« Le nystagmus est un trouble de la statique oculaire caractérisé par une
succession rythmée, plus ou moins régulière, de mouvements conjugués des
yeux de sens contraire qui sont involontaires et habituellement synchrones ».
C’est un mouvement oculaire anormal traduisant l’impossibilité de fixer
le regard sur un objet d’intérêt.
Le nystagmus est un symptôme et non une
maladie, il s’intègre le plus souvent dans un syndrome.
Une maladie causale
doit donc être recherchée.
Les nystagmus sont souvent redoutés par les ophtalmologistes qui le
constatent, craignent une étiologie cryptogénique péjorative et restent
démunis sur le plan thérapeutique.
Ils sont surtout intéressants pour les
neurologues comme symptômes de troubles centraux ou vestibulaires.
Une
meilleure compréhension physiopathologique et la mise au point de
traitements adaptés doivent nous pousser à nous en occuper de manière plus
spécifique.
Nous nous sommes intéressés à l’aspect pratique de leur abord par
l’ophtalmologiste : savoir orienter les examens initiaux, classifier le
nystagmus au sein de la pathologie oculomotrice puis traiter médicalement,
voire chirurgicalement.
Nous insistons d’abord sur la physiologie et la
physiopathologie de la fixation du regard, ainsi que sur les méthodes
d’examen d’un nystagmus.
Nous utilisons une classification pratique, liée à
l’observation clinique et débouchant sur un traitement adapté à chaque type
de nystagmus.
Contrôle de la fixation du regard
et ses anomalies
:
A - Physiologie du contrôle oculomoteur
:
« La fixation du regard est l’acte oculomoteur le plus mobile qui soit. »
(Spielmann).
Cette fonction de maintien des axes visuels sur un objet d’intérêt
est particulièrement complexe, et fait intervenir tous les systèmes
neuromusculaires ayant un rôle dans l’oculomotricité.
Elle doit permettre,
sous contrôle visuel, non seulement de maintenir les axes visuels sur un objet
fixe, et compenser d’éventuels mouvements de la tête et du corps, mais aussi
de maintenir les axes visuels sur un objet animé.
Le plus souvent, ces deux
actions sont réalisées en parallèle.
La fixation s’effectue dans toutes les
positions du regard, le plus souvent excentrées.
Elle amène la direction
visuelle principale (notion monoculaire) sur l’objet à fixer et correspond
rarement à la position primaire de fixation (notion anatomique binoculaire)
mais s’y réfère toujours, nous renseignant ainsi sur la localisation de l’objet
dans notre espace.
Pour P et A Larmande, deux systèmes oculomoteurs coexistent,
aboutissant à deux types de commandes contradictoires des muscles
oculomoteurs et deux stratégies du regard :
– la fonction optocinétique permet l’exploration visuelle et amène le regard
sur l’objet d’intérêt.
Elle comporte le système des saccades binoculaires de
versions (mouvements conjoints) et l’ajustement en profondeur grâce au
système des vergences (mouvements disjoints) ;
– la fonction optostatique permettant le maintien de la fixation en vision
centrale et l’analyse en vision discriminatoire : elle survient après les
ajustements liés au système d’accommodation-convergence sous contrôle de
la fusion.
Son but est de stabiliser l’image sur la zone rétinienne de plus haute
résolution : la fovea.
Cette stabilité est assurée par une correction permanente
du tonus musculaire.
Malgré son nom, il s’agit d’une fonction très mobile,
faisant appel à la poursuite oculomotrice et à des réflexes de posture (réflexe vestibulo-oculaire et nystagmus optocinétique).
La mise en jeu de ces deux systèmes est commandée au niveau de la formation
réticulaire du tronc cérébral, par un « générateur », masse médiane de
neurones proches des noyaux oculomoteurs.
Celui-ci, véritable centre de la
fixation, reçoit des afférences de zones paires et symétriques du cortex frontal,
du cortex occipitopariétal et des noyaux vestibulaires, « zones gâchettes »
provoquant ou empêchant le mouvement, ou stabilisant l’oeil en mouvement.
Ces trois centres réagissent eux-mêmes aux renseignements sensoriels venant
du cortex strié occipital (voie visuelle principale), du cervelet (contrôle du
tonus musculaire), du colliculus (informations auditives et informations de la
rétine nasale controlatérale, vision d’« alerte » sous-corticale), et de leurs
afférences propres.
Tout déséquilibre de ce générateur perturbe profondément
le système optostatique.
Le nystagmus congénital patent est probablement lié
à un défaut de maturation de ce générateur.
B -
Développement et acquisition de l’équilibre oculomoteur
:
Les 6 premiers mois de vie sont considérés comme fondamentaux dans le
développement de la vision binoculaire et de l’équilibre oculomoteur.
Le
système visuel passe d’un stade archaïque, équivalant à celui des animaux
sans fovea, à une organisation complexe basée sur la possibilité de
localisation précise dans l’espace.
Les systèmes archaïques ont une organisation centrée sur la défense.
La
perception périphérique est favorisée, surtout dans le secteur temporal, au
détriment de la vision centrale.
L’oculomotricité est pauvre, largement suppléée par les mouvements de la tête.
Là encore, les mouvements temporonasaux sont favorisés.
Le champ visuel est élargi par une position
latérale des yeux, au détriment d’un champ de vision binoculaire réduit voire
absent.
Le contrôle optomoteur est sous-cortical, réflexe, équivalant à la voie
rétinocolliculaire chez l’homme.
Chez l’homme, dans les premières semaines de vie, les yeux travaillent un
peu selon ce système.
Chaque oeil est spécialisé pour voir ce qui vient de la
tempe et se dirige vers le côté nasal.
Les mouvements sont aussi spécialisés
avec une prépondérance des mouvements temporonasaux et une dérive de la
fixation vers l’adduction.
Le système fonctionne avec deux yeux qui se
complètent sans vraiment coopérer.
Durant les premiers mois de vie, avec le développement de la voie rétinogéniculostriée, et des connexions corticoprétectales, le prétectum reçoit
des informations venant des rétines temporales ipsilatérales s’additionnant à
celles de leurs champs récepteurs rétiniens correspondants de la rétine nasale
controlatérale.
Chaque oeil « apprend » à l’oeil opposé à s’intéresser et à se
mouvoir dans la direction temporale.
Vers 4 à 8 mois, les réflexes optomoteurs monoculaires asymétriques
deviennent symétriques.
La vision binoculaire est donc en place précocement.
Parallèlement, la fusion binoculaire, d’origine corticale se développe,
permettant une stéréoscopie vers 6 mois.
Les mouvements de vergence ne sont initialement dépendants que de la
convergence tonique, débridée, mal régulée par le cortex.
Cela explique la
variabilité dans le parallélisme des yeux durant les premiers mois de vie.
Une
fois les mécanismes fusionnels développés, les excès ou insuffisances de la
vergence tonique vont être gommés pour devenir latents (phoriques) grâce à
la vergence fusionnelle.
Le muscle ciliaire devient efficace vers 4 mois,
permettant à l’accommodation de se développer.
