A - TRAITEMENT DE L’OSTÉITE FIBREUSE
AVANT LA DIALYSE
:
1- Traitement médical précoce de l’hyperparathyroïdie
:
Ce traitement doit assurer la prévention de l’ostéite fibreuse.
En
effet, la résorption endocorticale hyperparathyroïdienne des os est
irréversible, expliquant la permanence de l’amincissement des
corticales fragilisant les os de façon définitive.
Ceci justifie la
prévention précoce de l’hyperparathyroïdie dès les premiers stades
de l’insuffisance rénale, avant même que ne se développent
l’hypocalcémie et l’hyperphosphorémie.
Pour cela, des dosages
plasmatiques, non seulement de la créatinine, du calcium, du
phosphore, des bicarbonates mais aussi de la PTH intacte et de la
25OH vitamine D, sont nécessaires dès que la clairance de la
créatinine diminue au-dessous de 60 mL/min/1,73 m2 chez l’adulte et 80 mL/min/1,73m2 chez l’enfant.
En effet, à la fin de l’hiver, les
taux de 25OH vitamine D sont les plus bas et contribuent à stimuler
la sécrétion de PTH.
Les valeurs optimales de PTH
se situent dans la moitié supérieure de la fourchette normale tant
que la clairance de la créatine est au-dessous de 30 mL/min.
Pour
maintenir une PTH dans cette fourchette, nous avons proposé
depuis 1982, contre l’opinion dominante de la littérature
d’avoir recours essentiellement à une bonne réplétion en vitamine D
native, à une restriction protidique modérée de 1 à 0,6 g/kg/j
proportionnelle à la réduction de la fonction rénale, et à
l’administration de carbonate de calcium (CaCO3) à la dose initiale
de 3 g/j donné comme complexant du phosphore avec les repas,
et non à une administration précoce des dérivés 1 alpha hydroxylés de la
vitamine D.
La justification de ces derniers ne reposait en effet que
sur le fait qu’ils étaient considérés comme les seuls capables de
diminuer la transcription du gène de la PTH.
Ceci est en fait
controversé car pour Goodman le gène de la préproPTH a un
élément sensible non seulement à la PTH mais aussi au calcium.
De plus, cet effet transcriptionnel du calcium se surajoute à son effet
inhibiteur post-transcriptionnel sur la synthèse de PTH de la
correction de l’hypocalcémie.
Or ce dernier peut être obtenu aussi
bien par le CaCO3 à une dose > 3 g/j, qui augmente passivement
l’absorption intestinale du calcium.
De plus, cette augmentation
calcique passive n’a pas l’inconvénient de l’augmentation active de
l’absorption calcique par les dérivés 1 alpha hydroxylés de la vitamine D
à doses usuelles hypercalcémiantes.
En effet, cette absorption
calcique active se fait de façon équimolaire avec celle du phosphore,
conduisant inévitablement à une aggravation de la rétention
phosphorée avec plus tardivement aggravation de l’hyperphosphorémie.
Il n’est pas inintéressant de rappeler que ces
recommandations que nous faisons avaient été parfaitement
justifiées par Liu et Chu de Pékin en 1943, grâce à des études de
balances phosphocalciques.
Ces auteurs ont d’abord montré qu’à
l’état de base, la balance du calcium et du phosphore était négative
et que l’augmentation de l’apport en phosphore aggravait
l’hyperphosphorémie et l’hypocalcémie, et entraînait une balance
calcique négative à long terme par l’augmentation de son
élimination fécale.
Ensuite, ils ont montré l’intérêt d’augmenter les
apports en carbonate de calcium.
En effet, ceci a au contraire
entraîné une baisse de la phosphorémie avec des modifications
variables de la calcémie, une balance calcique positive et une balance
phosphorée variable.
La variabilité de celle-ci s’expliquait par le fait
qu’elle est la somme algébrique de deux phénomènes dont la vitesse
était variable : la déposition de phosphate de calcium dans l’os du
fait de l’augmentation de l’absorption calcique, et l’augmentation
de l’excrétion fécale de phosphate complexé au calcium.
Celui-ci
entraînait une diminution du pourcentage de phosphore ingéré
éliminé dans les urines (par exemple de 45 à 32 %).
À l’opposé, ces
auteurs avaient également montré que le dihydrotachystérol (ancêtre
des dérivés 1 alpha hydroxylés), contrairement à des doses
physiologiques de 25OH vitamine D3, augmentait la balance
calcique et phosphorée du fait d’une diminution de l’excrétion fécale
de calcium et de phosphore avec diminution de la phosphaturie.
L’augmentation de l’absorption intestinale et de la réabsorption
tubulaire du phosphore par les dérivés 1 alpha hydroxylés initie ainsi un
cercle vicieux, l’aggravation de rétention phosphatée n’étant
compensée que de façon transitoire par l’augmentation de l’accrétion
osseuse.
Ceci aboutit à une aggravation de l’hyperphosphorémie si
les doses de complexant du phosphore ne sont pas augmentées
préventivement.
L’hyperphosphorémie aboutit à une stimulation de
la sécrétion et de la synthèse de PTH par un mécanisme posttranscriptionnel,
à la prolifération des cellules parathyroïdiennes et
à l’inactivation de la 1 alpha hydroxylase de la vitamine D.
Ceci explique
l’échec de la correction à 2 ans de l’hyperparathyroïdie après une
amélioration transitoire non significative, comme l’a bien montré
l’essai contrôlé avec l’alfacalcidol.
Pour ne pas avoir d’effet hypercalcémiant (et donc hyperphosphorémiant), de très faibles
doses de calcitriol (0,125 µg/j) peuvent être données, mais elles sont
alors inefficaces sur des taux de PTH élevés.
Elles sont juste capables
de prévenir leur ascension par rapport à un groupe placebo non
traité par du CaCO3.
Par ailleurs, l’augmentation du produit
phosphocalcique accélère la progression de l’insuffisance rénale, à
moins que les doses des complexants aluminiques du phosphore ne
soient fortement augmentées dès que la clairance de la créatinine
est < 20 mL/min.
Cette dernière mesure explique cependant la
fréquence des ostéopathies aluminiques dans le passé, avant que la
toxicité à long terme des complexants aluminiques du phosphore ne
soit reconnue.
Seuls Nordal et al ont rapporté des résultats
intéressants en administrant du calcitriol précocement, mais en
association avec de l’Al(OH)3 pour prévenir la rétention phosphorée
et avec une transplantation programmée. À 3-5 ans d’évolution, la
biopsie osseuse ne montrait pas d’ostéite fibreuse ni d’ostéopathie
aluminique.
En l’absence de transplantation rénale programmée qui
permet à temps une épuration de la surcharge aluminique, une telle
attitude ne peut être recommandée en raison de la toxicité à plus
long terme de la surcharge aluminique chez le sujet en dialyse
chronique.
Le cercle vicieux iatrogène induit par les dérivés
1 alpha hydroxylés de la vitamine D ne pourra être rompu et cette
approche recommandée que lorsque des complexants non
aluminiques et non calciques du phosphore seront bien tolérés à
long terme et à un prix raisonnable.
Il faudra en effet disposer
d’étude prouvant que cette stratégie est plus sûre et moins coûteuse
que la stratégie basée sur la simple réplétion en vitamine D et
l’utilisation du CaCO3 comme complexant du phosphore.
Dans toutes les études, les dérivés
1 alpha hydroxylés de la vitamine D
(calcitriol ou alfacalcidol) ont été donnés quotidiennement per os.
Compte tenu des travaux faits chez les malades dialysés, une
administration en bolus oral et à distance des repas riches en calcium peut être
utilisée, alors même que sa supériorité en termes d’efficacité et
sécurité n’a pas été démontrée.
À l’opposé des dérivés
1 alpha hydroxylés de la vitamine D, le CaCO3
augmente la calcémie tout en diminuant la rétention phosphorée.
Il
contribue ainsi, à la fois par un mécanisme transcriptionnel et par
deux mécanismes post-transcriptionnels, à diminuer la synthèse de
PTH et la prolifération des cellules parathyroïdiennes.
La dose
initiale de 3 g/j a été choisie, car elle entraîne une discrète balance
calcique positive chez l’insuffisant rénal sans induire
d’hypercalcémie.
Cette dose sera prise avec les deux repas les
plus riches en phosphore. Ceci permet de mieux complexer le
phosphore, de diminuer l’absorption calcique et le risque
d’hypercalcémie.
Le moment exact de sa prise par rapport au
repas (5 minutes avant ou au milieu du repas) n’a en revanche pas
d’influence sur le contrôle de l’hyperphosphorémie.
