Orthopédie dentofaciale. Appareillages et méthodes thérapeutiques Généralités, choix et décisions
Cours de Médecine Dentaire
Introduction : de l’idéal thérapeutique
en orthodontie
« Le chirurgien dentiste est libre de ses prescriptions, qui seront celles qu’il
estime les plus appropriées en la circonstance.
Il doit limiter ses prescriptions
et ses actes à ce qui est nécessaire à la qualité et à l’efficacité des soins. »
Article 31 du code de déontologie des chirurgiens dentistes.
On a quelquefois reproché aux orthodontistes de se conduire comme les
officiants d’un nouveau rite social, prenant la suite des opérateurs
précolombiens (qui contraignaient la croissance crânienne), asiatiques (qui
bloquaient la croissance des pieds) ou africains (qui liment les bords incisifs).
Notre société moderne, éprise d’esthétique, de bonne santé, de sécurité et de
normalité, n’est-elle pas l’instigatrice d’une demande croissante de soins
orthodontiques ?
Quotidiennement, les orthodontistes sont consultés pour apporter une réponse
objective à des questions d’ordre esthétique ou prévisionnel quant à la
pérennité des organes dentaires.
Mais comment apprécier scientifiquement la
beauté d’un visage, qui est par essence du domaine artistique ou
sociologique ?
De même, si nous connaissons les avantages d’un traitement
des supraclusions profondes, des béances, des encombrements, des classes III
sévères etc, comment prévoir l’évolution d’une denture alors que l’on ignore
ce que seront l’hygiène et le terrain du sujet, la qualité des soins effectués par
les futurs praticiens ?
Devant de telles difficultés, les cliniciens recherchent, tout naturellement, des
sécurités en adoptant des idéaux de référence, même s’ils sont contestables
comme le dit Vig :
« L’idéal thérapeutique et les critères de qualité semblent avoir évolué dans
un environnement d’approbation tacite et d’opinions affirmées par des
praticiens charismatiques professant plus par acte de foi que par vérification,
et esprit d’analyse objective ».
En orthodontie, les protocoles comprenant des échantillons importants,
étudiés en double aveugle et surtout sur une longue durée, sont
particulièrement difficiles à réaliser.
C’est pour cela que Tulloch et al
pensent qu’il est encore impossible de réunir l’opinion de l’ensemble de la
communauté professionnelle autour de résultats indiscutables.
Aussi est-il bon de rappeler quelques définitions consensuelles de la
thérapeutique établies par l’Organisation mondiale de la santé :
« Une thérapeutique doit :
– diminuer les handicaps ;
– amener le patient vers un état de bien-être ;
– augmenter ses chances de durabilité fonctionnelle et tissulaire et permettre
l’adaptation à toutes les modifications futures, sans récidive, des acquis
obtenus ».
Appliquons cette définition à l’orthodontie :
– diminuer les handicaps : nul n’ignore que l’orthodontie a pour but de
revaloriser les différentes fonctions manducatrices, de compenser les
dysfonctions musculoarticulaires et de rééquilibrer les dysharmonies
dentosquelettiques.
En facilitant une éviction plus facile de la plaque dentaire,
en éliminant certaines surcharges occlusales, en plaçant sur l’arcade des dents
retenues, en permettant une humidification des dents et des gencives, en
parallélisant les racines etc, les traitements orthodontiques peuvent jouer un
rôle majeur dans la prévention et l’évolution des caries et de certaines
parodontopathies.
Pour les déformations sévères, l’orthodontie est une étape
complémentaire pour l’obtention de bons résultats en chirurgie orthognatique.
Enfin, l’orthodontie peut apporter des solutions de choix dans les cas
d’extractions, d’agénésies ou d’édentations ;
– amener le patient vers un état de bien-être : cette notion doit être considérée
autant pour l’enfant que pour l’adulte, en fonction de la société dans laquelle
vit un individu et pour lui-même.
