Pontages veineux sur les artères de jambe et du pied Cours de Chirurgie
Introduction
:
Avec la vulgarisation de la technique in situ, les indications des pontages
sur les artères de jambe se sont multipliées ; les indications habituelles
sont les ischémies sévères résistant au traitement médical et menaçant la
vitalité du membre.
Quelques auteurs considèrent que l’indication d’un
pontage sur artère de jambe peut être portée pour une claudication
intermittente incapacitante après l’échec d’un traitement médical bien
conduit, lorsque existent un bon réseau artériel jambier et une veine
grande saphène (VGS) utilisable.
Cette indication reste toutefois
exceptionnelle et il faut garder à l’esprit que, dans ces conditions,
l’échec précoce du pontage engendre habituellement une aggravation de
la symptomatologie et peut même faire courir un risque d’amputation.
Le succès des pontages sur artère de jambe tient avant tout à la possibilité
d’utiliser la VGS.
Les résultats décevants des pontages prothétiques
réalisés à ce niveau, quel que soit le matériel utilisé, en limitent les
indications à l’absence de matériel veineux.
La technique in situ prend au niveau jambier tout son intérêt, offrant une
meilleure adéquation du calibre des vaisseaux à anastomoser et la
possibilité d’utiliser avec succès des veines dont le diamètre au niveau
jambier n’excède pas 2,5 à 3 mm.
En contrepartie, la destruction
valvulaire pose d’autant plus de problèmes que le pontage est long et
que la veine est de petit calibre.
Le pontage inversé garde toutefois des
partisans qui invoquent une plus grande faisabilité et des résultats à
peu près superposables.
Voies d’abord
:
A - Tronc tibiofibulaire
:
L’abord du tronc tibiofibulaire (TTF) par voie rétrotibiale interne n’est
qu’une extension de l’abord poplité bas.
L’incision cutanée est
prolongée vers le bas de plusieurs centimètres en restant 1 cmen arrière
du bord postérieur du tibia ou mieux encore en regard de la VGS
préalablement repérée.
L’aponévrose est incisée à proximité de son
insertion tibiale ; après section de l’arcade du soléaire facilitée par la
dissection de l’artère et de la veine tibiale antérieure, l’incision du
soléaire est effectuée parallèlement au bord interne du tibia jusqu’à
mettre en évidence le paquet vasculaire.
La gaine vasculaire incisée
laisse apparaître le TTF en rapport étroit avec une volumineuse veine
satellite souvent dédoublée et la bifurcation artérielle en artère tibiale
postérieure et fibulaire.
B - Artère tibiale postérieure et branches de division
:
1- Tiers supérieur-tiers moyen
:
L’incision cutanée est faite en regard de la VGS habituellement située 1
à 2 cm en arrière du bord postéro-interne du tibia.
L’aponévrose incisée
laisse apparaître le bord interne du muscle gastrocnémien médial qui est
libéré et récliné en arrière.
Le muscle soléaire peut être désinséré du tibia
ou incisé perpendiculairement à ses fibres à un travers de doigt de son
bord interne.
Le plan aponévrotique épais recouvre un espace celluleux
et l’aponévrose profonde qui, une fois effondrée donne accès au paquet vasculonerveux avec le nerf tibial et, en dedans et en avant de lui, l’artère
avec ses deux veines satellites.
2- Tiers inférieur
:
Le soléaire fusionné au muscle gastrocnémien n’a plus d’insertion
osseuse et l’incision de l’aponévrose jambière mène dans un plan
celluleux situé entre le triceps sural en arrière et le plan profond en avant
constitué par les muscles long fléchisseur des orteils et tibial postérieur.
Au sein de cet espace siège le paquet vasculonerveux recouvert par le
feuillet profond de l’aponévrose jambière.
3- Régions rétro- et sous-malléolaire
:
*
Abord rétromalléolaire :
Le genou fléchi à 60°, le membre inférieur en rotation externe, le pied
est posé sur un billot pour ouvrir l’espace rétro- et sous-malléolaire.
L’incision cutanée de 6 à 8 cm verticale puis légèrement incurvée en
avant à sa partie inférieure (à l’aplomb de la pointe de la malléole) est
faite à égale distance du tendon calcanéen et du bord postérieur de la
malléole interne.
Le pied étant en flexion forcée, l’aponévrose
superficielle est incisée devant le tendon calcanéen puis, le pied étant
mis en équin et le tendon calcanéen récliné par un écarteur, l’aponévrose
profonde nacrée et épaisse est incisée au ras de son bord interne.
La
gaine vasculaire ouverte, l’artère apparaît flanquée d’une ou deux veines
satellites.
L’incision curviligne à concavité supérieure est faite à égale distance du
bord interne du pied et de la malléole interne remontant, à la demande,
en rétromalléolaire.
L’incision longe le bord supéro-interne du muscle
abducteur de l’hallux ; le rétinaculum des fléchisseurs est incisé au ras
du muscle qui est relâché par une adduction du pied et récliné vers le
bas.
La section de l’expansion du muscle abducteur de l’hallux au
sustentaculum tali facilite cette manoeuvre ; la dissection de la
bifurcation de l’artère tibiale postérieure et des premiers centimètres des
artères plantaires est facilitée par la section du muscle abducteur de
l’hallux.
L’artère plantaire latérale, plus volumineuse que la branche
médiale, apparaît habituellement inférieure dans la position opératoire ;
un abord plus étendu de cette artère peut être obtenu en sectionnant le
bord interne de l’aponévrose plantaire et le muscle court fléchisseur des
orteils.
Lors de cette dissection, il faut s’attacher à préserver l’artère
calcanéenne interne, branche collatérale naissant en amont de la
bifurcation plantaire et d’une particulière importance chez les patients
présentant une ischémie du talon.
4- Trajet des pontages vers l’artère tibiale postérieure
:
En cas de pontage effectué in situ, la VGS est mobilisée sur une dizaine
de centimètres ; la destruction valvulaire obéit aux principes décrits.
Le site de l’anastomose inférieure est repéré et marqué sur
l’artère, puis sur la veine mise sous tension et disposée
harmonieusement, genou en extension.
Les aponévroses jambières,
superficielle et profonde, doivent être incisées suffisamment haut pour
éviter une angulation de la veine.
Pour les pontages inversés, le trajet peut être sous-cutané ou anatomique.
