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Médecine Dentaire
Pronostic et plan de traitement en orthopédie dentofaciale en fonction des méthodes employées
Cours de Médecine Dentaire
 
 
 

Introduction :

Tout praticien souhaite connaître les chances de réussite de la stratégie de traitement qu’il envisage.

Que ce soit une thérapeutique orthopédique, orthodontique ou chirurgicale, on ne peut dissocier les prises de décisions du résultat qu’elles escomptent.

Le pronostic est l’évaluation des possibilités de réussite d’un traitement : à court terme, en ce qui concerne la correction et les résultats thérapeutiques ; à long terme, en ce qui concerne la stabilité des résultats obtenus.

L’établissement du pronostic permet de prévoir la durée du traitement, de discerner les limites de la thérapeutique, d’informer et de motiver le patient, de mettre en oeuvre les moyens susceptibles de l’améliorer.

L’établissement du plan de traitement et du pronostic sont indissociables.

Ils découlent de la même démarche diagnostique.

Ils reposent sur la combinaison de nombreuses données : le diagnostic positif, le diagnostic étiologique, le plan de traitement, les différents aspects psychologiques, les techniques utilisées.

Chronologiquement, c’est l’une des dernières étapes de notre démarche thérapeutique.

Mais par « réflexion à rebours », nous pouvons être amenés à modifier le plan de traitement initial.

Par exemple, chez un patient adulte présentant un décalage important, dont la correction orthodontique est possible mais de pronostic incertain, le choix d’une intervention orthodonticochirurgicale améliore nettement le pronostic.

Dans un premier temps, nous tenterons de clarifier les différents éléments sur lesquels reposent l’établissement du pronostic ; puis une deuxième partie détaillera, en fonction des différentes méthodes à notre disposition, les moyens d’objectiver nos chances de réussite et leur influence sur le plan de traitement.

Nous ne nous engagerons pas dans le problème de la récidive à long terme qui constitue un sujet indépendant.

Charron souligne que, en ce qui concerne le pronostic de réussite d’un traitement, on ne trouve que des opinions subjectives, des supputations liées à l’expérience clinique des praticiens, mais très rarement des règles.

Nous tenterons dans cet article de réunir ces quelques règles et de faire une synthèse objective de ces opinions subjectives.

Généralités :

A - INFLUENCE DE L’ÉTIOLOGIE DES DYSMORPHOSES SUR LE PRONOSTIC ET PLAN DE TRAITEMENT : FACTEURS HÉRÉDITAIRES ET FONCTIONNELS

Les dysmorphoses d’origine héréditaire ont un pronostic plus réservé que celles dont l’origine est fonctionnelle.

Les thérapeutiques mises en oeuvre sont plus tardives, moins interceptives.

Au contraire, en présence d’une étiologie présentant un caractère fonctionnel, le pronostic est beaucoup plus favorable si un traitement de l’étiologie est mis en place au bon moment.

Il faut souligner la difficulté de poser un diagnostic étiologique face à des dysmorphoses qui sont le plus souvent la conséquence d’une cascade de facteurs pathogéniques interagissant les uns avec les autres, les facteurs fonctionnels et héréditaires étant très souvent imbriqués.

B - INFLUENCE DE LA CROISSANCE SUR LE PRONOSTIC ET LE PLAN DE TRAITEMENT :

Le potentiel et le type de croissance ont une grande importance dans l’établissement du pronostic.

1- Potentiel de croissance :

Björk a démontré que les taux d’accroissement du maxillaire et de la mandibule suivent sensiblement les mêmes variations que celui de l’accroissement statural.

Afin de situer le patient le plus précisément possible sur cette courbe et de déterminer son stade de croissance, Björk et Helm préconisent de déterminer l’âge osseux d’après les stades d’ossification des os de la main.

Dans le cas où la direction de croissance est favorable à la correction de la malocclusion, plus le potentiel de croissance est important, meilleur est le pronostic.

Si la direction de croissance est défavorable, le pronostic est d’autant plus réservé qu’il existe un potentiel de croissance important.

Hors période de croissance, le pronostic est d’autant plus réservé que le décalage sagittal est important ou que la typologie verticale est marquée.

D’autre part, les thérapeutiques mises en oeuvre n’ont pas la même efficacité selon les périodes :

– période infantile : de la naissance à 2 ans et demi ;

– période juvénile : de 3 ans à 10-12 ans ; c’est la période des traitements préventifs et interceptifs ;

– période adolescente avec un maximum de taux de croissance situé au pic pubertaire ; c’est la période des traitements interceptifs et correctifs ;

– période adulte, caractérisée par la fin de la croissance staturale ; dans cette période, les traitements sont correctifs, avec en particulier les traitements chirurgicaux orthognathiques.

2- Direction de croissance :

Tweed a le premier défini trois types de croissance.

Il utilise deux téléradiographies de profil prises à 1 an d’intervalle ou plus :

– le type A, caractérisé par une croissance du maxillaire et de la mandibule comparables vers le bas et l’avant (25 % des cas) ; l’angle ANB reste constant ; le pronostic de traitement de ces cas est favorable dans les cas de classe I et de classe II ;

– le type B, caractérisé par une croissance plus importante du maxillaire que de la mandibule (15 % des cas) ; l’angle ANB augmente ; le pronostic est défavorable dans les cas de classe II ;

– le type C, qui présente une croissance de la mandibule plus rapide que celle du maxillaire (60 % des cas) ; l’angle ANB diminue ; le pronostic est favorable dans les cas de classe II.

D’après les travaux de Björk, puis de Sassouni et Schudy, on définit des cas de croissance à rotation antérieure ou à rotation postérieure de la mandibule.

L’observation de ces signes structuraux sur la téléradiographie de profil d’un patient permet de définir sa tendance vers une direction de croissance antérieure ou postérieure.

Les travaux de Dibbetts, puis de Lautrou, ont apporté un nouvel éclairage avec l’utilisation des superpositions structurales.

Les typologies extrêmes (hypo- ou hyperdivergences très marquées) ont un pronostic défavorable.

Leur schéma facial a tendance à s’accentuer en cours de croissance et la thérapeutique orthodontique ne peut, dans le meilleur des cas, qu’éviter une aggravation de la typologie verticale.

Esthétiquement, le pronostic est également réservé.

La convexité du profil a tendance à s’aggraver avec la rotation postérieure de la mandibule chez les hyperdivergents, alors que les cas de rotation antérieure marquée sont caractérisés par un effondrement du profil sous-nasal.

C - INFLUENCE DE LA DYSMORPHOSE SUR LE PRONOSTIC ET LE PLAN DE TRAITEMENT :

La plupart du temps, un patient réunit plusieurs symptômes, qui ne se réduisent pas forcément avec le même bonheur.

