Activité physique en pathologie vasculaire : indications et contre-indications

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Introduction :

À une époque où le vieillissement de la population devient un problème économique et de santé publique, les pratiques de santé qui peuvent offrir la possibilité de ralentir les conséquences de l’âge ou de certains phénomènes pathologiques sont attractives.

Le sport est un phénomène de société qui conduit de nombreuses personnes à désirer pratiquer puis à pratiquer un certain nombre d’activités physiques.

Au-delà du phénomène de mode, le sport ou tout autre activité physique trouve son intérêt dans l’entretien et l’amélioration du statut musculaire, articulaire, proprioceptif et de la tolérance à l’effort chez des personnes souffrant de problèmes vasculaires (artériels ou veineux).

Cependant, il convient d’adopter une attitude différenciée, en fonction de chaque cas, afin de déterminer si une activité physique libre est possible et dans quelle mesure elle peut être effectuée.

En cas de pathologie artérielle :

Activité physique en pathologie vasculaire

L’artériopathie des membres inférieurs est une affection vasculaire touchant surtout le sujet adulte d’âge mûr.

C’est une affection évolutive et handicapante par la menace qu’elle exerce sur l’autonomie fonctionnelle de l’individu.

L’incidence est de 0,5 % avant la cinquième décennie et de 4 % à la sixième décennie, alors que la prévalence élevée est estimée à 2,5 %.

Très rarement, elle peut atteindre le sujet jeune dans le cadre d’une thromboangéite oblitérante type Buerger (entre 20 et 30 ans), ou dans le cadre d’un athérome juvénile (à partir de 35 ans).

A – PHYSIOPATHOLOGIE :

Les lésions artérielles obstructives à l’origine des artériopathies chroniques des membres touchent préférentiellement un secteur vasculaire : vaisseau de gros calibre (artériosclérose, etc), de moyen calibre (hypertension artérielle, etc), lit artériolocapillaire distal (diabète, etc).

Le respect relatif de certains territoires offre des possibilités fonctionnelles diverses de compensation.

Ces obstructions ont pour conséquence commune la diminution des échanges au niveau des muscles sous-jacents, et pour expression l’ischémie particulièrement aggravée par l’effort.

Toute activité physique a pour but d’améliorer les différents paramètres concourant à l’oxygénation musculaire afin d’en augmenter le rendement.

Deux tissus, par le biais de leur circulation locale, constituent les utilisateurs presque exclusifs de l’apport sanguin des membres inférieurs : tout d’abord, le tissu musculaire qui doit faire face à l’accroissement considérable des besoins en oxygène lors de l’activité physique et doit permettre l’utilisation convenable de celui-ci ; ensuite, le tissu cutané participant à la thermorégulation qui doit entraîner l’évacuation de la chaleur générée par le tissu sous-jacent.

B – BUT DE L’ACTIVITÉ PHYSIQUE :

1- Action vasculaire :

* Utilisation de la circulation collatérale :

L’importante vasodilatation musculaire survenant à l’effort peut être mise à profit pour établir des voies de circulation collatérales assurant la reperméabilisation des muscles situés en aval de l’obstruction en faisant travailler :

– les muscles situés au niveau de l’obstruction à travers lesquels s’établit la circulation de suppléance (utilisation de voies existantes, mais non fonctionnelles, au repos) ;

– les muscles du territoire ischémique dont la vasodilatation d’effort permet l’abaissement des résistances périphériques, et donc une meilleure perfusion.

La mise en activité de ces deux secteurs permet, en outre, de réduire le travail habituellement trop important des muscles susjacents à l’obstruction qui, en détournant à leur profit une certaine masse sanguine normalement destinée au secteur sous-jacent, en diminuent le débit de perfusion et aggravent l’ischémie.

* Amélioration de la capacité d’utilisation de l’oxygène :

– Développement d’un réseau capillaire augmentant la surface d’échange.

– Augmentation du système mitochondrial et des activités enzymatiques facilitant l’extraction de l’oxygène.

* Amélioration de la circulation veineuse du retour :

La marche augmente à la fois le débit musculaire périphérique et le débit cardiaque, l’exercice renforçant la pompe musculaire.

La pompe abdominale peut être facilitée par des exercices respiratoires qui ont, en plus, le double avantage d’améliorer l’hématose et de chasser la masse sanguine viscérale vers les territoires musculaires.

