Rupture prématurée des membranes à terme Cours de
Gynécologie
Obstétrique
Introduction
:
La rupture prématurée des membranes (RPM) se définit, quel que
soit le terme de la grossesse, comme la rupture franche de l’amnios
et du chorion se produisant avant le début du travail.
Cette
définition inclut les fissurations de la poche des eaux et exclut les
ruptures en cours de travail.
La période de latence, délai entre
rupture et début de travail, retenue pour définir la RPM, est
extrêmement variable.
Certains auteurs considèrent comme
prématurée toute rupture des membranes survenant avant le début
des contractions, alors que pour d’autres, le diagnostic nécessite une
phase de latence minimale supérieure à 1 heure, 12 heures ou
24 heures, avec une tendance vers un consensus de 12 heures.
Ces
différences de définition expliquent les variations dans les
fréquences et les résultats rapportés.
Selon le moment de la rupture, on distingue la RPM avant terme,
c’est-à-dire entre 16 et 37 semaines, et la RPM à terme, survenant à
partir de 37 semaines, qui est la plus fréquente, observée
approximativement dans 8 % des naissances.
Du fait de sa fréquence
et de ses conséquences, elle demeure une question essentielle de la
pratique obstétricale courante.
Historique :
Le caractère péjoratif de la RPM est connu depuis l’Antiquité.
Avant l’ère de l’antibiothérapie, elle était responsable d’une
morbidité et d’une mortalité importantes chez la mère et l’enfant.
Les antibiotiques, depuis leur apparition, ont été très largement
utilisés. Ils ont entraîné une amélioration considérable du
pronostic maternel, mais n’ont pas permis de supprimer
totalement les infections chez le nouveau-né.
Dans les années
1960-1980, les études rétrospectives ont montré une augmentation
de la mortalité périnatale après RPM, qui s’accroissait avec la
prolongation de la phase de latence.
Ce risque infectieux a conduit
à une attitude de déclenchement immédiat du travail par
l’ocytocine, exposant à de nombreux échecs.
Après 1980, cette
attitude a été remise en question et d’autres études ont montré
qu’en l’absence de signes d’infection, il est préférable d’attendre
le début spontané du travail, en particulier lorsque les conditions
locales ne sont pas favorables, pour diminuer le taux de
césariennes.
Au cours de ces dernières années, les prostaglandines ont été
proposées, et de meilleures connaissances bactériologiques ont
permis une antibiothérapie mieux adaptée.
Le débat a porté
essentiellement sur la conduite à tenir lorsque le travail ne démarre
pas spontanément dans les heures suivant la rupture.
Actuellement,
malgré des éclaircissements certains, la conduite à tenir optimale
n’est pas clairement définie.
Étude clinique
:
A - FRÉQUENCE :
Les chiffres relevés dans la littérature sont très variables en raison
de l’imprécision de la définition.
À terme, les taux rapportés sont
généralement compris entre 5 et 11 %.
Dans une vaste étude portant
sur 82 488 accouchements, Savitz compte 21 015 ruptures des
membranes avant le début du travail entre 37 et 41 semaines, et
2 090 à 42 semaines.
La fréquence est de 31 % si aucun délai rupturedébut
de travail n’est pris en compte, mais de 6 % pour un délai de
12 heures.
B - EXAMEN CLINIQUE :
Le diagnostic de la RPM est avant tout anamnestique et clinique.
Il
est évident lorsque l’écoulement est franc, caractérisé par la perte de
liquide clair, incolore, abondant et continu, accrue par une
contraction utérine spontanée ou par la mobilisation transabdominale du foetus (signes de Tarnier).
Quelquefois,
l’écoulement est moins abondant ou intermittent, prêtant à
confusion avec des pertes d’urine ou cervicovaginales.
Dans certains
cas, le liquide est méconial ou sanglant.
L’examen au spéculum est recommandé.
Il objective la présence de
liquide amniotique dans le cul-de-sac vaginal postérieur et la perte
de liquide amniotique par l’orifice cervical.
Il permet de confirmer
le diagnostic dans la plupart des cas.