Ceci entraîne une liste pratiquement infinie de cas particuliers.

Dans un souci de clarification, nous étudierons indépendamment chacun des problèmes que l’on peut rencontrer.

En général, ce sont les anomalies des bases osseuses qui nous causent le plus de difficultés.

1- Anomalies du sens sagittal :

* Au maxillaire :

Prognathie et proalvéolie représentent une grande partie des cas traités.

Nous disposons d’un large choix de possibilités thérapeutiques, dont le pronostic est favorable.

Il faut toutefois émettre certaines réserves, en cas d’association avec une rétrognathie mandibulaire et un surplomb horizontal important.

La rétroalvéolie ne pose pas de problème.

Enfin, pour la rétrognathie, le pronostic est d’autant plus sombre que celle-ci est associée à une prognathie mandibulaire.

* À la mandibule :

Proalvéolie et rétroalvéolie ont un pronostic favorable pour peu que l’on suive rigoureusement une des différentes méthodes de traitement.

Rétrognathie mandibulaire : il existe, en thérapeutique fonctionnelle, des moyens d’action pour stimuler la croissance mandibulaire, mais le pronostic est sous la dépendance de nombreux facteurs (potentiel de croissance insuffisant ou mal orienté, coopération, déroulement du traitement dans une période de faible croissance).

Le pronostic de leur correction est fortement lié à l’étiologie.

Prognathie mandibulaire : sa correction est d’autant plus aléatoire que son origine héréditaire est plus ou moins affirmée.

La résolution du problème doit souvent passer par la chirurgie orthognathique.

L’association avec un décalage vertical aggrave le tableau clinique.

2- Anomalies du sens vertical :

Au niveau alvéolodentaire, nous pouvons rencontrer des béances antérieures ou latérales, ainsi que des supraclusions antérieures.

Ces problèmes sont dus en général à un dysfonctionnement neuromusculaire.

Le pronostic est favorable dès lors que les fonctions peuvent être réhabilitées.

Au niveau squelettique, il s’agit en général de bascules d’un maxillaire ou des deux, autour d’un axe transversal ou antéropostérieur.

La résolution du problème nécessite un acte chirurgical.

3- Anomalie du sens transversal :

Comme pour le sens vertical, les décalages alvéolaires ont en général une origine neuromusculaire, et leur pronostic est sensiblement plus favorable.

Au niveau squelettique, la dysmorphose le plus souvent rencontrée est la brachygnathie maxillaire.

Elle peut se réduire par disjonction maxillaire orthopédique ou chirurgicale.

4- Dysmorphoses associées :

Aux dysmorphoses osseuses s’associent toute une série de problèmes dont la présence a une influence plus ou moins importante sur le pronostic et le plan de traitement.

Dans un souci de clarté, nous étudierons ces troubles séparément.

L’accumulation des différentes dysmorphoses complique très nettement le plan de traitement et assombrit le pronostic.

* Dysharmonie dentomaxillaire :

Par excès : la fermeture des espaces nécessite le mésialage des dents postérieures, compliquant notablement le traitement et augmentant les risques de répercussions antérieures défavorables.

Par défaut : un manque de place modéré (moins de 5 mm) n’est pas de nature à nous inquiéter.

Mais bien sûr, associé à d’autres dysmorphoses chez un même patient, il complique le traitement.

En cas de dysharmonie supérieure à 6 mm, le plan de traitement comporte des extractions dentaires.

Cette décision, difficile à prendre par le praticien et souvent délicate à faire accepter par les patients ou leurs parents, a en général un effet bénéfique sur le pronostic.

En effet, il arrive que le gain de place soit supérieur au manque initial, laissant un excédent utilisable pour la résolution d’autres problèmes, et un choix judicieux des dents à extraire peut simplifier une partie des déplacements.

* Dysharmonie dentodentaire :

Selon la quantité de dysharmonie, le nombre et la position des dents impliquées, la dysharmonie dentodentaire a différentes conséquences : occlusales, parodontales ou esthétiques.

Dans tous les cas, mais à des degrés divers, elle a un effet défavorable sur le plan de traitement et le pronostic.

* Anomalies de nombre :

La présence de dents surnuméraires, chez un patient pour qui est prévu un traitement orthodontique, conduit dans la quasi-totalité des cas à l’avulsion de ces organes.

L’influence sur le pronostic est liée aux risques de l’acte chirurgical.

Pour les agénésies, plusieurs cas peuvent se rencontrer :

– premier cas : le plan de traitement initial prévoit une extraction équivalente dans le même quadrant ; c’est le cas idéal ;

– deuxième cas : des extractions n’étaient pas initialement prévues, mais il est possible de modifier le plan de traitement afin de fermer les espaces, en associant parfois l’extraction des dents controlatérales aux agénésies, pour obtenir un résultat équilibré ; ces modifications imposées ne peuvent que peser défavorablement sur le pronostic ;

– troisième cas : il n’y a pas de possibilité de fermer les espaces ; le plan de traitement inclut une phase prothétique et le pronostic est peu modifié par l’agénésie ;

– quatrième cas : le patient ne présente pas d’autre dysmorphose ; le pronostic de la fermeture orthodontique des espaces dépend du siège et de l’impact esthétique de l’agénésie ; c’est en général la prothèse qui répond le mieux à ce problème ; toutefois, une phase orthodontique peut être envisagée au sein de la préparation prothétique.

* Dents incluses :

Dans les cas où leur mise en place orthodontique n’est pas contreindiquée (ankylose, distance à parcourir trop importante, décision d’extraction), leur présence pèse considérablement sur le plan de traitement : nécessité d’un ancrage important, allongement de la durée du traitement.

De plus, les risques de bascule du plan d’occlusion ou d’immobilisation de la dent en cours de déplacement assombrissent nettement le pronostic.

* Rotations :

Leur correction ne complique pas réellement le traitement.

Toutefois, la répercussion sur la durée du traitement est certaine, les récidives sont fréquentes.

Leur correction précoce et la section des fibres gingivales sont en mesure d’améliorer le pronostic.

* Diastèmes :

Nos objectifs fonctionnels ne nécessitent pas forcément leur fermeture.

Si le patient désire fermer l’espace, il est prudent de réaliser une réadaptation parodontale ou neuromusculaire afin d’éviter la récidive.

D - FACTEURS ASSOCIÉS :

1- Facteurs généraux :

Grossesse : avec l’accélération du renouvellement cellulaire, au niveau osseux, les déplacements dentaires sont accélérés, mais le traitement peut être entravé par l’apparition d’une gingivite gravidique.

Chez certains patients, les allergies à la résine ou au nickel peuvent limiter nos possibilités thérapeutiques.

