L’exérèse du lobe profond, lorsqu’elle est indiquée, pose deux
problèmes techniques : d’une part, sa libération des branches
nerveuses plaquées à sa face externe, d’autre part, le contrôle des
éléments vasculaires, essentiellement artériels, qui le pénètrent.
Elle
justifie donc le rappel des points anatomiques suivants.
A - POINTS ANATOMIQUES IMPORTANTS
:
– Le système artériel parotidien est représenté par la carotide externe
et ses branches de division.
L’artère pénètre dans la loge
parotidienne à la partie tout inférieure du triangle pré-stylohyoïdien,
entre le muscle stylohyoïdien en dehors et les ligaments
stylohyoïdien et stylomaxillaire en dedans.
Après un court trajet sous-glandulaire durant lequel elle creuse une gouttière à la face
interne de la glande et donne souvent à ce niveau l’artère auriculaire
postérieure, l’artère pénètre le lobe profond de la parotide à laquelle
elle adhère intimement par des tractus fibreux et par les rameaux
qu’elle lui distribue.
Elle se termine à environ 4 cm au-dessus de
l’angle de la mâchoire en avant de la pointe mastoïdienne, en arrière
et en dedans du condyle de la mandibule, en artère maxillaire
interne qui disparaît, en avant, dans la boutonnière rétrocondylienne, et en artère temporale superficielle qui monte
verticalement pour émerger à la face superficielle de l’arcade
zygomatique après avoir donné l’artère transverse de la face.
– Le confluent veineux intraparotidien est plus superficiel que le
système artériel, se situant dans son ensemble juste en dedans du
plan nerveux.
Il est constitué par la réunion de la veine maxillaire
interne qui sort de la boutonnière rétrocondylienne et de la veine
temporale superficielle qui descend de la région temporale.
La veine
faciale postérieure qui en résulte reçoit la veine auriculaire
postérieure et la veine occipitale puis se divise en deux branches :
une branche postérieure qui va constituer la veine jugulaire externe
qui quitte la région en perforant la cloison inter-maxillo-parotidienne
ou en la débordant en dehors ; et une branche antérieure, la veine
communicante intraparotidienne, qui débouche dans la veine faciale
commune qui va cheminer à la face superficielle de la loge sousmaxillaire.
Ainsi, le drainage veineux de la loge parotidienne
s’effectue-t-il dans les deux systèmes jugulaires, interne et externe.
– Le nerf auriculotemporal entre dans la région par la boutonnière
rétrocondylienne avec les vaisseaux maxillaires internes, pénètre le
pôle supérieur de la glande où il croise profondément les vaisseaux
temporaux superficiels, puis se coude pour les suivre en arrière
d’eux dans la région temporale.
Il délivre des rameaux sécrétoires à
la parotide (qui viennent du IX par l’intermédiaire du nerf petit
pétreux profond et du ganglion otique), des rameaux à l’articulation
temporomaxillaire, ainsi que des rameaux anastomotiques avec la
branche temporofaciale du VII.
Considérations
:
Le chirurgien doit retenir que :
– l’artère carotide externe est toujours aisément retrouvée au pôle
inférieur de la glande ;
– le système veineux parotidien est plus variable dans son
anatomie : son contrôle est difficile, notamment dans la zone rétrocondylienne ;
– le nerf auriculotemporal peut ne pas être individualisé et être
sacrifié sans arrière-pensée ; sa section pourrait jouer un rôle
préventif dans le développement du syndrome de Frey.
B - EN PRATIQUE
:
L’exérèse du lobe profond comprend schématiquement trois temps
successifs : le contrôle du pédicule carotidien externe à son entrée
dans la loge, la libération complète du tronc du facial et de ses
branches du parenchyme sous-jacent, l’exérèse glandulaire
proprement dite avec contrôle des pédicules maxillaires internes et
temporaux superficiels.
En soulevant le pôle inférieur du lobe profond, l’écarteur de Farabeuf découvre l’artère carotide externe qui se tend verticalement
au-dessus du plancher du rideau stylien, en dedans du ventre
postérieur du digastrique et du muscle stylohyoïdien.
Son sacrifice
n’est pas obligatoire pour effectuer une parotidectomie profonde.
Parfois cependant, la nature de la tumeur et son adhérence à l’axe
vasculaire en imposent la résection.
La libération complète du tronc du facial et de ses branches du
parenchyme sous-jacent doit être effectuée en limitant au maximum
la manipulation nerveuse.