Le trajet sous-cutané réalisé entre les deux sites anastomotiques au prix d’une ou deux contre-incisions, chemine à la face antéro-interne de la
cuisse en regard de la ligne de ligature de l’artère fémorale superficielle
puis à la face interne du genou et de la jambe.
Le tunnelliseur utilisé doit
avoir un diamètre suffisant pour ménager un tunnel où le pontage sera à
l’abri de toute compression.
Le trajet anatomique emprunte la face postérieure du muscle sartorius,
traverse le creux poplité entre les muscles gastrocnémiens et rejoint
l’abord de la tibiale postérieure.
Ce trajet nécessite un abord de la partie
basse du creux poplité qui permet de guider le tunnelliseur le long de
l’axe vasculaire entre les chefs gastrocnémiens.
Il est habituellement possible de faire progresser le tunnelliseur de la partie basse du creux
poplité à la face postérieure du muscle sartorius, sans aborder le creux
poplité au-dessus de l’interligne.
Le trajet sous-cutané a l’avantage de la simplicité et d’une surveillance
plus aisée mais expose au risque de compression posturale.
Le trajet
anatomique est plus harmonieux. De plus, il n’est pas exposé au risque
de plicature lors des mouvements de flexion du genou et protège mieux
le pontage des risques d’une infection superficielle des voies d’abord.
Ce trajet est ainsi utilisé de préférence au trajet sous-cutané pour les
pontages veineux inversés et a fortiori si un matériel prothétique est
utilisé.
C - Artère fibulaire
:
1-
Voie rétrotibiale interne
:
Elle permet d’aborder ses deux tiers supérieurs mais la situation assez
profonde de l’artère peut rendre l’anastomose délicate.
Les temps
initiaux de l’abord sont analogues à ceux de l’artère tibiale postérieure.
Le paquet tibial postérieur repéré est récliné vers l’avant et l’on
recherche l’interstice entre les muscles tibial postérieur et long
fléchisseur de l’hallux.
L’aponévrose profonde est incisée à ce niveau et
le bord interne du muscle long fléchisseur de l’hallux est libéré et récliné
en arrière, laissant apparaître le paquet vasculonerveux fibulaire
reposant sur le muscle tibial postérieur.
L’artère est entourée de ses
grosses veines satellites qui rendent sa dissection difficile ; l’utilisation
de la bande d’Esmarch prend dans ce cas tout son intérêt permettant de
limiter au minimum la dissection de l’artère.
Les rapports de l’artère fibulaire et du muscle long fléchisseur de l’hallux
varient en fonction du niveau considéré :
– au tiers supérieur de jambe, l’artère reposant sur le muscle tibial
postérieur est retrouvée au bord interne du muscle long fléchisseur de
l’hallux ;
– au tiers moyen de jambe, l’artère est fréquemment entourée par les
fibres musculaires du long fléchisseur de l’hallux pouvant réaliser un
véritable canal musculaire ; la découverte de l’artère est facilitée en
amorçant sa dissection plus en amont et en dissociant à partir de là, vers
le bas, les fibres musculaires ;
– au tiers inférieur de jambe, l’artère est approchée au mieux par voie
externe avec résection de la fibula.
2- Voie externe avec résection de la fibula
:
L’incision cutanée de 10 à 12 cm est centrée sur la fibula en fonction du
site anastomotique choisi. Le muscle long fibulaire est libéré du bord
externe de l’os et récliné en arrière avec le muscle long fléchisseur de
l’hallux.
Les faces externe et postérieure de l’os sont ensuite libérées à
la rugine sur 7 à 8 cm, d’autant plus facilement vers la partie basse de la
jambe que la fibula se dégage des muscles qui l’entouraient plus haut :
les tendons des muscles fibulaires restent sur son bord postérieur et le
muscle troisième fibulaire, faisceau ultime du muscle long extenseur des
orteils ne s’insère que sur le bord antérieur de l’os.
Il est aisé ensuite de réséquer à la scie de Gigli un segment osseux de 6 à 8 cm en prenant
soin de disséquer la membrane interosseuse adhérente au bord interne
de l’os ; cette résection ne compromet pas la stabilité de l’articulation tibiotarsienne dont la malléole externe reste intacte.
Le paquet vasculaire
est aisément retrouvé reposant directement sur le corps du muscle long
fléchisseur des orteils.
3- Voie postéroexterne ou rétrofibulaire
:
La voie jambière postéroexterne ou rétrofibulaire donne un accès limité
et malaisé à l’artère dans sa partie moyenne.
4- Trajet des pontages vers l’artère fibulaire
:
Le trajet est analogue à celui des pontages destinés à l’artère tibiale
postérieure lorsque l’artère est abordée par voie rétrotibiale interne.
Si
l’artère a été abordée par voie externe, le trajet le plus logique est externe : le pontage emprunte un trajet extra-anatomique qui croise
obliquement en « écharpe » en bas et en dehors les faces antérieure puis
externe de la cuisse, longe la face externe du genou entre le tubercule de
Gerdy et la tête de la fibula et de là rejoint la voie jambière externe.
La VGS peut être utilisée soit inversée soit non inversée, ex situ après
destruction valvulaire.
Deux contre-incisions courtes permettent
d’effectuer la tunnellisation sous-cutanée de l’artère fémorale à l’artère
fibulaire.
Le trajet externe a l’avantage d’une surveillance aisée et d’éviter tout
risque d’angulation du pontage notamment en flexion aiguë du genou.
En cas d’abord externe et de pontage in situ, la résection de la fibula peut
permettre également de tunnelliser le pontage à partir du site de
prélèvement interne vers la loge externe en passant en arrière du paquet
vasculonerveux tibial postérieur.
D - Artère tibiale antérieure et artère dorsale du pied
:
L’artère tibiale antérieure est abordée communément par voie
antérieure, plus rarement par voie postéro-interne.
1- Abord par voie antérieure
:
* Au tiers supérieur-tiers moyen de jambe
:
La jambe est maintenue en flexion à 30-40°, par un billot placé sous le
genou.
L’opérateur est en dehors, une incision de 8 cm est située sur une
ligne joignant la dépression préfibulaire et le milieu du cou de pied ;
l’aponévrose est incisée en regard de l’interstice qui sépare les muscles
tibial antérieur et long extenseur des orteils.
Cet interstice est retrouvé
plus facilement dans la partie inférieure de l’incision en maintenant le
pied en extension.
L’interstice est marqué par ailleurs par l’émergence
de petits vaisseaux.
