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Hématologie
Physiologie de l’hémostase primaire
Cours d'hématologie
 


 

Introduction :

L’hémostase primaire peut être définie comme l’ensemble des phénomènes qui aboutissent au colmatage initial d’une brèche vasculaire par formation d’un caillot essentiellement plaquettaire ou « clou plaquettaire » des anciens auteurs.

Quasiment simultanément, ce caillot plaquettaire est renforcé par la formation de fibrine grâce à l’activation de la coagulation dont nous soulignons d’emblée l’importance et l’intrication avec les phénomènes d’activation plaquettaire.

Le caillot final est un caillot fibrinoplaquettaire.

L’hémostase primaire met en jeu quatre acteurs protagonistes : les plaquettes, le facteur von Willebrand (VWF), le fibrinogène, la paroi vasculaire.

Nous en rappelons tout d’abord la structure, avant de décrire le déroulement des différentes réactions caractérisant l’hémostase primaire proprement dite.

Principaux acteurs :

A - PLAQUETTES :

1- Données morphologiques :

En microscopie optique, les plaquettes apparaissent comme des fragments de cytoplasme, anucléés, arrondis ou ovalaires, d’un diamètre de 2 à 3 µm, d’un volume moyen de 8 à 10 µm3 (compris généralement entre 7 et 11 µm3).

Après coloration par le May Grünwald-Giemsa, le cytoplasme apparaît très riche en grains azurophiles correspondant aux granulations dites alpha.

En microscopie à contraste de phase, à l’état vivant, la cellule, mobile, présente des prolongements cytoplasmiques de longueur croissante appelés pseudopodes, qui modifient continuellement sa forme.

La plaquette s’étale peu à peu et de façon progressivement irréversible selon son degré d’activation.

En microscopie électronique, la membrane, semblable à celle des autres cellules, est très riche en protéines plasmatiques adsorbées (dont certains facteurs de la coagulation).

Au niveau cytoplasmique, l’on distingue les granules denses, ovalaires, les granules alpha, nombreux, et les lysosomes, difficilement analysables.

De rares mitochondries qui contribuent au métabolisme énergétique cellulaire sont présentes.

Les grains de glycogène en quantité importante sont souvent regroupés en amas, le réticulum est lisse ou granuleux, les ribosomes sont peu abondants mais non absents.

Les études de biologie moléculaire ont montré l’existence en quantités très faibles d’acide ribonucléique (ARN) messager. Bien qu’il s’agisse d’une cellule anucléée, la plaquette est donc encore capable de quelques synthèses protéiques.

Les systèmes membranaires sont complexes : on distingue d’une part le système canaliculaire connecté à la surface (SCCS) et permettant les échanges entre le cytosol et le milieu environnant, et d’autre part le système tubulaire dense (STD) constituant un vestige du réticulum endoplasmique lisse, localisé au voisinage des microtubules mais sans communication avec la membrane plasmique ou celle des granules.

Les microtubules et microfibrilles (filaments d’actine), situés à la périphérie de la cellule, sont responsables de sa forme discoïde au repos et sous-tendent les propriétés de contractilité.

2- Données cinétiques :

Les différentes études, cytochimiques, immunologiques, ultrastructurales, voire le radiocinéma ont confirmé l’origine mégacaryocytaire des plaquettes.

Cependant, après apparition des membranes de démarcation et fragmentation des mégacaryocytes, le lieu même de formation des plaquettes reste objet de controverse : pour les uns, il s’agirait de la moelle osseuse elle-même, pour les autres, les plaquettes ne seraient véritablement libérées qu’après passage des cellules mégacaryocytaires dans la circulation pulmonaire.

Quoi qu’il en soit, dans le compartiment circulatoire, les études isotopiques (après marquage en particulier par l’indium 111) ont permis d’évaluer la durée de vie des plaquettes entre 8 à 10 jours.

Le mode de destruction se ferait à la fois par vieillissement progressif et par destruction au hasard.

La destruction a lieu dans le système réticuloendothélial, essentiellement splénique mais aussi hépatique.

3- Données biochimiques :

* Membrane plaquettaire :

La membrane plaquettaire comporte une couche de lipides neutres et polaires (phospholipides, sphingolipides), dans laquelle peuvent se mouvoir des glycoprotéines (GP) ou d’autres protéines suffisamment hydrophobes pour former des associations lipidoprotidiques.

La partie périphérique de la membrane comporte des GP, souvent riches en acide sialique, responsables de charges de surface électronégatives.

Les lipides sont représentés pour 78 % par des phospholipides distribués de façon asymétrique dans la double couche membranaire.

Sur la plaquette au repos, la plupart de la sphingomyéline est présente dans le feuillet externe, la plupart de la phosphatidyl-sérine, du phosphatidyl-inositol et de la phosphatidyléthanolamine dans le feuillet interne.

Les GP ont été classées initialement en trois groupes majeurs I, II et III selon leur poids moléculaire respectivement voisin de 150, 130, 100 kDa, estimé après migration par électrophorèse sur gel de polyacrylamide.

La description de GP de poids moléculaire inférieur (GPIV, V, VI) est venue compléter la classification initiale.

Seules sont envisagées les GP pour lesquelles un rôle précis de récepteur dans certaines étapes de la fonction plaquettaire a pu être démontré.

Le groupe I comporte essentiellement la GPIa et la GPIb.

La GPIa ou a2 forme un complexe avec la GPIIa ou b1.

Le complexe a2b1, équimoléculaire, est impliqué dans l’adhésion plaquettaire aux collagènes fibrillaires de type I ou III ou non fibrillaires de types IV et VI.