Des ciseaux fins, à bout mousse, discisent très prudemment leur face profonde du tissu glandulaire.
Une fois contourné, l’élément nerveux est délicatement soulevé à
l’aide d’une sonde ténotome.
La totalité de la ramescence faciale est
ainsi progressivement libérée de la glande sous-jacente.
Le
dégagement de la face profonde du tronc doit être mené avec une
prudence toute particulière en raison de son caractère profond et
d’un saignement fréquent qui peut venir en gêner l’individualisation.
L’exérèse du lobe profond nécessite, pour les raisons anatomiques
développées plus haut, le contrôle des pédicules vasculaires
temporal superficiel et maxillaire interne.
Le pédicule vasculonerveux temporal superficiel est facilement isolé, puis décollé
de l’aponévrose temporale et de l’arcade zygomatique.
Le nerf auriculotemporal, satellite de ces vaisseaux, est sectionné ou arraché.
Dès lors, le décollement du lobe profond des parois de la loge est
mené simplement au doigt.
L’index s’insinue dans l’espace
décollable, avasculaire, existant tout autour de la glande.
Cette
manoeuvre digitale peut être effectuée quelle que soit la taille de la
tumeur, pour peu que celle-ci n’ait pas débordé les limites de la loge
et infiltré les plans avoisinants.
Une pince de traction posée sur le
pôle supérieur ou sur le pédicule temporal superficiel permet de
mobiliser et de glisser la glande entre et sous les branches nerveuses.
La dissection du prolongement antérosupérieur de la glande qui
accompagne le pédicule maxillaire interne dans la région souszygomatique,
vers la boutonnière rétrocondylienne, est parfois
menée à l’aveugle en raison de l’étroitesse et de la profondeur du
champ opératoire.
Lorsque l’artère maxillaire interne est sacrifiée,
une pince à hémostase courbe ou un dissecteur est disposé sur le
pédicule mis en traction. Sa section libère d’un seul coup le lobe
profond.
Cette manoeuvre doit être effectuée avec douceur car c’est
souvent à ce stade de l’intervention qu’un geste chirurgical
malencontreux, au fond d’un champ opératoire difficile à exposer,
peut occasionner une lésion du tronc du VII.
Fermeture
:
Après vérification de l’hémostase, la cavité opératoire est nettoyée à
l’aide d’un liquide désinfectant.
Un drain aspiratif type Jost-Redon
est mis en place, à distance des filets nerveux.
Le lambeau est rabattu
et la peau est fermée en un ou deux plans.
Un pansement
discrètement compressif, fait de compresses dépliées et humidifiées,
est mis en place et maintenu par une bande enroulée autour de la
tête.
Certains injectent de la colle biologique dans le lit opératoire ce qui
permet d’éviter la mise en place d’un drainage et autorise une sortie
le lendemain de l’intervention.
Afin de minimiser la dépression de la région parotidienne, certains
auteurs utilisent un lambeau de SMAS.
Pour ce faire, ils réalisent en
début d’intervention, comme pour un lifting, un décollement souscutané
strictement au-dessus du SMAS puis à sa face profonde en le
séparant du parenchyme parotidien.
Ce fascia est retendu et suturé
sur la région prétragienne et cervicale en fin d’intervention.
Une méthode de comblement de la loge parotidienne par un caillot
de sang a été aussi préconisée par certains.
Un prélèvement de
100 mL est effectué en début d’intervention au membre inférieur par
l’anesthésiste et disposé dans une cupule.
En fin d’intervention, le
caillot est filtré dans une compresse permettant de conserver le
coagulum.
Un fragment de Surgicelt est positionné sur le facial
avant de mettre le caillot.
Le patient sera mis sous antibiothérapie
pendant 8 jours. Un drain de Jost-Redon est mis en place avant
fermeture.
Suites opératoires
:
Conformément aux conférences de consensus sur
l’antibioprophylaxie, il n’est pas indiqué d’antibiothérapie
peropératoire ni postopératoire.
En l’absence d’étude montrant un
bénéfice concernant le nerf facial, il n’est pas non plus indiqué de
débuter une corticothérapie préventive.
Le drain aspiratif est retiré au troisième jour. Les fils sont enlevés à
la fin de la première semaine. L’oedème de la région opérée régresse
en 1 mois environ.
La cicatrice s’estompe et devient, en règle,
presque invisible.
