Relations entre foie et immunité Cours d'Hépatologie
Introduction
:
La vascularisation du foie fait jouer à cet organe un rôle
physiologique particulier.
Il reçoit du sang portal et de la lymphe en
provenance directe du tractus gastro-intestinal, véhiculant des acides
gras, des glucides et des protides qu’il va métaboliser, mais aussi
des produits potentiellement toxiques et des substances antigéniques
qu’il va épurer.
Un litre et demi de sang traverse chaque minute le
foie humain.
Parcouru 360 fois par jour par la totalité du volume
sanguin d’un adulte, le foie apparaît continuellement exposé à des
charges antigéniques variées : toxines et autres composants
bactériens comme l’endotoxine en provenance de l’intestin,
antigènes alimentaires, cellules modifiées par des virus, cellules
tumorales.
C’est l’un des organes les plus riches en leucocytes et
c’est l’organe par excellence de l’immunité naturelle.
Par sa position
anatomique, il représente la première ligne de défense de
l’organisme, en attendant que des mécanismes de l’immunité
spécifique se mettent en place.
Cependant, un développement
exagéré des mécanismes de défense conduirait à une réaction
inflammatoire avec destruction hépatocytaire.
L’introduction de
nombreux antigènes est en fait souvent suivie d’une tolérance
périphérique grâce à des mécanismes locaux de régulation.
Cellules immunocompétentes du foie
:
Le foie humain adulte contient normalement un nombre
considérable de cellules immunocompétentes estimé à 1010.
A - LE FOIE EN TANT QU’ORGANE DE LA LYMPHOPOÏÈSE
:
La genèse des cellules sanguines débute dès le 16e jour de grossesse
dans le sac vitellin.
Ces cellules colonisent le foie vers la 5e-
6e semaine et ce dernier devient alors l’organe majeur de
l’hématopoïèse jusqu’à la naissance, après quoi son activité diminue
au profit de la moelle osseuse.
Il est maintenant établi que le foie
reste un organe hématopoïétique après la naissance, aussi bien chez
l’animal que chez l’homme.
Dans le foie de souris, ont été trouvées
des cellules exprimant c-kit marqueur phénotypique exprimé sur les
cellules souches et les progéniteurs de la moelle osseuse.
Ces cellules
sont capables in vitro de donner naissance aux diverses lignées
hématopoïétiques dont les thymocytes, mais peuvent aussi in vivo
reconstituer toutes les lignées sanguines de la souris irradiée à dose
létale.
De même, la transplantation de foies syngéniques à des
rats irradiés à dose létale permet la restauration des cellules des
différentes lignées hématopoïétiques.
Enfin, des cellules CD34+
(un marqueur des cellules souches totipotentes et des progéniteurs)
coexprimant CD45 (un marqueur lymphocytaire) ainsi que human
leukocyte antigen (HLA)-DR ont été mises en évidence dans le foie
de l’homme adulte.
Il n’est cependant pas établi si ces progéniteurs
proviennent de la moelle osseuse, sont stockés dans le foie et se
différencient dans un microenvironnement favorable, ou bien s’ils
sont les descendants in situ des cellules foetales CD34+.
Une étude
récente a montré que ces cellules CD34+ ainsi que les cellules c-kit
positives ont aussi la capacité de se différencier en cellules
épithéliales biliaires, suggérant ainsi que des cellules exprimant des
marqueurs hématopoïétiques peuvent aussi repeupler le
compartiment de cellules épithéliales hépatiques.
De nombreux travaux insistent sur la capacité du foie adulte à
procurer un environnement favorable pour assurer une
différenciation lymphocytaire extrathymique.
On peut relever
les faits suivants en faveur d’une fonction hématopoïétique du foie
adulte.
– Certains lymphocytes avec une faible expression du récepteur à
l’antigène de la cellule T (TcR) sont trouvés dans le foie de souris
nude athymiques.
– Des cellules mononucléées hépatiques humaines CD34+CD45+
coexpriment des marqueurs des cellules natural killer (NK) (CD56),
T (CD7) ou B (CD19).
– Il est possible de détecter dans le foie humain, par polymerase chain
reaction (PCR), de l’acide ribonucléique messager (ARNm) transcrit
des gènes RAG1 et RAG2 et codant pour des protéines de
recombinaison des gènes du récepteur T, ainsi que de l’ARNm pour
la synthèse de la chaîne pré-Ta du TcR, exprimé durant la
maturation des cellules T.
– De l’interleukine (IL) 7, cytokine qui intervient dans la
différenciation précoce des cellules T, est détectée dans le tissu
hépatique.
– Le thymus partage une origine embryologique commune avec
l’épithélium des canalicules biliaires, soulignant l’hypothèse d’une
participation de cet épithélium à un environnement favorable pour
une maturation lymphocytaire extrathymique.
Outre son rôle dans la différenciation, cet environnement hépatique
pourrait aussi favoriser la prolifération de certaines souspopulations
lymphocytaires.
B - DIFFÉRENTES POPULATIONS LYMPHOÏDES
HÉPATIQUES :
Le foie adulte normal contient autant de cellules lymphoïdes que le
torrent circulatoire.
Elles se localisent préférentiellement autour des
espaces portes et dans les zones périsinusoïdales, mais elles peuvent
aussi disséminer dans l’ensemble du parenchyme hépatique.
L’analyse phénotypique par cytométrie en flux des diverses
populations lymphocytaires montre des proportions différentes entre
les populations hépatiques et sanguines.
