Physiologie et physiopathologie des vaisseaux hépatiques Cours d'Hépatologie
Introduction
:
Le foie est caractérisé par une architecture vasculaire
particulièrement complexe.
Il possède en effet deux types de
vaisseaux afférents, la veine porte et l’artère hépatique, qui donnent
naissance à plusieurs réseaux capillaires indépendants.
Le principal
de ces réseaux capillaires est celui qui irrigue les lobules hépatiques ;
il est formé par des vaisseaux hautement spécialisés, connus sous le
nom de sinusoïdes hépatiques.
Les vaisseaux efférents se drainent
dans les veines sus-hépatiques, qui rejoignent la veine cave.
Les
différents compartiments vasculaires du foie sont bordés par des
cellules endothéliales morphologiquement et phénotypiquement
diverses, dont certaines présentent un très haut degré de
spécialisation, témoignant d’adaptations physiologiques très
spécifiques.
Les objectifs de cette article sont de :
– décrire l’architecture générale de la vascularisation hépatique et
les différentes étapes de sa mise en place au cours de
l’organogenèse ;
– décrire les principaux réseaux capillaires de la microcirculation
hépatique, leurs rôles physiologiques et leurs implications en
physiopathologie ;
– discuter les mécanismes physiopathogéniques des principales
lésions spécifiques de chaque compartiment vasculaire du foie.
Organisation générale
de la circulation hépatique :
Le hile du foie reçoit deux vaisseaux
afférents distincts : la veine porte, qui draine le sang des veines
mésentériques, splénique et pancréaticoduodénale, et l’artère
hépatique, branche du tronc coeliaque.
Ces deux vaisseaux se
divisent dans le parenchyme hépatique en de nombreuses
ramifications successives qui parcourent les espaces portes et
donnent naissance à plusieurs réseaux capillaires.
Les réseaux
capillaires des espaces portes dépendent entièrement de l’artère
hépatique.
Ils comprennent : le réseau capillaire péribiliaire
ou plexus péribiliaire, qui assure la vascularisation de l’arbre biliaire
intrahépatique ; le réseau capillaire interstitiel des espaces portes ;
les vaisseaux propres (vasa vasorum) des grosses branches
intrahépatiques de la veine porte et des veines efférentes ; les
capillaires de la capsule de Glisson.
Ces réseaux capillaires sont
largement indépendants mais restent interconnectés.
Le réseau capillaire des lobules hépatiques est formé par les
sinusoïdes hépatiques.
Ces vaisseaux capillaires très spécialisés
séparent les travées hépatocytaires et transportent un sang d’origine
mixte, à la fois portal et artériel.
C’est la contribution du sang portal
qui, en situation physiologique, est de loin la plus importante.
Les
sinusoïdes assurent une perfusion unidirectionnelle des lobules
hépatiques, de leur périphérie vers leur centre.
Ils se jettent à leur
extrémité dans les veines centrolobulaires.
Les veines centrolobulaires
forment le premier segment des vaisseaux efférents du foie.
Elles se jettent dans des veines
collectrices de plus en plus volumineuses dont la réunion
progressive forme les trois veines sus-hépatiques, droite, médiane et
gauche, qui elles-mêmes rejoignent la veine cave inférieure.
Mise en place de l’architecture
vasculaire au cours de l’organogenèse
hépatique :
La mise en place de l’architecture vasculaire au cours de
l’organogenèse hépatique est un phénomène particulièrement
complexe, dont beaucoup d’aspects sont encore mal connus. Deux
phénomènes complémentaires sont étroitement intriqués :
– la mise en place d’une vascularisation adaptée aux fonctions
spécifiques du foie foetal, dont la principale est la fonction
hématopoïétique, qui débute vers la dixième semaine de vie foetale
et atteint son maximum entre le troisième et le 7e mois de gestation ;
– l’acquisition progressive des caractéristiques structurales et
fonctionnelles nécessaires aux fonctions spécifiques du foie adulte.
Chez l’homme, l’ébauche hépatique apparaît vers la quatrième
semaine, dans le mésenchyme précardiaque (ou septum
transversum), entre les deux veines vitellines, droite et gauche.
L’architecture
vasculaire du foie foetal qui se met en place entre la cinquième et
la dixième semaine de vie intra-utérine est très différente de celle
du foie adulte.
