Ostéotomies maxillomandibulaires - Indications Cours de Chirurgie
Introduction
:
Le choix du geste chirurgical utile à la correction d’une dysharmonie maxillomandibulaire ne peut être défini qu’à l’issue d’un examen
attentif, clinique, céphalométrique et occlusal.
Une préparation orthodontique destinée à rendre les arcades
congruentes est un préalable incontournable.
Les indications thérapeutiques varient selon les formes cliniques,
qu’il est commode de classer en deux grands groupes :
– les dysharmonies à prédominance sagittale ;
– les dysharmonies à prédominance verticale.
Les indications posées sur une analyse céphalométrique craniofaciale imposent le relevé précis de mesures sur un calque
téléradiographique ou sur écran, confronté à un montage sur
articulateur.
Cette préparation doit aboutir à la réalisation des
plaques d’intercuspidations intermédiaire et définitive, utiles au
contrôle peropératoire de la position des fragments ostéotomisés.
Dysharmonies à prédominance
sagittale
:
Elles se caractérisent par l’existence d’un décalage antéropostérieur
entre l’étage maxillaire et l’étage mandibulaire.
La position relative
d’un étage par rapport à l’autre et le trouble occlusal qui lui
correspond sont volontiers définis par la classification d’Angle.
On distingue ainsi :
– les classes II, dominées par une insuffisance mandibulaire ;
– les classes III, qui peuvent résulter :
– d’une prognathie mandibulaire vraie ;
– d’une rétromaxillie ;
– fréquemment, d’une association des deux.
A - CLASSES II
:
La rétromandibulie domine le tableau et sa correction relève,
essentiellement, d’une ostéotomie mandibulaire d’avancement,
complétée, si besoin est, par une génioplastie.
L’avancée mandibulaire fera appel :
– soit à un clivage sagittal des branches montantes, dans les formes
modérées, comportant une valve externe suffisamment longue pour
préserver la continuité osseuse au cours de l’avancée ;
– soit à une ostéotomie bicorticale sus- et rétrospigienne en L
inversé, dans les formes les plus sévères, nécessitant, dès lors,
l’interposition d’une greffe osseuse de propulsion et d’allongement
du ramus.
Il va de soi que la position du maxillaire doit être prise en
considération selon que la rétromandibulie est associée à une face
longue justifiant un Le Fort I d’impaction, ou à une face courte
corrigée par un abaissement de la maxillectomie.
L’orientation du maxillaire, et tout particulièrement celle des axes
incisifs supérieurs, est tout aussi essentielle à considérer.
C’est ainsi
qu’une version vestibulaire de l’axe incisif supérieur par bascule
antihoraire du maxillaire peut libérer l’espace utile à l’avancée
mandibulaire.
B - CLASSES III
:
1- Prognathisme mandibulaire isolé
:
Il relève du recul mandibulaire par clivage sagittal des branches
montantes.
Une génioplastie de recul peut être indiquée pour traiter
une progénie résiduelle ou un excès vertical inférieur.
La stabilité du résultat à long terme est inversement proportionnelle
à l’amplitude du recul. Le débord postérieur de la valve interne
(Epker), le défaut de recouvrement incisif, les dyspraxies linguales,
sont autant de facteurs sources de récidive.
2- Classes III bimaxillaires
:
Les classes bimaxillaires comportant une rétromaxillie, ou toute
autre anomalie de position verticale ou horizontale du maxillaire,
relèvent d’une ostéotomie bimaxillaire en un temps.
L’orientation du maxillaire et de l’axe incisif supérieur est, ici encore,
essentielle à considérer.
On peut ainsi utiliser la verticalisation de
l’axe incisif supérieur, par bascule horaire du maxillaire, pour créer
le décalage antéropostérieur utile à la correction de la promandibulie
et réduire, d’autant, les indications des génioplasties de recul, parfois
disgracieuses.
La redistribution des parties molles, en particulier de la graisse
jugale, au cours de ces mouvements maxillomandibulaires peut être
responsable d’importantes modifications morphologiques dont il
faut savoir prévenir le patient.
Dysharmonies à prédominance
verticale :
Les altérations du sens vertical peuvent être abordées selon deux
modalités, symétriques ou asymétriques.
A - FORMES SYMÉTRIQUES
:
Elles correspondent à un défaut de dimension vertical, qui
prédomine le plus souvent au niveau du maxillaire et affecte la face
dans sa hauteur antérieure.