La synergie accommodation-convergence s’établit, permettant la fixation en profondeur,
dans l’espace, vers 6 mois.
Ses imperfections sont encore une fois rattrapées
par les mécanismes fusionnels.
Il existe une grande fragilité du système durant toute la période de plasticité
cérébrale, dite « sensible ».
La moindre défaillance aura des conséquences en
cascade, lésant plus ou moins l’équilibre oculomoteur et le laissant à un stade
de maturation plus ou moins avancé.
Le syndrome de strabisme précoce et le
nystagmus manifeste latent font partie de ces cicatrices indélébiles.
Classification des nystagmus
:
A - Nystagmus congénitaux :
Ce sont les formes rencontrées en très grande majorité par l’ophtalmologiste
praticien.
Il s’agit de nystagmus survenant dans les suites d’un trouble du
développement initial de la vision, de la naissance à 6 mois de vie.
Le terme
« congénital » a été critiqué, car la découverte du nystagmus peut intervenir
bien plus tard.
Toutefois, ils représentent un cadre pathogénique à part, car ils
correspondent à un trouble sensorimoteur apparaissant durant la période de
maturation du système optomoteur et laissent donc des cicatrices sensorielles
définitives.
Ils ne sont en revanche pas symptomatiques d’une lésion
neurologique précise.
Peut-être que le qualificatif de « précoce » serait plus
adapté, par analogie au syndrome de strabisme précoce.
Une discussion nosologique, actuellement non close, complique leur
regroupement : classiquement, on oppose nystagmus congénital essentiel
et nystagmus manifeste latent, ce qui a le tort d’opposer des critères
étiologiques à des critères morphologiques.
Godde-Jolly propose une
classification sémiologique (nystagmus patents concordants et nystagmus
manifestes latents) et une classification étiologique (nystagmus congénitaux
et nystagmus acquis).
Malauzat et Quéré, selon une étude clinique
rétrospective basée sur une large analyse clinique et de l’électrooculomotilogramme
(EOMG), distinguent les nystagmus sans strabisme
associé et les « tropies nystagmiques », englobant tout nystagmus patent ou
manifeste latent associé à un strabisme.
Ils soulignent la présence de
nombreuses formes mixtes.
Dans un souci de présentation clinique, nous utiliserons une classification
pratique liée à la présence ou non d’une composante latente et d’un strabisme.
On distinguera donc deux grandes formes de nystagmus congénitaux ou
précoces (NC) ayant un support pathogénique totalement différent :
– nystagmus congénital patent (NCP), pathologie précoce d’établissement de
la fixation :
– pur, sans strabisme associé ;
– mixte, associé à un strabisme ;
– nystagmus congénital manifeste latent (NCML) lié à un défaut
d’acquisition de la symétrisation optomotrice et de la vision binoculaire lors
des premiers mois de vie, toujours associé à un strabisme de type précoce.
B - Nystagmus acquis :
Ce sont des nystagmus survenant sur un système oculomoteur déjà mature.
Ils témoignent, jusqu’à preuve du contraire, d’une lésion du système de la
commande ou de la régulation optomotrice et nécessitent donc d’en trouver
la cause.
On différencie :
– les nystagmus d’origine vestibulaire ;
– les nystagmus d’origine neurologique ;
– le spasmus nutans.
Examen d’un nystagmus
:
A - Interrogatoire :
Il précise :
– les antécédents familiaux de strabisme et/ou de nystagmus, d’affection
ophtalmologique héréditaire ;
– les antécédents personnels concernant :
– la grossesse et l’accouchement : prématurité, souffrance néonatale ;
– les pathologies apparues depuis la naissance : maladies infectieuses,
maladies générales ;
– le développement psychomoteur et les incidents d’ordre neurologique :
convulsions.
Histoire du nystagmus :
L’âge d’apparition : le nystagmus peut avoir été remarqué dès la naissance
ou durant les premiers mois de vie en faveur d’une origine congénitale vraie.
Il peut être apparu après une période de développement visuel normal et
parfois en parallèle à d’autres signes généraux.
Ainsi, 76 %des cas sont notés
dès la naissance, 95 % avant l’âge de 1 an.
Le signe d’appel est-il le nystagmus, un strabisme associé ou une pathologie
autre ?
L’évolution du nystagmus dans le temps.
Le retentissement sur l’état visuel général et les signes visuels associés
(photophobie, héméralopie, malvoyance évidente).
Quelle est la gêne sur
l’activité sociale, scolaire ?
Les signes fonctionnels : le nystagmus peut être asymptomatique ou noyé
dans un tableau fonctionnel.
On recherchera oscillopsies, nystagmus de la
tête, cervicalgies en rapport avec le torticolis.
Les traitements déjà entrepris.
B - Examen
:
1- Inspection :
Elle se déroule durant la phase d’interrogatoire :
– comportement spontané d’exploration visuelle ;
– présence d’un torticolis spontané ;
– signes neurologiques associés.
2- Examen sensoriel :
* Réfraction
:
Fondamentale, elle est déterminée sous cycloplégie et sera répétée.
L’aide du réfractomètre automatique est essentielle en raison de la fréquence
de l’astigmatisme (volontiers oblique) et de la difficulté de la réfraction
subjective chez des patients souvent fortement amblyopes.
* Acuité visuelle (AV)
:
Elle détermine les capacités visuelles légales du patient et l’angoisse familiale
se cristallise souvent dessus.
On recherche donc, après mise en place de la
correction optimale, une amblyopie mono- ou bilatérale.
Mesurée avec correction en mono- et binoculaire, de loin, de près, « droit
devant », puis en position de torticolis si le patient en présente un.
En cas de
composante latente, l’AV monoculaire peut être également déterminée en
utilisant une pénalisation optique de 3 dioptries (gamma) au lieu d’un cache (ce qui,
le plus souvent, ne déclenche pas la composante latente) et également en
fixation bioculaire.
Sur le plan légal, c’est l’AVmaximale mono- et binoculaire qui est
importante, soit celle obtenue en position de torticolis et avec correction.
Un
certificat médical peut être délivré spécifiant l’AV et ses variations selon la
position de fixation, la correction.
* Vision binoculaire
:
Réalisé comme dans tout désordre oculomoteur, l’examen est malgré tout
gêné par la présence du nystagmus.
On doit pouvoir obtenir des
renseignements précis et qui seront fondamentaux sur le plan thérapeutique.
Il est réalisé dans l’espace et au synoptophore.
– Correspondance rétinienne normale (CRN) ou anormale (CRA).
– Neutralisation (et étendue des zones de neutralisation) en cas de CRA ou
diplopie et amplitude de fusion qu’il faut mesurer en cas de CRN.
– Dominance oculaire, amblyopie, fixation centrale ou excentrique.
– Vision stéréoscopique : elle peut être normale ou peu altérée en l’absence
de strabisme, montrer un état d’union binoculaire en cas de microstrabisme,
ou être absente en cas de tropie avérée.
3- Examen oculomoteur :
* Nystagmus
:
Son analyse exige le plus souvent des examens répétés et prolongés,
notamment si une attitude chirurgicale doit en découler.