Ces suites, habituellement simples, sont souvent marquées par des
problèmes mineurs :
– une désunion cutanée de la région sous-lobulaire par nécrose du
bout distal du lambeau antérieur peut nécessiter des soins locaux
durant quelques semaines ;
– une gêne à la mastication et à l’ouverture de la bouche est
fréquente mais disparaît en une quinzaine de jours ;
– l’insensibilité de l’oreille de la région opérée s’atténue en quelques
mois ;
– la dépression de la région opérée, qui succède au gonflement
postopératoire vers la fin du premier mois, est plus ou moins
marquée selon la morphologie du sujet et les procédés de
comblement décrits dont, à terme, l’efficacité est modeste ;
– une tendance chéloïdienne est parfois notée à la partie inférieure
cervicale de la cicatrice : elle peut nécessiter des infiltrations ou des
massages à l’aide de pommade corticoïde ;
– les surinfections sont rares et seront traitées par antibiothérapie et
drainage local.
Complications
:
Elles sont dominées dans l’immédiat par la paralysie faciale et à
distance, par le syndrome de Frey.
A - PARALYSIE FACIALE
:
Risque essentiel de toute parotidectomie, elle justifie que le patient
soit toujours clairement informé de son éventualité et des modalités
éventuelles de sa réparation.
Encore faut-il opposer la parésie faciale
modérée, parfois retardée, conséquence d’une dissection un peu
laborieuse du nerf et d’excellent pronostic, et la paralysie faciale
franche, massive, immédiate et grave, par lésion directe du nerf.
Dans le premier cas, une récupération complète survient, en règle,
dans les jours ou semaines suivant le geste opératoire sans qu’aucun
traitement particulier ne soit nécessaire.
Dans le second cas d’une lésion directe du nerf, accidentelle ou
obligée, constatée au cours du geste de parotidectomie, la réparation
doit si possible être effectuée dans le même temps opératoire.
Le
geste réparateur est fonction du siège de la lésion, en sachant qu’il
est inutile lorsque la lésion intéresse les branches moyennes au-delà
du bord antérieur du masséter, soit après la deuxième division.
Dans
tous les autres cas, la réparation terminoterminale est préférable.
– La suture directe entre les deux tranches de section représente,
bien sûr, le meilleur procédé, mais elle n’est pas toujours possible,
notamment lorsqu’il existe une solution de continuité imposant une
éventuelle tension de la zone d’anastomose.
– L’interposition d’un greffon nerveux, prélevé habituellement aux
dépens du rameau auriculaire du plexus cervical superficiel, peut
alors être utile.
– L’anastomose hétéronerveuse entre le XII et le VII représente une
autre solution à n’utiliser toutefois qu’en dernière extrémité et
habituellement au cours d’une reprise.
– Dans tous les cas, la suture entre les terminaisons nerveuses doit
être effectuée sous microscope opératoire, à l’aide de microinstruments
adaptés à la microchirurgie, par fils de 8 à 10/0, entre
deux tranches de section franche, entre les deux gaines épineurales.
En cas de sacrifice « oncologique » du nerf facial, l’analyse
extemporanée des extrémités est indispensable en raison du
neurotropisme de certaines tumeurs telles que les carcinomes
adénoïdes kystiques.
La reconstruction nerveuse ne peut être
envisagée qu’en cas de résection satisfaisante.
B - SYNDROME DE FREY
:
Encore appelé syndrome auriculotemporal, il se traduit par
l’apparition, quelques mois après l’intervention, d’une rougeur et
d’une sudation de la région parotidienne lors des repas.
Son
intensité est variable, allant d’une discrète congestion au
ruissellement de toute la région temporoparotidienne.
Sa fréquence est diversement appréciée, variant de 10 à 40 % selon
les statistiques.
Certains auteurs notent qu’il est plus fréquent
lorsque le décollement sous-cutané de la parotidectomie est très
superficiel, passant juste au-dessous des follicules pileux.
Cette incidence semble sous-estimée par la seule observation
clinique.
Le test à l’amidon iodé, qui permet le tatouage des zones
d’hypersudation, lorsqu’il est pratiqué de principe, se montre
toujours positif dans les suites de parotidectomie comprenant une
dissection du nerf facial, c’est-à-dire comportant au moins l’exérèse
du lobe superficiel.
Le syndrome de Frey paraît donc fréquent
mais rarement gênant.
