Perte d'autonomie du sujet âgé Cours de santé publique
La perte d'autonomie des personnes âgées est un des
grands problèmes de santé publique liés au
vieillissement de la population.
Elle se définit comme la
perte du droit de se gouverner soi-même, de faire des
choix dans la vie, il s'agit donc d'une définition large
englobant la dépendance physique, psychique et des
aspects économiques et financiers.
Cette perte
d'autonomie touche les personnes âgées, en institution,
mais aussi résidant à leur domicile.
De plus, il existe
une volonté politique exprimée par la commission
Laroque pour donner aux personnes âgées en perte
d'autonomie les moyens de rester à leur domicile.
Dans ce contexte, il paraît important de déterminer les
causes de la perte d'autonomie des personnes âgées,
d'en évaluer la sévérité et ses conséquences au niveau
médical et social
Étiologie
:
Du fait de la polypathologie du sujet âgé et de
l'approche multifactorielle de la perte d'autonomie, uneclassification fondée
uniquement sur la classification par pathologie est apparue
insuffisante.
Ainsi
l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a proposé en 1980 une
classification distinguant les concepts de déficiences, d'incapacité
et de handicap.
1-
Définitions de l'OMS :
La déficience
correspond à toute perte ou altération d'une structure ou d'une
fonction anatomique, physiologique ou psychologique.
L'incapacité se
définit par une réduction de la capacité à effectuer une activité
d'une façon et dans les limites considérées comme normales pour un
être humain.
Elle est souvent
la conséquence d'une déficience.
Le handicap est
défini comme un désavantage pour un individu résultant d'une
déficience ou d'une incapacité qui limite ou interdit
l'accomplissement d'un rôle considéré comme normal pour un être
humain (compte tenu de l'âge, du sexe et des facteurs
socioculturels).
Schématiquement,
on peut décrire l'enchaînement des causes de la façon suivante :
2-
Différentes causes à l'origine de la perte d'autonomie :
Maladies : un
certain nombre de maladies touchent plus particulièrement les
personnes âgées et sont à l'origine de leur perte d'autonomie...
On peut citer
les affections dégénératives du système nerveux central (démence de
type Alzheimer, maladie de Parkinson...) ; la pathologie vasculaire
cérébrale (accident vasculaire cérébral, démence vasculaire,
coronarites...) ; la maladie dépressive et autres troubles
psychologiques les arthropathies et séquelles de fractures ; les
maladies de l'oeil (cataracte, glaucome) et de l'oreille.
Ces maladies
constituent les axes préférentiels des efforts thérapeutiques visant
à améliorer l'autonomie des personnes âgées.
Déficiences : la
classification de l'OMS considère 9 catégories de déficiences, dont
certaines voient leur fréquence s'élever chez le sujet âgé :
intellectuelles, dont la fréquence est évaluée entre 5 et 10 % de
formes graves chez les plus de 65 ans ; autres déficiences
psychologiques dont la dépression atteignant une fréquence de 10 %
chez les sujets âgés ; déficiences du langage et de l'audition dont
15 % de malentendants ; déficiences de la vision (0,5 à 1 % de
cécité) ; déficiences des fonctions viscérales : par exemple 4 à 5 %
d'insuffisance cardiaque ; déficiences esthétiques ; déficiences
multiples.
Chez le sujet
âgé, il est souvent difficile de différencier la déficience de
l'effet du vieillissement normal sur les différentes fonctions.
L'autre
difficulté réside dans la multiplicité des déficiences présentant
des interactions.
Incapacités
La
classification de l'OMS distingue les incapacités liées au
comportement (orientation, relations), liées à la communication
(langage, audition), liées aux soins personnels, à la déambulation,
aux activités de la vie quotidienne. l Handicaps ou désavantages
Il s'agit des
conséquences des incapacités et des déficiences tenant compte de
l'environnement et des normes de la société.
Wood avait
proposé certains rôles communs à tous les individus, pour classer
les handicaps.
Il distingue la
capacité : de s'orienter ; de pourvoir à ses besoins sur le plan
hygiène et nutrition ; de se mouvoir ; de s'occuper de façon normale
selon l'âge ; de maintenir des relations sociales ; d’ avoir une
activité socio-économique.