2- Facteurs parodontaux :

Parodontite : le déplacement des dents au sein d’un milieu inflammatoire évolutif est strictement contre-indiqué et les incertitudes sur la maintenance après traitement assombrissent le pronostic.

Parodontose : la diminution de la hauteur de racine clinique augmente la tendance à la version.

La surveillance biomécanique et parodontale doit être constante durant le traitement et sa pérennité passe par une contention permanente. Récessions gingivales : dans un contexte parodontal sain, certains signes cliniques laissent présager un risque, a fortiori si une dent présente déjà une récession le pronostic est, à des degrés différents, plutôt défavorable.

3- Facteurs dentaires :

État dentaire : il peut nous imposer un changement dans nos décisions d’extractions et reflète le manque d’hygiène buccodentaire du patient.

Résorptions radiculaires : un traitement orthodontique chez des patients présentant des signes défavorables (débuts de résorption spontanée, racines courtes, apex effilés...) assombrit le pronostic.

4- Facteurs articulaires :

Les traitements chez les patients présentant un dysfonctionnement des articulations temporomandibulaires relèvent d’une approche pluridisciplinaire, compliquant en général le plan de traitement.

E - INFLUENCE DE L’ESTHÉTIQUE SUR LE PRONOSTIC ET LE PLAN DE TRAITEMENT :

L’appréciation esthétique évolue au cours des siècles, des sociétés et des modes, et celle du patient évolue avec les années. Elle est au coeur de la demande orthodontique du patient ou de ses parents.

Il est certain que les grands troubles antéropostérieurs et verticaux squelettiques assombrissent le pronostic esthétique final. Leur correction nécessite souvent un acte chirurgical.

Pour la majorité des traitements, les facteurs principaux à prendre en compte sont le nez, l’angle nasolabial, les lèvres, le menton, de face et de profil.

La succession des bosses et des creux que ces unités anatomiques décrivent doit rester harmonieuse et équilibrée.

Dans le sens vertical, il est toujours difficile d’assurer orthodontiquement une bonne harmonie chez un véritable hypodivergent. Tout est trop bref entre le nez et le menton.

Les lèvres ne peuvent s’épanouir en raison de la diminution de l’étage inférieur.

Si les lèvres sont trop fines, il ne faut surtout pas accentuer le phénomène d’aspiration de celles-ci (en particulier par des extractions).

Si les lèvres sont trop épaisses, il se produit un excès tissulaire avec collapsus labial qui ne peut être réduit orthodontiquement.

Dans le sens antéropostérieur, sur une face courte, un angle nasolabial équilibré avec un décalage de classe II et une mandibule rétrusive doit éveiller notre attention.

On peut craindre une croissance nasale forte et une croissance mandibulaire déficiente.

Dans les cas de classe II division 2, il est fréquent d’observer une rétroalvéolie mandibulaire avec une symphyse mentonnière qui se projette horizontalement à l’excès.

On évite toute thérapeutique menant à une fermeture du compas mandibulaire.

De même, chez un vrai hyperdivergent, avec un menton fuyant et une symphyse fine, la correction de la classe II par avancée mandibulaire s’avère aléatoire et le recul du maxillaire en présence d’une lèvre fine et courte risque d’avoir des conséquences esthétiques désastreuses, avec ouverture de l’angle nasolabial et recul de la lèvre supérieure.

Dans le même contexte vertical, la correction orthodontique d’une classe III risque d’aggraver l’excès vertical.

Il peut être nécessaire d’intégrer dans le plan de traitement une profiloplastie chirurgicale.

F - INFLUENCE DU FACTEUR PSYCHOLOGIQUE SUR LE PRONOSTIC ET LE PLAN DE TRAITEMENT :

L’attitude du patient et de son entourage est un facteur prépondérant du pronostic à différents niveaux.

Refus du traitement : il arrive que les efforts nécessaires pour corriger une dysmorphose soient supérieurs aux possibilités du patient ou de ses proches.

Une perception propre de la dysmorphose et dans certains cas les contraintes du traitement vont apparaître à leurs yeux comme disproportionnées :

– soit par sous-appréciation des dysmorphoses (surtout lors des traitements précoces) ;

– soit par surappréciation des contraintes esthétiques ou douloureuses.

Il est quelquefois possible d’adapter son plan de traitement, pour obtenir en priorité les corrections désirées par le patient et n’améliorer que partiellement les autres problèmes.

Cette « gymnastique » présente le danger de se laisser entraîner vers des objectifs irréalisables.

Le pronostic est dans ce cas lié à l’habileté du praticien à communiquer, ainsi qu’à sa capacité à rester maître du déroulement du traitement.

Aspect esthétique : c’est dans la majorité des cas la motivation première des patients.

La disgrâce apparente va avoir un effet motivant mais la visibilité de l’appareillage peut décourager certains.

Le retard psychoaffectif chez un patient peut entraîner des modifications du plan de traitement et chez certains le pronostic souffre de l’absence de possibilité de coopération.

Différentes méthodes de traitement :

Classiquement, dans la littérature orthodontique, il est écrit « l’objectif est de rétablir une fonction normale et une esthétique harmonieuse ».

La difficulté est de définir avec précision ce que l’on entend par harmonieux ou normal.

En ce qui concerne la fonction, de très nombreux auteurs, dont Angle, Tweed, Ricketts, Andrews, ont défini chacun des critères précis de ce qu’il faudrait obtenir en fin de traitement.

Le plan de traitement et le pronostic dépendent, pour chaque méthode, des objectifs initiaux. Pour l’approche esthétique, la variabilité dans les appréciations est encore plus grande.

A - TRAITEMENTS PRÉCOCES :

Les traitements précoces correspondent en général à une phase de traitement de courte durée, avec un appareillage simple, pour la correction d’une malocclusion localisée et bien identifiée.

Les principes généraux en sont la suppression des étiologies fonctionnelles, le déverrouillage de l’occlusion dans les trois sens de l’espace et la réorientation de la croissance.

Ceci ne peut être entrepris qu’après correction des problèmes fonctionnels et des dysfonctions associées (succion digitale, pulsion linguale, respiration buccale en particulier).

Elles dépendent souvent d’autres spécialités, oto-rhino-laryngologie, orthophonie et parfois psychopédiatrie.

« À causes persistantes, réduction aléatoire et récidives fréquentes » Izard.

Pour les problèmes dentaires et alvéolaires, le pronostic est très favorable et la corrrection précoce suivie d’une phase de stabilisation en cours de croissance en garantit le succès.

La réduction des problèmes squelettiques dans le sens antéropostérieur et dans le sens vertical dépend du type et du potentiel de croissance du patient.

Certains auteurs ont proposé des analyses céphalométriques complétées par des prévisions de croissance pour permettre de préciser le pronostic de ces dysmorphoses squelettiques.