Le type de rotation mandibulaire et la
hauteur symphysaire aggravent plus ou moins le tableau.
On distingue ainsi les faces longues et les faces courtes.
1- Faces longues
:
Les faces longues par excès de verticalité antérieure (EVA)
correspondent au morphotype hyperdivergent, popularisé sous la
dénomination anglo-saxonne de « long face syndrome ».
La première
description en a été faite par Björk.
Le faciès caractéristique est habituellement celui d’un respirateur
buccal exclusif à musculature orofaciale hypotonique.
La hauteur
faciale antérieure est augmentée au niveau du tiers inférieur
anthropométrique, c’est-à-dire de l’épine nasale antérieure au point
menton.
L’étroitesse de la base narinaire contraste avec l’incompétence
labiale, découvrant des incisives supérieures, puis les procès
alvéolaires au cours d’un sourire « gingival ».
Le trouble occlusal correspond souvent à une classe II.
La béance
incisive peut être à la fois antéropostérieure et verticale, entretenue
par la respiration buccale et l’interposition linguale d’une déglutition
primaire.
La rééquilibration chirurgicale de cette dysharmonie comporte la
réduction de hauteur du maxillaire selon le tracé de Le Fort I,
associée à un clivage sagittal des branches montantes de mise en
occlusion avec fermeture de l’angle mandibulaire.
L’association
d’une génioplastie, calculée avec précision sur la simulation
téléradiographique, fait habituellement partie du protocole.
L’appréciation exacte de la réduction du maxillaire n’est pas facile.
Elle doit tenir compte de l’importance du sourire gingival, de la
hauteur des couronnes incisives et de l’amplitude du sourire.
Elle
nécessite une simulation préalable à partir de :
– la céphalométrie, en replaçant le bord incisif supérieur 2 mm audessous
du point stomion (point de contact bilabial) ;
– l’étude dynamique au sourire, reportée sur l’analyse à l’arc facial ;
– l’examen clinique proprement dit.
Dans les formes sévères, une surcorrection de 20 à 40 % est
habituellement nécessaire, mais in fine, la bonne position est
appréciée en peropératoire, et dépend beaucoup de l’habitude du
chirurgien.
Le résultat de cette rééquilibration squelettique est également
dynamique, par la normalisation de l’activité neuromusculaire,
renforcée par une rééducation orthophonique des praxies labiolinguales et d’une respiration nasonasale.
Cette normalisation du comportement musculaire orofacial, associée
à une contention orthodontique au cours des 6 premiers mois
postopératoires, est le meilleur garant de la stabilité des résultats.
2- Faces courtes
:
À l’opposé de la précédente description, elles correspondent à une
insuffisance de verticalité antérieure (IVA), correspondant au
morphotype hypodivergent.
La première description en a été faite
par Bell en 1977.
Cliniquement, la face est ronde ou quadrangulaire ; la réduction de
l’étage nasolabial évoque le faciès de l’édenté ; les incisives
supérieures restant recouvertes au repos et parfois au sourire.
La
mandibule en rotation antérieure, de forme trapue, donne insertion
à des muscles masséters souvent proéminents.
La symphyse
mentonnière est courte, parfois enroulée en crochet, elle est
circonscrite par des sangles musculaires péribuccales hypertoniques,
créant un profond sillon labiomentonnier.
L’occlusion se fait le plus souvent en classe I ou II, mais se
caractérise par une supraclusion et une accentuation de la courbe de
Spee.
Plus rarement, il s’agit d’une classe III, par brachymaxillie.
La correction chirurgicale après préparation orthodontique consiste
dans un allongement vertical du maxillaire décrit par Ageman en
1974.
Après déplacement vers le bas d’une maxillectomie de type Le
Fort I, le foyer d’ostéotomie peut être comblé par un greffon cortical
ou corticospongieux.
La stabilité des ostéosynthèses intrafocales par plaques dispense le plus souvent d’une greffe de comblement, en
particulier chez l’adolescent ou l’adulte jeune.
La reposition mandibulaire par clivage sagittal des branches
montantes, associée à une génioplastie d’augmentation, complète la
correction en fonction des prévisions téléradiographiques.
B - FORMES ASYMÉTRIQUES
:
Le déséquilibre vertical, en excès ou en défaut, prédomine d’un côté.
