L’histoire des oedèmes, observés depuis les prémisses de la
médecine, est liée à celle de l’homéostasie, lorsque émerge la
connaissance des secteurs liquidiens de l’organisme et leur
régulation.
Augmentation pathologique des liquides
interstitiels, l’oedème généralisé traduit un dérèglement d’un
mécanisme essentiel de la vie : le système contrôlant les volumes
liquidiens corporels qui assure un équilibre exact entre les quantités
de sel et d’eau absorbées et éliminées.
Pour l’essentiel, le sodium est confiné dans l’espace extracellulaire
alors que les cellules contiennent surtout du potassium.
Le maintien
de cette répartition est en grande partie assuré par l’enzyme Na-KATPase
(adénosine triphosphatase) membranaire, dont c’est la
fonction homéostatique.
Le rôle du sodium, tonomole retenant l’eau,
est capital dans l’ajustement du volume extracellulaire.
Ainsi,
le dispositif central et véritablement moteur de la physiopathologie
des oedèmes généralisés est celui du bilan sodique.
L’implication du rein dans la genèse des oedèmes est liée à son rôle
qui consiste à maintenir la composition et le volume des
compartiments liquidiens dans des limites physiologiques, et en
particulier d’adapter l’excrétion urinaire du sodium aux entrées
alimentaires.
Le défaut d’excrétion rénale du sodium, eu égard
aux entrées, provoque la constitution d’oedèmes généralisés, que
l’altération soit primitivement rénale ou qu’elle dépende de
processus extrarénaux dont les reins sont victimes.
De nombreux
mécanismes et leurs intrications rendent complexe la compréhension
de la pathogénie des oedèmes, qui sont d’ailleurs rencontrés dans
des conditions pathologiques variées.
La thérapeutique vise à
rectifier l’excès du bilan hydrosodé en modulant entrées et sorties
de sodium, puis à maintenir en permanence un équilibre pour éviter
la reconstitution des oedèmes, tant que la cause initiale persiste.
Depuis plusieurs décennies, la disponibilité de médicaments
diurétiques de puissance et d’activité pharmacologique de mieux en
mieux développées a transformé au quotidien la vie des malades
oedémateux et réduit les complications les plus graves.
Toutefois,
certains oedèmes réfractaires n’ont pas définitivement disparu, et
leurs mécanismes ne sont pas tous identifiés.
La pratique médicale actuelle s’attache à la prévention des oedèmes,
lors d’affections y exposant, ou à découvrir précocement la cause
d’une atteinte rénale, cardiaque, hépatique... révélée par un oedème ;
l’idéal étant de disposer d’un véritable traitement étiologique.
Description et définitions des oedèmes
:
A - OEDÈMES GÉNÉRALISÉS
:
L’oedème est un symptôme clinique constitué par une accumulation
anormale de liquide dans les tissus sous-cutanés.
L’oedème
généralisé est un accroissement de volume du secteur interstitiel du
liquide extracellulaire, c’est-à-dire la partie non vasculaire du
compartiment liquidien extracellulaire.
Cet accroissement de volume entraîne des déformations visibles.
Habituellement, les patients atteints d’oedème périphérique
consultent pour un gonflement surtout vespéral, avec parfois
difficulté à la marche due à l’accumulation de liquide dans les
jambes ou pour une déformation inesthétique du visage.
Les oedèmes sont affirmés par le signe du godet : le doigt laisse une
empreinte durable sur un plan profond, dur.
Il est plus difficile de
les mettre en évidence chez les malades chroniquement alités, où il
faut les rechercher dans la région lombaire ou à la face interne des
cuisses.
Les oedèmes généralisés sont indolents.
La déformation
visible est palpable et persiste sous un revêtement cutané superficiel
qui est normal, non inflammatoire ; en général, leur topographie est
symétrique.
Avant même qu’ils ne soient visibles, les oedèmes se caractérisent
par une augmentation déjà importante du volume liquidien
infiltrant l’espace interstitiel.
Les déformations sous-cutanées ne
deviennent apparentes qu’à partir d’un accroissement d’au moins 5 % du volume extracellulaire. La prise de poids est l’élément
fondamental de la mesure clinique des oedèmes.
L’évolution de la
courbe pondérale témoigne du succès ou de la résistance au
traitement.
L’infiltration liquidienne peut constituer un transsudat et atteindre
les séreuses comme la plèvre, le péricarde, le péritoine, voire les
viscères, et en altérer le fonctionnement tissulaire.
Les signes
cliniques en sont bien connus.
L’oedème peut exposer à des accidents de haute gravité quand il
infiltre le tissu cérébroméningé, lorsque l’effraction vers le tissu
interstitiel cérébral déborde les capacités de réabsorption des cellules
gliales.
Cette encéphalopathie, souvent fruste au début, déroutante
chez l’enfant, de pronostic toujours redoutable, est une urgence
médicale.
L’oedème pulmonaire ne fait pas partie stricto sensu des oedèmes
généralisés, bien que parfois il apparaisse comme une complication
majeure de l’expansion extracellulaire.
Quand il est d’origine
hémodynamique, l’excès de volume et de pression hydrostatique de
la petite circulation crée un transfert de fluide à travers le point de
faible résistance, le capillaire pulmonaire, vers le milieu ouvert.
Les signes biologiques qui traduisent les oedèmes sont très variables
et surtout désorientants.
L’albuminémie et les protéines totales,
l’hémoglobine plasmatique peuvent être abaissées, soit comme
attendu par la dilution, soit en raison de la maladie responsable des
oedèmes.
Dans les urines, les concentrations d’ions sodium et chlore
sont habituellement effondrées (hors intervention thérapeutique)
alors que celle du potassium est élevée.
L’analyse d’un liquide
d’épanchement montre qu’il s’agit d’un transsudat sans critère
inflammatoire.
L’imagerie courante par échographie ou radiographie
standard objective les épanchements séreux du thorax et de
l’abdomen.
En investigation clinique, l’évaluation des oedèmes est d’abord
corrélée à une première mesure, globale, de l’expansion du volume
extracellulaire par une méthode de dilution (l’espace inuline ou
isotopique du brome).
Le volume plasmatique est secondairement
soustrait en utilisant un autre traceur (l’albumine iodée couplée aux
globules rouges marqués).
Ce type de mesure, utilisé lors de
programmes scientifiques, est surtout validé pour la répétition des
valeurs obtenues dans le temps pour un même sujet.
Les oedèmes représentent une expansion du volume interstitiel mais
ne préjugent pas de l’état de la volémie qui peut être normale,
augmentée ou abaissée.
Cette estimation, fonction de chaque cas
particulier, est impérative car elle conditionne à la fois le pronostic
et les décisions thérapeutiques.
L’hypervolémie s’accompagne souvent d’une hypertension artérielle
dite volume-dépendante et comporte le risque majeur d’oedèmes
viscéraux : encéphalopathie hypertensive, crise comitiale etc. Ils
constituent des urgences médicales.
L’hypovolémie n’est pas toujours aisée à établir mais peut constituer
une menace de collapsus.
Une diminution de la volémie efficace,
responsable de la perfusion tissulaire effective, peut être dépendante
de la maladie ou de l’administration de diurétiques.
Le volume
circulatoire efficace ne peut être qu’apprécié car il n’est pas
mesurable.
Son estimation est cependant déterminante pour le
traitement.
En raison de sa complexité, la mesure précise de la volémie est
réservée à l’investigation clinique.
