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Ophtalmologie
Physiologie des vaisseaux rétiniens
Cours d'Ophtalmologie
 
 
 

Introduction :

Le réseau vasculaire rétinien dans son ensemble peut être considéré comme faisant partie de la microcirculation, définie par l’ensemble des vaisseaux de diamètre inférieur à 150 µm.

Cependant, la vascularisation oculaire possède des caractéristiques telles qu’il est difficile d’y extrapoler les notions fondamentales établies pour la microcirculation en général.

En effet, le globe oculaire est fait de la juxtaposition de nombreux tissus à la vascularisation très différente, parfois absente (la cornée, le cristallin, le vitré), ou au contraire surdimensionnée par rapport aux besoins tissulaires propres comme la choroïde et les procès ciliaires.

En ce qui concerne la rétine, la plus grande partie de son oxygène est fournie par un réseau vasculaire qui lui est extérieur, la choroïde.

De plus, l’absence de lymphatique et la quasi-absence d’espace extracellulaire font que la pression hydrostatique, facteur essentiel des transferts liquidiens, n’a que peu de rôles à jouer en situation physiologique.

La perméabilité capillaire vis-à-vis des macromolécules est quasi nulle en raison de la présence d’une barrière hématotissulaire stricte, la barrière hématorétinienne (BHR) interne.

Le phénomène de recrutement capillaire, par lequel un tissu comme le muscle peut augmenter considérablement sa surface d’échange pour répondre à la demande métabolique, ne semble pas exister dans la rétine, dont tous les capillaires restent perméables en permanence.

Enfin, la notion de tonus adrénergique est ici sans objet en raison de l’absence d’innervation.

Toutes ces caractéristiques font que le réseau vasculaire rétinien ne peut se comparer qu’à la vascularisation cérébrale, dont sont d’ailleurs tirées certaines des notions détaillées ici.

Anatomie vasculaire rétinienne :

A - Artères, artérioles :

À la sortie de la papille, les quatre artères rétiniennes ont un diamètre de 125 µmen moyenne, et s’étendent chacune dans un quadrant de la rétine.

Les artères se subdivisent en artérioles de diamètre de plus en plus petit, irriguant chacune un territoire rétinien bien défini.

Le réseau vasculaire rétinien est de type terminal, c’est-à-dire qu’il n’y a pas d’anastomose entre le territoire vasculaire rétinien et le territoire vasculaire d’un autre tissu.

Les artères croisent fréquemment les veines, au-dessus ou au-dessous d’elles, mais en règle générale une artériole ne croise pas une autre artériole (de même pour les veines).

Une artériole peut se diviser en deux artérioles de diamètre équivalent ; il s’agit le plus souvent de divisions à angle aigu.

Dans d’autres cas l’une des branches de division présente un diamètre inférieur à l’autre, le plus souvent dans les bifurcations perpendiculaires.

Il peut alors se produire un phénomène dit d’« écrémage » plasmatique.

En effet, le plasma, situé préférentiellement au contact de la paroi vasculaire, va se diriger dans les petites artérioles, au contraire des globules rouges qui sont eux situés au centre de la lumière vasculaire.

Il va donc se produire au fur et à mesure de la progression de la colonne sanguine une déviation préférentielle du plasma dans les plus petits vaisseaux.

L’importance en pathologie de ce phénomène dit d’« écrémage » plasmatique dans la circulation rétinienne est mal connue.

B - Capillaires rétiniens :

Ils forment un réseau richement anastomosé, s’étendant comme les mailles d’un filet dans le plan de la rétine interne avant de se drainer dans les veinules postcapillaires.

Il existe, dans la plus grande partie de la rétine, deux réseaux superposés de capillaires, l’un dans la couche plexiforme interne et l’autre plus profond dans la couche plexiforme externe.

Ces deux réseaux sont reliés entre eux par des capillaires communicants perpendiculaires aux réseaux capillaires.

Le nombre des réseaux capillaires varie avec l’épaisseur rétinienne, passant d’un seul réseau dans la périphérie rétinienne à trois ou quatre au niveau de la macula.

Il n’y a qu’un réseau capillaire au niveau de la maille capillaire périfovéolaire.

Il existe des connexions par les capillaires entre les territoires irrigués par les différentes artérioles mais elles ne suffisent pas à compenser complètement une interruption du débit sanguin dans un territoire donné.

Les capillaires sont absents dans trois régions : la fovea (zone avasculaire centrale, mesurant entre 400 et 500 µm de diamètre), l’extrême périphérie rétinienne et à proximité immédiate des artérioles.