+ Morphologie
:
Le battement du nystagmus est constitué d’une phase de dérive, éloignant du
point de fixation, et d’une phase de rappel.
On peut ainsi différencier :
– les nystagmus pendulaires : la durée et l’amplitude des deux phases sont
identiques ;
– les nystagmus à ressort : on retrouve une phase lente de dérive et une phase
rapide de rappel donnant le sens de battement ou la direction du nystagmus.
Cette direction peut être invariable ou bien :
– dépendre de l’oeil qui fixe : invariable dans le NCP, elle s’inverse selon
l’oeil fixateur dans les NCML(battant à droite, oeil droit fixant et à gauche,
oeil gauche fixant) ;
– dépendre de la direction du regard : présence d’une zone d’inversion
dans une direction visuelle donnée (bidirectionnelle) ;
– la morphologie de la phase lente permet de différencier une phase lente
à vitesse croissante dans les NCP et décroissante dans les NCML ;
– les nystagmus penduloressorts.
+ Orientation
:
Horizontale le plus souvent, mais aussi verticale, oblique, rotatoire ou mixte.
+ Amplitude
:
Elle est large ou fine.
Parfois invisible macroscopiquement, le battement ne sera individualisé qu’à
l’ophtalmoscope, au biomicroscope ou au synoptophore.
+ Fréquence
:
Rapide ou lente, on peut la chiffrer en cycles par secondes (hertz) à l’EOMG.
Présence de facteurs susceptibles de modifier le nystagmus
L’occlusion monolatérale : si le nystagmus augmente à l’occlusion, on dit
qu’il existe une part latente, le nystagmus est dénommé « manifeste/latent ».
S’il n’apparaît qu’à l’occlusion, il s’agit d’un nystagmus latent pur.
Si
l’occlusion est sans effet, il s’agit d’un nystagmus « patent ».
Recherche de positions de compensation (position de blocage) : variations
d’intensité lors des mouvements horizontaux, verticaux, de torsion ou de
convergence.
En général, cette position a été spontanément découverte par le
patient qui adopte une position de torticolis afin de fixer dans la situation de
moindre battement.
On la recherche aussi en vision rapprochée, ce qui
démasque un éventuel blocage en convergence.
Recherche de zones de transformation du nystagmus : inversion du
battement, transformation de la fréquence, de l’amplitude, de l’orientation.
Dans chaque cas, on évalue le retentissement de la zone de blocage sur l’AV
et on vérifie la permanence de ces constatations par des examens répétés.
Un schéma peut aider à résumer la situation.
* Torticolis
:
À rechercher en vision de loin et en vision de près lors de la lecture des optotypes les plus fins que le sujet peut lire.
On note son degré et si le sujet l’adopte spontanément, fréquemment ou non.
Il traduit une attitude de compensation, qui n’est parfois mise en évidence
qu’à l’EOMG.
Dans ce cas, il faut apprécier son rôle dans la vie courante
représentée par le torticolis : « le torticolis a toujours raison » (Quéré).
* Strabisme ou déséquilibre oculomoteur
:
L’examen est identique à celui réalisé dans tout strabisme ou déséquilibre
oculomoteur.
Il peut mettre en évidence n’importe quel type de strabisme : accomodatif, précoce, secondaire, phorie ou de déséquilibre oculomoteur :
paralysie, syndrome de rétraction associé au nystagmus.
La détermination de l’oeil fixateur ou dominant est fondamentale pour le
traitement.
On mesure la phorie ou la tropie par le test de l’écran et on étudie la motilité,
dont les anomalies ou particularités seront importantes pour le traitement.
Le strabisme peut être, au premier plan, évident ou bien être difficile à
retrouver, surtout en cas de fort nystagmus.
La présence d’une composante latente ou non associée à un strabisme permet
d’emblée de classer le nystagmus parmi les formes cliniques.
4- Électro-oculo-motilogramme :
En dehors de certains cas où le tableau clinique est évident et clair, l’EOMG
apporte des renseignements précieux qui échappent au seul examen clinique.
Sa réalisation suit un protocole spécifiquement « ophtalmologique » le
différenciant des électronystagmogrammes réalisés en neurologie et en
otoneurologie.
La dénomination d’EOMG le différencie de l’électrooculogramme
(EOG) sensoriel utilisé dans l’exploration fonctionnelle
rétinienne.
Un enregistrement exploitable est réalisable dès l’âge de 3 ans, le
plus souvent.
Quatre pistes enregistrent les mouvements horizontaux : deux pistes avec
constante de temps longue (10 secondes) rendant compte de l’amplitude des
secousses, et deux pistes avec constante de temps courte (0,1 seconde)
exprimant la vitesse des secousses.
Deux autres pistes enregistrent les
mouvements verticaux.
L’enregistrement comporte plusieurs séquences, toutes réalisées dans quatre
situations, les deux yeux ouverts, puis en fixation monoculaire droite puis
gauche :
Enregistrement statique : position primaire (« droit devant »), puis version
gauche puis droite (environ 40°), puis de gauche à droite par étapes de 5 en
5°, ce qui permet de mettre en évidence une éventuelle zone excentrée de
minoration des secousses, enfin en fixation de près (33 cm.)
Enregistrement cinétique : étudiant le nystagmus optocinétique (NOC), à
l’aide d’un tambour de Barany (vitesse de 20°/s), la poursuite et les saccades
(amplitude de 40°).
Certains appareils permettent de mesurer la vitesse des
saccades.
L’EOMG permet de déterminer l’amplitude et la fréquence des secousses
(l’intensité du nystagmus), la présence ou non d’une composante latente, le
caractère congruent (intensité équivalente sur l’oeil droit et sur l’oeil gauche)
ou non, la morphologie des secousses, en particulier de la phase lente (sur le
tracé en constante de temps longue) et les variations spatiales d’intensité (en
versions latérales et de près).
5- Examen ophtalmologique
:
Il oriente le bilan étiologique et pronostique.
Un examen sous narcose légère
peut être nécessaire chez l’enfant pour le préciser au moindre doute.
On se
retrouve devant plusieurs situations :
– anomalie morphologique oculaire évidente, expliquant une malvoyance
précoce et un nystagmus de type congénital patent « sensoriel » :
microphtalmie, hypoplasie papillaire, cataracte bilatérale, buphtalmie d’un
glaucome congénital ;
– anomalie évocatrice d’une pathologie héréditaire classiquement
responsable de nystagmus : transillumination anormale et fond d’oeil (FO)
caractéristique de l’albinisme ;
– anomalies rétiniennes évocatrices d’une dégénérescence tapétorétinienne,
d’une rétinite pigmentaire ;
– anomalie orientant vers une pathologie générale : oedème papillaire ou
atrophie optique acquise, anomalies vasculaires ;
– examen ophtalmologique normal.
C - Bilan étiologique et pronostique :
Le problème du bilan étiologique se pose surtout chez le nourrisson, afin de
ne pas passer à côté d’un nystagmus symptomatique d’une affection
neurologique ou générale, pouvant bénéficier d’un traitement curatif sans
pour autant réaliser un bilan excessif, par exemple devant un nystagmus
présent simplement dans le cadre d’un strabisme précoce.
