Photocoagulation de l’oedème maculaire diabétique
Cours d'Ophtalmologie
Introduction
:
L’oedème maculaire atteint environ 10 % des patients
diabétiques.
C’est la principale cause de malvoyance chez les
patients diabétiques.
L’oedème maculaire se définit comme un
épaississement de la région maculaire lié à l’accumulation de
liquide extracellulaire dans la rétine, secondaire à une diffusion
anormale de constituants plasmatiques par rupture de la barrière
hématorétinienne interne.
La prévalence de l’oedème maculaire est essentiellement liée à la
durée du diabète : dans le diabète à début précoce (diabète de
type 1) elle est de 20 % après 20 ans de diabète.
Dans le diabète de
type 2, la prévalence est de 28 % après 20 ans d’évolution du
diabète.
L’oedème maculaire est plus fréquent chez les diabétiques
traités par insuline (15 %) que chez les diabétiques traités par
hypoglycémiants oraux (4 %).
Trois facteurs de risque du développement d’un oedème maculaire
ont été identifiés : taux élevé d’hémoglobine glyquée, longue
durée du diabète et rétinopathie diabétique sévère.
Par ailleurs, l’United Kingdom Prospective Diabetes Study
(UKPDS) a montré le rôle important de l’hypertension artérielle
sur la progression de la rétinopathie diabétique et sur l’incidence de
l’oedème maculaire.
Dans cette étude, un contrôle strict de la
pression artérielle a permis de réduire de 34 % la progression de la
rétinopathie diabétique et de 47 % la baisse visuelle à 9 ans
essentiellement grâce à la réduction de l’incidence de l’oedème maculaire.
Cela souligne l’importance de l’équilibration des facteurs
métaboliques et généraux qui doit toujours être associée au
traitement par laser de l’oedème maculaire.
Classification de la maculopathie
diabétique
:
L’oedème maculaire est défini par un épaississement rétinien observé
à l’examen biomicroscopique du fond d’oeil, dans la région
maculaire.
Lorsqu’il est modéré, l’épaississement peut être difficile à
diagnostiquer : on peut s’aider de verres de contact qui permettent
d’observer la région maculaire avec un excellent effet stéréoscopique
(verre Centralis Directt de Volk).
Enfin, l’examen de photographies
couleurs stéréoscopiques de la macula peut aider à préciser
l’extension de l’oedème maculaire et sa localisation par rapport au
centre de la macula.
L’angiographie en fluorescence permet de
visualiser les diffusions de colorant dans la rétine à partir de la paroi
des capillaires rétiniens altérés, mais ne suffit pas à elle seule à
diagnostiquer un oedème maculaire.
Jusqu’à maintenant, la quantification précise de l’épaississement
rétinien était difficile.
En effet, l’estimation biomicroscopique de
l’épaisseur rétinienne est subjective et peu sensible.
Des méthodes non invasives ont été récemment développées pour
mesurer l’épaisseur comme le retinal thickness analyser (RTA) et
l’optical coherence tomography (OCT).
L’oedème maculaire peut être associé aussi bien aux formes non
proliférantes que proliférantes de rétinopathie diabétique.
Il
nécessite donc une classification à part.
Plusieurs classifications de la maculopathie ont été proposées.
Les deux classifications les plus utilisées sont celles de Bresnick
et la classification de l’Early Treatment Diabetic Retinopathy Study
(ETDRS) qui est la classification de référence pour les études
cliniques.
A - CLASSIFICATION DE BRESNICK :
L’oedème maculaire focal ou localisé est secondaire à
une diffusion focale à partir d’un ou de plusieurs microanévrismes
ou d’anomalies microvasculaires intrarétiniennes (AMIR).
Il est le
plus souvent associé à des exsudats organisés en « couronne » autour des microanévrismes dont ils sont issus (exsudats circinés).
Les exsudats ont tendance à s’accumuler près de la fovéola.