Les muscles étant relâchés par la mise en flexion du
pied, on récline aisément en dedans le muscle tibial antérieur qui
recouvre le muscle long extenseur des orteils et le clivage est poursuivi
vers le haut sur toute la hauteur de l’incision.
Le pédicule vasculonerveux est profond ; le nerf surcroise l’artère fréquemment
masquée par des fibres aponévrotiques dépendant de l’aponévrose
interosseuse ou par ses veines satellites dilatées.
* Au tiers inférieur de jambe
:
L’abord de l’artère est aisé car elle est moins profonde et les corps
musculaires font place à de volumineux tendons ; l’écartement des deux
tendons des muscles tibial antérieur et extenseur de l’hallux laisse
apparaître le paquet vasculonerveux appliqué contre l’os.
À la partie
basse de l’incision, l’artère s’engage en arrière du tendon de l’extenseur
propre qu’il faut récliner en dehors avec le tendon du long extenseur des orteils pour trouver le paquet vasculaire au contact du bord externe du
muscle tibial antérieur. L’extension de l’abord vers l’aval nécessite la
section du rétinaculum des extenseurs.
* Au quart supérieur de jambe
:
La voie d’abord peut être étendue jusqu’à la tête de la fibula ; le clivage
des muscles tibial antérieur et long extenseur des orteils permet de suivre
l’artère tibiale antérieure qui devient de plus en plus profonde jusqu’au
point où elle pénètre dans la loge antérieure.
La dissection complète de
l’artère peut être aidée le cas échéant par la section de rameaux nerveux
que les nerfs fibulaire commun et tibial antérieur envoient au muscle
tibial antérieur ; leur section n’entraîne qu’une paralysie incomplète car
le muscle reçoit beaucoup plus bas un autre rameau moteur.
Il peut être
possible, par cette voie, de disséquer la bifurcation poplitée et le TTF
mais il est vrai que cette dissection est grandement facilitée par la
résection temporaire (ou définitive) de l’extrémité supérieure de la
fibula.
2- Abord par voie postéro-interne
:
Cet abord est rarement utilisé car l’accès obtenu sur l’artère tibiale
antérieure est profond et ne facilite pas la réalisation de l’anastomose.
Les premiers temps sont identiques à ceux décrits pour l’abord tibial
postérieur ; le cheminement se fait en avant du pédicule tibial postérieur
et des muscles profonds jusqu’à la membrane interosseuse qu’il faut
inciser largement pour découvrir le pédicule tibial antérieur par sa face
profonde.
L’artère doit être mobilisée aussi largement que possible pour
rendre la confection d’une anastomose réalisable sans trop de difficultés.
Cette voie n’est indiquée que lorsque des lésions cutanées interdisent
l’abord par voie antérieure.
3- Abord de l’artère dorsale du pied
:
Le pied étant en extension et le genou fléchi, l’incision cutanée va du
milieu du cou de pied à l’extrémité postérieure du premier espace
interosseux sur 4 à 5 cm; elle longe ainsi le bord externe du tendon du
long extenseur de l’hallux ; la branche interne du nerf musculocutané
est laissée en dehors ; l’incision de l’aponévrose superficielle au bord
externe du tendon du long extenseur de l’hallux laisse apparaître, en
dehors, le chef interne musculaire du court extenseur de l’hallux.
L’extenseur propre de l’hallux est récliné en dedans et le chef musculaire
du court extenseur en dehors, donnant accès en profondeur au paquet
vasculaire appliqué sur l’os ; l’artère et la veine dorsales du pied sont
longées en dedans par le nerf tibial antérieur qu’il faut ménager.
L’abord de l’artère dorsale du pied peut être étendu vers le haut en
échancrant à la demande le rétinaculum inférieur des extenseurs ; en
aval, l’artère dorsale du pied devient l’artère plantaire profonde en
traversant le premier espace métatarsien pour s’anastomoser avec
l’artère plantaire latérale.
Cette traversée détermine un orifice limité :
– en arrière par le ligament métatarsien dorsal ;
– en avant par le muscle premier interosseux dorsal dont les deux
faisceaux d’insertion sur les premier et deuxième métatarsiens
circonscrivent, à l’extrémité postérieure du muscle, une boucle dans
laquelle descend l’artère plantaire profonde ;
– en dedans et en dehors par la base des premiers métatarsiens.
À la sortie de ce tunnel, l’artère plantaire profonde s’anastomose avec
l’artère plantaire latérale pour former l’arcade plantaire profonde.
L’incision longitudinale, de 3 à 4 cmde longueur sur la face dorsale de
la portion moyenne et antérieure du pied, permet de disséquer l’artère
dorsale du pied en aval de sa bifurcation en artère plantaire profonde et
première artère métatarsienne dorsale.
Le muscle court extenseur de
l’hallux est écarté en dehors ou sectionné ; le muscle premier
interosseux dorsal est échancré pour donner un meilleur accès à la partie
proximale de l’artère plantaire profonde.
Le périoste de la partie
adjacente du deuxième métatarsien est ruginé et écarté afin d’exciser
suffisamment de fût métatarsien pour obtenir une bonne exposition de
l’artère plantaire profonde et permettre d’effectuer une anastomose à ce
niveau.
* Artère tarsienne latérale
:
C’est une source non négligeable de vascularisation pour le dos du pied
grâce à ses anastomoses avec la branche terminale antéroexterne de
l’artère fibulaire et avec l’artère plantaire latérale.
L’artère tarsienne
latérale naît de la partie proximale de l’artère dorsale du pied près du
bord inférieur du rétinaculum des extenseurs.
De là, elle se dirige en
avant et en dehors, en arrière du muscle extenseur des orteils.
Après
section du rétinaculum inférieur des extenseurs et dissection de la partie
proximale de l’artère dorsale du pied, l’origine de l’artère tarsienne
latérale est repérée ; une dissection plus poussée de son trajet impose de
récliner en dehors le tendon du muscle long extenseur des orteils et
d’inciser partiellement le muscle court extenseur.
4- Trajet des pontages vers l’artère tibiale antérieure
:
Pour les pontages in situ, la veine doit être mobilisée sur tout son
segment jambier à partir de l’interligne du genou.
La partie basse du creux poplité est abordée avec une dissection a
minima de la bifurcation poplitée.
