèses
itératives pouvant aboutir à des gestes mutilants qui auraient pu
être évités.
Les facteurs de risque de récidive locale liés au traitement et au fait
qu’il s’agit déjà d’une récidive sont des marges chirurgicales
insuffisantes.
L’objectif chirurgical est donc double : d’une part obtenir des marges
histologiques saines et éviter toute effraction tumorale et d’autre part
maintenir la fonction.
Le développement récent de l’utilisation de
lambeaux de reconstruction permet de respecter ce contrat et
d’éviter des indications d’amputation sur les tumeurs localement
évoluées ou les récidives, en particulier en territoire irradié.
En effet,
la possibilité d’apporter un lambeau de couverture musculocutané
sur le site d’exérèse permet au chirurgien oncologue d’effectuer
d’emblée l’exérèse optimale (R0) même dans le cas de tumeurs
localement évoluées ou de reprise après un geste initial inadéquat
(par exemple : drainage tumoral pour un diagnostic supposé
d’hématome avec envahissement secondaire de la peau, liposuccion
avec envahissement des zones décollées et des orifices de trocart,
cicatrices étagées ou transversales à l’axe du membre).
C - TRAITEMENT CHIRURGICAL DE LA TUMEUR PRIMITIVE
:
Le traitement chirurgical ne doit pas se décider sans un bilan
d’extension complet (scanner thoracique ++).
L’essaimage est
hématogène : métastases pulmonaires essentiellement, plus
métastases dans les tissus mous et l’abdomen dans certains soustypes
histologiques (liposarcomes myxoïdes, sarcomes à cellules
claires).
Les métastases ganglionnaires sont rares et concernent le
plus souvent certains sous-types histologiques : synovialosarcomes,
sarcomes épithélioïdes, sarcomes à cellules claires,
rhabdomyosarcomes.
Il ne faut pas faire un traitement chirurgical mutilant si le patient est
métastatique.
1- Règles générales de l’exérèse chirurgicale
:
La voie d’abord doit se faire dans l’axe des membres, de façon à
pouvoir repérer en premier les structures éventuellement limitantes que sont les vaisseaux et les nerfs et à pouvoir sectionner le ou les
muscles en amont et en aval de la tumeur.
Dans le cas des sarcomes
de la paroi thoracique, l’incision doit être faite dans l’axe des côtes
de façon à pouvoir les réséquer si nécessaire.
La cicatrice doit être axiale sauf dans les plis de flexion, de façon à
pouvoir être reprise facilement en cas de récidive.
Il faut donc
proscrire les plasties types plasties en Z.
La chirurgie doit être effectuée en un bloc, tumeur entourée de tissu
sain d’emblée.
Les zones de section étant bien définies sur
l’imagerie préopératoire en fonction des contraintes anatomiques, il
n’est donc pas indiqué de faire des recoupes musculaires (qui sousentendent
que l’on a d’abord énucléé la tumeur puis effectué les
recoupes pour réséquer le « coquetier » de la tumeur, ce qui expose
en pratique à une contamination du champ opératoire même si les
marges définies in fine sur les recoupes par l’anatomopathologiste
sont saines).
Lors de l’intervention, des clips de repérage sont placés au niveau
des sites où les marges sont minimales.
On effectue le moins de décollements cutanés possible afin de limiter
les sites opératoires susceptibles de récidives.
Dans les cas
d’envahissement musculocutané important, il faut prévoir en
préopératoire la mise en place d’un lambeau musculocutané de
couverture.
Dans certains cas, il existe des envahissements
vasculaires pouvant amener à la réalisation de pontages.
Le curage ganglionnaire n’est pas systématique.
Les drainages sont systématiquement placés dans l’axe et à
proximité de la cicatrice afin de pouvoir être repris facilement en
cas de récidive et limiter les champs d’irradiation postopératoire.
La pièce d’exérèse est envoyée à l’anatomopathologie fixée sur un
liège avec schéma permettant de parfaitement orienter la pièce et en
ayant repéré les marges minimales par des fils.
2- Types d’exérèses chirurgicales
:
* Généralités
:
Les différentes modalités d’exérèse sont définies par rapport aux
notions anatomiques d’extension tumorale énoncées préalablement
et en fonction de la marge minimales d’exérèse.
Toutes ne sont pas
carcinologiques.
Les anciennes publications comparaient traitement
conservateur versus amputation.
Depuis, il est clairement apparu
que ce sont les marges histologiques qui sont le facteur
thérapeutique essentiel.
Or, une amputation peut être marginale sur
le plan histologique et une chirurgie conservatrice peut être large
avec des marges saines.
Le standard actuellement est d’effectuer une
exérèse large avec des marges histologiques saines de manière circonférencielle.