Il permet également
d’estimer la dilatation du col et élimine la présence du cordon dans
le col ou le vagin, ou la procidence d’un membre.
Il permet enfin de
réaliser les prélèvements nécessaires à visée diagnostique et
bactériologique.
Le toucher vaginal est actuellement déconseillé si la patiente n’est
pas en travail, et ne doit pas être réalisé en dehors d’une décision de
déclenchement immédiat.
Le nombre de touchers doit être
réduit au minimum utile ; la multiplication augmente le taux
d’infections.
Il reste indiqué lorsque l’on décide de déclencher le
travail pour apprécier le score cervical.
C - TESTS DIAGNOSTIQUES :
Ils sont inutiles si la rupture est cliniquement évidente.
Leur intérêt
est lorsqu’il existe un doute. Plusieurs tests ont été proposés, mais
aucun n’a une valeur absolue.
Il n’y a pas actuellement de méthode
de référence.
Le test à la nitrazine a été le plus utilisé.
Le prélèvement doit être
fait au niveau du col. Le pH alcalin du liquide amniotique fait virer
l’indicateur coloré, la réponse est immédiate (amnicator).
Sa
sensibilité est bonne mais son taux de faux positifs est élevé,
pouvant faire poser à tort le diagnostic de rupture.
Le test à la diamine oxydase (DAO) repose sur le dosage dans les
pertes vaginales de cette enzyme, présente en grande quantité dans
le liquide amniotique.
Sa valeur prédictive positive est excellente,
comprise entre 95 et 100 %.
Mais il fait appel à une méthode radioisotopique,
ce qui limite sa disponibilité.
Le taux de faux négatifs
est de l’ordre de 10 % ; un test négatif ne permet pas d’exclure
formellement une rupture.
Aussi, il est mal adapté à la prise en
charge de RPM à terme.
Le dosage du facteur de croissance de l’insuline (insulin-like growth
factor [IGF] BP1) dans les pertes cervicales semblerait avoir plus
d’intérêt.
Sa concentration dans le liquide amniotique est 100 à
1 000 fois plus élevée que dans le sérum maternel.
La spécificité et la
sensibilité de ce marqueur sont excellentes, dépassant 95 %.
Le
dosage peut être quantitatif ou qualitatif. Un kit individuel
commercialisé (Actim-Prom test) permet un diagnostic rapide au lit
du malade.
Le prélèvement est réalisé au niveau de l’orifice externe
du col ou du vagin.
Les résultats sont obtenus en 5 minutes.
Les autres tests (cristallisation, étude cytologique, test à la
fluorescéine) ont peu d’intérêt et sont actuellement abandonnés.
D - BILAN INFECTIEUX :
La détection précoce de l’infection amniotique est indispensable.
Elle repose essentiellement sur la surveillance de la température
maternelle.
Une hyperthermie sans autre cause évidente d’infection
est évocatrice.
Avant traitement, la réalisation d’hémocultures est
conseillée.
Les marqueurs sanguins de l’infection (compte de leucocytes, dosage
de la protéine C réactive [PCR]) sont peu spécifiques et ont une
sensibilité moyenne.
Bien que l’infection amniotique soit associée à
leur augmentation, leur intérêt est limité à cause de leur mauvaise
performance diagnostique.
Un prélèvement vaginal pour examen bactériologique est réalisé au
cours de l’examen au spéculum. L’examen direct est insuffisant.
La
culture est indispensable, mais l’obtention des résultats nécessite
48 heures.
La plupart des patientes ont accouché avant.
Des tests
rapides pour le dépistage du portage vaginal de streptocoque du
groupe B sont proposés, mais leur sensibilité est moyenne.
Le prélèvement de liquide amniotique par amniocentèse pour
examen bactériologique avec culture est l’examen de référence dans
le diagnostic de l’infection amniotique.
En pratique courante, son
intérêt n’est pas démontré.
E - SURVEILLANCE FOETALE :
Si la patiente n’est pas en travail, l’échographie abdominale est
indispensable.
En l’absence de toucher vaginal, elle permet de
vérifier la présentation foetale et de quantifier l’abondance du liquide
amniotique.