Chez l’adulte, en revanche, l’apparition d’un nystagmus est toujours suspecte et impose un
bilan étiologique ophtalmologique, neurologique et vestibulaire.
Dans tous les cas, on réalise un bilan ophtalmologique complet systématique.
Une sédation peut être nécessaire pour obtenir des tracés de potentiel évoqué
visuel (PEV) de bonne qualité et préciser l’état ophtalmologique : tonus
oculaire, FO en ophtalmoscopie indirecte.
1- Nystagmus purement ophtalmologique :
Certains signes plaident en faveur d’une origine purement ophtalmologique :
– l’apparition précoce avant 6 mois ;
– la présence de signes ophtalmologiques typiques de maladie, héréditaire
ou non, « nystagmogène » (cataracte, albinisme, rétinopathies héréditaires ou
embryofoetopathies) ;
– l’hérédité nystagmique évidente ;
– la présence d’un strabisme de type précoce avec NCML typique.
Dans ces cas, le bilan étiologique reste alors limité à celui de la cause évoquée
mais il faut rester vigilant et ne pas hésiter à l’élargir en cas de
symptomatologie nouvelle ou d’évolution discordante. On réalise, en
fonction des cas, et pas toujours d’emblée : électrorétinogramme (ERG), PEV, cartographie cérébrale, EOG sensoriel.
2- Signes péjoratifs
:
Certains signes sont franchement péjoratifs :
– l’âge d’apparition tardif (après 6 mois) ;
– l’association d’un nystagmus patent à un strabisme ou une amblyopie monolatérale, sans cause évidente ;
– la présence de mouvements compensateurs de la tête ;
– l’asymétrie de l’amplitude du nystagmus entre les deux yeux ;
– l’amplitude faible (inférieure à 3 à 5°) et la fréquence élevée (supérieure à
7 Hz) du nystagmus ;
– la présence de signes d’appels neurologiques associés au nystagmus, qu’ils
soient ophtalmologiques (aspect de la papille) ou généraux.
Ils imposent de réaliser un bilan complémentaire neuropédiatrique et
neuroradiologique, notamment une imagerie par résonance magnétique
(IRM) cérébrale.
La prudence et la vigilance sont toujours de mise car toutes les situations
intermédiaires sont possibles.
En la matière, l’excès d’examens peut-il être
reproché, même sur des arguments économiques, puisque aucun argument
diagnostic n’est formel ?
Pour Godde-Jolly, une cause peut être identifiée dans plus de 75 % des cas,
proportion en accroissement constant.
Les autres formes sont dites
idiopathiques.
Nystagmus « congénitaux »
:
Nous reprenons, pour illustrer la description clinique, l’étude exhaustive de
554 cas de nystagmus réalisée par Malauzat et Quéré et qui distingue :
36 % de nystagmus sans strabisme associé (dans lesquels une composante
latente n’est jamais notée) et 64 % avec strabisme (tropies nystagmiques).
On peut donc isoler trois formes cliniques dont le pronostic et les aspects sont
totalement différents :
– NCP sans strabisme : 36 % ;
– NCP avec strabisme et sans composante latente : 11 % ;
– NC avec strabisme et composante manifeste/latente (NCML) : 53 %.
Quelques points sont importants à noter d’emblée :
– la sémiologie est souvent instable d’un examen à l’autre (en particulier le
torticolis).
Il faut attendre que le tableau soit suffisamment fixé avant
d’envisager le traitement chirurgical ;
– l’analyse du torticolis est fondamentale pour évaluer les possibilités
thérapeutiques, notamment chirurgicales ;
– l’EOMG est toujours utile, souvent indispensable, surtout dans les formes
atypiques ;
– le signe d’appel peut être le strabisme ou le nystagmus.
Il est parfois
difficile de diagnostiquer un strabisme noyé dans les secousses nystagmiques
et inversement.
A - Nystagmus congénital patent pur
(sans strabisme associé) :
1- Physiopathologie
:
Probable immaturation du « centre de la fixation », représenté par le
générateur de la formation réticulée.
L’importance des premiers instants de
vie, voire de la période prénatale immédiate, est sans doute fondamentale dans
l’établissement de l’équilibre de la fonction optostatique, alors que la fonction
visuelle est totalement immature.
Dans les nystagmus dits « sensoriels », on retrouve une pathologie réduisant
ou supprimant la vision dès la naissance.
Le nystagmus apparaît même en cas
de traitement extrêmement précoce comme dans les cataractes congénitales
totales bilatérales.
Les causes sont le plus souvent incurables, comme dans
les albinismes ou les troubles neurologiques précoces (souffrance néonatale)
ou encore les retards de maturation visuelle.
L’observation d’une hérédité nystagmique témoigne d’une fragilité
héréditaire du « générateur » ou de la présence d’un facteur génétique
prédisposant, s’exprimant de manière encore inconnue.
Souvent, il est isolé et témoigne d’un trouble précoce du développement du
réflexe de fixation, dont la cause échappe à nos moyens d’investigation
actuels.
La proportion de ces nystagmus idiopathiques diminue
progressivement.
2- Bilan sensoriel :
* Acuité visuelle
:
C’est dans les NCP que l’on note les amblyopies bilatérales les plus
importantes ou, à l’inverse, les meilleures AV, si un blocage efficace existe.
Le retentissement sur la vie sociale et professionnelle est la
préoccupation majeure, notamment concernant les possibilités de
scolarisation normale ou non et l’obtention du permis de conduire.
Les amblyopies unilatérales sont possibles, quoique plus rares que
dans les tropies nystagmiques.
Elles seront traitées selon les principes classiques mais
en tenant compte du degré d’AV du meilleur oeil.
* Vision binoculaire
:
L’examen confirme l’absence de strabisme associé. La vision binoculaire est
normale.
La présence d’une fusion de bonne qualité permet des traitements et
des tests prismatiques.
Elle évite ou limite l’apparition de strabismes
postopératoires.
Une rééducation binoculaire peut être envisagée pour la
renforcer.
3- Examen oculomoteur :
Il se limite à l’étude du nystagmus puisqu’il n’existe pas de strabisme associé
dans cette forme.
Le nystagmus en position primaire est d’intensité et de
fréquence variables, pendulaire ou à ressort.
L’occlusion monoculaire ne
modifie en rien les secousses : il n’y a pas de composante latente.
C’est l’étude des variations d’intensité des secousses dans l’espace qui est
capitale.
Il faut étudier les variations d’intensité du nystagmus selon la
direction de fixation et en vision de près à la recherche d’un mécanisme
compensateur.
Le blocage peut être total et évident cliniquement ou incomplet
mais suffisant pour que le patient utilise cette position de meilleur confort
visuel.
Un torticolis est noté dans 67 %des cas.
On retrouve toujours une corrélation
entre celui-ci et le syndrome de blocage.