La formation des sinusoïdes
est le premier événement identifiable.
Dès la cinquième semaine, les cordons d’hépatoblastes envahissant le
septum transversum, dans la région située en avant de l’ébauche
cardiaque, rencontrent des capillaires préexistants, probablement
dérivés du réseau vitellin.
Ces capillaires, une fois entourés par
les cordons d’hépatoblastes, donnent progressivement naissance aux
sinusoïdes.
Parallèlement, l’architecture veineuse se met en place.
Les deux veines vitellines s’anastomosent pour donner naissance à
la future veine porte.
Celle-ci progresse à l’intérieur de l’ébauche
hépatique.
Ses branches sont accompagnées par une couronne de
mésenchyme qui joue un rôle organisateur fondamental.
Ce
mésenchyme servira de guide pour la mise en place des futurs
espaces portes et induira la différenciation des cellules biliaires intrahépatiques à partir des hépatoblastes situés à son contact.
Cependant, contrairement à ce qui est observé plus tard, après la
naissance, la future veine porte n’est pas le principal vaisseau
afférent du foie foetal.
Ce rôle est dévolu à un vaisseau provenant de
la veine ombilicale gauche.
Lorsque l’ébauche hépatique est
suffisamment développée pour venir au contact de ce gros tronc
veineux, celui-ci pénètre à l’intérieur du parenchyme hépatique et
établit deux connexions :
– l’une avec la veine cave inférieure par l’intermédiaire d’un canal
intermédiaire, le ductus venosus, qui se forme au sein du réseau sinusoïdal ;
– l’autre avec
la branche gauche de la veine porte. L’architecture veineuse
caractéristique du foie foetal, avec son double système veineux,
l’un dérivant des veines vitellines, l’autre de la veine ombilicale
gauche, est ainsi en place dès la sixième semaine.
À 8 semaines, la première ébauche de l’artère hépatique devient
reconnaissable dans le pédicule hépatique.
Ce n’est cependant pas
avant la dixième semaine que les premières branches intrahépatiques de l’artère hépatique sont visibles dans les futurs
espaces portes.
Les vaisseaux efférents du foie se forment à partir
des veines cardinales et se hiérarchisent progressivement au cours
de la croissance du parenchyme hépatique.
Cependant, les détails
de leur organisation et leur mode de connexion avec les réseaux
capillaires, dont le réseau sinusoïdal, sont encore mal connus.
Au moment de la naissance, de profonds remaniements de
l’architecture vasculaire du foie ont lieu.
Le ductus venosus, qui
connectait la veine ombilicale gauche à la veine cave inférieure, se
ferme.
La veine ombilicale gauche régresse et se ferme à son tour :
elle peut se reperméabiliser en cas d’hypertension portale sévère. La
veine porte devient le principal vaisseau afférent.
Elle assure la
vascularisation du foie droit par des branches nées directement de
son tronc principal lors des phases précoces de l’organogenèse.
En
revanche, la vascularisation du foie gauche se fait par l’intermédiaire
de connexions indirectes établies entre la branche gauche de la veine
porte et des troncs veineux issus originellement des branches intrahépatiques de la veine ombilicale gauche.
Microcirculation hépatique :
physiologie et physiopathologie
A - CAPILLAIRES SANGUINS DES ESPACES PORTES
:
Plusieurs réseaux capillaires coexistent à l’intérieur des espaces
portes.
Le plus important de ces réseaux assure la vascularisation
des canaux biliaires intrahépatiques : c’est le plexus péribiliaire.
Les études microanatomiques ont montré que le plexus
péribiliaire forme un lacis vasculaire à la surface externe des
principales voies biliaires intrahépatiques.
Les premiers segments
des voies biliaires intrahépatiques, les cholangioles, sont dépourvus
de vascularisation propre.
Le plexus péribiliaire n’apparaît qu’en
regard des canaux biliaires interlobulaires.
Il se densifie peu à peu,
au fur et à mesure que le diamètre de la voie biliaire augmente.
Au
niveau des canaux biliaires intrahépatiques les plus volumineux, le
plexus péribiliaire adopte une disposition en deux couches : une
couche externe constituée par de petites artérioles et veinules, et une
couche interne formée uniquement de capillaires.
Les capillaires
constituant le plexus péribiliaire ont des caractères structuraux non
spécialisés.