2- Action biomécanique :

Toute modification de la biomécanique de marche engendre un surcoût énergétique.

L’activité physique vise donc a rétablir une marche physiologique permettant une dépense en oxygène minimale.

De façon plus globale, le pratiquant doit acquérir une meilleur économie de sa gestion énergétique.

3- Action générale :

Il est maintenant reconnu que l’activité physique est bénéfique sur le plan métabolique et microcirculatoire, mais intervient aussi sur les autres facteurs de risques cardiovasculaires.

Un entraînement adapté permet en effet un meilleur contrôle du profil tensionnel, un meilleur équilibre du diabète, et une amélioration considérable des anomalies du bilan lipidique.

Par ailleurs, elle représente un élément clé dans le contrôle de la surcharge pondérale et a un effet positif sur la viscosité sanguine.

Enfin, la pratique régulière d’une activité physique accroît considérablement l’efficacité du système respiratoire.

4- Cas particulier des artérites juvéniles :

Chez le sujet jeune aussi, ce sont le niveau lésionnel et le niveau d’atteinte fonctionnelle qui orienteront le choix de l’activité physique selon les principes déjà décrits.

Toutefois, il existe un enjeu supplémentaire dans la gestion des facteurs de risque.

En effet, dans la thromboangéite de Buerger, où il existe peut être un mécanisme de type immunoallergique responsable d’une sensibilité anormale au tabac, l’activité physique représente une aide non négligeable au sevrage tabagique.

C – PRINCIPES DE BASE :

En cas d’artériopathie des membres inférieurs, toute activité physique doit permettre d’associer :

– un travail fonctionnel segmentaire, qui a pour but de faire travailler les muscles striés au-dessous de l’oblitération, sans aller jusqu’aux manifestations ischémiques, afin de développer la circulation capillaire et l’orientation des fibres musculaires vers l’équipement oxydatif ;

– un travail fonctionnel régional non spécifique, qui est représenté le plus simplement par la marche mais aussi par tous les types de déplacement intéressants les membres inférieurs (trottinement, course, pas chassé, ski de fond, etc) ;

– un travail fonctionnel global qui permettra d’améliorer le statut musculaire général, la coordination gestuelle, et surtout la tolérance à l’effort par l’intermédiaire d’activités aérobies.

D – ÉVALUATION :

Les personnes artéritiques représentent une population à risque sur le plan médical, on ne discute plus la nécessité d’une évaluation précise vue l’incidence des pathologies et la variabilité interindividuelle des capacités.

Il existe, en particulier, des lésions coronariennes significatives chez 50 à 60 % des sujets porteurs d’artérites symptomatiques.

À cause de la grande fréquence des problèmes cardiaques, une évaluation poussée du système cardiovasculaire est un prérequis à l’autorisation de pratique d’une activité physique.

Quelles que soient les modalités techniques, l’épreuve d’effort couplée au calcul de la consommation d’oxygène, associée ou non à des épreuves fonctionnelles respiratoires, permet d’une part de détecter le risque cardiorespiratoire à l’effort mais aussi de préciser l’intensité de l’effort que chaque personne doit adopter dans son activité physique.

E – EN FONCTION DES STADES DE LERICHE ET FONTAINE :

1- Stades 1 et 2 : faible (périmètre de marche supérieur à 500 m)

La quasi-absence de limitation du périmètre de marche donne un choix assez varié d’activités physiques :

– la marche, dans toutes ses modalités possibles (marche rapide, randonnée en moyenne montagne, jogging sur terrain souple, etc) ;

– la gymnastique au sens large du terme qui peut aller de l’activité de gymnastique volontaire classique jusqu’à une gymnastique incluant un travail aérobie réglé, en passant par l’« aquagym » et la gymnastique chinoise ;

– la natation qui représente un bon entraînement dans une eau qui doit être suffisamment chaude ;

– le cyclisme apparaît un sport efficace et facile à mettre en oeuvre.

Il permet un travail fonctionnel régional moins coûteux que la marche et réalise un entraînement aérobie conséquent et quantifiable ;

– le ski de fond constitue une variante de la marche et permet, lui aussi, un entraînement aérobie conséquent ;

– les jeux de balle, tennis de table et badminton représentent une activité attrayante et réalisent un travail proprioceptif important par tous les changements d’appui qu’ils requièrent ;

– les jeux de ballon peuvent être intéressants si l’intensité peut être réglée, l’émulation intervenant entre les participants, pouvant en revanche conduire à des charges trop importantes ;

– l’aviron.