L’hydratation du secteur intracellulaire mesurée indirectement par
la natrémie peut être elle aussi normale, augmentée ou diminuée.
Elle est sous la dépendance de la tonicité de l’organisme, donc du
bilan d’eau sans électrolytes.
La rétention hydrosodée
oedémateuse est habituellement isotonique, donc la concentration du
sodium extracellulaire et plasmatique reste normale.
Si la rétention
est hypotonique (bilan positif d’eau sans électrolytes), la tonicité et
par conséquent la natrémie sont abaissées.
La rétention isotonique
appelle la restriction sodée, la rétention hypotonique appelle en plus
une restriction hydrique.
Ces notions soulignent qu’il n’y a pas de
traitement « passe-partout » des oedèmes généralisés.
B - OEDÈMES LOCALISÉS
:
Les oedèmes localisés se distinguent par leur caractère
topographique limité et par la contribution habituelle d’un obstacle
mécanique à leur constitution.
Asymétrique, le gonflement siège en
une zone unique, restreinte, sans le contexte de rétention générale
de sodium.
La perturbation ne touche qu’un segment corporel, en
raison d’un déséquilibre local de la répartition du volume interstitiel.
Les oedèmes localisés, non inflammatoires, sans lésion cutanée de
surface, sont dus à une altération circonscrite des forces de Starling
responsables des échanges liquidiens dans un territoire limité.
1- Forces de Starling
:
À l’état physiologique, les mouvements liquidiens dépendent des
forces de Starling au niveau des vaisseaux capillaires.
À l’entrée du
capillaire, la pression hydrostatique tend à chasser les liquides du
secteur intravasculaire vers l’espace interstitiel.
Cette pression est
d’autant plus élevée qu’on se trouve à la partie initiale, proximale
du capillaire et elle dépend de la pression artérielle et du débit du
retour veineux.
Elle diminue progressivement le long du vaisseau.
Plus en aval, les liquides interstitiels peuvent réintégrer le lit
vasculaire à l’extrémité distale du capillaire, en raison de la faible
pression hydrostatique.
À ce niveau, la concentration en protéines intravasculaires
(pression oncotique) a augmenté. Le liquide interstitiel non drainé
par les capillaires veineux l’est par la circulation lymphatique.
2- Mécanismes
:
La physiopathologie des oedèmes localisés est souvent évidente :
élévation de la pression hydrostatique, diminution de la pression
oncotique, altération primitive de la perméabilité capillaire ou
obstruction lymphatique.
L’obstruction au drainage veineux élève la pression hydrostatique
capillaire en amont de l’obstacle.
Il en résulte un transfert d’eau
accru du secteur vasculaire vers l’interstitium et la constitution
d’oedèmes veineux.
Cette pathologie, qu’elle soit la conséquence
d’une phlébite ou postphlébitique, qu’elle soit compressive ou liée à
une insuffisance veineuse chronique, est très fréquente.
Ce schéma
n’apporte cependant que des solutions partielles au traitement de
ces affections et de leurs séquelles trophiques.
En dehors d’une
attitude préventive ou d’une chirurgie de drainage, faute de
disposer de médicaments veinotoniques actifs, ces oedèmes sont
rebelles.
L’obstruction du drainage lymphatique entraîne
également une accumulation du liquide interstitiel.
L’oedème peut
aussi résulter d’une altération de l’endothélium capillaire qui permet
une extravasation anormale de protéines vers le secteur interstitiel.
Ce phénomène dépend de l’activation de médiateurs locaux.
3- Sémiologie des oedèmes localisés
:
Le diagnostic des oedèmes localisés est évident pour les maladies
inflammatoires telles que phlébite, érysipèle ou crise de goutte pris
à titre d’exemple, où la tuméfaction rouge, chaude et douloureuse
se passe d’autre description.
Pour les ecchymoses, les brûlures ou
autres lésions caustiques, les accidents de photosensibilité, l’oedème
de Quincke du visage, les algodystrophies etc, les circonstances et la
simple inspection suffisent aussi à une reconnaissance aisée.
L’infiltration inflammatoire est le fait de médiateurs
pharmacodynamiques, chimiotactiques et cytokiniques locaux issus
de cellules invasives (lymphocytes, mastocytes, polynucléaires,
macrophages) en réponse à l’agression physique, immunologique ou
infectieuse.
L’accumulation locale de protéines donne au lymphoedème et au
myxoedème une élasticité et une fermeté ne se déformant pas à la
pression.
Il est cependant quelques cas particuliers : l’ascite, en partie
secondaire à des forces localisées complexes au niveau portal ; les
syndromes caves où une lésion obstructive unique de la veine
génère des oedèmes qui sont bilatéraux.
Certains oedèmes segmentaires, assez rares il est vrai, sont
d’identification parfois déroutante, quand bien même la lésion est
avérée sur un tissu identifiable.
C’est notamment le cas des rhabdomyolyses (myocyte), des fasciites (aponévrose), des morphées
(sclérodermie), des lymphangites, des éléphantiasis et des
lymphocèles (lymphatiques).
En définitive, les oedèmes localisés sont habituellement facilement
identifiés.
Leurs causes spécifiques sont souvent découvertes et
traitées en tant que telles : infectieuses, tumorales, immunoallergiques,
trophiques, etc.
Physiopathologie des oedèmes
généralisés :
A - CONDITIONS PHYSIOLOGIQUES
:
1- Équilibre du bilan sodé
:
L’oedème généralisé est une situation commune en médecine,
reconnue de longue date.
Il est maintenant bien établi qu’il s’agit
d’une augmentation du contenu hydrosodé, le volume des liquides
extracellulaires étant proportionnel au contenu en sodium.
Depuis une trentaine d’années, la plupart des situations
oedémateuses ont donné naissance à des théories explicatives
parfaitement logiques, donnant pleine satisfaction à la fois à
l’enseignant, heureux d’exposer simplement un enchaînement
cohérent, et à l’étudiant, comprenant sans mal des cascades
évidentes d’événements.
Ces déductions logiques, ne résistant en
général pas aux progrès des investigations cliniques et aux études
expérimentales, sont remplacées par d’autres, non moins logiques et
indiscutables, jusqu’à ce que nos connaissances progressent encore
un peu.
Bien souvent, ces théories ont suggéré un comportement
thérapeutique, et c’est l’échec ou le résultat imprévu de celui-ci qui
a entraîné une nouvelle interprétation.
Notre connaissance du fonctionnement rénal a considérablement
progressé depuis quelques décennies et nous pouvons décrire
maintenant comment le rein s’adapte à l’apport sodé pour maintenir
un volume extracellulaire physiologiquement adapté.
Chez
le sujet sain, l’excrétion urinaire du chlorure de sodium correspond
aux apports.
Lorsque ceux-ci augmentent, l’excrétion urinaire du
chlorure de sodium devient équivalente, mais l’adaptation nécessite
souvent plusieurs jours.
L’excrétion s’accroît avec un léger retard et
temporairement, le liquide extracellulaire augmente de volume
avant d’atteindre un nouvel équilibre.
Il existe une relation linéaire
entre le volume du liquide extracellulaire et l’excrétion du chlorure
de sodium.
La valeur minimale du volume du liquide extracellulaire
pour laquelle l’excrétion du chlorure de sodium devient nulle est le
seuil d’excrétion.
Il faut une valeur considérable d’apport sodé au
sujet sain pour que l’augmentation expérimentale du volume
extracellulaire corresponde à un très léger oedème.