En cas d’anamnios, la rupture est certaine, mais un
oligoamnios modéré ne permet pas le diagnostic.
L’oligoamnios
sévère serait associé à une plus grande fréquence de chorioamniotite
clinique et de sepsis néonatal.
Vintzileos a proposé l’utilisation du
profil biophysique de Maning dans la surveillance foetale après RPM
et a démontré l’existence d’une corrélation entre mauvais profil
biophysique et infection maternofoetale.
Le monitorage foetal externe est indispensable pendant 1 ou 2 heures
pour apprécier l’état de l’enfant, éliminer les complications
funiculaires et juger de l’activité utérine.
Le rythme cardiaque foetal
doit être normal.
Des ralentissements variables sont fréquents, en
rapport avec une compression cordonnale.
La tachycardie foetale est
un signe d’infection, en particulier lorsqu’elle est associée à une
diminution de la réactivité.
Évolution
:
A - HISTOIRE NATURELLE :
La durée de la période de latence est variable selon les patientes et
l’âge gestationnel.
En général, elle est d’autant plus longue que la
rupture a lieu loin du terme.
À terme, en l’absence d’induction, le travail démarre spontanément
dans les 24 heures chez 60 % des patientes et dans les 72 heures
chez 77 %.
Ces chiffres portent sur la totalité des ruptures,
toutes parités confondues.
Quelques études traitent spécifiquement
des nullipares ; elles montrent qu’avec l’expectative, 70 à 80 % des
patientes seront aussi entrées en travail spontanément dans les 48 à
72 heures.
B - COMPLICATIONS GRAVIDIQUES :
Le risque de procidence du cordon est classiquement augmenté.
Il
est surtout lié aux présentations du siège ou transversales.
Les
présentations anormales sont d’autant plus fréquentes que la
rupture est précoce.
À terme, la présentation est céphalique dans
plus de 95 % des cas, et le risque de procidence du cordon pendant
la phase de latence ou pendant le travail est faible : 2/5 041 pour
Hannah.
En cas de présentation transversale, la RPM entraîne la procidence
du bras, et avec le travail aboutit à l’épaule négligée.
C - INFECTIONS MATERNELLES :
Avant la naissance, la complication la plus fréquente est l’infection
intra-amniotique ou chorioamniotique clinique.
La relation entre RPM et chorioamniotite est évidente mais la relation de cause à effet
est moins claire.
Dans la plupart des cas, la chorioamniotite est la conséquence de la RPM par ascension des bactéries du tractus
génital dans la cavité amniotique ouverte.
Mais l’infection pourrait
être la cause de la rupture.
Ce mécanisme, largement évoqué dans
les ruptures très précoces, semble également intervenir dans les
ruptures à terme.
Romero, sur 32 amniocentèses pratiquées sur des
ruptures à terme avec culture bactériologique du liquide amniotique,
note une prévalence de l’infection de 11/32 (34,3 %) et la survenue
d’un seul cas de chorioamniotite chez une patiente avec une culture
positive.
L’infection amniotique est en général polymicrobienne,
aérobie et anaérobie.
Les germes le plus fréquemment retrouvés sont
par ordre de fréquence les mycoplasmes (Mycoplasma hominis,
Ureaplasma urealyticum), puis les germes anaérobies (Bacteroides,
Peptostreptococcus) et les germes aérobies (streptocoque du groupe B
[SGB], Escherichia coli, autres germes à Gram négatifs, Gardnerella
vaginalis).
Le diagnostic est basé sur des signes cliniques non spécifiques :
température maternelle supérieure à 38 °C (ou 37,5 °C à deux
reprises à 1 heure d’intervalle), tachycardie maternelle supérieure à
100 battements/min, tachycardie foetale supérieure à 160
battements/min, douleurs utérines, liquide amniotique nauséabond,
compte de globules blancs sanguins supérieur à 15 000,
augmentation de la PCR.
Malheureusement, aucun de ces signes
n’est spécifique et il n’existe pas de marqueurs précoces de
l’infection amniotique.
