Pied diabétique

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Introduction :

Les ulcérations du pied chez le diabétique constituent encore un véritable problème de Santé publique.

Cette pathologie est responsable d’une morbidité et d’une mortalité importantes associées à un coût élevé.

Bien que les mécanismes physiopathologiques (neuropathie, artériopathie et infection) impliqués dans l’apparition et l’aggravation de la plaie soient mieux connus, le retard diagnostique et l’absence de prise en charge globale expliquent encore, trop souvent, la gravité des lésions.

Pied diabétique

L’amélioration du pronostic passe surtout par une démarche de prévention basée sur le dépistage des pieds à risque, l’éducation des patients diabétiques et la surveillance de l’état vasculaire.

Le traitement doit faire appel à une approche multidisciplinaire médicochirurgicale où le patient doit jouer un rôle actif.

Épidémiologie :

La prévalence des lésions du pied chez le diabétique se situe entre 4 et 10 % dans les pays anglo-saxons. Elle atteint 15 % après l’âge de 80 ans.

En France, cette pathologie toucherait 50 à 60 000 patients par an, dont la moitié serait hospitalisée.

La gravité est liée principalement aux amputations, dont le taux est multiplié par 15 dans certaines populations.

En Finlande, Siitonen retrouve un risque 10 à 13 fois plus élevé dans la population diabétique.

Classiquement, 15 % des diabétiques vont subir une amputation au cours de leur vie et 50 à 70 % des amputations non traumatiques sont réalisées chez des diabétiques, ce qui correspond en France à 15 000 amputations par an.

Le taux de réamputation est considérable et estimé à 56 % à 5 ans, avec un taux de survie à 5 ans entre 40 et 50 %.

Les facteurs de risque d’amputation sont le sexe masculin, l’ancienneté du diabète, la présence d’une médiacalcose, la notion d’une microangiopathie, le degré d’hyperglycémie à jeun et postprandiale.

Le coût de cette pathologie représente 20 % des dépenses de santé liées au diabète. Il est dû pour une grande part au nombre et à la durée des hospitalisations estimées entre 14 et 45 jours.

Récemment, Van Houtum, aux Pays-Bas, a évalué ce coût à 10 531 livres sterling par patient pour une durée moyenne d’hospitalisation de 41,8 jours.

Plaie d’origine neuropathique :

A – PHYSIOPATHOLOGIE, DIAGNOSTIC :

La neuropathie sensitivomotrice est de loin la plus commune des complications chroniques du diabète et toucherait en moyenne 30 % des patients.

Son rôle dans l’apparition des lésions du pied est bien établi puisqu’elle est présente chez plus de 80 % des patients porteurs d’ulcères et rendue responsable de 60 à 80 % de ces lésions.

Les composantes sensitivomotrices et végétatives participent au développement de l’ulcère neuropathique, classiquement appelé « mal perforant plantaire ».

La perte de la sensibilité thermoalgique est responsable de lésions traumatiques indolores et du retard diagnostique par perte du signal d’alarme qu’est la douleur.

L’atteinte proprioceptive associée à l’atteinte motrice avec amyotrophie des muscles interosseux et le déséquilibre entre les muscles fléchisseurs et extenseurs entraînent des déformations du pied et la création de nouveaux points d’appui.

Ces zones d’hyperpression sont localisées préférentiellement au niveau plantaire (proéminence des têtes métatarsiennes, pulpe des orteils déformés en marteau) ou en regard des articulations interphalangiennes.

L’hyperpression localisée, accentuée par la perte de la mobilité articulaire, et le défaut de sudation secondaire à la neuropathie végétative vont favoriser l’apparition d’une hyperkératose réactionnelle ou callosité.

Cette dernière est responsable de microtraumatismes tissulaires (érosion, cisaillement) qui, associés à une ischémie tissulaire distale, favorisent la constitution progressive d’une ulcération.

L’ischémie tissulaire peut être en partie rattachée à l’ouverture des shunts artérioveineux et à la perte de la régulation posturale du flux capillaire, conséquences directes de l’atteinte végétative.

Ces anomalies microcirculatoires s’accompagnent de lésions histologiques à type d’épaississement de la paroi des capillaires par prolifération des cellules endothéliales responsables d’une occlusion de la lumière des vaisseaux.