Le sodium, principal cation maintenu dans le compartiment
extracellulaire par l’activité de la Na-K-ATPase membranaire, est
dilué dans l’eau de ce compartiment. Cette dilution mesurée dans
l’eau plasmatique s’appelle natrémie.
Pour maintenir l’égalité entre
les tonicités extra- et intracellulaires (donc pour que le volume
cellulaire ne varie pas), toute augmentation de la quantité de sodium
doit s’accompagner d’un accroissement de la quantité d’eau (donc
du volume extracellulaire).
Ce volume extracellulaire est soumis à des variations diverses, soit
permanentes, soit intermittentes dans la journée et entraînant, les
unes sa diminution (sueurs, pertes hydriques insensibles), les autres
son augmentation (apports alimentaires).
En définitive, l’urine
excrétée représente le résultat de l’intégration rénale de ces
altérations du liquide extracellulaire, du débit de la filtration
glomérulaire (DFG) et de la réabsorption tubulaire pour assurer un
volume extracellulaire correct.
En d’autres termes, il y a donc, réalisé au niveau rénal, un équilibre
entre les entrées et les sorties hydrosodées, mais le niveau de cet
équilibre dépend du niveau d’apport sodé.
Pour être permanente, la réalisation de cet équilibre n’a toutefois
pas une exactitude de tous les instants, mais le bilan effectué sur
quelques jours reste cependant bien nul.
L’excrétion rénale de
sodium dépend de l’état d’expansion du volume extracellulaire et
plus précisément de la volémie, plus que de la masse des apports
sodés.
Les oedèmes généralisés sont caractérisés par un changement de
pente de la relation linéaire excrétion du chlorure de sodiumvolume
du liquide extracellulaire et souvent par un déplacement du
seuil d’excrétion.
2- Excrétion rénale du sodium
:
Il est en dehors de notre sujet de décrire les mécanismes rénaux de
transfert sodé.
Rappelons que le DFG de l’ordre de 180 L/j
correspond à la sortie dans l’urine tubulaire de plus de
25 000 mmol/j de sodium.
Le travail rénal est donc d’assurer une
réabsorption considérable.
Elle s’effectue au travers de l’épithélium
tubulaire dans lequel la situation basolatérale de la Na-K-ATPase oriente le
transfert de sodium de la lumière vers l’espace interstitiel.
De nombreuses influences neuroendocriniennes modulent
cette réabsorption, dont l’un des effets essentiels est de tendre à
restaurer un volume extracellulaire perpétuellement diminué par la
filtration glomérulaire et fréquemment modifié par les relations organisme-environnement.
B - OEDÈMES DES MALADIES RÉNALES
:
1- OEdèmes néphrotiques
:
Élément clinique fréquemment associé au syndrome néphrotique,
l’oedème est souvent modéré et le traitement associant restriction
sodique et diurétique suffit.
Dans un certain nombre de cas
toutefois, l’oedème est désespérant et semble échapper à tout
traitement.
Classiquement, l’oedème du syndrome néphrotique est l’un des plus
faciles à expliquer pour l’étudiant en médecine : la protéinurie,
élément majeur du syndrome néphrotique, entraîne une
hypoprotéinémie d’où résulte une diminution de la pression
oncotique plasmatique entraînant une diminution du volume
plasmatique par extravasation du plasma dans le liquide interstitiel.
La diminution du volume plasmatique stimule la réabsorption
rénale de NaCl et d’eau qui va augmenter l’oedème, la solution
hydrosodée ainsi réabsorbée ne pouvant être maintenue dans les
vaisseaux.
Il en résulte une sorte de cercle vicieux dans lequel le
trouble initial compromet l’équilibre de Starling au niveau de la
circulation capillaire et le trouble secondaire entraîne la stimulation
hypovolémique de la réabsorption hydrosodée.
La réalité est cependant bien différente et les éléments de ce schéma
n’ont pas résisté aux études expérimentales d’une part, et surtout
aux études cliniques précises d’autre part.
Dans les années 1980,
il est apparu que la notion de compensation d’une hypovolémie
(underfill theory) n’était pas compatible avec les données recueillies
chez les malades, d’abord chez les adultes, puis chez les enfants.
La rétention rénale de sodium, perçue comme causée par
l’extravasation du sérum, donc secondaire à l’oedème, s’est imposée
comme étant primaire et à l’origine de l’oedème.
La notion d’oedème par tentative de compensation d’une hypovolémie reposait sur quatre types de données :
– albumine plasmatique réduite ;
– volume plasmatique diminué ;
– stimulation de l’axe rénine-angiotensine II-aldostérone ;
– importante activité sympathique.
Expérimentalement, la réduction de l’albumine plasmatique ne
cause un oedème que lorsque la différence transcapillaire entre les pressions
osmotiques sériques et interstitielles n’est pas maintenue.
Or, lorsque les
protéines plasmatiques diminuent, la concentration des protéines
interstitielles diminue également : la sortie de sérum hors des
vaisseaux dilue le liquide interstitiel, et surtout le débit
lymphatique augmente.
Il en résulte
que la concentration plasmatique d’albumine diminuant, la pression
oncotique absolue du plasma diminue, mais pas la différence des
pressions oncotiques sérique et interstitielle qui demeure en faveur
du maintien du liquide dans les vaisseaux.
C’est seulement
pour des valeurs très faibles de l’albumine plasmatique que ce
mécanisme de protection contre l’oedème ne fonctionne plus.
L’oedème du syndrome néphrotique peut être observé chez des
malades n’ayant pas une concentration d’albumine considérablement
diminuée.
La mesure du volume plasmatique, chez l’adulte et chez l’enfant,
donne le plus souvent une valeur normale.
Il y a cependant un petit
nombre de patients présentant une hypovolémie réelle, mais
d’autres ont un volume plasmatique augmenté.
La mesure
de la pression artérielle donne des résultats beaucoup plus variables
(certains malades sont hypotendus, d’autres hypertendus), la
majorité ayant des valeurs normales.
Les stimulations du système rénine-angiotensine-aldostérone et de
l’activité sympathique sont considérées comme des marqueurs
physiologiques de l’hypovolémie.
Ici encore, les données recueillies
sont divergentes et nombreux sont les malades néphrotiques ne
présentant pas cette hyperactivité de ces systèmes
neuroendocriniens.
À l’opposé de ce concept d’oedème par hypovolémie, des arguments
sont en faveur d’une rétention hydrosodée primitive par le rein.
La
diminution du DFG chez les sujets présentant une insuffisance
rénale chronique en est une cause évidente parfois. Cependant, la
plupart des malades présentant un oedème néphrotique ont un DFG
correct maintenu.
Divers travaux mettent en cause une altération primaire du
fonctionnement néphronique sans qu’une localisation précise soit
déterminée. Une augmentation de l’activité de la Na-K-ATPase a été
démontrée.
Elle est due à une augmentation du turnover de cette
enzyme (au moins expérimentalement) qui est peu sensible à
l’ouabaïne.
La sensibilité à l’aldostérone de la Na-K-ATPase est
diversement rapportée, parfois diminuée, parfois augmentée.
Du
point de vue thérapeutique, les mêmes divergences sont
observées.
Certains utilisant un diurétique antialdostérone
peuvent induire une balance sodée négative (alors même que
l’aldostérone plasmatique est normale).
