Prise en charge des lymphoedèmes des membres Cours de Chirurgie
Introduction
:
Les lymphoedèmes (LO) sont la conséquence d’un
dysfonctionnement du système lymphatique.
On définit les LO
secondaires à des lésions des ganglions lymphatiques, soit dans un
but diagnostique (biopsies), soit à visée thérapeutique (évidement,
radiothérapie).
Ces LO se rencontrent essentiellement au membre
supérieur après traitements des cancers du sein, mais peuvent aussi
toucher les membres inférieurs après traitements de différents
cancers (col utérin, ovaire, prostate, vulve, verge, mélanome,
lymphome de Hodgkin…).
À l’inverse, les LO primitifs touchent
presque exclusivement les membres inférieurs, et surviennent
préférentiellement chez le sujet jeune en dehors de toute
intervention sur les aires ganglionnaires.
Les LO sont des maladies
chroniques dont la prise en charge reste symptomatique, mais qui
repose cependant sur des consensus internationaux.
Conseils pratiques et éducation
:
A - OBJECTIFS
:
Il s’agit de la première étape de la prise en charge des LO.
Elle
est indispensable pour obtenir une bonne compliance aux
traitements, et est adaptée à chaque patient.
Elle débute lors de la
première consultation et est approfondie lors d’éventuelles
hospitalisations.
Les objectifs sont d’expliquer la maladie et son
caractère chronique, de prévenir de son absence de gravité (par
comparaison aux cancers dont ont souffert la plupart des patients,
et notamment le cancer du sein), de connaître les mesures pour
éviter les complications ou l’aggravation du LO.
Les différents
intervenants prenant en charge les LO peuvent y participer :
médecins, kinésithérapeutes et pédicures.
B - SURVENUE ET CHRONICITÉ DU LO
:
La survenue du LO est un événement très mal vécu, que ce soit
dans les formes primitives des membres inférieurs, notamment chez
la jeune femme où le préjudice esthétique est très important, ou dans
les formes secondaires (la plupart du temps à un cancer : sein, col
utérin, prostate…) où le LO rappelle en permanence la maladie
parfois ancienne, et que l’entourage ne connaissait pas toujours.
Le
sentiment de culpabilité est souvent présent avec la recherche d’une
cause déclenchante dont le patient n’aurait pas été prévenu des
conséquences néfastes éventuelles : geste sur le membre atteint,
effort important avec le membre supérieur après le traitement d’un
cancer du sein.
Dans ces situations, il faut rappeler la fréquence
d’environ 15-20 % de survenue d’un LO du membre supérieur après
cancer du sein qui, une fois apparu, a une faible probabilité de
disparaître spontanément.
L’acceptabilité n’en est que plus difficile,
même si les perspectives d’amélioration parfois non négligeables
sont réelles.
L’adhésion et la compliance aux traitements sont
nettement dépendantes de l’acceptabilité du LO.
C - MESURES DE PRÉVENTION
:
Les mesures de prévention visent à éviter l’aggravation et les
complications du LO.
Les mesures classiques de préservation du
membre atteint de LO, notamment au membre supérieur après
traitement d’un cancer du sein, sont rappelées : éviter les blessures même minimes, portes d’entrée infectieuses potentielles (griffures,
morsures, brûlures, piqûres d’insecte ou d’aiguille à coudre,
acupuncture), le port de charge lourde, les vêtements serrés sur le
membre atteint, les prélèvements sanguins, la prise de la pression
artérielle du côté du LO.
Tous ces gestes qui comportent un risque
d’effraction cutanée doivent faire porter une protection, en
particulier des gants.
Toutes ces recommandations, bien que
consensuelles, sont empiriques, et ne sont pas étayées par des études
bibliographiques.
Par ailleurs, il est nécessaire de prévenir que
les voyages en avion peuvent déclencher ou aggraver un LO du
membre supérieur ou inférieur, en raison de la diminution de la
pression et de la réduction de l’activité musculaire.
La prévention
de ces complications est basée sur le port d’une compression
élastique plus forte, ou de bandages peu élastiques.
L’exposition
à la chaleur est également déconseillée (pays chauds, saunas, bains
chauds) en raison du risque d’augmentation du volume du LO.
D - RESTRICTION D’ACTIVITÉ
:
Les activités physiques violentes (squash, tennis, ski) ou comprenant
des mouvements répétitifs (step, rameur, aviron) sont déconseillées.
Là encore, cette notion, bien que classique, ne repose sur aucune
certitude.
En effet, dans une étude comprenant 20 femmes,
l’entraînement intensif prolongé pour une course de dragon-boat
(sorte de canoë de grande taille), n’augmentait pas le risque de
survenue de LO du membre supérieur chez des femmes traitées
pour cancer du sein par chirurgie, curage axillaire et radiothérapie
pour 65 % d’entre elles, avec un recul de 8 mois.