Ils appartiennent à la catégorie des capillaires continus,
la plus répandue dans l’organisme : ils sont bordés par une couche
continue de cellules endothéliales reposant sur une lame basale bien
individualisée, entourée par des péricytes, cellules contractiles
contribuant à la régulation du flux sanguin intracapillaire.
Le plexus péribiliaire se forme tardivement et progressivement au
cours de l’organogenèse hépatique.
Selon l’hypothèse actuelle, les
capillaires du plexus péribiliaire ne dérivent pas de vaisseaux
préexistants mais se forment directement à partir de précurseurs (ou
angioblastes) présents dans le mésenchyme portal.
La différenciation
de ces précurseurs coïnciderait avec la formation de la plaque ductale, c’est-à-dire le début de la différenciation des cellules
biliaires intrahépatiques.
Les premiers vaisseaux capillaires sont
identifiables à partir de 10 semaines de gestation dans les espaces
portes de la région centrale du foie et de 15 semaines dans les
régions périphériques.
Ces vaisseaux, d’abord isolés, donnent
naissance au plexus péribiliaire, qui se densifie au fur et à mesure
de la croissance des canaux biliaires.
Il est bien identifiable à partir
de 15 semaines de vie intra-utérine dans la région centrale du foie et
de 25 semaines en périphérie.
La naissance ne marque pas la fin de
la croissance et de l’organisation du plexus péribiliaire dont
l’architecture définitive n’est atteinte que vers l’âge de 15 ans.
Le plexus péribiliaire joue un rôle physiologique très important en
assurant la vascularisation de l’ensemble de l’arbre biliaire
intrahépatique.
Son rôle en physiopathologie reste mal connu,
essentiellement en raison des difficultés rencontrées pour sa mise en
évidence et l’analyse de ses lésions.
Les atteintes du plexus péribiliaire ont été décrites dans deux exemples de situations
pathologiques.
Lors de la transplantation hépatique, la destruction
des capillaires péribiliaires par les lymphocytes de l’hôte est en effet
un des premiers événements du rejet cellulaire aigu.
Les lésions
du plexus péribiliaire favorisent le développement ultérieur de
lésions secondaires, d’origine ischémique, des canaux biliaires
interlobulaires.
Des lésions du plexus capillaire péribiliaire existent
dans d’autres pathologies hépatiques.
Une raréfaction des
capillaires péribiliaires est ainsi observée au cours de la cholangite
sclérosante primitive et de la cirrhose biliaire primitive, sans que
la nature primitive ou secondaire des lésions vasculaires puisse être
actuellement établie avec certitude.
B - RÉSEAU CAPILLAIRE DES LOBULES HÉPATIQUES :
SINUSOÏDES
Les sinusoïdes
sont des vaisseaux capillaires hautement spécialisés qui assurent la
vascularisation du lobule hépatique.
1-
Organisation du réseau sinusoïdal :
L’origine
anatomique des sinusoïdes est complexe.
Contrairement à
une idée reçue, ils ne naissent pas directement de la périphérie des
espaces portes à la manière des rayons d’une roue.
La plupart
d’entre eux naissent en fait de la périphérie des lobules
hépatiques, à partir de rameaux spécialisés de la veine porte,
connus sous le nom de branches terminales.
Les branches terminales des
veines portes sont localisées en plein parenchyme hépatique et
forment en quelque sorte la frontière anatomique des lobules
hépatiques.
Dans la première partie de leur trajet, les sinusoïdes ont
un trajet tortueux et sont fortement interconnectés.
Rapidement, ils
adoptent un parcours plus rectiligne au contact des travées hépatocytaires qu’ils séparent les unes des autres.
Ils se jettent
finalement à l’intérieur des veines centrolobulaires.
Les sinusoïdes transportent un sang dérivé presque exclusivement
de la veine porte.
La contribution du sang d’origine artérielle est
faible.
Le mélange entre sang portal et sang artériel nécessaire à la
vascularisation des lobules hépatiques implique l’existence
d’interconnexions anatomiques entre capillaires d’origine portale et
sinusoïdes.
La nature exacte et la localisation précise de ces
connexions restent cependant très discutées.
Au fur et à mesure de
son parcours, le sang sinusoïdal s’appauvrit progressivement en
certains constituants, comme les substrats, l’oxygène et les hormones
« consommés » par les hépatocytes, mais s’enrichit en produits
libérés par les hépatocytes, comme le glucose ou les protéines
plasmatiques.
