Syndrome névrotique : névrose phobique Cours de psychiatrie
Diagnostic
:
A - Sémiologie :
1- Phobies :
Ce sont des peurs irrationnelles concernant un objet ou une
situation spécifique en présence desquelles le sujet présente
une anxiété intense :
malaise psychologique avec manifestations neurovégétatives (nausées, tachycardie, sueurs)
pouvant aller jusqu’à la crise de panique. Le malade a
conscience du caractère absurde de ces craintes, mais ne
peut pas les contrôler.
Il existe souvent une anticipation
anxieuse de la situation phobogène.
L’objet ou la situation phobogène permet de distinguer 3
formes cliniques : les phobies simples ; les phobies
sociales ; l’agoraphobie
sur lesquelles nous reviendrons et qui se distinguent sur le
plan épidémiologique, évolutif et thérapeutique.
2- Conduites contre-phobiques
:
• L’évitement de l’objet ou de la situation phobogène est
une stratégie comportementale utilisée par le malade pour
ne pas être confronté à sa phobie.
L’intensité de ces
conduites d’évitement conditionne en grande partie le
retentissement social du trouble phobique.
• Les conduites de réassurance représentent une autre stratégie
comportementale que certains malades utilisent pour
affronter la situation phobogène grâce à la compagnie d’un
tiers dont la présence est rassurante.
L’intensité de ces comportements
conditionne le retentissement familial et relationnel.
Ces stratégies permettent au sujet phobique de lutter plus
ou moins efficacement contre l’anxiété anticipatoire.
Elles
sont globales ou partielles mais tendent à s’aggraver progressivement
entraînant une gêne à la vie sociale du patient.
B - Formes cliniques
:
1- Phobies simples ou spécifiques
:
Elles sont caractérisées par la peur d’un objet ou d’une
situation n’ayant aucun caractère menaçant.
Il peut s’agir de : phobie d’animal ; phobie concernant les
phénomènes naturels (orage, eau…) ; phobies situationnelles
(transport public, avion, ascenseur) ; phobie du sang.
D’apparition précoce, dès l’enfance, ces phobies sont souvent
découvertes tardivement.
Elles peuvent être associées
à des troubles paniques.
Les phobies du sang s’accompagnent de troubles vagaux
(pâleur, bradycardie) pouvant aller jusqu’à la syncope
lorsque le sujet est confronté à la situation phobique.
Elles
ont souvent un caractère familial.
Généralement, les comportements d’évitement et de réassurance
permettent au sujet de ne pas être trop gêné dans
sa vie quotidienne pendant longtemps.
2- Agoraphobie
:
Elle est plus fréquente chez la femme, et débute entre 18
et 35 ans.
L’anxiété se manifeste lorsque le malade se
retrouve dans des endroits où il pourrait être difficile de
s’échapper (foule, lieux publics, autobus, pont…), toute
situation où l’on se retrouve seul hors de son domicile.
L’anxiété anticipatoire est toujours marquée.
Les conduites
d’évitement amènent une réduction progressive des sorties
et la nécessité d’être toujours accompagné(e) par un tiers.
Dans les formes les plus graves, elles peuvent aboutir à un
confinement à domicile.
L’association à des crises de
panique survenant sans raison doit toujours être recherchée
car elle a des implications thérapeutiques.
L’évolution se fait vers l’aggravation progressive des
conduites d’évitement.
Elle est souvent émaillée de syndrome
dépressif. Près de 50 % des sujets agoraphobes ont
en effet un syndrome dépressif caractérisé.
L’alcoolisme, les conduites d’alcoolisation, les toxicomanies
médicamenteuses, sont aussi des complications fréquentes.
3- Phobies sociales
:
Elles ont un début plus précoce que l’agoraphobie.
Elles
apparaissent en effet à l’adolescence ou chez le jeune adulte
(15 à 20 ans). Le trouble prédomine chez l’homme.
Sur le
plan clinique, les phobies sociales peuvent être partielles,
liées à des situations particulières : peur de prendre la parole
en public ; peur de manger en public ; peur d’écrire en
public ; ou être généralisées : peur du regard des autres.
Une anxiété anticipatoire complète le tableau clinique.
Les conduites d’évitement des situations phobogènes
entraînent une restriction progressive de la vie sociale, et
dans les formes graves peuvent aboutir à un retrait massif
avec isolement social.
Ces phobies sociales s’accompagnent de dystorsions cognitives
caractéristiques : perte de l’estime de soi, crainte d’être
critiqué, jugé.