Il est
probablement nécessaire de déconseiller certains sports, mais de ne
pas totalement supprimer toute activité physique.
En effet, la prise
de poids qui en découlerait serait un facteur d’aggravation du LO.
D’autre part, l’activité physique modérée permet de diminuer les
symptômes d’anxiété ou de dépression chez les femmes ayant eu un
cancer du sein, et améliore aussi la qualité de vie.
La plupart
des auteurs recommandent donc le port de contention élastique lors
d’exercices physiques.
Dans une étude cas-témoins comparant
deux populations de femmes ayant subi le même traitement pour
un cancer du sein, l’une avec LO, la seconde sans LO, Johansson et
al avaient montré qu’il n’y avait pas de différence entre les deux
groupes pour des types et des intensités d’activité comparables.
Ainsi, il serait souhaitable de ne pas nécessairement diminuer
l’activité mais de la personnaliser.
E - SURVEILLANCE DU POIDS
:
Ce paramètre a une importance particulière dans les LO, notamment
du membre supérieur après cancer du sein.
L’existence d’un
surpoids en préopératoire est un facteur de risque pour l’apparition
d’un LO secondaire au traitement d’un cancer du sein.
Les
hypothèses physiopathologiques comprendraient une
hypersensibilité des tissus à la radiothérapie du fait de l’épaisseur
du panicule adipeux, ou encore une très forte hausse de la pression
lymphatique après le curage ganglionnaire en raison de l’importance
du volume de tissu à drainer.
Un indice de masse corporelle [IMC
= poids (kg) / taille2 (m)] supérieur à 29,2 kg/m2 est associé à un
taux de 36 % de LO à 5 ans contre 12 % chez les femmes ayant un
IMC inférieur.
La prise de poids postopératoire pourrait être
également un facteur prédictif de la survenue du LO.
La prise en
charge nutritionnelle est donc fondamentale, pour favoriser un
amaigrissement bénéfique pour le LO.
Alors qu’un régime
hypocalorique peut être utile, les tentatives de restriction des
triglycérides à longues chaînes, proposée pour deux femmes ayant
un LO primitif des membres inférieurs, n’ont pas abouti à des études
bien conduites pour pouvoir apprécier l’effet de telles pratiques.
Mesures volumétriques
:
Avant tout traitement, il est indispensable de mesurer le volume du LO.
La technique de référence reste la volumétrie à eau, qui permet
d’apprécier le volume du membre en totalité main et pied compris.
Sa mise en oeuvre n’est pas simple car elle demande du matériel, du
personnel, du temps et surtout une standardisation (définition de la
hauteur mesurée, température constante de l’eau).
Cette méthode,
bien que considérée comme « idéale », est peu utilisée en recherche
ou en pratique courante, au profit de mesures volumétriques
estimées par calcul.
En effet, les mesures périmétriques prises à
intervalles réguliers (tous les 5 ou 10 cm) permettent de calculer un
volume en millilitres par assimilation des segments de membres à
des troncs de cônes selon la formule suivante :
h(C2 + Cc + c2) / 12
p où C est la grande circonférence du cône, c la petite et h l’intervalle
entre deux mesures.
Cette méthode est très fiable, et reproductible
aux membres supérieurs et inférieurs.
Il existe également
des techniques automatisées et fiables de mesures de volume, mais
dont le coût reste élevé.
Drainages lymphatiques manuels
(DLM) :
Dès 1892, Winiwarter avait suggéré que les drainages lymphatiques
et les bandages pouvaient réduire le volume d’un LO.
Puis Vodder précisa les techniques de DLM qui furent reprises en 1950
par Stillwell à la Mayo Clinic puis par Leduc et Földi dans les
années 1970.
Les DLM s’intègrent actuellement dans la
physiothérapie décongestive complète (ou complexe) qui comprend
les bandages peu élastiques, les soins de peau, les exercices sous
bandages et le port de contention élastique.
Malgré les différentes
techniques de ces méthodes, les DLM ont les mêmes objectifs :
stimuler le lymphangion, unité contractile lymphatique, dans une
zone atteinte par le LO, et faire circuler la lymphe d’un territoire
atteint par le LO vers un territoire sain en utilisant les voies de
dérivation.
Les DLM doivent être lents et non douloureux, exercer
une pression faible (< 40 mmHg), débuter par la racine du membre
atteint pour finir en distalité (main, pied) et alterner les manoeuvres
d’appel et de résorption, après avoir au préalable effectué des
manoeuvres de « pompages » sur les aires ganglionnaires (inguinale,
sus-claviculaire, axillaire).