C’est d’ailleurs sur la constatation
d’un torticolis, de son caractère permanent, invariable, compensateur
(diminution du nystagmus et/ou augmentation de l’acuité visuelle) et/ou
invalidant (cervicalgies) que reposent les indications thérapeutiques.
La
multiplicité des formes et leur importance font que plusieurs examens doivent
constater le torticolis et qu’un EOMG est souvent préférable pour confirmer
le mécanisme compensateur.
Plusieurs tableaux se présentent, plus ou moins complexes.
* Torticolis unidirectionnel (syndrome de Kestenbaum-Anderson)
:
C’est l’éventualité la plus fréquente.
Le nystagmus présente un blocage dans
la direction opposée au torticolis (torticolis tête tournée vers la droite, dû à un
blocage en version gauche et inversement).
L’acuité visuelle mesurée en
position de torticolis peut être augmentée de façon importante par rapport à la
position primaire.
Un gain allant jusqu’à 6/10e peut être observé.
C’est lors de
la lecture des optotypes les plus petits que le torticolis devient maximal ou
apparaît.
* Blocage en convergence
:
Le nystagmus se bloque (ou diminue fortement) en vision de près.
Cette
compensation n’est pas utilisable en vision courante. Elle est mise en
évidence par l’examen.
* Double torticolis
:
Le plus souvent, l’un des deux blocages prédomine et est utilisé par le patient.
– En vision de loin : certains patients présentent deux positions de torticolis,
tantôt vers la droite, tantôt vers la gauche.
Le mode de fixation, mono- ou bioculaire n’y change rien et ce n’est pas un nystagmus manifeste latent avec
adduction de l’oeil fixateur.
Ici, l’EOMG est essentiel pour éliminer une
composante latente et surtout pour objectiver le double blocage.
– Blocage latéral et en convergence associés.
– Torticolis alternant vision de loin/vision de près : dans ces rares cas, le
patient présente un torticolis dans une direction en vision de loin, et un
torticolis dans une direction différente en fixation de près.
* Ésotropies avec blocage de nystagmus
:
Décrites par Cüppers etAdelstein, leur place et leur réalité sont discutées.
Ce sont des NCP avec blocage de l’oeil dominant en adduction.
Toutefois,
l’oeil dominé se place lui aussi en adduction, réalisant une ésotropie
dynamique, améliorant le blocage par stimulation de la convergence.
Le
blocage est donc lié à la combinaison de deux mécanismes : l’adduction de
l’oeil fixateur et la convergence.
L’oeil dominé reste en adduction quand l’oeil
fixateur passe de l’adduction à l’abduction.
Le battement du nystagmus et le
torticolis s’inversent selon l’oeil fixateur.
Il s’agit en fait de cas rares. Le
diagnostic est posé lorsqu’on observe effectivement, dans le cadre d’un NCP,
un blocage en même temps qu’apparaît l’ésodéviation.
Le traitement consiste
en un affaiblissement des deux droits médiaux avec ancrage postérieur
bilatéral.
Dans de rares cas, ce blocage serait responsable d’une convergence
bilatérale dans le cadre du syndrome de nystagmus bloqué de Cüppers.
* Absence de torticolis
:
C’est une situation fréquente (près d’un tiers des cas).
Aucune position
compensatrice n’est mise en évidence, le nystagmus étant invariable dans
toutes les conditions d’examen.
Les possibilités thérapeutiques sont alors
réduites.
4- Électro-oculomotilogramme :
Si, dans certains cas de nystagmus caractéristiques avec torticolis très marqué,
l’EOMG n’apporte qu’une confirmation de l’examen clinique, un
enregistrement reste préférable dans la plupart des cas.
Il confirme le type de
nystagmus et ses variations spatiales ainsi que l’influence de l’occlusion monolatérale.
* En position primaire
:
De loin, les deux yeux ouverts, on note :
– l’intensité des secousses, qui servira de comparaison aux autres situations.
Elle peut être notée de + à + + + .
L’intensité est en général identique sur
chaque oeil, le nystagmus est « congruent » ;
– la morphologie des secousses, pendulaires ou penduloressorts, avec une
phase lente progressivement croissante.
* En fixation de près
:
On peut observer une diminution, parfois un blocage complet du nystagmus.
Dans de rares cas, le nystagmus bat dans une direction différente de la fixation
de loin.
* En versions statiques
:
+ Mécanisme compensateur confirmé ou précisé
:
– Absence totale de variations d’intensité (rare) : pas de torticolis.
– Augmentation des secousses, tant en version droite que gauche, la zone de
moindre nystagmus étant centrée en position primaire ou légèrement
latéralisée.
Les secousses peuvent s’inverser de chaque côté de cette zone.
– Zone de blocage latéral dans une direction, avec exacerbation des
secousses dans la version opposée : c’est le classique syndrome de Kestenbaum-Anderson.
Le blocage peut n’être que relatif, malgré un
torticolis à la fois marqué et permanent.
– Double zone de blocage : en version droite et gauche ou encore de loin et
de près.
+ Morphologie des secousses
:
Le plus souvent, en version, le nystagmus est à ressort.
Il peut être
unidirectionnel, battant toujours dans le même sens, s’exagérant quand le
regard se porte du côté de la phase rapide, diminuant quand le regard se porte
du côté de la phase lente (loi d’Alexander).
Ailleurs, le nystagmus est
bidirectionnel, battant à droite dans le regard vers la droite et vers la gauche
dans le regard vers la gauche.
La zone d’inversion peut être centrale ou
latéralisée.
Le nystagmus y est très diminué, prenant une allure pendulaire,
voire absent.
Cette zone d’inversion représente la zone de blocage (null point)
qui peut être étroite.
* En versions cinétiques
:
Comme sur l’enregistrement statique, les signes de blocage peuvent être plus
ou moins marqués.
Dans certains cas, seules les épreuves cinétiques
permettent de mettre en évidence le blocage latéral, d’où leur importance.
+ Nystagmus optocinétique
:
Il est le plus souvent symétrique, en mono- et binoculaire.
Parfois, on observe
une asymétrie du NOC qui n’est correctement induit en fixation bioculaire
que lorsque le tambour tourne dans un sens mais pas dans l’autre.
L’inexcitabilité (ou l’hypoexcitabilité) quand le tambour tourne vers la droite
témoignant d’un blocage vers la gauche et inversement.
On la différencie de
l’asymétrie du NOC observée en fixation monoculaire dans les NCML.
+ Poursuite
:
Le blocage se traduit par un aspect dysmétrique
(aspect de « roue dentée », voire de saccade) dans un sens et une
poursuite parfaitement lisse dans l’autre (correspondant au sens du
blocage).
+
Saccades
:
Elles sont souvent dysmétriques (lenteur de la saccade, au maximum aspect
de poursuite) dans la direction du blocage, alors qu’elles sont parfaitement
réalisées dans la direction opposée.
On remarque qu’en présence de poursuite et de saccades dysmétriques, la
dysmétrie est observée dans une direction du regard pour la poursuite et dans
la direction opposée pour les saccades.
C’est ce que Quéré appelle la
« dysmétrie couplée saccade-poursuite ».