En effet, les artérioles sont en quelque sorte entourées d’un « espace libre » de capillaires, qui permet d’ailleurs d’identifier les artérioles sur les clichés angiographiques. Le diamètre des capillaires rétiniens est compris entre 5 et 7 µm.

Cependant, les connaissances sur les capillaires rétiniens sont fragmentaires : en particulier, il n’y a pas eu d’étude systématique de la variabilité de leur diamètre et la surface totale d’échange capillaire n’est pas connue.

Les caractères morphométriques des capillaires périmaculaires sont mieux connus grâce à des travaux effectués avec le scanning laser ophthalmoscope (SLO).

Arend et al ont pu mesurer dans la région maculaire la surface intercapillaire moyenne (3 965 ± 5 µm2) et la taille de la zone avasculaire centrale (moyenne 0,221 ± 0,07 mm2).

Ces mesures ne sont possibles que dans la zone périfovéolaire, et la présence dans le reste de la rétine de plusieurs réseaux capillaires étagés imposerait le recours à des mesures en trois dimensions qui n’ont pas encore été effectuées.

D’autres particularités anatomiques des capillaires rétiniens sont constituées par la présence de péricytes et de cellules gliales de voisinage.

Les péricytes sont des cellules logées dans un dédoublement de la membrane basale du capillaire.

Leur nombre est équivalent à celui des cellules endothéliales capillaires rétiniennes.

Par le biais de leurs expansions cytoplasmiques, ils couvrent environ 60 % de la surface externe des capillaires.

Ces expansions péricytaires sont parfois directement au contact des cellules endothéliales à travers des fenestrations dans la membrane basale.

Le cytoplasme des péricytes présente de nombreux filaments contractiles.

Leur rôle est incertain ; ils ne semblent pas directement participer à la BHR.

La présence de filaments contractiles et leur capacité à se dilater sous l’influence de l’oxyde nitrique (NO) ont fait suggérer que ces cellules ont un rôle de régulation du diamètre capillaire.

Cependant, cette idée va à l’encontre d’une notion bien établie en physiologie microcirculatoire : l’absence de régulation active du diamètre capillaire.

Les capillaires rétiniens sont également entourés de cellules gliales (astrocytes dans les couches des fibres optiques et cellules de Müller dans les couches rétiniennes plus profondes).

Les expansions gliales entourent complètement les capillaires rétiniens et, dans l’ensemble de la rétine, il n’y a aucun contact physique direct entre capillaires et cellules neurosensorielles.

Un autre réseau capillaire péripapillaire radiaire existe aussi le long des arcades vasculaires temporales dans la couche des fibres optiques.

Il est formé de longs capillaires disposés parallèlement les uns aux autres.

La congruence entre les déficits de type Bjerrum et la localisation anatomique de ces capillaires a fait supposer que l’occlusion de ces capillaires pouvait jouer un rôle dans les déficits du champ visuel liés au glaucome.

Chez 20 % des sujets, une artère ciliorétinienne provenant de la circulation ciliaire irrigue une partie plus ou moins étendue de la rétine.

Le sang de cette artère ciliorétinienne est cependant drainé par le réseau veineux rétinien ; il n’y a pas de veine ciliorétinienne à l’état physiologique.

Cette artère ciliorétinienne, bien qu’issue du réseau ciliaire, présente la même BHR que les autres vaisseaux rétiniens.

Il n’y a ni innervation ni vaisseaux lymphatiques dans la rétine.

Barrière hématorétinienne interne :

La BHR comprend deux éléments : d’une part la BHR interne située entre les capillaires rétiniens et la rétine neurosensorielle, et d’autre part la BHR externe, au niveau de l’épithélium pigmentaire entre la choriocapillaire et les photorécepteurs.

Seule la BHR interne sera étudiée ici.

A - Histophysiologie de la BHR interne :

La fonction de la BHR interne repose en partie sur les particularités structurelles des capillaires rétiniens.

Ceux-ci sont formés de cellules endothéliales jointives sans fenestration, dont les points de contact forment une jonction dite jonction étanche (zonula occludens, tight junction).

À leur niveau, la microscopie électronique montre que les membranes cellulaires semblent fusionner, ne permettant pas le passage de molécules entre les cellules.

Ces jonctions étanches sont tellement efficaces qu’elles empêchent le passage de molécules aussi petites que le sodium. Parmi les protéines formant ces jonctions serrées, on a identifié les cadhérines et l’occludine.

La structure protéique exacte de ces jonctions est cependant mal connue.

On sait qu’il ne s’agit pas d’une structure fixée mais qu’elle peut au contraire s’ouvrir et se refermer, se déplacer dans la paroi cellulaire sous l’influence de stimuli encore mal connus.