Les lymphocytes TCD3+
représentent en moyenne 50 à 65 % des cellules lymphocytaires du
foie comparé à 75 % dans le sang, les cellules B CD19+ de 4 à 6%
contre 10 % dans le sang, et les cellules NK CD3-CD56+ de 30 à 40 %
comparé à 15 % dans le sang. De même, la distribution des sous-populations CD3+
est différente :
– lymphocytes CD4-CD8+ largement prépondérants sur ceux de
phénotype CD4+CD8-, respectivement 63 et 19 % des lymphocytes
CD3+, proportion inverse dans le sang 34 et 60 % ;
– présence de cellules doubles positives CD4+CD8+ et doubles
négatives CD4-CD8-, représentant 4 et 14 % des lymphocytes CD3+,
respectivement 1 et 5 % dans le sang ;
– présence de récepteurs T de type ab sur 85 % des cellules CD3+,
de type cd sur 15 %, vs 96 et 4 % sur les lymphocytes CD3+
sanguins ;
– enfin, il existe une proportion élevée de cellules T CD3+ coexprimant le marqueur phénotypique CD56 des cellules NK (30 à
50 % versus 2 % dans le sang).
1- Cellules NK
:
Les cellules NK sont des effecteurs de l’immunité naturelle
impliqués dans la lyse de cellules tumorales et dans les défenses de
l’hôte au cours des phases précoces des infections par certains
pathogènes intracellulaires.
Elles peuvent synthétiser de nombreuses
cytokines comme l’interféron gamma (INF-gamma), le tumor necrosis factor (TNF)-alpha et le granulocyte macrophage-colony stimulating factor
(GM-CSF).
Les cellules NK n’expriment pas de récepteurs spécifiques d’un
antigène.
Leur activité dépend d’un équilibre entre des signaux
activateurs et inhibiteurs délivrés par de nombreux récepteurs.
L’environnement en cytokines intervient également, l’IL2, l’IL12 et
l’INF-gamma stimulent les cellules NK.
Leur activité cytotoxique
s’exerce via l’exportation de granules cytolytiques ou via la
libération de médiateurs qui entraîne l’apoptose des cellules cibles.
Les récepteurs exerçant un contrôle inhibiteur de l’activité des
cellules NK sont les mieux connus.
Ils reconnaissent les
molécules de classe I du complexe majeur d’histocompatibilité (CMH) et possèdent dans leur portion intracytoplasmique un ou
plusieurs motifs d’inhibition du récepteur immunologique
dépendant de la tyrosine ou ITIM.
La fixation du ligand entraîne
leur regroupement et une phosphorylation des résidus tyrosine du
motif ITIM par une kinase de la famille Src, avec pour conséquence
l’activation de tyrosines phosphatases cytoplasmiques à domaines
SHP-1 ou SHP-2 qui bloquent le signal activateur.
Les
récepteurs inhibiteurs peuvent être classés chez l’homme en trois
familles.
– Des récepteurs qui possèdent deux ou trois domaines
extracellulaires semblables aux domaines des immunoglobulines
(Ig).
Ils sont appelés récepteurs KIR pour killer cell Ig-like receptor et
sont codés par une douzaine de gènes polymorphes sur le
chromosome 19q13-4.
Leur longue portion intracytoplasmique
comporte pour la moitié d’entre eux deux motifs ITIM.
Il existe des
récepteurs KIR spécifiques pour chaque groupe d’allèle HLA-A, B
et C, appelés respectivement p140, p70 et p58.
Leur site
d’interaction englobe les hélices a1 et a2 des molécules de classe I et
établit un contact direct avec les 7e et 8e résidus du peptide enchâssé
dans le sillon.
La composition du peptide influence donc
directement la qualité de l’interaction.
– Des récepteurs hétérodimériques de sous-unités CD94 et
NKG2A/B reliées par un pont disulfure. Ces récepteurs sont
exprimés sur la moitié des cellules NK.
La molécule CD94 présente un domaine extracellulaire de type lectine C avec un court domaine
intracytoplasmique. Le signal est transmis par la molécule NKG2A
qui possède deux motifs ITIM assurant l’inhibition de la fonction
NK.
Ce récepteur hétérodimérique, codé en 12p12-13,
reconnaît des molécules peu polymorphes de classe I HLA-E.
Ces
dernières fixent un peptide issu de la dégradation du peptide leader
des autres molécules de classe I.
Sans ce peptide, la molécule HLA-E n’est pas exprimée.
Ainsi les cellules NK ont accès au taux
de renouvellement des molécules de classe I exposées sur les
membranes cellulaires.
– Enfin, quelques cellules NK expriment des molécules ILT (ou LIR).
Cette famille de récepteurs à motifs ITIM appartient à la
superfamille des Ig et est codée en position 19q13-3. Certains de ces
récepteurs inhibiteurs, ILT2 et ILT4, reconnaissent sans spécificité
les différents allèles de la classe I du CMH, HLA-A, B, C et aussi la
molécule peu polymorphe HLA-G.
Les autres membres de
cette famille, ILT3 et ILT5, interagissent avec des ligands non encore
identifiés.
Les récepteurs activateurs des cellules NK
sont moins bien connus.
– Certaines isoformes de la famille KIR présentent une courte
portion cytosolique dépourvue de motifs ITIM. Ils sont associés à
une protéine membranaire DAP12 dont la structure possède un
motif activateur du récepteur immunologique dépendant de la
tyrosine ou ITAM dont la stimulation active les tyrosines kinases
Syk/ZAP-70.
Ces isoformes sont principalement les protéines p50
dont les ligands sont les molécules HLA-C.
– Il existe également un pendant activateur de la molécule CD94,
récepteur des molécules HLA-E, par son couplage avec des
molécules NKG2C et DAP12.
– Il existe des récepteurs activateurs dont les ligands ne sont pas
des molécules du CMH. Certains de ces récepteurs ont été identifiés
et constituent la famille des récepteurs cytotoxiques naturels ou
NCR.
Cette famille comporte à ce jour quatre membres, appelés
NKp80, NKp46, NKp44 et NKp30.