Cliniquement, la plaie d’origine neuropathique, qui siège préférentiellement au niveau plantaire, est une ulcération indolore, atone, de couleur grisâtre, sans dépôt fibrineux ni nécrose et entourée d’un halo d’hyperkératose.

Son évolution naturelle se fait vers l’extension en profondeur avec apparition de pertuis et de caverne, puis vers une surinfection des tissus profonds (gaine tendineuse, os et articulation).

B – PIED DE CHARCOT :

Le pied de Charcot est la conséquence clinique ultime de la neuroarthropathie diabétique. Sa prévalence est estimée de manière très variable entre 0,1 % et 7,5 %.

Il est caractérisé par des déformations majeures avec une perte de l’architecture classique du pied, dont le développement se fait en deux phases.

La première, ou phase aiguë, est marquée par une destruction osseuse avec fractures spontanées et luxations du tarse et du métatarse.

La fragilité osseuse responsable de ces fractures est la conséquence de la neuropathie végétative ; le flux sanguin, accéléré par l’ouverture des shunts artérioveineux, stimulant l’activité ostéoclastique.

À la suite de stimuli mineurs mais répétés, le pied prend un aspect pseudo-inflammatoire et douloureux qui fait évoquer à tort le diagnostic d’ostéomyélite ou d’infection des tissus profonds.

La seconde phase est la phase de reconstruction et de consolidation des déformations (cals hypertrophiques).

Il existe le plus souvent un affaissement de la voûte plantaire et une rétraction des orteils.

Le pied prend un aspect cubique. La radiographie retrouve une structure osseuse anarchique avec perte des repères anatomiques.

Le pied de Charcot, à risque majeur d’ulcération, pose un problème de prise en charge difficile, d’autant que l’atteinte bilatérale est présente chez environ 10 % de ces patients.

Plaie ischémique :

A – PATHOGÉNIE :

Les altérations vasculaires liées au diabète siègent à différents niveaux de la macrocirculation artérielle, ainsi qu’au niveau microcirculatoire. Les complications vasculaires sont responsables d’une part importante de la mortalité des diabétiques.

La macroangiopathie est caractérisée par un athérome qui est plus fréquent chez le diabétique.

La présence d’une claudication artérielle est multipliée par quatre dans la population diabétique bien que la neuropathie réduise la symptomatologie.

Le risque d’ulcères vasculaires chez le diabétique est d’autant plus important que d’autres facteurs de risque sont souvent associés : tabac, hypertension artérielle (HTA), hypercholestérolémie.

Les artères le plus souvent concernées par les atteintes d’athérome chez le diabétique sont la fémorale profonde et les tibiales antérieures et postérieures.

La paroi artérielle est le siège d’une médiacalcose, responsable d’une diminution de la compliance artérielle et de la présence de calcifications.

La microangiopathie est caractérisée par un épaississement de la membrane basale capillaire aboutissant à l’occlusion.

Aucune étude n’a pu établir de relation entre microangiopathie et ulcération ou gangrène, bien qu’il existe une hypertension capillaire.

En présence d’un ulcère, l’artériopathie et la neuropathie sont souvent associées.

Bien que le lien entre la neuropathie et les complications macrovasculaires reste inexpliqué, il semble que la médiacalcose, l’épaississement de la paroi vasculaire ainsi que la dénervation sympathique facilitent la survenue des complications vasculaires.

Au plan hémorrhéologique, il existe une augmentation de la viscosité sanguine que l’on peut prendre en compte au plan thérapeutique.

B – DIAGNOSTIC ET DESCRIPTION DE LA PLAIE :

Les troubles trophiques ischémiques peuvent être représentés, soit par une gangrène sèche limitée, soit par une gangrène humide avec surinfection et diffusion vers les tendons, soit par une angiodermite nécrotique, évoluant vers une ulcération cutanée douloureuse.

La zone de nécrose est entourée d’érythème ; elle peut siéger au niveau du gros orteil, à la face interne du 1er métatarse, au bord externe du 5e orteil, au talon.

Le pied peut être chaud en raison de la neuropathie associée.

Les particularités de l’examen clinique artériel chez le diabétique sont les suivantes :

– si la claudication précède le trouble trophique ischémique, elle peut se manifester sous forme d’une métatarsalgie qui peut en imposer pour une affection rhumatismale. Sa prévalence chez le diabétique est comprise entre 0,2 % et 10,9 %.