La quantité de cette marge n’est pas encore définie
de manière précise.
C’est la marge minimales qui compte.
Le caractère « large » de la chirurgie ne préjuge pas du type
d’intervention mais de l’étude anatomopathologique des marges
chirurgicales.
Les techniques de reconstruction par lambeaux et
pontages vasculaires ont élargi les possibilités de chirurgie large
mais conservatrice du membre dans les cas de tumeurs localement
évoluées ou anatomiquement mal placées.
Dans les séries récentes,
les taux d’amputation pour des tumeurs primitives sont inférieurs à
10 %.
* Exérèse intracapsulaire (effraction tumorale)
:
Elle correspond à une exérèse par fragmentation de la tumeur ou à
un drainage de la tumeur (sur un diagnostic préopératoire erroné le
plus souvent, par exemple d’hématome ou d’abcès).
Lorsqu’il n’est pas explicite dans le compte rendu opératoire, ce type
d’exérèse peut être suspecté si l’anatomopathologiste décrit dans son
compte rendu plusieurs fragments tumoraux.
Une effraction
tumorale expose à une poursuite évolutive plus ou moins rapide en
fonction du grade de la tumeur.
Il est important de la définir, car il
s’agit d’une indication formelle de reprise chirurgicale et la
radiothérapie ne pallie pas une chirurgie inadaptée (mais peut
compliquer la reprise).
* Exérèse marginale (ou énucléation ou biopsie-exérèse)
:
L’exérèse marginale correspond à l’ablation de la tumeur sans tissu
sain en périphérie en passant dans le plan de clivage naturel.
Le
plan de clivage se situe au niveau de la pseudocapsule, laissant
toujours en place un reliquat tumoral microscopique dans les tissus
adjacents.
Pratiquée seule, l’énucléation expose le patient à un risque
de rechute locale de 50 à 93 % (Yang, 1993).
Techniquement, la
difficulté est de ne pas énucléer la tumeur qui, spontanément, glisse
le long des plans musculaires.
* Exérèse large : c’est le standard chirurgical
La tumeur est emportée en bloc avec une marge de tissu sain sur
toute sa surface, sans être vue au cours de la dissection.
Le caractère
« large » de la chirurgie ne dépend pas de ce qu’on enlève, mais de
la qualité des marges chirurgicales définie par l’anatomopathologiste
sur l’ensemble de la périphérie de la tumeur.
Ce n’est donc pas parce
que la pièce est volumineuse que l’exérèse est large.
L’exérèse large
a donc une définition clinique et anatomopathologique.
Paradoxalement, une désarticulation iliaque peut être marginale si
la tranche de section est envahie.
La quantité de tissu sain à obtenir
autour de la tumeur varie largement selon les auteurs.
Par ailleurs,
aucune publication ne tient compte de la nature du tissu qui
constitue cette marge.
L’exérèse large consiste à emporter 1 à 2 cm
de tissu sain dans tous les plans et/ou une barrière anatomique (par
exemple, l’aponévrose).
Réaliser une exérèse large est
évidemment plus simple et plus facilement fonctionnel lorsque la
tumeur est petite ou intracompartimentale, située dans le chef
musculaire d’un muscle volumineux comme le quadriceps que
lorsqu’elle est extracompartimentale (par exemple rétropéritonéale)
ou située à proximité de structures limitantes (vaisseaux, nerfs).
Lorsqu’on réalise une exérèse large, on ne va pas « disséquer » la
tumeur, on passe d’emblée à distance à des niveaux préalablement
définis sur l’imagerie.
De plus, disséquer la tumeur à son contact
expose au risque de l’ouvrir car ces lésions, souvent nécrotiques,
peuvent être friables.
Ouvrir la tumeur ensemence le champ
opératoire de cellules tumorales, et faire des recoupes musculaires
dans le même temps opératoire à la suite d’une effraction n’évite
donc pas les reliquats microscopiques.
* Exérèse extracompartimentale
:
Décrite par Bowden et développée par Enneking, elle vise à enlever
la totalité d’un compartiment avec ses structures anatomiques
limitantes et la totalité du contenu, emportant les muscles et leurs
aponévroses de leur origine à leur terminaison et emportant les
troncs vasculonerveux et le squelette inclus ou au contact.
Comme
les tendons sont désinsérés au niveau des articulations, les champs
d’irradiation qui incluent la cicatrice d’exérèse sont plus larges et comprennent les articulations.
Les inconvénients de ce type
d’exérèse sont donc l’importance des séquelles fonctionnelles.
Ce
type d’intervention ne correspond plus au standard chirurgical.
* Amputations ou désarticulations
:
Il s’agit d’un type d’intervention qui ne préjuge pas de son caractère
large ou non.