À ce sujet, nous avons montré que les
individus ne présentant aucune malocclusion ont une meilleure hygiène,
comme si le crédit apporté par le sentiment de santé et de normalité faisait
qu’on porte plus d’attention à sa denture ;
– augmenter ses chances de durabilité fonctionnelle et tissulaire et permettre
l’adaptation à toutes les modifications futures, sans récidive, des acquis
obtenus : traiter un cas n’aurait aucun intérêt si les résultats obtenus se
perdaient à court, moyen ou long terme.
Il est important que chaque décision orthodontique soit guidée par les risques de récidives. Dans un travail de
synthèse, Blake décrit quatre classes de récidives :
– les récidives provoquées par un retour à la position avant traitement ;
– les récidives consécutives à la croissance résiduelle et au vieillissement ;
– les récidives dues à une gestion défectueuse du traitement actif ;
– les récidives causées par une mauvaise contention.
Les récidives provoquées par un retour à la position avant traitement : après
une rotation par dispositifs orthodontiques, l’étirement de 1’ensemble du tissu
gingival et des fibres collagènes s’accompagne de récidives.
Seule une fibrotomie associée à une longue contention pourrait l’éviter.
Des
changements importants de la forme d’arcade, comme l’augmentation des
largeurs intercanine et intermolaire, sont des facteurs tout aussi récidivants.
Les récidives consécutives à la croissance résiduelle et au vieillissement : au
cours du développement normal, il se produit une augmentation modérée de la largeur d’arcade jusqu’à l’éruption des canines permanentes.
Il se produit
ensuite une diminution de la largeur intercanine et de la dimension
antéropostérieure de l’arcade mandibulaire qui expliquerait l’apparition des
fréquents encombrements incisifs postpubertaires.
Les récidives dues à une gestion défectueuse du traitement actif : en général,
il vaut mieux commencer un traitement par la correction des mouvements
susceptibles d’être les plus récidivants (rotation, disjonction, expansion,
ingression, égression) ainsi que la correction des dysfonctions musculaires
présentes.
Ainsi, l’appareil actif tient la place d’un appareil de contention tout
au long du traitement.
Un positionnement radiculaire judicieux,
particulièrement celui des incisives inférieures, améliorerait aussi la stabilité
à long terme.
L’obtention d’un articulé idéal, en relation centrée, est
également un facteur déterminant de stabilité, sans oublier que la surcorrection est un moyen supplémentaire pour éviter la récidive.
Les récidives causées par une mauvaise contention : certains praticiens
estiment que la contention à vie est le seul moyen d’éviter l’apparition
d’encombrements incisifs.
Nanda remarque que chez les patients présentant une supraclusion, la
croissance est statistiquement prolongée de 2 ans.
Une contention plus longue
est conseillée dans ces cas.
L’idéal thérapeutique veut que, en conservant les acquis thérapeutiques, le
traitement n’expose pas le patient à des risques, de quelque nature que ce soit.
Parmi les risques pouvant accompagner les traitements orthodontiques, nous
pouvons distinguer :
– les leucomes précarieux, voire, exceptionnellement, des caries irréversibles ;
– les résorptions radiculaires ;
– des réactions pulpaires atypiques ;
– certaines formes d’ostéolyses fulgurantes ;
– des dysfonctions ou lésions de l’articulation temporomandibulaire ;
– des réactions neuromusculaires néfastes.
Linge a montré que la durée de traitement par multi-attaches peut être
considérée comme un facteur aggravant des résorptions radiculaires.
Les accidents occulaires provoqués par les arcs extraoraux font des victimes
chaque année, malgré la diffusion d’informations sur leur maniement et la
mise en place de dispositifs dits de sécurité.
Et comme le taux de port décroît
régulièrement chaque année, il est prévisible que les praticiens préfèreront des
méthodes alternatives aux tractions extraorales antéropostérieures.