Le CaCO3
est le sel alcalin recommandé car le plus riche en calcium (40 %) et
le mieux toléré sur le plan digestif (sans l’arrière-goût de vinaigre
que peut laisser l’acétate de calcium).
Bien que complexant du
phosphore, deux fois plus efficace que le carbonate par gramme de
calcium élément, l’acétate donné à mi-dose (exprimée en Ca++
élément) n’en diminue pas pour autant le risque d’hypercalcémie,
car sa meilleure solubilisation dans l’intestin alcalin favorise aussi
l’absorption du calcium.
Le citrate est à éviter car il favorise
l’absorption intestinale de l’aluminium.
Ces sels alcalins de calcium peuvent corriger l’acidose responsable
d’ostéomalacie et d’hyperparathyroïdie. Lorsque cette correction est
incomplète (bicarbonate < 22 mmol/L), du bicarbonate de sodium
doit être apporté.
Le Calcium Sandoz Fortt permet d’apporter par
comprimé 500 mg de calcium élément et 12,5 mmol de bicarbonate.
Rappelons que l’importance de la correction de cette acidose par
l’apport de bicarbonate ou de citrate de sodium pour positiver le
bilan colique avait également été démontrée dès 1943 par Liu et
Chu.
L’efficacité du traitement par le carbonate de calcium sur la
correction de l’hyperparathyroïdie dans l’insuffisance rénale
débutante, et modérée a été rapportée par notre équipe dès
1988, avec en plus une amélioration des critères histologiques
d’ostéite fibreuse.
Lorsque l’insuffisance rénale devient plus sévère (clairance de la
créatinine [Ccr] < 20 mL/min), il peut être nécessaire de réduire
l’apport protidique à 0,35 g/kg/j et l’apport phosphoré à 7 mg/kg/j.
Ceci nécessite une compensation par des cétoanalogues ou acides aminés essentiels, de la vitamine D et du calcium.
Un tel régime a
pu corriger l’ostéite fibreuse et l’ostéomalacie au bout de 18 mois,
alors même que l’insuffisance rénale continuait à s’aggraver jusqu’à
10 mL/min.
Cette importante restriction alimentaire ne peut être
réalisée que par une équipe expérimentée en néphrologie et en
diététique.
En effet, comme le montre l’étude à 5 ans de ce régime,
les taux de PTH doivent rester à environ deux fois la LSN pour
éviter d’induire une ostéopathie adynamique avec ostéopénie, du
fait d’une ostéoclastose induite par la déplétion phosphorée.
La
restriction protéique et phosphatée sévère pourra être minimisée en
utilisant des complexants non calciques et non aluminiques du
phosphore.
Rappelons que les complexants du phosphore à base de magnésium
(carbonate ou hydroxyde) sont contre-indiqués avant la dialyse, en
raison du risque de rétention magnésienne avec risque
d’hypermagnésémie et d’hyperkaliémie.
En revanche, comme l’ont
montré Liu et Chu, l’apport de citrate d’ammonium ferrique
représente un excellent complexant du phosphore parfaitement
toléré.
À fortes doses, il peut cependant provoquer une diarrhée.
Ces auteurs ont particulièrement insisté sur le fait que son apport à
la dose de 6 à 12 g/j peut entraîner en plus une correction de la
balance calcique négative.
Compte tenu de son moindre coût par
rapport au sevelamer et de la fréquente nécessité d’un apport
martial pour corriger l’anémie urémique en synergie avec
l’érythropoïétine, l’usage des dérivés ferriques devrait s’amplifier,
lorsque le carbonate de calcium ne suffit pas à corriger la
phosphorémie et l’hyperparathyroïdie sans hypocalcémie.
La seconde mesure à prendre, en association avec l’utilisation du CaCO3
comme complexant du phosphore, est le maintien d’une réplétion optimale
en vitamine D.
En effet, nous avons suggéré, sur la base d’une
étude transversale chez des dialysés algériens, que le taux de 25OH
vitamine D était le déterminant prépondérant de leur
hyperparathyroïdie.
Ce taux était le seul paramètre corrélé
négativement avec les taux de PTH de façon indépendante de la
calcémie, de la phosphorémie, de la calcitriolémie et de la
bicarbonatémie.
Par ailleurs, des taux de 25OH vitamine D
supérieurs à 100 nmol/L étaient associés à l’absence de résorption
sous-périostée. Bien que les taux de calcitriol fussent corrélés
positivement à ceux de la 25OH vitamine D et qu’une corrélation
dans une étude transversale ne permette pas d’établir un lien de
causalité, nous avons pu conclure cet article en rapportant que cette
causalité était bien réelle par élimination de l’hypothèse inverse : la
PTH entraîne bien une déplétion en 25OH vitamine D, aussi bien
dans l’hyperparathyroïdie primaire que dans celle secondaire à une
malabsorption calcique par l’intermédiaire d’une hyperproduction
de calcitriol, qui stimule le catabolisme de la 25OH vitamine D;
cependant, si cette séquence d’événement était en cause chez nos
malades, nous aurions dû observer une corrélation négative entre
les taux de calcitriol et de 25OH vitamine D.
Or, une relation directe
positive entre ces métabolites a été montrée chez nos malades.
On
peut donc conclure que c’est bien la diminution en 25OH vitamine
D qui est à l’origine de la stimulation de la PTH, et non l’inverse.
Ces données suggèrent donc un rôle suppresseur propre du calcidiol
vis-à-vis de la sécrétion de PTH.
Ces données ont été confirmées
par une étude espagnole (Cannat A 2003).
Quelle fourchette optimale proposer pour les concentrations plasmatiques
de 25OH vitamine D chez l’insuffisant rénal ?
Des taux de 25OH-D de l’ordre de 250 nmol/L ont été impliqués
dans des cas d’ostéopathie adynamique avant dialyse par freination
exagérée de la PTH, alors même qu’ils n’étaient pas associés à une
hypercalcémie.
La limite supérieure des taux de 25OH vitamine
D qui n’induisent ni hypercalciurie ni hypercalcémie, se situe aux
environs de 200 nmol/L.
Cependant, en raison de l’incertitude
concernant leur retentissement à long terme sur le risque
cardiovasculaire, nous ne recommandons pas des taux aussi
élevés. Sur la base de nos travaux (et de ceux de Cannata), la
fourchette optimale de 25OH vitamine D est de 40 ± 10 ng/mL (100
± 25 nmol/L).
Elle est par ailleurs justifiée par le fait que c’est celle
qui, chez les femmes ménopausées non insuffisantes rénales, corrige
leur hyperparathyroïdie, augmente leur densité osseuse et diminue
leur risque de fractures.
Enfin, dans notre étude ouverte
démontrant l’amélioration de l’hyperparathyroïdie chez l’insuffisant
rénal modéré par le carbonate de calcium, 20 µg/j de 25OH
vitamine D3 avaient été donnés, et entraînaient une augmentation
du taux plasmatique moyen de 25OH vitamine D à 75 nmol/L.
En se référant aux récentes
recommandations des experts européens de 2000, le lecteur
s’apercevra que nos recommandations ne diffèrent essentiellement
de celles de Ritz que par une dose maximale plus élevée de
carbonate de calcium (6 g au lieu de 3 par jour) et un taux de 25OH
vitamine D sérique plus élevé (100 nmol/L au lieu de 50, soit
40 ng/mL au lieu de 20).
2- Parathyroïdectomie instrumentale (PTX)
:
* Indications
:
La PTX instrumentale sans délai est conseillée lorsque, malgré le
traitement médical complet précisé ci-dessus :
– les signes radiologiques d’hyperparathyroïdie (amincissement des
corticales, résorption sous-périostée et calcifications métastatiques)
ne régressent pas ;
– une nécrose cutanée associée à une artériolopathie calcifiante
apparaît ;
– et/ou que l’hypercalcémie et l’hyperphosphorémie deviennent
sévères ;
– et que les taux de PTH intactes restent supérieures à 5 à 7 fois la
LSN et sont associés à une élévation des phosphatases alcalines
osseuses au-dessus de la normale.
Lorsque l’insuffisance rénale est très avancée (clairance de la
créatinine < 10 mL/min), l’initiation de l’épuration extrarénale peut
néanmoins permettre parfois de retarder le moment de la PTX
instrumentale.
La dialyse permettra un meilleur contrôle de la phosphorémie sans hypercalcémie (cf « Ostéite fibreuse chez le
dialysé »).