La pathogénie en est discutée mais l’hypothèse d’une régénération
nerveuse aberrante émise par Laage-Hellman et Ford et Woodhall paraît la plus vraisemblable.
Selon cette hypothèse, les fibres
sympathiques destinées aux glandes sudorales et aux vaisseaux
cutanés sont sectionnées lors du décollement cutané, cependant que
les fibres parasympathiques destinées à la parotide le sont lors de
l’exérèse glandulaire.
La régénération des fibres destinées à la
parotide en direction des glandes sudorales explique la sudation et
la congestion notées lors des repas, celles-ci n’apparaissant que si la
substance mastiquée a du goût (et non si elle est insipide) ; la voie
afférente d’un tel réflexe paraît donc gustative.
Ce réflexe est
possible car les fibres nerveuses parasympathiques issues du
ganglion otique et les fibres nerveuses sympathiques innervant les
glandes sudorales partagent le même médiateur : l’acétylcholine.
Le traitement ne paraît nécessaire que dans les cas où le syndrome
devient gênant.
Il repose aujourd’hui sur la toxine botulique de type A.
Cet agent
bloque la neurotransmission au niveau de la jonction
neuromusculaire et des terminaisons cholinergiques du système
nerveux autonome.
Drobik et Laskawi, en 1995, ont été les
premiers à rapporter les succès de son utilisation dans le syndrome
de Frey.
Laccourreye en a décrit le mode d’utilisation, la facilité
d’emploi, les rares effets indésirables et les résultats intéressants.
Des
cas de parésies régressives sont décrits, notamment lors des
injections au niveau du sillon nasogénien.
La préparation est réalisée
à partir d’un lyophilisat de toxine botulique type A (Botox) du
laboratoire Allergan (Mougins, France).
La concentration finale est
de 2,5 IU/0,1 mL.
Des injections intradermiques de 0,1 mL sont
réalisées tous les centimètres.
En moyenne, 85 UI de Botox sont
injectées.
Il n’est pas réalisé d’anesthésie locale, l’injection étant
quasiment indolore.
L’effet est perçu après un délai de 2 jours en
moyenne et son efficacité est prolongée mais non définitive.
Le suivi
de 33 patients montre un taux de récidive (objectivé par le test à
l’iode de Minor) de 27 % à 1 an, 63 % à 2 ans et 92 % à 3 ans.
La
symptomatologie est plus modérée que celle initialement perçue.
L’utilisation de la toxine a de nombreux avantages ; il s’agit d’une
technique indolore, réalisable en consultation, comprenant peu
d’effets indésirables, autorisant de nouvelles injections lors de la
réapparition des symptômes.
Le traitement chirurgical secondaire n’est pratiquement plus utilisé.
Qu’il consiste en la section des fibres sécrétoires de la parotide issues
des nerfs auriculotemporal, de Jacobson ou de la corde du tympan
ou en l’interposition d’un fragment aponévrotique entre peau et
tissus sous-jacents, les résultats en sont trop inconstants.
Ces
techniques sont par ailleurs délicates car elles imposent un nouveau
décollement cutané souvent dangereux pour les branches du nerf
facial.
Le traitement préventif est donc préférable qui consiste, au terme de
l’exérèse glandulaire, à réaliser une barrière anatomique entre les
fibres du facial disséqué et le tissu sous-cutané décollé.
Il peut s’agir
de l’interposition d’un lambeau de SMAS dont l’avantage est aussi
de limiter la dépression de la région parotidienne.
Mais la
préservation de ce lambeau peut être difficile pour des raisons
oncologiques. Certains auteurs interposent un derme synthétique ou AlloDerm qui fait obstacle aux regénérations aberrantes.
D’autres
tissus ont été utilisés tels que le fascia lata, le muscle temporal, la
graisse hypodermique.
C - COLLECTIONS ET FISTULES SALIVAIRES
POSTOPÉRATOIRES :
Elles surviennent généralement après parotidectomie partielle.
Leur
prise en charge nécessite des ponctions itératives, plus rarement un
drainage avec méchage associé à un pansement compressif.
Une
solution intéressante consiste en l’injection locale de Vibramycinet
qui provoque des adhérences.
Cette complication nécessite exceptionnellement une reprise
chirurgicale avec totalisation parotidienne qui est alors toujours
délicate.
Tumeurs du lobe profond
et du prolongement parapharyngé :
Elles posent des problèmes diagnostiques et thérapeutiques
sensiblement différents.