La membrane interosseuse est
dégagée puis incisée longitudinalement sur 2 à 3 cm à la partie
supérieure de l’abord antérieur ; un instrument mousse est passé de la
loge antérieure vers le creux poplité guidé par un doigt interne.
La veine
est disposée dans son trajet sous tension physiologique, genou en
extension afin d’éviter une brièveté du pontage.
L’anastomose distale
doit être réalisée à une distance suffisante de l’endroit où la veine
franchit la membrane interosseuse ; la veine doit en effet être parallèle à
l’artère pour réaliser de façon optimale l’anastomose à la face antéroexterne de celle-ci.
Réalisée trop près de la traversée de la
membrane interosseuse, l’anastomose est menacée d’une plicature au
niveau de son talon.
Le pontage inversé emprunte le trajet anatomique, à la face postérieure
du sartorius puis entre les chefs gastrocnémiens, avant de rejoindre la
loge antérieure selon les modalités qui viennent d’être décrites.
Le trajet
sous-cutané externe est employé préférentiellement lorsque l’abord du
creux poplité est interdit du fait d’un sepsis ou non souhaitable du fait du
risque de sclérose engendré par des abords itératifs.
* Trajet transosseux
:
Il constitue une alternative intéressante au trajet à travers la membrane
interosseuse.
Il consiste à effectuer un tunnel osseux transtibial oblique
en bas et en dehors permettant au pontage de rejoindre selon un trajet
harmonieux la loge antérieure.
Le tunnel
doit préserver l’intégrité des crêtes tibiales pour ne pas
altérer la solidité de l’os.
L’orifice d’entrée est réalisé au niveau de la face postérieure ou au
niveau de la face interne du tibia ; à partir de là le tunnel rejoint la face
externe de l’os selon un angle dont l’obliquité ne doit pas excéder 60°
pour éviter de fragiliser la diaphyse.
Le siège de l’orifice de sortie du tunnel sur la face externe de l’os est
choisi en fonction du niveau de l’anastomose sur l’artère tibiale
antérieure : une distance de 2 à 3 cmentre les deux est nécessaire pour
pouvoir réaliser l’anastomose sans risque de plicature.
La face externe
de l’os est dégagée du périoste sur 1 cm2 ; après avoir entamé la corticale
à la pointe carrée, le trajet peut être fait avec celle-ci, mais l’utilisation
d’une broche introduite au moteur pneumatique est préférable,
permettant de guider au mieux la mèche au moment du forage.
En
fonction de la face choisie, l’orifice d’entrée doit être postérieur sur la
face interne, proche du bord interne ou postéro-interne sur la face
postérieure. Une mèche de 7 donne un diamètre suffisant au tunnel dont
les orifices d’entrée et de sortie sont émoussés à la fraise pour n’être pas
vulnérants.
Le tunnel transosseux est particulièrement intéressant pour les pontages
in situ anastomosés sur la partie basse de l’artère tibiale antérieure ; en
l’absence de tunnel, la veine doit en effet emprunter un trajet souscutané
qui croise le bord antérieur saillant de l’os pour rejoindre l’artère
tibiale antérieure.
Le trajet transosseux, de réalisation technique aisée, supprime tout risque de compression extrinsèque.
Le risque théorique
d’affaiblir la trame osseuse incite à ne pas utiliser cette technique dans
les ostéoporoses avérées.
Une variante de cette technique a été décrite consistant à réaliser non
pas un tunnel mais une simple gouttière creusée dans la corticale du bord
antérieur de l’os.
Les incisions du prélèvement de la veine et de l’abord
antérieur de l’artère tibiale antérieure sont utilisées pour exposer les
faces interne et externe et le bord antérieur de l’os ; une mèche permet
de forer la crête tibiale de façon superficielle et la gouttière ainsi réalisée
est émoussée et régularisée.
Cette technique n’offre pas d’avantage
évident par rapport à la précédente et est de réalisation plus délicate du
fait de la difficulté du forage de la crête tibiale.
En outre, le risque est
réel d’affaiblir l’architecture osseuse comme le démontre le risque de
survenue de fracture « pathologique» en regard de la gouttière.
E - Abord des artères de jambe par voie postérieure
:
Les voies d’abord postérieures des artères de jambe sont très rarement
utilisées, car elles supposent que les lésions artérielles aient une
topographie sous-poplitée permettant la réalisation d’un pontage
poplité-jambier.
Cette topographie lésionnelle est surtout l’apanage du
patient diabétique et a la particularité de ménager dans un bon nombre
de cas la partie distale des artères de jambe ou du pied offrant la
possibilité d’une revascularisation courte.
La voie postérieure peut
certes permettre le prélèvement de la VGS jambière et gonale, mais elle
tire réellement son intérêt de pouvoir utiliser la veine petite saphène
(VPS).
L’examen du patient en orthostatisme peut parfois permettre d’apprécier
l’état de la VPS mais l’échodoppler veineux nous semble toujours
nécessaire, permettant d’apprécier l’anatomie de la veine, de repérer et
de marquer son trajet et la naissance des principales collatérales ; il
précise en outre les éventuelles altérations pariétales et le diamètre
proximal et distal mesuré au mieux sous garrot et jambe pendante.
La
veine est considérée comme utilisable si le diamètre externe mesuré dans
ces conditions est supérieur ou égal à 3 mm et si elle est indemne
d’altération pariétale.
Dans l’expérience d’Ouriel, laVPS était utilisable
chez 72 % des patients relevant d’une revascularisation souspoplitée.
L’échodoppler a enfin l’avantage de situer le niveau de
l’abouchement de la VPS dans la veine poplitée et par là même de
prévoir la longueur de veine disponible pour le pontage.
1- Installation du patient
:
Le patient est confortablement installé en décubitus ventral avec un
coussin placé sous les crêtes iliaques, le membre inférieur enrobé
jusqu’au tiers supérieur de cuisse dans un jersey collé. Des champs
placés sous le genou maintiennent l’articulation en extension et facilitent
l’abord de l’artère poplitée.
Compte tenu de la position du patient et de
la durée opératoire prévisible, l’anesthésie générale est préférable à
l’anesthésie péridurale.
2- Incision cutanée
:
Si la VPS est utilisable, l’incision centrée sur la veine débute au pli du
genou et s’étend vers le bas en fonction du site de l’anastomose
inférieure et de la longueur de veine nécessaire.