Le diagnostic est généralement porté devant
une fièvre maternelle associée à l’un des autres signes.
La fréquence de la chorioamniotite est variable selon la durée de la
phase de latence, la conduite à tenir, et en fonction des critères
retenus.
Les taux rapportés varient de 1 à 7%. Dans
l’étude de Hannah, le taux de chorioamniotite est de 6,7 %.
Les
facteurs responsables retrouvés sont en premier le nombre de
touchers vaginaux supérieur à huit (odd ratio [OR] : 5,07 ; intervalle
de confiance [IC] : 2,51-10,25), la durée du travail actif supérieure à
12 heures (OR : 4,12 ; IC : 2,46-6,90), un liquide amniotique
méconial (OR : 2,28 ; IC : 1,67-3,12), la primiparité (OR : 1,80 ; IC :
1,29-2,51), un intervalle rupture-début de travail supérieur à
24 heures (OR : 1,77 ; IC : 1,27-2,47), le portage de SGB (OR : 1,71 ;
IC : 1,23-2,38).
Le taux le plus faible est rapporté par Ladfors (0,79 %) qui ne
pratique pas de toucher vaginal à l’admission.
Dans le post-partum, la fréquence des infections pelviennes est
augmentée.
La cause est également l’infection amniotique.
Romero
rapporte trois endométrites sur neuf liquides infectés, contre 0/20
liquides non contaminés. Hannah rapporte 3 % d’endométrite.
Les facteurs de risque retrouvés sont : en premier la chorioamniotite
pendant le travail (OR : 5,37 % ; IC : 3,60-8,00), suivie par une durée
du travail supérieure à 12 heures (OR : 4,86 % ; IC : 2,07-11,41),
l’accouchement par césarienne (OR : 3,97 ; IC : 2,20-7,20),
l’accouchement instrumental (OR : 1,86 ; IC : 1,15-3,00), le portage de
SGB (OR : 1,88 ; IC : 1,18-3,00).
Les complications infectieuses maternelles graves (choc septique,
péritonite), autrefois fréquentes, sont devenues rares depuis
l’antibiothérapie.
Le risque persiste cependant et ne doit pas être
oublié, en particulier en cas de césarienne. Le décès par sepsis est
actuellement exceptionnel.
Aucun cas dans les séries récentes
analysées n’est signalé.
D - RISQUES POUR L’ENFANT :
Contrairement au passé, la RPM à terme n’a actuellement pas
d’influence sur le taux global de la mortalité périnatale.
Malformations létales exclues, Hannah rapporte quatre décès
pour 5 041 ruptures (deux par asphyxie, un par traumatisme, un
état septique à SGB).
Dans les séries de Boog et de Ladfors,
aucun décès n’a été observé.
La RPM reste responsable d’une augmentation de la morbidité
infectieuse néonatale.
On distingue les états septiques bactériologiquement prouvés (hémocultures et/ou culture du
liquide céphalorachidien et/ou d’urine positive) et les états
septiques cliniques (hyperthermie, troubles hémodynamiques ou
respiratoires, hyperleucocytoses, augmentation de la PCR).
À
l’inverse de la chorioamniotite, l’état septique du nouveau-né est
monomicrobien.
Le germe le plus souvent observé est le SGB dans
plus de deux tiers des cas, puis Escherichia coli (en particulier
sérotype capsulaire K1 responsable de la moitié des méningites)
puis, loin après, Haemophilus influenzae et les autres entérobactéries.
Les infections anaérobies sont exceptionnelles.
Les chiffres généralement rapportés après RPM à terme sont compris
entre 1 et 3 %.
La chorioamniotite augmente le risque.
Seo, à terme, retrouve 9,1 % d’infections cliniques ou prouvées du
nouveau-né en cas de chorioamniotite contre 1,2 % en l’absence.
Dans l’étude de Hannah, le taux est de 16 % en cas de chorioamniotite (52 sur 335 chorioamniotites).