Lorsque l’insuffisance rénale est moins avancée (entre 20
et 40 mL/min de clairance de créatinine), la décision opératoire est
difficile à prendre, car la PTX chirurgicale peut accélérer la
dégradation de la fonction rénale.
Ce même phénomène a
d’ailleurs été également retrouvé chez le transplanté rénal. C’est
dans cette situation que l’utilisation des calcimimétiques pourra être
providentielle pour retarder l’heure de la dialyse.
On espère qu’une
autorisation provisoire d’utilisation le permettra prochainement.
En présence d’un tableau clinique, radiologique et biologique,
d’ostéite fibreuse sévère (PTH plasmatique > 10 fois la LSN) avec
hypercalcémie, hyperphosphorémie, calcifications métastatiques et
calciphylaxie, la PTX instrumentale s’impose sans délai, même sans
traitement préalable par le calcitriol ou les calcimimétiques.
Certains auteurs ont proposé la PTX instrumentale en présence
d’une ou de plusieurs glandes parathyroïdiennes d’un volume
supérieur à 0,5 cm3, ou d’un diamètre supérieur à 1cm.
Le contrôle
de l’hyperparathyroïdie, même par bolus de calcitriol, est alors
toujours inefficace.
Cependant, le caractère opérateur-dépendant
d’une telle évaluation fait que cette proposition ne peut être
généralisée.
La décision de PTX instrumentale reposera donc de façon générale
sur les anomalies radiologiques des os et des tissus mous, la
calcémie, la phosphorémie, le taux de PTH et l’élimination d’une
surcharge en aluminium par le test à la déféroxamine et/ou la
biopsie osseuse, afin d’éviter de transformer une ostéopathie mixte
en ostéopathie aluminique à bas remodelage.
Bien que l’ostéodensitométrie n’ait pas été encore évaluée de façon
systématique chez les urémiques prédialytiques, elle nous paraît
prometteuse à condition de l’évaluer aux sites où l’os cortical est
prédominant : soit le radius dans son tiers inférieur et médian, soit
le col fémoral.
L’existence d’une ostéopénie (T score inférieur à 1,5)
ou une diminution annuelle de plus de 2 % nous paraît devoir inciter à réaliser la PTX chirurgicale, car l’atrophie corticale est quasi
irréversible.
À l’opposé, la mesure de la densité vertébrale est
d’interprétation difficile car l’hyperparathyroïdie densifie les régions
proches des plateaux et ne déminéralise pas le centre de la
vertèbre.
* Choix de la méthode
:
La PTX chirurgicale est la méthode habituelle en l’absence de contreindication
anesthésique.
L’échographie et/ou la scintigraphie au MIBI avec si possible soustraction thyroïdienne précoce par l’iode
123 peuvent aider au repérage des glandes hypertrophiées, mais le
chirurgien devra toujours explorer complètement la région cervicale
pour trouver les quatre glandes habituelles (leur nombre peut
cependant aller de deux à six, et leur localisation est parfois
ectopique, derrière l’oesophage, le sternum ou dans le thymus).
Le
choix de la méthode dépend essentiellement des habitudes du
chirurgien et de certaines considérations néphrologiques :
La PTX classique des 7/8 ou la PTX totale avec autotransplantation
de fragments parathyroïdiens semble préférable lorsqu’une
hypoparathyroïdie permanente pourrait être délétère.
C’est le cas
s’il y a exposition antérieure à l’aluminium, ou en cas d’exposition
ultérieure prévisible à des drogues immunosuppressives ostéopéniantes (transplantation envisagée).
L’efficacité de ces deux
méthodes est identique en termes de récidive, mais il faut éviter
de transplanter des fragments provenant de l’hyperplasie nodulaire
en raison de leur potentialité de prolifération monoclonale.
La PTX totale sans autotransplantation peut être envisagée chez les
patients âgés, jamais exposés à l’aluminium, ayant des
hyperphosphorémies incontrôlables.
En effet, dans ces cas,
l’hypoparathyroïdie à long terme reste relativement rare en raison
de l’hyperplasie secondaire de résidus embryogéniques de tissu
parathyroïdien, et l’ostéopathie adynamique non aluminique
cliniquement significative est exceptionnelle.
L’injection d’alcool dans les glandes hyperplasiques sous contrôle
échographique nécessite un radiologue expérimenté.
Elle n’est
indiquée que chez les patients présentant un risque anesthésique,
particulièrement en cas de récidive de l’hyperparathyroïdie après PTX subtotale.
Certains auteurs ont affiné la technique, en
conseillant de n’injecter que les plus grosses glandes dans le but de
rendre l’hyperparathyroïdie de nouveau sensible aux bolus de
calcitriol, et en prenant soin de ne pas injecter d’alcool en dehors
des glandes.
Cette injection peut être en effet à l’origine d’une fibrose
étendue et d’une paralysie récurentielle.
L’utilisation du doppler
couleur a été recommandée pour une appréciation plus fine de
l’ischémie glandulaire ainsi qu’une injection directe de calcitriol dans
les plus petites glandes laissées en place, afin de mieux compenser
la diminution de densité des récepteurs de la vitamine D.
D’autres
équipes sont assez réservées en raison de la fréquence des échecs et
des complications secondaires aux fibroses locales.
B - OSTÉOPATHIES ALUMINIQUES CHEZ LE DIALYSÉ
:
1- Traitement préventif
:
Même si l’on évite les apports en citrate, lactate et ascorbate, qui
favorisent l’absorption intestinale de l’aluminium, il faut
définitivement abandonner les complexants aluminiques du
phosphore.
En effet, même à petites doses, leurs risques persistent
lorsqu’ils sont administrés au long cours. Par ailleurs, le
traitement adéquat de l’eau pour la préparation du dialysat doit
impérativement permettre d’obtenir une concentration en
aluminium < 5 µg/L.
Comme le montre l’intoxication aluminique
dramatique survenue dans un centre d’hémodialyse du Portugal,
la surveillance du taux d’aluminium dans l’eau du robinet doit être
renforcée en cas de sécheresse.
En effet, la turbidité de l’eau de la
nappe phréatique augmente, et les quantités de sulfate d’aluminium
nécessaires pour la rendre limpide aussi.
Il peut en résulter un
encrassement des modules d’osmose inverse et une surcharge
massive en aluminium du dialysat.
En 20 ans d’expérience, l’équipe
d’Amiens a montré que l’utilisation exclusive des complexants
calciques du phosphore, préconisée depuis 1982, est possible et
sans risque, au prix d’une surveillance étroite des calcémies et phosphorémies pour adapter la concentration calcique du dialysat
afin d’éviter une hypercalcémie > 2,7 mmol/L et une
hyperphosphorémie > 1,7 mmol/L.
Les complexants non aluminiques et non calciques du phosphore
devraient permettre un meilleur contrôle de la phosphorémie avec
un moindre risque potentiel d’hypercalcémie et d’hyperaluminémie.
En raison de leur coût et de leur moindre efficacité dans le contrôle
de la sécrétion parathyroïdienne, leur utilisation n’est vraiment
justifiée que lorsque les complexants calciques du phosphore entraînent
effectivement une calcémie corrigée > 2,6 mmol/L.
2- Traitement curatif
:
Dans les cas d’ostéomalacie, d’ostéopathie adynamique ou de lésions
mixtes avec un marquage de l’aluminium positif confirmés par la
biopsie osseuse, un traitement au long cours par la déféroxamine
doit être entrepris suivant les recommandations du consensus
européen : perfusion d’une faible dose de 5 mg/kg une fois par
semaine durant la dernière heure de dialyse, utilisation de
membranes en polysulfones performantes pour l’épuration de
l’aluminoxamine, réalisation d’un nouveau test à la déféroxamine
tous les 3 mois après 1 mois d’arrêt, et arrêt du traitement dès que
l’aluminémie post-déféroxamine est < 50 µg/L.
Chez les patients
symptomatiques, il peut être nécessaire de poursuivre le traitement
6 à 18 mois.
Si lors du test initial à la déféroxamine, l’aluminémie
post-DFO est supérieure à 300 µg/L (11 µmol/L) ou si le patient a
des symptômes (céphalées, myoclonies, vision floue), il est
recommandé de perfuser la déféroxamine 5 heures avant le début
de la séance de dialyse pour diminuer la durée d’exposition à
l’aluminoxamine toxique.
B - OSTÉOMALACIE NON ALUMINIQUE CHEZ LE DIALYSÉ
:
En dehors de l’intoxication aluminique, les ostéomalacies sont rares
au stade de la dialyse, en raison de la correction habituelle de
l’hypocalcémie et de l’acidose et de la coexistence d’une hyperphosphorémie.