Plus récement, Petrovic puis Lavergne et Gasson ont proposé des méthodes pronostiques analytiques, sous forme d’arborisation.

B - TRAITEMENTS CHEZ L’ADOLESCENT :

Ce sont en général les appareillages multibagues qui sont utilisés.

Chaque école a essayé, en fonction de sa propre philosophie et de ces caractéristiques techniques, de déterminer les objectifs et de prévoir les résultats que l’on peut obtenir, ce qui entraîne le développement d’analyses thérapeutiques, pronostiques et d’indices de difficultés.

1- Technique de Tweed :

L’analyse de Tweed est fortement liée à la technique à laquelle elle est rattachée. Son évolution est le reflet des conceptions thérapeutiques de Tweed et de ses successeurs.

Ces derniers, sous l’impulsion de Merrifield, ont étendu le concept initial de Tweed (notion de limite antérieure de la denture, utilisation diagnostique du triangle de Tweed, développement de la préparation d’ancrage), pour aboutir à ce que nous connaissons aujourd’hui sous le nom de technique de Tweed-Merrifield.

Du point de vue du diagnostic et de la stratégie du traitement, Merrifield a introduit la notion de limites de la denture dans les trois sens de l’espace, développé l’analyse de l’espace total et défini ses lignes guides.

L’analyse s’est ensuite organisée autour des connaissances basées sur l’observation de résultats à long terme de cas traités et sur l’estimation de la difficulté des traitements.

Trois éléments diagnostiques et pronostiques sont développés :

– l’analyse craniofaciale ;

– l’analyse de l’espace total ;

– l’indice de difficulté.

Ces trois éléments permettent la définition de la stratégie de traitement individualisée selon la dysmorphose et les caractéristiques de chaque patient.

* Indice de difficulté :

L’analyse craniofaciale et l’analyse de l’espace total permettent de calculer un indice de difficulté ayant une valeur pronostique et de guide dans l’élaboration du plan de traitement.

Cet indice prend en compte la difficulté liée au déficit squelettique et facial d’une part (handicap facial) et celle liée au déficit dentaire d’autre part (handicap occlusal).

La difficulté totale du cas est représentée par la somme des indices craniofacial et dentaire.

Il s’agit essentiellement d’un coefficient de difficulté des traitements des classes I et II d’Angle.

* Analyse craniofaciale. Handicap facial :

Six mesures de l’analyse céphalométrique sont utilisées.

On peut les regrouper de la manière suivante :

– handicap vertical : angle FMA, FHI, angle plan occlusal/plan de Francfort ;

– handicap horizontal : angles ANB, SNB ;

– déficit facial : angle Z.

Chaque valeur située en dehors des limites de normalité est affectée d’un coefficient de difficulté.

+ Angle FMA :

Il a toujours depuis Tweed une valeur pronostique de la difficulté de traitement.

Il traduit le type facial du patient et sa direction de croissance.

Les valeurs comprises entre 22 et 28° sont considérées comme normales.

Chaque degré au-dessus ou au-dessous de ces deux valeurs est affecté d’un coefficient de difficulté de cinq points. Incidences sur le plan de traitement :

– chez les normodivergents, où il existe un bon équilibre neuromusculaire et une croissance faciale harmonieuse, l’analyse de l’espace total répond à la plupart des décisions ;

– chez les hyperdivergents, les tentatives mécaniques de fermeture du FMA ont un pronostic très défavorable ; le contrôle orthodontique des forces verticales doit être très vigilant ; l’emploi de mécanique de classe II doit être limité et la stratégie de traitement est plus extractionniste ;

– chez les hypodivergents, la stratégie de traitement doit éviter les extractions de prémolaires à la mandibule, particulièrement lorsque le profil a tendance à être rétrusif (angle Z augmenté).

+ Index vertical :

C’est le rapport entre la hauteur faciale postérieure (HFP) et la hauteur faciale antérieure (HFA).

Il donne une idée de la tendance de la rotation mandibulaire. Ces variations sont souvent plus sensibles que celles de l’angle FMA.

Il permet de préciser l’évaluation du sens vertical et en particulier de différencier les cas normodivergents qui se comportent comme des hypodivergents de ceux qui se comportent comme des hyperdivergents.

Chaque variation par rapport aux valeurs de normalité (0,65 et 0,75) est affectée d’un coefficient de difficulté de trois points.

+ Angle plan occlusal /plan de Francfort :

Cet angle est déterminant pour l’expression des forces orthodontiques et pour le pronostic de la malocclusion. Il caractérise la difficulté mécanique locale de nivellement et de réduction de la classe II dentaire.

Chaque degré au-dessus ou au-dessous des valeurs limites (8°-12°) est affecté d’un coefficient de difficulté de trois points.

+ Angle ANB :

Le pronostic de traitement des classes II est directement lié à l’augmentation du décalage des bases.

Chaque degré en dessous de 1° ou au-dessus de 5° est affecté d’un coefficient de difficulté de 15.

+ Angle SNB :

On observe un plus fort pourcentage d’échecs dans les cas de classe II lorsque l’angle SNB est faible.

Chaque degré en dessous de 78° et au-dessus de 82° est affecté d’un coefficient de difficulté de 5.

+ Angle Z :

Le handicap facial qu’il exprime est lié aux deux dimensions verticale et horizontale.

Chaque degré en dessous de 70° ou au-dessus de 80° est affecté d’un coefficient de difficulté de deux points.

Si la ligne Z est proche de la pointe du nez ou coupe le contour du nez, en début de traitement, la face est rectiligne, et le visage est considéré « à risque ».

Le repositionnement de l’incisive inférieure doit être considéré comme « virtuel ».

Chez les hypodivergents, les extractions de prémolaires mandibulaires sont contre-indiquées.

Si la ligne Z est en avant du nez, le profil est convexe et le repositionnement incisif peut être pris en compte.

L’analyse de l’espace total permet alors de préciser l’indication des extractions mandibulaires.

* Analyse de l’espace total. Handicap occlusal :

Elle regroupe les déficits de l’arcade mandibulaire selon trois zones :

– la zone antérieure, qui comprend les incisives et les canines ;

– la zone moyenne, qui concerne les prémolaires et les premières molaires ;

– la zone postérieure, qui concerne les deuxièmes et troisièmes molaires.

– Dans la zone antérieure, les déficits sont représentés par :

– l’encombrement dentaire (espace disponible-espace nécessaire) ;

– le repositionnement incisif théorique ;

– la dysharmonie des tissus mous.

L’encombrement dentaire représente un déficit « réel », alors que le repositionnement incisif est un déficit théorique « virtuel ».