Associée à une neuropathie, elle peut s’exprimer par un engourdissement, une sensation d’anesthésie, un besoin de stopper la marche, plutôt que par une douleur ;

– les pouls distaux sont absents chez 15 et 19 % des diabétiques, alors que le pouls pédieux n’est pas retrouvé dans 10 % des cas dans la population générale ;

–en raison d’une médiacalcose, détectée chez 15 à 34 % des sujets, la rigidité des artères rend la mesure de la pression artérielle à la cheville impossible ou donne des valeurs surestimées dans un tiers des cas.

Cette mesure n’est pas fiable dans 50 % des cas.

Cependant, l’indice systolique de pression artérielle de cheville est pathologique (£ 0,80) chez 9 à 12% d’une population de diabétiques, confirmant la forte prévalence de l’artériopathie malgré la surestimation de la pression artérielle.

La mesure de la pression à l’orteil et la mesure de l’indice 1er orteil/ cheville reflètent mieux la présence d’une artériopathie distale.

C – EXPLORATION DE L’ATTEINTE ARTÉRIELLE :

Les explorations sont envisagées en fonction de l’objectif à atteindre ; il s’agit en général de répondre à un problème de diagnostic ou de décision thérapeutique lorsque l’examen clinique n’y a pas réussi en totalité ou en partie.

Devant un tableau d’ischémie permanente, (douleur de décubitus de l’avant-pied ou, plus souvent troubles trophiques ischémiques des orteils), la mesure de la pression d’oxygène par voie transcutanée (TcPO2) est actuellement l’examen de choix ; les paramètres hémodynamiques sont effondrés à ce stade et ne sont plus discriminatifs.

Les valeurs habituellement citées sont : normale > 50 mmHg, sévère < 30 mmHg (avec discussion d’une revascularisation) ; dès qu’elle est < 10 mmHg, il s’agit d’une ischémie critique dont le pronostic est sévère à court terme.

S’il existe une infection, il convient de répéter la mesure après disparition de l’infection car les valeurs sont faussées.

Des tests de stimulation peuvent être utilisés tels que la verticalisation du membre inférieur.

La valeur prédictive de la TcPO2 quant au pronostic d’une ischémie permanente du pied chez le diabétique a été étudiée.

Lorsque la TcPO2 est ³ 30 mm Hg, le traitement médical, les soins locaux et si nécessaire une amputation mineure assurent de bons résultats dans plus de 80 % des cas.

Lorsque la valeur de la TcPO2 est < 30 mmHg, la revascularisation est discutée avec amélioration dans plus de 80 % des cas.

Le risque de survenue d’ulcères chez le diabétique défini par l’étude de la neuropathie et de la macroangiopathie est corrélé au test du monofilament d’une part, et à la TcPO2 < 30 mmHg d’autre part.

L’artériographie doit avoir pour but d’étudier les possibilités de revascularisation, en montrant les zones d’intérêt avec, en particulier, la fémorale profonde et la distalité jusqu’aux orteils.

Les particularités des lésions artérielles détectées à l’artériographie chez le diabétique sont :

– occlusions multisegmentaires ;

– atteinte de la collatéralité ;

– fémorale profonde fréquemment atteinte, multisténosée ;

– oblitération des artères de jambe, puis des artères du pied ; l’artère péronière est celle qui reste le plus longtemps perméable. En raison du risque rénal chez le diabétique, l’artériographie doit être précédée d’une réhydratation et d’une alcalinisation.

Il convient d’éviter une chirurgie vasculaire majeure immédiatement après l’artériographie.

La technique d’angiographie numérisée ou bien l’occlusion par ballonnet permet de diminuer la quantité d’iode injectée.

Chez les malades présentant une insuffisance rénale, l’angio-IRM et le doppler couleur devront trouver leur place. Lorsque l’opacification des artères du pied n’est pas convenable, l’audition d’un signal doppler au niveau d’une artère distale doit faire insister quant à l’obtention d’une meilleure image.

D – ÉTUDE DE LA MICROCIRCULATION :

Lors de la pratique clinique, les tests utilisés sont la mesure de la TcPO2 et la mesure du flux superficiel par débimétrie doppler laser. L’enregistrement simultané de ces deux paramètres a été pratiqué au niveau des pieds des diabétiques présentant des troubles neurotrophiques plantaires.