3- Conséquence pour la démarche diagnostique et
thérapeutique :
Devant un tableau de perte d'autonomie, la démarche médicale
doit essayer d'une part de décrire le mieux possible les
différents aspects de la dépendance, et d'autre part, effectuer
une recherche étiologique afin de retrouver les liens de
causalité entre les maladies et la dépendance constatée.
Cette recherche des causes est souvent difficile du fait de
leur intrication mais elle reste nécessaire avant d'entreprendre
une thérapeutique et fournir les aides adaptées.
L'objectif des structures sanitaires et sociales est donc d'essayer
de compenser les différentes incapacités et déficiences
pour prévenir les handicaps. Ainsi devant une déficience
gênant la montée des escaliers d'une personne
habitant au 4e étage, la mise en place d'un ascenseur, ou son
déménagement pourrait améliorer son handicap.
Cette procédure sera aidée par le recueil standardisé du
niveau de dépendance effectué grâce à des échelles d'évaluations.
Évaluation
:
L'évaluation de la perte d'autonomie est une nécessité pour
mieux analyser la sévérité, le retentissement de la dépendance,
ainsi que les besoins qu'elle entraîne.
Avant d'entreprendre
une procédure d'évaluation, il est bon de définir les
objectifs poursuivis afin de choisir les indicateurs adaptés et
fiables.
1- Ojectifs de l'évaluation de la perte d'autonomie
:
Il est nécessaire de distinguer les différents niveaux de l'évaluation,
l'individu, le groupe, ou les institutions.
Au niveau de l'individu, il s'agit de mieux apprécier le retentissement
des déficiences et d’adapter au mieux la prise en
charge médico-sociale, ou son orientation vers les structures
sanitaires et sociales adéquates.
Au niveau des groupes de personnes, il est possible de tester
les actions de prévention, ainsi que l'efficacité des différentes
thérapeutiques, médicamenteuses ou autres.
Au niveau des institutions, on peut essayer d'estimer la charge
de travail liée à la dépendance, les conséquences financières
et effectuer une planification des futures structures
sanitaires et sociales.
2- Instruments de mesure
:
Différents indicateurs : comme nous l'avons vu, l'autonomie
est un paramètre multidimensionnel, sa mesure
nécessite le recours à des indicateurs appelés échelles qui
comportent plusieurs rubriques explorant différentes
dimensions.
On distingue les échelles nominales comportant
plusieurs rubriques distinctes et les échelles ordinales
hiérarchisant la dépendance en fonction de sa sévérité et
aboutissant parfois à un score.
Qualités métrologiques des indicateurs de dépendance:
comme tout instrument de mesure, les indicateurs de mesure
de la dépendance doivent répondre aux critères de validité,
de fidélité et d'applicabilité.
- La validité : un indicateur est valide s'il mesure correctement
le processus étudié.
On distingue la validité de contenu
appréciant l'adéquation de l'instrument au domaine de
l'étude, et la validité sur critères mesurant la corrélation
entre les résultats donnés par l'échelle étudiée et un paramètre
de référence.
- La fidélité ou reproductibilité : un instrument est fidèle si
ses qualités sont conservées lorsque les mesures sont répétées
par plusieurs observateurs (fidélité interjuge) ou à des
moments différents (fidélité test et retest).
Il s'agit d'un critère
relativement important, en effet, on sait que la dépendance
du sujet âgé est souvent évaluée de façon différente par le
médecin, l'infirmier ou la famille.
- L'applicabilité : ce critère comporte la notion d'acceptabilité
par l'enquêteur et par la personne âgée.
Il faut
absolument tenir compte, lors de la passation des questionnaires,
de la fatigabilité et des déficiences que cette
personne âgée présente.
- Autres éléments de choix d’un indicateur : il est donc
important de déterminer avant toute évaluation les
objectifs de l'étude, la population concernée, la qualité
des observateurs et les moyens financiers dont on dispose.
Certaines échelles décrivent les actes réellement
effectués par la personne étudiée, d'autres la possibilité
de les réaliser.
Quelques exemples d'échelles de dépendance chez le
sujet âgé : il est impossible de donner une liste exhaustive
des différents instruments de mesure.