D’autres, utilisant des
inhibiteurs d’enzyme de conversion, diminuent l’aldostérone
plasmatique de leurs malades mais sans modifier la natriurèse ou
limiter l’augmentation de poids.
Le rôle du facteur atrial natriurétique (FAN) est l’objet de
nombreuses investigations.
On a montré que l’expansion du volume
plasmatique chez certains malades s’accompagnait d’une diminution
de la réponse à l’administration de FAN.
Il faut remarquer que
nos connaissances des mécanismes de la réabsorption sodée
évoluent sans cesse et que le rôle de l’angiotensine II et du FAN sur
la considérable réabsorption proximale se précisent davantage.
Il est
possible de décrire un équilibre entre les actions de l’angiotensine II
et leur inhibition par le FAN au niveau de la cellule proximale.
Au total, il semble que l’on puisse identifier trois groupes de
malades :
– ceux présentant une protéinurie discrète (incipiens) et une
concentration proche de la normale des protéines plasmatiques, mais
ayant une rétention sodée nette avec un débit plasmatique rénal
élevé, une aldostérone plasmatique discrètement élevée et une
adrénaline normale ;
– ceux ayant une protéinurie sévère avec hypoprotéinémie et des
signes d’hypovolémie nette ; la rétention hydrosodée s’accompagne
de concentrations plasmatiques élevées de rénine, aldostérone et
noradrénaline ; la concentration du FAN est faible et le DFG est
réduit ;
– les malades ayant une protéinurie et une hypoprotéinémie sévères
mais sans signe d’hypovolémie : ils se présentent avec ces oedèmes
mais des taux hormonaux plasmatiques normaux et une filtration
glomérulaire non altérée.
En définitive, les oedèmes du syndrome néphrotique ne peuvent être
expliqués seulement par l’hypovolémie.
Dans tous les cas, la
rétention sodée a une origine rénale primaire et elle précède souvent
l’hypoprotéinémie.
2- OEdèmes de l’insuffisance rénale aiguë
:
Les oedèmes à la phase aiguë des glomérulonéphrites sont associés
à l’hypertension artérielle, l’hématurie, la protéinurie et souvent
l’oedème aigu du poumon.
À cette phase initiale des syndromes néphritiques aigus, les lésions inflammatoires et transitoires des
glomérules créent un déséquilibre glomérulotubulaire brutal et
passager.
La réduction du DFG limite le débit de sodium délivré
aux tubules.
Cette quantité réduite du filtrat est en grande partie
réabsorbée par les tubes rénaux restés intacts car en dehors du
processus lésionnel.
La natriurèse est donc très réduite alors que les
apports alimentaires maintenus génèrent l’état oedémateux. En
accord avec l’état d’expansion volémique, les concentrations de
rénine et d’aldostérone sont habituellement abaissées.
Quant au rôle
de la diminution de facteurs natriurétiques, leur déficit reste à
définir et il n’y a pas de preuve de l’intervention d’autres facteurs
extrarénaux.
Au cours des insuffisances rénales aiguës oligoanuriques, l’extrême
réduction du DFG et du débit urinaire rend explicite la constitution
d’oedèmes dus au bilan devenant positif pour le sodium (apports
oraux, perfusions…).
L’apport de sodium doit être préventivement
restreint dans toutes les formes anuriques ou oligoanuriques d’insuffisance
rénale aiguë (déplétion exceptée) dès la constatation de l’atteinte
rénale.
3- OEdèmes de l’insuffisance rénale chronique
:
Dans l’insuffisance rénale chronique, pendant une phase prolongée
de la maladie, les reins conservent une aptitude à équilibrer le bilan hydrosodé quotidien.
La natriurèse et la diurèse sont conservées, il
n’y a pas de variation de poids, les oedèmes ne surviennent qu’à
une phase de réduction extrême du DFG (inférieur ou égal à
10 mL/min).
La capacité d’hyperfonctionnement tubulaire des néphrons intacts,
restants, est présentée comme l’explication satisfaisante de cette
observation.
L’adaptation remarquable de cette activité distale
n’est que partiellement connue.
L’attention a été récemment attirée
sur le rôle de peptides natriurétiques circulants.
Une
caractéristique de l’insuffisance rénale chronique est cependant la
lenteur de l’amortissement d’une charge brutale.
L’excès de sel (eaux
alcalines, écarts alimentaires, médicaments modifiant
l’hémodynamique rénale) expose plus qu’ailleurs aux accidents de
surcharge de la petite circulation avant les oedèmes généralisés.
C - OEDÈMES CARDIAQUES
:
La diminution du volume circulatoire efficace (volume sanguin
artériel compris entre le coeur gauche et les résistances vasculaires
périphériques) est la notion le plus communément avancée pour
expliquer les oedèmes de l’insuffisance cardiaque congestive.
Elle
correspond à l’underfilling theory admise tant lors des insuffisances
cardiaques à bas débit que lors des insuffisances cardiaques à débit
élevé.
Dans le premier cas, la diminution du volume circulatoire efficace est due à une insuffisance du débit cardiaque, donc du
remplissage.
Dans le deuxième cas, la diminution des résistances
vasculaires périphériques (vasodilatation, shunts artérioveineux)
empêche un remplissage correct du territoire artériel sensible, en
dépit de l’augmentation du débit sanguin.
Le débat célèbre entre les théories d’hypovolémie et d’hypervolémie
s’est compliqué dans ce domaine d’un débat entre les conséquences
« précardiaques » (veineuses et pulmonaires) et postcardiaques
(artérielles).
Ces diverses notions ne sont d’ailleurs pas
nécessairement contradictoires et peuvent être souvent considérées
comme complémentaires.
La définition de l’insuffisance cardiaque, incapacité du coeur à
maintenir un débit correct pour une pression normale de
remplissage, aboutit à considérer uniquement l’aspect de déficit de
la contractilité des cellules myocardiques.
Or, cette défaillance a des
causes, et ces causes ont elles-mêmes d’autres conséquences,
essentiellement neuroendocrines.
La rétention hydrosodée ne peut pas être attribuée à la seule
diminution du débit cardiaque puisqu’on l’observe aussi avec des
débits cardiaques élevés.
De même, dans l’infarctus myocardique
chez l’homme, ou expérimentalement chez l’animal, une rétention hydrosodée se produit alors même que le débit cardiaque ou la
pression veineuse peuvent ne pas être modifiés.
Le blocage adrénergique lors des insuffisances cardiaques humaines
ou expérimentales produit une natriurèse marquée : l’administration
d’un antagoniste b2 chez l’animal insuffisant cardiaque provoque
une diminution de l’activité sympathique et une augmentation du
volume urinaire.
Le rôle de l’hyperactivité sympathique paraît
donc net dans la réabsorption de sodium. De même, le système rénine-angiotensine, l’aldostérone, le FAN et l’endothéline (ET-1)
sont impliqués dans cette réabsorption. L’augmentation de l’activité
du système rénine-angiotensine-aldostérone a été montrée à diverses
reprises.
Les barorécepteurs de l’artériole afférente sont stimulés
par une chute de la perfusion rénale.
L’augmentation de sécrétion
de rénine qui en découle est médiée par une production locale de
prostaglandines.
Les hyperactivités des systèmes sympathiques, rénine-angiotensine, et endothéliales vasculaires (ET-1, monoxyde
d’azote [NO]) diminuent le DFG, favorisant ainsi la rétention sodée.