5- Bilan étiologique
:
Les NCPsont fréquemment symptomatiques d’une affection sous-jacente.
Le
bilan étiologique est donc fondamental. Le terme « idiopathique » devrait
idéalement disparaître progressivement.
Il n’y a aucune corrélation entre l’aspect du nystagmus et son étiologie.
Pour Godde-Jolly :
– les causes neurosensorielles sont les plus fréquentes avec de 44 %des cas :
cataractes, dégénérescences tapétorétiniennes, albinismes ;
– les causes neurologiques congénitales ou périnatales suivent avec 13,2 % ;
– les formes familiales représentent 12 % des cas.
Actuellement, 30 % restent idiopathiques.
B - Nystagmus congénital manifeste latent
:
Cette forme clinique fait partie du groupe des tropies nystagmiques, terme
défini par Quéré et al comme l’association d’un nystagmus et d’un strabisme.
Le NCML en représente la forme clinique la plus fréquente : 82 %des tropies
nystagmiques, 53 % de l’ensemble des nystagmus congénitaux.
1- Physiopathologie :
Symptôme majeur du syndrome de strabisme précoce, il témoigne de
l’immaturité du système optostatique, resté à un stade archaïque, au même
titre que l’asymétrie persistante duNOC.
Il s’agit d’une pathologie de l’oeil
fixateur, rendue évidente lorsqu’on le prive du soutien pourtant imparfait de
l’autre oeil.
Il témoigne de l’attraction vers l’adduction avec nystagmus battant
vers la tempe.
2- Bilan sensoriel :
* Acuité visuelle et amétropie associée
:
+ Amétropies
:
Elles sont très fréquentes.
La réfraction déterminée sous cycloplégie met en évidence 66 %
d’hypermétropie, 28 %de myopie et 7 %d’équivalent sphérique nul, et 70 %
d’astigmatisme, très souvent oblique.
Enfin, une anisométropie supérieure à
2 gamma est notée dans 11 % des cas.
+ Amblyopie bilatérale
:
L’AV de l’oeil dominant n’est supérieure ou égale à 6/10e que dans 29 % des
cas.
Elle est toutefois améliorée :
– de près ;
– en position de torticolis ;
– en fixation bioculaire (jusqu’à 8/10e de plus) dans 36 % des cas, d’autant
plus que la composante latente est forte.
C’est en réalité cette acuité qui reflète
le mieux les performances visuelles du patient, et doit être prise compte
notamment pour l’attribution du permis de conduire ;
– quand elle est déterminée en utilisant une pénalisation optique (jusqu’à
8/10e de mieux) plutôt qu’une occlusion classique de l’oeil controlatéral.
+ Amblyopie unilatérale
:
Elle concerne l’oeil dominé dans plus de 90 % des cas non traités.
Cette amblyopie est difficile à traiter en raison de la présence du NCML qui
gêne ou empêche toute dissociation.
* Vision binoculaire
:
Il n’existe jamais de vision binoculaire.
Comme dans tout strabisme précoce,
une CRA est constamment retrouvée avec neutralisation.
La fusion est donc
de mauvaise qualité, tout au plus existe-t-il une union binoculaire en cas de microtropie.
La rééducation orthoptique basée sur la déneutralisation et
l’utilisation de la fusion est donc proscrite.
L’utilisation des prismes ayant
pour but de tester la fusion est inutile, on ne peut les utiliser que pour déplacer
la position de blocage de l’oeil fixateur.
3- Examen oculomoteur :
* Nystagmus
:
C’est en fixation monoculaire, lors de l’occlusion monolatérale, que le
diagnostic de NCML est fait, par la constatation d’une apparition ou d’une
augmentation d’intensité des battements (composante latente).
En position
primaire, les deux yeux ouverts, on observe malgré tout un nystagmus dans la
plupart des cas (composante manifeste).
Caractéristique spécifique, sa
direction s’inverse selon l’oeil fixant : il bat du côté de l’oeil découvert, vers la
droite en fixation monoculaire droite et réciproquement.
Cette caractéristique
traduit la dissociation optomotrice propre au syndrome de strabisme précoce.
Cette composante latente est d’intensité variable, pouvant parfois être très
forte.
Elle est habituellement plus forte à l’occlusion de l’oeil dominant.
* Strabisme
:
Quand une composante latente est notée, la présence d’une déviation
strabique est constante.
Il s’agit d’une ésotropie dans 87 % des cas, d’une
exotropie dans 13 % des cas.
Il n’y a aucune corrélation entre l’intensité du
nystagmus et celle de la déviation.
Dans certains cas c’est donc le strabisme
qui est au premier plan, dans d’autre c’est le nystagmus.
Le NCML est pathognomonique du syndrome de strabisme précoce.
On
retrouve associées donc toutes les caractéristiques motrices de ce
syndrome, notamment la DVD (57 %) et l’hyperaction des obliques
inférieurs (58 %), qu’il s’agisse d’une ésotropie ou d’une exotropie.
* Torticolis
:
Il est retrouvé dans 63 % des cas.
+ Torticolis alternant dissocié (TAD)
:
C’est la forme typique et pathognomonique du NCML, retrouvée dans 40 %
des cas.
Le torticolis change de direction selon l’oeil fixateur.
En fixation monoculaire : le TAD d’adduction est retrouvé le plus souvent
(32 %) ; lors de l’occlusion monolatérale, le sujet tourne alternativement la
tête du côté de l’oeil fixateur, prenant ainsi une attitude de fixation en
adduction accompagnée d’une diminution des battements.
Ainsi, lors de la
fixation monoculaire droite, il tourne la tête vers la droite et inversement en
fixation de l’oeil gauche.
Inversement, en abduction, les secousses
augmentent. LeTADd’abduction de l’oeil fixateur est plus rarement observé (8 %des cas).
En fixation bioculaire : c’est le torticolis qui est présent en fixation spontanée
et qu’il convient de neutraliser (en tout cas ne pas aggraver) lors du traitement.
On le retrouve dans 69 % des cas.
Le sujet adopte un torticolis mettant l’oeil
dominant en position de moindre nystagmus, le plus souvent en adduction,
ailleurs en abduction.
Dans cette même position de torticolis, les secousses
sur l’oeil dominé peuvent s’intensifier.
Il s’agit d’un nystagmus presque
toujours incongruent.
En cas d’ésotropie c’est habituellement un torticolis d’adduction de l’oeil
dominant, dans 67 % des cas contre 33 % en abduction.
En cas d’exotropie,
on note un torticolis d’abduction de l’oeil dominant dans 75 % des cas contre
25 % en adduction.
+ Torticolis unidirectionnel (33 % des cas)
:
Le torticolis présent en fixation bioculaire n’est pas modifié par l’occlusion
monolatérale.
Le nystagmus est unidirectionnel, battant dans le même sens
dans tout le champ du regard horizontal.
Le blocage latéral intéresse les deux
yeux, et n’est évident cliniquement qu’une fois sur quatre.
C’est
l’enregistrement qui mettra en évidence le blocage, sur les épreuves statiques
et/ou cinétiques.