Après une ischémie provoquée, le débit superficiel augmente alors que la TcPO2 diminue ; ceci peut correspondre à une dérivation du débit nutritionnel vers les anastomoses artérioveineuses ; la neuropathie supprime la vasoconstriction des anastomoses et peut être responsable d’une hyperémie (microcirculatoire superficielle) avec hypoxie (par vol anastomotique).

Cette hypoxie réactionnelle à l’ischémie peut favoriser l’apparition de troubles trophiques.

Le réflexe d’adaptation vasculaire lors de la verticalisation des membres inférieurs est caractérisé par une diminution du flux superficiel et de la TcPO2 au niveau de l’avant-pied.

Il n’en est pas de même pour certains cas d’artériopathie ; il existe une augmentation de la TcPO2 (70 % des cas) et du flux superficiel (30 % des cas).

Dans le cas d’artériopathie survenant chez le diabétique, la TcPO2 n’est pas modifiée par la verticalisation (réponse myogénique locale) ; le flux superficiel ne varie pas ou peut augmenter, ce qui témoigne d’une disparition du réflexe veinoartériolaire lors de la verticalisation.

De fait, les explorations de la microcirculation des membres inférieurs chez le diabétique artériopathe doivent encore être considérées comme appartenant à la recherche clinique.

Infection :

L’infection est rarement un facteur causal dans l’apparition des lésions.

Elle joue en revanche un rôle aggravant, favorisé par la brèche cutanée et le déséquilibre glycémique qui provoque des altérations de la fonction leucocytaire et de l’immunité cellulaire.

Son caractère torpide puis rapidement extensif explique à la fois le caractère tardif du diagnostic et la gravité des lésions.

La surinfection est ainsi à l’origine de la plupart des hospitalisations.

Sur le plan bactériologique, la flore est souvent polymicrobienne où l’on retrouve de façon plus fréquente le staphylocoque doré, les bacilles à Gram négatif, et les germes anaérobies.

Le type de germe dépend de la profondeur de la plaie, de l’extension de la cellulite et son identification impose un prélèvement de qualité par curetage du fond de l’ulcère, la ponction à l’aiguille d’une collection purulente ou la biopsie osseuse qui reste le prélèvement de référence.

OSTÉITE :

Si le diagnostic d’une ostéite est primordial pour la prise en charge ultérieure de la plaie, il reste encore difficile.

Il est communément posé sur la découverte d’un contact osseux à l’examen clinique en raison des limites de la radiographie standard.

Si certains examens isotopiques spécialisés ont une bonne sensibilité dans le dépistage de l’ostéomyélite, l’imagerie par résonance magnétique (IRM) nucléaire semble être un progrès dans le diagnostic topographique et l’extension de l’infection.

Axes thérapeutiques :

A – TRAITEMENT LOCAL :

Les soins locaux doivent suivre les étapes physiologiques de la cicatrisation (détersion, bourgeonnement, épidermisation).

Lors de la phase initiale de détersion, le débridement joue un rôle essentiel.

Il consiste à réaliser un parage de la plaie, en éliminant l’hyperkératose et les tissus remaniés, à drainer les collections liquidiennes et les pertuis.

En général réalisable au lit du malade ou en consultation, il peut être chirurgical si l’atteinte tissulaire est trop extensive.

Les étapes ultérieures visent à maintenir les plaies propres et humides par l’utilisation d’antiseptiques incolores ou de sérum physiologique privilégié par certaines équipes devant le risque cytotoxique des antiseptiques.

Dans tous les cas, une hygiène parfaite s’impose, rendant indispensable la participation active du patient et le plus souvent l’aide d’une infirmière.

La protection de la plaie fait appel à des compresses absorbantes non adhérentes ou aux pansements gras.

Les pansements adhésifs sont proscrits en cas d’ischémie, devant l’extrême fragilité cutanée et le risque de lésions iatrogènes, pour privilégier les bandes extensibles.

La surveillance rapprochée de la plaie impose un changement de pansement quotidien.

B – ANTIBIOTHÉRAPIE :

L’atteinte polymicrobienne impose une antibiothérapie à large spectre couvrant les anaérobies.

Puis son adaptation tient compte du type de germe identifié, de l’antibiogramme, de la sévérité de l’infection et du grade de la plaie.