Lorsqu’ils s’accumulent dans une fovéola oedémateuse, ils peuvent
réaliser un placard exsudatif fovéolaire de pronostic visuel
défavorable.
L’oedème maculaire diffus de la région centrale est secondaire à une
hyperperméabilité étendue de tout le lit capillaire maculaire.
Il peut
avoir un aspect non cystoïde ou être organisé en « logettes »
cystoïdes.
Biomicroscopiquement, l’oedème maculaire non
cystoïde se traduit par un épaississement rétinien maculaire étendu.
En angiographie, il existe une diffusion de fluorescéine à partir des
capillaires maculaires dans le tissu rétinien.
L’oedème maculaire
cystoïde se traduit par un épaississement de la rétine maculaire
auquel s’ajoutent un aspect de logettes intrarétiniennes bien visibles
en fente lumineuse et, sur l’angiographie, une accumulation de
colorant dans les logettes aux temps tardifs.
B - CLASSIFICATION DE L’ETDRS :
L’ETDRS a défini l’oedème maculaire comme tout épaississement
rétinien touchant la région maculaire détectable à l’examen
biomicroscopique du fond d’oeil ou sur des clichés couleur
stéréoscopiques du fond d’oeil.
L’oedème maculaire cliniquement significatif est un stade de gravité pour lequel il faut envisager un
traitement par laser.
Il est défini par l’un des trois critères suivants :
– épaississent rétinien et/ou exsudats atteignant le centre de la
macula ;
– épaississement rétinien et/ou exsudats situés à moins de 500 μm
du centre de la macula mais ne l’atteignant pas ;
– épaississement rétinien ayant une surface de 1 diamètre papillaire
(DP) ou plus, situé, au moins en partie à moins de 1 DP du centre
de la macula.
Traitement par photocoagulation
:
L’effet bénéfique du traitement par laser de l’oedème maculaire est
prouvé par de nombreuses études.
La principale étude
est celle de l’ETDRS.
Elle à été menée sur 2 244 yeux ayant une
rétinopathie diabétique non proliférante débutante à modérée,
associée à un oedème maculaire et une acuité visuelle supérieure ou
égale à 2/10.
L’oedème maculaire était défini par un épaississement
rétinien situé à moins de 1 DP du centre de la macula.
Dans un
premier groupe, un traitement par laser a été institué, les lésions à
traiter étant préalablement repérées par une angiographie.
Dans le
second groupe, une surveillance sans traitement de l’oedème maculaire a été réalisée.
Le traitement par laser a consisté en une photocoagulation focale des points de diffusions localisées, associée
à une photocoagulation en « quinconce » des zones de diffusions
étendues et des zones de non-perfusion capillaire.
Seules ont été
traitées initialement les lésions situées à 500 μm ou plus du centre
de la macula.
Dans un second temps, si l’oedème maculaire ne
régressait pas, les lésions situées entre 300 et 500 μm du centre de la
macula étaient traitées si l’acuité visuelle était inférieure à 5/10.
Le
traitement par photocoagulation a permis d’obtenir une réduction de la baisse d’acuité visuelle des yeux traités par rapport au yeux
non traités : à 3 ans, seulement 12 % des yeux traités présentaient
une baisse d’acuité visuelle significative contre 24 % des yeux non
traités.
L’effet bénéfique du traitement était d’autant plus notable
qu’il existait au départ un « oedème maculaire cliniquement
significatif ».
Dans ce cas, l’effet de la photocoagulation était
manifeste dès le huitième mois.
En cas d’oedème maculaire moins
sévère, il n’y avait pas de différence dans l’évolution des yeux traités
et celle des yeux non traités avant la troisième année.
La photocoagulation est efficace pour ralentir la baisse d’acuité
visuelle liée à l’oedème maculaire, mais elle améliore rarement la
vision.
En l’absence d’oedème cliniquement significatif, le traitement
laser n’a pas d’indication.