2- Stade 2 : moyen ou fort

Dans ce cas, la limitation du périmètre de marche et la survenue plus ou moins rapide d’une claudication intermittente douloureuse va limiter l’accès à certains sports. Bien souvent, le contexte médical détermine des patients à risques cardiovasculaires conséquents, et la reprise d’une activité physique se fera sous surveillance médicale, autant que faire ce peu dans le cadre de sessions de réentraînement à l’effort en milieu de rééducation.

Par la suite, en fonction des progrès fonctionnels réalisés et de la stabilité médicale, on pourra envisager la pratique d’une activité simple qui peut associer de la marche, de la gymnastique classique, de l’« aquagym ».

3- Stade 3 :

À ce niveau de douleurs au repos, l’activité physique est le plus souvent impossible.

On peut, toutefois, envisager à ce stade préchirurgical un séjour préparatoire en milieu de rééducation qui permettra, par un travail non spécifique respiratoire et musculaire, d’améliorer le résultat fonctionnel postopératoire.

4- Stade 4 :

À ce stade de trouble trophique, on ne peut évidemment pas proposer de pratiques sportives.

Le plus souvent, le contexte médical, en particulier cardiovasculaire du patient ne permettra pas d’envisager autre chose que les activités de vie quotidienne.

En cas d’ischémie aiguë évoluant en dehors de toute maladie vasculaire au long cours, la reprise d’une activité physique après amputation relève des activités physiques adaptées de type « Handisport ».

F – CONTRE-INDICATIONS :

1- En fonction de l’état vasculaire :

Tous les sports dont une des composantes augmente l’ischémie locale au niveau sous-lésionnel sont évidemment contre-indiqués.

Le travail isométrique est réputé peu souhaitable dans la mesure où il suscite une élévation importante de la pression intramusculaire, générant un véritable garrot interne.

Les activités concernées sont l’haltérophilie, le judo, la musculation où les efforts se font souvent à glotte fermée. Bien souvent elles entraînent également une diminution du retour veineux.

Par ailleurs, les sports sur sol dur sont également contre-indiqués (course sur route, tennis sur quick, etc), en raison des microtraumatismes vasculaires qu’ils peuvent entraîner.

2- En fonction du contexte médical :

Les sports de compétition sont à proscrire dans les disciplines où il est difficile de conserver le niveau d’effort à un seuil tolérable.

On retiendra également toutes les contre-indications cardiaques à l’exercice chez des patients présentant souvent des pathologies intriquées (péricardite ou myocardite, angor instable, arythmie ventriculaire non contrôlée, sténose aortique sévère, hypertension artérielle maligne, insuffisance cardiaque congestive symptomatique, bloc auriculoventriculaire du 3e degré non traité, thrombophlébite récente, embolie pulmonaire récente, etc).

Toute atteinte neurologique ou de l’appareil locomoteur devra conduire à adapter spécifiquement la pratique sportive, et à proscrire toute activité pouvant aggraver la pathologie.

Enfin, toute maladie systémique aiguë doit conduire à arrêter la pratique sportive.

En cas de pathologie veineuse :

L’insuffisance veineuse chronique résulte d’un dysfonctionnement veineux congénital, ou acquis, atteignant le réseau superficiel et/ou le réseau profond causé par une incompétence valvulaire associée ou non à un syndrome obstructif.

Cette insuffisance veineuse chronique peut se manifester par une gêne (syndrome des jambes lourdes), une douleur, des varices, un oedème de la cheville ou de la jambe, une pigmentation, une ulcération cutanée, etc.

A – OBJECTIFS DE L’ACTIVITÉ PHYSIQUE :

L’objectif principal est d’obtenir la diminution de l’hyperpression veineuse globale ou locale en rompant le cercle vicieux macrocirculatoire dont les composantes sont l’hyperdistensibilité, l’hyperpression, l’insuffisance valvulaire, le reflux et la stase.

B – PRINCIPES D’UNE ACTIVITÉ PHYSIQUE :

1- Améliorer la circulation de retour :

– En permettant une activité musculaire dynamique au niveau des membres inférieurs.

– En permettant le fonctionnement du couple diaphragme-sangle abdominale.