Le nombre de sites plaquettaires est faible, en moyenne de 4 000 par plaquette.

La GPIb a un poids moléculaire apparent de 150 kDa et est très riche en acide sialique. Sa structure biochimique, primaire, secondaire et tertiaire est connue.

Elle apparaît ainsi constituée de deux chaînes : une chaîne longue, la GIb a, et une chaîne courte, la GPIb b reliées par un pont disulfure ; le gène de structure de la GIb a porté par le chromosome 17 a été cloné.

Cette GP (avec environ 26 000 sites par plaquette), récepteur du VWF plasmatique, a un rôle crucial dans l’étape d’adhésion des plaquettes au sous-endothélium.

Elle forme un complexe avec les GP IX et V qui sont nécessaires à la stabilité et à la fonctionnalité du complexe.

Le groupe II contient au moins trois GP : la GPIIa déjà mentionnée plus haut, la GPIIb et la GPIIc ; la GPIIb a été la plus étudiée. Son poids moléculaire est de 135 kDa.

Le groupe III comporte essentiellement les GPIIIa et IIIb. La GPIIIa a un poids moléculaire apparent de 116 kDa environ.

Les GPIIb et IIIa forment un complexe équimoléculaire (environ 50 000 sites par plaquette) dépendant du calcium.

Leurs gènes de structure respectifs, là encore portés par le chromosome 17, ont été clonés.

La GP IIIb, plus couramment dénommée GP IV ou CD 36 (dont le gène de structure est porté par le chromosome 11), est formée d’une seule chaîne d’un poids moléculaire voisin de 88 kDa.

Elle serait impliquée dans l’adhésion des plaquettes au collagène de type V et serait un récepteur possible pour la thrombospondine.

Contrairement à la GPIb et au complexe des GPIIb-IIIa, spécifiques de la lignée mégacaryocyto-plaquettaire, la GP IV se retrouve au niveau de plusieurs autres types cellulaires : érythrocytes foetaux, érythroblastes, monocytes, cellules endothéliales.

La GPVI, membre de la superfamille des récepteurs des immunoglobulines (Ig), fortement glycosylée, a un poids moléculaire apparent de 62 kDa. Son gène a récemment été cloné.

Elle est formée d’une seule chaîne dont la plus grande partie est extracellulaire et porte le site de liaison, encore non précisément identifié, du collagène, avoisinant celui de la convulxine, extrait du venin de serpent Crotalus durissus cascavella.

Les GP G (activables après fixation du GTP) sont une nouvelle classe de protéines, récemment décrites, dont le rôle apparaît comme primordial dans le phénomène de transduction membranaire des signaux d’activation.

Elles ont un caractère ubiquitaire puisqu’elles sont présentes dans une grande variété de types cellulaires.

Ces protéines transmembranaires interagissent avec divers récepteurs, spécifiques de stimuli ou d’antagonistes, dont elles « traduisent » le signal au travers des membranes plasmiques ou granulaires vers une enzyme située à la face interne de la membrane et qui provoque la synthèse ou la libération de seconds messagers.

De nombreuses autres activités enzymatiques (en particulier phosphatases et kinases) sont présentes au niveau de la membrane plaquettaire ou dans le cytosol.

* Granules :

+ Granules denses :

Les granules denses, de trois à 12 par plaquette (en moyenne six), d’un diamètre inférieur à celui des granules alpha (150 nm), présentent en leur centre, sous un volume variable, un coeur très dense en microscopie électronique (d’où leur dénomination).

Ils contiennent le pool des nucléotides acide adénosine diphosphate (ADP) et acide adénosine triphosphate (ATP), métaboliquement inerte et représentant 65 % de la teneur plaquettaire totale en nucléotides.

Les granules denses sont aussi le lieu de stockage de la sérotonine, à une concentration de 65 nM, incorporée de façon active contre un gradient de concentration pour atteindre une concentration mille fois supérieure à celle du plasma.

Enfin, ils contiennent 70 % de cations bivalents, essentiellement le calcium ionisé, à un niveau 100 fois supérieur à celui observé dans le reste de la plaquette, calcium non mobilisé lors de l’activation plaquettaire.

Ces constituants, nucléotides, pyrophosphates, calcium, sérotonine, fortement reliés par des forces intermoléculaires puissantes, forment des complexes très denses.

Par ailleurs, les granules denses sont riches en lysolécithine et ganglioside ; ils contiennent au niveau de leur membrane de petites protéines G : Ral et Rab27 ainsi que la granulophysine, et d’autres récepteurs : sélectine P, CD63, LAMP2 (présents également dans les granules alpha ou les lysosomes), la tyrosine kinase Src, les GP GPIb, aIIbb3 (présentes aussi sur la membrane plasmique).

+ Granules alpha :

De taille en moyenne deux fois supérieure à celle des granules denses (200-400 nm de diamètre), les granules alpha sont aussi plus nombreux : environ une centaine par plaquette.

En microscopie électronique, on peut identifier une zone très dense d’aspect nucléoïde contenant les protéoglycans et une matrice d’aspect moins dense.

Cette dernière peut être subdivisée en trois régions : une zone adjacente à la zone nucléoïde, une zone intermédiaire souvent associée au marquage des protéines plasmatiques, une zone plus étroite périphérique caractérisée par la présence de structures tubulaires et de grosses protéines : VWF, mutimérine, facteur V.