Le rôle du FAN est plus complexe. L’augmentation de la
concentration plasmatique de FAN, retrouvée fréquemment,
pourrait limiter l’élévation des concentrations de rénine et
d’aldostérone plasmatiques.
L’administration de FAN exogène ne
provoque qu’une faible augmentation de l’excrétion sodée chez
l’insuffisant cardiaque à bas débit. Au total, l’augmentation de la
sécrétion du FAN lors de l’insuffisance cardiaque est insuffisante
pour prévenir la rétention hydrosodée ; la réponse rénale au FAN
est réduite ; enfin, son action est contrebalancée par l’augmentation
des sécrétions ou de formation de rénine, d’angiotensine II,
d’aldostérone et d’antidiuretic hormone (ADH).
D’origine barosensible, une hypersécrétion d’ADH est habituelle
chez l’insuffisant cardiaque ; ses conséquences sont multiples.
L’effet
classique sur le tube collecteur favorise la rétention d’eau.
Cette
augmentation de la réabsorption d’eau entraîne surtout une hyponatrémie mais elle facilite peut-être l’oedème, d’autant plus qu’a
été démontrée une up-regulation des aquaporines 2 des canaux à
eau.
L’ADH augmente les résistances vasculaires périphériques
et pourrait entraîner une détérioration supplémentaire de la fonction
cardiaque.
Les perturbations des échanges capillaires ont été très étudiées.
La
pression hydrostatique à l’extrémité veineuse augmente et contribue
à la survenue de l’oedème.
Ce mécanisme est contrebalancé par la
constriction artériolaire qui limite la formation de l’oedème.
La
pression colloïde osmotique du plasma varie peu, alors que dans le
liquide interstitiel elle diminue ; là encore, ce mécanisme limite la
formation de l’oedème.
L’équilibre de Starling est cependant altéré
dans le sens de la constitution de l’oedème par différents
mécanismes : transmission à tous les capillaires de l’augmentation
de la pression veineuse, provoquant ainsi une modification du
coefficient de filtration et une augmentation de la pression
hydrostatique, et aussi le développement d’un débit lymphatique
progressivement inadéquat.
La circulation capillaire glomérulaire est aussi modifiée.
La perfusion
rénale diminue précocement dans l’insuffisance cardiaque.
Les
actions convergentes de l’angiotensine II, du FAN et du système
sympathique font que le tonus vasoconstricteur de l’artériole
afférente augmente.
Le DFG est donc maintenu, du moins au début
de l’évolution, en dépit de l’hypoperfusion. Une conséquence est
l’augmentation de la fraction filtrée, qui accroît la concentration des
protéines sanguines dans la circulation péritubulaire.
Ceci favorise
une augmentation de la réabsorption proximale de sodium.
Lorsque
l’insuffisance cardiaque progresse, l’hypoperfusion rénale est plus
importante, la filtration glomérulaire devient alors très dépendante
de la formation de prostaglandines vasodilatatrices de l’artère
afférente, limitant dans le territoire rénal la vasoconstriction générale
provoquée par la défaillance cardiaque.
La diminution progressive
du DFG contribue à la rétention hydrosodée.
Enfin, différents facteurs, intervenant directement sur le transport
sodé par l’épithélium rénal, ont été soit caractérisés, soit supposés.
La plupart de ces facteurs sont en fait surtout connus pour ralentir
ou inhiber la réabsorption sodée.
Ce que l’on ne sait pas, c’est
pourquoi ils s’avèrent insuffisants pour prévenir la réabsorption
excessive de sodium. Nous l’avons vu, cette même question se pose
aussi pour le FAN.
En résumé, l’oedème de l’insuffisance cardiaque est multifactoriel :
perturbations capillaires, d’où diminution du volume circulatoire
efficace et exhémie plasmatique (shift) vers le liquide extracellulaire,
diminution de la charge sodée filtrée par réduction de la perfusion
rénale, mais surtout réabsorption hydrosodée considérable,
considérée comme d’origine barosensible, déclenchée par la
diminution du volume circulatoire efficace.
Au début de l’évolution,
ces mécanismes de réabsorption ont un effet compensatoire.
Ces
activations neurohormonales contribuent au maintien du débit
cardiaque. Progressivement, elles deviennent délétères sur le coeur
lui-même, générant hypertrophie, ischémie, et aussi sur la réponse
rénale qui devient inappropriée.
Ces aspects complexes, mais classiques, ne sont sans doute pas
définitifs et la possibilité que la rétention rénale de sodium dans
l’insuffisance cardiaque soit un phénomène primaire et non
exclusivement secondaire est envisagée.
D - OEDÈMES DES CIRRHOSES
:
Une rétention majeure d’eau et de sel est un trait caractéristique des
cirrhoses décompensées avec ascite.
Les explications avancées vis-àvis
des perturbations extrarénales responsables ont amené à
l’affrontement de deux théories successives de sous- et surremplissage
(underfilling/overflow) proposées maintenant sous forme
complémentaire.
Selon la première hypothèse, le sous-remplissage du compartiment
artériel déclenche une séquence d’événements activant de multiples
systèmes neurohormonaux vasoconstricteurs.
En résultent une
stimulation de la réabsorption rénale de sodium, le défaut
d’échappement à l’effet de rétention sodée de l’aldostérone et la
résistance rénale au FAN.
Les facteurs de la vasodilatation artérielle
et splanchnique (en accord avec l’évidence clinique d’érythrose du
visage et palmaire, d’angiomes stellaires, d’ascite, etc) restent encore
débattus chez le cirrhotique.
Sont notamment incriminés : le NO, les
opioïdes endogènes, les prostanoïdes vasodilatatrices, le glucagon,
la substance P, le vasoactive intestinal peptide….
Une libération non osmotique d’hormone antidiurétique intervient
dans la fréquence élevée des hyponatrémies chez ces malades.
Les aquaporines II sont augmentées dans les cirrhoses expérimentales et
cette élévation est inhibée par les antagonistes des récepteurs V2.
Ces nouveaux aspects ouvrent des perspectives intéressantes
bien qu’encore partielles pour la compréhension et le traitement de
ces oedèmes.
Ces derniers restent chroniques, désespérants et
sont obérés d’une morbidité-mortalité élevée.
Les effets bénéfiques de la spironolactone
(réputée abaisser aussi la pression portale) sont à rapprocher de
ceux observés dans l’insuffisance cardiaque où l’aldostérone
pourrait intervenir dans le turnover de la fibrose.
E - OEDÈMES IATROGÈNES
:
L’excès d’appport en sel et/ou la prise de certains médicaments peut
entraîner des oedèmes.
La possibilité d’oedèmes iatrogènes doit être
envisagée quand leur cause n’apparaît pas clairement.
Le nombre
croissant de médicaments à action rénale multiplie ces exemples.
Excès d’apports salés : la capacité d’excrétion sodée peut être dépassée
par des apports excessifs : perfusion abondante de chlorure de
sodium, de bicarbonate de sodium, médicaments à forte teneur en
Na souvent méconnue, faim de sel pathologique…
Les apports
sodés peuvent devenir excédentaires lorsque la capacité d’excrétion
est altérée : situation postopératoire, sujet âgé, diminution du DFG…
Rétention médicamenteuse rénale de sel : certains médicaments
réduisent directement l’excrétion sodée.
Le diagnostic de ces
oedèmes induits est difficile s’il s’agit de sujets dont les symptômes
ne relèvent pas primitivement d’une atteinte rénale, hépatique ou
cardiaque, n’entraînant pas de contrôle de l’alimentation salée.