Des marges larges passant en tissu sain sont plus
facilement obtenues par amputation (surtout si la lésion est distale)
expliquant un taux de rechute locale de 0 à 20 %.
Mais une
désarticulation carcinologique (marges saines) n’est pas toujours
possible car la tumeur peut s’étendre au niveau de section théorique
(en particulier dans des cas de récidive) (par exemple, une tumeur
de la racine de la cuisse s’étendant au-dessus du niveau de section
iliaque d’une désarticulation).
Lorsque l’on réalise un traitement
conservateur pour une récidive proximale de sarcome de membre, il
faut faire attention de ne pas compromettre une amputation
carcinologique ultérieure par des prolongations inadaptées
d’incisions chirurgicales.
3- Reconstructions
:
L’apport du lambeau évite des décollements cutanés excessifs qui
sont le site potentiel de récidive locale et permet l’exérèse de
cicatrices initiales inadaptées en particulier perpendiculaires à l’axe
du membre ou à la suite de plastie en Z (la reprise d’exérèse dans
ces cas impose la double contrainte d’effectuer l’exérèse de la
cicatrice précédente et des zones de décollement et d’effectuer
l’exérèse élargie dans l’axe du membre).
L’apport de tissu sain sur
ces sites d’exérèse étendus permet une cicatrisation rapide en évitant
une fermeture sous tension ou un espace mort qui sont sources de
désunions cutanées et qui retardent l’irradiation postopératoire si
elle est nécessaire.
Les lambeaux permettent des exérèses en
territoire irradié.
Les récidives en territoire irradié nécessitent
l’apport de tissus bien vascularisés pour éviter le risque de désunion
de la cicatrice en particulier lorsqu’elles exposent des axes
vasculaires majeurs ou des pontages.
Le prélèvement du lambeau doit être effectué avec une
instrumentation différente de celle de l’exérèse en séparant les
champs s’il s’agit d’un lambeau libre.
Par rapport aux lambeaux pédiculés sur leur axe vasculaire,
l’utilisation de lambeaux libres (micro-anastomose de l’axe
vasculaire du lambeau pris à distance avec un pédicule vasculaire
situé à proximité du site d’exérèse) apporte plusieurs avantages qui
doivent être discutés au moment du choix de la technique de
couverture.
Les lambeaux libres sont toujours réalisables même dans
des régions où les lambeaux pédiculés ne seraient pas disponibles
ou bien lorsque les interventions précédentes ont éliminé cette
solution locorégionale.
Ils permettent de ne pas aggraver (par la
prise du lambeau elle-même s’il est pédiculé) la fonction d’un
membre déjà altérée par l’exérèse chirurgicale.
Ils évitent de mettre
en contact le site d’exérèse et le site de prélèvement, ce qui diminue
l’aire de la cicatrice et permet de diminuer le champ d’irradiation.
Par ailleurs, cela évite de devoir reprendre les deux en même temps
en cas de récidive.
D - REPRISES D’EXÉRÈSES ÉLARGIES
:
1- Geste initial
:
Fréquemment, les patients sont opérés sans imagerie ni diagnostic
histologique, sur des diagnostics d’hématomes ou d’abcès, ce qui
entraîne des gestes inadaptés tels que drainage ou parfois
liposuccion, ce qui favorise l’essaimage local et le risque de récidive.
Dans l’ensemble des séries de reprises systématiques après chirurgie
première inadaptée, la fréquence des reliquats tumoraux
microscopiques visibles à l’examen microscopique est de 50 %.
L’irradiation ne pallie pas une chirurgie inadaptée et on s’expose
aux récidives précoces en territoire irradié.
La survie sans récidive
locale est améliorée après reprise systématique.
Lorsqu’il n’existe
pas de reliquats tumoraux sur la pièce de reprise après une chirurgie
inadaptée, cela ne signifie pas qu’il n’y en a pas, mais que les coupes
de l’anatomopathologiste ne sont pas passées dessus ceci d’autant
que les reliquats, lorsqu’ils sont microscopiques, sont difficiles à
identifier dans la fibrose inflammatoire de l’intervention précédente.
2- Indications de la reprise
:
Pour porter l’indication d’une reprise d’exérèse, il est indispensable
d’avoir le compte rendu opératoire et le compte rendu
anatomopathologique.
Si le patient a été opéré d’emblée sans penser à une lésion maligne
et qu’il a été effectué une énucléation (exérèse type R1) sans
ouverture de la pièce, on sait que l’on a 60 % de risques de récidives
locales si on ne fait pas de reprise élargie.
Il ne faut pas attendre la
récidive locale car elle peut être multifocale ou comportant des
clones cellulaires plus indifférenciés et imposer des chirurgies plus
mutilantes qu’une reprise systématique.