Les constituants empaquetés dans les granules alpha le sont, soit après synthèse au niveau des mégacaryocytes eux-mêmes, soit après endocytose à partir du compartiment plasmatique.

Dans ce dernier cas, l’endocytose peut être passive (cas de l’albumine, des Ig) ou active, via un récepteur membranaire spécifique et aboutissant, comme pour le fibrinogène via l’intégrine aIIbb3, à une concentration élevée.

Les granules alpha contiennent donc, de façon compartimentée, des protéines qui jouent un rôle important dans la coagulation, l’inflammation, la cicatrisation ou les relations cellulematrice.

Deux protéines sont spécifiques des plaquettes : bêtathromboglobuline (bTG) et facteur 4 plaquettaire (PF4) de même localisation que les protéoglycans.

Les granules alpha contiennent aussi des protéines adhésives comme le fibrinogène, la fibronectine, la thrombospondine localisées dans la zone intermédiaire.

Les facteurs mitogéniques sont présents : le facteur mitogénique plaquettaire (platelet derived growth factor [PDGF]), le transforming growth factor (TGF)-b, de nombreux facteurs angiogéniques…

Parmi les protéases ont été identifiés l’inhibiteur de l’activateur du plasminogène de type 1 (PAI-1), l’alpha protéase, l’inhibiteur du facteur tissulaire (TFPI), la protéase nexin 2 (forme tronquée du précurseur de la substance bêta-amyloïde impliquée dans la pathogénie de la maladie d’Alzheimer)…

Le composant majeur de la membrane des granules alpha est la sélectine P (ou GMP140) ou CD62.

À la face interne, on trouve aussi l’intégrine aIIbb3, la GPIV, le CD9, l’ostéonectine, la protéine platelet endothelial cell adhesion (PECAM), molécule inhibant la réactivité au collagène, les petites protéines G (Rap 1, rab4, rab6 et rab 8) qui ont un rôle important dans le phénomène de sécrétion.

+ Lysosomes :

Les lysosomes, de taille intermédiaire, entre les granules alpha et les granules denses, de même densité en microscopie électronique que les premiers, sont individualisables par cytochimie grâce à la présence de certaines enzymes telles la phosphatase acide ou l’arylsulfatase.

Ils contiennent de nombreuses autres enzymes : glycosidases, protéases, protéines cationiques à activité bactéricide.

Une collagénase et une élastase ont aussi été décrites.

La membrane contient principalement la lysosomal integral membrane proteine ou LIMP ou CD63, utilisé comme marqueur de cette cellule.

B - FACTEUR VON WILLEBRAND :

1- Données structurales :

Le VWF est une GP synthétisée par les cellules endothéliales vasculaires pour 70 % et par les mégacaryocytes pour 30 %.

Il est de ce fait présent dans le sang circulant, les plaquettes et les mégacaryocytes, l’endothélium et le sous-endothélium vasculaires.

Le gène du VWF, de grande taille, situé sur le chromosome 12 contient 178 kb et 52 exons.

Le gène de structure est responsable de la synthèse du pré-pro-Willebrand ou protéine précurseur qui contient quatre types de domaines répétés (A à D).

Le pré-pro- Willebrand contient 2 813 acides aminés.

La biosynthèse du pré-pro- Willebrand comporte plusieurs étapes : clivage du peptide signal, du propeptide, glycosylation, sulfation, pour aboutir à une sousunité mature de 2 050 acides aminés (soit 270 kDa) ou monomère du VWF, qui correspond à la partie C terminale du pré-pro- Willebrand.

Le VWF subit ensuite une dimérisation puis une multimérisation qui peut aller jusqu’à 100 fois la sous-unité de base, cette multimérisation étant nécessaire à sa fonction.

Sous cette forme, il peut être stocké dans les corps de Weibel-Palade de l’endothélium vasculaire ou dans les granules alpha des mégacaryocytes et des plaquettes avant d’être libéré.

La sous-unité basale contient deux boucles remarquables (grâce à la formation de ponts disulfures) dans les domaines A1 et A3, un important site de protéolyse dans le domaine A2 et une séquence RGD pouvant fixer les protéines adhésives dans le domaine C1.

Au cours de ces dernières années, plusieurs sites de fixation ont été rapportés qui expliquent la fonction du VWF. Ainsi, le site de liaison du facteur VIII coagulant ou antihémophilique A est situé dans le domaine D’.

Le site de fixation pour le collagène est situé dans les domaines A1 et A3, celui pour la GP Ib plaquettaire dans le domaine A1, celui pour la GPIIb/IIIa au niveau du domaine C1 (séquence RGD).

Enfin, deux sites de fixation pour l’héparine ont été décrits au niveau des domaines D1 et A1.

2- Rappel sur la fonction :

Le VWF a un double rôle.

Il a certes un rôle primordial au cours de l’hémostase primaire puisque aux fortes forces de cisaillement, il permet l’adhésion des plaquettes au sous-endothélium via la GP Ib plaquettaire.

Mais il a un rôle important aussi dans l’activation de la coagulation plasmatique puisque c’est la protéine transporteuse du facteur VIII coagulant ou antihémophilique A qui catalyse la vitesse de réaction de l’activation du facteur X par le facteur IX activé au sein de la micelle phospholipidique que constitue la membrane plaquettaire activée.

C - FIBRINOGÈNE :

Il s’agit d’une protéine soluble synthétisée par le foie, d’un poids moléculaire de 340 000 environ.

Il est formé de six chaînes polypeptidiques a, b et c, identiques deux à deux, réunies par plusieurs ponts disulfures.