A - TECHNIQUES DE PHOTOCOAGULATION :
Il existe deux techniques de photocoagulation de l’oedème
maculaire :
– la photocoagulation focale, traitement de l’oedème maculaire
focal :
– la photocoagulation en « quinconce », traitement de l’oedème
maculaire diffus.
1- Photocoagulation focale
:
Elle consiste à traiter les lésions focales responsables de l’oedème maculaire focal et à réaliser une photocoagulation en « quinconce »
sur cette zone d’oedème localisé.
Les anomalies microvasculaires
responsables de l’oedème focal sont le plus souvent situées en dehors
de 1 500 μm centraux de la macula.
Ces anomalies microvasculaires
sont photocoagulées au laser à argon vert (on parle alors de
photocoagulation focale extramaculaire).
Un à trois impacts de 50
ou 100 μm et de 0,10 s sont focalisés sur les anomalies
microvasculaires visibles au biomicroscope (microanévrismes,
AMIR), à la puissance la plus faible possible, tout juste suffisante
pour obtenir un impact visible.
Des impacts non confluents de
100 μm sont ensuite disposés en « quinconce » sur l’épithélium
pigmentaire de la zone focale de l’oedème.
Le traitement est réalisé en une seule session et le contrôle clinique
est réalisé 4 à 6 mois plus tard.
C’est en effet la durée nécessaire à la
résorption des exsudats. Une augmentation transitoire des exsudats
peut survenir dans les premières semaines suivant la photocoagulation, il s’agit
d’exsudats de résorption.
2- Photocoagulation en « quinconce »
:
C’est le traitement de l’oedème maculaire diffus.
Il consiste à
appliquer des impacts de laser non confluents sur toute la surface
de l’oedème.
Des impacts de 100 μm et de 0,10 s sont disposés en
« quinconce » sur toute la surface de l’oedème maculaire en
épargnant les 500 μm centraux de la zone avasculaire centrale.
L’intensité à utiliser doit être la plus faible possible, pour obtenir
des impacts crème à peine visibles.
L’argon vert est utilisé de
préférence au bleu-vert, le krypton est également efficace.
Un
contrôle est réalisé 4 mois après la photocoagulation.
B - INDICATIONS :
Il faut toujours mettre en balance les bénéfices que l’on attend du
traitement et les complications possibles de ce dernier, surtout
lorsque les lésions à traiter sont proches du centre de la macula.
Il
paraît prudent de ne pas traiter les lésions à moins de 750 μm du
centre de la macula (c’est-à-dire schématiquement à 0,5 DP), lorsque la
vision est supérieure ou égale à 5/10 P3.
1- OEdème maculaire focal
:
Il doit toujours être traité lorsqu’il est cliniquement significatif, c’est-à-dire lorsqu’il menace ou atteint le centre de la macula, même si l’acuité visuelle est normale.
En effet, le traitement est efficace :
l’oedème focal et les exsudats disparaissent dans 80 à 100 % des cas
(les récidives restent cependant fréquentes), et les lésions à traiter
sont le plus souvent extramaculaires.
Lorsque les lésions à traiter sont proches de la macula, l’acuité
visuelle doit être prise en compte.
2- OEdème maculaire diffus
:
Le traitement est plus difficile, avec des résultats variables.
Il repose
sur la photocoagulation en « quinconce » sur la surface de l’oedème.
Si l’oedème maculaire diffus persiste à deux examens successifs,
distants de 4 à 6 mois, malgré les efforts pour corriger les facteurs
généraux (équilibre glycémique, tension artérielle, fonction rénale),
une photocoagulation en « quinconce » peut être proposée :
– si l’acuité visuelle est supérieure ou égale à 5/10 P3, la photocoagulation en « quinconce » est extramaculaire, épargnant les
1 500 μm centraux de la macula, soit environ une surface papillaire ;
– si l’acuité visuelle est inférieure à 5/10 P3, une photocoagulation
en « quinconce » périfovéale à l’intérieur de la macula, épargnant
les 500 μm de la zone avasculaire centrale, est alors réalisée.
