Ne seront abordées succinctement que les « tumeurs » caractéristiques, à la
frontière de l’oeil et de la peau.
A - Chalazion
:
C’est une réaction granulomateuse développée aux dépens de glandes de
Meibomius détruites par un processus inflammatoire (meibomite chronique) ;
il se traduit par un nodule enchâssé, ferme, peu douloureux à la pression,
siégeant soit sur le bord libre du tarse, au niveau du canal excréteur de la
glande, soit au sein de la conjonctive tarsienne, plutôt à la face interne de la
paupière inférieure et à la face externe de la paupière supérieure.
L’évolution
se fait vers l’enkystement après quelques récidives ou l’abcédation après
surinfection staphylococcique.
Le traitement médical à base de pommade
ophtalmique antibiotique et corticoïde, doit précéder le geste chirurgical qui
comporte une incision et un curetage.
B - Orgelet
:
C’est une infection généralement staphylococcique de la glande pilosébacée,
annexée à un cil ; l’évolution est furonculoïde avec nécrose purulente du
follicule, réaction oedémateuse palpébrale, collection et douleur à la pression.
L’évacuation spontanée du pus s’accompagne d’une chute du cil.
Le
traitement associe une pommade antistaphylococcique et, en cas de récidive,
une désinfection des gîtes bactériens (narines, conduits auditifs externes,
anus...) et la régulation d’une éventuelle intolérance glucidique.
C - Adénome pléiomorphe, oncocytome :
L’adénome pléiomorphe, tumeur épithéliale bénigne la plus fréquente des
glandes lacrymales et l’oncocytome ou adénome à cellules oxyphiles, bien
plus rare, se traduisent par un nodule (prédominant au canthus interne, ou
directement visible sous la conjonctive après éversion palpébrale), ou bien
par une exophtalmie.
D - Nævomatose basocellulaire ou syndrome de Gorlin
(-Goltz)
:
C’est une affection héréditaire rare de transmission autosomique dominante à
pénétrance élevée, à expressivité variable, qui se caractérise par l’apparition
précoce de multiples tumeurs cutanées (parfois télangiectasiques ou
pigmentées, touchant volontiers la face et les paupières), évoluant vers des
carcinomes basocellulaires.
Des anomalies diverses sont associées
selon une fréquence très variable : porokératose palmoplantaire, grains de
milium, kystes épidermiques, lipomes, fibromes, malformations
maxillodentaires, anomalies squelettiques, manifestations neuropsychiatriques,
anomalies génitales, hypoparathyroïdie ; les anomalies
ophtalmologiques sont assez rares (cataracte, mélanocytome rétinien,
strabisme).
E - Carcinome sébacé :
C’est un cancer dérivé de l’épithélium annexiel des glandes sébacées ;
prédominant à la paupière supérieure, il concerne le plus souvent la glande de
Meibomius, les glandes de Zeis, les glandes sébacées de la caroncule ou bien les glandes sébacées cutanées.
Observé plutôt chez le sujet âgé, il s’exprime
par un nodule de taille variable, typiquement jaune orangé, d’évolution
volontiers ulcérée à la paupière dont le diagnostic différentiel doit être fait
avec un chalazion banal récidivant, un carcinome basocellulaire, un
carcinome épidermoïde.
Il est associé à d’autres tumeurs sébacées et à des kératoacanthomes dans le
cadre du syndrome de Muir-Torre qui peut précéder l’apparition de néoplasie
colorectale.
L’histologie typique comporte une tumeur dermique non encapsulée
présentant différents aspects architecturaux (lobulaire, parfois centré par de la nécrose, papillaire...) ou divers degrés de différenciation (épidermoïdelike,
basaloïde, adénoïde, fusiforme...) ou encore un type pagétoïde.
Du fait
du risque métastatique élevé, l’exérèse chirurgicale à 5 mm doit être
complétée par une radiothérapie ou une iridium-thérapie.
F - Xeroderma pigmentosum :
Outre les néoplasies palpébroconjonctivales, les manifestations
oculaires comportent une photophobie avec blépharospasme, une atrophie
progressive des paupières entraînant des kératoconjonctivites avec risque
d’ulcération et de symblépharon.
Il est essentiel d’assurer une photoprotection
absolue et précoce.