C’est le substrat final de la coagulation : transformé en monomères de fibrine sous l’action de la thrombine qui détache les fibrinopeptides A et B des chaînes a et b, puis en fibrine proprement dite après polymérisation des monomères de fibrine.

La fibrine est stabilisée par le FXIII de la coagulation, activé sous l’action de la thrombine.

Le rôle du fibrinogène au cours de l’hémostase primaire est tout aussi important puisque c’est le cofacteur qui, par fixation à la membrane plaquettaire, permet, en présence de calcium (Ca++), la formation de ponts interplaquettaires définissant l’agrégat.

D - VAISSEAU :

Au point de vue de l’hémostase, le vaisseau peut être considéré comme formé de plusieurs couches de potentialité différente.

De l’intérieur vers l’extérieur, l’on distingue ainsi la couche des cellules endothéliales, le sous-endothélium, la média et l’adventice.

Les cellules endothéliales constituent une barrière thromborésistante grâce à la synthèse et à la sécrétion d’agents antiagrégants très puissants : l’ADPase (qui inactive l’ADP formé par les globules rouges et les cellules endothéliales elles-mêmes), la prostacycline et, de découverte plus récente, le monoxyde d’azote (NO).

Le sousendothélium, en revanche, est thrombogène : il contient le collagène non fibrillaire de type IV au niveau de la membrane basale et le collagène fibrillaire, essentiellement de type III, qui initie activation plaquettaire et coagulation.

Il existe aussi un réseau de microfibrilles constituées de thrombospondine et de collagène de type VI.

Plus profondément, la média est riche en cellules musculaires lisses qui participent aux phénomènes de vasoconstriction-dilatation sous l’influence du système nerveux autonome, et plusieurs types de collagène, III, V et I, ce dernier étant retrouvé également au niveau de l’adventice.

Principales étapes de l’hémostase primaire :

A - ÉTAPE D’ADHÉSION AU SOUS-ENDOTHÉLIUM :

Après lésion de l’endothélium vasculaire et interruption des mécanismes de thromborésistance, l’étape d’adhésion des plaquettes au sous-endothélium vasculaire est la première étape impliquée dans l’hémostase primaire, étape nécessaire au phénomène d’activation plaquettaire.

L’adhésion s’effectue via des interactions spécifiques entre les récepteurs plaquettaires et leurs ligands présents au niveau de certains constituants du sousendothélium, comme les collagènes ou les microfibrilles.

L’adhésion plaquettaire aux collagènes a été la mieux étudiée.

Ainsi, fait le plus anciennement établi, la GPIba plaquettaire, par l’intermédiaire de la fixation du VWF plasmatique, permet l’adhésion des plaquettes aux microfibrilles et, sous certaines conditions rhéologiques, correspondant à des taux de cisaillement élevés, aux collagènes (de types I et III).

Cette interaction correspond à la phase de ralentissement des plaquettes et peut déjà entraîner un certain degré d’activation.

La phase d’arrêt qui lui succède met en jeu la GPIa/IIa par liaison de cette intégrine à ses récepteurs spécifiques présents sur les collagènes de types I et III.

La liaison de la GPVI à des récepteurs spécifiques reconnaissant la structure quaternaire en tripe hélice des collagènes, quant à elle, induit la phase d’activation que nous détaillons ci-après.

GPIa/IIa et GPVI apparaissent donc comme les récepteurs principaux des plaquettes pour les collagènes fibrillaires (de types I et III), bien que leur ordre d’« entrée en scène » soit encore discuté.

La liaison de la GPIa/IIa pourrait favoriser celle de GPVI comme nous venons de le décrire, ou au contraire lui être consécutive.

Quoi qu’il en soit, GPIa/IIa et GPVI agissent en coopération. D’autres récepteurs des plaquettes interviennent également dans l’adhésion de celles-ci au collagène, plus spécifiques d’un type de collagène.

Ainsi, la GPIV reconnaît le collagène de type V, la p65 réagit avec le collagène de type I la p47 et le TIIICBP (p85/90) avec le collagène de type III.

Les structures peptidiques du collagène de types I ou III impliquées dans les réactions avec ces différents récepteurs sont bien établies : séquence gly-pro-Hyp pour la GPVI, un nonapeptide pour le récepteur p65 ou un octapeptide pour le récepteur TIIICBP.

La coopération optimale de ces différents récepteurs permet l’adhésion des plaquettes au sous-endothélium conditionnant leur activation.

À noter qu’à de très forts taux de cisaillement, comme on peut l’observer au niveau des lésions vasculaires d’athérosclérose évoluée, la GPIb par elle-même, après liaison au VWF très polymérisé, est capable d’induire une signalisation qui aboutit à l’activation du complexe GpIIb-IIIa et à la fixation du VWF et du fibrinogène à ce complexe, sans l’intervention d’autres stimuli (par exemple le collagène).

Si les mécanismes intimes de la signalisation induite par la GPIb sont encore peu connus, l’interaction de celle-ci avec le cytosquelette via la filamine et le retentissement sur le degré de polymérisation de l’actine semblent importants.

B - ÉTAPE D’ACTIVATION :

Cette étape d’activation est marquée par l’importance des modifications morphologiques et des réactions biochimiques.

Les plaquettes vont réagir avec les stimuli principaux que sont la thrombine (formée des l’initiation de la coagulation plasmatique), l’ADP (issu des cellules endothéliales vasculaires lésées ou des globules rouges), le collagène (comme nous l’avons précédemment mentionné) et parfois l’adrénaline, par l’intermédiaire de récepteurs spécifiques.