Classification des appareillages orthodontiques :
En survolant l’histoire de notre discipline, nous pourrions dire que si le XIXe
siècle a été celui des inventions, le XXe siècle peut être considéré comme celui
de l’analyse, de la vérification, des innovations et de l’industrialisation des
fournitures.
Jusque dans les années 1850, les méthodes « pour redresser les dents
irrégulières » consistaient à extraire les dents surnuméraires ou à les meuler mésiodistalement.
De 1850 à 1900, Schangé et Harris prennent
conscience de ce que l’on nommera plus tard les unités d’ancrage passives et
les unités actives (les dispositifs de Crozat ou Fontenelle sont les descendants
directs de ces appareils).
Apparaîtront ensuite : les plaques palatines et
mandibulaires ; les gouttières vulcanisées (Herbst) ; les tiges filetées
(Dwinell) ; les élastiques (Talbot) ; les ressorts en fil plat (Matteson) ;
les frondes mentonnières, tractions occipitales et jumping the bite (Kingsley, Farrar) ; les plaques de contention (Richardson).
À partir des années 1900, cinq pôles thérapeutiques se sont développés
simultanément.
– Le premier, que nous appellerons bibague ou labio lingual arch est
représenté par les dispositifs de Mershon, Theuveny, « Quadhelix », Nance, « pendulum »... et tous les arcs transpalatins et linguaux.
Ces appareils ont
pour effet de faire subir aux premières molaires des rotations, des gressions
sagittales, des expansions ou des contractions.
Ils peuvent jouer, en plus, le
rôle de mainteneur d’espace ou de guide d’éruption.
Ils permettent aussi
d’annuler les moments de vestibulorotation dus à l’ingression des incisives
ou de linguo-mésio-rotation sous l’effet de tractions intermaxillaires.
Avec
des prolongements antérieurs, ils peuvent avoir une action sur la forme de
l’arcade, qu’elle soit ou non équipée de multiattaches.
– Le second, axé entièrement sur la rééducation des dysfonctions
musculaires linguolabiales, a connu une grande popularité dans les années
1920 avec Rogers et son exerciseur. L’idée est de contrer les
habitudes déformantes dès leur apparition.
Aujourd’hui, cette famille
d’appareil est représentée par les écrans vestibulaires façonnés de Hotz ou préformés de Hinz, les grilles linguales, les lip bumpers, les perles
de Tucat, les enveloppes de Bonnet...
À ces dispositifs exclusifs viennent
s’ajouter ceux de Fränkel ou de Bimler qui allient l’effet d’accessoires
destinés à la rééducation de la sphère faciale (pelotes, écrans jugaux...) à une
correction orthopédique.
À ces méthodes de rééducation par appareillages,
les praticiens associent des séances de rééducation confiées à des
orthophonistes ainsi que des interventions auprès de chirurgiens comme
l’ablation des cornets, des végétations et amygdales, des glossectomies,
frénectomies...
– Un troisième, improprement nommé fonctionnel, concerne les dispositifs
capables de modifier principalement la croissance faciale et secondairement
l’activité musculaire du système manducateur.
On recense, dès la fin du XIXe
siècle, les premiers propulseurs mandibulaires, qui sont suivis du célèbre
monobloc de Robin en 1902, des bielles de Herbst en 1904, des activateurs de
Häupl, Andresen en 1908.
Dans les années 1995, de nombreuses variétés de
propulseurs sont des déclinaisons de ces premiers dispositifs de correction des
malocclusions de classe II.
Citons les appareils de Harvold, leUbow activator
Karwetzky, le bow activator de Schwartz, le Herren-activator, le kinetor de
Stockfich, les monoblocs de Teucher, Ahlgren, Bass, Van Beek...
Aujourd’hui, cette famille d’appareils a tendance à se réduire à des formes
plus simples, pratiques et économiques tels que les monoblocs à traction orale
ou les bielles de Herbst sur gouttières.