Les antibiotiques néphrotoxiques doivent être évités en raison du risque rénal.

Les schémas les plus courants associent, en fonction de la sévérité de l’infection, l’amoxicilline

– acide clavulanique, les fluoroquinolones et la clindamycine. La durée du traitement ne doit pas être inférieure à 10 jours pour atteindre plusieurs mois en cas d’ostéite.

Dans cette situation, aucun consensus n’est établi et la décision d’arrêt ou de poursuite du traitement peut être orientée par les paramètres cliniques (aspect et évolution de la plaie, signes inflammatoires locaux et régionaux), les paramètres biologiques (C reactive protein, CRP), vitesse de sédimentation, (VS) et radiologiques. Face au coût élevé des explorations (scintigraphie, IRM), certains auteurs préconisent d’emblée un protocole thérapeutique comprenant une antibiothérapie adaptée au germe pendant 10 semaines, associée à un débridement chirurgical préalable.

C – PLACE DE LA CHIRURGIE CONSERVATRICE :

Autrefois limité aux gestes de débridement large et d’amputation, le rôle de la chirurgie conservatrice est croissant.

Outre les gestes de revascularisation artérielle, les principaux progrès ont eu lieu dans la lutte contre l’infection (débridement) et dans le traitement de l’ostéite et de l’ostéoarthrite pour devenir une alternative aux amputations classiques.

Les gestes réalisés doivent limiter les déformations, conserver au maximum l’anatomie interne ou externe du pied et réduire les récidives lésionnelles.

En prévention primaire, la chirurgie permet de supprimer les déformations à risque (orteils en griffe, hallux valgus, protrusion des têtes métatarsiennes).

Ce type de chirurgie n’a pas lieu d’être réalisé en urgence à l’exception de la gangrène gazeuse.

L’anesthésie locale ou locorégionale limite les complications et réduit la mortalité périopératoire.

D – APPAREILLAGE :

L’appareillage a pour objectifs la protection de la plaie et la suppression des appuis pathologiques tout en autorisant une prise en charge en ambulatoire des patients.

Les chaussures de décharge limitées au talon ou à l’avant-pied sont assez largement utilisées à la phase initiale, relayées par des orthèses plantaires.

La principale limite d’utilisation est liée à la mauvaise compliance des patients ; ainsi, dans une étude anglaise récente, seuls 20 % des patients appareillés portaient régulièrement leurs chaussures.

Si le plâtre de décharge est très efficace, il impose une bonne maîtrise dans sa réalisation et une surveillance stricte, car il peut être source de lésions iatrogènes.

Dans tous les cas, la collaboration active du patient est indispensable pour une efficacité optimale de l’appareillage.

E – SUBSTITUTS DE GREFFE :

Basés sur l’utilisation de facteurs de croissance ou de culture cellulaire (fibroblastes), ces substituts de greffe stimulent la cicatrisation par une action purement locale.

Certains de ces produits ont fait la preuve de leur efficacité sur la capacité et la vitesse de cicatrisation et permettent de réduire le nombre des amputations et le taux de récidives.

F – CONTRÔLE MÉTABOLIQUE :

L’obtention d’un contrôle strict de la glycémie a pour but d’améliorer les défenses immunitaires.

Il impose une intensification du traitement et de la prise en charge diabétologiques (insulinothérapie transitoire, pompe à insuline, autosurveillance glycémique).

G – PRISE EN CHARGE THÉRAPEUTIQUE SPÉCIFIQUE DE L’ARTÉRIOPATHIE :

1- Notions générales :

L’amputation est la hantise du diabétique et de son médecin. Parmi les diabétiques amputés, 30 à 50 % d’entre eux développent un trouble trophique controlatéral durant les années qui suivent.

Il faut envisager de réduire les amputations majeures de 50 %.

Parmi les diabétiques présentant une gangrène, 40 % d’entre eux conservent un pouls poplité palpable ; malgré la présence d’une artériopathie distale, les artères du pied peuvent être fonctionnelles.

Les lésions microcirculatoires sont actuellement considérées comme étant consécutives à la macroangiopathie et doivent encourager à revasculariser ; jusqu’aux années 1980, la présence d’une atteinte microcirculatoire distale réfutait une proposition de revascularisation.

La forte prévalence et la gravité de l’atteinte coronarienne chez le diabétique justifient un bilan cardiologique avant toute chirurgie vasculaire.