Son absence est même remarquable en cas de binéphrectomie, suggérant que le calcitriol n’intervient guère dans
sa genèse.
Paradoxalement, elle peut être due à une carence
absolue (< 10 ng/mL) ou relative (< 16 ng/mL de P25OHD) en
vitamine D.
Cette carence bien que rare n’est pas exceptionnelle
dans l’urémie. Nous en avons vu les raisons au chapitre précédent.
En dialyse péritonéale, il faut ajouter les pertes de 25OH vitamine D
liées aux pertes de la protéine transporteuse de vitamine D dans le
liquide péritonéal.
Par conséquent, la correction d’un déficit en
vitamine D native est l’une des principales mesures à prendre.
Parallèlement, l’apport de sels calciques alcalins et de bicarbonate
de sodium permet de corriger une éventuelle hypocalcémie et/ou
une acidose persistantes, qui peuvent toutes deux contribuer à un
défaut de minéralisation chez les patients urémiques.
Même en
fin d’été dans des pays ensoleillés comme l’Algérie, une insuffisance
relative en vitamine D native (< 16 ng/mL) n’est cependant pas rare
(50 %), et est alors responsable d’ostéomalacie radiologique dans un
cinquième des cas.
La supplémentation en dérivés 1 alpha hydroxylés de la vitamine D
n’est pas le meilleur traitement de l’ostéomalacie.
En effet, elle ne
corrige que l’hypocalcitriolémie, l’hypocalcémie et l’exceptionnelle
hypophosphorémie, mais non l’hypocalcidiolémie.
Or, d’après nos
données, la calcitriolémie n’est pas significativement plus basse chez
les patients ostéomalaciques que chez ceux sans stries de Looser-
Milkman, alors que le taux de 25OH-D est significativement plus
bas.
De plus, dans une étude comparative, nous avons montré
que pour la même élévation du produit phosphocalcique,
l’augmentation de la minéralisation est plus importante avec la
25OH vitamine D qu’avec l’alfacalcidol.
Cet effet spécifique de la
25OH vitamine D sur la minéralisation peut s’expliquer soit par un
effet direct, soit par une augmentation associée de la 24-25 (OH)2 vit
D.
En effet, ce métabolite a été impliqué dans l’amélioration radiologique significative des patients souffrant d’une ostéomalacie hypophosphatémique congénitale liée à l’X, et antérieurement traités
par l’alfacalcidol en monothérapie.
Des données récentes obtenues avec des souris dont le gène du
récepteur de la vitamine D (VDR) a été invalidé, ont même
démontré que l’activation du VDR avait par elle-même un effet
osseux négatif indépendamment de l’homéostasie phosphocalcique
systémique.
Il est connu depuis longtemps en clinique que les
enfants atteints de rachitisme par mutation invalidant leur récepteur
à la vitamine D peuvent voir leur squelette se reminéraliser par des
perfusions nocturne de calcium.
Chez la souris invalidée pour le
gène du VDR, Kinuta et al ont montré également que le simple
apport oral de grandes quantités de calcium était capable de corriger
l’hypocalcémie, l’hypersécrétion de PTH et l’hypophosphorémie qui
en résultait.
Cependant, les taux de calcitriol restaient élevés et la
minéralisation osseuse restait inférieure à celle des souris contrôle.
Ceci a suggéré que ce défaut de minéralisation était dû à l’excès de
calcitriol.
Ils ont réalisé une transplantation de fémur de ces souris
invalidées dans le muscle dorsal de souris normale, et ont démontré
que le fémur avec VDR invalidé se calcifiait plus que celui provenant
de souris normale.
C - OSTÉOPATHIE ADYNAMIQUE NON ALUMINIQUE
CHEZ LE DIALYSÉ :
L’ostéopathie adynamique non aluminique n’est pas une véritable
maladie osseuse.
Ainsi, dans ce type d’ostéopathie causée par une hypoparathyroïdie relative, si la calcémie et la phosphorémie sont
normales ou acceptables (respectivement de 2,2 à 2,4 mmol/L et de
1,4 à 1,7 mmol/L), le traitement ne doit pas être modifié, mis à part
l’arrêt éventuel des complexants aluminiques du phosphore.
Chez
l’adulte en dialyse péritonéale (DPCA) utilisant des poches de
dialyse à 1,75 mmol/L de calcium, des calcifications périarticulaires
ou vasculaires ont été retrouvées plus fréquemment quand la biopsie
osseuse montrait un turnover osseux bas que quand il s’agissait
d’une ostéite fibreuse, sans que l’on puisse dire si l’hypercalcémie
chronique de ces patients était la cause ou la conséquence du bas
remodelage osseux.
Rappelons que dans l’ostéopathie aluminique,
la surcharge en aluminium en elle-même et le bas remodelage sont
des facteurs de risque d’hypercalcémie et de calcifications
métastatiques.
Chez l’enfant, le bas remodelage osseux peut en
revanche aggraver le retard de croissance.
Lorsqu’une hypercalcémie
apparaît chez un hémodialysé ayant des taux de PTH inférieurs à la
limite inférieure des taux optimaux, et traité par les complexants
calciques du phosphore éventuellement associés à la 1 alpha OH vit
D, la conduite à tenir dépend de la phosphorémie :
– lorsqu’elle est < 1,4 mmol/L, il faut diminuer voire arrêter les sels
de calcium pour revenir à une calcémie optimale qui reste à définir
(2,2 à 2,6 mmol/L).
Le 1 alpha sera arrêté sauf en cas
d’hypophosphorémie franche dont la cause habituelle est la
dénutrition ;
– lorsqu’elle est normale, il faut également diminuer le calcium et
arrêter la 1 alpha OH vitamine D ;
– lorsqu’elle est > 1,7 mmol/L, on arrête la 1 alpha OH vit D.
On
éliminera une intoxication aluminique (aluminémie), une
granulomatose (radiographie pulmonaire, dosage de l’enzyme de
conversion, recherche d’une cholestase) ou une intoxication à la
vitamine A.
On diminue la concentration en calcium du dialysat de
1,5 à 1,25 voire à 1 mmol/L pendant quelques semaines.
Dès la
première semaine, si ces mesures ne suffisent pas à corriger
l’hypercalcémie, on arrête les sels calciques et on substitue le CaCO3
par un complexant non aluminique et non calcique type sevelamer.
Secondairement, dès que la calcémie baisse au-dessous 2,2 mmol/L,
on réintroduit les sels calciques à dose faible pour continuer à bien
contrôler la phosphorémie sans hypercalcémie.
Dans cette situation de bas remodelage osseux non aluminique avec
taux normaux voire bas de PTH, les dérivés 1 alpha hydroxylés de la vitamine D
n’ont à l’évidence aucune indication.
D -
OSTÉITE FIBREUSE CHEZ LE DIALYSÉ :
1- Traitement médical actuel
:
Il repose sur les deux même mesures que celles prises avant la
dialyse : le maintien d’une réplétion optimale en vitamine D native
(par environ 1 à 2 000 UI/j pour maintenir une concentration
plasmatique aux environs de 40 ng/mL) et l’utilisation du carbonate
de calcium comme complexant du phosphore.
Les apports
protidiques seront augmentés à 1,2 g/kg/j en hémodialyse et
1,4 g/kg/j en dialyse péritonéale, en raison des pertes protidiques
dans le liquide de dialyse plus importantes. Malgré l’amélioration
de la qualité des dialyses (à vérifier régulièrement par la mesure du
KT/V), la correction de l’acidose, et une alimentation sélectionnée
en faveur de nutriments pauvres en phosphore, les complexants
du phosphore sont toujours nécessaires.
Leurs doses sont même
souvent plus importantes qu’avant la dialyse.
L’hypercalcémie et l’hyperphosphorémie peuvent être évitées, même
en cas de coadministration de dérivés 1alpha hydroxylés de la
vitamine D par :
– l’induction d’un bilan calcique perdialytique neutre par une
concentration calcique du dialysat de 1,5 mmol/L, voire négatif en
abaissant la concentration en calcium du dialysat à 1,25 mmol/L ;
– l’utilisation des complexants non calciques et non aluminiques en
complément des sels calciques plutôt qu’en augmentant les doses
de ces derniers.