Leur structure les apparente
à la superfamille des Ig.
Leurs ligands, des protéines membranaires,
sont en grande partie inconnus.
– Des récepteurs NKG2D couplés à une molécule DAP10
reconnaissent des protéines MICA et MICB exprimées dans des
situations de stress cellulaire.
– Une activation des cellules NK est également rapportée après
interaction de son récepteur 2B4, un membre de la superfamille des Ig apparenté à CD2, avec son ligand CD48, une glycoprotéine ancrée
par une queue phosphatidyl-inositol largement distribuée à la
surface des leucocytes.
L’activation de la cellule NK à travers
2B4 passe par l’interaction préférentielle de son domaine cytosolique
avec une protéine kinase adaptatrice SH2D1A/SAP.
Cependant,
les molécules 2B4 seraient hétérogènes et certaines fonctionneraient
comme corécepteur des molécules d’activation NCR.
– Les cellules NK portent de nombreux récepteurs de faible affinité
pour les IgG, RFccIIIA ou CD16 à motifs ITAM et dont l’activation
déclenche la cytotoxicité (phénomène d’antibody dependant cellular
cytotoxicity : ADCC).
Ce n’est pas à proprement parler une cytotoxicité naturelle, il n’y a pas reconnaissance de cellules
anormales, mais reconnaissance d’un complexe immun, où
l’anticorps assure la spécificité de l’interaction.
L’activation des cellules NK peut aussi résulter de l’activation de
multiples molécules d’adhésion ou de costimulation comme par
exemple CD69 et CD2.
Par ses récepteurs activateurs et inhibiteurs, les cellules NK sont à
même de répondre à des modifications fines du phénotype
cellulaire.
Ainsi, l’expression simultanée sur une même cellule NK
de récepteurs KIR activateurs et inhibiteurs permet la reconnaissance
et l’élimination sélective des cellules qui ont perdu l’expression d’un
ligand HLA pour le récepteur inhibiteur, mais ont gardé l’expression
des ligands pour le récepteur activateur.
C’est le cas de certaines
cellules transformées ou infectées par des virus.
Ces cellules
impliquées dans la surveillance immunitaire ont un rôle
fondamental dans l’immunité innée hépatique. La population
hépatique NK présente des particularités tant qualitatives que
quantitatives.
La population CD3-CD56+ est la population
lymphocytaire majeure du foie, en moyenne, à peu près un tiers des
lymphocytes totaux.
Ces cellules expriment presque toutes (95 %) le
marqueur des lymphocytes naïfs CD45RA.
La très grande majorité
(80 %) sont doubles négatives CD4-CD8- et 20 % sont CD8+ . Aucune
n’exprime le marqueur CD4+.
Des sous-populations de cellules NK peuvent être distinguées par la
densité de l’expression de la molécule CD56.
On distingue ainsi les
cellules CD56 bright qui possèdent plus de récepteurs CD94/NKG2A
et produisent significativement plus d’INF-gamma, TNF-bêta, TNF-alpha, GMCSF,
IL10 et IL13, que les cellules CD56dim qui, au contraire,
expriment un niveau élevé de récepteurs CD16 FccRIII et KIR.
Les cellules NK du foie CD3-CD56+ sont majoritairement CD56bright.
Elles ont une activité ADCC et de cytotoxicité
naturelle peu importante. Ce sont, en revanche, de grandes
productrices de cytokines.
Il existe aussi dans le foie un grand nombre de cellules NK CD56+
qui coexpriment le marqueur des lymphocytes T CD3+ (environ un
tiers des lymphocytes CD3+). Un chapitre leur est consacré.
C’est
donc au total plus de 50 % des lymphocytes totaux du foie qui
expriment le marqueur phénotypique CD56 des cellules NK (contre
environ 18 % dans le sang).
2- Lymphocytes T hépatiques
:
Au contraire des cellules NK qui ne possèdent pas de récepteurs
spécifiques pour l’antigène, les cellules T CD3+ sont douées de
reconnaissance spécifique grâce à leur récepteur pour l’antigène qui
reconnaît un peptide dégradé, présenté par une molécule HLA sur
une cellule présentatrice de l’antigène.
Une des caractéristiques des cellules T CD3+ hépatiques est leur
subdivision en deux sous-populations : les cellules T
« conventionnelles », CD3+CD56-, et les cellules T CD3+ qui coexpriment des marqueurs des cellules NK, dont CD56+. Seules les
cellules TCD3+ CD56- sont décrites dans ce paragraphe.
La production de cytokines intracytoplasmiques par des cellules
CD3+CD56- fraîchement isolées de foies normaux et stimulées soit
pharmacologiquement, soit par des anticorps anti-CD3 a été étudiée
par cytométrie en flux.
Comme dans le sang périphérique, la
majorité de ces cellules produit des cytokines inflammatoires de
profil Th1 (IL2, INF-gamma), 5 % des cytokines de type Th2 (IL4) et 6 %
des cytokines de type Th0 (INF-gamma, IL4).
Ce profil particulier de
synthèse Th0 est naturellement celui de lymphocytes porteurs d’un
récepteur T de type cd ou de type ab, mais où la chaîne a est
monomorphe, codée par les gènes Va24JaQ.
Selon Doherty et
al, ces deux types cellulaires ne représentent pas plus de 3 % des
cellules CD3+ hépatiques, la majorité exprimant par ailleurs des
marqueurs des cellules NK, ce qui laisse supposer qu’il existe dans
le foie d’autres types de cellules capables de produire un profil de
cytokines Th0. Mais elles ne sont pas encore identifiées.
Par ailleurs,
plus de 80 % des cellules T hépatiques qui synthétisent de l’IL4
produisent aussi de l’INF-gamma, suggérant que la majorité de l’IL4 dans
le foie est produite par des cellules de type Th0.