2- Moyens thérapeutiques :

* Techniques de revascularisation :

– Dans le cas de lésions aorto-iliaques.

Ces lésions sont davantage observées chez le diabétique tabagique.

Elles doivent être corrigées avant qu’un geste éventuel ne soit pratiqué en aval.

L’angioplastie transluminale par ballonnet est envisagée en premier, même si les calcifications rendent ce geste plus délicat.

Le pontage ou l’endartériectomie sont discutés secondairement.

– Dans le cas de lésions fémorales, poplitées, distales.

Le pontage par veine saphène, sinon par prothèse, est envisagé dans le cas d’ulcères ischémiques.

Le traitement de la nécrose est effectué ensuite sauf en cas de surinfection, dans ce cas, le débridement de la plaie doit précéder le pontage, en associant une antibiothérapie.

– Résultats des pontages distaux.

Ils sont anastomosés au niveau de l’artère pédieuse ou à la distalité de la tibiale postérieure dans plus de 25 % des cas.

Une étude portant sur 150 pontages de la pédieuse avec un suivi moyen de 18 mois retrouve un taux de survie de 79 %, un sauvetage du membre de 92 % et une perméabilité du pontage de 87 %.

La mortalité à 30 jours est de 2,6 % grâce à une prise en charge multidisciplinaire.

Les résultats sont moins favorables chez le sujet jeune.

Des lambeaux musculaires d’assistance vasculaire peuvent être mis en place dans le cas d’atteinte artérielle isolée du pied.

* Amputation :

L’ischémie isolée n’est responsable que de moins de 5 % des amputations.

Le risque d’amputation est plus important chez l’insuffisant rénal hémodialysé.

Dans tous les cas, si cela est possible, une amputation fonctionnelle doit être préférée, permettant de conserver un appui talonnier.

L’amputation transarticulaire permet de réduire le risque d’ostéite par rapport à l’amputation transosseuse.

Les amputations majeures sont associées à un taux de survie de 50 % à 1 an chez le diabétique.

* Sympathectomie :

Elle ne repose sur aucune logique chez le diabétique du fait de l’existence d’une atteinte du système nerveux autonome et oblige à être très critique quant à l’intérêt de la sympathectomie chez le diabétique artériopathe.

* Oxygénation hyperbare :

L’oxygène hyperbare est un appoint au traitement médical et chirurgical avec des effets bénéfiques dans des cas sélectionnés.

L’action se manifeste au niveau de la prolifération des fibroblastes, de la stimulation de l’angiogenèse, du dépôt de collagène, de la diminution des globules blancs, de l’épithélialisation, favorisant ainsi la cicatrisation. La pression d’oxygène idéale pour bien cicatriser n’est pas déterminée.

Cependant, la TcPO2 ³ 40 mmHg est la plus généralement utilisée et la cartographie de la TcPO2 reste la meilleure méthode d’évaluation de l’hypoxie tissulaire et de ses possibilités de correction par l’oxygénothérapie hyperbare.

L’oxygénothérapie hyperbare n’est qu’une thérapie intermittente et ne représente qu’une partie du traitement.

Il convient encore de mieux préciser les critères de sélection des patients, les protocoles thérapeutiques, le bénéfice thérapeutique réel.

* Autres procédés :

Les traitements vasoactifs indiqués pour la claudication artérielle intermittente n’ont pas démontré d’efficacité dans le cas de troubles trophiques ischémiques.

La stimulation médullaire peut être envisagée dans le cas de troubles trophiques ischémiques algiques, à la condition qu’ils ne soient pas surinfectés.

3- Conduite à tenir :

La conduite à tenir devant une lésion ischémique est ainsi orientée en fonction de l’état clinique (ischémie et infection) et de la TcPO2.

– TcPO2 avant-pied ³ 30 mmHg avec ou sans présence des pouls distaux :

– soins locaux en ambulatoire ;

– parage de la plaie ou ;

– amputation mineure du pied (amputation en aval de l’articulation de la cheville, au niveau du pied).

– TcPO2 avant-pied < 30 mm Hg ou traitement conservateur, sans résultat depuis 4 à 6 semaines :

– artériographie ;

– discussion de revascularisation.

– TcPO2 < 30 mmHg avec oedème ou cellulite du pied : renouveler le test TcPO2 après régression de ce tableau clinique avant de pratiquer une artériographie.