Cette interaction permet une transduction du signal qui aboutit globalement à une augmentation de la concentration du Ca++ intracytoplasmique.

Au plan morphologique, le changement de forme des plaquettes, qui de discoïdes deviennent sphériques, et l’émission de pseudopodes vont dès lors être possibles, tandis qu’au plan biochimique, c’est la synthèse des prostaglandines (PGE), modulateurs de la signalisation plaquettaire, qui est observée.

En outre, les mécanismes de transduction du signal dits inside-out (du récepteur spécifique aux effecteurs) vont permettre la sécrétion granulaire venant moduler encore l’activation des plaquettes, et finalement, grâce au changement de conformation du complexe GPIIb/IIIa, l’agrégation des plaquettes entre elles.

1- Interaction des plaquettes avec les principaux stimuli :

* Réactivité à la thrombine :

La thrombine est formée à partir de la prothrombine par protéolyse due au facteur X activé, au sein d’une micelle phospholipidique que constitue la membrane des plaquettes qui ont adhéré au sousendothélium.

C’est une sérine estérase qui se lie à son récepteur protease activated receptor (PAR)-1, récepteur à sept domaines transmembranaires, et qui clive celui-ci à son extrémité N-terminale ; après l’émission d’un petit peptide dont le rôle est inconnu, un récepteur cryptique au niveau de PAR-1 est démasqué qui induit une transduction du signal indépendamment dès lors de la thrombine ou de toute protéolyse.

Un autre récepteur PAR-4 est aussi présent sur les plaquettes, agissant en coopération avec PAR-1 (et mis en jeu dans un second temps de façon plus prolongée lorsque la concentration de la Ca++ intracytoplasmique est plus importante).

Les récepteurs de type PAR sont couplés à une protéine G de type Gq dont l’activation entraîne celle des phospholipases Cb2/3, qui hydrolysent les phosphatidylinositides membranaires pour former l’inositol triphosphate, ou IP3, second messager, et le diacylglycérol.

Ce dernier composé va activer la protéine kinase C calmodulinedépendante qui permet la phosphorylation au niveau des résidus sérine-thréonine de la chaîne légère de la myosine (20 kDa, régulant les mouvements de l’actine liés à la myosine) et celle de la pleckstrine (47 kDa).

Ces réactions semblent impliquées dans le changement de forme des plaquettes et dans les phénomènes de sécrétion granulaire.

IP3, quant à lui, favorise l’efflux de calcium Ca++ hors des vésicules de stockage du système tubulaire dense vers le cytoplasme.

L’augmentation de la concentration de Ca++ intracytoplasmique va entraîner plusieurs événements :

– activation de la P38 mitogen activated proteine kinase (MAP-kinase), favorisant elle-même l’activation de la phospholipase A2 à l’origine de la synthèse des PGE ;

– induction d’un changement conformationnel du complexe GPIIb/IIIa permettant la fixation du fibrinogène et la formation des agrégats plaquettaires.

Mentionnons enfin que le complexe GPIb-IX-V, impliqué dans l’adhésion des plaquettes au VWF, se comporte aussi comme un récepteur de haute affinité pour la thrombine.

Ainsi, la fixation de la thrombine à des sites spécifiques situés sur GPIba est-elle possible après le clivage de la GPV par la thrombine.

Toutefois, la signalisation ainsi induite via GPIba-IX, l’interaction éventuelle avec les récepteurs de type PAR et la contribution de chacun de ces récepteurs à l’activation plaquettaire induite par la thrombine sont autant de points qui doivent être précisés par les études futures.

* Réactivité à l’ADP :

L’ADP est un inducteur faible de l’agrégation plaquettaire puisqu’il induit une agrégation des plaquettes réversible, qui devient irréversible grâce à l’amplification par la synthèse de thromboxane A2.

L’ADP relargué par les granules denses après activation des plaquettes vient potentialiser l’action d’autres inducteurs comme la thrombine.

L’ADP réagit avec les récepteurs P2 (pour purinergiques), soit de type P2Y, soit de type P2X.

Les récepteurs de type P2Y, d’un poids moléculaire compris entre 40 et 50 kD après glycosylation, sont des récepteurs à sept domaines transmembranaires couplés à une protéine G.

Les récepteurs de type P2X, de 379 à 595 acides aminés ont deux domaines transmembranaires et favorisent les échanges d’ions sodium (Na+), potassium (K+) et Ca++ au niveau de canaux ioniques.

Au niveau plaquettaire, l’on distingue les récepteurs P2Y1, P2Y12, P2X1.

La fixation de l’ADP aux récepteurs de type P2Y1 conduit à l’activation de la phospholipase C médiée par une Gq protéine.

Il s’ensuit la formation de IP3 et par ailleurs de diacylglycérol comme nous l’avons décrit plus haut après stimulation par la thrombine.

Finalement, l’on note une augmentation transitoire de la concentration intracellulaire du Ca++, un changement de forme et une agrégation.

Toutefois, une réponse complète des plaquettes à l’ADP requiert également la fixation de ce composé aux récepteurs de type P2Y12, fixation responsable d’une inactivation de l’adénylcyclase avec diminution de la concentration de l’acide adénosine monophosphorique (AMP) cyclique via une protéine Gi.

Ainsi, après stimulation par l’ADP, P2Y1 semble avoir un rôle dans l’initiation de l’activation plaquettaire, tandis que P2Y12 serait impliqué pour une réactivité plus durable ; P2Y12 médie aussi la potentialisation de l’agrégation induite par l’ADP sécrétée à partir des granules denses sous l’action d’autres inducteurs comme la thrombine.