Par
ailleurs, une automédication peut paraître insignifiante ou être niée.
OEstrogènes : dans leurs formes alkylées utilisées en contraception
orale, les oestrogènes n’influencent pas le flux sanguin rénal ni le
DFG.
La rétention sodée est attribuée à une synthèse excessive
d’angiotensinogène, une augmentation des minéralocorticoïdes et
possiblement une dysrégulation de la prolactine.
Ces effets sont
moins souvent observés avec la prescription de pilules minidosées.
Médicaments antihypertenseurs vasodilatateurs : des oedèmes
généralisés peuvent être induits par les vasodilatateurs : le minoxidil
et à moindre degré le diazoxide.
La volémie ne varie pas, la
vasodilatation artériolaire engendre une stimulation marquée des
systèmes adrénergique, rénine-angiotensine et de l’hormone
antidiurétique, d’où rétention sodée et oligurie.
La prescription
conjointe de diurétiques risque d’aggraver ces oedèmes par
l’hypovolémie induite et les rend souvent réfractaires au traitement.
OEdèmes des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) : parmi les
effets indésirables observés depuis longtemps lors de
l’administration des AINS, inhibiteurs des prostaglandines
synthétases, les oedèmes ont une fréquence de 3 à 23% selon les
études. Les AINS agissent en inhibant la synthèse des
prostanoïdes, médiateurs locaux de l’inflammation, mais aussi
facteurs de régulation de l’excrétion sodée.
À côté des syndromes néphrotiques ou des insuffisances rénales
aiguës induits par ces médicaments, il est des cas d’oedèmes isolés.
Ces oedèmes, chez l’homme, semblent la conséquence de
modifications de l’hémodynamique intrarénale plutôt que
systémique.
Ils sont réversibles à l’arrêt du traitement.
Avec les AINS, les effets observés n’apparaissent pas uniformes et dépendent
de la molécule utilisée et surtout de l’état rénal initial.
Chez le sujet
en équilibre, l’administration d’AINS a peu ou pas d’effet sur le rein.
Si la perfusion rénale est altérée, la réduction du DFG peut être
aggravée par l’AINS et l’oedème peut apparaître.
La véritable
thérapeutique est préventive, surtout dans la population âgée, très
exposée.
OEdèmes de rebond à l’arrêt des diurétiques : ils sont observés chez des
personnes consommant de façon habituelle et aléatoire des
diurétiques, soit psychologiquement fragiles, soit chez des
femmes soucieuses de leur esthétique et alarmées par un excès
apparent de poids ou un gonflement des paupières.
La prise du
diurétique provoque une déplétion extracellulaire et une
hyperactivité tubulaire augmentant la réabsorption distale du
sodium.
À l’arrêt du médicament, un bilan sodé positif s’instaure
avec une natriurèse sensiblement nulle.
L’hyperactivité tubulaire
distale est lente à se corriger, d’où un phénomène de rebond
pouvant provoquer des oedèmes.
On les a parfois considérés comme
« idiopathiques » alors qu’ils sont le fait d’apports alimentaires en
sel, devenus excédentaires en regard des sorties diminuées par
l’arrêt du diurétique.
La conduite consiste à interrompre les diurétiques en prescrivant
préventivement et pour quelques jours une restriction raisonnée
d’apports caloriques et sodés.
Médicaments anticalciques : ils sont à l’origine des oedèmes
médicamenteux les plus fréquents.
Les dihydropyridines utilisées
pour traiter l’hypertension artérielle entraînent une fréquence élevée
d’oedèmes pouvant motiver l’arrêt du traitement.
Ce phénomène
est constaté avec toutes les classes d’anticalciques.
Ces oedèmes
symétriques, restreints aux jambes et aux chevilles, n’ont que
l’apparence d’oedèmes généralisés car le bilan sodé est réputé être à
l’équilibre.
La survenue de flushes, de céphalées, consécutive à la prise de ces
médicaments, suggère l’installation d’une vasodilatation.
Le
traitement des oedèmes des membres inférieurs associé aux
anticalciques ne relève a priori pas d’une restriction sodée, ni d’une
prescription diurétique.
La réduction des doses s’avère peu
efficace, souvent ces oedèmes brouillent la symptomatologie dans le
suivi de la maladie en cause et, fonctionnellement gênants, obligent
à s’orienter vers une autre famille de médicaments.
Divers : les oedèmes dus au citrate de clomifène, à la dapsone, à
l’interleukine 2, aux inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC)
chez les dialysés sont connus.
Des relations de cause à effet moins
convaincantes ont été décrites pour la réglisse, le lithium, la bromocryptine, l’hormone de croissance recombinante, les
stéroïdes anabolisants (dopage), les alpha1-bloquants…
Une
susceptibilité personnelle peut entrer en ligne de compte, tout autant
que des habitudes de consommation excessive de sel. Les progrès
de la pharmacovigilance, précisant mieux toutes ces données,
permettront une prévention.
Ces oedèmes périodiques, capricieux, surviennent par poussées de
quelques jours ou quelques semaines chez des femmes en âge de
fécondité, intellectuellement évoluées et socialement actives.
Cet
oedème déclive tend à se généraliser en fin de journée avec sensation
d’empâtement de la taille et de tension mammaire.
La variation
pondérale peut être considérable et surtout brutale, de plusieurs
kilogrammes après une station debout de quelques heures.
Ce critère
d’orthostatisme est fondamental dans la sémiologie. La rétention sodée semble due à l’orthostatisme comme en atteste la séquence
clinique et l’amélioration par un décubitus strict. Les accès
surviennent parfois lors d’une phase prémenstruelle, d’un épisode
digestif, d’un événement affectif, mais souvent sans cause apparente.
S’associent des symptômes variés cardiovasculaires (hypotension
orthostatique, arythmie…) et parfois une oligurie durant plusieurs
heures sans conséquence métabolique décelable.
Habituellement, sont observés des symptômes fonctionnels
chroniques, gynécologiques (perturbation du cycle, galactorrhée),
digestifs (constipation), neuropsychiques (céphalée, dysmorphophobie, irritation, dépression, tétanie, paresthésies…).
L’enquête étiologique ne découvre aucune maladie organique et
demeure toujours négative.
Cette entité n’a qu’une définition
clinique et pas de cause décelable.
Faute de mesures préventives
des accès, les malades déçus et ayant une psychologie instable se
réfugient dans une prise chronique et désordonnée de médicaments
diurétiques et laxatifs non dénués de potentialités graves :
collapsus hypovolémique, hypokaliémie prononcée, accidents de
thrombose.
Le phénomène principal semble être un transfert plasmatique du
secteur vasculaire vers le secteur interstitiel.
L’oligurie, la réduction
en position debout de l’excrétion de sodium et d’eau sans
électrolyte, la réponse hormonale appropriée des catécholamines, du
système rénine-angiotensine et de l’hormone antidiurétique stimulée
par l’hypovolémie concordent avec cette hypothèse.
La variation anormale de perméabilité vasculaire ainsi postulée
s’avère réversible.
Aucune lésion organique n’a été mise en évidence
bien qu’on ait relevé des anomalies de la régulation oestrogénique
ou de la prolactine..., ou plus récemment de la production rénale de
dopamine.
Ce phénomène de transfert est en partie corroboré par
les études de cinétique de l’albumine marquée selon la technique de Landis.