Le sinusoïde est donc un lieu d’échanges massifs entre le sang et les
hépatocytes.
Sa paroi est dotée de caractéristiques structurales très
particulières, habituellement interprétées comme des adaptations à
ces fonctions d’échanges très développées.
Contrairement à la
plupart des autres capillaires de l’organisme, dont ceux des espaces
portes, les sinusoïdes sont des capillaires fenêtrés et discontinus.
En
d’autres termes, ils sont bordés par des cellules endothéliales
pourvues de pores intracytoplasmiques et séparées par des solutions
de continuité intercellulaires.
De plus, les sinusoïdes sont, chez
l’homme, dépourvus de lame basale identifiable.
Ils sont séparés des
hépatocytes adjacents par l’espace périsinusoïdal qui contient
une matrice extracellulaire de composition très particulière,
dépourvue de laminine (ce qui explique l’absence d’organisation en lame basale),
mais riche en fibronectine et en ténascine.
Des
études récentes ont également montré la richesse de cette matrice en
collagène XVIII, un précurseur de l’endostatine, dont la forme
soluble est un puissant facteur antiangiogénique : il a été proposé
que la production d’endostatine par le foie et sa libération dans la
circulation générale pourrait contribuer à la régulation des
phénomènes d’angiogenèse physiologique dans l’organisme.
La paroi des sinusoïdes hépatiques contient trois autres populations
de cellules résidentes :
– les cellules de Kupffer, macrophages intravasculaires adhérant à
la face luminale des cellules endothéliales ;
– des lymphocytes résidents, également adhérents aux cellules
endothéliales ;
– les cellules stellaires (ou cellules d’Ito) situées du côté
abluminal.
Les cellules stellaires sont des péricytes très spécialisés, assurant
plusieurs fonctions importantes : la régulation du flux sanguin
sinusoïdal grâce à leurs propriétés contractiles, la synthèse des
constituants de la matrice extracellulaire occupant l’espace
périsinusoïdal et le stockage des rétinoïdes dérivés de la vitamine
A.
2- Cellules endothéliales sinusoïdales et leurs fonctions
physiologiques
:
Les cellules endothéliales sinusoïdales présentent des
caractéristiques morphologiques très spécifiques :
– leur cytoplasme est fenêtré par des pores intracytoplasmiques
regroupés dans la zone périnucléaire du corps cellulaire ;
– elles forment un revêtement habituellement décrit comme
discontinu, c’est-à-dire interrompu par des solutions de continuité
intercellulaires ;
– elles ne reposent pas sur une membrane basale organisée.
Le
caractère réellement « discontinu » de l’endothélium sinusoïdal a été
cependant contesté.
Certains auteurs considèrent en effet que le
caractère apparemment discontinu de l’endothélium sinusoïdal est
d’origine artefactuelle et qu’il est provoqué par des altérations
secondaires aux procédures de fixation tissulaire.
Les particularités structurales de l’endothélium sinusoïdal traduisent
l’intensité des échanges entre le sang et les hépatocytes.
Les
hépatocytes importent à partir du sang sinusoïdal des petites
molécules, comme des glucides, des lipides et des acides aminés, et
exportent dans la circulation de nombreux produits de leur
métabolisme, comme les protéines plasmatiques.
Les cellules
endothéliales sinusoïdales, fenêtrées et discontinues, servent de filtre
et de tamis pour ces échanges bidirectionnels.
Elles contribuent
également de façon active à certaines fonctions hépatocytaires.
Ainsi,
ce sont les cellules endothéliales sinusoïdales qui assurent la désialylation de
nombreuses protéines circulantes, comme la transferrine, préalable
indispensable à leur captation par l’hépatocyte.
Les cellules
endothéliales sinusoïdales exercent également de nombreuses
fonctions spécialisées, dont certaines se traduisent par
l’expression d’un ensemble très caractéristique de marqueurs
spécifiques.
Le plus
spécifique de ces marqueurs est la protéine CD4.
L’expression de cette protéine, décrite à la surface de
certaines sous-populations de lymphocytes T et de macrophages,
distingue les cellules endothéliales sinusoïdales hépatiques des
autres cellules endothéliales de l’organisme.