Enfin, les plaquettes contiennent les récepteurs de type P2X1 qui seraient impliqués dans l’influx rapide du Ca++ au travers de la membrane plasmique après exposition à l’ADP.

* Réactivité au collagène :

L’activation des plaquettes induite par le collagène survient après leur adhésion par l’intermédiaire des complexes GPIb/IX/V, GPIa/IIa puis par l’intermédiaire de la GPVI comme nous l’avons détaillé précédemment.

Dès lors, la GPVI liée de façon non covalente à la chaîne c du récepteur FcR (et cette liaison est nécessaire à sa fonction) induit la phosphorylation de celui-ci, et celle-ci de la tyrosine kinase Syk, qui régule celle de la phospholipase Cc2.

Plus récemment, la phosphorylation d’autres tyrosine kinases, telles que P125 Fak ou Fyn et Lyn de la famille des Src kinases a été rapportée.

L’activation de PlCc2, comme celle de PlCb2/3, induit la formation de IP3 et de diacylglycérol comme nous l’avons décrit plus haut en réponse à la thrombine ou à l’ADP.

2- Synthèse des prostaglandines plaquettaires :

Elle apparaît également lors de cette phase d’activation.

En effet, l’augmentation de la concentration intracytoplasmique du Ca++ induit l’activation de la phospholipase A2 qui libère l’acide arachidonique à partir des phospholipides membranaires.

Sous l’effet d’une cyclo-oxygénase (dite de type 1), celui-ci est transformé en endoperoxydes PGG2 et PGH2 instables puis, grâce à la thromboxane synthétase, en thromboxane A2 libéré par la plaquette.

Le thromboxane A2 se fixe rapidement à son récepteur spécifique, (dont il existe deux isoformes), récepteur ayant sept domaines intramembranaires et relié à une protéine G.

Cette fixation vient de nouveau amplifier l’étape d’activation plaquettaire. Le thromboxane A2 apparaît ainsi comme un des agents proagrégants les plus puissants.

À partir des endoperoxydes, sous l’effet d’isomérases, sont synthétisées également les PGE suivantes : la PGE2 d’action proagrégante, la PGD2 d’action antiagrégante, la PGF2a dont l’effet est variable selon sa concentration. Aucun de ces composés n’est stocké dans la cellule.

Très actifs, ils sont rapidement inactivés par réaction enzymatique.

Le thromboxane A2, par exemple, est quasi instantanément transformé par hydrolyse en thromboxane B2 inactif, puis éliminé par voie urinaire sous forme de métabolites 2-3 dinorthromboxane B2 et 11 déshydrothromboxane B2 principalement.

3- Mise en jeu des protéines kinases et protéines phosphatases :

Une mise en jeu coordonnée et intégrée de différentes protéines kinases (qui favorisent la phosphorylation) et protéines phosphatases (qui au contraire entraînent une déphosphorylation) est impérative pour permettre une activation plaquettaire adaptée, intriquée avec les phénomènes de sécrétion et d’agrégation.

La phosphorylation des protéines peut se produire au niveau des résidus sérine-thréonine par des sérine-thréonine kinases, ou bien au niveau de résidus tyrosine par des tyrosine kinases.

Parmi les sérine-thréonines kinases impliquées fortement dans l’activation des plaquettes, mentionnons de nouveau le rôle de la protéine kinase C qui entraîne la phosphorylation et l’activation de la chaîne légère de la myosine (20 kDa).

Les tyrosines kinases interviennent de façon concertée et séquentielle à plusieurs niveaux de l’activation plaquettaire.

Lors de la phase très précoce de celle-ci, qui fait immédiatement suite à l’interaction avec un stimulus, l’on note une phosphorylation au niveau des tyrosines d’un doublet de 77-80 kDa, identifié comme correspondant à la cortactine, protéine du cytosquelette, dont la phosphorylation semble parallèle au changement de forme et à l’émission des pseudopodes.

Par ailleurs, l’interaction des plaquettes avec un stimulus puissant comme la thrombine ou le collagène induit plusieurs vagues de tyrosinephosphorylations (dont la dernière dépend de l’agrégation ellemême).

L’on note la phosphorylation et la translocation de plusieurs tyrosine kinases : tyrosine kinases de la famille Src (60 kDa), Syk kinase (72 kDa), Fak kinase (125 kDa).

Par ailleurs, la stimulation des plaquettes induit la phosphorylation de la MAP kinase et de sa voie d’activation dans laquelle sont impliquées de petites protéines G (telle la protéine ras).

La stimulation de cette MAP kinase précède celle d’autres extracellular signal regulated kinases ou ERK kinases qui seraient impliquées dans la liaison du fibrinogène aux plaquettes.

Celle-ci d’ailleurs, par elle-même, induit l’activation d’une phospho-inositide 3 kinase responsable de la phosphorylation de inositol phospholipides et de l’apparition de seconds messagers phosphorylés qui permettraient de stabiliser la fixation du fibrinogène aux plaquettes.

En outre, après cette fixation, l’intégrine aIIbb3 se comporte elle-même comme un récepteur capable d’induire une transduction du signal de type outside-in avec phosphorylation des protéines Syk et Fak, amplification de la mobilisation du Ca++, activation de la calpaïne et intensification de la réorganisation du cytosquelette.

De découverte plus récente, l’action de sérine-thréonine protéines phosphatases (PP) ou de protéines tyrosines phosphatases (PTP) n’en doit pas moins être soulignée.