Le repositionnement théorique de l’incisive inférieure est établi par rapport à un angle de FMIA de 68° chez les normodivergents, un angle de FMIA de 65° chez les hyperdivergents et un angle IMPA de 92° chez les hypodivergents.

Chaque de degré de repositionnement correspond à 0,8 mm de place nécessaire sur l’arcade.

L’individualisation de cet objectif se fait après l’analyse complète du cas (analyse clinique, analyse faciale, motivation, âge du patient).

C’est l’équilibre de la face qui conduit la décision.

– Dans la zone moyenne, on tient compte :

– de l’encombrement dentaire ;

– du nivellement de la courbe de Spee.

– Dans la zone postérieure :

– l’encombrement est calculé en tenant compte de la dimension des dents de sagesse, déterminée radiographiquement, et de l’espace disponible entre le bord distal de la première molaire et le bord antérieur du ramus (limite postérieure de la denture) ;

– la croissance postérieure de l’arcade alvéolaire correspond à la résorption antérieure du ramus (2 mm par an jusqu’à 15 ans pour les filles, 17 ans pour les garçons).

La difficulté occlusale est pondérée en fonction de la difficulté de correction des différents déficits millimétriques.

Il est plus difficile de résoudre un encombrement dans la zone antérieure que dans la zone postérieure.

– Dans la zone antérieure :

– l’encombrement est affecté d’un coefficient de difficulté 1,5 ;

– le repositionnement incisif d’un coefficient de difficulté 1.

– Dans la zone moyenne :

– l’encombrement est affecté d’un coefficient de difficulté 1 ;

– le nivellement de la courbe de Spee d’un coefficient 1 ;

– la valeur de la classe II dentaire d’un coefficient de difficulté 2.

– Dans la zone postérieure :

– l’encombrement postérieur est affecté d’un coefficient de difficulté 0,5.

Lorsque des extractions sont indiquées, elles sont choisies en fonction de la zone où se situe la difficulté maximale.

Le choix peut se porter sur les premières ou les secondes prémolaires ou sur les dents de sagesse afin d’optimiser le plan de traitement en fonction de la difficulté occlusale du cas.

Handicap total

Il s’agit de la somme du handicap facial et du handicap occlusal, la stratégie de traitement devant satisfaire la résolution de ces deux handicaps :

– entre 0 et 60 : faible difficulté thérapeutique ;

– entre 60 et 120 : difficulté moyenne ;

– au-delà de 120 : difficulté sévère.

La connaissance du handicap permet l’évaluation de la durée approximative du traitement en fonction de la difficulté et des résultats possibles. Un handicap signant une difficulté sévère doit faire évoquer une solution chirurgicale orthognathique.

Plan de traitement-stratégie de traitement

Le développement de l’analyse craniofaciale et de l’indice de difficulté a permis de formuler de manière explicite la réflexion sur l’équilibre facial du patient et les répercussions du traitement à ce niveau.

La stratégie de traitement doit satisfaire le double objectif de réduction de la malocclusion dentaire et d’amélioration de l’équilibre facial, en fonction :

– du schéma facial (analyse craniofaciale) ;

– de la pathologie occlusale (analyse de l’espace total) ;

– de la difficulté du traitement (indice de difficulté).

Lorsque le schéma facial du patient est favorable, le plan de traitement est guidé par l’appréciation du déficit dentaire et occlusal tel qu’il est défini par l’analyse de l’espace total.

Le choix des extractions correspond alors assez précisément à celui du cas « idéal » des lignes guides telles que Merrifield les avaient définies.

Au contraire, en cas de déséquilibre craniofacial marqué, l’analyse craniofaciale et l’indice de difficulté prennent une valeur prépondérante dans la détermination du plan de traitement, du choix des extractions et de la stratégie de traitement.

Ces éléments permettent une individualisation du plan de traitement, conjointement à ceux apportés par l’examen clinique et fonctionnel du patient.

2- Analyse de Steiner :

Dans sa méthode présentée en 1953 et complétée en 1959, il associe une analyse céphalométrique, établie d’après les travaux de Downs, Wylie, Thompson, Brodie, Ricketts et Holdaway, et une charte permettant d’établir le « compromis acceptable » entre le type moyen idéal et le cas examiné.

L’analyse céphalométrique et la technique Edgewise sont ici étroitement liées.

Conscient des limites thérapeutiques et des espoirs de croissance, Steiner cherche alors les meilleures position et angulation possibles des incisives en fonction de l’ANB.

La résolution du problème s’effectue en utilisant des chevrons schématisant les axes des incisives supérieures et inférieures en occlusion.

On pose le problème sur le premier chevron :

– l’angle ANB ;

– la distance de l’incisive supérieure en millimètres par rapport à la ligne nasion point A ;

– la distance en millimètres de l’incisive inférieure par rapport à la ligne Na-B ;

– l’angle de l’axe incisive inférieure par rapport à la ligne Na-B ;

– la distance pogonion à la ligne Na-B (il n’y a pas de valeur idéale établie pour cette mesure). On détermine ensuite l’hypothèse maxillaire « ANB » en estimant la modification possible de cet angle.

Pour Steiner, en technique Edgewise avec utilisation d’une force extraorale (FEO), cette valeur ne peut être au mieux que de la moitié de l’ANB de départ, augmenté de 1, en fonction du type squelettique plus ou moins favorable. Cette valeur est reportée sur le chevron ANB.

On reporte ensuite les valeurs acceptables lues dans le tableau des arrangements possibles sur le chevron « ANB traité ».

Au niveau du pogonion, pendant la phase de croissance, hors possibilité orthodontique, le pogonion avance de 0,5 mm par an.

On détermine donc la valeur finale du pogonion en fonction du nombre d’années de traitement en phase de croissance, valeur qui est reportée en bas sur le chevron inférieur.

Cependant, cette estimation doit être modulée en fonction du type de croissance, de l’âge, du sexe, de la forme de la symphyse (dépendant souvent du type squelettique).

Cette distance Po, Na-B étant ainsi déterminée pour respecter la règle de Holdaway, doit être égale à la valeur de la position de l’incisive inférieure par rapport à Na-B en fin de traitement.

La valeur Po et incisive inférieure/Na-B étant fixée, il ne reste plus qu’à déterminer la position de l’incisive supérieure en fonction de cette hypothèse mandibulaire, en utilisant la formule C = A-B + D.

À ce stade coexistent deux hypothèses correctes, mais non compatibles entre elles au niveau de l’engrènement dentaire antérieur.

Pour les accorder, on fait la moyenne arithmétique des deux valeurs des incisives inférieures et celles des incisives supérieures, on obtient alors le chevron « résolution ».

Pour se rendre compte des mouvements imposés aux deux incisives, on complète les valeurs millimétrées avec les valeurs angulaires prises sur les « arrangements acceptables ».