La radiothérapie ne supplée
pas une chirurgie inadéquate.
Deux situations se présentent :
– soit la tumeur était au contact de structures vasculonerveuses et,
dans ce cas, une reprise élargie serait difficile et on ne fait pas des
résections « systématiques » de structure nobles comme les
vaisseaux ou les troncs nerveux majeurs ;
– soit la tumeur n’était pas au contact de structures vasculonerveuses et, dans ce cas-là, il faut envisager une reprise
chirurgicale.
S’il y a eu une ouverture de la pièce, ou bien un drainage sur le
diagnostic d’hématome ou d’abcès, ou bien une « liposuccion » (qui
peuvent être objectivés par la fragmentation de la pièce à
l’anatomopathologie) il faut envisager systématiquement une reprise
chirurgicale suivie de radiothérapie.
Dans ces cas pourrait se
discuter une perfusion de membre avant la reprise. On peut faire
une IRM avant d’envisager la reprise chirurgicale qui peut montrer
un reliquat macroscopique.
Dans tous les cas, si une reprise d’exérèse systématique est
envisagée, il faut attendre la cicatrisation de l’intervention
précédente pour éviter de mettre en contact l’ancien site d’exérèse
et le nouveau.
La cicatrice précédente et les orifices de drainage
doivent être réséqués.
S’il y a eu une IRM avant la première intervention, on résèque les
muscles situés initialement autour de la tumeur.
S’il n’y avait pas eu
d’imagerie avant la première intervention, la reprise est difficile car il faut empiriquement définir la topographie présumée de la tumeur
en fonction de sa taille et de la description de la première
intervention.
Une IRM postopératoire effectuée avant la reprise
chirurgicale peut aider s’il existe un reliquat macroscopique.
E - APPRÉCIATION DE LA QUALITÉ DE LA CHIRURGIE :
ÉVALUATION DES MARGES CHIRURGICALES
PAR L’ANATOMOPATHOLOGISTE
Les marges chirurgicales sont appréciées de façon circonférentielle.
Le mieux est d’avoir un schéma sur le liège de manière à orienter
l’anatomopathologiste.
C’est la marge minimum qui compte.
L’anatomopathologiste définit la qualité de l’exérèse selon les
critères de l’Union internationale de lutte contre le cancer (UICC) (R
classification de l’UICC dans la quatrième édition TNM) :
– R0 : marge microscopique saine, la marge minimale est définie en
millimètres en précisant la qualité du tissu la constituant et le
chirurgien a précisé dans le compte rendu opératoire le facteur
limitant à ce niveau l’exérèse (structure vasculaire, nerveuse) ;
– R1 : existence d’un résidu microscopique, il existe une marge
envahie sur le plan microscopique, c’est typiquement ce que l’on
obtient après une énucléation ;
– R2 : existence d’un résidu macroscopique, c’est le chirurgien qui
doit l’indiquer dans son compte rendu opératoire.
Radiothérapie
:
Le facteur essentiel de risque de rechute locale est la qualité de
l’exérèse chirurgicale, définie par la marge finale de résection.
L’adjonction d’une radiothérapie après chirurgie inadéquate peut
améliorer le contrôle local, mais sans pouvoir atteindre celui obtenu
après chirurgie adéquate.
En cas de chirurgie inadaptée ou non
programmée, il faut systématiquement discuter en milieu spécialisé
une reprise d’exérèse.
A - HISTORIQUE
:
Dans les années 1970, la radiothérapie a progressivement trouvé sa
place dans une approche conservatrice des sarcomes des membres
avec possibilité de préserver une bonne fonction des membres dans
près de 80 % des cas.
Même si les marges de résection et les
modalités de l’irradiation (dose, volume) ne sont pas toujours
précisées dans ces premières études, le taux de récidive locale varie
entre 10 et 30 %.
Une première étude randomisée a validé l’approche
conservatrice même si elle était petite, incluant 43 patients.
Elle a
montré ainsi que le taux de contrôle local (100 versus 85 %), ainsi
que le taux de survie sans maladie (81 versus 78 %) des patients
amputés étaient équivalents à ceux des patients ayant eu un
traitement conservateur.
Dès lors, la chirurgie conservatrice suivie
d’irradiation s’est donc imposée comme le traitement de référence
des sarcomes des membres.
Trois études randomisées ont confirmé
depuis que la radiothérapie diminuait le risque de récidive
locale.
B - QUELLES MODALITÉS DE RADIOTHÉRAPIE ?
1- Radiothérapie postopératoire externe : volume et dose
:
* Volume :
Classiquement, le volume d’irradiation est compartimental
correspondant à la loge anatomique musculaire où siège la tumeur,
mais cette radiothérapie compartimentale n’apporte pas d’avantages
significatifs en termes de contrôle local par rapport à une
radiothérapie plus localisée et la tendance actuelle est donc de
réduire celui-ci.
