L’obésité existe désormais dans tous les pays du monde.
La prévalence, particulièrement élevée dans certains
pays industrialisés, augmente aussi dans les pays en voie
de développement.
L’obésité semble peu fréquente en
Afrique et en Asie, mais cela n’est vrai que dans les
zones rurales, car la maladie se développe dans les
zones urbaines.
En Europe, la prévalence de l’obésité est
estimée entre 10 et 20 % chez les hommes et 10 à 25%
chez les femmes.
Toutefois, les résultats varient considérablement
selon les pays et les régions.
La prévalence
de l’obésité est la plus forte en Lituanie et la plus faible
en Suède.
Elle est particulièrement élevée (20 à 45 %)
chez les femmes des pays européens du Sud, comme
l’Espagne ou le Portugal, et de l’Est, comme la Pologne
et l’ex-URSS.
En France, la prévalence de l’obésité est de 6% dans les
deux sexes.
Les données d’une étude réalisée aux États-Unis entre 1988 et 1991 ont montré qu’environ 20 % des
hommes et 25 % des femmes sont obèses.
Les chiffres
observés au Canada sont un peu plus faibles : 15% des
hommes et des femmes sont obèses.
Au Brésil, seul pays
latino-américain pour lequel on dispose d’une étude
nationale représentative, l’obésité affecte 6% des
hommes et 13 % des femmes.
La prévalence de la maladie
est particulièrement élevée dans les pays des Caraïbes.
Dans les pays du Pacifique ouest, en Australie et en
Nouvelle-Zélande, 9,3 % des hommes et 11,1 % des
femmes sont obèses.
L’obésité est aussi très fréquente
dans les pays du Pacifique et de l’océan Indien
(Mélanésie, Polynésie et Micronésie).
Dans les pays du Sud-Est asiatique, d’Afrique et de l’Est méditerranéen,
nous ne disposons pas d’étude représentative de bonne
qualité pour apprécier la prévalence de l’obésité.
2- Évolution dans le temps :
La prévalence de l’obésité augmente de façon alarmante
dans les pays développés, mais également dans les pays
en cours d’industrialisation, comme la Chine.
Le phénomène
est particulièrement grave aux États-Unis.
Cela est
observé dans tous les groupes ethniques et dans les
2 sexes.
La prévalence de l’obésité est passée de 12 à
19,7 % chez les hommes et de 14,8 à 24,7 % pour les
femmes, entre 1980 et 1990.
En Europe, la prévalence
de l’obésité a augmenté de 10 à 40 % dans la majorité
des pays, au cours des 10 à 15 dernières années.
B - Facteurs de risque de l’obésité :
1- Différences en fonction du sexe
:
La composition corporelle varie en fonction du sexe.
Une femme présente une masse grasse plus importante
qu’un homme de même poids et de même taille, soit
respectivement 20 à 25 % et 15 à 20 % de la masse
corporelle chez l’adulte jeune.
Globalement, la prévalence de l’obésité tend à être plus
importante chez la femme que chez l’homme dans la
plupart des études, et notamment en Europe et aux
États-Unis.
2- Effets de l’âge :
L’augmentation de la prévalence de l’obésité semble
encore plus nette chez les sujets jeunes que chez les
adultes.
Cependant, les index pondéraux augmentent
avec l’âge dans les 2 sexes, mais proportionnellement de
manière plus importante chez la femme et ce jusqu’à
60 ans.
Après 60 ans, la prévalence de l’obésité diminue.
La composition corporelle change aussi avec l’âge, avec
une diminution de la masse maigre et une augmentation
de la masse grasse.
Le vieillissement affecte aussi la
répartition du tissu adipeux, avec prédominance du tissu
graisseux dans la partie supérieure du corps.
3- Différences raciales et ethniques :
La prévalence de l’obésité est plus importante chez les
femmes de race noire que chez les femmes de race
blanche, quel que soit l’âge.
Par exemple, 48,6 % des
femmes de race noire ont un excès pondéral contre 33,2%
des femmes de race blanche aux États-Unis.
4- Facteurs génétiques et environnementaux :
• Des facteurs génétiques sont impliqués dans la
genèse de l’obésité.
Il est admis que l’obésité est
une maladie polygénique, à forte composante environnementale.
On ne connaît actuellement que quelques
gènes de susceptibilité.