Ces appareils ne font toujours pas
l’unanimité parmi l’ensemble des praticiens sans qu’il soit aujourd’hui
apporté la preuve qu’ils aient des effets négatifs sur l’intégrité du condyle.
Le traitement des insuffisances transversales par disjonction de
la suture maxillaire médiane est pratiqué depuis le XIXe siècle avec de
nombreux appareils, comme les ressorts en fil rond de Coffin, les
vérins expanseurs ou de disjonction sur bagues ou sur gouttières fixées.
Savoir
si la disjonction maxillaire peut avoir un effet sur la ventilation reste
controversée..
En revanche, il a été prouvé qu’une disjonction faite avant le pic de croissance est préférable pour éviter une mauvaise consolidation de
la suture.
Sur gouttière collée ou scellée, les risques de versions et de
résorptions radiculaires sont minimisés.
Pour la correction des
classes III, la traction maxillaire postéroantérieure, proposée par Popovitch au siècle dernier, a trouvé un regain d’intérêt grâce à Delaire et pris le
relais des frondes mentonnières souvent utilisées.
On doit à Nanda des
analyses biomécaniques et histologiques de l’effet de ces appareils sur les
sutures.
– Un axe d’évolution, fortement lié à la commercialisation des fournitures et
aux progrès technologiques, concerne les mécaniques de déplacement par
appareillage multi-attaches fixes.
En 1915, Angle conçoit la première attache ribon arch, suivie en 1925 de la console edgewise permettant
l’utilisation de fil rond, carré ou rectangulaire, permettant le contrôle des
déplacements dentaires dans les trois sens de l’espace.
En 1940, Tweed
systématisa une méthode de traitement basée sur l’emploi de ce nouveau
procédé sous le nom de technique edgewise.
Il y associa le port de tractions extraorales et d’élastiques intermaxillaires.
Il fut l’initiateur de la rotation et
de la distoversion préalables des molaires encore appelées préparation
d’ancrage.
Dans les années 1960, Burstone analysa plus rigoureusement cette
mécanothérapie qu’il finalisa par la création de nouveaux alliages à mémoire
de forme.
Depuis cette période, Andrews, Ricketts, Roth... ont mis les
industriels à contribution pour commercialiser des attaches préinformées, des
arcs et des bagues préfabriqués, favorisant une formidable popularisation de
leurs techniques.
Les appareils multiattaches se composent d’unités passives
(bagues, attaches, arcs de stabilisation) et d’unités actives (arcs continus ou
sectionnels, élastiques ressorts, tractions extraorales, aimants...).
La réaction
aux forces et moments doit être équilibrée par une unité passive encore
appelée ancrage dont la fiabilité est proportionnelle à l’intensité des forces
exercées.
Pour augmenter cet ancrage, on peut faire appel à des tractions extraorales, à des ressorts en traction ou en torsion, à l’appareil de Nance ou
autres.
Ces techniques sont particulièrement efficaces pour le
traitement des diastèmes (naturels ou résultants d’extractions), des dystopies,
des anomalies du sens vertical, des mouvements de racine, afin de répartir une
quantité d’os égale entre les dents et de rétablir l’ajustement occlusal.
– Les guideurs d’éruption, ou positionneurs : inventés en France dans les
années 1940, des appareils monoblocs souples encore appelés masticateurs
ont pour objet de guider les dents durant leur éruption ou en fin de traitement,
tout en maintenant la mandibule dans une position sagittale normale avec
l’arcade antagoniste (appareils de Soulet-Besombes ou élastopositionneurs
individualisables).
Les surfaces occlusales de ces appareils sont planes.
Lorsqu’elles comprennent des édentations, on parle de positionneurs ou
appareils d’élastodontie.
Ces appareils peuvent être le résultat d’un montage
préalable du moulage en plâtre (set up) ou bien être préfabriqués.
Les pistes
de Planas peuvent être placées dans cette catégorie puisqu’elles ont aussi pour
objectif le guidage de l’éruption et l’équilibration de la fonction.