Les jonctions étanches ne sont pas particulières au capillaire rétinien ; elles existent dans de nombreux autres systèmes cellulaires, tous caractérisés par une compartimentation stricte entre différents secteurs.

C’est le cas par exemple des capillaires cérébraux (barrière hématoencéphalique) ou des cellules de Sertoli du testicule.

Une autre caractéristique essentielle des cellules endothéliales rétiniennes tient à la relative rareté de vésicules de transport dans leur cytoplasme.

Ces deux particularités, présence des jonctions étanches et rareté des vésicules cytoplasmiques, sont peut-être les principaux éléments expliquant l’existence de la BHR.

B - Ontogenèse de la BHR :

La BHR est une différenciation histologique induite par un stimulus extérieur à la cellule endothéliale.

Cette hypothèse s’appuie sur plusieurs constatations expérimentales et cliniques.

Expérimentalement, l’injection d’astrocytes dans la chambre antérieure de l’oeil induit une prolifération vasculaire à partir du stroma irien, dont les cellules endothéliales possèdent des jonctions occlusives tout à fait similaires à celles observées dans la rétine.

Si un animal est soumis à une hypoxie dans la période néonatale, comme dans le modèle expérimental de la rétinopathie de la prématurité, les astrocytes rétiniens sont électivements lésés et disparaissent.

Dans la phase de prolifération néovasculaire qui suit, les néovaisseaux sont initialement dépourvus de contact avec les cellules gliales et laissent diffuser la fluorescéine.

À une phase ultérieure, les astrocytes recolonisent les néovaisseaux et une BHR réapparaît.

Les néovaisseaux prérétiniens et prépapillaires observés au cours de certaines maladies vasculaires occlusives rétiniennes ne possèdent pas de BHR, ce qui se traduit angiographiquement par une importante diffusion de fluorescéine dans le vitré.

Cela peut être rapproché de l’absence de cellules gliales au contact de ces cellules endothéliales néovasculaires.

Lors de l’évolution des néovaisseaux, ceux-ci peuvent acquérir une structure plus élaborée, à tel point que certains néovaisseaux, après quelques mois d’évolution, ne laissent plus diffuser la fluorescéine. Un manchon glial autour de ces néovaisseaux est parfois visible et pourrait être à l’origine de l’induction d’une BHR.

Enfin, un facteur diffusible produit par les cellules gliales semble suffisant pour induire l’apparition d’une BHR, sans contact direct de cellule à cellule, comme le suggèrent certains résultats expérimentaux.

C - Marqueurs spécifiques de la BHR :

Des marqueurs spécifiques de la BHR et de la barrière hématoencéphalique ont été mis en évidence.

Le glucose traverse l’endothélium capillaire rétinien grâce à des transporteurs spécifiques.

Le transporteur du glucose GLUT-1 est présent à la surface endothéliale des vaisseaux présentant une barrière hématotissulaire.

Lors du diabète, la concentration du GLUT-1 dans les cellules endothéliales rétiniennes augmente considérablement mais diminue dans les cellules endothéliales cérébrales, cela pouvant expliquer les effets différents de l’hyperglycémie sur ces deux organes.

La protéine ZO-1 (zonula occludens 1) est spécifique des jonctions serrées.

In vitro, il a été montré qu’un milieu conditionné à partir de cellules astrocytaires pouvait augmenter la synthèse de ZO-1 par des cellules endothéliales rétiniennes.

Cela a fait suggérer que les astrocytes sécrètent un facteur diffusible inducteur de la formation de jonctions serrées.

La nature de ce facteur inducteur est inconnue. Cette molécule inductrice pourrait avoir un intérêt thérapeutique pour restaurer laBHRchez les patients atteints d’oedème maculaire.

D - Lésion de la BHR : mécanismes et conséquences

La rupture de la BHR entraîne le passage anormal de constituants plasmatiques dans la rétine ainsi que dans le vitré, et représente une cause majeure de malvoyance par oedème maculaire chronique.

Cette rupture peut s’observer lors du diabète, après chirurgie de la cataracte, dans les inflammations ou dans les suites des occlusions veineuses rétiniennes.

Sur des coupes histologiques, différentes méthodes de détection de la rupture de la BHR peuvent être pratiquées, qui mettent en évidence des degrés différents de rupture selon la taille des molécules recherchées.