Seule la mutation ponctuelle
du récepteur bêta-adrénergique a fait l’objet d’études
dans différentes populations, bien que son rôle étiopathogénique
soit controversé : sa prévalence, qui varie
de 4 à 19 % selon les pays, est la même dans la
population générale et chez les sujets obèses.
Les
indiens Pima, population qui présente une prévalence
particulièrement élevée d’obésité et de diabète de type
2, font exception, car la prévalence de la mutation atteint
30 %.
• Les facteurs environnementaux ont joué un rôle
considérable dans l’augmentation de l’incidence de
l’obésité au cours des 10 dernières années, car les seuls
facteurs génétiques ne peuvent expliquer une évolution
aussi rapide.
Paradoxalement, les apports énergétiques
ont diminué, ce qui suggère que l’augmentation de la
sédentarité ou d’autres modifications du mode de vie
sont en cause.
5- Facteurs socio-économiques :
Dans les pays développés, l’obésité est plus fréquente
dans les classes sociales défavorisées et notamment chez
les femmes.
Ainsi, dans une étude anglaise, l’indice de
masse corporelle moyen des femmes ayant un faible
niveau socio-économique est plus élevé de 2 points que
celui des femmes plus favorisées.
La profession ne
semble pas jouer de rôle direct.
À l’inverse, l’obésité
concerne plutôt les classes aisées dans les pays en voie
de développement.
Diagnostic :
L’évaluation de l’obésité repose sur l’analyse de 2 paramètres
qui jouent un rôle indépendant par rapport aux
complications de la maladie : l’excès de masse grasse et
la répartition du tissu adipeux.
A - Excès de masse grasse :
L’obésité peut être définie comme un excès de masse
grasse susceptible d’avoir un effet néfaste sur la santé.
L’indice de masse corporelle ou indice de Quetelet est le
plus utilisé actuellement pour définir l’obésité.
Il correspond
au rapport du poids en kilogrammes au carré de la
taille en mètre carré.
Il est donc facile à calculer et
simple. L’indice de masse corporelle est fortement
corrélé à la masse grasse (r = 0,7 à 0,8).
On définit la
surcharge pondérale par un indice de masse corporelle
compris entre 25 et 29,9 kg/m2 et l’obésité par un indice
de masse corporelle supérieur ou égal à 30 kg/m2.
Cette
définition présente 3 avantages :
– c’est une référence internationale et elle permet de
comparer les études menées dans différents pays ;
– elle a une signification pronostique vis-à-vis des
risques de la maladie ;
– elle est valable chez l’adulte quels que soit le sexe et
l’âge.
L’utilisation de l’indice de masse corporelle pour définir
l’obésité a néanmoins des limites, car cet indice ne tient
pas compte de la composition corporelle qui peut être
différente pour un même indice de masse corporelle,
notamment en fonction de l’âge, du sexe et de l’activité
physique.
Par exemple, une valeur élevée de l’indice de
masse corporelle chez un travailleur de force ou un sportif
de haut niveau, correspond à une masse musculaire
importante et non pas à un excès de tissu adipeux.
B - Répartition du tissu adipeux :
C’est Jean Vague qui avait décrit dès 1947 le caractère
bipolaire des obésités.
Il est maintenant convenu de distinguer
d’un côté l’obésité androïde, caractérisée par
une répartition du tissu graisseux à la partie supérieure
du corps et en particulier abdominale et viscérale ; et de
l’autre l’obésité gynoïde, caractérisée par une répartition
du tissu graisseux à la partie inférieure du corps et en
particulier au niveau des hanches et des membres inférieurs.
La mesure des circonférences au niveau de la taille et
des hanches permet de calculer le rapport taille sur
hanche.
L’obésité androïde est définie chez l’homme par
un rapport taille sur hanche supérieur à 1 et chez la
femme par un rapport supérieur à 0,85.
La mesure du
tour de taille serait un meilleur indice, car il est mieux
relié que le rapport taille sur hanche au risque de comorbidité.
La valeur seuil pour laquelle la comorbidité augmente
est voisine de 100 cm.
Complications
:
A - Mortalité totale :
Les grandes études épidémiologiques ont démontré les
faits suivants.
Il existe dans les 2 sexes une relation curvilinéaire entre
l’indice de masse corporelle et le risque de mortalité
totale.
Cette courbe a une forme de U ou de J, la surmortalité
des sujets maigres pouvant être attribuée schématiquement
aux cancers et celle des plus corpulents aux maladies
cardiovasculaires.