Choix des appareillages orthodontiques
:
Le choix des appareillages peut être déterminé par trois sources
d’informations : celles issues des études biologiques et cliniques ; celles
provenant de consensus « d’experts » ; celles consécutives à une évaluation
interne au cabinet.
A - Apport des recherches biologiques et cliniques
:
Des recherches biologiques, le clinicien a appris que les déplacements dentaires
doivent s’effectuer de préférence par des pressions faibles, au moins au début du
mouvement.
La vitesse du déplacement dépend de l’inflammation des tissus
ligamentaires et des secrétions hormonales.
Elles nous informent aussi que la
propulsion mandibulaire a une action sur la croissance du condyle et du temporal
et, temporairement, sur les réponses myoélectriques des muscles masticateurs.
B - Apport des panels d’experts
:
Se référer à un groupe d’experts pour aider à la prise de décision thérapeutique
se révèle souvent illusoire :
– dans un travail concernant l’extraction des troisièmes molaires, en fin de
traitement, Jones et al ont trouvé un faible score de consensualité (kappa =
0,14 ; Kruskall-Wallis = 46,84 ; p < 0,001) ;
– dans une enquête sur l’opportunité de commencer le traitement en denture
mixte effectuée par 97 praticiens, Yang et al n’obtiennent aucune
convergence d’opinion (39 à 76 % d’avis concordants) ;
– pour vérifier si l’opinion des experts peut changer avec le temps,Weintraub
et al ont d’abord sondé par téléphone 238 praticiens en leur demandant
quel était leur taux d’extractions thérapeutiques ; les résultats ont varié entre
5 à 87 % ; ils se rendirent ensuite chez les cinq praticiens ayant les plus forts
pourcentages et les cinq ayant déclaré les taux les plus faibles ; l’écart des taux
réels d’extraction pour ces pratiques se réduisait en fait entre 25 à 85 %, ce
qui prouve la nature subjective de leurs premières estimations ;
– dans le même esprit, Ribarevski et al ont montré que dix orthodontistes
interrogés sur le plan de traitement sur 60 dossiers appliquaient des critères
de décision et des plans de traitement différents, donnaient des taux
d’extraction variables pour ces mêmes dossiers, quelques mois après.
C - Apports d’une évaluation interne au cabinet :
Choisir avec discernement l’appareil le mieux adapté pour chaque effet
thérapeutique ne peut se concevoir sans connaître pour son propre mode
d’exercice, quel type d’appareil donne les résultats les plus durables et
rapides, avec un minimum d’effets parasites, un plus grand confort pour le
patient, une plus grande facilité de fabrication et de pose et un coût plus réduit.
Ces paramètres rarement débattus dans le cadre de l’enseignement
académique, sont pourtant essentiels pour un exercice harmonieux et
satisfaisant.
Faut-il encore que chaque praticien se donne la peine de mettre
en application les différentes méthodes de contrôle nécessaires à une
estimation objective de son activité.
C’est ce que nous allons développer
maintenant.
Choix d’une méthode de traitement
:
A - Méthodes formalisées :
Sans une logique judicieuse capable d’optimiser les effets thérapeutiques pour
chaque appareil, le praticien ne peut maîtriser le nombre et la qualité de ses
résultats et savoir dans quels domaines il peut les améliorer.
Mais cette recherche rationnelle est difficile en orthodontie, du fait que les
effets thérapeutiques se déroulent sur des durées importantes (de 3 à 10 ans).
Dès ses études, le praticien ne peut appréhender toutes les modifications
thérapeutiques. Bien souvent, il ne peut qu’évaluer des résultats transitoires.
À cause de cela, le jeune praticien compte sur des méthodes formalisées
(« clef en main »), d’autant qu’elles s’accompagnent d’une mise à disposition
de matériel préfabriqué et d’un coût abordable.