Diagnostic différentiel
:
1- Phobies simples
:
Elles doivent être distinguées des peurs face à des objets
ou situations potentiellement dangereux qui ne s’accompagnent
pas d’anxiété anticipatoire.
Certains symptômes obsessionnels comme les phobies
d’impulsion se rapprochent des symptômes phobiques mais
elles se différencient par leur circonstance d’apparition
(elles ne sont pas liées à la présence de l’objet phobogène),
et leur caractère souvent ritualisé.
2- Agoraphobie
:
Elle est parfois difficile à distinguer des crises de panique et
ce d’autant plus que les deux tableaux sont souvent associés.
L’anxiété généralisée est un autre diagnostic différentiel
souvent difficile ; elle n’est pas liée à des situations précises,
elle est diffuse.
La présence d’un tiers, le fait de ne
pas avoir à sortir de chez eux, ne rassurent aucunement les
patients atteints d’anxiété généralisée contrairement aux
agoraphobes.
Devant la restriction des activités, les conduites de retrait,
le diagnostic de dépression peut être discuté, d’autant plus
que l’association des deux tableaux cliniques est fréquente.
En faveur d’une dépression, on doit rechercher : des
troubles du sommeil ; des troubles de l’appétit ; des insomnies
avec réveil précoce ; la perte des intérêts, le désinvestissement
affectif.
3- Phobies sociales
:
Elles doivent être distinguées des syndromes dépressifs
souvent surajoutés.
Les signes somatiques de dépression,
la perte des intérêts, sont là encore les éléments cliniques
du diagnostic différentiel.
Un diagnostic différentiel difficile
est représenté par les personnalités évitantes d’autant
plus que les sujets phobiques sociaux ont souvent des traits
de personnalité de ce type.
L’anxiété de performance doit
enfin être différenciée des phobies sociales.
Contrairement
à celles-ci, l’anxiété de performance a tendance à s’atténuer
et disparaître lors de la confrontation à la situation.
Plus rarement, on peut être amené à discuter devant l’intensité
des conduites de retrait, un refus de contact d’un
syndrome autistique.
Traitements
:
1- Cadre thérapeutique
:
Le traitement des troubles phobiques se fait le plus souvent
en ambulatoire, par un spécialiste en psychiatrie.
L’hospitalisation est rarement indiquée, à l’occasion d’un
épisode dépressif, ou pour débuter le traitement dans certaines
formes sévères d’agoraphobie ou de phobie sociale.
2- Principes du traitement
:
Le traitement des troubles phobiques associe d’une part,
des traitements médicamenteux, d’autre part, une psychothérapie
: de type cognitivo-comportementale le plus souvent,
et (ou) d’inspiration analytique.
3- Thérapeutiques médicamenteuses
:
• Les benzodiazépines : malgré leur efficacité anxiolytique,
elles ne sont pas souvent indiquées dans les troubles phobiques
en raison des risques de consommation toxicomaniaque dans cette population.
Leur indication reste donc
limitée à l’existence de troubles associés : panique ou
anxiété généralisée, pour des durées les plus courtes possibles,
à dose minimale.
L’alprozolam (Xanax) est la molécule
dont l’efficacité est démontrée en cas de panique associée.
• Antidépresseurs :
– les antidépresseurs tricycliques : imipramine (Tofranil),
clomipramine (Anafranil) sont efficaces dans l’agoraphobie
surtout avec crises de panique, et dans les phobies
sociales ;
– les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine ont fait la
preuve de leur efficacité dans ces mêmes indications. Les
phobies sociales enfin semblent répondre particulièrement
aux IMAO – A et B.
La moclamine est la molécule la plus
utilisée.
• Les b-bloquants semblent surtout efficaces dans les phobies
sociales partielles alors qu’ils n’ont aucun effet sur les
phobies sociales généralisées.
4- Psychothérapies
:
Les psychothérapies cognitivo-comportementales sont particulièrement
efficaces dans les troubles phobiques.
Les techniques d’exposition progressive à la situation phobogène
sont les méthodes de choix dans les phobies simples
et les agoraphobies.
Elles peuvent être associées à des restructurations cognitives
qui ont pour but de corriger les systèmes de pensées
erronées qui sous-tendent les phobies.
Les techniques d’affirmation de soi et d’amélioration des
compétences sociales sont indiquées dans les phobies
sociales où elles peuvent être associées à une thérapie
cognitive centrée sur les dystorsions cognitives qui font
partie du tableau clinique.
Les psychothérapies d’inspiration analytique sont réservées
aux patients ayant une bonne compréhension de leur
état de santé.