Ce tableau réalise une forme mixte de nystagmus, se présentant comme un syndrome de Kestenbaum-Anderson, mais où l’on note
de façon atypique une composante latente à l’occlusion monolatérale.
+ Absence de torticolis (27 % des cas)
:
Il s’agit de cas où le nystagmus ne présente pas de modification notable
d’intensité lors des mouvements de version ou des cas de nystagmus fins où
la minoration que l’on pourrait noter sur l’EOMG est trop faible pour
entraîner une attitude compensatrice de la tête.
+ Synthèse : addition des dystonies
Tout ce bilan a pour objet de guider le traitement chirurgical.
Celui-ci a pour
but de supprimer le torticolis, le strabisme et de réduire le nystagmus.
Aussi
faut-il tenir compte du sens de la déviation strabique et des désordres liés au
nystagmus : attitude en fixation bioculaire (en adduction ou en abduction de
l’oeil fixateur) et des variations spatiales.
Le geste chirurgical tiendra compte
de la polarisation respective des deux dystonies (nystagmique, d’une part et
strabique, d’autre part).
4- Électro-oculomotilogramme :
L’enregistrement de l’EOMG est souvent indispensable pour affirmer la
présence d’une composante latente, et analyser les variations spatiales
d’intensité des secousses.
Les signes retrouvés font plus généralement partie
du tableau de dissociation optomotrice des strabismes précoces.
On
retrouve l’aspect complètement dissocié de l’enregistrement en fonction du
mode de fixation.
Le plus souvent, le tracé est très différent selon les trois
modalités de fixation et d’intensité inégale sur les deux yeux (incongruence).
* En position primaire
:
On note un nystagmus d’aspect à ressort, ou penduloressort, dont la phase
lente est classiquement et progressivement décroissante.
En fixation bioculaire, l’intensité des secousses est souvent assez modérée et
même nulle dans 6 % des cas : nystagmus latent « pur ».
En fixation monoculaire, on met en évidence la part latente du nystagmus, qui
consiste en une amplification parfois considérable des secousses.
Elles sont à
ressort, avec une phase rapide qui s’inverse au changement d’oeil fixateur, le
nystagmus battant vers l’oeil découvert.
Cette composante latente est souvent
asymétrique, le nystagmus étant plus fort lors de l’occlusion de l’oeil
dominant, d’une part, et plus marqué sur l’oeil caché (incongruence
alternante), d’autre part.
* En fixation de près
:
On observe parfois un blocage ou une minoration importante du nystagmus
en fixation de près, toutefois moins fréquemment qu’en cas de nystagmus de
type patent (17 % des cas).
* En versions statiques
:
+ En fixation bioculaire
:
Le blocage incongruent est le cas le plus fréquent. L’oeil dominant bloque en
adduction, alors que les battements de l’oeil dominé en abduction
s’exacerbent.
Le nystagmus peut être bidirectionnel, battant vers la droite en
version droite et vers la gauche en version gauche.
La zone d’inversion peut
être latéralisée, expliquant le torticolis noté en binoculaire (intérêt de
l’enregistrement de 5 en 5°).
Plus rarement, le nystagmus présente un blocage congruent sur les deux yeux,
comme on l’observerait dans un nystagmus de type patent, mais avec la
particularité ici de présenter une composante latente en fixation monoculaire
et un strabisme.
+ En fixation monoculaire
:
Le tableau est plus homogène, le tracé confirme la position de moindre
battement de l’oeil découvert (en adduction le plus souvent) confirmant le
tableau clinique de TAD.
L’incongruence est la règle, le nystagmus
augmentant sur l’oeil caché.
* En versions cinétiques
:
Toute la symptomatologie cinétique est également marquée par son caractère
dissocié, en fonction du mode fixation.
+ Nystagmus optocinétique
:
L’aspect est caractéristique du NCML et des strabismes précoces apparus
avant ou pendant la phase de développement de l’équilibre binoculaire
(6 premiers mois de vie).
On observe, en fixation monoculaire, un aspect
d’inexcitabilité optocinétique dans le sens temporonasal alors que celui-ci est
présent quand le tambour tourne dans le sens nasotemporal.
Le phénomène
s’inverse selon l’oeil fixateur (dissociation optomotrice).
En réalité, on
observe plus souvent une asymétrie d’amplitude du NOC qu’une abolition
complète, et il est donc préférable de parler d’hypoexcitabilité optocinétique
temporonasale.
+ Poursuite
:
En fixation monoculaire, elles ont un aspect asymétrique : dysmétriques vers
l’abduction et poursuite lisse vers l’adduction, tableau s’inversant selon l’oeil
fixateur.
En fixation bioculaire : une asymétrie de la poursuite traduit le blocage du
nystagmus dans la version où elle est lisse.
Ce signe, quand il est net, est
toujours corrélé au torticolis.
+ Saccades
:
En fixation monoculaire, l’aspect est dissocié : anormal vers l’adduction et
parfait vers l’abduction, tableau s’inversant selon l’oeil fixateur.
En fixation bioculaire : les saccades peuvent être dysmétriques dans une
direction et normales dans l’autre.
Par ailleurs, un aspect lisse des pauses
latérales des saccades dans une direction est un signe de blocage latéral,
corrélé au torticolis.
On retrouve là encore la dysmétrie couplée saccade-poursuite dont l’analyse
peut être importante sur le plan thérapeutique dans des torticolis complexes.
5- Bilan étiologique
:
Dans 65 % des cas, le NCML est sans cause organique.
Il est simplement
associé au syndrome de strabisme précoce, sans pathologie sous-jacente autre
que le trouble de la vision binoculaire causal et l’hérédité.
Quand une cause organique est retrouvée, on compte dans l’ordre : albinisme
(27 %), infirmité motrice cérébrale (21 %), atrophie optique (17 %), myopie
maligne (11 %) et cataracte (9 %).
C - Association d’un nystagmus patent congénital
et d’un strabisme (nystagmus mixte) :
Cette forme clinique de nystagmus congénital mérite un intérêt particulier, du
fait de sa fréquence : 11 % de l’ensemble des nystagmus congénitaux, 18 %
des tropies nystagmiques ou encore 24 % des nystagmus patents sans
composante latente.
On la distingue à la fois du NCML, car elle ne présente
pas de composante latente, et du NPC sans strabisme, car elle présente une
déviation strabique.
1- Physiopathologie :
Il s’agit de la superposition d’un NCP et d’un trouble de l’équilibre
binoculaire, phorie décompensée ou non, strabisme accommodatif, strabisme
secondaire.
Le développement initial de la vision binoculaire s’est donc fait
normalement, avec correspondances rétiniennes normales.
Si le strabisme est
devenu permanent, une neutralisation et un passage en CRA sont possibles,
c’est d’ailleurs le cas le plus fréquemment observé.
Les strabismes précoces
sont exclus de cette catégorie car ils sont associés à un nystagmus de type NCML.
Le nystagmus est souvent, mais pas toujours, au premier plan.
2- Bilan sensoriel :
* Acuité visuelle
:
Le pronostic visuel est particulièrement mauvais, sans comparaison avec les
autres nystagmus congénitaux.