La durée minimale requise est de
30 minutes.
Les DLM doivent être pratiqués par des
kinésithérapeutes formés à ces techniques, à un rythme de trois à
cinq par semaine en phase d’attaque, et de deux à trois par semaine
en phase d’entretien.
Ils apportent une diminution de la tension
cutanée et ont un effet relaxant.
Utilisés seuls, les DLM ont peu
d’effet sur le volume du LO.
En effet, dans une série récente
composée de 42 femmes ayant un LO après cancer du sein, les DLM
n’apportaient pas de bénéfice comparativement au traitement
« standard » comportant contention élastique, soins de peau,
éducation et exercices.
En revanche, les DLM réalisés avant les
bandages peu élastiques ont un effet synergique sur la réduction du
volume du LO.
Bandages peu élastiques
:
Les bandages représentent l’élément essentiel et fondamental de la
physiothérapie décongestive destinée à réduire le volume du LO.
Il
s’agit de poser, sans les serrer, des bandes peu élastiques (c’est-à-dire
à étirement court) sur un capitonnage fait, soit de coton, soit de
mousse ou des deux.
Après la mise en place d’un jersey sur le
membre à traiter, le coton en large bande (après avoir été dédoublé)
ou la mousse également en bandes, est posé.
Sur les zones
particulièrement touchées par le LO (régions rétromalléollaires, face
externe de l’avant-bras), on peut y adjoindre des morceaux de
mousse préformée.
L’étape suivante est la pose de bandes peu
élastiques de type Somost en partant des extrémités jusqu’à la racine
du membre.
En cas d’atteinte sous-gonale isolée, le
bandage peut s’arrêter au genou (bandage en botte). Ces bandes sont
posées en deux à quatre épaisseurs (multicouches).
La technique doit
être irréprochable, car ces bandages doivent pouvoir être maintenus
24 à 36 heures sans « glisser » ni serrer.
La pression exercée au repos est faible, ce qui permet de les supporter (à la différence des bandes
élastiques), mais augmente nettement lors de la contraction
musculaire puisqu’ils sont peu extensibles.
Lors d’un traitement
intensif en hospitalisation, ils sont renouvelés tous les jours, mais en
traitement ambulatoire, ils peuvent être faits trois fois par semaine
pendant 14 à 21 jours.
Les bandages succédant aux DLM vont
permettre de réduire significativement le volume du LO.
Les
différentes séries de la littérature confirment cette efficacité.
Ces
études concernaient essentiellement les LO du membre supérieur
après cancer du sein.
La durée de traitement variait de 2 à
4 semaines, et l’appréciation volumétrique était faite par des
mesures périmétriques.
La durée d’évolution du LO était variable,
allant de moins de 1 ans à plus de 5 ans.
Dans toutes les situations,
il y avait, en fin de traitement, une réduction de volume du LO
variant de 25 à 73 %, notamment en raison des méthodes de calcul
différentes.
Les non-répondeurs au traitement
semblent très peu nombreux (5 %). Un autre élément important
est le maintien à distance, 6 mois, 1 an voire 3 ans, du bénéfice
obtenu après le traitement intensif.
Plus la compliance au
traitement d’entretien (pratiques d’autobandages, DLM, port de
contention élastique) est importante, plus le bénéfice se maintient.
Des traitements plus courts sont également efficaces.
Ainsi, dans une
série de 79 patients, un traitement durant en moyenne 8 jours, avait
entraîné une diminution de 44 % de l’excès de volume des LO
secondaires du membre supérieur, et de 42 % des LO du membre
inférieur.
L’efficacité clinique de ces techniques a également été
confirmée par la diminution in vivo de la pression capillaire
lymphatique.
La physiothérapie décongestive permet non
seulement de diminuer le volume du LO, mais entraîne également
une amélioration de la qualité de vie.
Apprentissage des autotechniques
:
Il est indispensable d’apprendre les techniques d’autobandages
(voire d’autodrainage), notamment en cas d’absence (ou en cas
d’éloignement géographique) de kinésithérapeutes compétents ou
d’horaires incompatibles avec des soins.
Cet apprentissage s’adresse
à des personnes motivées, surtout lorsque les atteintes sont distales
(main).
L’aide de l’entourage est parfois nécessaire. Les techniques
sont adaptées en fonction de la compliance espérée, car il s’agit d’un
traitement au long cours.
Les techniques peuvent être simplifiées
avec la pose, par exemple, d’un bandage sur une ancienne
contention, ou au contraire réalisées dans les règles de l’art.
Il est
utile, de temps à autre, de remontrer les gestes lors de séances de
réapprentissage.
La pratique de ces autotechniques, associée au port
d’une contention élastique et à l’éducation permet, après un
traitement intensif pour LO secondaire à un cancer du sein, de
maintenir la réduction volumétrique du LO de 6 à 12 mois.