Parmi les marqueurs histologiques de la rupture de la BHR, il est possible d’employer (par ordre croissant de taille moléculaire) : le lanthane (diamètre 0,114 nm), la fluorescéine (0,55 nm), le 14C sucrose (1,04 nm), la microperoxidase (2 nm), la peroxydase du raifort (5 nm), l’albumine (7,4 nm), le bleu Evans (7,8 nm) et le fibrinogène.

La présence de ces marqueurs dans la rétine, dont ils sont normalement absents, permet d’apprécier l’existence, chez l’animal de laboratoire, d’une rupture de la BHR.

En clinique humaine, la rupture de la BHR peut être objectivée par la détection dans le vitré ou la rétine d’un marqueur injecté dans la circulation générale.

Le marqueur de loin le plus utilisé est le fluorescéinate de sodium, dont la diffusion hors des vaisseaux rétiniens, ou à travers l’épithélium pigmentaire, est appréciée soit qualitativement par l’angiographie, soit quantitativement par la fluorophotométrie du vitré. Plus récemment, l’imagerie par résonance magnétique a été proposée, ce dernier examen faisant appel à la mesure du signal intravitréen après injection de gadolinium-DTPA.

Cet examen aurait l’avantage, au moins théorique, de permettre une mesure objective et reproductible de la rupture de la BHR indépendante de la transparence des milieux.

Les modèles animaux de rupture de la BHR ne permettent pas de reproduire de manière satisfaisante la pathologie rencontrée chez l’homme.

Lors du diabète expérimental induit par un régime riche en galactose, l’examen immunohistochimique de la rétine peut permettre d’y retrouver des molécules d’albumine, cette dernière révélant le passage de plasma.

Ce passage reste cependant peu important, visible seulement à l’analyse microscopique, et il n’a jamais pu être créé un modèle expérimental présentant des diffusions angiographiques similaires à celles rencontrées en clinique humaine.

Quelle que soit leur origine, le ou les mécanismes de la rupture de la BHR sont mal connus.

Le passage des constituants plasmatiques peut se faire soit entre les cellules endothéliales, ce qui suppose l’ouverture des jonctions serrées, soit à travers la cellule endothéliale elle-même, ce qui suppose une perméabilité accrue de la membrane plasmique ou une augmentation du transport vésiculaire.

Il ne semble pas y avoir chez l’animal diabétique d’altération des jonctions serrées.

Il a été observé, chez le rat diabétique, que de l’albumine plasmatique passait à la fois dans le cytoplasme de la cellule endothéliale et dans des microvésicules.

De plus, il a été observé que les inhibiteurs de l’aldose-réductase semblaient diminuer le transport vésiculaire de l’albumine, mais pas le passage transcytoplasmique extravésiculaire.

Lors d’une rupture de la BHR, en plus d’un passage passif des molécules à travers la membrane cellulaire, il pourrait donc exister des diffusions sélectives (faisant appel à des récepteurs spécifiques ?).

Il n’a pas été démontré que la perte des péricytes ou l’épaississement de la membrane basale, lésions précoces au cours de la rétinopathie diabétique, participent à la rupture de la BHR.

La prostaglandine E1 et les agonistes de l’adénosine, injectés dans le vitré, peuvent induire une rupture de la BHR par l’ouverture des jonctions serrées.

Le VEGF (vascular endothelial growth factor) possède également la propriété de rompre la BHR en ouvrant les jonctions serrées, probablement par le biais d’une déphosphorylation de ses protéines constitutives.

OEdème maculaire :

Dans certains cas d’oedème maculaire, la photocoagulation périmaculaire, soit focale sur les microanévrysmes, soit en quinconce (grid), peut permettre de diminuer les diffusions de fluorescéine dans la rétine.

Le mécanisme d’action du laser reste incertain : il pourrait s’agir de l’occlusion directe des capillaires anormaux responsables des diffusions, d’une stimulation de la réabsorption par l’épithélium pigmentaire ou de la restauration d’une BHR interne suite à la stimulation des cellules gliales.

Le laser ne semble pas présenter d’efficacité dans les oedèmes maculaires liés à une rupture de la BHR externe.

Pour ces patients, l’acétazolamide à doses modérées peut avoir une efficacité parfois spectaculaire, comme lors du syndrome d’Irvine-Gass ou dans les uvéites postérieures.

Le mécanisme d’action de l’acétazolamide dans l’oedème maculaire n’a pas non plus été élucidé. Une étude pilote a suggéré que les antihistaminiques pouvaient diminuer l’oedème maculaire.

Oxygénation de la rétine :

L’oxygène consommé par la rétine a la particularité d’avoir une double origine : les réseaux vasculaires de la rétine et ceux de la choroïde.

La circulation rétinienne en fournit environ 40 %.