G - Nævus de Ota :
C’est un hamartome mélanoblastique congénital, considéré comme non
héréditaire, présent dès la naissance ou pouvant apparaître plus tardivement,
notamment à la puberté, plus fréquent chez les Asiatiques et dans la race noire.
Habituellement unilatéral, de teinte hétérogène bleu-gris ardoisé, il s’étend
sur le territoire des branches du nerf trijumeau et s’associe dans trois quarts
des cas à une mélanose oculaire.
Celle-ci concerne la sclère
principalement, l’iris, la conjonctive palpébrale, plus rarement la papille
optique et la rétine.
Des associations à un hémangiome choroïdien, un
glaucome, un kératocône, une rétinopathie pigmentaire, une cataracte, mais surtout à un mélanome de la choroïde et à une tumeur mélanocytaire ou
hémangiomateuse des leptoméninges, ont été décrites.
Tout type de naevus
peut s’observer en région palpébrale, volontiers de façon congénitale
avec une extension progressive et exceptionnellement la survenue d’un
mélanome.
H - Mélanome
:
Les mélanomes de l’uvée, siégeant dans la choroïde, le corps ciliaire ou l’iris,
sont les tumeurs intraoculaires primitives les plus fréquentes.
Ils
peuvent également siéger dans la conjonctive.
Ils intéressent le dermatologue en raison de la nécessité d’une recherche systématique de
métastases pouvant se localiser à la peau, certes bien plus rarement qu’au
niveau du foie, du poumon et du cerveau.
Il importe aussi de faire la
distinction avec la métastase intraoculaire d’un mélanome primitivement
cutané, mais il existe alors généralement d’autres localisations secondaires et
il s’agit plus volontiers de micrométastases par dissémination hématogène
intravitréenne, choroïdienne et rétinienne.
La symptomatologie initiale
dépend du siège de la tumeur, les mélanomes choroïdiens périphériques
restant longtemps muets, à l’opposé des tumeurs du pôle postérieur
(syndrome maculaire, scotome, baisse d’acuité visuelle...).
Le mélanome est
évoqué par la découverte au fond d’oeil d’une formation unilatérale très
surélevée, plus ou moins pigmentée, parfois même amélanotique, avec une
dilatation vasculaire marquée à sa surface ; l’angiographie
fluorescéinique, l’ultrasonographie, la tomodensitométrie ouplus
rarement la biopsie tumorale transrétinienne contribuent à l’affirmation du
diagnostic.
Le traitement repose sur la radiothérapie, l’irradiation
stéréotaxique par un faisceau de protons accélérés ou sur une chirurgie
d’exérèse (choroïdectomie ou énucléation).
I - Rétinopathie auto-immune :
C’est un syndrome paranéoplasique de description récente, associé
principalement aux carcinomes bronchiques, surtout à petites cellules, aux
cancers du col utérin et du sein mais aussi aux mélanomes.
Elle se traduit par
une baisse de la vision centrale et périphérique, une perte de la vision des
couleurs, un scotome annulaire, une héméralopie, des photopsies.
Elle résulte
de la production d’anticorps se fixant sur un antigène (23 kDa) du
neuroépithélium rétinien ; l’évolution vers la cécité peut être retardée par la
corticothérapie générale ou les immunosuppresseurs.
J - Lymphomes :
L’oeil et l’orbite peuvent être le siège de lymphomes non hodgkiniens
primitivement développés dans cette localisation (le plus souvent de faible
malignité) ou de métastases de lymphomes d’autre origine (plus fréquemment
de haut grade), survenant volontiers dans le cadre d’une immunodépression,
notamment du sida.
Les topographies conjonctivales (surtout au niveau des fornix), lacrymales (se traduisant souvent par une exophtalmie progressive,
irréductible, indolore s’accompagnant de gonflement palpébral),
intraoculaires (en général cérébrorétiniennes ; le mode de révélation étant
souvent constitué par une choroïdite) sont possibles.
En Afrique, le lymphome
de Burkitt (ou lymphome diffus à petites cellules non clivées à haut grade de
malignité, secondaire à une infection par le virus d’Epstein-Barr) est
particulièrement fréquent chez l’enfant.