L’indice de masse corporelle optimal,
correspondant à une mortalité minimale, est situé entre
19 et 25.
L’obésité sévère est associée à un doublement du risque
relatif de mortalité totale.
L’obésité abdominale est probablement la forme clinique
la plus associée à cet excès de mortalité.
En effet, les
sujets obèses androïdes semblent surtout prédisposés
aux complications cardiovasculaires.
B - Complications métaboliques :
Ces complications sont spécifiques de l’obésité androïde
et (ou) viscérale.
En effet, l’excès de graisse viscérale
s’accompagne d’une résistance à l’insuline, principalement
au niveau musculaire.
Cette particularité est à l’origine
d’un syndrome appelé « syndrome d’insulino-résistance »,
ou « syndrome plurimétabolique » ou « syndrome X ».
Ce syndrome associe 4 anomalies métaboliques :
– un diabète de type 2 ou diabète non insulinodépendant ;
– une dyslipidémie ;
– une hypertension artérielle ;
– une hypofibrinolyse.
1- Diabète de type 2 :
L’excès de graisse viscérale s’accompagne d’une résistance
à l’insuline.
Tant que les cellules bêtapancréatiques sont
capables de compenser exactement cette résistance à
l’insuline par une hypersécrétion insulinique, la glycémie
est équilibrée.
Il faut donc que coexiste une 2e anomalie
pour expliquer le développement d’un diabète non insulinodépendant,
c’est une anomalie de l’insulinosécrétion
avec insulinopénie relative par rapport à l’insulinorésistance.
Dès que la capacité insulinosécrétoire pancréatique
ne compense pas exactement la résistance à
l’insuline, la glycémie s’élève, provoquant dans un
1er temps une hyperglycémie à jeun modérée, puis un
vrai diabète de type 2.
2- Dyslipidémie :
L’hyperinsulinémie chronique qui accompagne l’insulinorésistance
est à l’origine d’une dyslipidémie couramment
retrouvée, avec une élévation des VLDL (very low density
lipoprotein), lipoparticules véhiculant principalement
les triglycérides dans le sang, et une diminution du taux
de HDL (high density lipoprotein), qui assure le transport
inverse du cholestérol de la périphérie, en particulier des
parois artérielles, vers le foie où il est catabolisé.
En
effet, l’hyperinsulinémie endogène s’accompagne d’une
hyperinsulinémie portale, qui stimule la synthèse hépatique
des VLDL et explique l’élévation du taux de triglycérides
plasmatiques.
Par ailleurs, les 2 principales sources de HDL sont d’une part la production hépatique sous la
forme de particules discoïdes comportant des phospholipides
et des apoprotéines A1 et A2 et, d’autre part, la
libération de composantes de surface des chylomicrons
et des VLDL, au cours de l’hydrolyse des triglycérides
de ces lipoprotéines par la lipoprotéine lipase.
Dans le
syndrome d’insulinorésistance avec hyperinsulinémie, il
existe une diminution de l’activité de la lipoprotéine
lipase et donc une diminution d’une des sources de production
des HDL.
Enfin, l’anomalie du métabolisme de
lipoprotéines aboutit à la production de LDL (low density
lipoprotein) petites et denses et particulièrement oxydables.
3- Hypertension artérielle :
Les travaux du groupe de Ferranini ont mis en évidence
le lien entre hypertension artérielle et insulinorésistance.
En effet, lorsqu’on compare des sujets témoins et des
sujets atteints d’une hypertension artérielle essentielle,
appariés par l’âge et le poids, les sujets hypertendus
présentent une résistance à l’action de l’insuline lors de
clamps euglycémiques hyperinsulinémiques par rapport
aux sujets témoins.
La nature de ce lien reste à préciser.
Certains arguments sont en faveur d’un lien purement
génétique.
En effet, dans quelques ethnies (Mexicains
Américains), les sujets avec antécédents familiaux de
diabète de type 2 ont des insulinémies plus élevées et
une fréquence d’hypertension artérielle plus importante,
que ceux sans antécédents familiaux de diabète de type 2.
Mais d’autres arguments sont en faveur d’un lien
physiologique entre hyperinsulinémie et hypertension
artérielle, faisant intervenir l’activité de la pompe à
sodium proton, la natriurèse et le tonus sympathique.