Une proportion importante des lymphocytes hépatiques CD3+CD56-
(20 % versus 5 % dans le sang) sont doubles négatifs CD4-CD8-.
Plus de la moitié des lymphocytes du foie CD3+CD56- exprime le
corécepteur CD8 des molécules de classe I, alors qu’environ un quart
porte le corécepteur CD4 des molécules de classe II.
Ce rapport
CD4/CD8 est inverse de celui trouvé avec les lymphocytes du sang
périphérique, où il existe deux fois plus de cellules CD4+ que CD8+.
Cette population
de cellules CD3+CD8+ est hétérogène.
Elle comprend majoritairement des simples positives CD8+,
mais aussi des doubles positives CD4+CD8+ (5-10 % versus 1 % dans
le sang).
Plus de la moitié de ces cellules CD8+ (soit 15 % des CD3+
totales) portent une molécule CD8 non pas hétérodimérique ab, mais
homodimérique aa.
Ces cellules CD3+CD8+aa+ sont
pratiquement absentes du sang périphérique.
Elles sont présentes et
bien étudiées dans l’intestin de souris. Elles possèdent la propriété
de se différencier en dehors du thymus. Une interaction d’affinité
élevée de leur TcR avec le complexe CMH-ligand autorise la
maturation de ces cellules, alors que ce type d’interaction conduit à
une sélection négative des cellules « conventionnelles » dans le
thymus.
Une grande quantité de cellules T hépatiques CD3+CD56- exprime
un TcR de type cd, en moyenne 20 % versus 80 % de TcRab+.
Le
répertoire des cellules TcRcd+ n’est pas restreint par le CMH et dans
bien des cas, la reconnaissance par la molécule s’apparente plus à
celle d’une Ig qu’à celle d’un TcRab.
Ces cellules reconnaissent
des glycoprotéines virales ou des antigènes non peptidiques de
bactéries, comme des lipides de paroi, des nucléotides, des alkylamines.
Ces cellules cd+ peuvent aussi être stimulées par
des molécules CD1c vraisemblablement en l’absence d’antigène
étranger.
Leur présence dans le foie n’est toutefois pas encore établie
avec certitude.
Les molécules CD1c largement répandues dans
tous les compartiments de l’endocytose semblent exercer une
surveillance sur les lipides et glycolipides membranaires.
L’augmentation de l’expression du CD1c ou de lipides endogènes
en situation de stress présentés par CD1c pourrait activer les cellules
cd+ .
Les ligands exacts des récepteurs cd des lymphocytes
hépatiques ne sont toutefois pas connus.
Certaines de ces cellules
cd+ possèdent un récepteur membranaire NKG2D aux protéines
MICA et MICB, exprimé à la surface des cellules épithéliales et dendritiques en
situation de stress, infection ou transformation tumorale.
En définitive,
le foie adulte normal apparaît comme un organe lymphocytaire majeur.
Mais les
lymphocytes T y sont très hétérogènes, phénotypiquement et
fonctionnellement.
Certains
présentent non seulement les caractéristiques des cellules T de
l’immunité acquise classique, avec une majorité de cellules à
activité cytotoxique CD8+, mais d’autres sont présentes : doubles
positives CD4+CD8+, doubles négatives CD4-CD8-, à CD8 composé
d’homodimères a, à TcRcd+ .
Ces cellules TcRcd+, par le panel des
molécules reconnues, pourraient constituer une première ligne de défense.
Elles pourraient aussi contribuer à orienter la réponse T
vers la voie Th1, via l’INF-gamma qu’elles sécrètent préférentiellement.
Cette voie de différenciation pourrait toutefois aussi résulter de la
production de cytokines par les cellules de Kupffer.
3- Cellules T tueuses naturelles
:
Il existe des lymphocytes coexprimant les marqueurs phénotypiques
des cellules T et des récepteurs spécifiques aux cellules NK,
nommées NKT.
C’est chez la souris qu’elles sont le mieux connues et où elles
expriment le récepteur NKT1.1.
Chez l’homme, des cellules TCD3+ coexprimant TcR et marqueurs
des cellules NK (CD56, CD16, CD161, CD94, KIR inhibiteurs p58 et
p70) ont été décrites.
C’est la coexpression
de CD3 et de CD56 qui définit le mieux cette population, qui
représente en moyenne 30 % à 50 % des cellules TCD3+ hépatiques.
Leurs propriétés ne
sont pas toutes similaires aux cellules NKT1.1+ de la souris.
Elles sont majoritairement CD8+ (70 %) ou doubles négatives CD4-
CD8- (de 5 à 39%), mais peuvent aussi porter le phénotype CD4+
(de 3 à 31%).
Elles expriment les chaînes ab (environ 60 %) ou cd (environ 40 %)
des récepteurs T.
Le foie est l’organe le plus riche en cellules TcRcd+.
Norris et al ne peuvent pas distinguer sur les
lymphocytes hépatiques humains des populations aux densités
différentes de TcR, TcRbright et TcRint.
La distribution des récepteurs KIR, CD94 et CD16 varie beaucoup
d’un échantillon à l’autre.
Ces cellules expriment le phénotype
CD56dim, qui serait associé à un stade de différenciation plus avancé
que le phénotype CD56bright des cellules NK.
L’analyse des ARNm de ces cellules révèle un biais dans leur
répertoire. Environ 25 % des lymphocytes CD3+CD56+TcRabc+ (soit
4 % des lymphocytes CD3+ du foie, versus 0,5 % dans le sang) ont
une chaîne a monomorphe, produit du réarrangement des gènes de
régions variables Va24-JaQ, sans ajout de nucléotides jonctionnels.
Ce type de récepteurs n’est exprimé que sur ces cellules.