En fait, les mécanismes de ces oedèmes cycliques restent à
expliquer.
La mise au repos en clinostatisme, la diminution des apports sodés
et glucidiques lors des poussées d’oedèmes, le port de bas de
contention, la prise en charge psychologique, sont les mesures
symptomatiques à proposer.
Certains médicaments s’avèrent parfois
efficaces : spironolactones, IEC, progestérone, bromocryptine, agents
sympathomimétiques, dextroamphétamines, qu’il faut savoir
moduler selon la sévérité des symptômes.
2- OEdèmes prémenstruels
:
L’oedème idiopathique doit être différencié du syndrome
prémenstruel (cyclique lui aussi) au cours duquel l’apparence de
rétention sodée se résout à la survenue des règles. On incrimine une hyperoestrogénie, dont le traitement est en général suffisant.
G - OEDÈMES
DE CAUSE EXCEPTIONNELLE :
1- OEdèmes angioneurotiques
:
Héréditaires ou acquis, ils sont associés à un déficit en inhibiteur de
la C1-estérase.
La forme héréditaire est autosomique dominante.
Son diagnostic
repose sur le caractère familial, la localisation symétrique à la face et
aux extrémités, l’absence de lésion urticarienne, la fréquence de
crises abdominales (oedème mésentérique) récidivantes et des
épisodes d’oedème laryngé.
L’antigène C1-estérase inhibiteur est
absent (type I).
D’autres mutants ont une protéine non fonctionnelle
(type II).
Les taux de C4 et C2, substrats naturels de C1, et l’activité
CH50 sont abaissés.
Les androgènes à effet atténué (danazol)
corrigent le déficit biochimique et suppriment les accès.
Une forme acquise de déficit en C1 inhibiteur associée à des
syndromes lymphoprolifératifs a les mêmes manifestations cliniques.
2- OEdèmes d’origine nutritionnelle
:
Une carence protidique prolongée peut provoquer des oedèmes avec hypoprotidémie.
Souvent s’ajoute une insuffisance cardiaque par
déficit en vitamine B1, malnutrition, famine ou alcoolisme, selon le
terrain.
Les facteurs aggravants se conjuguent : modification du
débit cardiaque, ouverture de shunts artérioveineux périphériques,
hypovolémie efficace… pour créer une hypoperfusion tissulaire et
entretenir l’oedème.
La renutrition mal contrôlée augmente la ration
de sel ingérée, elle contribue à entretenir l’oedème.
Dans les anorexies mentales, au cours desquelles la dénutrition n’est
pas imposée par des événements extérieurs mais résulte d’une
conduite psychologique, les oedèmes sont exceptionnels.
3- Syndrome de choc cyclique de Clarkson
:
Très rare, le syndrome de Clarkson présente un risque létal en
raison des accès d’état de choc impressionnants avec hypovolémie
majeure.
À côté du transfert plasmatique brutal hors du lit capillaire,
existe une gammapathie monoclonale.
La relation entre la dysglobulinémie chronique et la survenue des accès n’est
qu’approchée (leucotriènes, interleukine 2-récepteurs…).
Mais un
traitement par théophylline et b2-agonistes semble protéger des
rechutes.
4- Syndrome de Gleich
:
Ce syndrome d’oedème généralisé avec hyperéosinophilie comporte
des épisodes stéréotypés d’une dizaine de jours de fièvre, avec chute
tensionnelle et leucocytose de 10 à 80 % d’éosinophiles.
La dégranulation des éosinophiles est incriminée dans
l’hyperperméabilité capillaire.
5- Divers :
L’hypothyroïdie, au cours de laquelle le myxoedème est localisé en
zone prétibiale, est parfois associée à un oedème rétro-orbitaire.
Parmi les facteurs incriminés, une perturbation de la circulation
lymphatique semble la cause essentielle.
Des oedèmes fréquemment observés sont toujours inexpliqués : lors
du sevrage alcoolique, dans les suites immédiates des greffes
hépatiques, lors de la correction d’acidocétose diabétique.
D’autres,
fréquents aussi, sont mieux connus, comme les oedèmes de posture,
de la ventilation mécanique (réanimation prolongée), ou les oedèmes
des voyageurs aériens transcontinentaux.
H - OEDÈMES SELON LE TERRAIN
:
* Chez les enfants
Les oedèmes s’observent dans trois conditions différentes selon l’âge.
– Chez les grands prématurés, associée à l’hypoxie, l’instabilité
hémodynamique induit des variations amples et imprévisibles du DFG.
Interviennent d’autres éléments, multifactoriels, tels
qu’immaturité tubulaire, apports en sel excédentaires en cours de
réanimation…
– L’anasarque par incompatibilité foetomaternelle se découvre
surtout dans sa forme liée au groupe Rhésus, lors de grossesses non
déclarées et non suivies, les mères Rhésus-négatif n’ayant pas
bénéficié du diagnostic et du traitement spécialisé anténatal.
– Chez les grands enfants, à côté des circonstances du kwashiorkor,
la survenue d’oedèmes fait rechercher un syndrome néphrotique,
une hyperéosinophilie, une entéropathie exsudative, un déficit en
vitamine E.
* Au cours de la grossesse
:
La survenue d’oedèmes est fréquente au cours de la grossesse.
Précoce, elle suggère la décompensation d’une affection préalable à
la conception ; tardive, elle annonce la prééclampsie.
En fait,
l’oedème n’est plus un critère de prééclampsie, d’autant que son
absence est un indice de gravité.
Ces complications sont à différencier d’oedèmes isolés, plus souvent
observés proches du terme.
Il n’y a ni hypertension artérielle, ni
protéinurie, ni anomalie du sédiment urinaire, et tous les paramètres
sont ceux de la grossesse physiologique.
Cette constatation d’oedèmes n’est pas nécessairement inattendue
puisque l’on estime que l’expansion normale des volumes liquidiens
correspond au terme à une rétention de 700 à 900 mmol de Na+.
Il n’y a pas cependant d’explication satisfaisante à ce phénomène,
sauf à admettre qu’en plus d’un aspect postural, l’expansion est
l’accentuation d’un état physiologique (charge orale excessive ?).
L’augmentation des débits circulatoires rénaux et la capacité de
disposer de charges salées et hydriques normales ou supra-physiologiques sont les facteurs primaires qui favorisent
l’hyperremplissage.
D’un autre côté, la vasodilatation périphérique
avec l’abaissement de la pression artérielle systémique qui survient
tôt au cours de la grossesse, la stimulation du système rénineangiotensine,
l’abondance de progestérone, la suppression du FAN,
le seuil osmotique plus bas de libération d’hormone antidiurétique
et la stimulation de la soif sont en accord avec l’hypothèse du sousremplissage.
L’expérience obstétricale suggère qu’une diététique pauvre en sel est
associée à un risque gestationnel augmenté.
Vraisemblablement
surexpression, habituellement sans danger, d’un état physiologique,
ces oedèmes sont pénibles et fatigants et justifient une intervention
mesurée (repos, correction d’écarts diététiques, bas de contention).
Doit-on rappeler que, chez la femme enceinte, l’oedème pulmonaire
(prééclampsie) est la seule indication reconnue des diurétiques ?
Principes thérapeutiques
:
Pour traiter les oedèmes, les diurétiques modernes sont de
prescription simple et d’efficacité éprouvée.