En effet,
comme l'ont montré un mémoire récent de l'École nationale
de santé publique et le livre de L.Israel, on peut
dénombrer actuellement plusieurs centaines d'indicateurs
de dépendance.
Nous nous limiterons à citer certains
indicateurs largement utilisés.
- L'échelle de Katz (1970) est l'une des plus anciennes et
décrit les activités de la vie quotidienne : toilette,
habillement, déplacement, alimentation, déplacement au WC, contrôle des sphincters.
- L'échelle de Lawton explore une série d'activités que
l'individu doit pouvoir effectuer à domicile : utilisation
du téléphone, faire les courses, les repas, la lessive, le
repassage, utiliser les transports, tenir son budget,
prendre ses médicaments.
- Le géronte est largement utilisé en institution et par les
services de soins à domicile.
Cette échelle associe une
évaluation des soins corporels, domestiques, les activités
corporelles, les fonctions sensorielles et intellectuelles.
- Le système de mesure de l'autonomie fonctionnelle
(SMAF) de Hebert dont la philosophie est proche de
celle du géronte.
Sa cotation doit être faite par une équipe
multidisciplinaire.
La durée de sa cotation est relativement
longue (30 min).
L'échelle Kuntzmann permet de déterminer la dépendance
des patients et les besoins de soins dans les institutions.
La grille AGGIR (autonomie gérontologique groupe
iso ressources) comporte 10 variables discriminantes : cohérence,
orientation, toilette, habillage, alimentation,
élimination urinaire et fécale, transferts, déplacement à l’intérieur,
déplacement à l’extérieur, communication à distance.
Chaque variable est cotée en 3 modalités selon ce que la
personne fait effectivement : fait seul, totalement, habituellement
et correctement ; fait partiellement ou non habituellement
ou non correctement ; ne fait pas.
Après analyse statistique, 6 groupes ont été déterminés dits
« iso ressources » correspondants à des personnes comparables
entre elles quant à leur perte d’autonomie et donc à
leurs besoins à satisfaire.
Ces groupes sont les suivants :
groupe 1 : personne ayant perdu toute autonomie ; groupe 2
comportant deux sous-groupes : les grabataires lucides, les
déments sévères ; groupe 3 : les patients n’assurant pas leur
hygiène ; groupe 4 comportant deux sous-groupes : patients
pouvant se déplacer mais n’assurant pas leur transfert,
patient devant être aidé ou stimulé pour les activités corporelles
; groupe 5 : les patients ayant besoin d’une aide ponctuelle
; groupe 6 : les patients autonomes.
Conséquences sur la prise en charge
médico-sociale :
1- Prise en charge médico-sociale à domicile
:
Objectifs de la prise en charge : dans le cadre de la prise
en charge de la personne âgée en perte d'autonomie, l'analyse
des besoins en fonction de la dépendance est nécessaire.
L'objectif est de permettre à la personne concernée de
mener la vie la meilleure possible compte tenu de son désir
de rester à son domicile.
Réponses à la perte d'autonomie : en fonction de la sévérité
de la dépendance certains services peuvent être mis en
place.
En cas de difficultés à se déplacer en dehors de son
domicile, l'aide ménagère, le portage des repas à domicile
seront utiles.
Si le patient est confiné au lit ou au fauteuil, le
service d'aide à domicile, une auxiliaire de vie, une kinésithérapie
seront peut-être nécessaires.
Dans de nombreux
cas, la prise en charge des personnes dépendantes nécessite
donc le déplacement à leur domicile des médecin, infirmier,
kinésithérapeute, pédicure pour assurer les soins.
Le service d'amélioration de l'habitat géré par un organisme
appelé PACT (Protection, amélioration, conservation et
transformation de l'habitat) se préoccupe d'adapter le domicile
de la personne âgée à son handicap : pose de barres
d'appui, modification des WC...
Prise en charge et relations familiales : le rôle de la
famille dans la prise en charge de la dépendance du grand
âge est capital car elle rompt l'isolement et constitue une
aide bénévole.
Mais il faut insister sur la complémentarité
entre la famille et les services médico-sociaux.
En effet, il
est important d'informer la famille sur les possibilités d'aide
à domicile et d'effectuer un soutien psychologique auprès de
ceux qui prennent en charge la personne dépendante.