A - TUMEURS DÉVELOPPÉES AUX DÉPENS DU LOBE
PROFOND DE LA PAROTIDE
:
Elles posent essentiellement des problèmes techniques.
En effet, la
masse tumorale soulève le tronc du VII à son origine et refoule en
dehors ses branches de division primaire, c’est-à-dire la partie du
nerf facial située dans la région rétromandibulaire.
L’incision cutanée doit donc être particulièrement prudente afin de
ne pas léser le nerf à peine recouvert par un lobe superficiel souvent
laminé.
La dissection de la face profonde du tronc et des premières
branches de division doit être particulièrement minutieuse.
La
résection de la pointe de la mastoïde, après désinsertion des attaches
tendineuses du SCM, peut s’avérer particulièrement utile pour la
dissection nerveuse et pour la mobilisation de la partie postérieure
du lobe profond.
Une fois individualisé, le nerf facial doit être soigneusement protégé
par une lame de Silastic glissée à la face profonde afin de diminuer
le traumatisme de la manipulation glandulaire.
L’exérèse du lobe profond ne pose, en elle-même, pas de problème
particulier tant que la tumeur reste bénigne et n’infiltre pas les
parois de la loge.
L’accouchement digital du lobe profond est
effectué, en règle, sans difficulté particulière.
L’aspiration-drainage du lit opératoire doit être particulièrement
soigneuse de façon à éviter des hématomes profonds.
B - TUMEURS DÉVELOPPÉES AUX DÉPENS
DU PROLONGEMENT PHARYNGIEN DE LA GLANDE
:
Elles posent des problèmes d’ordre diagnostique et thérapeutique.
Le diagnostic de nature en est facile lorsque la tumeur intéresse
également le lobe superficiel ou profond de la glande : en ce cas, la
palpation, bimanuelle ou bidigitale, systématique de la cavité
buccale et de l’oropharynx devant toute tumeur parotidienne
reconnaît la classique transmission des mouvements imprimés à une
partie de la glande.
Le diagnostic en est, en revanche, plus délicat
lorsque la tumeur se développe exclusivement aux dépens du
prolongement pharyngien de la parotide, se présentant alors comme
une tumeur parapharyngée isolée.
En ce cas, cependant, les
caractéristiques sémiologiques permettent de localiser la tumeur à
l’espace sous-parotidien antérieur et d’en évoquer, par argument de
fréquence, la nature glandulaire ; la tumeur, en effet, se développe
en avant du diaphragme stylien, réalisant une voussure qui refoule
l’amygdale palatine et surtout le pilier antérieur en dedans, et souffle
le voile du palais pharyngé latéral.
Le traitement chirurgical doit toujours en être tenté par voie
cervicale externe.
Le premier temps consiste donc en une parotidectomie totale conservatrice avec ligature soigneuse des
pédicules artériels à leurs entrée et sortie de la loge parotidienne et
libération complète du nerf facial et de ses branches que l’on protège
par une lame de caoutchouc glissée à leur face profonde.
L’exérèse
de la tumeur doit être d’abord tentée au doigt introduit à travers les
éléments du diaphragme stylien.
Le désenclavement de la masse est
habituellement possible, le doigt restant jalousement au contact de
la surface capsulaire.
Il doit toujours être prudent afin de ne pas
léser le nerf facial lors du brutal désenclavement tumoral.
Celui-ci
peut être facilité par le refoulement de la masse vers l’extérieur à
l’aide d’un doigt endobuccal. Ici, plus qu’ailleurs, le drainage de la
cavité postopératoire ainsi laissée doit être soigneux et efficace.
Dans
les rares cas où l’exérèse par voie cervicale externe se montre
impossible, il faut alors extirper la tumeur par voie endobuccale.
Cet abord vélaire ne doit en aucun cas être réalisé seul.
En effet, il
expose d’une part au risque d’hémorragie incontrôlable, d’autre part à une exérèse incomplète en raison de l’impossibilité d’affirmer
l’absence d’envahissement du lobe profond de la parotide, situé luimême
au-delà des éléments du rideau stylien.
Il faut donc, dans un
premier temps, réaliser une parotidectomie conservatrice classique
par voie cervicale externe.
Tumeurs à extension intrapétreuse
:
Ces formes comprennent l’ostéolyse tumorale de la mastoïde et
l’envahissement rétrograde du nerf facial le long de l’aqueduc de
Fallope.