L’oxygène diffuse librement à travers les membranes cellulaires, n’étant pas freiné par la BHR.

D’après plusieurs études animales, le taux d’extraction de l’oxygène, mesuré par la différence de pression partielle d’oxygène entre le sang artériel et le sang veineux, est de 37 % environ, nettement supérieur à celui de la choroïde qui est de l’ordre de 5 %.

Il est possible d’étudier le gradient artérioveineux de concentration en oxygène chez l’homme en étudiant les différences de coloration entre les artères et les veines.

Il existe un gradient de concentration en oxygène dans l’épaisseur de la rétine.

Expérimentalement, il a pu être montré, en utilisant des microsondes sensibles à l’oxygène introduites dans la rétine, que la frontière entre les réseaux rétiniens et choroïdiens se situe au niveau de la couche nucléaire interne.

Cette zone frontière joue un rôle important dans certaines pathologies vasculaires rétiniennes.

En effet, l’apport métabolique des cellules de cette zone de jonction est probablement sous la double dépendance de la vascularisation rétinienne et de la vascularisation choroïdienne.

Ces cellules peuvent donc continuer à recevoir de l’oxygène venant de la choroïde en cas d’interruption de l’apport rétinien, tout en étant cependant en état d’hypoxie.

Ce sont ces cellules hypoxiques qui vont probablement synthétiser le ou les facteurs angiogéniques responsables de la néovascularisation.

Les artérioles rétiniennes sont également sensibles à la PaCO2.

Le flux sanguin rétinien augmente de 3 % pour une hausse de la PaCO2 de 1 mmHg.

Débit sanguin rétinien et autorégulation :

A - Méthodes d’examen :

Expérimentalement, les principales méthodes utilisables sont l’injection de microsphères et de particules marquées.

La première technique consiste à injecter des microsphères dans la circulation générale et à sacrifier l’animal immédiatement après.

Le débit sanguin régional se déduit ensuite de la mesure de la quantité de microsphères présentes dans le tissu considéré.

Il est également possible d’injecter des particules marquées (liposomes, globules blancs ou rouges) qui sont visualisées in vivo au SLO et d’en déduire le débit sanguin local à partir de la mesure de la vélocité des particules et du diamètre vasculaire.

Plus récemment, une méthode basée sur un endoscope utilisant un gradient d’indice de réfraction (GRIN : gradient index of refraction) a permis, grâce à une incision sclérale de petit diamètre, de voir circuler les globules rouges dans la rétine du chat.

Cette méthode est cependant invasive et les mesures recueillies peuvent êtres faussées par le traumatisme opératoire.

Applications cliniques :

En clinique humaine, le doppler monodirectionnel (échodoppler ou laser doppler) permet une estimation de la vélocité sanguine dans certains vaisseaux oculaires (artère ophtalmique, artère centrale de la rétine, artères ciliaires, le débit veineux étant plus difficile à analyser en raison de sa moins grande vélocité), avec cependant une faible reproductibilité, dépendant en grande partie de l’expérience de l’examinateur.

La mesure de la vélocité des globules rouges dans les gros vaisseaux à leur sortie de la papille est possible par vélocimétrie laser doppler bidirectionnelle.

En effet, un faisceau unique ne peut pas recueillir de signal doppler si le vaisseau est perpendiculaire à ce faisceau, ce qui est le cas des vaisseaux rétiniens.

Afin de pouvoir obtenir un signal à partir d’un réseau vasculaire situé dans un plan perpendiculaire à l’axe optique, il est nécessaire d’utiliser deux capteurs légèrement divergents. Par cette méthode, le débit sanguin rétinien humain normal a été évalué à 14,7 ± 2,6 µL/min.

Cependant, cet appareillage est pour le moment de diffusion limitée.

D’autres méthodes permettent une estimation de la vélocité des cellules sanguines dans les capillaires périfovéolaires : il s’agit de l’entoscopie en lumière bleue et du SLO.

L’entoptoscopie est fondée sur la visualisation, par le sujet lui-même, de particules mobiles en regardant un écran de couleur bleu ciel.

Ce phénomène peut d’ailleurs être reproduit en regardant un ciel bien dégagé en fermant un oeil.

En demandant au sujet de comparer le déplacement qu’il perçoit à celui généré par un ordinateur, il est possible d’analyser la circulation dans la maille péricapillaire.

La nature des particules visibles est discutée ; pour certains, il s’agirait des globules blancs eux-mêmes, mais il pourrait s’agir des espaces plasmatiques entre les colonnes de globules rouges.

L’angiographie au SLO permet de deviner la circulation dans la maille capillaire, en raison de l’hyperfluorescence relative des globules blancs.