4- Hypofibrinolyse :
La fibrinolyse est un mécanisme physiologique de
défense contre la thrombose.
En effet, lors d’une brèche
endothéliale, les phénomènes de la coagulation aboutissent
à la formation d’un caillot de fibrine insoluble pour
réparer la lésion.
La fibrinolyse se met en route quasiment
simultanément afin de dégrader ce caillot de fibrine
insoluble en produits de dégradation de la fibrine
soluble.
L’enzyme clef de la fibrinolyse est la plasmine,
qui provient d’une pro-enzyme inactive, le plasminogène.
Le plasminogène est susceptible d’être activé par
l’activateur tissulaire du plasminogène (tPA), lui-même
fortement inhibé par l’inhibiteur de l’activateur du plasminogène
1 (PAI-1).
Le PAI-1 est donc un régulateur inhibiteur
puissant de la fibrinolyse, puisqu’il agit à l’origine
de cette cascade de réactions.
Or, dans l’obésité viscérale
avec insulinorésistance, les taux plasmatiques de PAI-1
sont élevés avec une tendance à l’hypofibrinolyse et à
l’accumulation intravasculaire de fibrine.
Ces 4 complications métaboliques de l’obésité viscérale,
regroupées sous le nom de syndrome plurimétabolique,
expliquent la grande prévalence de maladies cardiovasculaires
chez ces patients.
Les mécanismes pouvant
expliquer le lien entre excès de graisse viscérale et insulinorésistance sont débattus.
Cependant, l’hypothèse
métabolique retenue est que le tissu graisseux viscéral
possède une grande activité métabolique, avec, en particulier,
une lipolyse accrue et une libération exagérée
d’acides gras libres dans le système porte.
Ces acides
gras libres favoriseraient l’insulinorésistance au niveau
hépatique, par diminution de la clairance de l’insuline,
stimulation de la néoglucogenèse et inhibition de la
glycolyse; et au niveau musculaire, par inhibition
compétitive de la captation du glucose.
C - Pathologies cardiaques :
L’obésité est en tant que telle un facteur de risque d’hypertrophie
ventriculaire gauche et d’insuffisance cardiaque.
L’obésité accroît le travail cardiaque et l’augmentation
des pressions de remplissage du ventricule entraîne une
hypertrophie de type excentrique et donc une dilatation
des cavités.
La mort subite est 3 à 6 fois plus fréquente
chez les sujets obèses en fonction de l’âge et du sexe.
Les troubles du rythme ventriculaire associés à l’hypertrophie
ventriculaire gauche en sont responsables :
tachycardie et fibrillation.
D - Complications bronchopulmonaires :
Les complications respiratoires des obésités comportent
des altérations de la mécanique ventilatoire, un syndrome
restrictif, des modifications des échanges gazeux et
conduisent à 2 syndromes particuliers qui peuvent
mettre en cause le pronostic vital.
Le syndrome d’hypoventilation
alvéolaire est responsable d’une hypoxémie
et d’une hypercapnie.
Le syndrome d’apnée du sommeil
se manifeste par des apnées, une hypersomnolence
diurne, des troubles neuropsychiques, des céphalées et
une ronchopathie.
E - Complications rhumatologiques :
L’obésité joue probablement un rôle déclenchant ou
aggravant de nombreuses affections dégénératives de l’appareil
locomoteur, telles que l’arthrose et, en particulier, la
gonarthrose et la coxarthrose.
Les douleurs rachidiennes
sont fréquentes et l’ensemble de ces anomalies favorise
la sédentarité et l’inactivité physique de ces patients.
F - Cancers
:
L’incidence de certains cancers est augmentée chez les
sujets obèses.
Ce sont surtout des cancers dépendant des
hormones : chez la femme, endomètre, ovaires et seins
après la ménopause, et chez l’homme, prostate; et cancers
digestifs (côlon, rectum et vésicule biliaire).
G - Maladies hépatobiliaires et digestives :
La lithiase vésiculaire est beaucoup plus fréquente chez
les sujets obèses que chez les sujets de poids normal, en
particulier dans le sexe féminin.
La stéatose hépatique centrolobaire ou diffuse est fréquente chez l’obèse.
Cette stéatose facilement diagnostiquée par l’échographie
peut être responsable d’anomalies mineures du bilan
hépatique, comme une augmentation des gamma-glutamyltransférases
(g GT) et une cytolyse modérée.