Parallèlement, cette prise en charge favorise l’autonomie et améliore
la qualité de vie des femmes.
Exercices sous bandages
:
Ils font partie à part entière de la physiothérapie décongestive, et
participent ainsi à la réduction de volume du LO.
En effet, la
contraction musculaire permet d’augmenter le débit lymphatique et
la résorption des protéines par ouverture-fermeture des collecteurs
lymphatiques initiaux.
Les exercices sont brefs mais répétés
dans la journée sans jamais être fatigants.
Certains auteurs proposent
un travail des muscles proximaux et des territoires exempts de LO
avant les régions lymphoedémateuses, et d’autres, des exercices
contre résistance.
Il n’existe aucun consensus sur le type
d’exercice à pratiquer.
L’exercice physique (en dehors des bandages)
est indiqué, en évitant les sports violents, car il entraîne fréquemment une sensation d’allègement du membre atteint.
Cependant, il est préférable de porter une contention élastique pour
le pratiquer.
Séances de repos en position surélevée
:
Elles sont toujours proposées en complément des DLM et des
bandages peu élastiques.
Même si elles diminuent l’impression de
lourdeur du membre atteint, utilisées seules, elles ne semblent pas
apporter de bénéfice volumétrique.
Malgré ces résultats, elles sont
conseillées et pratiquées de préférence, sous bandages, à intervalle
régulier, et en association avec les autres éléments du traitement.
Soins de peau, pédicurie
:
Les LO représentent le facteur de risque le plus important de
survenue d’érysipèles des membres inférieurs, avec un risque relatif
estimé à 71,2.
La recherche et le traitement des intertrigos interorteils sont indispensables à la prise en charge. La prévention
est également importante, par séchage soigneux des espaces
interorteils après un bain ou une douche.
Toutes les autres portes
d’entrée infectieuse sont à traiter : ulcères, plaies traumatiques,
brûlures, ainsi que les vésicules lymphatiques siégeant sur les orteils,
la cheville ou dans le creux poplité, et qui peuvent se rompre.
Ces
vésicules doivent parfois être détruites par laser, mais leur
réapparition à distance est fréquente.
Les soins de pédicurie sont
nécessaires pour l’entretien des ongles, souvent incarnés, ou pour la
réduction des hyperkératoses responsables de fissures, et dues à des
troubles de la statique du pied.
Au membre supérieur, toute
plaie même minime peut se compliquer d’érysipèle : soins de
manucure, griffures d’animaux, brûlures, piqûres d’aiguille à coudre.
Les érysipèles peuvent être récidivants (plus de trois épisodes) et
aggraver le volume du LO.
Dans cette situation, il est parfois utile
d’instaurer une antibioprophylaxie, qu’il existe un LO du membre
inférieur ou supérieur.
Un traitement par pénicilline à la
libération prolongée comme l’Extencilline, à la dose de 2,4 MUI
toutes les 2-3 semaines (ou par pénicilline par voie orale), en
l’absence d’allergie à la pénicilline, est proposée par la Conférence
de Consensus sur la prise en charge des érysipèles et fasciite
nécrosante.
La durée de la prophylaxie n’est pas définie, mais une
durée prolongée (plus de 1-2 ans) semble nécessaire.
Contention élastique
:
Le terme de contention élastique est toujours utilisé, alors qu’il s’agit
en fait de compression élastique.
En effet, la pression s’exerce en
permanence sur le membre à traiter en raison de la présence des
fibres élastiques, alors que l’on devrait réserver le terme de
contention aux seuls bandages peu élastiques qui exercent une
pression faible au repos mais élevée à l’effort.
Après la réduction du
volume du LO obtenue par l’association DLM-bandages peu
élastiques, le port d’une contention est obligatoire.
Il faut parfois
être convaincant pour la faire accepter (et porter) quotidiennement
par les patients. Il n’est généralement pas nécessaire de la garder la
nuit.
Le type de contention doit être adapté au LO : manchon avec
ou sans mitaine (couvrant la main) pour les membres supérieurs,
bas jarret, bas cuisse, collant, hémicollant ou panty pour les
membres inférieurs.
Les forces de pressions sont définies, en France,
en classe I (10-15 mmHg), II (15-20 mmHg), III (20-36 mmHg) et IV
(> 36 mmHg) ; à classes identiques, elles sont inférieures à celles des
autres pays européens. Au membre supérieur, les contentions de
classe II ou III peuvent être proposées, alors qu’au membre inférieur,
il faut privilégier une classe III ou IV (avec une éventuelle
superposition).
Dans la plupart des cas, les contentions sont réalisées
sur mesure et sont changées tous les 3 à 4 mois, en raison de leur
perte d’efficacité.