Comme les lymphocytes CD3+CD56- du foie, la majorité des cellules NKT synthétisent après stimulation des cytokines de profil Th1 et
moins de 10 % un profil Th2 avec en particulier de l’IL4
impliquée dans la maturation des lymphocytes B.
Jusqu’à 11 % des
cellules Va24-JaQ+ et 3 % des cellules cd+ peuvent présenter un profil de type Th0.
La prédominance du profil Th1 pourrait
résulter de la stimulation de ces cellules par des cytokines
inflammatoires produites par les cellules de Kupffer et les
hépatocytes.
Les cellules NKT prolifèrent en réponse à la
combinaison IL2 et IL12, ainsi qu’à l’IL15.
Les fonctions de ces cellules sont largement spéculatives.
Elles
possèdent in vitro une activité cytotoxique de type NK.
Les lymphocytes NKT TcRcd+ ou Va24-JaQ+ reconnaissent les
antigènes dans le contexte des molécules CD1 qui présentent des
lipides, des glycolipides ou des peptides hydrophobes.
Des quatre isotypes des molécules CD1 humaines connues, c’est l’isoforme
CD1d qui stimule les lymphocytes Va24-JaQ+.
L’isoforme
CD1c qui stimule les cellules TcRcd+ a été envisagée au chapitre
précédent.
Enfin, les fonctions des cellules NKT et NK pourraient être liées,
l’activation de l’une des populations entraînant l’activation de
l’autre.
Les cellules NK et NKT peuvent répondre rapidement et
sans immunisation préalable en relarguant de grandes quantités de cytokines et
en exprimant leur capacité cytotoxique naturelle, réponse augmentée
par une activation mutuelle en réponse aux cytokines sécrétées.
Cette activation
rapide est caractéristique de l’immunité naturelle et sert de
première ligne de défense face à certains pathogènes présentés par
les molécules CD1.
La production
des divers types de cytokines dans le microenvironnement hépatique
pourrait réguler la différenciation des lymphocytes T vers les voies
Th1 ou Th2.
Il s’établirait ainsi un réseau de
communication entre immunité naturelle et acquise dont les cellules NKT seraient l’interface.
Elles pourraient aussi réguler
l’hématopoïèse ou la lymphopoïèse hépatique.
4- Lymphocytes B hépatiques
:
Les cellules B représentent entre 1 et 9 % des lymphocytes totaux
hépatiques.
Certains restent dans le foie après perfusion, soulignant
le fait que ces cellules n’ont pas infiltré le foie, mais y résident à
demeure.
Ces lymphocytes pourraient donc avoir un rôle dans
l’immunité locale hépatique.
Il existe des IgA secrétoires dans la bile.
Ces IgA sont prélevées directement dans le flux circulatoire, mais
Jackson et al évoquent la possibilité d’une synthèse locale d’IgA,
peut-être par les lymphocytes B résidant dans le foie, et destinées
spécifiquement à être sécrétées dans la bile.
Le rôle des IgA est la
défense des surfaces épithéliales des canaux biliaires et du jéjunum, en prévenant l’attachement des bactéries ou des toxines ou en
empêchant l’absorption de substances qui auraient échappé à
l’action agressive de l’acidité gastrique.
La possibilité d’éliminer de
la circulation portale des complexes antigène-IgA où l’antigène serait
un allergisant potentiel a également été démontrée.
Cellules présentatrices d’antigène
dans le foie
:
Dans le foie, les cellules présentatrices de l’antigène (CPAg) sont les
cellules endothéliales des sinusoïdes hépatiques (CESH), les cellules
de Kupffer et les cellules dendritiques.
Mais dans certaines
pathologies, les hépatocytes et les cellules biliaires peuvent acquérir
des caractéristiques de cellules immunitaires.
A - CELLULES ENDOTHÉLIALES DES SINUSOÏDES
HÉPATIQUES :
Les CESH forment la paroi des capillaires des sinusoïdes hépatiques.
Ce sont des cellules fenestrées, c’est-à-dire que le cytoplasme des
cellules endothéliales est percé de pores, de diamètre environ
100 nm, qui traversent toute l’épaisseur du cytoplasme.
La surface
totale de ces fenestrations peut atteindre 10 % de la surface de la CESH.
Cet endothélium ne repose pas sur une membrane basale,
mais est intimement lié aux cordons d’hépatocytes dont il reste
cependant séparé par un espace riche en réticuline ou espace de
Disse.
Ces pores sont normalement ouverts, mais la CESH, par
l’intermédiaire de son cytosquelette, contrôle le nombre et la taille
de ces fenêtres.
Les CESH fonctionnent donc comme une barrière
sélective entre la lumière des sinusoïdes et les hépatocytes.
Elles
enferment les hépatocytes dans un véritable carcan et les protègent de tout agresseur issu du torrent circulatoire. Les hépatocytes ne
deviennent accessibles aux lymphocytes qu’après rupture de cette
barrière.
Le petit diamètre des sinusoïdes hépatiques (4-6 μm)
associé à la vitesse faible du flux sanguin dans ces sinusoïdes (25 à
250 μm/min) entraînent obligatoirement une déformation des
cellules endothéliales et des cellules sanguines pour permettre
l’écoulement de ce flux.
Il existe donc des contacts étroits entre
lymphocytes circulants et CESH.
La surface des CESH est pourvue de nombreux récepteurs
déclenchant l’endocytose : récepteurs au mannose dont les ligands
sont des glycoprotéines terminées des résidus fucoses,
N-acétylglucosamines ou mannoses, récepteurs de la famille
scavenger avec pour ligands de nombreuses molécules bactériennes,
récepteurs à l’acide hyaluronique.
Enfin, la présence de molécule
CD4 permet à la CESH d’être une cible potentielle du virus de
l’immunodéficience humaine.
La fixation du ligand entraîne son
internalisation, son transport et sa dégradation dans des lysosomes.