2- Prise en charge médico-sociale en institution
:
L'orientation vers les institutions adaptées : toutes les
institutions ne sont pas équipées pour la prise en charge de
la perte d'autonomie quel qu'en soit le type.
Les foyers logements sont plutôt destinés aux personnes
isolées sans incapacité importante.
Les maisons de retraite sans section de cure médicale sont
plutôt orientées vers la prise en charge des personnes âgées
présentant des incapacités modérées à moyennes.
Les maisons de retraite avec section de cure médicale ou
les longs séjours sont adaptés aux incapacités lourdes.
Certaines structures telles que les Cantou sont plus particulièrement
adaptées à la prise en charge des déficiences
intellectuelles graves.
La prise en charge de la dépendance et organisation des
soins en institution : nécessite une équipe multidisciplinaire
comportant médecin, infirmier, aide-soignant, psychologue,
kinésithérapeute, ergothérapeute, pédicure, assistante
sociale.
La coordination de cette équipe est une nécessité
pour une bonne prise en charge et l'évaluation de la dépendance
doit se faire en collaboration avec l'ensemble des
intervenants.
L'évaluation de la dépendance peut aussi permettre de fixer
des objectifs de soins et d'essayer d'évaluer la charge de travail
dans les institutions.
3- Prise en charge financière de la dépendance
:
À domicile, un certain nombre d'aides et de subventions
sont destinées à compenser la perte d'autonomie :
- les services de soins à domicile sont pris en charge à 100 %
par la Sécurité sociale ;
- l'aide sociale peut comporter l'aide médicale à domicile,
l'allocation des services d'aide ménagère ;
- les auxiliaires de vie sont par contre à la charge de la personne
âgée.
Dans les institutions, le coût de l'hébergement peut être pris
en charge par la personne, la famille ou l'aide sociale (en
cas de convention avec l'aide sociale).
Le coût des soins est
théoriquement pris en charge par l'assurance maladie dans
le cadre d'un forfait soins.
Mais l’ensemble du processus du financement est en cours
de modification.
Depuis la loi du 24 janvier 1997, il est institué
une « Prestation spécifique dépendance» (PSD) destinée
aux personnes âgées qui ont besoin d’être aidées pour
l’accomplissement des actes de la vie, ou requièrent une
surveillance régulière.
La PSD est attribuée aux personnes âgées vivant à leur
domicile ou institutionnalisées dans un établissement social
ou médico-social, ou dans un service de soins de longue
durée. Son financement est assuré par les départements.
Le
degré de dépendance est apprécié par une équipe médicosociale
en utilisant la grille AGGIR.
Actuellement, les personnes
âgées ne peuvent bénéficier de la prestation que si
elles relèvent des 3 premiers groupes de la grille AGGIR,
ainsi qu’ils ont été décrits précédemment.
De plus, un plafond de ressources est fixé pour l’obtention
de cette prestation.
L’équipe médico-sociale doit se rendre à domicile pour évaluer
l’autonomie grâce à la grille AGGIR et élaborer un plan
d’aide afin de répondre aux besoins de la personne.
La PSD sera alors utilisée pour la rémunération du personnel
qui prend en charge la personne dépendante.
Il ne
s’agit plus d’une allocation versée directement à la personne.
Actuellement, les modalités d’attribution sont en cours de
révision car il a été constaté une grande variabilité du montant
de la prestation entre départements, en particulier en cas
d’attribution de la PSD en établissement.
De plus, une tarification
des établissements en fonction de la dépendance des
patients institutionnalisés est en cours de formalisation.
Par ailleurs, le financement des services de soins et de
réadaptation tiend compte du niveau de dépendance des
patients hospitalisés.
En effet, la médicalisation du système
d’information (MSI-SSR) mise en place comporte une évaluation
de la dépendance.
L’échelle intégrée dans le MSI-SSR compte 6 items : l’habillage,
le déplacement, l’alimentation, la continence, le
comportement, les relations et 4 niveaux de cotation sont
indiqués : indépendance complète ; 2. supervision ou arrangement
; 3. assistance partielle ; 4. assistance totale.
Mais à l’avenir, les modalités de financement de la dépendance
seront difficiles du fait de l'accroissement du nombre
des personnes en perte d'autonomie et des problèmes
actuels de l'assurance maladie.