L’analyse
multifactorielle montre que la chorioamniotite est le facteur de
risque principal (OR : 5,89 ; IC : 3,68-9,43) suivie par la colonisation
par SGB (OR : 3,8 ; IC : 2,02-4,68), un nombre de touchers vaginaux
supérieur à huit (OR 2,37 ; IC 1,03-5,43), une période de latence
supérieure à 48 heures (OR 2,25 ; IC : 1,21-4,18).
Mais le risque
infectieux n’est pas augmenté dans les 24 premières heures et paraît
indépendant de la parité, de la durée du travail actif et du liquide méconial.
Le toucher vaginal et la colonisation par SGB apparaissent
doublement en cause : par le biais de la chorioamniotite, mais aussi
en tant que facteur indépendant.
Déclenchement du travail :
A - TRAVAIL SPONTANÉ :
Dans plus de 20 % des grossesses à terme, la perte des eaux survient
avant le début des contractions, mais dans la moitié des cas, le
travail démarre spontanément dans les 4 heures qui suivent.
Dans ce cas, la RPM à terme ne soulève pas de problèmes
spécifiques et relève de la conduite à tenir habituelle avec une
surveillance plus attentive.
Le toucher vaginal vérifie la présentation
et apprécie la dilatation du col.
La procidence du cordon, bien
qu’étant exceptionnelle, doit être éliminée.
Le monitorage foetal
externe est indispensable.
La température maternelle doit être
régulièrement surveillée.
B - DÉCLENCHEMENT ARTIFICIEL DU TRAVAIL :
En l’absence de travail, pour l’ensemble des auteurs, la constatation
de signes de chorioamniotite ou d’atteinte foetale contre-indique l’expectative.
Le travail doit être déclenché ou une césarienne doit
être réalisée, en fonction des conditions obstétricales.
De même, la
plupart s’accorde sur l’intérêt du déclenchement par l’ocytocine
lorsque les conditions du col sont favorables, en particulier chez la
multipare.
Le problème se pose uniquement en l’absence de signes
d’alerte avec de mauvaises conditions cervicales.
Plusieurs études
contrôlées ont comparé l’expectative au déclenchement systématique
.
La méta-analyse de Boog compare les résultats d’une
attitude de déclenchement précoce (avec ou sans maturation
cervicale) à une attitude d’expectative de 24 à 80 heures.
Le
déclenchement précoce s’accompagne d’une augmentation du taux
de césariennes (13,36 % versus 9,7 %), d’un taux d’infections
maternelles inchangé (10,45 % versus 11,86 %), mais d’une
diminution significative du taux d’infections néonatales : 1,64 %
versus 3,97 % (risque relatif [RR] : 0,57 ; 95 % IC : 0,38-0,84).
Dans l’étude de Hannah, les patientes ont été randomisées en quatre
groupes : induction par ocytocine (n = 1 258), induction par
prostaglandines gel vaginal (n = 1 259), ou expectative jusqu’à
72 heures et déclenchement par ocytocine (n = 1 263) ou
prostaglandines (n = 1 261).
Le taux de césariennes est équivalent
dans les différents groupes voisins de 10 %, de même que le taux
d’infections néonatales (2 à 3 %).
Mais il apparaît, dans les groupes
« induction », une diminution par rapport aux groupes
« expectative » des chorioamniotites (4 % versus 8,6 %), des fièvres
après l’accouchement (1,9 % versus 3,6 %).
Les quatre enfants
décédés sont tous dans le groupe expectative, mais la différence
n’apparaît pas statistiquement significative en raison du trop faible
effectif.
La méta-analyse de Mozurkewich, comprenant l’étude de Hannah
(qui représente la moitié des effectifs), donne vraisemblablement
pour cette raison des résultats similaires.
L’induction par
ocytocine s’accompagne, par rapport à l’expectative, d’une
diminution significative du taux de chorioamniotites (OR : 0,67 ;
95 % IC : 0,52-0,85) et d’endométrite (OR : 0,71 ; 95 % IC : 0,51-0,99).
Pour Ladfors, au contraire, le déclenchement précoce (le matin
suivant la rupture) comparé à l’expectative un jour de plus
s’accompagne d’un peu plus d’infections néonatales prouvées
(4/502 vs 0/510).