En cas d’anastomose
sur l’artère tibiale postérieure distale, une courte voie d’abord
complémentaire parallèle au bord interne du tendon calcanéen est
souhaitable, afin d’éviter un décollement sous-cutané trop important,
source de troubles de cicatrisation.
La longueur de l’incision dépend du mode d’utilisation de la veine pour
le pontage :
– en cas de pontage inversé, l’incision peut être continue ou discontinue
ménageant de courts intervalles de peau saine, permettant la dissection
de la veine et son prélèvement ;
– en cas de pontage in situ, seules les parties proximales et distales de la
veine sont abordées et disséquées en regard des futures zones
anastomotiques.
Dans sa moitié inférieure, la VPS est sus-aponévrotique longée par le
nerf saphène externe ; au tiers moyen de jambe, elle s’enfonce dans un
dédoublement de l’aponévrose superficielle qui engaine séparément le
nerf situé en avant d’elle.
Au niveau du creux poplité, elle est située entre
les aponévroses superficielle et profonde, perforant celle-ci en regard de
l’interligne articulaire pour s’aboucher à la face postérieure de la veine
poplitée.
La crosse peut être haut située par rapport à l’interligne
articulaire, offrant 5 à 6 cmsupplémentaires utilisables pour le pontage.
L’artère poplitée sous articulaire est aisément abordée après avoir
récliné en dehors successivement le nerf tibial puis la veine poplitée.
L’abord de l’artère poplitée sus-articulaire nécessite une extension de la
voie d’abord vers le haut selon un trajet en « baïonnette » interne.
3- Abord proximal des artères de jambe
:
L’abord du TTF et de l’origine des artères de jambe nécessite le clivage
de la fusion médiane des muscles gastrocnémiens qui sont écartés avec
leur pédicule.
Le muscle soléaire forme une nappe épaisse et large, du
moins dans la partie supérieure de la jambe.
À la partie basse de la jambe,
il devient plus étroit et peut être contourné latéralement.
Le muscle
soléaire peut être désinséré de son attache tibiale sur toute sa longueur
ou sectionné à proximité de celle-ci ; il peut être également incisé sur la
ligne médiane selon la voie classique de ligature de l’artère tibiale
postérieure, l’incision pouvant se prolonger jusqu’au niveau calcanéen
.
On découvre ainsi très largement le TTF, les artères tibiale
postérieure en dedans et fibulaire en dehors croisée près de son origine
par le nerf tibial.
Le TTF et l’origine des artères de jambe sont masqués
par un réseau de veines plexiformes et de branches nerveuses dont le
respect est souhaitable pour éviter des parésies musculaires, source de
gêne fonctionnelle ultérieure.
La partie proximale des artères tibiale postérieure et fibulaire est exposée
de façon satisfaisante par cet abord.
En revanche, l’artère tibiale
antérieure n’est accessible que dans ses 15 premiers millimètres avant le
franchissement du bord supérieur de la membrane interosseuse dont la
section permet l’exposition de 1 à 2 cmcomplémentaires.
4- Abord distal des artères de jambe
:
Le tiers moyen et le tiers inférieur des artères tibiale postérieure et fibulaire sont abordés au mieux par de courtes voies d’abord parallèles
aux bords du tendon calcanéen.
* Artère tibiale postérieure
:
Un abord longitudinal de 8 à 10 cmest réalisé au bord interne du tendon
calcanéen.
L’incision de l’aponévrose jambière superficielle donne
accès à un espace celluleux situé entre le muscle triceps sural et le plan
musculaire profond sur lequel repose l’artère recouverte par
l’aponévrose jambière profonde.
À proximité de la malléole, l’artère
tibiale postérieure chemine en arrière du muscle long fléchisseur des
orteils qu’il faut écarter en dedans pour aborder la partie distale de
l’artère.
* Artère fibulaire
:
Les aponévroses superficielle et profonde de jambe sont incisées
longitudinalement en dehors du tendon calcanéen au niveau de la partie
basse de l’incision de prélèvement de la VPS ; l’artère est recouverte en
arrière par le muscle long fléchisseur de l’hallux qu’il faut écarter en
dehors en sectionnant si besoin quelques fibres musculaires qui
s’insèrent sur une cloison tendineuse commune avec des faisceaux du
muscle tibial postérieur.
À sa partie basse, l’artère s’applique sur la
membrane interosseuse et se divise en deux branches terminales antéroexterne et postéro-interne.
Le repérage de l’artère peut être facilité
par la palpation de la fibula située immédiatement en dehors de l’artère.
5- Anastomose proximale
:
Elle est faite selon les données angiographiques sur l’artère poplitée
haute ou basse, voire exceptionnellement sur le TTF ou une artère de
jambe proximale.
En cas de technique in situ, la destruction valvulaire
est réalisée au mieux sous contrôle angioscopique :
– soit avant la réalisation de l’anastomose proximale, l’angioscope
introduit par la partie haute de la veine contrôlant l’action du
valvulotome introduit par le bas ;
– soit après la réalisation de l’anastomose proximale, l’angioscope
pouvant être solidarisé à la tige du valvulotome, l’optique étant située
un peu en retrait de l’olive.
En cas de technique inversée, la tunnellisation du pontage peut être faite
en sous-aponévrotique, ou mieux encore en avant du muscle soléaire,
selon un trajet anatomique qui met le pontage à l’abri d’une éventuelle
infection des voies d’abord.
6- Anastomose distale
:
* Artère tibiale postérieure
:
L’anastomose peut être faite à un niveau quelconque du trajet de l’artère
jusqu’à la bifurcation plantaire qui est aisément abordée dans cette
position, la cheville et le dos du pied étant appuyés sur un billot et le pied
maintenu en valgus.
* Artère fibulaire
:
Elle peut être revascularisée jusqu’à sa bifurcation, l’anastomose
pouvant même être faite distalement sur la branche de division postérointerne
lorsque celle-ci est hypertrophiée et reprend en charge l’arche
malléolaire.
* Artère tibiale antérieure
:
L’accès de ses premiers centimètres est possible après section du bord
supérieur de la membrane interosseuse ; au-delà, elle est d’un accès
difficile mais néanmoins parfois réalisable par voie antérieure après mise en rotation externe du membre.
Si la revascularisation doit porter sur
l’artère dorsale du pied, le pontage peut être tunnellisé en sous-cutané
en avant de la malléole interne et l’anastomose distale faite après
fermeture des voies d’abord postérieures et réinstallation du patient en
décubitus dorsal.