À ces capacités de dégradation, les CESH ajoutent les autres
caractéristiques des CPAg.
Elles peuvent apprêter l’antigène et
expriment de façon constitutive les molécules de classe II du CMH,
les molécules d’adhésion intercellular adhesion molecule (ICAM) et
LFA-3, les molécules de costimulation CD80, CD86, CD40 et synthétisent les
cytokines inflammatoires IL1 et IL6.
Elles sont aussi capables de sécréter, après stimulation par un
antigène, les molécules immunomodulatrices que sont le monoxyde
d’azote et certaines éicosanoïdes.
Enfin, l’adhésion des leucocytes à ces cellules ne nécessite ni l’étape
préalable de roulement où les interactions sont médiées par des
sélectines ni celle d’activation.
L’adhésion est d’emblée irréversible
avec interactions entre les intégrines leucocytaires (CD11a/CD18 et
CD19) et des membres de la superfamille des Ig exprimés de façon
constitutive par l’endothélium, ICAM et vascular cell adhesion molecule (VCAM) (CD54 et CD106).
Les leucocytes ont ainsi la
possibilité d’adhérer au CESH dans des situations
physiologiques.
De petites quantités membranaires de CD11c
témoignent d’une probable origine myéloïde de ces CESH.
Cependant, pour Knolle et al, elles dériveraient de cellules souches
à localisation hépatique.
Finalement, les CESH ont la capacité d’épurer le sang portal des
peptides antigéniques intestinaux par leur fonction d’endocytose et
de les présenter sous formes dégradées dans le contexte des
molécules des CPAg qu’elles expriment de façon constitutive.
B - CELLULES DE KUPFFER
:
Ce sont les macrophages résidant dans le foie. Ils représentent la
population macrophagique la plus importante de l’organisme (80 %
de tous les macrophages résidents).
Ils se localisent dans la
lumière des sinusoïdes, fréquemment à leurs confluents, ancrés entre
les CESH, mais parfois se nichent dans l’espace de Disse.
Ils
peuvent migrer dans le sens du flux sanguin, mais aussi à contrecourant.
Ils dérivent de progéniteurs hématopoïétiques de la
moelle osseuse, mais pourraient proliférer localement.
Leurs fonctions sont similaires à celles des CESH.
Ils ont une capacité phagocytaire considérable grâce à de nombreux
récepteurs diversifiés pour l’endocytose, et seraient responsables à
90 % de l’élimination de particules étrangères amenées par voie
sanguin.
Ils expriment spontanément, comme les CESH, les
molécules nécessaires à l’adhésion des lymphocytes T, à la
reconnaissance de l’antigène, ainsi que les molécules costimulatrices.
Ils sécrètent les cytokines inflammatoires IL1, IL6 et INF-a,
du TNF-alpha ainsi que du transforming growth factor (TGF)-bêta.
Elles
sont aussi capables après stimulation par un antigène de produire
de l’IL10 qui inhibe la présentation de l’antigène par les CESH,
ainsi que de l’IL12, activateur des cellules NK et NKT.
Enfin, du monoxyde d’azote et des éicosanoïdes à activité
immunomodulatrice sont aussi susceptibles d’être synthétisés par
les cellules de Kupffer activées.
In vitro, leur capacité de
présentation et d’activation de cellules CD4+ est moindre que celle
des macrophages de la rate ou de la moelle osseuse.
B - CELLULES DENDRITIQUES
:
Dans le foie humain, elles se localisent dans l’espace porte, surtout
autour des canalicules biliaires.
L’ontogénie des cellules dendritiques n’est pas claire, il n’existe pas de lignage dendritique
en tant que tel.
Il se trouve des cellules dendritiques de lignage
myéloïde (phénotype CD11c+) et lymphoïde (CD11c-), dérivant
toutes d’un progéniteur hématopoïétique commun.
Les cellules
dendritiques hépatiques présentent un niveau faible d’expression de
la molécule CD11c.
Elles sont négatives pour les marqueurs
lymphocytaires CD3, CD4, CD8.
Elles montrent une faible densité
membranaire pour les molécules de classe II et costimulatrices CD86,
associée à une grande capacité d’endocytose.
Ce phénotype est
celui de cellules dendritiques immatures. Des résultats similaires
sont rapportés chez la souris.
Thomson et al mentionnent aussi
l’existence dans cette espèce de cellules dendritiques CD8+CD11c+
comptant pour 30 % des cellules dendritiques hépatocytaires.
Leur grande capacité phagocytaire leur permet d’internaliser et de
dégrader des antigènes de nature variée.
Après avoir capturé
l’antigène, les cellules dendritiques migrent par voie lymphatique
dans les centres germinatifs des ganglions (du hile et intrathoracique) où elles achèvent leur maturation.
Surviennent alors
d’importantes modifications phénotypiques et fonctionnelles avec,
entre autres, une intense expression membranaire des molécules de
classe II du CMH ainsi que des molécules de costimulation,
expression d’une molécule DC-LAMP impliquée dans la
réorganisation des compartiments d’endocytose et une diminution
d’expression de la molécule CD68 (diminution de la capacité
lysosomale).
C’est dans ces ganglions que les cellules
dendritiques activées présentent l’antigène aux cellules
lymphocytaires et assurent la différenciation des cellules T naïves en
cellules T activées.
À ce stade, elles sont capables d’une synthèse
élevée d’IL12, d’IL15 et IL18, activateur des cellules NK et NKT.
Finalement, les cellules de Kupffer comme les CESH possèdent de
façon constitutive la machinerie nécessaire pour la présentation in
situ des antigènes qu’elles épurent du sang portal.
Mais si elles sont
capables de présenter l’antigène à des cellules T effectrices déjà
différenciées, elles ne peuvent activer des lymphocytes T naïfs qui
n’ont jamais rencontré l’antigène.