En effet, les complications sont fonction du volume
de la lésion, du volume d’irradiation, de la dose totale, et elles
surviennent plus fréquemment aux membres inférieurs.
De toute façon, tout le lit opératoire et donc la cicatrice ainsi que les
orifices et trajets de drainage doivent être inclus dans le volume
d’irradiation.
Les marges autour du lit opératoire sont variables
selon les auteurs, mais il semble que celles-ci doivent être au moins
de 5 cm.
Ainsi les patients traités avec des faisceaux incluant une
marge de sécurité minimale de 5 cm ont un taux de contrôle local
de 93 contre 30 % en cas de marge plus faible.
En cas d’hématome
postopératoire, celui-ci devrait être inclus dans le volume
d’irradiation initial.
* Dose :
Aucune étude randomisée n’a cherché à définir la dose optimale
après chirurgie.
L’étude de la littérature montre une tendance à la
réduction de la dose totale.
Le traitement le plus fréquent
actuellement est une dose de 50 Gy plus ou moins un complément
sur un volume réduit de 10-15 Gy.
Certains modulent la dose sur le
volume réduit selon l’état des marges ou selon le grade de
différenciation.
2- Radiothérapie préopératoire
:
Plusieurs équipes, en particulier nord-américaines, ont publié des
résultats encourageants obtenus avec une radiothérapie (RT)
préopératoire suivie d’une chirurgie pour des lésions localement
avancées. D’après Suit et al., les résultats sont d’autant plus
intéressants que les lésions sont volumineuses.
Les avantages et
inconvénients font l’objet de controverses.
Une étude randomisée a
été conduite au Canada comparant une radiothérapie préopératoire
à la dose de 50 Gy à une radiothérapie postopératoire
(50 ± 10-16 Gy).
Les complications aiguës sont plus fréquentes avec
la radiothérapie préopératoire.
Les complications à long terme sont
plus fréquentes dans le bras radiothérapie externe (RTE)
postopératoire (fibrose et oedème).
Avec un suivi médian de
3,3 années, le taux de rechutes locales est identique dans les deux
bras (7 %).
Cette étude a été récemment publiée.
Une étude sur
cette population de patients s’est plus particulièrement intéressée
aux conséquences fonctionnelles après RT préopératoire ou RT
postopératoire.
Le timing a peu d’impact sur la qualité de vie et
les conséquences fonctionnelles avec un recul de 2 ans.
Ce sont
surtout les problèmes de cicatrisation et les caractéristiques de la
tumeur (exérèse incomplète préalable, résection d’un nerf, taille de
la lésion) qui ont des conséquences sur le résultat fonctionnel.
3- Curiethérapie
:
La curiethérapie peropératoire est généralement faite à bas débit de
dose, par iridium 192.
Elle peut être utilisée seule avec des résultats
intéressants en termes de contrôle local (67 à 90 %).
Elle
nécessite une bonne coordination entre chirurgien et curiethérapeute.
Elle ne peut être proposée dans tous les cas selon la
taille ou la localisation.
Les résultats sont particulièrement
intéressants chez des patients ayant une récidive locale ou en cas
d’envahissement vasculonerveux, le contrôle local étant supérieur à
60 % et permettant d’éviter l’amputation.
4- Association curiethérapie et radiothérapie externe
:
L’association curiethérapie-RTE semble particulièrement intéressante
chez les patients ayant des marges histologiques positives (si une
reprise chirurgicale n’est pas possible).
Les avantages de la
curiethérapie sont multiples : le lit tumoral reçoit une dose élevée
alors que les tissus sains sont bien épargnés.
La mise en place des
tubes plastiques vecteurs en cours d’intervention permet de très bien
localiser le lit tumoral.
Ce dernier serait mieux oxygéné en phase
postopératoire immédiate et l’on connaît la possible importance de
l’oxygénation comme facteur pronostique.
C - PEUT-ON ÉVITER LA RADIOTHÉRAPIE ?
Si l’association radiochirurgicale avec exérèse large et radiothérapie
reste le traitement local de référence pour les sarcomes des
extrémités, un sous-groupe de patients ayant un faible risque de
récidive locale peut être dégagé.
Ainsi parmi les patients ayant une lésion de moins de 5 cm, le risque
de rechute locale varie entre 7 et 10 %.
Ils peuvent donc être
traités par chirurgie exclusive à condition que les marges soient
suffisantes (plus de 1 cm).
Il en va de même des patients ayant un
sarcome superficiel ou strictement intracompartimental où le risque
de rechute locale après chirurgie exclusive est de 6,5 %.
Pour les sarcomes supérieurs à 5 cm, les attitudes ne sont pas
univoques.