K - Histiocytoses, plasmocytome, amylose
:
Certaines histiocytoses qualifiées de bénignes peuvent se localiser à l’appareil
oculaire.
Ainsi, le xanthogranulome juvénile dans sa forme multinodulaire
cutanée peut comporter, chez l’enfant (moins de 2 ans), outre une possible
exophtalmie et des papulonodules jaune orangé palpébraux, conjonctivaux ou
scléraux, une infiltration unilatérale de l’iris responsable d’hyphéma spontané
(hémorragie dans la chambre antérieure) ; un glaucome infantile unilatéral
secondaire doit faire évoquer ce diagnostic.
Le xanthogranulome
nécrobiotique a pour siège de prédilection la région périorbitaire ; il se traduit
par des papulonodules palpébraux à type de xanthomes (dont l’extension
profonde doit être évaluée par tomodensitométrie ; l’histologie associe des
zones granulomateuses et des zones nécrobiotiques avec xanthomisation) ; il
existe une paraprotéinémie mais l’évolution vers le myélome est rare.
La
maladie de Erdheim-Chester est une histiocytose non langerhansienne rare
de l’adulte qui peut comporter une ostéosclérose prédominant aux os longs et
une atteinte oculaire avec exophtalmie parfois révélatrice.
Une tumeur souscutanée
orbitaire (surtout du rebord supérieur) avecostéolyse sous-jacente
peut exceptionnellement constituer la manifestation révélatrice d’un
granulome éosinophile ou d’une histiocytose langerhansienne plus agressive
qui peut se compliquer d’exophtalmie d’évolution rapide pouvant aboutir à la
subluxation du globe oculaire.
Le plasmocytome isolé ou multiple souscutané
ou/et osseux avec ou sans gammapathie monoclonale comporte
volontiers une topographie périorbitaire.
L’amylose systémique
primaire associée au myélome peut comporter, outre une macroglossie et des
dépôts cutanés, une infiltration palpébrale (se manifestant par des petites
papules orangées confluentes) par la substance amyloïde dérivée des chaînes
légères des immunoglobulines, qui s’accompagne d’une fragilité cutanée et
se traduit par l’apparition d’un purpura périorbitaire après effort de toux, de
vomissements ou manoeuvre de Valsalva.
L -
Métastases localisées à l’appareil oculaire :
Elles sont rares, de localisation essentiellement palpébrale parfois intraorbitaire et constituent un facteur de mauvais pronostic.
Elles
proviennent essentiellement d’adénocarcinomes (sein - 40 %, poumon -
20 %, appareil digestif, rein, prostate, thyroïde...), de carcinomes épidermoïdes cutanéomuqueux, de mélanomes, de neuroblastomes, de
carcinoïdes...
Les métastases palpébrales sont souvent peu spécifiques,
d’aspect polymorphe (nodulaire, ulcéré, infiltré, inflammatoire ou
non...) et surviennent généralement plusieurs années après le traitement de la
tumeur initiale.
Les métastases intraorbitaires sont au contraire plus volontiers
révélatrices (20 %) et s’expriment par une exophtalmie, un ptôsis, une
diplopie, une baisse de l’acuité visuelle, une douleur...
Interrelations dermatologie-ophtalmologie
par iatrogénie
:
A - Eczéma secondaire aux thérapeutiques
ophtalmologiques :
Les collyres et pommades ophtalmiques comportent outre le produit actif, de
nombreux additifs et substances modifiant le pouvoir de pénétration ou
permettant la conservation (antioxydant, antiseptique...) et de multiples
excipients à risque allergisant.
La dilution par les larmes et la pénétration dans
l’appareil oculaire après instillation du collyre dans les culs-de-sac
conjonctivaux, n’empêchent pas une élimination partielle dans le
rhinopharynx et une diffusion au tissu cutanéomuqueux palpébral et aux
orifices narinaires.
On comprend donc la fréquence de la localisation initiale
palpébrale et/ou périnarinaire de l’eczéma.
Il est volontiers aigu, très
oedémateux, entraînant la fermeture de la fente palpébrale.
Il existe toujours
un prurit intense ou une sensation de cuisson, une hyperhémie conjonctivale,
parfois un chémosis ou une véritable conjonctivite allergique pouvant même
se compliquer de kératite superficielle.