Dans le cas où les valeurs obtenues sont au-delà des possibilités en fonction du problème de départ, on utilise le chevron : « but individualisé de traitement ».

Le chevron individualisé représente l’objectif céphalométrique à atteindre à la fin du traitement orthodontique.

Pour réaliser cet objectif, il faut établir un plan de traitement à l’aide de la « boîte ».

– Encombrement apparent visible : c’est la différence entre l’espace nécessaire et l’espace disponible compris entre la face mésiale de la 36 et de 46.

– Repositionnement de l’incisive inférieure : cette valeur correspond à la différence entre celle du chevron individualisé et celle de départ (problème).

On multiplie par deux pour rendre compte du total de perte ou de gain sur l’arcade mandibulaire.

– Courbe de Spee : son aplanissement fait perdre de 1 à 3mm sur la longueur d’arcade mandibulaire disponible.

– Repositionnement de la première molaire inférieure : si il existe une version mésiale de 36 ou 46, les redresser peut permettre d’augmenter la longueur d’arcade mais au prix de difficultés thérapeutiques (coopération) et pour un gain minime.

– Expansion : elle n’est possible que si les couronnes des secteurs latéraux sont versées lingualement.

Le gain ne peut excéder 4 mm par arcade.

– Espace de dérive des premières molaires mandibulaires : il permet un gain théorique de 1,5 mm par côté.

– Intermaxillaire et extraoral : il représente la perte d’ancrage occasionnée par l’utilisation d’élastiques intermaxillaires de classe II, sur l’arcade mandibulaire non préparée.

Elle est d’environ de 2 mm par côté.

Si cette perte n’est pas assumable, il faut soit limiter les élastiques intermaxillaires, soit augmenter ou renforcer l’ancrage mandibulaire, soit encore utiliser une FEO maxillaire pour la correction du sens antéropostérieur.

– Extractions : on réalise un premier total. Plusieurs cas peuvent se présenter :

– le solde est positif ou nul ; il n’y a pas de nécessité d’extraction ;

– le solde est légèrement négatif ; il faut chercher où l’on peut gagner quelques millimètres, soit par une préparation d’ancrage, soit en modifiant l’individualisation du repositionnement incisif, soit parfois par une réduction amélaire interproximale ;

– le solde est largement négatif ; les extractions de prémolaires s’imposent ; elles sont choisies en fonction du siège de l’encombrement, de la quantité de repositionnement incisif souhaité et du décalage antéropostérieur à corriger ; le total des deux colonnes doit s’équilibrer pour s’harmoniser.

Malgré son apparente précision et la visualisation d’un objectif de traitement, le pronostic et les choix thérapeutiques de cette méthode dépendent beaucoup de l’expérience clinique et de la sensibilité du praticien.

3- « Level anchorage systeme Root » (LASR) :

Pour Root, une méthode thérapeutique doit être constituée d’expériences reproductibles et par conséquent permettre une certaine prévision.

Pour minimiser les variables thérapeutiques, le LASR adopte un plan de traitement précis avec des contrôles de fin d’étape.

Root a déterminé l’ancrage nécessaire pour traiter un cas.

Il a conçu une charte d’analyse pour équilibrer l’ancrage disponible.

Elle permet d’établir un plan de traitement « pas à pas ».

Analyse et mécanique sont indissociables.

Très influencé par les travaux de Schudy, le contrôle du sens vertical est une des préoccupations majeures de Root qui l’a intégré dans son analyse.

L’analyse céphalométrique combine le triangle de Tweed et l’analyse de Steiner.

Après l’analyse minutieuse du cas, le calcul de l’espace nécessaire et disponible, la mesure de la courbe de Spee et l’appréciation de la croissance possible, on reporte les valeurs obtenues sur la charte dans la partie supérieure sur un graphique représentant le chevron initial (problème).

Root a sélectionné dans les chevrons de Steiner trois chevrons « idéaux » correspondant à trois situations squelettiques (classe I, classe II, classe III) qui sont les cibles idéales.

Une fois le problème posé et l’objectif choisi, la différence entre les deux est évaluée en termes d’ancrage nécessaire.

Si ceux-ci ne conviennent pas, il faut individualiser le chevron en fonction des observations cliniques et des indications de la charte.

Celle-ci comprend 13 lignes correspondant à 13 facteurs.

– Ligne 1 : profondeur de la courbe de Spee.

– Ligne 2 : encombrement mesuré de la face mésiale de 36 à 46.

– Ligne 3 : repositionnement incisif.

On reporte la différence entre la valeur millimétrique de l’incisive inférieure du problème et d’objectif final que l’on multiplie par deux.

À ce stade, on peut additionner ces trois lignes pour déterminer si des extractions sont indispensables (déficit d’arcade).

– Ligne 4 : si il est prévu d’extraire des prémolaires inférieures, pour 6 mm de recul des canines, les secteurs postérieurs se mésialent de 1 mm.

Pour calculer ce mésialage, on additionne les lignes 2 (encombrement) et 3 (espace pour redresser les incisives) que l’on divise par 6.

– Ligne 5 : réduction de l’ANB.

– C’est un des points originaux de l’analyse que de quantifier l’ancrage nécessaire pour la correction du problème squelettique.

Il permet de choisir le type d’ancrage (major ou regular).

– On reporte dans cette colonne la différence entre l’ANB initial et l’ANB cible multipliée par le coefficient correspondant au style d’ancrage.

– Ligne 6 : sens vertical.

C’est une autre des originalités de l’analyse. La valeur d’ancrage nécessaire est augmentée ou diminuée en fonction de la variation de l’angle FMA (pour 8°/1 mm, pour 12°/2 mm, pour 18°/3 mm).

On additionne les lignes 1 à 6 pour évaluer le problème. Root propose une liste de suggestions d’extractions en fonction du résultat obtenu.

Si on doit extraire, pour chaque type d’extraction des valeurs à reporter sur la ligne 9 sont définies. Une fois les valeurs d’extractions reportées, on additionne les deux colonnes et on les compare.

Si le résultat est positif, il faut diminuer l’ancrage. Si la différence est négative, il va falloir trouver un ancrage supplémentaire pour compenser ce déficit ou modifier l’objectif (le moduler).

Comment diminuer le déficit ?

– Ligne 7 : l’utilisation d’une barre palatine pendant 1 an augmente l’ancrage de une unité.

– Ligne 8 : n’extraire les premières prémolaires supérieures qu’après la préparation de l’arcade mandibulaire fait gagner une unité d’ancrage.

– Ligne 11 : solde intermédiaire. Dans l’idéal, il doit être nul. S’il est positif, le cas risque d’être surcorrigé.