Une chirurgie conservatrice exclusive peut donc être discutée
d’après des études rétrospectives mais cela reste à valider par une
étude prospective (chirurgie large adaptée d’emblée pour des
sarcomes des tissus mous superficiels, de petite taille et de faible
grade).
Chimiothérapie
:
A - CHIMIOTHÉRAPIE NÉOADJUVANTE SYSTÉMIQUE
:
Les objectifs de la chimiothérapie néoadjuvante, première ou
d’induction, visent à diminuer le volume tumoral initial afin de
faciliter le temps opératoire, agir précocement sur les métastases
infracliniques, mais surtout tester la chimiosensibilité tumorale in
vivo afin de mieux sélectionner des patients pouvant bénéficier
d’une éventuelle chimiothérapie adjuvante.
Les patients présentant un sarcome des tissus mous localement
évolué et/ou de haut grade de malignité sont des candidats
potentiels à une chimiothérapie première.
Une seule étude randomisée a posé l’intérêt d’une chimiothérapie
première.
Coordonnée par l’Organisation européenne de recherche
sur le traitement des cancers (EORTC) et ouverte en 1985, cette
étude, portant sur 150 patients, comparait trois cycles de
chimiothérapie (AI-50) suivis de la chirurgie, à la chirurgie seule sur
des sarcomes localement avancés, considérés cependant comme
techniquement opérables.
Malgré un taux de réponse objective de
28 % dans le bras chimiothérapie, le nombre d’amputations, la survie
sans récidive et la survie globale sont identiques dans les deux bras
thérapeutiques.
Ces résultats décevants doivent être interprétés
prudemment compte tenu de la nature de la chimiothérapie
(anthracycline administrée à des doses considérées aujourd’hui
comme insuffisantes), du nombre de cycles de celle-ci et des
caractéristiques cliniques hétérogènes de la population étudiée
(tumeur [T] > 8 cm, T < 8 cm de grade 2 et 3, rechute locale, chirurgie
initiale incomplète, T toutes opérables d’emblée).
B - PERFUSION DE MEMBRE ISOLÉ SOUS CIRCULATION
EXTRACORPORELLE :
Malgré les associations médicochirurgicales classiques, un petit
pourcentage de patients gardait une indication d’amputation en
particulier lorsqu’il s’agissait de récidive itérative.
Lorsqu’il s’agit
de récidives de sarcomes distaux des membres inférieurs ou d’un
doigt autre que le pouce, la qualité des résultats fonctionnels d’un
bon appareillage en cas d’amputation reste concurrentielle d’un
traitement à tout prix conservateur mais qui peut être
fonctionnellement mutilant.
En revanche, les amputations
proximales du membre inférieur ne supportent pas la comparaison
avec un traitement conservateur.
De même, aucune prothèse n’a
jamais remplacé un bras.
C’est donc en particulier dans les cas où la
chirurgie conservatrice apporte un avantage certain que se discutent
des traitements combinés associant à présent la perfusion de
membre isolé sous circulation extracorporelle (CEC) avec du tumour
necrosis factor (TNF) et du melphalan.
1- Principe
:
Des canules artérielles et veineuses sont mises en place à un niveau
qui dépend de la topographie tumorale.
Pour le membre inférieur,
on effectue une perfusion iliaque ou fémorale.
Pour le membre
supérieur, on effectue une perfusion axillaire ou sous-claviaire.
Un
garrot est placé à la racine du membre avant que la CEC ne soit
mise en route puis les canules sont reliées à une ligne artérielle et à
une ligne veineuse, reliées elles-mêmes à la pompe de circulation
extracorporelle.
Le bloc pompe de CEC/oxygénateur est relié à un
bloc thermique permettant d’atteindre une température dans les
tissus de 38 °C.
Les médicaments sont directement injectés dans la
ligne artérielle de la pompe de CEC.
Comme le membre est isolé du
reste de la circulation générale, il est possible de dépasser les doses
possibles en systémique, contrairement à de l’intra-artériel simple.
2- Historique de la perfusion de membre
sous circulation extracorporelle :
La technique de perfusion de membre isolé par un garrot a été
décrite initialement par Creech en 1958.
Son objectif est
d’administrer des concentrations de médicaments dix fois
supérieures aux doses systémiques tolérables afin de diminuer au
maximum le volume tumoral tout en minimisant les effets généraux
secondaires.
Jusqu’en 1990, différents antimitotiques ont été évalués
selon ce mode d’administration mais ont tous été arrêtés dans les
indications de sarcome en raison de taux de réponses objectives
inférieurs à 10 %.