La différenciation des lymphocytes
T naïfs en cellules effectrices ne peut se faire que si l’antigène est
attrapé dans les sinusoïdes hépatiques par des cellules dendritiques
et présenté à ces lymphocytes naïfs.
C - INFLUENCE DU MICROENVIRONNEMENT HÉPATIQUE
SUR LES FONCTIONS DES CPAg :
Du fait de sa position anatomique sur la circulation portale, le foie
est en contact permanent avec de nombreuses substances originaires
du tube digestif. C’est le cas pour des constituants bactériens dont
le lipopolysaccharide (LPS), composant de la paroi des bacilles à
Gram négatif qui résulte de la dégradation de la flore intestinale.
Il
est absorbé de façon physiologique dans l’iléon terminal, et se trouve
normalement dans le sang portal à des concentrations comprises
entre 1 et 20 pg/mL.
Par l’intermédiaire des récepteurs CD14, le LPS
est internalisé et catabolisé.
Ce récepteur est présent sur les
cellules de Kupffer et les CESH qui assurent la clairance du LPS.
À concentrations physiologiques, le LPS
agit sur les fonctions immunitaires. Sur les cellules de Kupffer, il entraîne la
synthèse d’IL10.
Par effet autocrine et paracrine, cette cytokine
amoindrit la capacité de présentation de l’antigène par les CESH et
les cellules de Kupffer.
Elle réduit la capacité phagocytaire par
décroissance du nombre de récepteurs au mannose, elle diminue
l’expression membranaire des molécules de classe II et de
costimulation CD80 et CD86.
Ces mêmes cellules, sous l’action
du LPS, voient la synthèse de certaines éicosanoïdes stimulée, dont
la prostaglandine (PG)E2 à activité immuno-inhibitrice.
Enfin, le LPS déclenche la synthèse de
TNF-alpha par ces cellules de Kupffer,
avec pour conséquence surprenante une diminution de l’activation
des cellules T CD4+.
Le LPS agit aussi sur la capacité des CESH à
présenter les antigènes.
Il agit directement sans intermédiaire de
médiateurs solubles, en réduisant la fonction d’apprêtement de ces
cellules, par alcalinisation du compartiment endolysosomal et en
diminuant l’expression des molécules de classe II et costimulatrices
CD80 et CD86.
Il augmente également la synthèse de PGE2 par
ces cellules.
Enfin le TGF-bêta, inhibiteur de la croissance des lymphocytes et de l’activité macrophagique, voit, sous l’effet du LPS,
sa synthèse s’accroître par les cellules de Kupffer et les CESH.
Finalement, des facteurs locaux émis dans le microenvironnement
hépatique après l’endocytose physiologique du LPS limitent
l’activation des lymphocytes T par les CESH et les cellules de
Kupffer, sans toutefois altérer les fonctions d’épuration de ces
cellules.
C’est là un mécanisme de tolérance.
D - HÉPATOCYTES ET CELLULES BILIAIRES
:
Les hépatocytes et les cellules biliaires peuvent posséder dans
certaines circonstances des caractéristiques de cellules immunitaires.
– En effet, les hépatocytes peuvent activer directement des clones
de cellules TCD8+ naïfs sans l’aide de CPAg.
Mais ces lymphocytes
commencent à proliférer et meurent ensuite rapidement,
probablement par absence de délivrance d’un cosignal reçu par
CD28.
Les hépatocytes sont donc susceptibles d’induire une apoptose lymphocytaire.
– Au même titre que les cellules de Kupffer et les CESH, les
hépatocytes jouent un rôle dans la clairance du LPS, notamment par
l’expression de CD14.
L’accumulation de LPS existant dans la
cirrhose biliaire primitive (CBP) est observée dans les cellules de
Kupffer mais également dans les cellules biliaires et les
hépatocytes.
– Au cours de la CBP comme dans le cas d’autres maladies
hépatiques cholestatiques, les cellules de l’épithélium biliaire
expriment de novo des molécules de classe II du CMH et la
molécule d’adhésion ICAM1.
Mais l’apparition tardive des
molécules de classe II du CMH, ainsi que la probable absence
d’expression des molécules de costimulation CD80, CD86, rend peu
probable l’hypothèse que ces cellules épithéliales biliaires présentent
l’antigène aux lymphocytes T.
Tolérance hépatique
:
A - MÉCANISMES DE LA TOLÉRANCE HÉPATIQUE
:
Le foie doit continuellement éliminer de la veine porte des
substances bactériennes et alimentaires sans déclencher de réaction
inflammatoire locale qui détruirait la barrière des CESH garantissant
l’intégrité des hépatocytes.
Expérimentalement, l’administration
d’antigène dans la veine porte est plus tolérogène que dans la
vascularisation systémique.
Le fait expérimental le plus marquant
est le succès de la transplantation de foies allogéniques à des porcs,
qui entraîne un effet tolérogène pour la greffe d’autres organes.
Il
existe donc des mécanismes de contrôles locaux qui favorisent la tolérance.
Un réseau complexe d’interactions cellulaires et
moléculaires contrôle le développement des clones lymphocytaires.
Au niveau extrathymique, cette tolérance résulte de plusieurs
mécanismes, délétion clonale, anergie, immunorégulation.
1- Tolérance et délétion clonale intrahépatique
:
La délétion clonale ou destruction des clones réactifs résulte d’un
mécanisme d’apoptose.
L’INF-gamma synthétisé à haut niveau par les
lymphocytes T activés entraîne une expression accrue de la molécule
CD95L (Fas Ligand) à la surface des cellules de Kupffer.
Sa liaison
avec son récepteur CD95 (Fas) sur le lymphocyte conduit à
l’apoptose de ce dernier.