+ Amétropies
:
Elles sont très fréquentes, en particulier l’astigmatisme : on retrouve 58 %
d’hypermétropie, 38 %de myopie et 4 %d’équivalent sphérique nul et 82 %
d’astigmatisme très souvent oblique.
Enfin, une anisométropie supérieure à
2 gamma est notée dans 13 % des cas.
+ Amblyopie bilatérale avec malvoyance
:
Elle est fréquente :
– l’AV de l’oeil dominant est inférieure à 6/10e dans 94 % des cas, et à 1/10e
dans 24 % des cas ;
– l’AV de près n’est pas toujours bonne : 36 % seulement lisent P2 ;
– l’AV en position de torticolis est meilleure dans 19 % des cas seulement
avec un gain maximal de 3/10e ;
– On note une corrélation entre l’importance de l’amblyopie et l’existence
d’une étiologie organique : 86 %des cas n’atteignant pas 1/10e se rencontrent
en cas d’atteinte organique.
+ Amblyopie unilatérale
:
Elle est quasi constante : 44 %d’AVinférieure à 1/10e, aucun cas supérieur à
6/10e.
* Vision binoculaire
:
Le bilan orthoptique est fondamental car il permet de déterminer le type de
déviation strabique associée et les possibilités binoculaires sous-jacentes,
exploitables ou non.
Il y a à la fois un trouble de l’équilibre conjugué (le
nystagmus) et réciproque (le strabisme).
La qualité de la vision
stéréoscopique est souvent médiocre en raison du trouble d’acuité visuelle et
de la permanence de la déviation.
Toutefois, dans certains cas, notamment
dans les exophories décompensées, des possibilités fusionnelles peuvent être
mises en évidence avec CRN sous-jacente.
L’amplitude de fusion,
éventuellement rééducable, est dans ce cas importante à déterminer.
Elle sera
le support d’un éventuel traitement prismatique ou chirurgical.
3- Bilan oculomoteur :
* Nystagmus
:
Par définition, il n’y a pas de composante latente dans cette forme clinique :
l’occlusion monolatérale ne modifie en rien le nystagmus observé en fixation
bioculaire, ni en intensité, ni en direction des secousses.
L’analyse du
nystagmus suit donc les éléments de l’analyse du NCP pur : on analyse
cliniquement, puis à l’EOMG, le nystagmus et ses variations d’intensité en
version et en fixation de près.
* Strabisme
:
Il s’agit d’une ésotropie dans 66 % des cas et d’une exotropie dans 34 % des
cas.
La fréquence des exotropies est donc supérieure à celle observée dans les
NCML.
Il n’y a pas de corrélation entre l’intensité du nystagmus et celle de la
déviation.
Une déviation verticale est nettement moins souvent associée
qu’en cas deNCML(34 %des cas).
Tous les types de strabismes peuvent être
rencontrés, accommodatifs, phories-tropies décompensées, strabismes
secondaires.
Il est important de les identifier et de traiter un éventuel facteur
déclenchant.
+ Torticolis
:
Il n’est jamais dissocié : l’occlusion monolatérale n’en modifie pas le sens.
+ Torticolis unidirectionnel (64 % des cas)
:
Purement horizontal le plus souvent (70 %), il peut être oblique (23 %) ou
vertical (7 %).
C’est un torticolis d’adduction de l’oeil dominant dans 59 %
des cas (67 % cas d’ésotropie, 25 % en cas d’exotropie).
Il se distingue d’un
syndrome classique de Kestenbaum-Anderson par la présence d’un strabisme
associé.
+ Torticolis bidirectionnel (4 % des cas)
:
Il change spontanément de sens : tantôt vers la droite, tantôt vers la gauche,
correspondant à deux zones de blocage que le sujet peut utiliser
alternativement.
Néanmoins, il existe le plus souvent une position
préférentielle.
L’occlusion monolatérale n’a aucune influence sur cette
double position : c’est un « torticolis alternant non dissocié », de traitement
difficile.
Absence de torticolis (32 % des cas)
4- Électro-oculomotilogramme :
L’analyse et les constatations sont similaires à celles retrouvées lors de
l’enregistrement d’un NCP pur.
En position primaire, l’enregistrement en fixation bioculaire est identique à
ceux en fixations monoculaires droite et gauche : il n’y a pas de composante
latente.
La morphologie des secousses est variable, pendulaire, penduloressort ou à ressort.
En fixation de près, on observe parfois un blocage ou une minoration
importante du nystagmus (22 %).
Ce blocage est important à rechercher,
notamment en cas d’exotropie.
En versions statiques et cinétiques, le nystagmus devient à ressort.
L’EOMG
retrouve les mêmes cas de figure que pour le NCP pur.
Son apport peut être
primordial quand il existe une dysmétrie couplée saccade-poursuite mettant
en évidence une zone de blocage cliniquement non identifiable.
5- Formes cliniques particulières
:
* Association d’un microstrabisme et d’un NCP
:
Ces formes simulent un NCP pur mais doivent bien être différenciées.
Il
n’existe pas de fusion sous-jacente, tout au plus une « union binoculaire », ce
qui a des conséquences thérapeutiques importantes.
Tout le problème est de
les individualiser dans un tableau où le nystagmus est le plus apparent et l’état
binoculaire parfois délicat à préciser.
C’est souvent sur l’état des tests
stéréoscopiques et sur la qualité de l’amplitude de fusion que l’on pourra
juger.
Les tests d’adaptation prismatique ont ici une grande valeur,
démasquant la mauvaise de fusion sous-jacente.
* Nystagmus « pseudolatent »
:
L’association d’une exophorie et d’un NCP bloquant en convergence réalise
le tableau de « nystagmus pseudolatent », bien analysé par Spielmann.
Il s’agit d’une exophorie plus ou moins bien compensée par la convergence
fusionnelle associée à un NCP présentant un blocage en convergence.
La
position de blocage est donc la position de fixation.
À l’examen, il n’existe pas de nystagmus en fixation bioculaire, avec
orthotropie et bonne amplitude de fusion.
En revanche, le test de l’écran laisse
apparaître le nystagmus en même temps qu’il décompense l’exophorie.
Ce
nystagmus n’apparaissant qu’à l’occlusion ne doit pas être confondu avec un
nystagmus manifeste latent.
Il a toutes les caractéristiques cliniques et
enregistrables des NCP.
Il est simplement maintenu en blocage par la
convergence fusionnelle nécessaire pour compenser l’exophorie.
Cette
situation est la même que celle idéalement recherchée dans les NCP avec
blocage en convergence chez qui a été réalisée une intervention de mise en
divergence artificielle. Son traitement doit être très prudent.
6- Bilan étiologique
:
Les étiologies organiques sont très fréquentes (60 % des cas).
Les cinq
premières étiologies représentent 85 % du total : albinisme (27 %), infirmité
motrice cérébrale (21 %), atrophie optique (16 %), myopie maligne (11 %) et
cataracte (11 %). Un facteur héréditaire est présent dans 32 % des cas.