B - Modulation et autorégulation du débit sanguin :

Le débit sanguin rétinien, lorsqu’il est rapporté au poids du tissu rétinien, est comparable à celui du cortex cérébral.

Chez le porc, dont l’oeil se rapproche anatomiquement de celui de l’homme, le débit sanguin rétinien est de 60 à 70 µL/min.

À poids de tissu égal, le débit sanguin choroïdien est 10 à 30 fois supérieur au débit sanguin rétinien.

Un travail utilisant la dilution de gaz rares a permis d’évaluer le flux sanguin choroïdien à 460 mL/100 g/min chez le singe.

Chez l’homme, la vélocité cellulaire dans les vaisseaux rétiniens varie de 15 à 20 mm/s dans les artères à la sortie de la papille, à 0-1 mm/s dans les capillaires, puis remonte progressivement pour atteindre environ 10 mm/s dans les grosses veines.

Le résultat des mesures de flux sanguin varie selon la méthode utilisée, et des mesures allant de 14 à 80 µL/min ont été publiées.

Nos travaux utilisant des cellules marquées à la fluorescéine ont permis de retrouver une valeur proche de 48 µL/min.

La vélocité est plus grande au pôle postérieur qu’en périphérie rétinienne, où il se produit à la fois un ralentissement du flux sanguin lié à la baisse de la pression de perfusion et une plus grande concentration de globules rouges en raison de l’« écrémage » plasmatique.

À l’intérieur même d’un territoire rétinien donné, certaines données font soupçonner qu’il existe, comme dans tous les tissus, une absence d’uniformité de la perfusion capillaire.

En particulier, les leucocytes étant moins déformables que les globules rouges, ils suivent probablement des trajets préférentiels, dans lesquels la circulation sanguine se fait plus lentement.

Cela a été suggéré par une étude utilisant une endoscopie intravitréenne.

D’autres causes à une éventuelle irrégularité de perfusion capillaire peuvent être suggérées, comme la géométrie vasculaire elle-même et la vasomotion.

L’existence d’une stase transitoire du flux sanguin liée à l’adhérence leucocytaire est suggérée par certaines études mais niée par d’autres.

La stase leucocytaire observée par certaines études pourrait être un artefact.

Le débit sanguin rétinien dépend de la pression de perfusion (différence entre la pression dans l’artère centrale de la rétine et la pression intraoculaire), de la résistance propre des vaisseaux rétiniens et de la viscosité sanguine.

Le débit sanguin rétinien est modulé par de nombreux facteurs, tendant à atténuer les variations de débit sanguin liées aux variations des conditions de perfusion.

Il s’agit de l’autorégulation du débit sanguin rétinien. L’autorégulation rétinienne a été démontrée vis-à-vis des variations de la pression artérielle systémique et de la pression intraoculaire.

Ainsi, lorsque la pression artérielle systémique augmente, il va se produire une vasoconstriction artérielle.

De même, lorsque la pression intraoculaire augmente, il va se produire une vasodilatation.

Les limites dans lesquelles s’exerce cette autorégulation sont variables selon les études.

Classiquement, on retient que la limite supérieure de l’autorégulation est atteinte pour une augmentation de 40 % de la pression artérielle et pour une pression intraoculaire de 30 mmHg. Plus que les valeurs absolues, il faut retenir l’ordre de grandeur de ces valeurs.

Le seul mécanisme par lequel les vaisseaux rétiniens peuvent exercer cette autorégulation est une variation de diamètre.

Ce phénomène d’autorégulation est d’origine purement intrarétinienne, car les vaisseaux rétiniens sont dépourvus d’innervation.

Plusieurs types de mécanismes peuvent y participer : l’étirement pariétal entraînant une constriction réflexe des cellules musculaires lisses de la paroi artérielle, la libération de NO et/ou d’autres médiateurs endothélium-dépendants, médiateurs synthétisés par les cellules gliales…

D’après certains travaux, l’hyperglycémie tend à augmenter le débit sanguin rétinien.

D’autres auteurs trouvent au contraire une diminution du débit, aussi bien chez l’animal que chez l’homme.

Les artères rétiniennes se constrictent en situation d’hyperoxie et se dilatent à l’hypoxie.

Cette constriction consécutive à l’hypoxie est beaucoup plus prononcée chez l’animal nouveau-né, pouvant mener à une oblitération vasculaire totale.

La dilatation liée à l’hypoxie pourrait être un effet direct du lactate comme le suggèrent les techniques de micro-injection de lactate dans la rétine du singe.