* Choix de la concentration calcique du dialysat
:
Bien qu’en 1971 nous ayons montré l’intérêt, pour freiner
l’hyperparathyroïdie, d’utiliser une concentration calcique de
65 mg/L (1,60 mmol/L) seulement, plutôt que 55 mg/L, Johnson et
al ont proposé des concentrations calciques plus élevées dans le
dialysat (70 mg ou 1,75 mmol/L), leurs malades prenant alors un
supplément calcique de 500 mg et de l’hydroxyde Al(OH)3 ou du
carbonate d’aluminium comme complexant du phosphore. Cette
concentration a alors été universellement admise en routine.
En 1980, lorsque nous avons exclu définitivement l’utilisation de
l’Al(OH)3 au profit de plus fortes doses de carbonate de calcium
(CaCO3), nous n’avons pas immédiatement modifié en routine cette
concentration en calcium.
Dans un deuxième temps cependant,
nous avons proposé de l’adapter en fonction des doses de CaCO3
afin de n’entraîner à long terme qu’une faible balance calcique
positive (1,62 mmol/L lorsque la dose de CaCO3 est inférieure à
6 g/j -et sans 1 alpha OH vitamine D- ; 1,5 mmol/L lorsque le
CaCO3 est entre 6 et 12 g/j et seulement de 1,25 mmol/L lorsque la
posologie de CaCO3 est supérieure à 12 g/j).
Pour les mêmes doses de CaCO3, la concentration recommandée en
dialyse péritonéale est de 0,25 mmol/L inférieure à celle utilisée en
hémodialyse (pour compenser le caractère permanent et non
transitoire de l’élévation calcique induite par le dialysat), de façon à
éviter le risque de calcifications métastatiques.
Lorsque les poches
hypertoniques sont nécessaires plus d’une fois par jour, la
concentration calcique devra cependant être augmentée.
En cas de biofiltration ou d’hémofiltration où les pertes en calcium
par convection sont proportionnelles au volume d’ultrafiltration, la
concentration en calcium du dialysat et du liquide de substitution
doit être d’environ 0,25 mmol/L supérieure à celle de l’hémodialyse,
en accord avec les calculs théoriques plus récents.
En routine, il est bien entendu nécessaire que ces propositions soient
continuellement adaptées en fonction des concentrations
plasmatiques en calcium, phosphore et PTH de chaque patient.
Lorsque la PTH reste élevée, on peut freiner sa synthèse et sa
sécrétion en augmentant tout d’abord le CaCO3 pour diminuer
l’hyperphosphorémie prédialytique (ce qui diminuera la stabilité de
l’ARN de la préproPTH), et augmenter la calcémie (action sur les
étapes à la fois transcriptionnelle et post-transcriptionnelle de la
synthèse de PTH).
Ce n’est que si l’hypocalcémie et l’élévation de la PTH persistent que les dérivés 1alpha hydroxylés de la vitamine D3
pourraient être logiquement institués, à la fois pour augmenter la
calcémie et pour agir spécifiquement à l’étape transcriptionnelle au
niveau de l’élément vitamine D-sensible du gène de la préproPTH.
Lorsque la calcémie est normale, ces mesures vont cependant
inévitablement entraîner une hypercalcémie justifiant la diminution
de la concentration en calcium du dialysat et l’utilisation des complexants non calciques et non aluminiques du phosphore.
De
plus, l’administration de dérivés 1alpha hydroxylés de la vitamine
D3 va augmenter l’absorption intestinale du phosphore de façon équimolaire à celle du calcium, et aggraver ainsi la rétention
phosphorée.
Ceci va instaurer un cercle vicieux à long terme, néfaste
à la fois pour la sécrétion de la PTH et pour le risque d’hyperplasie
parathyroïdienne et de calcifications métastatiques.
* Indications et modalités d’administration des dérivés 1alpha
hydroxylés de la vitamine D :
+ Indications :
L’administration des dérivés 1alpha hydroxylés de la vitamine D ne
doit donc pas être systématique dès le début de la dialyse,
contrairement à certaines recommandations américaines ou
anglaises antérieures à celles des Européens.
En effet, en accord
avec Hercz et al et Hutchinson et al, nous avons montré qu’il
est possible de prévenir l’ostéite fibreuse grâce à des doses élevées
de CaCO3 associées à une réplétion en vitamine D native, sans
utiliser les dérivés 1 alpha hydroxylés de la vitamine D.
L’efficacité
des dérivés 1 alpha hydroxylés de la vitamine D sur la suppression de la
sécrétion de PTH a principalement été établie grâce à des études
ouvertes, ou en la comparant soit à la vitamine D native à doses
physiologiques, soit à un placebo.
Dans toutes ces études, leur
administration s’est accompagnée d’une hyperphosphorémie
nécessitant de plus fortes doses d’Al(OH)3 aboutissant certes à une
diminution de l’incidence de l’ostéite fibreuse, mais au prix d’une
augmentation des ostéopathies aluminiques.
Le seul avantage de
ces dérivés 1 alpha hydroxylés par rapport à des doses pharmacologiques
de 25OH vitamine D3 est la plus courte durée de l’hypercalcémie
quand elle survient.
Leur effet suppresseur sur la sécrétion de PTH
et la résorption ostéoclastique est identique pour une même
élévation de calcémie et de phosphorémie.
De plus, les deux
seules études comparant l’efficacité de ces dérivés 1 alpha hydroxylés à
celle du CaCO3 dans le traitement de l’hyperparathyroïdie modérée
du dialysé montrent que pour une efficacité comparable sur le
contrôle de l’hyperparathyroïdie et de l’hypocalcémie, la sécurité est
meilleure avec de plus fortes doses de CaCO3 (9 à 15 g/j) qu’avec
de faibles doses de CaCO3 (5 g/j) et d’Al(OH)3 associées à du calcitriol.
En effet, la phosphorémie est plus basse alors que les
phosphatases alcalines osseuses sont plus élevées (suggérant un
moindre risque d’ostéopathie adynamique).
Ces données justifient donc notre proposition de réserver les dérivés
1alpha hydroxylés de la vitamine D aux hyperparathyroïdies sévères
(PTH (1-84 + 7-84) > 400 pg/mL), à condition que l’hyperphosphorémie
puisse être contrôlée sans complexant aluminique du phosphore.
* Modalités d’administration
:
Comme nous l’avons rapporté en 1995 dans une large revue des
études cliniques sur le calcitriol et l’alfacalcidol, et comme cela a
ensuite été confirmé par d’autres revues générales, il n’est pas
démontré, contrairement aux messages publicitaires, que leurs
administrations intermittente ou parentérale soient supérieures à
leurs administrations quotidienne ou orale en termes d’efficacité et
de sécurité.
La supériorité de l’administration intermittente du calcitriol sur son administration journalière a été émise à partir de
données expérimentales.
Elle n’a pu être confirmée
cliniquement. Par ailleurs, dans la première étude contrôlée ayant
comparé les administrations intermittentes de calcitriol en bolus
intraveineux ou oraux, Quarles et al concluent à une efficacité
comparable des deux voies d’administration.
Ces données sont
confirmées par la revue générale récente de Schömig et Ritz.
Une
étude a même montré une moindre efficacité du calcitriol
intraveineux par rapport à la même dose en bolus oral sur la
suppression en aigu de l’hypersécrétion de PTH chez des enfants
urémiques, malgré un effet comparable sur l’absorption intestinale
du calcium.
Les auteurs ne recommandent pas pour autant
l’administration systématique de bolus oral chez ces enfants.
En
effet, chez des rates urémiques l’administration quotidienne de calcitriol améliore la croissance, contrairement à son administration
intermittente en bolus.
Or, chez ces enfants, la croissance peut être
ralentie lorsque la correction excessive de la sécrétion de PTH induit
une ostéopathie adynamique.
La préférence du mode d’administration intermittent lors de la
dialyse se justifie seulement par une meilleure observance et donc
une meilleure efficacité, mais ceci est valable aussi bien pour la
forme orale que pour la forme parentérale.
Aux États-Unis, seules
les formes parentérales de vitamine D sont remboursées avec le
forfait dialyse, et non les formes orales.
Ceci explique probablement
l’utilisation parentérale abusive des formes parentérales.
Pour être
efficace, le bolus donné en fin de séance ne doit pas être inférieur à
0,75 µg, et il peut être augmenté jusqu’à 5 µg. Pour diminuer le
risque d’hypercalcémie, on a proposé de donner le calcitriol par voie
orale au moment du coucher, à distance de la prise orale de calcium,
sans cependant vérifier si la freination de la PTH avec une calcémie moindre
était comparable.
Les conduites
pratiques à prendre devant l’apparition d’une hypercalcémie chez un
dialysé avec hyperparathyroïdie sous traitement par ces dérivés.