Pour rendre leur méthode encore plus « attrayante » et « cohérente », les
auteurs de ces méthodes se plaisent à développer une chaîne logique partant
des méthodes de diagnostic, du plan de traitement, du contrôle et de
l’énumération des critères de la qualité finale.
Parmi ces nombreuses méthodes, nous citerons celles de :
– Tweed, qui allie à l’utilisation de consoles rectangulaires une méthode
céphalométrique, un idéal de positionnement des dents antérieures, des
mécaniques extractionnistes basées sur les préparations d’ancrage ;
– Begg, qui prône, en plus de l’utilisation de verrous et de fils spéciaux, une
thérapeutique compensatrice des déficits attritionnels de notre société
moderne ;
– Planas, qui propose, avec l’utilisation de plaques à piste, un concept
d’occlusion balancée basé sur le guidage d’éruption et le contrôle en
latéralité ;
– Molin, qui après avoir promu des appareils bibagues, cherche à privilégier
le distalage et l’extraction des secondes molaires ;
– Burstone, Ricketts, qui introduisent le concept d’arcs segmentés associés à
des méthodes diagnostiques et des méthodes de traitement particulières ;
– Fränkel ou Bimler qui tâchent de rendre cohérents des procédés
« fonctionnels » exclusifs ;
– Andrews, Roth, Alexander, qui privilégient l’utilisation d’arcs continus et
une certaine « philosophie » de traitement...
Les avantages de ces méthodes formalisées ne sont pas à démontrer : elles
sont particulièrement pédagogiques, sécurisantes, éprouvées, facilement
communicables.
Elles ont pour inconvénient de ne pas être adaptées au mode
d’exercice précis de chaque praticien pour une population donnée.
B - Méthodes alternatives :
Peut-on universaliser une méthode de diagnostic, de traitement et d’idéal
thérapeutique quelles que soient les contraintes économiques, sociales et
culturelles des populations à traiter et quel que soit le praticien ?
Comment
une technique pratiquée avec succès avec une population docile et motivée
peut-elle s’appliquer stricto sensu à des patients qui peuvent jouer un rôle
négatif dans la maîtrise de la qualité de traitement ou le développement de
caries en refusant de porter les appareils, en les brisant volontairement, en
n’observant aucune recommandation, en manquant les rendez-vous, voire en
abandonnant le traitement.
C’est pour répondre à ce genre de questions que
des solutions alternatives existent comme les bielles de Herbst de première
ou seconde intention, Jasper jumper, ressorts en alliage nickel-titane, lip
bumper...) et bien d’autres.
Et contrairement à ce que l’on pourrait croire, l’emploi de plusieurs appareils
successifs, appartenant à des méthodes différentes, permet que :
– évitant l’utilisation d’accessoires mal adaptés à son mode d’exercice, on
gagne en facilité de fabrication, en solidité, en confort et en reproductibilité
des effets thérapeutiques ;
– connaissant précisément quels sont les résultats prévisibles pour chaque
appareil, le praticien puisse intervenir aussitôt en cas de panne de motivation ;
– obtenant des résultats visibles, rapides et en rompant la monotonie des
traitements par le renouvellement fréquent d’appareils, nous stimulions la
coopération des patients, bien plus que par des flots de paroles ;
– étant bien standardisés, les appareils nous permettent d’améliorer la
communication entre le personnel du cabinet, celui du laboratoire et les
patients.
Le praticien d’aujourd’hui, maîtrisant aussi mieux les problèmes
biomécaniques et disposant de matériaux à mémoire de forme, des attaches préajustées, etc, peut traiter plus rapidement lors des séquences multiattaches.
Ce temps récupéré peut lui permettre d’employer des moyens
thérapeutiques complémentaires, comme l’orthopédie, la rééducation par
appareil, le guide d’éruption, les appareils bibagues, etc, sans augmenter pour
autant la durée globale de traitement.
C - Techniques d’évaluation :
Certes, l’évaluation statistique des effets thérapeutiques au cabinet est une
charge de travail importante pour le praticien.