Le niveau de phosphorylation en sérine-thréonine régule la possibilité de stimulation plaquettaire.

Ainsi, à l’état de repos, les études avec l’acide okaïdique, qui inhibe spécifiquement les sérine-thréonine phosphatases, ont montré qu’au moins cinq kinases actives étaient constamment déprimées par ce type de phosphatases.

L’inhibition de tyrosine kinases serait consécutive à celle des sérine-thréonine kinases.

Le niveau de phosphorylation-déphosphorylation d’un substrat de 50 kDa aurait un rôle régulateur de ce phénomène.

Les protéines tyrosine phosphatases, quant à elles, auraient un rôle clé dans le niveau de régulation des tyrosine phosphorylations.

Dans les plaquettes, au moins cinq tyrosines phosphatases de localisation cytosolique ont été à ce jour identifiées.

Nous citons par exemple PTP 1B qui interviendrait après fixation du fibrinogène aux plaquettes, ou SHP-1 dont le rôle au niveau de celles-ci a été le plus étudié.

La phosphorylation en sérine et tyrosine de SHP-1 après stimulation par la thrombine est un événement très précoce, apparaissant dès la dixième seconde, suivi par sa translocation au niveau du cytosquelette.

En résumé, une sérine-thréonine déphosphorylation est absolument nécessaire pour que les plaquettes soient activées, tandis qu’une activité tyrosine phosphatase est essentielle pour que ces cellules évitent une activation (si non nécessaire) ou reviennent à l’état de repos.

C - ÉTAPE DE SÉCRÉTION :

Cette étape peut survenir en l’absence de Ca++ extracellulaire : elle met en jeu de façon extrêmement rapide successivement les granules denses puis les granules alpha et les lysosomes.

Aussi, après l’étape d’activation, la mobilisation du Ca++ et l’intervention de GTP-ases protéines spécifiques des granules permettent-elles, grâce à la contraction du cytosquelette, la mobilisation et la centralisation des granules qui viennent en contact avec les invaginations de la membrane du SCCS.

L’apposition des membranes granulaires et des membranes plasmiques est permise grâce à la reconnaissance par des marqueurs spécifiques granulaires de leurs récepteurs complémentaires au niveau des membranes plasmiques.

Le processus de fusion membranaire proprement dit met en jeu :

– des protéines cytosoliques telles la protéine N-éthylmaléimidesensible (NFS) à activité ATPase fournissant l’énergie nécessaire ;

– d’autres protéines solubles dites SNAPS associées à ces protéines NFS ;

– des récepteurs reconnaissant ces complexes SNAP-NFS, récepteurs présents d’une part sur les vésicules granulaires dits v-SNARES, et de façon complémentaire sur les membranes plasmiques dits t-SNARES (t pour target [cible]).

Des v-SNARES ont été identifiés sur les granules alpha et sur les granules denses (où il s’agirait de la granulophysine elle-même).

Parmi les t-SNARES identifiés dans les plaquettes, la syntaxine 2 est la cible des granules denses et des lysosomes, la syntaxine 4 celle des granules alpha et des lysosomes.

D’autres facteurs accessoires peuvent faciliter le processus de fusion comme la SNAP-23 (utilisée par tous les types de granules) et la protéine Sec 1 plaquettaire (PSP).

Des complexes hétérométriques sont aussi formés comprenant une t-SNARE, la SNAP-23 et une syntaxine.

L’activation de la protéine kinase C entraîne la phosphorylation de diverses protéines dont certaines syntaxines, certaines SNAP, et la PSP qui contrôle l’assemblage-désassemblage des complexes mentionnés plus haut.

En dernier lieu, la fusion proprement dite est possible grâce à la stimulation des enzymes NFS (à activité ATPase) et entraîne le déversement des constituants intragranulaires vers l’extérieur, au sein du thrombus en voie de formation, avec, pour certains, fixation sélective à la membrane des plaquettes (thrombospondine et sélectine P provenant des granules alpha, CD63 provenant des lysosomes, GPIV et aIIbb3 provenant essentiellement de la membrane des granules alpha).

L’étape de sécrétion est alors terminée.

D - ÉTAPE D’AGRÉGATION :

Concomitamment aux étapes d’activation et de sécrétion plaquettaires, dont nous avons déjà souligné la complexité, l’étape d’agrégation se produit, favorisée là encore par l’augmentation de la concentration du Ca++ intracytoplasmique, qui induit un changement de conformation du complexe aIIbb3.

L’activation de ce complexe est liée à la phosphorylation par la protéine kinase C de résidus sérine ou thréonine du domaine intracytoplasmique de b3 permettant l’exposition d’un site récepteur ligand binding pocket pour le fibrinogène.

Le cas d’un patient présentant une mutation Ser752- Pro affectant ce domaine intracytoplasmique de b3 et entraînant la perte de la capacité de fixer le fibrinogène, par défaut de signalisation inside-out illustre parfaitement ce point.

Le fibrinogène se fixe par sa chaîne alpha qui présente à deux reprises des séquences de type RGD (au niveau des acides aminés 98-27 et 572- 574).

Quoique avec une affinité moindre, d’autres protéines adhésives comme le VWF, la fibronectine, la vitronectine, qui possèdent aussi une ou plusieurs séquences d’acides aminés de type RGD peuvent se lier comme le fibrinogène à b3 au niveau d’un domaine localisé entre les acides aminés 109 et 171.

Le fibrinogène, quant à lui, possède également une séquence de 12 acides aminés constituant la partie C terminale de sa chaîne c, qui peut se lier au domaine localisé entre les acides aminés 294 et 314 de la chaîne aIIb.