Discussion
:
Les conditions du succès d’un pontage distal sont multifactorielles.
La
présence de matériel veineux et d’un réseau d’aval correct est le meilleur
garant d’une perméabilité durable ; la qualité des suites opératoires et
notamment l’absence de morbidité reposent en grande partie sur le choix
pertinent de la voie d’abord et la qualité de sa réalisation.
Une
cicatrisation per primam autorise une reprise rapide de la marche et
abrège la durée d’hospitalisation.
À l’inverse, les troubles de
cicatrisation retardent la réadaptation fonctionnelle, génèrent des
douleurs et prolongent l’hospitalisation, quand ils ne sont pas
responsables directement ou indirectement de complications septiques.
La fréquence des complications cutanées varie de 7 à 30% selon les
séries qui se sont intéressées à ce problème.
Leur survenue est favorisée
par les conditions locales et générales parmi lesquelles l’état de
dénutrition, le degré d’ischémie, la présence d’une infection ou la
proximité de troubles trophiques.
Leur prévention repose avant tout sur
la qualité de la réalisation de la voie d’abord et de sa fermeture, fruit de
l’expérience chirurgicale et de l’engagement de l’opérateur.
Le tracé des
incisions est essentiel et doit être réalisé par l’opérateur lui-même ; il
doit permettre l’abord de la veine, l’exposition de l’artère et la tunnellisation.
Dans les pontages à haut risque de thrombose, le choix
des voies d’abord et le tracé des incisions doivent tenir compte d’un
échec potentiel et contrarier le moins possible la réalisation d’une
éventuelle amputation.
La réalisation de la voie d’abord doit respecter les structures
anatomiques de voisinage.
La peau et le tissu cellulaire sous-cutané sont
particulièrement vulnérables dans cet environnement ischémique.
Les
décollements intempestifs, les coagulations trop proches de la peau, les
écartements agressifs inutilement prolongés doivent être prohibés.
La
dissection doit être atraumatique.
Les délabrements musculaires
résultant souvent d’une connaissance insuffisante de l’anatomie doivent
être évités.
Les nerfs sont souvent maltraités et leur contusion peut être
responsable de névralgies gênantes.
Les collatérales musculaires des
nerfs profonds doivent être autant que possible préservées car la section
de certaines d’entre elles peut entraîner des faiblesses musculaires
fâcheuses.
Les veines jambières sont intimement adhérentes à l’artère
adjacente, souvent dédoublées, parfois plexiformes ; leur blessure
impose souvent leur ligature source de phlébite postopératoire.
L’utilisation de la bande d’Esmarch pour réaliser l’anatomose distale
constitue dans cette optique un réel progrès et doit être largement
utilisée.
Elle permet de réduire la zone de dissection de l’artère à
revasculariser, limitant par là les risques de traumatismes nerveux,
veineux et artériels.
L’artère est seulement exposée et non plus
disséquée, encore moins circonscrite ; la palpation localise un segment
artériel adéquat de 15 à 20 mm ou doit porter l’anastomose.
A - Choix du site de l’anastomose distale
et de la voie d’abord :
1- Choix de la voie d’abord
:
Il repose sur l’analyse de plusieurs paramètres : la présence de lésions
cutanées, le matériel veineux disponible, les éventuels abords
préalables, le morphotype du patient.
La voie rétrotibiale interne permet
d’aborder simultanément la VGS, l’artère tibiale postérieure et la moitié
supérieure de l’artère fibulaire.
La partie distale de l’artère fibulaire est
abordée au mieux par voie externe ; cette voie peut être choisie
électivement lorsque l’abord de la partie supérieure de l’artère
s’annonce difficile par voie interne en raison d’abords antérieurs ou du
fait du morphotype du patient.
Dans la majorité des cas, l’artère tibiale
antérieure est abordée par voie antérieure ; l’abord postéro-interne n’est
indiqué que pour améliorer l’accès par voie rétrotibiale interne des
premiers centimètres de l’artère au niveau et en aval de sa crosse ou
lorsque des lésions cutanées interdisent l’abord antérieur.
La voie postérieure des artères tibiale postérieure et fibulaire, très
rarement utilisée, est réservée aux lésions artérielles sous-poplitées et
suppose que la VPS soit utilisable.
Les avantages de cette voie d’abord
sont nombreux ; elle préserve la VGS et facilite l’abord artériel en cas
de repontage.
Les complications cutanées seraient rares et l’oedème
exceptionnel.
L’abord distal de l’artère fibulaire est plus aisé et moins
délabrant que par voie externe.
A contrario, cette voie offre une
accessibilité limitée au tiers supérieur et moyen des artères de jambe
imposant un clivage des muscles gastrocnémiens et une section étendue
du muscle soléaire.
Les nerfs des muscles de la loge postérieure
superficielle sont relativement vulnérables dans cet abord et leur
traumatisme peut entraîner des parésies musculaires gênantes.
2- Site de l’anastomose distale
:
Dans les ischémies sévères, rares sont les cas où plusieurs artères de
jambe sont perméables et de qualité suffisante pour permettre une
revascularisation séquentielle.
Dans la majorité des cas une seule artère
de jambe offre les conditions requises pour une revascularisation
élective : absence d’altération diffuse, continuité directe avec le réseau
artériel du pied ou continuité indirecte (artère fibulaire) par
l’intermédiaire d’anastomoses suffisantes.
L’artère tibiale postérieure offre rarement ces conditions et la
revascularisation intéresse le plus souvent l’artère tibiale antérieure et
surtout l’artère fibulaire assez fréquemment épargnée par l’athérome,
mais dont le pronostic de la revascularisation tient à la qualité des
anastomoses qu’elle contracte avec les arches plantaires.
En présence de lésions sténosantes du TTF ou de l’origine des artères de
jambe, les indications respectives d’une revascularisation poplitée en
amont des lésions sténosantes ou d’une revascularisation jambière sur
une artère présumée saine dépendent avant tout du matériel veineux
disponible.
Une veine saphène perméable et de calibre adéquat incite à
utiliser le meilleur site anastomotique possible en aval des lésions sténosantes.
3- Pontage sur l’artère fibulaire ou au pied ?
En cas d’athérosclérose évoluée, l’artère fibulaire reste souvent la
dernière artère perméable et l’on peut avoir le choix entre la
revascularisation de celle-ci ou d’une artère du pied revascularisée
indirectement par l’artère fibulaire.