Ainsi,
l’expression de récepteurs pour les immunoglobulines traduit-elle
la capacité des cellules endothéliales sinusoïdales de contribuer, avec
les cellules de Kupffer, à la clairance des complexes immuns
circulant dans le sang portal.
D’autres marqueurs traduisent
l’adaptation à un microenvironnement particulier : ainsi, l’expression
de CD14, récepteur pour la protéine de liaison du lipopolysaccharide, est probablement à mettre en parallèle avec
l’enrichissement du sang portal en lipopolysaccharide provenant des
bactéries intestinales.
3- Différenciation des sinusoïdes au cours
de l’organogenèse hépatique
:
Les sinusoïdes se forment entre la cinquième et la dixième semaine
de vie foetale à partir des capillaires du septum transversum,
d’origine probablement vitelline, une fois entourés par les cordons
d’hépatoblastes envahissant le mésenchyme.
Ces capillaires
subissent un processus de différenciation progressive au cours
duquel ils perdent leurs caractéristiques initiales, comme
l’organisation continue et la présence d’une membrane basale, et
acquièrent les caractéristiques spécifiques de l’endothélium
sinusoïdal hépatique, comme la structure discontinue, la présence
de fenestrations cytoplasmiques et la disparition de la membrane
basale.
Les premières cellules résidentes non endothéliales,
cellules de Kupffer et cellules stellaires, sont reconnaissables à partir
de 8 à 10 semaines de vie intra-utérine.
Ce n’est cependant pas
avant la 17e semaine que la paroi des vaisseaux capillaires intrahépatiques acquiert des caractéristiques générales comparables
à celles des sinusoïdes adultes.
Les mécanismes de la différenciation des sinusoïdes hépatiques sont
encore imparfaitement connus.
Des études récentes suggèrent
l’existence de deux processus coordonnés, complémentaires et
successifs.
La première phase du processus correspond à un
processus de différenciation structurale, de la cinquième à la 12e
semaine de la vie intra-utérine.
Cette étape est caractérisée par la
perte progressive des marqueurs caractéristiques des endothéliums
continus et l’existence de remaniements importants de la matrice périsinusoïdale, incluant la disparition de la laminine et l’apparition
de la ténascine.
Cette étape est contemporaine de la mise en place
de l’hématopoïèse intrahépatique (rappelons que le foie est en effet
le principal organe hématopoïétique du foetus).
Certaines des
modifications structurales observées permettent donc probablement
aux sinusoïdes foetaux de s’adapter à cette importante fonction
physiologique.
La seconde phase du processus débute à la 10e
semaine.
Elle est caractérisée par l’apparition progressive et
dissociée des marqueurs caractéristiques des cellules endothéliales
sinusoïdales hépatiques adultes (CD4, récepteurs pour le fragment Fc des immunoglobulines, protéine CD14...) ; ce processus contribue
vraisemblablement à préparer les cellules endothéliales
intrahépatiques à exercer leurs fonctions spécifiques dans le foie
adulte.
4- Rôle des sinusoïdes hépatiques en physiopathologie
:
Des lésions, parfois sévères, des sinusoïdes hépatiques,
accompagnent de nombreuses pathologies hépatiques et contribuent
à aggraver leurs conséquences physiopathologiques. Nous en citons
deux exemples : les lésions dues à l’ischémie-reperfusion et les
lésions de capillarisation accompagnant la fibrose hépatique.
L’endothélium sinusoïdal est une des cibles privilégiées des lésions
dues à l’ischémie-reperfusion, telles qu’elles peuvent s’observer en
transplantation hépatique.
Le déterminisme des lésions
endothéliales secondaires à l’ischémie-reperfusion est multifactoriel :
libération de radicaux libres toxiques par les cellules de Kupffer et
les polynucléaires accumulés dans la lumière sinusoïdale,
production excessive de cytokines par les cellules de Kupffer
activées, rôle toxique de la séquestration plaquettaire favorisée par
la stase intrasinusoïdale.
Des facteurs structuraux de fragilité
(absence de certains types de jonctions intercellulaires, absence de lame basale) sont probablement responsables de la très grande
sensibilité du revêtement endothélial sinusoïdal à ces différentes
agressions. Des facteurs fonctionnels s’ajoutent à ces facteurs
structuraux.