Les contentions élastiques seules entraînent une
diminution modeste du volume du LO, mais surtout permettent de
maintenir le résultat et d’éviter la reprise volumétrique.
En
effet, Badger et al avaient comparé, dans une étude randomisée
comprenant 83 patients avec un LO du membre supérieur ou
inférieur, le traitement intensif de physiothérapie décongestive
pendant 18 jours suivi du port d’une contention élastique, à la
contention seule.
Les résultats étaient appréciés par volumétrie à la
24e semaine. Le pourcentage de diminution d’excès de volume était
de 31 % dans le groupe physiothérapie puis contention, et de 15,2 %
dans le groupe contention seule.
Ce résultats confirmaient ceux
d’une étude ouverte précédente, portant sur 120 femmes ayant un LO secondaire du membre supérieur, dans laquelle la diminution
de volume était de 14,7 % à 6 mois.
Dans une autre étude, la
diminution volumétrique due à la contention seule était estimée à
seulement 7 %.
Prise en charge psychologique
:
Le LO est une pathologie chronique qui est toujours mal vécue, qu’il
s’agisse des formes primitives de l’adolescent et notamment des
jeunes filles avec un problème esthétique majeur, ou des formes
secondaires en particulier du membre supérieur après cancer du
sein.
Dans cette dernière situation, plusieurs sentiments différents
sont intriqués : le reproche envers le chirurgien de ne pas avoir
prévenu du risque de LO, le manque de conseils de prévention du
LO, l’impression souvent très négative de la radiothérapie, la
culpabilité d’avoir effectué un geste « interdit » comme le port de
charge lourde, et surtout l’impression de n’être pas prise en charge.
Ainsi, on retrouve plus fréquemment une anxiété, un syndrome
dépressif chez les femmes ayant un LO secondaire du membre
supérieur, comparativement aux femmes ayant eu un cancer du sein
sans LO.
D’autres traits de personnalité ont été également mis
en évidence par le « test du Bonhomme » et le test de Rorschach :
sentiment d’infériorité, de frustration face à leur image sexuelle, de
problèmes relationnels dus à une certaine psychorigidité et une
difficulté pour exprimer leur sentiments.
Une prise en charge
spécifique, psychologique voire psychanalytique et/ou
médicamenteuse, peut être utile chez certains patients.
Pressothérapie
:
Il s’agit essentiellement de la pressothérapie pneumatique
multichambre, car la pressothérapie au mercure, développée en
France par Cartier, n’est presque plus utilisée.
Les
recommandations canadiennes et américaines mentionnent cette
technique, qui reste controversée et dont les indications sont
difficiles à poser en raison des résultats discordants des différentes
études.
Dans l’étude de Swedborg, la réduction volumétrique
du LO secondaire du membre supérieur était supérieure de 18 % à
celle induite par la compression élastique seule.
Au contraire,
dans l’étude de Dini et al, la pressothérapie n’apportait aucun
bénéfice.
Cette étude randomisée avait comparé la pressothérapie
pneumatique chez 80 femmes avec un LO secondaire du membre
supérieur qui avaient cinq séances par semaine pendant 2 heures
2 semaines consécutives, suivies de 5 semaines d’arrêt puis d’un nouveau cycle.
On notait seulement une tendance non significative
à la diminution du volume du LO.
Plus récemment, la pressothérapie multichambre a été utilisée, dans une étude
randomisée, en association avec la physiothérapie décongestive
intensive dans le traitement de LO du membre supérieur après
cancer du sein.
La réduction volumétrique était supérieure à la
physiothérapie seule, mais le bénéfice ne se maintenait pas à j40.
En
traitement d’entretien, elle permettait une réduction modeste,
comparativement aux femmes recevant des DLM et portant une
contention élastique.
Par ailleurs, il est nécessaire de prendre en
compte le risque d’extension du LO aux organes génitaux externes
lors de la pressothérapie pour un LO des membres inférieurs.
La
prudence est donc de mise ; si la pressothérapie est utilisée, elle le
sera avec des pressions inférieures à 40 voire 30 mmHg (des
tentatives de pressothérapie à forte pression, 80-130 mmHg, ayant
été insuffisamment évaluées), d’autant que les appareils tendent
à afficher des pressions inférieures à celles effectivement reçues.
Traitement médicamenteux
:
Les premiers produits utilisés ont été les diurétiques, mais ils ne
sont plus recommandés ni utilisés actuellement en raison de
leur faible efficacité et de leurs effets secondaires potentiels.
A - BENZOPYRONES
:
C’est la principale classe thérapeutique utilisée, qui comprend les coumariniques (a-benzopyrones) et les flavonoïdes (cbenzopyrones).