En effet, la circulation veineuse se fait par l’intermédiaire de la contraction musculaire dont le rôle est essentiel en position debout, constituant une véritable pompe aspirante et refoulante.

Le coeur a également une action aspirante et propulsive.

Par ailleurs, l’appareil respiratoire permet par les variations de pressions qu’il induit d’accroître ce phénomène de pompe.

Enfin, l’action des battements artériels exerce une pression rythmée sur la veine profonde satellite, favorisant le flux veineux.

2- Éviter l’aggravation de l’insuffisance veineuse :

– En supprimant les périodes de station debout immobiles prolongées.

– En prescrivant une contention élastique pour la vie quotidienne, et si possible à l’occasion de la pratique sportive.

En effet, en orthostatisme, le facteur essentiel de la circulation veineuse est la contraction musculaire dont l’efficacité dépend de l’intégrité des valvules.

La simple station debout immobile est extrêmement nocive pour le retour veineux, car elle entraîne une augmentation de la distensibilité veineuse, qui peut elle-même être aggravée par la chaleur.

C – ÉVALUATIONS :

L’examen clinique relèvera, d’une part les données spécifiques liées à la maladie veineuse et à ses conséquences directes, mais d’autre part ne manquera pas de mettre en évidence d’autres éléments d’ordre orthopédique (en détectant en particulier des anomalies de l’appui plantaire), d’ordre rhumatologique ou neurologique surajoutés.

Étant donnée la complexité des perturbations de l’hémodynamique veineuse et du caractère longtemps asymptomatique de certaines lésions, l’examen clinique pourra être complété d’examens complémentaires, et en particulier d’un échodoppler qui permet de mettre en évidence l’existence d’incontinences ostiales, saphéniennes ou bien de perforantes, les reflux profonds primitifs par dysgénésie valvulaire ou secondaire à distance d’une thrombose. Ils représentent un élément déterminant du diagnostic différentiel en permettant d’éliminer les causes de compression veineuse extrinsèques.

Enfin, il permet d’établir une stratégie thérapeutique incluant les techniques physiques, chirurgicales et médicamenteuses.

D – EN PRATIQUE :

1- Sports indiqués :

Ces sports représentent un bon compromis des principes à respecter en cas de pathologie veineuse :

– randonnée pédestre (on pourra conseiller d’adjoindre une contention de façon systématique en cas de dévalvulation) ;

– danse ;

– cyclisme ;

– escalade ;

– golf (on pourra conseiller une contention permanente en cas de dévalvulation, pour ce sport qui alterne phases statiques et phases dynamiques) ;

– gymnastique ;

– natation et plongée ;

– aviron.

2- Sports contre-indiqués ou nécessitant une surveillance particulière :

L’haltérophilie, la musculation et certains sports de combat représentent des efforts effectués avec glotte fermée, qui freinent la circulation de retour.

La pratique de certains sports sur sol dur (marathon, tennis, basket, volley, etc), chez l’insuffisant veineux avec altération majeure de la mécanique valvulomusculaire, peut entraîner des augmentations brutales de pression qui correspondent à des microtraumatismes vasculaires participant à l’aggravation des varices.

On conseillera donc de préférer les sols souples pour la pratique de ces sports, ainsi qu’un chaussage approprié.

La chaleur peut également constituer un facteur aggravant majeur, que ce soit par l’intermédiaire de l’environnement thermique ambiant ou que ce soit par le port de vêtements épais et serrés (escrime, équitation, hockey sur glace).

Enfin, les plaies veineuses internes par traumatismes directs s’observent dans les sports violents (football, judo, rugby, hockey).

Conclusion :

Les activités physiques et sportives prennent une place grandissante dans les stratégies de prise en charge en pathologie vasculaire.

En cas d’artériopathie des membres inférieurs, elles permettent d’améliorer le niveau fonctionnel ainsi que les composantes histochimiques microcirculatoires.

Cependant, le contexte pathologique doit conduire à une adaptation de ces activités de façon individualisée.

En ce qui concerne la pathologie veineuse, il semble également qu’une activité physique adaptée trouve tout son intérêt, même si l’on manque de bases scientifiques.

Enfin, bien souvent les pathologies artérielle et veineuse sont souvent intriquées, et l’on devra tenir compte de l’ensemble des données pour permettre au patient de choisir l’activité physique dans laquelle il a envie de s’investir.

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