Cependant, en ce qui concerne les infections
néonatales cliniques, il note une augmentation si le délai ruptureaccouchement
dépasse 36 heures (11/218 versus 15/1 167).
C - MODE DÉCLENCHEMENT :
La perfusion intraveineuse d’ocytocine est la méthode la plus
utilisée.
Les prostaglandines, essentiellement par voie vaginale, ont
été proposées, soit systématiquement, soit dans les cas où le score
cervical n’est pas favorable.
Les essais randomisés donnent des
résultats contradictoires.
Les méta-analyses de Carbonne et de
Boog démontrent l’avantage des prostaglandines, avec une
diminution significative du taux de césariennes et une tendance
pour Boog à la diminution du taux d’infections maternelles et
néonatales.
Au contraire, pour Hannah et Mozurkewich, la diminution de la
morbidité infectieuse maternelle est meilleure dans le groupe
ocytocine que dans le groupe prostaglandines, lesquelles ont un
avantage sur l’expectative.
D - EN PRATIQUE :
Malgré des résultats divergents, ces différentes études permettent
de conclure que les trois options sont en fait raisonnables.
Le
déclenchement immédiat ne paraît pas préjudiciable.
Le risque de
césarienne n’est pas (ou peu) augmenté, la morbidité infectieuse maternofoetale est inchangée ou diminuée.
Son bénéfice est variable
selon les études.
Une attitude d’expectative pendant 12
à 36 heures paraît également justifiée, à condition de ne pas faire de
toucher vaginal à l’admission.
Il semble que si la patiente n’a pas
accouché dans les 36 heures ou 48 heures suivant la rupture, le
risque d’infection augmente pour la mère et l’enfant.
Il paraît donc
raisonnable de ne pas attendre plus.
L’attitude intermédiaire qui consiste à se donner 12 heures (ou
jusqu’au lendemain matin) et de déclencher si le travail n’a pas
spontanément démarré paraît finalement être un bon compromis.
Cependant, la plupart des études excluent ou ne prennent pas en
compte les mères colonisées par le SGB. Dans l’étude de Hannah,
4 834 patientes ont eu un prélèvement vaginal à l’admission. Le taux
de positif est de 10,7 %.
Chez les patientes colonisées, le taux
d’infections néonatales n’est pas augmenté par rapport à l’ensemble
de la population étudiée dans le groupe déclenchement immédiat
par ocytocine (2,5 %), alors qu’il devient supérieur à 8 % dans les
autres groupes.
Ces résultats plaident en faveur d’un dépistage
systématique par prélèvement avec culture au neuvième mois (ou
test de dépistage rapide à l’admission) et du déclenchement
immédiat après rupture en cas de résultat positif.
Antibiothérapie
:
Dans la RPM à terme, en l’absence de signes infectieux ou d’un
portage connu de SGB, l’antibiothérapie systématique n’est en
général pas préconisée.
Il n’existe pas de grands travaux publiés
permettant de définir une conduite à tenir générale.
Pour réduire le
risque d’infection maternofoetale, la plupart des auteurs ont fait
appel au déclenchement du travail.
L’antibiothérapie peut être
proposée dans trois situations.
A - PRÉVENTION DE L’ÉTAT SEPTIQUE À SGB :
L’ensemble des auteurs considère que, chez les mères colonisées par
le SGB, la RPM augmente le risque infectieux et que l’antibiothérapie
per partum réduit ce risque.
La conduite à tenir dépend donc de
la stratégie adoptée face au SGB, selon qu’un dépistage est fait ou
non.
Si le résultat est positif, l’antibiothérapie doit être débutée le
plus rapidement possible et poursuivie jusqu’à l’accouchement, alors
que si le résultat est négatif, l’antibiothérapie per partum n’est pas
indiquée.
En l’absence de prélèvement, les avis divergent : les
antibiotiques peuvent être débutés dès l’admission ou à partir de
18 heures si le travail n’a pas démarré.