La cellule de Kupffer peut ainsi mettre fin
à une réponse immune contre un antigène délivré par la circulation
portale, le LPS augmente l’expression de CD95L sur les CESH.
Un surnageant de culture de cellules de Kupffer et de CESH stimulé
par le LPS amplifie l’apoptose des thymocytes ou des
hépatocytes.
Cependant, l’induction d’une tolérance hépatique
par apoptose des clones lymphocytaires se doit d’être spécifique de
l’antigène, sinon il y aurait une immunosuppression de tous les
lymphocytes activés qui traversent le foie plusieurs centaines de fois
par jour.
Les mécanismes régulateurs de cette apoptose hépatique
ne sont pas connus.
2- Tolérance et immunorégulation hépatique
:
Des lymphocytes T naïfs stimulés in vitro par les CESH ne peuvent
mener à bien leur différenciation en cellules T CD4+ de type Th1.
Les CESH possèdent l’ensemble des molécules nécessaires à la
présentation de l’antigène et à l’activation des lymphocytes T.
En
retour, ceux-ci prolifèrent et produisent des cytokines, mais ne
peuvent aboutir au stade de lymphocytes différenciés Th1.
Leur
différenciation se bloquerait au stade précoce Th0, sécréteur entre
autres d’IL4, IL10 et INF-gamma, cytokines aux effets de contre-régulations
réciproques sur les voies Th1 et Th2.
Les CESH généreraient ainsi
des lymphocytes T immunorégulateurs qui s’opposeraient à la
différenciation des cellules T effectrices.
Les CESH sont aussi capables d’utiliser la voie du protéasome pour
charger des molécules de classe I avec des antigènes exogènes,
propriété intrinsèque des CPAg professionnelles.
Présentées à des
lymphocytes CD8+, un état de tolérance s’installe.
Les cellules CD8+
perdent leur capacité à exprimer les cytokines INF-gamma et IL2 après
restimulation.
3- Tolérance et anergie hépatique
:
L’ensemble des cytokines et des substances à activité tolérogène,
IL10, TNF-bêta et PGE2, produit localement par les CPAg dans le
microenvironnement hépatique, concourt à un blocage des fonctions
lymphocytaires.
4- Rôle particulier des cellules dendritiques hépatiques
:
Si les CESH et les cellules de Kupffer rendent tolérant le système
immunitaire vis-à-vis des molécules qu’elles épurent du sang portal,
le rôle du troisième type de CPAg hépatique, les cellules
dendritiques, est plus discuté.
Pour Abe et al, elles semblent plutôt
entraîner une activation du système lymphocytaire hépatique.
Au contraire des CESH et des cellules de Kupffer, les cellules
dendritiques sont présentes dans le foie à un état immature.
Elles
n’expriment pas à leur surface les molécules nécessaires à
l’activation.
Elles acquièrent ces molécules après différenciation qui
se déroule après migration dans les organes lymphoïdes.
Après
capture de l’antigène et maturation, les cellules dendritiques
hépatiques sont capables de stimuler des clones lymphocytaires
naïfs en cellules effectrices, avec production d’INF-gamma.
Ces cellules
dendritiques hépatiques produisent de l’IL12, immunoactivateur,
mais très peu d’IL10 immuno-inhibiteur.
Cependant, d’autres
auteurs ont montré qu’après maturation, les cellules dendritiques
du foie étaient capables d’induire un phénomène de tolérance, en
particulier par une production massive d’IL10.
Les signaux
déterminant la nature tolérogène ou immunogène de la réponse ne
sont pas connus.
B - IMPORTANCE DE LA TOLÉRANCE HÉPATIQUE
:
Les hépatocytes, de par leurs fonctions vitales, se doivent d’être à
l’abri de toutes réactions inflammatoires destructrices.
Cette
protection passe par l’aptitude des CPAg hépatiques à entraîner une
réponse de type tolérogène plutôt qu’immunogène, en particulier
par le microenvironnement qu’elles créent.
Une importance
particulière doit être accordée au CESH.
Elles possèdent
l’équipement complet pour capturer les antigènes du sang portal
par un large panel de récepteurs, pour les apprêter et les présenter
aussi bien sur les molécules de classe II que de classe I en association
avec les molécules de costimulation.
Elles sont obligatoirement en contact intime avec les cellules T qui traversent la circulation
hépatique et assurent en plus une protection physique des
hépatocytes qu’elles isolent du flux circulatoire.
Conclusion
:
Le foie est une vaste usine de synthèse et de dégradation placée sur la
circulation porte.
Mais il doit aussi être considéré comme un organe
lymphoïde capable de générer et d’activer des cellules lymphocytaires
très hétérogènes.
Certaines sont des lymphocytes T qui reconnaissent
l’antigène de façon spécifique dans le contexte des molécules HLA grâce
à leur récepteur T ab. D’autres lymphocytes T cd, lymphocytes NK et
cellules de Kupffer, reconnaissent directement, grâce à des récepteurs
variés, de nombreuses structures moléculaires, de cellules modifiées, ou
de parois bactériennes.
Le foie contient majoritairement des cellules de
l’immunité naturelle qui lui permettent d’assurer son rôle de première
ligne de défense vis-à-vis des molécules du tube digestif véhiculées par
le système porte.
Ces substances potentiellement toxiques sont épurées
par les cellules de Kupffer et les cellules dendritiques hépatiques ainsi
que par les CESH.
Ces dernières renforcent leur rôle physique de
barrière entre le torrent circulatoire et les cordons d’hépatocytes par une
fonction immunorégulatrice.
Par le microenvironnement qu’elles
contribuent à créer avec les autres CPAg, elles orientent la réponse
immunitaire vers une réaction tolérogène.
Mais, si le système est activé
de façon inappropriée, une réaction inflammatoire avec destruction hépatocytaire peut survenir.