2- Mortalité cardiovasculaire et sa relation avec les
calcifications métastatiques, en particulier vasculaires
et le traitement médical de l’hyperparathyroïdie :
Le risque de calcifications périarticulaires a depuis longtemps été
associé à l’augmentation du produit phosphocalcique au-dessus de
70 (exprimé en [mg/dL]2).
À l’inverse, le lien de causalité entre ce
produit et les calcifications vasculaires chez l’urémique d’une part,
et entre les calcifications et la morbi-mortalité cardiovasculaire
d’autre part sont l’objet de controverses.
Le lien entre
calcifications et utilisation de fortes doses de carbonate de calcium
est encore moins établi. Nous avons montré dans une étude
longitudinale que l’âge, le sexe masculin, la pression artérielle, la triglycéridémie et la glycémie étaient les seuls facteurs de risque de
la progression de ces calcifications vasculaires.
Le produit
phosphocalcique n’avait qu’un lien statistiquement discutable.
La
dose de CaCO3 n’avait aucun lien.
Plus récemment, une étude
longitudinale a montré que la progression des calcifications
vasculaires était corrélée positivement à l’âge et à la pression
artérielle, à la phosphorémie et à la calcitriolémie, mais
paradoxalement négativement à la calcémie.
Dans une grande
étude transversale, l’évaluation moderne des calcifications
myocardiques par scanner ultrarapide synchronisé aux battements
cardiaques a montré, dans une analyse en régression multiple chez
les dialysés adultes, que l’âge et l’hypertension étaient les seuls
facteurs de risque indépendants contrairement au produit
phosphocalcique et à la PTH.
À l’opposé, une étude transversale
réalisée chez des dialysés enfants ou jeunes adultes sur des durées
très hétérogènes a montré que la charge des coronaires en calcium
était positivement associée à la fois à une durée plus longue en
dialyse, un âge plus avancé et à des doses plus fortes de carbonate
de calcium.
Une autre étude transversale chez des malades
dialysés depuis de nombreuses années et ayant de ce fait été exposés
à l’aluminium, a montré que l’extension des calcifications vasculaires
était liée, de façon indépendante de l’âge, du sexe et de la durée de
dialyse, à la dose de calcium.
Elle était liée aussi, mais de façon non
indépendante, à la PTH elle-même inversement liée à l’extension
des calcifications.
Le lien entre calcifications viscérales et
vasculaires avec l’utilisation des dérivés 1 alpha hydroxylés de la
vitamine D a tout d’abord été montré par l’étude de Milliner en
1990.
Cette étude a rapporté que le risque de calcinose cardiaque
et pulmonaire découverte sur une grande série autopsique d’enfants
urémiques augmentait avec l’âge et le degré d’hydroxylation de la
vitamine D.
De plus, chez les dialysés à domicile de Manchester,
Goldsmith et al ont montré que la parathyroïdectomie
chirurgicale entraînait une diminution des calcifications vasculaires,
contrairement aux tentatives de parathyroïdectomie médicale par le
calcitriol.
Ce lien entre calcifications vasculaires et calcitriol chez
l’urémique n’est cependant pas antinomique avec la relation inverse
notée entre calcifications coronaires et calcitriolémie chez les
non-urémiques.
En dialyse péritonéale continue ambulatoire (CAPD), nous avons
rapporté l’augmentation du risque de calcifications métastatiques et d’ostéopathie adynamique, du fait d’une hypercalcémie ionisée
permanente en rapport avec l’utilisation de poches à 1,75 mmol/L
de calcium chez des malades prenant du CaCO3.
Un travail récent
a montré cependant que ce risque d’ostéopathie était lié non au
CaCO3 oral mais à la concentration calcique trop élevée du dialysat.
En ce qui concerne l’hypothèse évoquée dans la littérature selon
laquelle l’ostéopathie adynamique pourrait favoriser une
surmortalité en favorisant les calcifications vasculaires, elle est
fondée sur une mauvaise interprétation de certaines données de la
littérature.
Celles-ci ont bien rapporté une surmortalité dans
le groupe de patients avec ostéopathie adynamique et surcharge
modérée en aluminium, mais elle s’explique par un âge plus avancé
et des arrêts plus nombreux de dialyse. Un lien existe entre la
mortalité et l’hypoparathyroïdie relative des dialysés, mais cette
surmortalité s’explique non par des morts cardiovasculaires, mais
par des morts en rapport avec la dénutrition, en accord avec les
données de l’United States Renal Data System (USRDS).
Cependant, des études plus récentes de USRDS ont montré un lien
indépendant entre la mortalité cardiovasculaire et l’élévation à la
fois du phosphore, du calcium et de la PTH. En effet, le risque
relatif de mortalité (RR) était le plus bas avec une PTH < 50 pg/mL
(RR = 0,92) et le plus élevé pour une PTH > 1 200 pg/mL (RR =
1,24).
En ce qui concerne le lien entre les calcifications vasculaires et le
risque cardiovasculaire en termes de morbi mortalité, les études
observationnelles sont contradictoires, certaines trouvant un lien
(Framingham, Blacher 2003), d’autres comme celle de Bonifacio
montrant un lieu paradoxalement inverse chez les dialysés ayant
bénéficié d’une angioplastie du fait de l’interférence de la
dyslipidémie.
Aucune étude n’a en revanche démontré un lien
positif entre l’apport oral de calcium et la mortalité, et ceci de façon
indépendante du traitement par les dérivés 1 alpha hydroxylés de la
vitamine D.
Au total, l’ensemble de ces données ne démontre pas qu’il y ait,
indépendamment de la calcémie, de la phosphorémie et de la PTH,
une augmentation de risque de calcifications vasculaires et de morbimortalité
cardiovasculaire avec l’apport de carbonate de calcium.
Elles suggèrent en revanche que les calcifications vasculaires sont
favorisées par les dérivés 1alpha hydroxylés de la vitamine D,
probablement par le biais de l’action combinée de l’hypercalcémie
et de l’hyperphosphorémie.
Ces deux facteurs sont en effet
impliqués dans la surmortalité vasculaire indépendamment de la PTH, tandis que celle-ci est directement (et non indirectement) reliée
à la mortalité en l’absence de dénutrition.
3- Nouvelles approches thérapeutiques
de l’hyperparathyroïdie du dialysé :
* Complexants non calciques, non aluminiques et non magnésiens
du phosphore
:
Le citrate d’ammonium ferrique testé par Liu et Chu ayant été
oublié depuis 1943, pour le moment le complexant non calcique et
non aluminique le mieux étudié est l’hydrochloride de sevelamer,
qui est une résine fixant des anions tels que les phosphates et les
sels biliaires.
Par rapport aux sels alcalins de calcium donnés
avant la période de washout, il permet, au bout de 8 semaines, de
contrôler aussi bien la phosphorémie des dialysés tout en
rétablissant un contrôle de la PTH à un niveau légèrement mais non
significativement plus élevé (250 au lieu de 200 pg/mL) en dépit de
doses plus élevées de dérivés 1 alpha hydroxylés.
Un inconvénient de
l’ancienne forme du sevelamer était la nécessité de prendre 12 à
15 gélules de 403 mg par jour pour avoir un effet
hypophosphorémiant équivalent à 5 g d’acétate ou de carbonate de
calcium, soit 1 ou 2 g de calcium élément.
La nouvelle préparation
sous forme de comprimé à 800 mg devrait être mieux tolérée.
Un
avantage indiscutable de ce complexant du phosphore est dans
l’abaissement du cholestérol total et LDL cholestérol (de 18 % dans
notre expérience). Ceci s’explique (comme pour la cholestyramine et le colestimide (Date T et al NDI 2003 ; 18 (Suppl 3)
90-3) qui ont aussi un effet hypophosphorémiant) par la
complexation des sels biliaires.
Bien que ce mécanisme d’action
doive faire craindre cependant à long terme une certaine déplétion
en vitamines liposolubles comme les vitamines D, E et K, nous
n’avons pas pu le confirmer dans une étude comparant le sevelamer
au CaCO3, la baisse du taux de vitamine D de novembre à avril
ayant été comparable.
Nous n’avons pu ainsi confirmer notre
crainte exprimée à propos des résultats à long terme du sevelamer.
Cette étude avait montré qu’au bout de 1 an les taux
de PTH intacte des hémodialysés restaient très élevés (à 387 ±
471 pg/mL au lieu de 401 ± 378 pg initialement) et même que les
phosphatases alcalines s’élevaient alors que la dose des dérivés 1 alpha
hydroxylés de la vitamine D avait été augmentée chez 34 % des
patients.