Il peut se constituer de façon plus
progressive avec des lésions vésiculeuses des paupières, une réaction eczématiforme sur le trajet des larmes (favorisées par l’irritation
conjonctivale) et de la rhinorrhée.
Les allergènes le plus fréquemment mis en cause sont, d’une part, les produits
les plus prescrits, d’autre part, ceux pour lesquels existent des allergies
croisées avec les thérapeutiques systémiques ou dermatologiques, permettant
notamment une sensibilisation préalable.
On peut citer quasiment tous les
types de médications ophtalmiques : antiseptiques (benzalkonium
chlorhydrate, chlorhexidine, céthexonium, hexamidine, polyvidone iodée...),
antibiotiques (néomycine, framycétine, gentamicine, tobramycine,
rifamycine, sulfacétamide...), mydriatiques (phényléphrine, atropine...),
antiglaucomateux (bêtabloquants), anti-inflammatoires non stéroïdiens,
anticataracte, anesthésiques locaux (oxybuprocaïne...) et même antiviraux
(aciclovir) ou corticoïdes.
Les lentilles de contact et les produits
nettoyants dits de « contactologie » peuvent induire des phénomènes
d’irritation ou/et des réactions allergiques.
B -
Dermites d’irritation : toxiques, bombes d’autodéfense
De nombreux toxiques peuvent atteindre l’appareil oculaire et simultanément
le tissu cutanéomuqueux environnant.
Il serait trop long de tous les énumérer ;
il faut cependant connaître les modalités thérapeutiques des réactions cutanéomuqueuses aux bombes d’autodéfense, en raison de l’augmentation
de leur survenue et de l’atteinte quasi constante de l’oeil et de la peau du fait
de leur conditionnement en aérosol.
Les effets cliniques habituels des agents
lacrymogènes (orthochlorobenzylidène malononitrile ou « CS »,
chloracétophénone ou « CN », chlorure de phénacyle, bromacétate d’éthyle)
consistent, immédiatement après l’exposition, en une conjonctivite avec
sensation de brûlure très douloureuse durant 2 à 5 minutes (c’est l’« effet
incapacitant » recherché par les utilisateurs), en un érythème des paupières,
un larmoiement et une photophobie disparaissant en 15 à 30 minutes, en des
brûlures nasales et buccales avec rhinorrhée et sialorrhée, en un érythème
cutané avec prurit, en une dyspnée avec toux traduisant l’inhalation, en des
vomissements.
Les effets cliniques d’une forte concentration de particules
chimiques dans l’atmosphère (espace clos) ou d’une projection directe sur la
peau ou les muqueuses, sont plus sévères et consistent, dans les secondes
suivant l’exposition, en un blépharospasme incoercible et une dyspnée aiguë ;
dans les minutes et les heures qui suivent, on peut observer des brûlures avec
décollements cutanés et muqueux à type de vésiculobulles, une
kératite parfois sévère avec risque d’ulcération cornéenne et de synéchies
conjonctivales, une dyspnée pouvant évoluer exceptionnellement vers un
syndrome de détresse respiratoire aiguë fatal.
En cas de contact préalable, un
eczéma et/ou une crise d’asthme et/ou une dermite urticarienne peuvent
survenir en quelques heures avec généralisation érythrodermique possible.
On décrit, en outre, des réactions plus tardives (j5-j8), la sensibilisation
s’exprimant probablement grâce à la rémanence du toxique (stocké dans les
habits ou les cheveux, libéré notamment lors du shampooing et du rinçage à
l’eau, en raison de son hydrosolubilité) qui permet un nouveau contact.
La prise en charge thérapeutique doit être conduite précocement ; elle
comporte un lavage oculaire abondant et prolongé au sérum physiologique
(le métabisulfate de sodium en solution, antagoniste du toxique CS, serait
utilisable en instillation oculaire), l’application d’un cicatrisant cornéen, d’un
atropinique et d’un collyre antiseptique et/ou antibiotique.