Une structure normale du complexe aIIbb3 où les chaînes sont reliées par des ponts calciques est nécessaire à la fixation du fibrinogène comme l’illustre l’absence de fixation de ce ligand chez les patients présentant une mutation au niveau de l’arginine 214 de la chaîne b3 qui diminue fortement la liaison intercaténaire Ca++-dépendante et qui entraîne une instabilité du complexe.

La création de ponts interplaquettaires, médiés par le fibrinogène et le Ca++ extracellulaire, définissant l’agrégat plaquettaire, se trouve facilitée par quatre phénomènes :

– multiplicité des sites de fixation du fibrinogène présents sur aIIb et sur b3 ;

– clustérisation des récepteurs aIIbb3 après fixation de leur ligand ;

– consolidation de cette fixation par celle d’une protéine adhésive, la thrombospondine, sécrétée à partir des granules alpha ;

– amplification de l’activation plaquettaire par les mécanismes de signalisation médiés par aIIbb3 (dits outside/in), comme nous l’avons déjà mentionné.

Par ailleurs, la fixation du fibrinogène va entraîner celle de protéines qui interagissent avec les domaines intracytoplasmiques d’intégrines : la calréticuline et la b3 endonexine interagissent avec b3, la calcium and integrin binding proteine réagit avec aIIb.

Ces protéines représentent des régulateurs possibles de l’état d’affinité du complexe aIIbb3.

Il y a dès lors association possible avec le cytosquelette par l’intermédiaire de la taline et transport possible vers les canaux du système canaliculaire connecté à la surface (SCCS).

Or, par ailleurs, le fibrinogène plasmatique est capté de manière continue par un processus d’endocytose au niveau des plaquettes pour être transporté vers les granules alpha où il est stocké : cette incorporation se fait par la voie des complexes aIIbb3 et par d’autres vésicules d’endocytose.

Après action d’un stimulus puissant comme la thrombine, la sécrétion du fibrinogène endogène et celle de la sélectine P à partir des granules alpha est observée avec translocation rapide des complexes aIIbb3-fibrinogène et de la sélectine P de l’intérieur vers l’extérieur de la plaquette, venant renforcer respectivement les interactions plaquettes-plaquettes d’une part, plaquettes-leucocytes d’autre part.

Ce routage bidirectionnel des complexes aIIbb3-fibrinogène au sein même du SCCS vient moduler la contractilité et l’agrégabilité plaquettaire.

Intrication de l’hémostase primaire et de la coagulation plasmatique :

A - FONCTION PROCOAGULANTE DES PLAQUETTES :

Lors de l’activation plaquettaire, après exposition des plaquettes au collagène et/ou fixation du F XI, un changement de distribution des phospholipides membranaires se produit avec exposition de la phosphatidylsérine de la face interne à la face externe de la membrane plasmique, sous l’effet possible d’une enzyme encore hypothétique, la translocase.

La membrane plaquettaire constitue alors une micelle phospholipidique propice à la fixation et à l’activation de certains facteurs de la coagulation.

Successivement sont activés le facteur X grâce à l’action protéolytique du facteur IX activé, en présence du facteur VIII catalyseur et de Ca++ (complexe d’activation du F X ou tenase), puis le facteur II après action protéolytique du facteur X activé en présence du facteur V catalyseur et de Ca++ (complexe d’activation du F II ou prothrombinase). Les GP principales des plaquettes sont impliquées dans cette étape : la GPIb constitue un site de fixation pour le F XII et est indispensable à la fixation de F XI, la GPIIIa facilite la fixation de F II ou prothrombine.

B - RELATION AVEC LA FIBRINE :

La génération de thrombine autour de l’agrégat plaquettaire transforme le fibrinogène en fibrine.

Après fixation de celle-ci aux plaquettes, le phénomène de rétraction du caillot se produit.

Le complexe aIIbb3 est un des sites récepteurs nécessaires à la fixation de la fibrine puisque la rétraction du caillot est nulle en cas de thrombasthénie de Glanzmann caractérisée par l’absence totale de ce complexe aIIbb3.

Mais d’autres intégrines peuvent aussi fixer la fibrine comme avb3 ou b1, voire la GP IV.

Les mécanismes biochimiques précis impliqués dans cette étape sont encore mal connus.

Conclusion :

À l’heure actuelle, la connaissance des processus impliqués au cours de l’hémostase primaire est extrêmement précise au plan biochimique, voire moléculaire.

Elle facilite le diagnostic de maints désordres constitutionnels dus à une atteinte d’une ou plusieurs des étapes que nous avons décrites.

La prise en charge thérapeutique s’en trouve plus adaptée, tandis que dans certains cas, un diagnostic anténatal peut même être proposé.

Au cours de certaines thrombopathies gravissimes, des espoirs de thérapie génique sont permis.

Néanmoins, un certain nombre de thrombopathies échappent encore à un diagnostic biochimique précis, justifiant la poursuite des études au plan physiologique, voire physiopathogénique.

Inversement, c’est l’analyse de telles thrombopathies qui peut permettre l’avènement de progrès considérables dans la compréhension de la physiologie plaquettaire.

Au plan pharmacologique, la connaissance approfondie des différentes étapes de l’hémostase primaire a permis le développement de plusieurs classes de nouveaux agents antithrombotiques, à l’origine d’avancées thérapeutiques considérables dans le domaine des maladies thrombotiques et/ou liées à l’athérosclérose.

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