Cette absence de freination de la sécrétion parathyroïdienne
était d’autant plus préoccupante que, simultanément, la phosphatémie s’était bien abaissée de façon significative et que la
calcémie et la magnésémie s’étaient élevées de façon significative.
Toutes ces modifications auraient dû freiner la sécrétion de PTH.
Les auteurs de cette étude considèrent dans leur réponse à notre
lettre que ceci n’est que le reflet du temps passé.
Nous pensons
plutôt que l’explication de l’absence de freination sur l’ensemble du
groupe est liée à un important sous-groupe n’ayant pas pris de
calcium, car les auteurs signalent que le sous-groupe ayant eu du
calcium a bien freiné sa PTH, mais au prix d’une fréquence plus élevée
d’hypercalcémie.
Cette étude fait
donc essentiellement poser la question de l’opportunité de donner du
1 alpha hydroxyvitamine D en
cas d’hyperparathyroïdie modérée.
En effet, une simple dose plus
élevée de carbonate de calcium a pu contrôler cette
hyperparathyroïdie, sans hypercalcémie et avec une moindre hyperphosphorémie, comme l’a montré l’étude contrôlée de
Indridason et Quarles.
Cette même question sur l’opportunité des
dérivés 1 alpha hydroxylés avec le CaCO3 se pose à l’occasion de l’étude
« Treat to goal ».
Cette étude montre en effet que, chez ces
patients, l’incidence des hypercalcémies est disproportionnée par
rapport au sevelamer (33 % contre 7 %), ce qui contribue à une
augmentation plus importante de la charge des coronaires en
calcium, ceci d’autant plus que la PTH a été abaissée en dessous de
la fourchette prédéfinie par le protocole (150-300 pg/mL) dans le
seul groupe CaCO3.
Ainsi, cette étude ne peut conclure à privilégier
le sevelamer par rapport au CaCO3 pour obtenir une fourchette
prétendue optimale pour les auteurs américains.
De plus, elle ne
peut permettre de conclure que la charge calcique orale soit en soi la
seule responsable de l’augmentation des calcifications vasculaires,
puisque le LDLcholestérol a baissé de façon significative dans le
groupe sevelamer et que les bicarbonates se sont abaissés.
Enfin, on
ne peut non plus en conclure que la moindre surcharge des
coronaires en calcium aura des conséquences cliniques bénéfiques,
puisqu’une étude longitudinale d’observation a montré que le
pronostic cardiaque des dialysés ayant bénéficié d’une angioplastie
coronaire peut être meilleur chez ceux ayant des calcifications
coronaires que chez les autres.
Ces derniers avaient dans cette étude
une dyslipidémie plus sévère.
L’hydroxyde de fer polynucléaire stabilisé permet aussi de
complexer le phosphore.
Chez l’insuffisant rénal non encore
dialysé, il est capable, à la dose de 2,5 g à chacun des trois repas, de
réduire en 14 jours la phosphorémie de 20 % et l’excrétion urinaire
de PO4 de 37 %, sans augmenter la ferritinémie.
Ses seuls effets
secondaires sont un effet laxatif et la couleur noire des selles.
De
même, une étude ouverte comparant le carbonate de calcium au
citrate ferrique rapporte un effet hypophosphorémiant de ce dernier
significatif mais de moindre intensité que le sel calcique.
La
calcémie augmente moins sous citrate de fer, mais le produit
phosphocalcique est plus bas avec le sel calcique, probablement du
fait du meilleur contrôle du phosphore.
La PTH est freinée
significativement uniquement dans le groupe du carbonate de
calcium.
Enfin, signalons l’efficacité à 1 an du lanthanum carbonate comme
complexant du phosphore, sans effet délétère sur la minéralisation
(comme ceci avait été observé à forte dose chez le rat), probablement
du fait d’une déplétion phosphorée trop importante.
L’accumulation légère, mais dose-dépendante, du lanthanum dans l’os pose
néanmoins un problème compte tenu de la toxicité tardive observée
dans le passé avec l’aluminium.
Aussi tant que la tolérance à long terme de ces complexants n’aura
pas été démontrée, leur place devra être limitée en routine.
Nous les
réservons aux cas où des doses bien tolérées cliniquement de sels
alcalins de calcium ne contrôlent pas l’hyperphosphorémie et
entraînent une hypercalcémie, alors que les taux de PTH restent audessus
de leurs valeurs optimales.
* Dérivés non hypercalcémiants et non hyperphosphatémiants
de la vitamine D
:
Il s’agit tout d’abord du 24,25(OH)2 D3, qui n’a cependant qu’une
faible activité suppressive vis-à-vis de la sécrétion de PTH, ce qui
justifie son emploi en association avec les dérivés 1alpha hydroxylés
ou le CaCO3.
La 24,25(OH)2 vitamine D3 peut en effet diminuer
l’effet hypercalcémiant des dérivés 1alpha hydroxylés en diminuant
leur effet ostéolytique. Son efficacité clinique ne repose cependant
que sur une seule étude avec biopsie osseuse sans dosage de
PTH.
Toutes les autres études concernent des dérivés 1alpha
hydroxylés, (1alpha vitamine D2, 19 nor 1alpha25 (OH)2 vitamine
D2 ou paricalcitol, 22-oxacalcitriol, falecalcitriol et 1,25(OH)2 dihydrotachystérol).
Ces dérivés sont capables, chez le rat
urémique, de freiner la sécrétion de PTH aussi bien que le calcitriol,
à condition d’utiliser des doses plus élevées.
Cependant, et à leur
avantage, ils n’induisent pas d’hyperphosphorémie ni
d’hypercalcémie. Un autre intérêt de certains de ces dérivés
(22-oxacalcitriol et 1,25 (OH)2 DHT2) serait de stimuler, à faible dose,
la synthèse de l’IL 6 par les ostéoblastes.
En effet, cette cytokine
stimule l’activité de résorption ostéoclastique, avec comme
conséquence une augmentation du turnover osseux.
Ceci pourrait
être intéressant pour diminuer le risque de survenue d’ostéopathie
adynamique.
Cependant, cette propriété ne s’est pas accompagnée
d’une diminution du risque d’hypercalcémie en expérimentation
animale.
Ces résultats sont en accord avec ceux rapportés chez
les dialysés avec le 22-oxacalcitriol, qui a diminué les taux de PTH
au prix d’une prévalence de 27 % des hypercalcémies.
Chez l’homme, la preuve est faite que ces dérivés freinent à court
terme les taux de PTH élevés avec seulement une faible élévation de
la calcémie et de la phosphorémie.
Cependant, ces résultats ne sont
démontrés que chez des malades dialysés avec un bain à 1,25 mmol
de calcium stimulant leur sécrétion de PTH, et sélectionnés au
départ sur une calcémie basse et une phosphorémie normalisée par
de faibles doses de sels alcalins de calcium.
Ces conditions
minimisent considérablement le risque de survenue d’hypercalcémie
et d’hyperphosphorémie majeures (les seules rapportées).
Le falecalcitriol n’a été comparé à l’alfacalcidol qu’à court terme et
en crossover à dose isocalcémiante.
Il s’est révélé plus efficace sur la
freination de la sécrétion de PTH.
Le seul dérivé qui ait fait, à notre connaissance, l’objet d’une
évaluation comparative à long terme avec le calcitriol injectable est
le paricalcitol injectable (Zemplart).
Une étude randomisée a
montré sur 6 mois que la freination de la PTH était plus rapide avec
le paricalcitol et se faisait avec moins d’épisodes prolongés
d’hypercalcémie.
Ces tendances favorables ont de plus été
confirmées par une étude de cohorte sur 1 an (Teng M et al. NEJM
2003 ; 349 : 446-56) : par rapport aux niveaux initiaux les taux de
PTH ont baissé de 15 et 5 %, alors que les taux de calcémie ont
augmenté de 6,7 et 8,2 % et ceux de la phosphorémie de 11,9 et 13,9.
Malgré la discrétion de ces différences absolues en faveur du paricalcitol, ces dernières étaient associées à une mortalité
significativement plus faible avec le paricalcitol qu’avec le calcitriol
(18 contre 22 %) suggérant que la mortalité cardiovasculaire pouvait
bien être influencée défavorablement par l’effet hypercalcémiant et
hyperphosphorémique de ces dérivés.
On remarquera que cette
mortalité des dialysés américains reste très élevée (en moyenne de
20 %) c’est-à-dire nettement plus élevée que celle des dialysés
européens et plus particulièrement de l’Île-de-France (11 % d’après
le Pr Choukroun).