La revascularisation de l’artère fibulaire a l’avantage potentiel de
permettre un pontage plus court et donc de nécessiter moins de matériel
veineux ; cet avantage devant être pondéré si une voie d’abord et un
trajet externe sont choisis.
La revascularisation d’une artère de la cheville ou du pied a l’avantage
d’un abord aisé et d’une revascularisation plus efficace des zones
ischémiques distales.
L’étude de la littérature ne permet pas de trancher
en faveur de l’une ou l’autre option ; les taux de perméabilité des
pontages sur l’artère fibulaire et des pontages plus distaux étaient
comparables dans l’expérience de Shah et al adeptes de la technique
in situ et d’Elliott, Schneider ou Bergamini.
Les taux de
sauvetage de membre étaient également comparables à l’exception de la
série d’Elliott où le taux de sauvetage de membre obtenu après pontage
sur l’artère fibulaire (55 % à 2 ans) était significativement inférieur à
celui obtenu après pontage sur les artères tibiales ou les artères du pied
(67 %).
Le choix entre artère fibulaire et artère du pied est ainsi influencé par la
longueur de matériel veineux disponible, la qualité des anastomoses
entre l’artère fibulaire et le réseau du pied, l’existence ou non de lésions
nécrotiques distales et enfin par les préférences de l’opérateur.
4- Technique in situ ou inversée ?
Le choix de la technique d’utilisation de la VGS reste un sujet de
controverse.
Pour les pontages destinés au quart inférieur de jambe ou à
la cheville, la destruction valvulaire selon la technique rétrograde
impose pratiquement un relais dans la région périgonale ou crurale basse
du fait des différences importantes entre les calibres proximal et distal
du pontage ; il est en effet rarement possible d’utiliser des valvulotomes
de plus de 2,5 mm au niveau jambier, valvulotomes qui s’avéreront
souvent insuffisants pour assurer une destruction valvulaire adéquate au
niveau crural.
La destruction valvulaire à l’aide du valvulotome de Mills
effectuée sous contrôle angioscopique prend dans cette indication tout
son intérêt.
B - Résultats
:
Les taux de perméabilité actuarielle des pontages fémorojambiers sont
peu différents, que la technique utilisée soit in situ ou inversée.
Dans une étude rétrospective appréciant l’influence du diamètre de la
veine sur la perméabilité,Wengerter et al ont montré que les taux de
perméabilité des pontages fémorojambiers en veine inversée d’un
diamètre externe de 3,5 mm étaient à peu près équivalents à ceux des
pontages réalisés avec des veines de diamètre supérieur ou égal à 4 mm.
Dans cette étude, le diamètre critique au-dessous duquel la perméabilité
des pontages veineux inversés diminuait de façon nette était de 3 mm.
Dans les études rétrospectives les taux de perméabilité
primaire exprimés à 5 ans varient de 59 à 67 % pour la technique
inversée et de 63 à 72 % pour la technique in situ.
Dans la méta-analyse réalisée par Dalman, les taux moyens de
perméabilité primaire à 4 ans étaient respectivement de 62 et 68 %pour
les pontages inversés et in situ, la perméabilité secondaire étant de 76 et
81 %.
Dans l’étude prospective randomisée multicentrique de Wengerter et
al comparant les pontages in situ et inversés au niveau infrapoplité,
les perméabilités actuarielles primaire et secondaire des deux types de
pontage étaient équivalentes (perméabilité primaire et secondaire à
2 ans : inversés = 61 et 67 % ; in situ = 58 et 69 %).
Toutefois, la
perméabilité des pontages in situ effectués avec des veines de diamètre
inférieur ou égal à 3 mm était supérieure à celle des pontages inversés
de même diamètre (in situ : 75 % ; inversés : 37 %à 1 an) ; la différence
n’étant toutefois pas statistiquement significative du fait des faibles
populations en présence.
Outre la technique d’utilisation de la VGS, les perméabilités seraient
également influencées par le réseau artériel d’aval et notamment l’état
des artères du pied, une réintervention, une insuffisance rénale
terminale, la poursuite du tabagisme, la qualité de la surveillance.
L’influence d’autres facteurs tels que le diabète, le stade initial de
l’ischémie, le sexe, les traitements adjuvants est plus controversée.
Pontages distaux paramalléolaires
et inframalléolaires :
A -
Indications
:
Avec l’amélioration des techniques, les indications des pontages se sont
étendues progressivement vers la distalité du membre avec la
revascularisation des artères jambières à la cheville, voire au pied.
La
revascularisation peut en effet intéresser les branches de division de
l’artère tibiale postérieure, la partie distale de l’artère dorsale du pied ou
une de ses branches hypertrophiées.
Les artériopathies distales, apanage de l’artérite diabétique, fournissent
l’essentiel des indications ; deux tableaux cliniques peuvent être
distingués :
– le plus fréquent concerne les patients dont le pouls poplité est perçu et
les pouls distaux abolis ; l’artériographie révèle une oblitération
proximale ou distale des artères de jambe avec un réseau artériel du pied
pouvant être partiellement respecté par l’athérome ;
– le deuxième tableau, plus rare, est constitué de patients dont les pouls
sont perçus dans la région malléolaire mais qui présentent néanmoins
une ischémie distale sévère ; l’artériographie peut parfois objectiver en
aval d’une oblitération paramalléolaire, une branche de division de
l’artère tibiale postérieure ou une artère dorsale du pied distale
susceptibles d’être revascularisée.
Compte tenu du pronostic des revascularisations distales et de leur
relative difficulté technique, les indications doivent être réservées aux
gangrènes ischémiques ne cicatrisant pas en dépit d’un traitement
médical agressif et de débridements chirurgicaux effectués à la
demande.
L’artériographie doit étudier particulièrement les artères
jambières et le réseau artériel du pied.
L’opacification du réseau du pied a bénéficié grandement de l’apport de
l’angiographie digitalisée ; rares sont les cas où une artère distale
perméable n’est pas visualisée par cette technique ; à défaut, la présence
d’un signal doppler audible sur le trajet d’une artère doit inciter à
l’explorer chirurgicalement.
Après héparinisation générale, l’artère
exposée peut être cathétérisée avec un Cathlon 22 G, mais le risque de
dissection pariétale sur une artère de petit calibre doit plutôt inciter à
effectuer sur la zone la plus favorable, une courte artériotomie
longitudinale qui permet de cathétériser à vue la lumière distale.