Généralement, la dose initiale s’avère efficace et la surveillance
clinique (poids, pouls, pression artérielle, état respiratoire), encadrée
de contrôles biologiques raisonnés (équilibre hydroélectrolytique,
état rénal), permet la poursuite du traitement. Mais, habituellement,
la cause des oedèmes persiste, chronique, et évolue pour elle-même.
Le traitement comporte donc deux aspects : ramener le volume
extracellulaire à son état normal, en réduisant le bilan excédentaire
en sodium, et supprimer autant que possible les conditions créant le
bilan positif, c’est-à-dire traiter l’étiologie.
Nous ne pouvons, ici,
entrer dans le détail des mesures thérapeutiques propres à chaque
étiologie des oedèmes et à son degré de gravité.
Notons que la
pharmacologie actuelle offre surtout des possibilités quant aux
oedèmes d’origine cardiaque.
Les thérapeutiques antiarythmiques,
l’oxygénation coronarienne, les vasodilatateurs, les IEC, en bref tout
ce qui améliore la performance myocardique, rectifient les anomalies
de la précharge et du débit. Elles modifient les conséquences d’aval
rapidement et durablement, donc les oedèmes.
Pour obtenir une déplétion extracellulaire, il faut à la fois restreindre
les apports en sels de sodium (alimentaires, intraveineux,
médicamenteux) et augmenter les sorties hydrosodées avec les
médicaments natriurétiques.
La restriction sodée est modulée. Un régime strict, de moins de
80 mmol de sodium/24 h, n’est guère applicable au-delà de
quelques jours.
Sous nos climats, un régime usuel sans adjonction
de sel aux aliments apporte encore quotidiennement près de
120 mmol de Na.
Il est plus tolérable, mais l’observance diététique
est un point crucial car la restriction sodée est une condition obligée
pour rendre négatif le bilan du sodium sous l’effet des
diurétiques.
Le respect de cette condition fondamentale ne se
pose pas qu’au domicile des malades. Même en milieu hospitalier,
l’évaluation exacte des entrées n’arrive pas à être toujours exacte.
Or, nombre d’oedèmes supposés résistants ne sont que l’expression
de la poursuite indue d’apports en sodium.
Le dosage sur
échantillon d’urines des concentrations d’ions sodium et chlore en
cours de traitement peut être très éclairant sur ce plan.
Utiliser dans
ces cas de fortes doses de diurétiques comporte le risque d’induire
une déplétion sodée qui stimule à son tour l’activation de
mécanismes compensateurs (catécholamines, système rénineangiotensine,
hormone antidiurétique...) et entretient, voire
aggrave, une altération de l’état hémodynamique et rénal des
malades (réduction du DFG et réabsorption accrue de sodium et de
fluide tubulaire).
L’appréciation de la volémie reste donc un point
crucial avant et pendant toute la prescription de diurétiques.
Les diurétiques augmentent l’excrétion de l’eau et des électrolytes et
ces deux activités sont inséparables.
La restriction hydrique qui
accompagne par tradition la limitation de sel n’est nécessaire que
lorsqu’un excès d’eau sans électrolyte entraîne une hypotonicité du
milieu extracellulaire (hyponatrémie).
Cette mesure est
préventivement souhaitable lorsqu’on choisit un diurétique thiazidique dont l’effet dipsogène et l’impact au site tubulaire distal
de dilution exposent à ce type d’accident.
Des progrès sont
attendus de la disponibilité prochaine d’inhibiteurs de récepteurs
V2 pour améliorer la correction de l’hypotonie plasmatique,
particulièrement rebelle, des cirrhotiques et de certains
cardiaques.
Les principes du traitement des hyponatrémies aiguës
ou chroniques s’ajoutent alors à ceux des oedèmes.
Doit-on rappeler que traiter les oedèmes n’implique pas
obligatoirement de prescrire des diurétiques ?
Le repos au lit désactive les systèmes sympathique et rénineangiotensine...
Nécessaire chez les malades atteints d’oedèmes
viscéraux, joint à la contention des membres inférieurs, il peut
simplement suffire pour les oedèmes médicamenteux, chez une
femme enceinte ou atteinte d’oedèmes cycliques...
Des études
contrôlées attestent que les ponctions sont le traitement de l’ascite.
Le débat reste ouvert sur l’opportunité des perfusions d’albumine
pour traiter les oedèmes néphrotiques.
La chirurgie instrumentale
ou interventionnelle ne s’adresse pas qu’aux oedèmes compressifs
(levée d’obstacle urinaire, réparation valvulaire, dérivation
d’hypertension portale...).
Enfin, des méthodes instrumentales se sont imposées lors des
dernières décennies, rendant caducs certains gestes techniques
(ponctions de péricarde, de plèvre) ou anecdotiques (immersion) :
techniques de dialyse chez les insuffisants rénaux, techniques
d’hémofiltration lors des complications aiguës ou chroniques de
l’insuffisance cardiaque, ou lors de la préparation des greffes
hépatiques...
Le traitement au long cours des oedèmes suppose le maintien de la
balance sodée, une fois obtenu son équilibre physiologique, lorsqu’est réduit l’excédent de chlorure de sodium.
Il faut une
adéquation entre les apports alimentaires de sel et les capacités
d’excrétion rénale obtenues avec les diurétiques et les mesures
étiologiques (tonicardiaques...). Le but est de se rapprocher de l’état
physiologique, avec un bilan nul sans excédent ni déplétion néfaste.
C’est bien souvent un compromis, où les oedèmes doivent être
limités et tolérables.
Ce traitement, qui s’inscrit dans la durée,
privilégie l’effet natriurétique des médicaments mais suppose des
contraintes diététiques, pas toujours imposables en pratique.
La résistance aux diurétiques est l’absence d’infléchissement ou la
réapparition des oedèmes en cours de traitement.
La réalité de ce
syndrome s’envisage une fois considérés :
– l’absence d’évolutivité de la maladie initiale ;
– le respect de l’observance diététique et médicamenteuse ;
– l’impact d’éventuelles interactions (AINS) ou d’effets indésirables
liés aux prescriptions.
Ces situations conduisent habituellement à prescrire du furosémide
à doses croissantes ou du bumétanide, dont la biodisponibilité est
réputée plus avantageuse.
En cas d’échec pour obtenir une concentration adéquate du
diurétique à son site actif, la voie veineuse court-circuite les
problèmes d’absorption intestinale, la perfusion continue évite les
phénomènes de rebond.
Il devient logique alors d’adjoindre un
diurétique thiazidique (ou la spironolactone) car l’état de
résistance reflète une capacité accrue de réabsorption du chlorure
de sodium au niveau des tubes contournés distaux, en aval du site
sensible aux diurétiques de l’anse.
Cette combinaison s’avère
synergique. L’échec ultime amène aux techniques d’hémofiltration/
dialyse.
Conclusion
:
La physiopathologie des oedèmes généralisés privilégie, toutes causes
confondues, le rôle de la rétention rénale du sodium. Elle éclaire la
séquence thérapeutique qui vise d’abord à corriger l’expansion du
volume extracellulaire.
Trois interventions y concourent : le traitement
de l’étiologie, l’observance diététique et les diurétiques.
Ensuite, la
deuxième phase, d’entretien, est celle d’un compromis permanent car la
cause habituellement persiste et tend à accroître de nouveau les oedèmes,
tandis qu’il faut maintenir l’équilibre des entrées et des sorties obtenues
avec les diurétiques.
C’est dans cette période d’entretien que
l’observance diététique s’avère primordiale.