B - ANTIBIOTHÉRAPIE PROPHYLACTIQUE SYSTÉMATIQUE :
En dehors de la prévention du SGB, l’antibiothérapie systématique
peut se discuter en raison de l’augmentation des complications
infectieuses maternofoetales observées malgré le déclenchement du
travail.
Deux essais randomisés récents ont montré ses avantages.
Cararach compare 371 RPM à terme traitées par ampicilline (1 g intraveineux toutes les 6 heures) associée à la gentamicine (80 mg
intramusculaire toutes les 8 heures) à 362 patientes non traitées et
note une diminution significative des infections maternelles (3,2 %
versus 5,6 %) et des états septiques chez les enfants (0,2 % versus
1,9 %) dans le groupe traité.
Le deuxième travail porte sur des
effectifs plus restreints, mais rapporte également une baisse
significative du taux d’infections maternelles (1,8 % versus 16 %),
augmenté en particulier en cas de vaginose bactérienne.
Il semble donc que dans les ruptures des membranes à terme,
comme avant terme, l’antibiothérapie soit efficace.
Sa place reste
cependant à définir par de plus grandes études : indications
systématiques ou ciblées ?
C - TRAITEMENT DE LA CHORIOAMNIOTITE :
L’antibiothérapie a transformé le pronostic de la chorioamniotite
pour la mère et pour l’enfant.
Historiquement, le débat a porté sur
le moment auquel le traitement doit être débuté : après clampage
du cordon pour ne pas masquer une infection néonatale ou dès les
premiers signes pour augmenter son efficacité ?
Trois études ont démontré les avantages dans la chorioamniotite de
débuter l’antibiothérapie pendant le travail.
Deux études
rétrospectives ont montré la réduction des infections néonatales
et un essai randomisé a montré que les antibiotiques intra partum entraînaient une diminution non seulement des états
septiques du nouveau-né mais également de la morbidité
maternelle.
Actuellement, l’ensemble des auteurs recommande de
débuter l’antibiothérapie par voie intraveineuse le plus rapidement
possible, dès que les prélèvements bactériologiques ont été réalisés.
Le traitement généralement recommandé est l’ampicilline ou
l’amoxicilline du fait de leur excellent passage transplacentaire, en
association à la gentamicine.
Les pénicillines à large spectre ou
des céphalosporines peuvent également être utilisées, mais il n’y a
pas de travail publié concernant leur utilisation dans la chorioamniotite.
En cas de césarienne, il est nécessaire de couvrir les
germes anaérobies avec un autre antibiotique tel que la clindamicine
ou le métronidazole.
Conclusion :
Le pronostic maternel et foetal, dans la RPM à terme, s’est
considérablement amélioré. Cependant, il persiste pour l’enfant une
augmentation du risque infectieux, proche de 1 à 2%.
Trois facteurs
sont en cause : le toucher vaginal, le portage maternel de SGB, la durée
de la phase de latence supérieure à 36-48 heures.
Pour diminuer ce risque, il n’est pas possible actuellement de définir
une conduite à tenir standard, mais un certain nombre de mesures
peuvent être préconisées.
Le nombre de touchers vaginaux doit être diminué.
Le toucher vaginal
est à éviter chez les patientes qui ne sont pas en travail, chez qui
l’induction immédiate n’est pas programmée.
Le travail peut être induit dès l’arrivée.
Cependant, en l’absence de
signes d’infection ou de danger foetal, un délai d’observation sous
surveillance étroite de 12 à 24 heures (voire même jusqu’à 72 heures)
peut être accepté pour attendre le début spontané du travail ; la
température maternelle et le rythme cardiaque foetal doivent être
régulièrement surveillés.
Chez les mères colonisées par le SGB, une antibiothérapie est indiquée
dès l’admission et le déclenchement immédiat est recommandé.
Lorsque
la culture est négative ou non faite, une antibiothérapie pourrait
également être proposée si l’accouchement ne paraît pas imminent.
Enfin, l’apparition de signes infectieux doit faire débuter sans attendre
une antibiothérapie après réalisation de prélèvements bactériologiques,
et faire considérer l’enfant à la naissance comme à risque infectieux.