3- OEdème maculaire focal et oedème maculaire diffus
:
Un traitement en deux étapes est réalisé : dans un premiers temps, photocoagulation focale des anomalies vasculaires extramaculaires
sources de diffusion et en « quinconce » extramaculaires.
Si l’oedème maculaire diffus persiste et que l’acuité visuelle est inférieure à 5/10
et P3 4 à 6 mois plus tard, une photocoagulation en « quinconce »
périfovéale peut être envisagée.
C - COMPLICATIONS DE LA PHOTOCOAGULATION :
Des complications de la photocoagulation périfovéale ont été
décrites : scotomes paracentraux, impacts fovéolaires
accidentels, néovascularisation choroïdienne développée à partir
d’une cicatrice de photocoagulation.
Ces complications
peuvent être évitées par l’application d’impacts de faible intensité,
en évitant les temps d’exposition courts et les spots de trop petite
taille.
D’autres complications peuvent être observées, notamment
le développement d’une fibrose sous-maculaire à partir de
cicatrices de photocoagulation maculaire, de même que
l’extension progressive des cicatrices de photocoagulation dans la
fovéola.
Autres traitements
de la maculopathie diabétique
:
A - TRAITEMENT CHIRURGICAL :
Le vitré pourrait avoir un rôle dans la genèse de certains oedèmes maculaires : le décollement du vitré, plus fréquent et plus
précoce chez le diabétique, pourrait être à l’origine de certains
oedèmes par traction sur la macula.
Certains oedèmes maculaires
diffus résistant au traitement laser ont été traités par une vitrectomie
avec ablation d’une hyaloïde postérieure tendue ; les résultats
montraient une amélioration significative de l’oedème maculaire
dans 81,8 % des 45 yeux inclus dans l’étude.
B - TRAITEMENT PAR LASER DIODE :
Le laser diode, de par sa longueur d’onde (810 nm) est plus
spécifique de l’épithélium pigmentaire et provoque moins de lésions
des couches profondes de la rétine.
Il constitue ainsi une nouvelle approche possible dans le traitement de l’oedème maculaire du
diabétique et notamment de l’oedème maculaire diffus.
Moorman a traité 39 patients ayant un oedème maculaire diffus
au laser diode en appliquant un grid sur la surface de l’oedème et
sans traiter directement les microanévrismes.
Dans 57 % des cas,
l’oedème maculaire a disparu au bout de 6 mois, l’acuité visuelle
s’est maintenue dans 69 % des cas et s’est améliorée dans 11 % des
cas.
Akduman, dans une série de 50 yeux de 29 patients avec un
oedème maculaire diffus, a montré une diminution ou une
disparition de l’oedème maculaire dans 74 % des cas après un suivi
de 15 à 24 mois, mais après un à cinq traitements durant cette
période.
Le laser diode est efficace dans le traitement de l’oedème maculaire
diffus (diminution ou résolution de l’oedème), mais l’amélioration
est lente et nécessite souvent un ou plusieurs traitements.
Conclusion
:
L’oedème maculaire est fréquent chez le patient diabétique et reste un
problème thérapeutique.
Si le traitement de l’oedème maculaire repose
essentiellement sur la photocoagulation au laser, l’équilibration des
facteurs généraux (hypertension artérielle, déséquilibre glycémique
chronique, troubles cardiaques et rénaux) est indispensable pour obtenir
une amélioration de l’oedème maculaire diffus.
La photocoagulation laser permet de limiter la baisse visuelle liée à
l’oedème maculaire.
La photocoagulation extramaculaire permet le plus
souvent de faire disparaître les exsudats.
Pour ce qui est de l’oedème maculaire cystoïde (OMC), il faut se souvenir que la détérioration de
l’acuité visuelle est lente et qu’une amélioration spontanée est possible.
Lorsque la baisse de l’acuité visuelle est importante, une photocoagulation en « quinconce » permet le plus souvent de stabiliser
l’évolution.