Son site est le plus souvent mandibulaire, entraînant la plupart du
temps avec lui le secteur alvéolodentaire correspondant du
maxillaire, réalisant une asymétrie faciale ou craniofaciale.
Ce déséquilibre vertical asymétrique correspond à trois modalités
physiopathologiques, l’étiologie imprimant à la déformation ses
caractéristiques topographiques faciales ou craniofaciales.
1- Asymétries par excès
:
L’asymétrie résulte ici d’un hyperdéveloppement prédominant sur
la mandibule.
Il s’agit :
– d’une hypertrophie se limitant au condyle et à son col
(hypercondylie) ;
– d’une hémihypertrophie mandibulaire : l’allongement
hypertrophique débordant sur la branche horizontale.
Du point de vue thérapeutique, ces asymétries par hémihypertrophie, à prédominance mandibulaire, ont pu faire l’objet
d’une symétrisation des branches montantes mandibulaires par
réduction de hauteur du col du condyle concerné, et qui respecte
l’articulation temporomandibulaire, plutôt qu’une condylectomie
interceptive.
Ce type d’intervention, réalisé précocement chez l’enfant,
permettrait de rétablir progressivement le décalage alvéolaire par
un guidage orthodontique.
Chez l’adulte et l’adolescent en fin de croissance, une chirurgie de
rééquilibration du squelette avec conservation du condyle
hypertrophique s’impose.
Elle associe à une ostéotomie
d’horizontalisation du maxillaire, selon un tracé de Le Fort I, une
symétrisation mandibulaire par clivage sagittal de dérotation des
branches montantes.
Une génioplastie de translation ou une
régularisation du bord basilaire homolatéral sont parfois nécessaires
pour compléter la symétrisation des contours.
2- Asymétries par défaut
:
Elles répondent à deux cas de figures : les séquelles d’ankyloses temporomandibulaires d’une part, les dysplasies latérofaciales à
prédominance mandibulaire unilatérale d’autre part, dont le type de description répond à la microsomie hémifaciale, ou dysplasies
temporo-auro-mandibulaires.
Après libération du foyer d’ankylose par arthroplastie, un délai
minimal de 1 an doit être respecté pour prévenir la récidive, sous
couvert d’une mécanothérapie intensive.
La rééquilibration squelettique nécessite une horizontalisation du
plan occlusal par Le Fort I, en faisant référence au côté sain, associée
à un allongement du ramus atteint par une ostéotomie en potence
d’allongement et de propulsion et interposition d’une greffe osseuse.
La branche montante controlatérale fera l’objet d’un clivage de dérotation.
* Dysplasies temporomandibulaires
:
Dans cette forme clinique, le déficit osseux porte essentiellement sur
le ramus mandibulaire, allant de la simple hypoplasie à l’absence
totale de branche montante.
L’altération peut s ’étendre à toutes les
structures anatomiques latérofaciales et il lui est ainsi fréquemment
associé : une microtie, une atteinte du maxillaire pouvant déborder
sur l’orbite, un déficit musculaire au sein des sangles masticatrices,
réduites parfois à leur plus simple expression, une insuffisance
dimensionnelle et en épaisseur des tissus de recouvrement.
Les indications ont été précisées par Munro et Lauritzen (1985), en
fonction du type de malformation :
– les formes modérées, à ramus hypotrophique avec persistance d’une
articulation temporomandibulaire, même rudimentaire, font l’objet
d’une ostéotomie bimaxillaire.
Après horizontalisation du plan
occlusal supérieur, le ramus hypotrophique est propulsé et allongé
par une greffe osseuse à travers une ostéotomie en potence, le côté
sain étant aménagé par un clivage de dérotation ;
– les formes sévères, avec agénésie du ramus et hypotrophie des
parties molles, nécessitent une reconstruction mandibulaire ou
temporomandibulaire par greffe costale ostéochondrale.
Cette
rééquilibration squelettique doit s’accompagner d’une correction
dimensionnelle et volumétrique des parties molles par lambeau musculocutané, musculaire ou dermograisseux.
L’introduction, dans l’arsenal thérapeutique de ces 10 dernières
années, des possibilités d’allongement mandibulaire chez le jeune
enfant par distraction osseuse semble bien révolutionner la prise
en charge de ces insuffisances mandibulaires congénitales.