Du
sérum hépariné est poussé à la seringue dans le cathéter : une résistance
élevée à l’injection contre-indique la réalisation du pontage ; la mesure
de la résistance, lorsqu’elle est techniquement réalisable, revêt dans ce
cas un intérêt particulier.
Un cliché artériographique pratiqué par le
cathéter permet d’apprécier précisément l’état de l’artère et sa
collatéralité avant la réalisation du pontage.
B - Pontages longs ou courts ?
En fonction de l’état du réseau artériel fémoropoplité, le pontage peut
être soit long, anastomosé sur l’artère fémorale commune, soit court,
anastomosé sur l’artère fémorale superficielle basse voire sur l’artère
poplitée en dessous de l’interligne ; plus rarement, l’anastomose
proximale peut être faite sur une artère de jambe.
Dans tous ces cas, la réalisation d’une anastomose basse est
subordonnée à l’absence de sténose d’amont supérieure ou égale à 30 %.
Plusieurs séries de la littérature non prospectives ont montré que la
longévité des pontages courts était au moins égale sinon supérieure à
celle des pontages longs.
La supériorité des pontages courts
serait encore plus nette quand l’anastomose distale porte sur une artère
du pied et/ou quand le réseau d’aval est médiocre.
C - Matériel utilisé
:
En l’absence de matériel veineux, les chances de perméabilité des
pontages très distaux réalisés avec du matériel prothétique sont très
faibles, même en utilisant les artifices destinés à augmenter leur
perméabilité :
– le pontage long bénéficie au mieux de l’utilisation in situ de la VGS ;
– pour les pontages courts et en particulier pour les pontages naissant
sous l’interligne du genou, la technique inversée présente de nombreux
avantages permettant notamment d’utiliser la portion la plus adéquate
de la veine et d’éviter les problèmes de déroutage de celle-ci ; en
contrepartie, elle fait perdre le bénéfice d’une meilleure congruence
anastomotique ; pour cette raison, certains auteurs préconisent d’utiliser
la VGS non inversée après destruction valvulaire.
D - Site anastomotique distal
:
Dans ces indications de pontage très distaux, l’artère réceptrice est
rarement préservée par l’athérome ; les calcifications sont fréquentes et
parfois circonférentielles ; la dissection doit s’attacher à retrouver la
zone la moins pathologique possible pour réaliser l’anastomose.
L’exploration doit ainsi parfois être poussée :
– au-delà de la bifurcation plantaire, lorsque l’artère tibiale postérieure
rétro- et sous-malléolaire est trop pathologique et en particulier vers
l’artère plantaire latérale, de calibre habituellement plus important que
l’artère plantaire médiale et qui donne l’arcade plantaire profonde ;
– vers la partie distale de l’artère dorsale du pied dans sa plongée vers la
région plantaire.
En cas d’oblitération des troncs principaux, certaines branches ou
collatérales telles que l’artère tarsienne latérale, l’artère arquée ou
l’artère plantaire médiale peuvent s’hypertrophier et bénéficier le cas
échéant d’une revascularisation ; ces revascularisations ne sont toutefois
concevables qu’effectuées avec du matériel veineux et en l’absence de
nécrose tissulaire évoluée.
L’expérience d’Ascer dans ce domaine fixe
les limites des revascularisations distales comme une solution
alternative à une amputation de jambe.
E - Incisions distales et trajet du pontage
:
La technique in situ impose de réaliser distalement deux incisions
cutanées pour prélever la VGS et aborder l’artère à revasculariser.
Ces
deux incisions sont d’autant plus proches que l’on descend plus distalement sur le pied, en particulier sur l’artère dorsale du pied.
Le pont cutané déterminé par les deux incisions est d’autant plus exposé
à l’ischémie que les incisions sont proches, que l’ischémie du pied est
sévère et qu’un décollement est fait sous ce lambeau pour dérouter et tunnelliser la veine.
Le risque d’ischémie du lambeau cutané peut être
réduit en écartant autant que possible les deux incisions et en évitant de tunnelliser la veine sous le pont cutané, le décollement étant un facteur
d’ischémie supplémentaire.
La mobilisation de la veine doit être
amorcée plus haut et la veine est tunnellisée en amont du pont cutané.
F - Anastomose distale
:
La réalisation de l’anastomose distale doit bénéficier d’une technique
rigoureuse : utilisation de grossissement optique (loupes 2,5 à 4,5, voire
microscope lorsque le diamètre de la lumière avoisine le millimètre), fil
monobrin fin 6 ou 7/0 serti d’aiguilles très fines, surjet suspendu et
anastomose réalisée sous bande d’Esmarch pour éviter le traumatisme
du clampage des parois de l’artère.
G - Résultats
:
Les résultats des pontages effectués sur l’artère dorsale du pied ou
sur l’artère tibiale postérieure rétro- et sous-malléolaire, voire sur
l’artère plantaire latérale, sont bien meilleurs que ne le laisserait
espérer a priori le réseau artériel d’aval très réduit dans lequel elles
débouchent.
Contrairement à ce qui est habituellement démontré à
l’étage poplité ou jambier, il ne semble pas exister de corrélation aussi
fidèle entre la perméabilité des pontages inframalléolaires et le réseau
artériel récepteur du pied.
En particulier, l’état de l’arche malléolaire,
longtemps invoqué comme une condition indispensable de succès,
n’influerait pas sur la perméabilité des pontages distaux.
Le haut
degré de collatéralité du réseau du pied et la richesse des anastomoses
entre les artères dorsale du pied et plantaires pourraient expliquer cette
apparente discordance.
Les perméabilités actuarielles primaires des
pontages para- et inframalléolaires varient de 58 % à 3 ans à 68%à
5 ans (perméabilités secondaires dans les deux séries : 82 %).
Les séries les plus importantes concernent les revascularisations de
l’artère dorsale du pied plus volontiers épargnée par les calcifications,
notamment chez le diabétique et d’un abord chirurgical aisé.
À propos
de 384 pontages effectués sur l’artère dorsale du pied, Pomposelli et al
font état de perméabilité primaire et secondaire de 68 % et 82 % à
5 ans.
L’expérience de Harrington est plus nuancée : à propos de
73 pontages la perméabilité primaire à 2 ans était de 59 % ; les facteurs
d’échec identifiés dans cette série étaient la qualité médiocre de la veine,
une arche antérieure déficiente et une infection extensive du pied.