Ainsi, les cellules endothéliales sinusoïdales sont-elles
parmi les seules cellules endothéliales de l’organisme à être
dépourvues de la protéine CD55 (decay accelerating factor) qui
contribue à protéger les cellules somatiques contre le complément
activé, produit localement en grande quantité lors de l’ischémiereperfusion.
Les lésions endothéliales induites par l’ischémiereperfusion
jouent un rôle important dans les tableaux de
dysfonctionnement primaire des greffons hépatiques.
Le développement d’une fibrose hépatique s’accompagne d’un
phénomène de capillarisation des sinusoïdes.
Au cours de ce
processus, les sinusoïdes perdent leurs caractéristiques distinctives
et se transforment progressivement en capillaires continus, non
fenêtrés et limités par une membrane basale organisée contenant de
la laminine.
Ces modifications structurales ont d’importantes
conséquences physiopathologiques.
La transformation des
sinusoïdes en capillaires continus diminue les capacités d’échange
entre les hépatocytes et le sang.
De plus, les modifications de la
matrice périsinusoïdale facilitent l’accumulation locale de peptides
régulateurs et de facteurs de croissance, comme les interférons, le
transforming growth factor (TGF)-bêta ou l’hepatocyte growth factor
(HGF), susceptibles de modifier à long terme l’homéostasie
tissulaire.
Des modifications structurales importantes de la microcirculation
hépatique sont observées dans les lésions régénératives du foie,
comme l’hyperplasie nodulaire régénérative, et lors des phases
initiales de la carcinogenèse hépatique.
Dans ces situations, les
sinusoïdes normaux sont remplacés par des néovaisseaux présentant
les caractères structuraux et fonctionnels des vaisseaux capillaires
continus.
Ces néovaisseaux expriment en particulier de nombreux
marqueurs des capillaires continus, absents des sinusoïdes normaux.
Le plus caractéristique est la protéine CD34, indétectable aussi bien
sur les sinusoïdes normaux que sur les sinusoïdes capillarisés
associés à la fibrose hépatique.
La présence de ces néovaisseaux,
faciles à mettre en évidence par des techniques
immunohistochimiques, peut constituer une aide diagnostique pour
l’identification des lésions prénéoplasiques et néoplasiques du foie.
Pathologie des différents
compartiments vasculaires du foie :
Les principaux compartiments vasculaires du foie sont susceptibles
de présenter des lésions spécifiques.
Les compartiments veineux
sont le siège de thromboses, différant par leur contexte de survenue
ou leurs étiologies les plus fréquentes.
Les thromboses portes
s’observent essentiellement dans un contexte de stase veineuse
locale.
Les thromboses des grosses veines sus-hépatiques,
responsables du syndrome de Budd-Chiari, révèlent souvent des
états d’hypercoagulabilité ou des syndromes myéloprolifératifs
latents.
Enfin, les thromboses des veines centrolobulaires et des
petites veines collectrices, responsables de la maladie veinoocclusive,
sont essentiellement d’origine toxique (alcaloïdes
d’origine végétale, radiations ionisantes, administration
d’azathioprine).
Les différences dans l’étiologie des thromboses
veineuses hépatiques en fonction de leur siège reflètent évidemment
des différences architecturales et hémodynamiques, mais pourraient
également être dues, au moins en partie, à des réponses différentes
des cellules endothéliales vis-à-vis d’agressions spécifiques.
Les lésions vasculaires les plus caractéristiques du foie sont celles
du sinusoïde hépatique.
La péliose, pathologie spécifique du
sinusoïde hépatique, est une lésion histologique définie par la
dilatation pseudokystique des sinusoïdes, la destruction de la paroi
sinusoïdale, la dissociation de la matrice périsinusoïdale et l’atrophie
des travées hépatocytaires de voisinage.
La péliose n’est que le
stade extrême d’une gamme de lésions, dont la forme la moins
sévère est la dilatation sinusoïdale.
Les étiologies de la péliose sont
nombreuses et variées et ont a priori peu de points communs.
La
pathogénie des lésions endothéliales est donc probablement variable
mais l’évolution vers un tableau morphologique identique est sans
doute facilitée par l’accumulation de facteurs de fragilité par
l’endothélium sinusoïdal : absence de lame basale organisée, absence
de certains types de jonctions intercellulaires, gamme réduite de
récepteurs pour la matrice extracellulaire.