Néanmoins, ce moyen est
irremplaçable pour optimiser son exercice professionnel dans le cadre des
contraintes que nous impose la microsociété dans laquelle ce praticien évolue.
À l’heure de l’informatisation des cabinets, il est particulièrement aisé de
connaître l’efficacité de ses choix thérapeutiques.
Grâce aux applicatifs
actuellement à notre disposition, il est possible de mesurer et contrôler la
répercussion de nos choix de traitement.
En introduisant des indicateurs
comme les taux d’abandon en cours de traitement, mais aussi de récidive et
de qualité de résultats à ses résultats d’activité, le praticien peut se rendre
compte objectivement des conséquences de ses décisions.
Pour cela, nous décrirons deux méthodes plus sophistiquées mais qui peuvent
être d’une particulière utilité dans la recherche de logiques décisionnelles
optimales : l’arbre de décision et l’audit stratégique.
1- Arbres de décision :
Afin de capter plus facilement les différentes solutions thérapeutiques, on peut
visualiser les choix par une représentation graphique appelée arbre de
décision.
C’est cette méthode que Vig utilise pour mettre en scène différentes
méthodes de traitement des malocclusions de classe II.
Son arbre de décision
utilise tous les noeuds terminaux possibles et leurs probabilités respectives.
L’espérance mathématique (E) est une moyenne des résultats des
combinaisons décision-événement pondérées par la probabilité qu’ils se
produisent : E(x) = ªpi.xi (xi = cas possibles en fonction d’un événement ; pi
= probabilité de ces mêmes événements).
En positif correspondait l’amélioration de la malocclusion et en négatif
l’extraction de dents ou l’augmentation de la durée de traitement.
2- Choix d’une méthode par audits stratégiques
:
La méthode de l’audit stratégique se définit comme : « une méthode
d’évaluation et d’identification des dysfonctionnements permettant de
hiérarchiser tous les risques possibles ».
L’audit stratégique découle des audits de résultats de qualité, de conformité,
d’efficacité, de satisfaction des patients.
Nous présentons ici cinq exemples de traitement modélisés après la
présentation d’une étude épidémiologique préalable destinée à classer en
types représentatifs la population que nous avons à traiter quotidiennement ;
selon la qualité de l’outil statistique et surtout le volume de la population, ce
type de recherche statistique descriptive préalable peut représenter de 75 à
85 % de la population à traiter :
– traitement des classes III, par masque de protraction et mécaniques multiattaches ;
– traitement d’un articulé croisé unilatéral par gouttières de disjonction, suivi
de rééducateur lingual et bielles de Herbst asymétrique ;
– traitement d’une classe II div 1, par propulseur de Herbst suivi d’un
élastopositionneur individualisable ;
– traitement par extractions thérapeutiques d’une malocclusion de classe II
div 1 modérée, associée à une dysharmonie dentomaxillaire.
On a vu quelquefois certains praticiens passer toute leur vie
professionnelle « à voir si ça marche » sans se stabiliser dans une
démarche décisionnelle cohérente et efficace.
À l’opposé, on connaît
des praticiens qui, après avoir acquis un certain nombre de
connaissances positives à l’âge de 25 ans, tentent de les appliquer
durant 40 ans sans les modifier ni les adapter !
En ce début du XXIe siècle, les connaissances acquises sont encore
éparses et parfois contestables.
Mais rien n’empêche le praticien
d’évaluer l’effet thérapeutique des appareillages selon ses goûts, ses
capacités, son habileté à communiquer, sa volonté d’intégrer les
innovations, les contraintes sociales, le comportement de ses
patients...
Les méthodes statistiques classiques de contrôle comme
les audits décisionnels peuvent être une bonne méthode
d’autoévaluation pour choisir le meilleur choix d’appareillage ou de
méthode de traitement, même si elles peuvent contredire parfois les
hypothèses admises comme certitudes.