Ces molécules ont les propriétés pharmacologiques
communes suivantes :
– augmentation de la contractilité des capillaires lymphatiques ;
– réduction de la perméabilité des vaisseaux ;
– stabilisation de la membrane lysosomiale ;
– diminution des effets de certains médiateurs de l’inflammation,
tels les radicaux libres.
En 1993, la 5,6-benzo-[a]-pyrone, commercialisée sous le nom de
Lysedemt, avait montré un effet bénéfique sur la volumétrie et la
tension cutanée dans un essai randomisé, en double-aveugle contre
placebo, en cross-over pendant 6 mois chez 31 patientes ayant un
LO secondaire du membre supérieur après cancer du sein, et
21 patientes ayant un LO des membres inférieurs d’étiologies
variées.
Cependant, un autre essai avec cette même molécule
prise pendant 12 mois, ne retrouvait pas les effets précédents. Une
dernière étude en 1999 comparant 400 mg de 5,6-benzo-[a]-pyrone à
un placebo pendant 12 mois, en cross-over, chez 140 femmes ayant
un LO d’un membre supérieur postmammectomie, ne mettait pas
en évidence de différence par rapport au placebo.
Cette molécule
avait également une toxicité hépatique potentiellement grave qui
entraîna le retrait du marché du Lysedem en 1999.
B - FLAVONOÏDES
:
Les oligomères procyanidoliques (Endotélon) sont des composés
d’origine végétale extraits de pépins de raisins, qui renforcent le
tissu conjonctif en particulier veineux et capillaire.
Leurs effets
comportent un effet lymphokinétique en accélérant la vitesse de
circulation lymphatique, une augmentation de l’activité
macrophagique et de la captation interstitielle (effet lymphagogue).
Ces effets permettent de diminuer la perméabilité capillaire et
d’augmenter la résistance vasculaire.
Dans un essai en double
aveugle contre placebo comportant 63 femmes ayant un LO
unilatéral d’un membre supérieur après traitement radiochirurgical
d’un cancer du sein, les oligomères procyanidoliques à la dose de
300 mg/j pendant 6 mois amélioraient le score clinique (douleur,
tension, mobilité, paresthésies, différence périmétrique), le volume
du membre, la demi-vie et la vitesse circulatoire du colloïde en
lymphoscintigraphie.
L’Endotélon est le seul médicament à avoir
une autorisation de mise sur le marché (AMM) dans le traitement
du LO du membre supérieur après traitement radiochirurgical du
cancer du sein, en complément des méthodes physiques et surtout
de la contention élastique adaptée ou utilisée seule chez des
patientes ne pouvant bénéficier du traitement physique qui est le
traitement princeps du LO.
D’autres molécules ont aussi été testées dans les LO.
Les O-(bhydroxyéthyl)-rutosides, utilisés dans les LO primitifs des membres
inférieurs et les LO des membres supérieurs après traitement de
cancer du sein, apportaient une amélioration du volume du LO, de
la souplesse de la peau, une diminution de la sensation de lourdeurs
et de tension cutanée.
Ils réduisent l’hyperperméabilité
capillaire uniquement des vaisseaux inflammatoires, car ils sont sans
effet sur des vaisseaux dont la perméabilité est normale.
Les flavonoïdes (Daflon) ou l’extrait hydroalcoolique de Ruscus
aculeatus associé à des flavonoïdes (Cyclo 3 fort), dont les essais ne
permettent pas une évaluation précise dans le traitement des LO, n’ont pas d’AMM dans le traitement du LO.
C - AUTRES ALTERNATIVES THÉRAPEUTIQUES
:
Le zinc a été proposé dans le syndrome des ongles jaunes associé au
LO avec, dans un cas, disparition du LO en quelques mois sans
récidive après 4 ans, et le sélénium oral en complément de la
physiothérapie décongestive.
Traitement chirurgical
:
Le traitement du LO repose sur la physiothérapie décongestive.
La
chirurgie lymphatique s’inscrit comme un traitement « curatif » qui
pourrait faire envisager une « guérison » du LO.
Malheureusement,
malgré les différentes techniques utilisées, les indications, bien que
rares, sont difficiles à poser, et la chirurgie ne représente qu’un outil
supplémentaire dans la prise en charge.
Il existe deux grands
types de chirurgie : la chirurgie de résection et la chirurgie de
reconstruction.
A - CHIRURGIE DE RÉSECTION
:
Ce type de chirurgie a pour objectif l’ablation de tout ou partie du
tissu atteint par le LO, ou des complications comme les
papillomatoses ou les vésicules lymphatiques dont les écoulements
peuvent être très invalidants.
L’exérèse des tissus lymphoedémateux,
des zones fibrosées et de la peau peut être plus ou moins complète.