Il faut effectuer un
déshabillage complet du sujet, un nettoyage, cuir chevelu compris, avec un
lait démaquillant ou une huile cosmétique (afin de fixer le toxique et d’éviter
sa dissémination sur l’ensemble du corps) et seulement secondairement, un
lavage abondant et répété à l’eau sous une douche, une asepsie cutanée avec
des soins du même type que ceux réalisés pour les brûlés en cas d’éruption
bulleuse étendue (aspiration des bulles, recouvrement par une pommade
antibiotique de type sulfadiazine argentique, réhydratation), un aérosol
biquotidien de sérum physiologique tiède grâce à un pulvérisateur de Lucas- Championnièret, la prescription d’antihistaminiques, parfois de
dermocorticoïdes et, en cas de surinfection, une antibiothérapie générale
après réalisation de prélèvements microbiologiques.
C - Toxicité oculaire des médicaments
utilisés en dermatologie
:
1- Antipaludéens de synthèse :
La toxicité oculaire des antipaludéens de synthèse ne survient qu’après
l’utilisation de fortes doses de dérivés de la 4-aminoquinoléine (sulfate de
chloroquine [Nivaquinet], sulfate d’hydroxychloroquine [Plaquenilt]) et/ou
après un traitement de longue durée.
Il s’agit généralement d’affections
systémiques, volontiers à polarité dermatologique (lupus, dermatomyosite,
sclérodermie, porphyrie cutanée tardive...) ou de photodermatoses (lucite
polymorphe...).
L’atteinte cornéenne survient durant la première année de
traitement (parfois plus précocement dès la deuxième semaine).
Le malade
décrit parfois une diminution de l’acuité visuelle ou la vision de halos colorés,
mais le plus souvent l’atteinte est asymptomatique ; à l’examen, on observe
des dépôts bilatéraux à la partie inférieure de la cornée, à type de lignes
horizontales avec ramifications en « moustaches de chat ».
L’évolution est
régressive en 1 à 2 mois dès l’arrêt du traitement.
L’atteinte rétinienne peut
survenir à partir d’une dose cumulée minimale toxique de 100 g, mais le plus
souvent pour une dose cumulée supérieure à 300 g, ce qui correspond à des
posologies élevées autour de 500 mg/j.
La dose quotidienne est un facteur
majeur de toxicité : les doses maximales recommandées sont de 4 mg/kg/j
pour la chloroquine et de 6,5 mg/kg/j pour l’hydroxychloroquine.
Il existe
cependant une importante susceptibilité individuelle et des observations de maculopathie aux antipaludéens à dose prophylactique, ont été décrites.
La
rétinopathie apparaît de façon insidieuse : initialement on peut noter une
perturbation de la vision des couleurs ou dyschromatopsie dans l’axe bleujaune,
plus rarement rouge-vert et/ou une altération du champ visuel par
abaissement des seuils périfovéolaires sans diminution de l’acuité visuelle.
Celle-ci prédomine dans la vision de près, surtout dans la semi-obscurité
(héméralopie) et n’est constatée que lorsque le fond d’oeil est déjà altéré
(modification de la répartition pigmentaire rétinienne maculaire en « oeil de
boeuf » : la foveola apparaît plus foncée et est entourée d’une zone plus claire,
elle-même cerclée par une bande pigmentée).
À un stade avancé, on observe
une atrophie de l’épithélium pigmentaire maculaire irréversible (pouvant
même s’aggraver après l’arrêt du traitement) ainsi que parfois une atteinte de
la rétine périphérique avec un aspect « poivre et sel ».
On décrit plus rarement
une parésie de l’accommodation bénigne et régressive (après forte dose
supérieure à 500 mg/j), des troubles oculomoteurs à type de diplopie ou de
parésie, une cataracte sous-capsulaire postérieure.
L’examen initial préthérapeutique devrait idéalement comprendre, outre l’évaluation de
l’acuité visuelle de loin et de près, un fond d’oeil avec exploration minutieuse
de l’aire maculaire, un examen du sens chromatique (« vision des couleurs » ;
100 Hue), une étude du champ visuel (grille de Amsler, périmétrie statique
Stat 57) explorant la vision maculaire et sur le plan électrophysiologique un
électrorétinogramme.
Certains auteurs effectuent également un électrooculogramme
(permettant d’apprécier l’état de l’épithélium pigmentaire) et
une angiographie rétinienne de référence.
Les examens seront renouvelés tous
les 3 à 12 mois selon le risque de rétinopathie, en fonction de la posologie
quotidienne, de la dose cumulée, du terrain (sujet âgé, insuffisance rénale)
ainsi qu’en fonction des éventuelles anomalies constatées.