Si le solde est négatif, il va falloir encore augmenter l’ancrage. Ce chiffre sert d’indice de sévérité et de coopération du cas :

– de 0 à 4, on considère qu’il est « facile » ;

– de 4 à 7, « difficile » ;

– de 7 à 10, « très difficile » ;

– plus de 10, au-delà de nos possibilités. Pour équilibrer la « boîte », on peut utiliser des auxiliaires, augmenter les valeurs d’extractions et si on ne peut pas retrouver l’équilibre nous avons recours à la chirurgie.

– Lignes 12 et 13 : elles correspondent aux gains d’ancrage liés à l’utilisation d’auxiliaires.

Si l’ANB est faible mais le facteur de sévérité important (beaucoup d’encombrement ou de protrusion incisive inférieure), on utilise davantage d’élastiques intermaxillaires de classe III et moins de FEO.

Cette analyse permet donc d’évaluer la quantité de port des FEO et des élastiques intermaxillaires de classe III.

Si le net reste négatif, il faut soit changer d’objectif (moins réduire l’ANB, ou moins repositionner l’incisive mandibulaire), soit extraire d’autres dents.

Cette analyse permet donc au praticien de choisir l’ancrage nécessaire en fonction du résultat espéré et de le moduler en fonction du cas et des circonstances, et ceci de manière précise et reproductible.

Cependant, elle ne peut être assimilée à une simple addition de deux colonnes qui s’annulent.

Elle nécessite de la part du praticien une bonne connaissance des impératifs mécaniques de la technique et une appréciation raisonnable du résultat espéré.

En complément de l’analyse, Root propose un tableau afin d’estimer la durée de chaque étape thérapeutique et de contrôler chacune d’elle.

Il évalue aussi, dans les cas d’extractions, l’espace d’ancrage à conserver lors du recul des canines.

Cet espace sert ensuite, lors de la rétraction des antérieures maxillaires et de la correction de l’ANB par élastiques intermaxillaires de classe II, d’espace de « dérapage » pour les dents postérieures mandibulaires.

4- Analyse de Ricketts (méthode bioprogressive) :

Pour Ricketts, « la thérapeutique bioprogressive n’est pas une simple technique orthodontique, mais, ce qui est plus important, elle sousentend une approche orthodontique totale ».

Elle repose sur 12 commandements qui lui donnent sa spécificité et expliquent ses moyens techniques.

Les trois mots de Ricketts et Gugino étant : «qualité, quantité, efficacité», une organisation très rationnelle du travail a été mise au point (planification, organisation, direction, contrôle), qui comporte toujours la notion de prévision.

Son analyse, prolongement de celle de Downs, a évolué au fil des années et des cas traités.

Elle utilise plusieurs incidences et des dizaines de points de référence dans sa version informatisée.

Elle comporte de nombreuses originalités, la plus importante étant sans doute celle qui concerne l’établissement et l’emploi d’une charte céphalométrique.

Des valeurs moyennes dites « normes cliniques » ont été établies.

Chacune de ces normes est accompagnée d’une déviation clinique qui pour l’auteur correspond à l’écart-type statistique.

Cette déviation permet de situer chaque mesure par rapport à sa propre courbe de distribution.

Les normes cliniques sont proposées pour chaque mesure avec une correction liée à l’âge du patient, l’ordinateur ajustant individuellement la norme clinique en tenant compte du sexe, de la taille et de l’ethnie du patient.

Cet ensemble fait de l’analyse de Ricketts un système de référence dimensionnel très élaboré sur le plan biométrique.

Cette analyse n’est utilisable qu’avec une grande expérience de l’anatomie téléradiographique.

Elle propose les normes établies pour les dix mesures sélectionnées dans l’analyse simplifiée à l’âge de 9 ans.

L’analyse propose une classification typologique du schéma facial qui joue un grand rôle dans le choix thérapeutique et permet d’estimer l’ancrage « naturel », résistance corticale et musculaire, aux mouvements dentaires provoqués.

Le classement typologique des patients ne répond pas à un désir de classification mais intervient dans le plan de traitement à trois niveaux.

– Biomécanique du traitement :

– chez les brachyfaciaux, tout ce qui peut concourir à aggraver la diminution de la hauteur faciale doit être évité : extractions, déplacement mésial des molaires, ingression des secteurs molaires.

Au contraire, tout ce qui peut ouvrir le compas mandibulaire est utilisable : FEO basse, subhorizontale, tractions intermaxillaires ;

– chez les dolichofaciaux, éviter tout ce qui pourrait ouvrir le compas mandibulaire : recul molaire, égression ou version molaire, FEO à composante égressive, élastiques intermaxillaires de classe II et classe III ; tout ce qui tend à diminuer la hauteur faciale est permis ;

– les mésiofaciaux dont l’équilibre squelettique est moyen posent moins de problèmes.

– Âge du traitement :

– pour les brachyfaciaux dans les classes II division 1, la croissance vers l’avant de la mandibule va dans le sens du traitement ; il y a donc intérêt à commencer le traitement avec la poussée de croissance pubertaire ;

– au contraire, chez les dolichofaciaux, les extractions sont souvent nécessaires et il est prudent d’attendre que la plus grande partie de la croissance soit exprimée pour déterminer le plan de traitement.

– Stabilité du traitement :

– les brachyfaciaux présentent plus souvent une récidive de la supraclusion incisive et de l’encombrement antérieur ;

– les dolichofaciaux présentent plus souvent une réapparition de la béance antérieure.

Afin d’affiner le pronostic, Ricketts a mis au point l’objectif visualisé de traitement.

Il s’agit d’une véritable maquette préalable à l’établissement du plan de traitement, qui tient compte à la fois de la croissance à venir et des effets escomptés de la thérapeutique.

Dans un premier temps, l’objectif visualisé de traitement permet d’envisager différentes solutions thérapeutiques dont on apprécie facilement la qualité des résultats et les difficultés techniques.

On peut fixer avec précision la succession des séquences mécaniques et choisir les appareillages nécessaires pour atteindre les objectifs ainsi définis.

En cours de traitement, il sert de référence pour contrôler le bon déroulement de la thérapeutique.

Cette méthode décrite en 1957 sous le nom de « synthèse céphalométrique » était relativement complexe, mais s’est considérablement simplifiée au fil des ans.