Ces techniques s’adressaient initialement aux LO d’un membre
entier, surtout inférieur, avec des lymphangiectomies superficielles
de type Servelle.
Il s’agissait de chirurgie lourde,
puisque les réinterventions étaient souvent nécessaires, les
complications fréquentes (infections, hypoesthésie) et la durée
d’hospitalisation de plusieurs mois.
De plus, il n’était pas possible
de traiter le dos du pied ou le haut de la cuisse, qui restaient atteints
par le LO et obligeaient à la poursuite de la kinésithérapie et au port
de la contention élastique.
Enfin, les séquelles esthétiques de ces
interventions sont majeures.
Après avoir été abandonnée
dans ces indications, la chirurgie de résection reste un traitement
utile des LO des organes génitaux externes (LO pénoscrotal ou
vulvaire).
En effet, dans ces localisations, les drainages
lymphatiques manuels sont peu efficaces et la contention difficile à
supporter.
La principale cause dans le monde est la filariose, mais il
existe des formes primitives touchant l’enfant et l’adulte, et des
formes secondaires (cancer de la marge anale, de la verge, de la
vulve, du col utérin, lymphome de Hodgkin sous-diaphragmatique).
Le préjudice est fonctionnel, avec parfois une gêne à la marche en
raison d’un volumineux scrotum accompagné d’une hydrocèle ou
du frottement des lèvres chez la femme.
Des vésicules lymphatiques
peuvent aussi compliquer ce type de LO, leur rupture entraînant
des écoulements parfois très abondants et représentant une porte
d’entrée infectieuse responsable d’érysipèles des organes génitaux
externes et du pubis.
La chirurgie d’exérèse-plastie large enlève toutes les zones touchées par le LO : grandes lèvres, petites lèvres,
capuchon du clitoris chez la femme, réduction scrotale et/ou plastie
de la verge chez l’homme.
La circoncision peut être aussi pratiquée
seule. Les résultats sont très satisfaisants, avec peu de récidives,
qui peuvent cependant bénéficier d’une nouvelle résection
chirurgicale si nécessaire.
La deuxième indication est la résection, après réduction
volumétrique importante due à la physiothérapie décongestive, des
excédents cutanés parfois invalidants (gêne pour l’habillement,
esthétique…) et rendant difficiles les techniques de bandages et le
port de contention élastique.
La résection se fait alors hors des trajets
lymphatiques, et toujours par exérèse-suture.
Dans certaines formes
de LO très volumineux, des excisions larges du tissus sous-cutané
jusqu’au muscle ont pu être pratiquées avec de bons résultats.
B - CHIRURGIE DE RECONSTRUCTION LYMPHATIQUE
:
L’objectif de ces chirurgies est soit de « réparer » les voies
lymphatiques elles-mêmes, soit de transférer des ganglions à la place
de ceux enlevés à but thérapeutique ou détruits par la radiothérapie.
On définit ainsi les techniques de dérivation et les techniques de
reconstruction microchirurgicale proprement dites.
1- Techniques de dérivation : anastomose lymphoveineuse (ALV)
La dérivation lymphatique entraîne un court-circuit de la circulation
lymphatique, en amont d’un obstacle ou d’un blocage, dans une
structure vasculaire adjacente et perméable.
C’est en 1969 que Yamada décrivit le premier cette technique chez l’homme, après
l’avoir expérimenté chez l’animal. Actuellement, l’ALV représente
la technique la plus communément utilisée.
En effet, le rationnel de
cette intervention est l’existence au cours des LO, d’ALV spontanées
visualisées par lymphangiographie.
Idéalement, l’ALV devrait être
pratiquée tôt dans l’évolution du LO avec des vaisseaux
lymphatiques fonctionnels pour l’anastomose, c’est-à-dire avant le
développement de la fibrose cutanée, de la sclérose des vaisseaux
lymphatiques, la survenue d’infections (érysipèles) ou en l’absence
d’anomalies lymphatiques étendues comme on peut les rencontrer
dans certains LO primitifs.
L’ALV est indiquée préférentiellement,
mais non exclusivement, aux membres inférieurs.
Elle est pratiquée
sous microscope, après repérage de vaisseaux lymphatiques de bon
calibre.
En général, trois à cinq (voire plus dans certaines équipes)
vaisseaux lymphatiques sont anastomosés en terminolatéral dans
une branche de la grande veine saphène selon la technique de
Degni.
Les vaisseaux lymphatiques sont éventuellement
repérés par l’injection sous-cutanée d’un colorant, en aval de 10 à
15 cm de l’incision. Le bénéfice de l’ALV est diversement apprécié
suivant les équipes.
Pour certains auteurs, il est excellent, pour
d’autres inconstant voire totalement négatif.