Cette technique a donc été abandonnée dans des
indications de sarcome mais est restée utilisée dans des indications
de métastases en transit de mélanome où l’administration de melphalan seul à la dose de 10 mg l–1 de membre perfusé permettait
d’obtenir des taux de réponse objective de l’ordre de 70 % tout en
évitant la neurotoxicité des autres médicaments.
Le tumour necrosis factor a (TNFa) a été découvert en 1975.
Plusieurs études de phase I ont permis de déterminer la dose
maximum tolérable (DMT) située entre 150 et 200 µg m–2.
Plusieurs
études de phase II ont été réalisées de 1985 à 1990 sur différents
types tumoraux.
Les taux de réponses objectives ne dépassant
pas 10 %, ce médicament a été progressivement abandonné par voie
générale en monothérapie.
En 1992, Lejeune et Lienard rapportent sur des mélanomes et des
sarcomes localement évolués 89%de réponses objectives en utilisant
le TNFa à fortes doses associé à du melphalan et initialement à de
l’interféron gamma par voie sous-cutanée.
L’idée était d’utiliser le TNFa à fortes doses en utilisant la technique de perfusion de
membre isolé sous circulation extracorporelle et en l’associant au
melphalan qui était le médicament le plus efficace et le mieux toléré
par cette voie d’administration.
De façon empirique, la dose de TNFa a été fixée à 4 mg pour le
membre inférieur et 3 mg pour le membre supérieur, c’est-à-dire
10 fois la DMT.
L’interféron gamma a été secondairement abandonné
car il majorait la toxicité sans augmenter les taux de réponse.
L’utilisation du TNFa à hautes doses impose (en raison de la
cardiotoxicité) un contrôle instantané isotopique des fuites de
médicaments du membre vers la circulation générale afin de corriger
les paramètres de la CEC si nécessaire.
En 1996, Eggermont rapporte les résultats d’une étude
multicentrique européenne portant sur 186 patients (10 centres
pendant 5 ans d’inclusion) atteints d’un sarcome de membre et dont
l’indication initiale avant perfusion était une amputation.
Le taux
de réponse objective était de 75 %, dont 28 % de réponses complètes.
Ces réponses objectives ont permis une conservation des membres
dans des proportions équivalentes, ce qui a contribué à l’obtention
de l’autorisation de mise sur le marché (AMM) du TNFa en avril
1999.
Ces résultats ont été confirmés par d’autres équipes.
Depuis
juin 2000, des perfusions de membre avec du TNFa sont effectuées
en France dans des indications de sarcomes localement évolués.
En
juin 2003, il a été montré dans une étude randomisée comparant
quatre doses de TNFa qu’une dose de 1 mg était suffisante et
donnait les mêmes taux de réponses complètes que les doses fortes
(4 mg pour le membre inférieur et 3 mg pour le membre supérieur).
Le retentissement des fuites de TNFa à pourcentage équivalent est
moindre.
Dans cette étude, le taux de réponses complètes
radiologiques est de 36 % et le taux de réponses complètes
histologiques (0 % cellules viables) est de 13 % avec 14 % de très
bons répondeurs (moins de 10 % de cellules viables).
3- Indications de la perfusion de membre isolé
:
Les patients qui relèvent de ce traitement médicochirurgical néoadjuvant sont ceux dont l’exérèse serait susceptible d’entraîner
des séquelles fonctionnelles importantes (perte de plusieurs muscles
ou de nerfs), voire de nécessiter une amputation.
Les patients dont la topographie initiale de la tumeur ne permettrait
pas, dans l’immédiat, d’avoir des marges suffisantes, par exemple
en cas de localisation à proximité d’un axe artériel, sont également
des candidats à ce type de prise en charge.
La rétraction ou la nécrose de la tumeur après perfusion de membre
permet secondairement d’améliorer la qualité des marges ou d’avoir
des marges correspondant à de la nécrose et non de la tumeur, et
donc de diminuer le risque de récidive.
Certains sous-types histologiques comme les angiosarcomes
répondent particulièrement bien à ce type de traitement.
L’objectif de ce nouveau traitement est donc d’améliorer la qualité
de vie des patients en permettant un traitement conservateur et
carcinologique.
C - CHIMIOTHÉRAPIE ADJUVANTE
:
La chimiothérapie adjuvante a pour but de diminuer l’incidence des
récidives locales et des métastases, et donc d’améliorer
théoriquement la survie sans récidive (SSR) et la survie globale (SG).
Les schémas thérapeutiques adjuvants les plus utilisés sont la doxorubicine seule (A) ou en association avec l’ifosfamide (AI), le
cyclophosphamide, le déticène et la vincristine (Cyvadict).
Sur les
13 études randomisées comparant l’abstention thérapeutique à une
chimiothérapie après l’exérèse d’un STM de haut grade de malignité
(grade 2 et 3), deux montrent une amélioration significative de la SG
en faveur de la chimiothérapie adjuvante et quatre une amélioration
de la SSR par le biais principalement d’une diminution du taux de
récidive locale.