Chez les diabétiques, il semble y avoir une perturbation de cette réactivité à l’oxygène.

En effet, une étude utilisant l’échodoppler de l’artère centrale de la rétine a montré que l’hyperoxie modifiait moins la vélocité sanguine chez des diabétiques que chez des sujets témoins.

Pour les auteurs de ce travail, il y a, lors du diabète, une perte de l’autorégulation vasculaire rétinienne à l’oxygène, et donc une moindre réponse vasodilatatrice à l’ischémie.

Médiateurs endothélium-dépendants :

L’une des principales acquisitions des recherches en physiologie vasculaire menées ces dernières années est la découverte du rôle de l’endothélium dans la régulation du tonus vasculaire.

Les premiers travaux ont été publiés par Ferchgott au début des années 1980.

Il a remarqué que des segments d’artères réagissaient mieux aux vasodilatateurs si leur endothélium était intact.

D’où l’hypothèse que l’endothélium synthétisait une molécule capable d’induire une vasodilatation active des artères.

Cette constatation a ouvert la voie à toute une série de travaux ayant abouti à l’identification du NO.

Il s’agit d’un gaz à demi-vie de l’ordre de la seconde, synthétisé par les cellules endothéliales et qui diffuse vers les cellules musculaires lisses pour inhiber leur contraction.

Par la suite, on s’est aperçu que le NO n’était pas le seul médiateur vasomoteur synthétisé par l’endothélium.

Les autres médiateurs identifiés à ce jour sont les prostaglandines, l’endothéline et le système rénineangiotensine tissulaire.

Les notions décrites dans cette partie sont largement inspirées d’un article récent.

A - Oxyde nitrique :

Le NO est synthétisé par la cellule endothéliale en réponse à différents stimuli, qui sont de deux types : biochimiques (bradykinine, acétylcholine, histamine…) et physiologiques comme l’augmentation du débit sanguin.

Ainsi, plus la vélocité sanguine est élevée, plus les forces de cisaillement au contact de la paroi vasculaire sont importantes et plus il y a de NOsynthétisé par les cellules endothéliales.

Cela permet de comprendre pourquoi une artère se dilate lorsque son débit sanguin augmente, comme lors d’un angiome rétinien de la maladie de von Hippel.

L’inhibition du NO entraîne une vasoconstriction artérielle rétinienne chez le chien.

La localisation histologique de l’enzyme synthétisant le NO, la NO-synthase, permet d’identifier les cellules libérant du NO dans les différents tissus oculaires.

Cela a permis de montrer qu’une partie du NO présent dans la rétine et la choroïde était libéré à partir de cellules nerveuses situées dans la choroïde.

Il est possible que, par ce biais, la choroïde participe à la régulation du tonus vasculaire rétinien.

De plus, des études en culture de cellules ont montré que les péricytes pouvaient se dilater en présence de NO, suggérant un rôle de vasodilatateur capillaire pour le NO par l’intermédiaire des péricytes.

Cette notion est controversée car, classiquement, les capillaires n’ont pas de vasomotion active et ne font que réagir passivement aux variations de pression et de débit sanguins.

L’administration sublinguale de trinitrine, puissant donneur de NO, dilate les artères et les veines rétiniennes chez l’homme, sans cependant modifier le temps de transit artérioveineux.

Une étude utilisant l’échodoppler retrouve une augmentation du débit sanguin de l’artère ophtalmique après administration d’un analogue de la trinitrine.

B - Prostaglandines :

Elles sont produites par l’action de la cyclo-oxygénase sur l’acide arachidonique.

De nombreuses molécules sont regroupées dans cette famille, certaines étant vasoconstrictrices, d’autres vasodilatatrices, et d’autres encore sans effet vasculaire.

Elles sont produites et dégradées in situ, les prostaglandines présentes dans la circulation étant à un taux trop faible pour avoir une activité sur les vaisseaux.

Les prostaglandines ont des effets complexes sur le tonus vasculaire.

Elle ont peut-être un rôle modulateur de l’autorégulation ; il semble que l’inhibition des prostaglandines par l’indométacine augmente les capacités d’autorégulation du réseau vasculaire rétinien.

Les péricytes en culture se contractent en réponse au thromboxane et se relâchent en réponse à la PGI2.

C - Endothéline :

C’est une petite protéine de 21 acides aminés dont on connaît trois analogues.

L’endothéline-1 est produite par l’endothélium rétinien et est la substance vasoconstrictrice la plus puissante connue actuellement.

Il existe des récepteurs à l’endothéline à la surface des cellules endothéliales rétiniennes.

L’endothéline-1 contracte les vaisseaux rétiniens de manière prolongée après injection intravitréenne.