Bien que dans
toutes ces études, les techniques chirurgicales soient comparables, il
existe des différences concernant la localisation du LO opéré
(membres inférieurs ou supérieurs), le caractère (primitif ou
secondaire), l’ancienneté et le stade du LO, qui rendent difficile
l’évaluation de cette technique.
La décision de pratiquer une ALV
est donc difficile, et dépend de la demande du patient, de la
survenue de complications notamment infectieuses (érysipèles), de
l’expérience du chirurgien, de l’évolutivité de la maladie, du volume du LO, de la réponse à la physiothérapie, et de l’état lymphatique
sous-jacent apprécié par une lymphoscintigraphie distale voire
proximale.
Un échodoppler veineux est indispensable en
préopératoire pour repérer la veine devant recevoir l’anastomose, et
détecter une insuffisance veineuse associée.
2- Greffe lymphatique
:
Développée par Baumeister, elle a l’avantage par rapport à l’ALV de
ne pas entraîner de reflux veineux dans le lymphatique anastomosé.
Cette technique était initialement indiquée pour les LO secondaires
du membre supérieur après cancer du sein, puis pour les LO
secondaires des membres inférieurs.
Les collecteurs lymphatiques
« donneurs », au nombre de deux (voire trois) sont prélevés sur la
cuisse, puis anastomosés à partir des vaisseaux lymphatiques
superficiels en regard du muscle jusqu’à la base du cou, dans les LO
secondaires du membre supérieur.
Pour les LO unilatéraux du
membre inférieur, les vaisseaux lymphatiques du membre sain sont
anastomosés par voie transpubienne aux collecteurs ascendants du
membre atteint.
La diminution de volume du LO par rapport
au membre controlatéral atteignait en moyenne 65 % après 2 ans de
recul pour les LO secondaires.
Cependant, le bénéfice ne se
maintenait à distance que pour les LO secondaires du membre
supérieur.
La greffe lymphatique entraînait également une
diminution du nombre d’érysipèles comparativement à la période
préopératoire.
Les indications de ce type de chirurgie semblent
donc être les LO secondaires du membre supérieur, plutôt que les
LO du membre inférieur.
3- Transfert ganglionnaire
:
Il s’agit de transférer des ganglions avec le pédicule vasculaire et le
revêtement cutané dans une zone lésée (creux axillaire) dont le
membre est atteint de LO.
Plusieurs modèles expérimentaux ont
montré l’efficacité de cette technique, mais les résultats chez
l’homme ont fait l’objet de peu de publications.
C - AUTRES TECHNIQUES CHIRURGICALES
:
La liposuccion a pour objectif d’enlever les tissus lymphoedémateux
sous-cutanés par aspiration.
L’équipe suédoise de Brorson s’intéresse
particulièrement à cette technique, pour traiter les LO du membre
supérieur après cancer du sein.
De multiples aspirations effectuées
par 20 à 30 incisions permettent de réduire le volume du LO.
Surtout, le port d’une contention élastique en postopératoire est
indispensable pour maintenir le bénéfice.
En cas de doute sur
l’observance, la chirurgie n’est pas pratiquée.
La force de pression
de cette contention est de 32 à 40 mmHg, correspondant en France à
une classe III forte ou IV, ce qui est très important pour un membre
supérieur.
De plus, elle doit être portée en continu, y compris la
nuit, et enlevée seulement 15 minutes pour la toilette.
Elle est
régulièrement réadaptée au volume du bras, changée tous les 3 mois
et portée au long cours pour maintenir le bénéfice chirurgical.
Dans
une revue du même auteur, les résultats obtenus étaient très bons,
avec une diminution moyenne de l’excès de volume du LO de 106 %
(soit un volume identique au membre supérieur controlatéral).
Malgré son caractère invasif, la liposuccion ne semble pas altérer davantage le transport lymphatique apprécié sur la lymphoscintigraphie.
En pratique, cette technique ne s’est pas largement
répandue, notamment en raison de la contrainte majeure que
représente le port permanent d’une contention élastique forte.
Autres techniques
:
Les autres techiques : cryothérapie, traitement par micro-ondes,
électrothérapie, endermologie, n’ont pas prouvé leur efficacité dans
les études cliniques, et ne font donc pas partie des recommandations
du traitement des LO des membres.
Conclusion
:
La prise en charge des LO doit être appréhendée sur le long terme.
Elle
repose sur un projet thérapeutique multidisciplinaire, dont l’élément
essentiel est la physiothérapie décongestive.
L’éducation et les conseils
pratiques sont indispensables, afin d’obtenir la motivation des patients
nécessaire à la prise en charge et au suivi médical régulier et prolongé
de ces pathologies chroniques que représentent les LO.