– Si gangrène calcanéenne ou ulcère non cicatrisé :

– exiger un seuil de TcPO2 à 40 mm Hg ;

– ou bien TcPO2 sélective de l’avant-pied et de la partie postérieure ;

– artériographie après 4 à 6 semaines d’échec du traitement conservateur

H – STRATÉGIE DE PRISE EN CHARGE :

La prise en charge impose un bilan initial pour définir le type de lésions, évaluer le pronostic de cicatrisation et orienter l’attitude thérapeutique.

Il s’appuie sur l’analyse clinique et paraclinique pour obtenir un diagnostic de gravité sur la base de la classification de Wagner qui est la plus communément utilisée.

Ce bilan doit rapidement évaluer l’état vasculaire et le degré d’ischémie et rechercher une infection profonde, en particulier une ostéite.

Il intègre une évaluation du diabète (contrôle métabolique et retentissement).

Le grade de la plaie, le niveau d’ischémie, l’infection sont les principaux paramètres qui entrent dans l’arbre décisionnel pour définir les choix et l’ordre chronologique des axes thérapeutiques et la nécessité d’une hospitalisation (revascularisation, chirurgie conservatrice ou traitement médical).

I – ORGANISATION DE LA PRISE EN CHARGE DES PLAIES :

Cette organisation, basée sur la mise en place de structures spécialisées multidisciplinaires, permet par une harmonisation et une coordination des soins, d’obtenir une réduction de l’incidence des amputations lourdes.

Ces structures font appel à des compétences multiples et complémentaires, représentées par des médecins (diabétologues, angiologues, radiologues), des chirurgiens (vasculaires, orthopédistes, plasticiens), des infirmières, des pédicures podologues et des podo-orthésistes.

La collaboration étroite avec les médecins traitants et les infirmières libérales conditionne la qualité du suivi ambulatoire et la prise en charge précoce des lésions qui doivent toujours être considérées comme une urgence médicale.

Cette organisation permet de réduire le nombre, la durée et le coût des hospitalisations.

Prévention :

Étape essentielle dans la réduction du nombre des amputations, la prévention est axée sur le dépistage des patients à risque lésionnel et leur formation aux mesures de prévention et d’hygiène.

Les patients à haut risque sont définis par la présence :

– d’antécédents d’ulcérations ou de chirurgie du pied ;

– d’une neuropathie authentifiée en dehors des signes habituels par le monofilament pour la sensibilité tactile et le diapason gradué ou le biothésomètre pour la sensibilité vibratoire ;

– d’une artériopathie des membres inférieurs ;

– de déformations qu’elles soient constitutionnelles ou acquises, dépistées lors d’un examen podologique.

Les autres facteurs de risque sont l’existence d’une microangiopathie, l’âge avancé, l’ancienneté et l’équilibre du diabète, une hygiène insuffisante et une absence d’implication du patient vis-à-vis de sa maladie.

Chez les patients à haut risque, le dépistage des ulcérations passe par un examen systématique des pieds lors de chaque consultation par le médecin ou quotidiennement par le malade et son entourage.

Il sera suivi de la mise en place de mesures préventives individuelles adaptées à chaque patient (soins de pédicurie, appareillage…).

À ce niveau, l’éducation et surtout la formation du patient sont primordiales grâce à l’acquisition de gestes ou d’attitudes de protection des pieds et à la reconnaissance de situations à risque (chaussures neuves, soins de pédicurie,…).

Le suivi régulier et le renforcement de l’éducation des patients incombent en grande partie aux structures spécialisées, mais aussi à l’ensemble des professionnels de santé intervenant dans le cadre du suivi.

Conclusion :

La gravité du pied diabétique est liée à la fréquence des amputations et des conséquences qui en découlent (hospitalisations prolongées, handicap).

L’organisation des soins basée sur une approche multidisciplinaire au sein de centres spécialisés a fait la preuve de son efficacité.

Le dépistage précoce des lésions et leur prise en charge en urgence permettent une amélioration du pronostic.

Mais ce résultat implique une sensibilisation des patients et des professionnels de santé à la notion de risque lésionnel, qui impose des mesures de prévention spécifiques et un programme de suivi à long terme.

La formation du patient et l’examen systématique des pieds permettent de répondre à cet objectif.

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