L’angiographie fluorescéinique ne sera contrôlée qu’en cas de modification du fond d’oeil.
La
valeur de dépistage précoce de la rétinopathie par l’électrorétinographie
(diminution de l’amplitude de l’onde b) est toujours discutée car, en phase
initiale, elle prouve l’imprégnation rétinienne par les antipaludéens mais
n’affirme pas le retentissement pathologique.
2- Corticoïdes :
L’hypertonie oculaire peut survenir chez un malade ayant un angle iridocornéen ouvert, après une corticothérapie par voie générale ou plus
souvent locale, quel que soit son mode d’administration (plus précocement
après injection sous-conjonctivale, latérobulbaire ou instillation de collyre
qu’après application de pommade ou de crème, a fortiori à distance de
l’appareil oculaire).
Le risque est proportionnel au pouvoir antiinflammatoire
du corticoïde et est majoré chez l’enfant, en cas de diabète ou
de myopie (> 5 dioptries) associés, lors d’antécédent familial.
L’atteinte est
habituellement réversible à l’arrêt du corticoïde lorsque la durée de traitement
est inférieure à 2 mois ; au-delà, la normalisation spontanée est aléatoire car
le corticoïde ne fait probablement que révéler un terrain glaucomateux qui
évolue alors pour son propre compte.
Il importe donc de mesurer initialement
par tonométrie à aplanation, la pression intraoculaire des malades devant être
traités par corticothérapie prolongée, puis de surveiller de façon systématique
les sujets à risque.
Le délai d’apparition d’une cataracte après corticothérapie
est généralement de plusieurs mois ; il est fonction de la posologie du
corticoïde, de son pouvoir anti-inflammatoire, de l’âge du malade (les enfants
encourant un risque accru) et d’une certaine prédisposition.
Initialement
asymptomatique, elle se traduit ensuite par une baisse de l’acuité visuelle
prédominant sur la vision de près.
À l’examen à la lampe à fente, on objective
des opacités le plus souvent bilatérales, sous-capsulaires postérieures et/ou
des vacuoles intracristalliniennes donnant au cristallin un aspect en « mie de
pain », dont la réversibilité peut s’observer à l’arrêt du traitement. Le risque
infectieux (herpès, conjonctivites bactériennes) est majoré lors de
corticothérapie, notamment locale.
3- Rétinoïdes :
Les effets secondaires des rétinoïdes sont d’autant plus précoces et intenses
que la posologie est élevée ; généralement régressifs à la diminution ou à
l’arrêt du traitement, ils se traduisent par une xérophtalmie, une fréquence
plus élevée de blépharoconjonctivites avec risque d’opacités cornéennes, une héméralopie, plus rarement un oedème papillaire (parfois par hypertension
intracrânienne lors de la prise de cyclines associées), une névrite optique.
Ils
peuvent être partiellement prévenus par l’interdiction du port de lentilles de
contact et l’instillation de larmes artificielles sans conservateur.
4- Caroténoïdes :
La prise de canthaxanthine (Phénorot) au long cours peut favoriser des dépôts
rétiniens périmaculaires en « paillettes d’or » asymptomatiques (dont la
disparition se fait plusieurs années après l’arrêt du traitement) et colorer les
larmes et les lentilles de contact.
5- Clofazimine :
Utilisé dans l’érythème noueux lépreux, la lèpre multibacillaire résistante à la
dapsone et plus accessoirement dans le pyoderma gangrenosum, la
clofazimine (Lamprènet) est responsable, outre d’une coloration jaune
orangé de la peau et des sécrétions physiologiques, de dépôts cornéens et
rétiniens maculaires.
6- Antihistaminiques :
Par leur effet parasympathicolytique, les antihistaminiques H1 classiques
peuvent être responsables d’un glaucome aigu par fermeture de l’angle et
d’une parésie de l’accommodation.
7- PUVAthérapie :
Elle peut être responsable d’altérations rétiniennes lorsque les
recommandations de protection par des lunettes opaques durant la
photothérapie et par des lunettes de soleil durant 24 heures après la prise de
psoralènes, ne sont pas correctement suivies.