La réflexion s’articule autour de quatre points qui doivent être déterminés préalablement :

– la direction et l’intensité de la croissance mandibulaire pour la durée probable du traitement ; la détermination de la direction de la croissance mandibulaire dépend du type facial du patient et de la thérapeutique mise en oeuvre ; son intensité est fonction de l’âge du patient et de son stade de maturation, déterminé par l’étude de la radiographie de la main et du poignet ;

– la réduction de la convexité, souhaitable et possible, selon l’âge du patient et des moyens mécaniques utilisés ;

– la position finale de l’incisive mandibulaire, fixée en fonction de l’amélioration esthétique recherchée, de l’équilibre neuromusculaire, de l’équilibre dentoparodontal ;

– la nécessité d’extractions compte tenu des impératifs de nivellement des arcades et de stabilité des résultats ; on considère l’encombrement et les modifications induites par la thérapeutique (repositionnement incisif, redressement des molaires, expansion transversale, conservation de l’espace de dérive mésiale).

5- Apport de l’informatique :

Pour tenter de faire face à toutes les situations, les analyses céphalométriques ont intégré le maximum de facteurs, pendant que l’infomatique simplifiait leur utilisation. Depuis les premières réalisations du Rocky Mountain data system, l’informatique a progressé considérablement.

L’objectif actuel est d’obtenir que les programmes tirent des enseignements de chaque nouveau cas que l’on enregistre ; le but étant que l’ordinateur puisse donner une réponse à une question qu’il n’a jamais rencontré, sans qu’elle ait été préalablement programmée : « l’intelligence artificielle ».

En orthodontie dentofaciale, les travaux entrepris sur des systèmes experts permettent à l’ordinateur d’acquérir une « expérience » au fur et à mesure.

La confrontation entre la réponse « idéale » calculée par la machine et les solutions intuitives du praticien qui « l’éduque » doit permettre d’optimiser les plans de traitement et d’indiquer le pronostic.

L’ordinateur est pour l’orthodontiste un outil précieux, cependant la tentation de laisser à la machine la direction du traitement sans exercer un contrôle, par paresse ou par incompétence, a des conséquences plus graves que les très nombreux avantages que son utilisation nous apporte.

C - TRAITEMENT DE L’ADULTE :

Dans les traitements non chirurgicaux chez l’adulte, la démarche est proche de celle des traitements de l’adolescent.

Elle ne s’en distingue que sur certains points :

– aucun déplacement des bases maxillaires n’est à attendre ;

– l’état dentaire et parodontal a une influence majeure sur le plan de traitement et pèse lourdement sur le pronostic ;

– la coopération fait rarement défaut ;

– le patient est plus exigeant ;

– la tendance à la récidive après dépose de l’appareil dépasse largement les 232 jours de Reitan, imposant un port prolongé de la contention.

D - THÉRAPEUTIQUES CHIRURGICALES :

En général, il n’y a plus de croissance et le diagnostic morphologique prime (siège et importance de la malformation). Le set-up ou simulation chirurgicale est un élément essentiel du dossier.

Il prépare le plan de traitement et permet de comparer les effets thérapeutiques prévisibles avec le problème initial.

Le praticien peut ainsi réfléchir à plusieurs alternatives et le patient peut avoir une idée du résultat possible.

Le set-up peut être réalisé sur les céphalogrammes, mais aussi sur les moulages.

Il permet de déterminer et de visualiser l’indication chirurgicale, le type et la quantité de déplacement orthognathique désirés.

Il permet également de préciser les déplacements dentaires nécessaires à la préparation orthodontique du cas.

Une prévision est également réalisée sur des photographies extraorales afin de visualiser les modifications faciales prévisibles ou à l’aide d’un système numérique informatisé.

«Set-up» céphalométrique

De nombreux auteurs ont proposé des techniques de prévisions chirurgicales céphalométriques.

Ces techniques, qu’elles soient manuelles ou informatisées, reposent sur le même principe.

Il s’agit de reconstruire le profil à partir des éléments stables, en fonction du diagnostic et du plan de traitement prévu.

On trace donc en premier lieu les structures qui ne seront pas modifiées par la chirurgie ou le traitement orthodontique.

Dans un deuxième temps, l’incisive maxillaire est placée en normoposition.

Le déplacement réalisé peut correspondre à un mouvement orthodontique ou au déplacement chirurgical prévu du maxillaire.

Après le positionnement de l’arcade maxillaire, la mandibule est placée en normoposition, en tenant compte de son autorotation autour des condyles, consécutive au déplacement vertical du maxillaire.

Ce set-up céphalométrique permet de vérifier les effets de la chirurgie et les déplacements orthodontiques et chirurgicaux, en effectuant des superpositions générales et locales sur le tracé céphalométrique initial.

Duclos et Freidel réalisent des maquettes du maxillaire et de la mandibule dans du polyester coloré.

Ils simulent ainsi les mouvements chirurgicaux en les déplaçant sur le tracé initial, afin de juger de la direction, de l’amplitude et de la possibilité du ou des déplacements chirurgicaux.

Le set-up dentaire est réalisé sur articulateur afin de vérifier les relations dentodentaires en fin d’intervention chirurgicale et de prévoir les déplacements orthodontiques lors de la préparation préchirurgicale.

Il permet de visualiser les déplacements projetés lors de l’élaboration du plan de traitement.

En fin de préparation orthodontique, il permet de contrôler son niveau et les rapports dentodentaires obtenus en fin d’intervention.

L’utilisation de programmes informatiques permet de simuler les déplacements dentaires, squelettiques et leurs répercussions cutanées directement sur l’écran du micro-ordinateur.

Ces méthodes de prévision ont pour avantages la simplicité et la rapidité des manipulations.

Elles sont également facilement compréhensibles par le patient.

Toutefois, comme les méthodes traditionnelles, elles ne donnent qu’une représentation théorique probable du résultat.

Ceci est d’autant plus vrai en ce qui concerne le résultat esthétique, les modifications des tissus mous étant difficiles à quantifier en fonction des déplacements prévisibles des dents et de l’os.

Qu’elles soient manuelles ou informatisées, les simulations orthognatiques ne sont que des prévisions et doivent être présentées comme telles au patient.

Le praticien doit les confronter avec son expérience clinique afin de confirmer les indications chirurgicales et prévoir les répercussions esthétiques du traitement.

Conclusion :

Depuis que les thérapeutiques orthodontiques ont fait leur apparition, chaque école a essayé, en plus de l’analyse diagnostique du cas, d’établir des normes afin de le classifier et des indices afin d’évaluer la difficulté thérapeutique du problème ; ceci en projetant dans le futur le résultat possible « acceptable » en fonction de plusieurs variables et en particulier de la croissance espérée.

Si ces diverses approches peuvent permettre au jeune praticien de prendre le minimum de risque dans sa démarche thérapeutique, pour le praticien expérimenté, malgré les progrès des simulations informatisées, seuls la maîtrise de sa technique, son sens clinique et son expérience thérapeutique lui permettent d’apporter à son patient le meilleur de son art.

Il peut paraître présomptueux de prévoir l’avenir, il serait irresponsable de ne pas essayer.

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