Elles sont le fait, soit d’une tumeur maligne et notamment
des cylindromes, soit d’une tumeur nerveuse type schwannome ou
neurofibrome.
Leur éventualité, rare, justifie cependant de la part de
tout chirurgien intéressé par la chirurgie parotidienne des
compétences otologiques.
En effet, les techniques chirurgicales
requises par ce type d’extension imposent une instrumentation
particulière et des compétences otochirurgicales.
Parfois suspectées devant certains éléments cliniques évocateurs
telles une tumeur douloureuse, une pointe de la mastoïde sensible à
la pression, une paralysie faciale, voire une surdité de transmission,
elles imposent avant l’intervention un examen tomodensitométrique
de la mastoïde et des trois portions du nerf facial.
Le traitement comporte, par une incision rétroauriculaire, une
trépanation mastoïdienne avec exérèse à la curette ou à la fraise des
lésions ostéitiques.
Après repérage de l’aditus ad antrum, de la
saillie du canal semi-circulaire externe et de la queue de l’enclume,
l’aqueduc de Fallope est repéré, squelettisé, puis ouvert à l’aide de
fraises multipans, puis diamantées.
La troisième portion du VII ainsi exposée est sectionnée et la tranche de section distale
analysée par examen extemporané.
En cas d’envahissement, il faut
alors poursuivre la décompression et exposer la seconde portion du
facial.
Cette exposition nécessite des manipulations ossiculaires dont
la technique exacte sort du cadre de ce chapitre.
S’il existe un envahissement de la première portion, la
décompression et l’exérèse doivent être poursuivies par voie sus-pétreuse.
Le sacrifice du VII impose une réparation qui doit toujours être
réalisée dans le même temps chirurgical.
Il peut s’agir de la mise en
place d’un greffon intermédiaire entre le facial intrapétreux et les
branches de division extracrâniennes, ou, plus facilement, d’une
anastomose hétéronerveuse XII-VII dont les modalités ont été
détaillées plus haut.
Récidives
:
La chirurgie des récidives tumorales comporte un risque
considérable vis-à-vis du nerf facial.
En effet, la recherche du nerf et
de ses branches au sein d’un bloc fibreux ou tumoral s’avère
toujours diabolique, même avec l’aide d’un microscope opératoire.
Dans tous les cas, la possession du compte-rendu opératoire
précédent est particulièrement utile, puisqu’elle permet d’opposer
les récidives après simple énucléation, de celles survenant après parotidectomie superficielle ou subtotale.
Dans le premier cas, il faut d’une part exciser la cicatrice par une
incision elliptique passant à distance et suivie d’une suture
immédiate des deux lèvres cutanées, d’autre part pratiquer une parotidectomie, cette fois totale et conservatrice selon la technique
décrite plus haut.
Le second cas, celui de la récidive après parotidectomie partielle,
pose deux problèmes techniques essentiels.
– Le décollement cutané doit être extrêmement prudent car les
branches du VII disséquées lors de la précédente intervention
adhèrent au lambeau.
– La découverte du tronc du VII doit donc représenter le premier
temps de l’intervention.
Elle est menée d’emblée à l’émergence du
nerf, au trou stylomastoïdien, en s’aidant au besoin de la résection
de la pointe de la mastoïde effectuée après désinsertion des attaches
tendineuses du SCM et du stimulateur électrique.
Ce sacrifice osseux
donne, en effet, un accès privilégié à la zone d’émergence du facial.
Une fois repéré, le nerf est clivé progressivement de la gangue
cicatricielle ou tumorale qui l’entoure.
L’aide du microscope opératoire et des ciseaux fins travaillant à la face superficielle du
tronc nerveux s’avère particulièrement utile.
Cette dissection
chirurgicale patiente et minutieuse doit constamment éviter deux
écueils : celui d’une blessure nerveuse par dissection trop proche
des fascicules nerveux et celui d’une exérèse incomplète
abandonnant des amas tumoraux au contact du facial.
Cette
dissection, de plus en plus difficile au fur et à mesure que l’on libère
les branches distales, se montre parfois impossible.
Se pose alors le
problème du sacrifice délibéré du nerf facial si la tumeur en paraît
indissociable.
La nature de la tumeur et le contexte du patient sont
des éléments essentiels de la décision.
Cette éventualité, dont le
malade doit toujours avoir été informé, impose là encore une
réparation immédiate, soit par un greffon intermédiaire, soit par une
anastomose hétéronerveuse.