Paradoxalement, la réponse constrictrice à l’endothéline-1 est moindre chez le rat diabétique que chez l’animal normal.

In vitro, l’endothéline contracte les péricytes.

D - Système rénine-angiotensine :

L’enzyme de conversion de l’angiotensine (ECA) est présente à la surface de la cellule endothéliale rétinienne.

Elle convertit l’angiotensine I en angiotensine II et dégrade la bradykinine qui est un activateur du NO.

L’injection intravitréenne d’angiotensine II induit une vasoconstriction.

Une étude de l’infusion d’angiotensine II chez l’homme a été effectuée et a montré une vasoconstriction rétinienne chez certains des sujets.

Cependant, ces sujets avaient aussi une élévation de la tension artérielle qui laisse à penser que la vasoconstriction rétinienne observée était peut-être un phénomène d’autorégulation.

Les inhibiteurs de l’ECA seuls n’entraînent pas de modification du tonus vasculaire rétinien.

Le système rénine-angiotensinealdostérone n’est donc apparemment pas impliqué dans le tonus vasculaire à l’état basal.

La bradykinine et les inhibiteurs de l’ECA se potentialisent pour dilater les artères rétiniennes.

Interactions entre leucocytes et endothélium :

Les leucocytes interagissent avec les cellules endothéliales tout au long de leur trajet dans le réseau microvasculaire.

Lorsqu’on examine un réseau capillaire viscéral en microscopie intravitale, on voit circuler à l’intérieur des vaisseaux d’une part les globules rouges en colonnes, séparés de temps en temps par un espace plasmatique, et d’autre part des leucocytes qui eux roulent le long de la paroi, s’y arrêtent par moment, puis repartent dans le flux sanguin.

Ce phénomène du roulement leucocytaire (rolling) est lié aux interactions entre leucocytes et cellules endothéliales.

Cette interaction s’effectue par l’intermédiaire de protéines présentes à la surface cellulaire, protéines regroupées sous le terme de molécules d’adhésion.

Il en existe plusieurs familles dont les intégrines, les cadhérines, les ICAM (integrin cellular adhesion molecule) et les sélectines.

La plupart du temps, cette interaction leucocytes-endothélium est limitée dans le temps en raison du petit nombre de protéines impliquées, n’aboutissant qu’à un ralentissement du leucocyte ou à son arrêt dans la circulation pour un temps limité, de l’ordre de quelques secondes.

En cas de processus inflammatoire, cette interaction peut être plus forte, aboutissant à un blocage du leucocyte.

L’adhésion du leucocyte à la paroi vasculaire constitue le premier temps de la diapédèse, c’est-à-dire le passage du globule blanc à travers la paroi vasculaire.

Bien que cela n’ait pas encore été démontré, il est possible que l’obstruction par les leucocytes participe à l’occlusion des capillaires lors de la rétinopathie diabétique.

Cette interaction entre leucocytes et paroi vasculaire rétinienne est un sujet d’analyse relativement récent.

Hill et al ont montré que des lymphocytes normaux appliqués sur des coupes de tissus rétiniens adhèrent à la paroi des vaisseaux.

Chez des patients atteints de la maladie de Behçet, cette adhésion a été retrouvée augmentée.

In vivo, l’étude de cette interaction a pu être développée grâce à l’ophtalmoscope laser à balayage (SLO) qui autorise la visualisation de liposomes fluorescents, globules blancs sur lesquels se sont fixés certains marqueurs fluorescents comme l’acridine orange, la fluorescéine isothiocyanate ou la rhodamine 6G.

Chez l’homme, ces marqueurs ne peuvent être employés en raison de leur toxicité, et seul le fluorescéinate de sodium est utilisable.

Les globules blancs circulants peuvent ainsi être individuellement visualisés dans la circulation rétinienne, comme cela a été montré dans des études récentes chez l’animal et chez l’homme.

Cette méthode devrait permettre d’évaluer le rôle des leucocytes dans l’occlusion capillaire au cours de la rétinopathie diabétique et des occlusions veineuses.

La rétine possède un réseau vasculaire dont les capillaires sont aisément visibles.

Paradoxalement, l’étude du flux sanguin rétinien n’a pu se faire, jusqu’à récemment, que par des techniques indirectes et peu précises.

Cette étude est cependant fondamentale pour comprendre certaines pathologies rétiniennes comme l’ischémie capillaire ou l’oedème maculaire.

De nouvelles techniques d’examen sont apparues qui devraient faire évoluer nos connaissances sur la physiologie et la pathologie vasculaires rétiniennes.

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