Une méta-analyse sur données individuelles des patients inclus dans
ces 13 études randomisées a confirmé l’impact de la chimiothérapie
sur l’incidence de la rechute locale (bénéfice de 5 % à 5 ans) et
métastatique (bénéfice de 9 % à 5 ans), mais ne modifie pas
significativement la SG, même si le bénéfice escompté de la
chimiothérapie est voisin de 4 % à 5 ans.
Cette méta-analyse
autorise encore la poursuite d’études randomisées comparant une
chimiothérapie adjuvante à une simple surveillance.
Ces résultats doivent être pondérés par les résultats préliminaires
d’une étude randomisée italienne menée de 1992 à 1996 et portant
sur des patients présentant exclusivement un STM des extrémités.
Cette étude, qui comparait une chimiothérapie adjuvante associant
des fortes doses de 4-épiadriamycine (120 mg m–2 sur 2 jours) et
d’ifosfamide (1,8 mg m–2 j–1 du J1 au J5) à une simple surveillance, a
dû être prématurément interrompue après l’inclusion de
104 patients, devant une amélioration très significative de la SSR
(p < 0,001) et de la SG (p = 0,007) des patients inclus dans le bras
« chimiothérapie ».
Ces résultats, qui méritent bien entendu d’être
validés sur un suivi plus long des patients, peuvent être expliqués
par deux paramètres non forcément indépendants l’un de l’autre :
– un groupe de patients très homogène avec des STM développés
exclusivement au niveau des membres ;
– une chimiothérapie adjuvante comportant pour la première fois
des fortes doses d’ifosfamide (dose totale de 9 g m–2) administrée
selon un schéma fractionné (5 jours).
Nul doute que la réactualisation prochaine de la méta-analyse qui
tiendra compte des études plus récentes (la dernière citée et celle en
cours de l’EORTC) permettra certainement de mieux définir la place
de la chimiothérapie adjuvante.
Conclusions
:
L’amélioration de la qualité de vie des patients atteints d’un sarcome
des tissus mous dépend d’abord d’un traitement d’emblée
carcinologique afin de diminuer le risque de récidive locale et les
chirurgies itératives pouvant aboutir à un geste mutilant, et en second
lieu d’une chirurgie de plus en plus fonctionnelle devenue possible
grâce à une prise en charge multidisciplinaire en milieu spécialisé.
La
chirurgie d’exérèse ne doit être effectuée que par un chirurgien entraîné
à cette pathologie.
Aucun geste ne doit être effectué avant une imagerie adaptée.
La biopsie
préopératoire réalisée après une IRM permet d’engager à bon escient un
traitement lourd dont la pierre angulaire est le plus souvent une
chirurgie de qualité confirmée par l’anatomopathologiste.
Les décisions thérapeutiques sont prises sur un résultat histologique
définitif car l’examen extemporané est grevé d’un risque élevé d’erreurs.
Le principe de la chirurgie carcinologique est l’exérèse large avec des
marges de résection histologiquement saines.
Le choix a priori d’une
amputation est obsolète, d’autant que celle-ci ne garantit pas toujours
des marges saines.
L’abord chirurgical est orienté dans l’axe du membre.
La cicatrice de
biopsie, la tumeur et une marge circonférentielle de tissu non tumoral
(une épaisseur de muscle de 2 cm ou une barrière anatomique fibreuse comme un fascia) doivent être réséquées en bloc, sous peine d’une
effraction tumorale et d’un essaimage tumoral.
Les progrès de la chirurgie de reconstruction permettent d’atténuer les
conséquences fonctionnelles d’une exérèse large.
La qualité du résultat de la chirurgie est déterminée par l’examen
histologique des marges de la pièce opératoire, c’est-à-dire de la quantité
de tissu sain péritumoral.
C’est d’elle que dépend la suite du traitement,
notamment la nécessité d’une reprise chirurgicale.
La chirurgie est associée à la radiothérapie.
Cependant, sur la base
d’études rétrospectives, l’exérèse chirurgicale carcinologique de
certaines tumeurs de bas grade, de petite taille et de siège superficiel
pourrait suffire, ce qui reste à valider par des études prospectives.
Une chimiothérapie adjuvante se discute chez les patients jeunes dont le
sarcome est de haut grade de malignité.
Enfin, la perfusion de hautes doses de chimiothérapie grâce à la
technique du membre isolé par une circulation extracorporelle permet
d’améliorer le résultat carcinologique et fonctionnel de la chirurgie
effectuée dans un second temps pour certaines tumeurs localement
évoluées ou en situation de récidive.