Ainsi, si une augmentation absolue de calcémie
de 1,5 % et de phosphorémie de 2 % peuvent expliquer une
différence de mortalité de 4 %, il est aussi possible que l’absence
d’utilisation systématique de dérivés 1 alpha hydroxylés de la vitamine D
en Île-de-France puisse expliquer une fraction non négligeable de
cette différence de mortalité, leur utilisation systématique donnant
une augmentation moyenne de 7,5 % pour la calcémie et de 13 %
pour la phosphorémie.
De plus, on s’aperçoit que les deux dérivés
1 alpha-hydroxylés de la
vitamine D ont à long terme un effet suppresseur sur la PTH
modeste (< 15 %).
Ces résultats médiocres renforcent notre réserve
extrême quant à leur utilisation systémique aux dépens de notre
approche excluant le plus possible ces dérivés au profit de la
réplétion en vitamine D native, de l’utilisation de forte dose de la
CO3 (jusqu’à 12 g) et de l’utilisation usuelle d’un bain à 1,5 mmol/L
de calcium (pour ne recourir à un bain à 1,25 mmol/L que si les
12 g de CaCO3 entraînent une hypercalcémie).
Les nouveaux complexants du phosphore non calciques et non
aluminiques pourront pallier cet inconvénient des dérivés 1 alpha
hydroxylés de la vitamine D, mais il faudra alors évaluer le coût
global de cette stratégie moderne.
Celle-ci consiste à majorer les
difficultés de freiner la sécrétion de PTH, en majorant la rétention
phosphorée et en abaissant la concentration calcique du dialysat à
1,25 mmol/L.
Or, l’utilisation du Renagelt plutôt que du Calcidiat
pour contrôler la phosphorémie et l’hyperparathyroïdie se traduit
actuellement par un coût dix fois plus élevé, cette augmentation de
coût n’étant que de deux fois plus si l’on inclut le coût du traitement
de la dyslipidémie par les statines chez les patients recevant le
Calcidiat de façon à obtenir le même contrôle de la dyslipidémie
qu’avec le Renagelt.
Les nouveaux complexants du phosphore non calciques et non
aluminiques pourront pallier cet inconvénient des dérivés 1 alpha
hydroxylés de la vitamine D, mais il faudra alors évaluer le coût
global de cette stratégie.
Celle-ci consiste à majorer les difficultés de
freiner la sécrétion de PTH, en majorant la rétention phosphorée et
en abaissant la concentration calcique du dialysat à 1,25 mmol/L.
* Place future des calcimimétiques
:
Les calcimimétiques sont des dérivés organiques activant, par
allostérie, les récepteurs membranaires du calcium situés en
particulier au niveau des cellules parathyroïdiennes, des cellules
thyroïdiennes C et des cellules de la branche ascendante de l’anse
de Henle.
Ils entraînent ainsi une freination de la sécrétion de PTH en diminuant le seuil d’activation du récepteur du calcium.
Ils
entraînent une stimulation de la sécrétion de calcitonine et une
inhibition du transporteur Na K/2Cl au niveau de la branche large
de l’anse de Henle.
Il n’y a pas de compétition entre ces dérivés et le
calcium pour sa liaison au récepteur. Ils ne peuvent pas activer le
calcium sensor en l’absence de calcium.
Chez le sujet non insuffisant rénal, cette action entraîne une
hypocalcémie, une hypercalciurie et une augmentation de la
natriurèse et de la diurèse.
Des essais préliminaires avec le NPS
R-568 ayant été encourageants en clinique, un produit à plus
longue demi-vie ne nécessitant qu’une prise par jour, le AMG073
(Cinacalcet), est en cours d’expérimentation de phase II chez le
dialysé chronique.
Le seul effet secondaire attendu chez le dialysé est l’hypocalcémie
secondaire à la baisse de la PTH.
En revanche chez le sujet non
dialysé, on peut théoriquement craindre une élévation de la phosphorémie par diminution de la phosphaturie.
Cet effet n’a pas
été observé chez le rat urémique par rapport au placebo.
La phosphorémie était cependant plus basse lors de l’administration
orale intermittente du produit que lors de son administration en
perfusion continue.
Chez l’animal, malgré ces effets, les calcimimétiques préviennent la survenue d’une hyperplasie
parathyroïdienne chez le rat urémique.
Ceci démontre la supériorité
du signal hypocalcémique sur le signal « rétention phosphorée », et
l’importance de la baisse du calcitriol dans la pathogenèse de cette
hyperplasie.
Le caractère transitoire (4 heures) de la freination
parathyroïdienne au cours du nycthémère n’a pas empêché le NPS R568 de corriger l’ostéite fibreuse des rats urémiques et d’améliorer
la résistance biomécanique de leurs os.
Ces calcimimétiques
seront, à cause de leur potentiel hypocalcémiant, particulièrement
utiles comme compléments des thérapeutiques hypercalcémiantes
(CaCO3 et des dérivés 1 alpha hydroxylés).
À cause de leur effet neutre en dialyse mais aggravant en prédialyse
sur la rétention du phosphore, les calcimimétiques renforceront la
priorité à donner au CaCO3 sur les dérivés 1 alpha hydroxylés de la
vitamine D, puisque ces derniers aggravent la rétention phosphorée
alors que le CaCO3 la diminue.
L’effet néfaste de la correction par le calcitriol ou le paricalcitol de l’hypocalcémie induite par le
Cinacalcet est fortement suggéré par l’absence de suppression plus
forte de la PTH par 100 mg comparé à 50 mg alors que la prévention
de l’hypocalcémie (4 %) est la même, et que la baisse de la
phosphorémie n’est plus que de 2 % contre 7 % (comparaison de
l’étude Lindberg KI 2003 ; 63 : 248 avec celle de Quarles et al. JASN 2003
; 14 : 575).
4- Parathyroïdectomie instrumentale
:
Lorsque les différentes mesures du traitement médical ne
parviennent pas à contrôler l’hyperparathyroïdie dans une zone
raisonnable (environ une PTH intacte < 5 à 7 fois la LSN), la
parathyroïdectomie instrumentale doit être envisagée.
Ses modalités ont été abordées plus haut chez l’urémique non encore
dialysé. Rappelons qu’elle ne doit pas être trop tardive.
On évitera
ainsi la fragilisation des os par amincissement des corticales et la
survenue de calcifications métastatiques.
Conclusion
:
Malgré les nouvelles perspectives du traitement médical de
l’hyperparathyroïdie, qui pourraient renforcer son efficacité et améliorer
sa tolérance, il faut garder à l’esprit l’importance historique des
complications iatrogènes responsables des manifestations cliniques des
perturbations phosphocalciques de l’insuffisance rénale.
Cette iatrogénie
doit disparaître.
La première mesure passe tout d’abord par la nonexposition
à des toxiques comme l’aluminium, qu’il provienne du
dialysat ou des complexants du phosphore.
La prévention de la carence
en vitamine D, qui est fréquente sous toutes les latitudes (en particulier
chez les sujets âgés, les femmes et les enfants) doit conduire à une supplémentation systématique des urémiques et des dialysés.
En raison du rôle aggravant de la carence calcique, à la fois dans
l’hyperparathyroïdie et l’ostéomalacie, et de l’efficacité des sels alcalins
de calcium pour complexer le phosphore (et dans une moindre mesure
corriger l’acidose), ces derniers restent irremplaçables tant qu’ils
n’entraînent pas d’effets d’hypercalcémie.
L’association du carbonate
de calcium dès maintenant aux nouveaux complexants du phosphore et
prochainement aux calcimimétiques diminuera ce risque
d’hypercalcémie tout en renforçant le contrôle de la phosphorémie et de
l’hyperparathyroïdie, contrairement aux dérivés 1alpha-hydroxylés de la
vitamine D qui augmentent le produit phosphocalcique.
Ces mesures simples doivent être prises dès le début de l’insuffisance
rénale, car l’hyperplasie parathyroïdienne commence à ce stade.
Elle
devient avec le temps irréversible, de même que l’amincissement des
corticales par résorption parathyroïdienne endostéale.
Ainsi, le meilleur garant du contrôle de l’ostéodystrophie rénale du
dialysé et de la solidité de son squelette est la prévention sans iatrogénie
dès le début de l’insuffisance rénale chronique.
Les mesures
thérapeutiques qui, à ce stade précoce (clairance de la créatinine à 60
mL/min), ont le meilleur rapport coût (financier et iatrogénique)/
efficacité restent indiscutablement la supplémentation
physiologique en vitamine D et l’utilisation du calcium comme
complexant du phosphore en le prenant avec les repas.