Neutropénies constitutionnelles et acquises de l'enfant Cours
d'hématologie
Rappel physiologique : le polynucléaire
granuleux neutrophile
Les polynucléaires granuleux neutrophiles sont des cellules du sang à noyaux
polylobés dont le cytoplasme comporte de nombreuses granulations
neutrophiles marron ou beiges après coloration au May-Grünwald-Giemsa.
Ils constituent environ 60 à 70 % des globules blancs.
Ils se forment dans la
moelle osseuse hématopoïétique à partir d’une cellule souche totipotente.
Lors du processus de maturation, différentes étapes sont distinguées en
fonction de caractéristiques morphologiques, biochimiques et des marqueurs
de surface.
La morphologie des cellules différencie les stades suivants :
myéloblaste, promyélocyte, myélocyte, métamyélocyte et granulocyte
mature.
Le métamyélocyte correspond à un polynucléaire non segmenté ou band cell pour les Anglo-Saxons.
La maturation normale se déroule sur une
durée de 7 jours.
Des multiplications cellulaires, quatre à cinq mitoses, sont
observées pendant ce processus maturatif, jusqu’au stade de myélocyte.
La population des polynucléaires neutrophiles matures n’est pas homogène
et plusieurs sous-types différents peuvent être distingués par leur équipement
biochimique et certaines molécules de surface.
Le processus de multiplication/maturation cellulaire est sous la dépendance
de très nombreux facteurs cellulaires ou circulants.
Cependant, une cytokine,
le G-CSF, apparaît jouer un rôle primordial à la fois sur la biologie des cellules
les plus immatures, mais aussi sur les dernières étapes de maturation.
Cette
cytokine, glycoprotéine dont le gène est situé sur le chromosome 17, est
produite par de très nombreuses cellules de l’organisme, en particulier les
fibroblastes, les cellules mononucléées, les cellules endothéliales.
Cette
cytokine agit après une fixation au récepteur du G-CSF (rG-CSF), dont le
gène est situé sur le chromosome 1.
Ce récepteur est de la même famille
que les récepteurs à l’interleukine 4 (IL4), l’IL7 et à l’érythropoïétine (EPO).
L’expression du récepteur est plus marquée pour les stades les plus matures
de la lignée granulocytaire, mais sa présence est affirmée dès les stades les
plus immatures.
Le rG-CSF se présente sous forme d’hétérodimère.
La partie
extracellulaire comporte le domaine de fixation au ligand tandis qu’on
distingue trois domaines dans la partie intracellulaire, dénommés boîtes 1, 2
et 3.
Les boîtes 1 et 2 seraient responsables de la transduction des signaux de
multiplication, tandis que le domaine 3 est responsable des signaux de
maturation et de suppression du signal de prolifération.
Après fixation sur la
région extracellulaire du récepteur, une série de signaux intracellulaires sont
émis, à travers deux voies : la voie STAT/JAK (signal transductor and
activator of transcription/Janus kinase) et la voie RAS, selon les différents
stades de maturation.
À des stades plus précoces de maturation, plusieurs
autres cytokines (le granular macrophage-colony stimulating factor [GMCSF],
le stem cell factor...) interviennent.
Les polynucléaires produits par la moelle transitent par le sang périphérique
et se répartissent ensuite entre le sang périphérique et l’endothélium des
parois des veinules postcapillaires constituant le compartiment marginal.
Très
peu de polynucléaires migrent dans le compartiment tissulaire.
Ainsi, en cas
de besoin, stress, infection, seuls deux compartiments peuvent être mobilisés : le compartiment marginal et le compartiment de réserve médullaire,
correspondant aux polynucléaires sur le point de transiter depuis la moelle
jusqu’au sang périphérique.
On peut considérer plusieurs fonctions pour les polynucléaires neutrophiles :
le déplacement (à travers un endothélium ou sur une surface), l’adhérence aux
cellules endothéliales, la phagocytose et la bactéricidie.
On distingue la bactéricidie oxygénodépendante, réponse oxydative avec production de O2
-,
OH-, H2O2, et activité myéloperoxydase, et la bactéricidie oxygénoindépendante,
avec en particulier l’activité du lysozyme.
Définition de la neutropénie :
La neutropénie se définit par une diminution du nombre absolu de
polynucléaires neutrophiles dans le sang circulant.
L’examen hématologique
de référence reste la formule sanguine au microscope, qui devra confirmer la
découverte par un automate de numération d’une telle anomalie et surtout
préciser la morphologie des cellules.
Il existe une neutropénie en dessous de
1 500/mm3 de polynucléaires chez l’enfant de plus de 1 an, au-dessous de
1 000/mm3 chez l’enfant de 2 à 12 mois.
Lors des 2 premiers mois de vie le nombre de polynucléaires est augmenté.
Il
existe une élévation dans les 72 premières heures, puis une diminution
progressive jusqu’à l’âge de 2 mois.
À la naissance à terme, le chiffre moyen
enregistré varie selon les auteurs de 15 000/mm3 à 12 000/mm3.
Il augmente
en cas de durée de travail supérieure à 12 heures, s’abaisse en cas de
prématurité inférieure à 32 semaines d’aménorrhée (moyenne de 6 000/mm3).
Chez le nouveau-né, des cellules immatures, précurseurs myéloïdes ou érythroïdes, sont présentes en nombre important.
Ces cellules peuvent être
comptées par les automates avec les leucocytes.
Il importe de les distinguer
dans l’analyse de la situation hématologique d’un nouveau-né.
Chez le sujet de race noire, à l’état physiologique, le chiffre de polynucléaires
neutrophiles circulants peut être inférieur de 200 à 600/mm3 du fait d’un
nombre plus réduit de polynucléaires présents dans le compartiment de
stockage médullaire et par excès de margination.
Symptomatologie liée
à une neutropénie chronique :
La neutropénie d’origine centrale expose au risque d’infection bactérienne et mycotique.
Ce risque se rencontre nettement moins dans les neutropénies de
mécanisme périphérique.
Le risque est faible au-dessus de 1 000/mm3, il
augmente modérément entre 1 000 et 200/mm3, et devient très important audessous
de 200/mm3.
Le risque d’infection varie également en fonction de la
durée de la neutropénie et après plusieurs semaines apparaît le risque
d’infection mycotique.
Toutes ces données, obtenues il y a plusieurs
décennies chez le patient leucémique, ou récemment chez des sujets en
cours de transplantation médullaire, ne sont que partiellement
extrapolables aux neutropénies de l’enfant.
Une telle gravité correspond
cependant à l’histoire naturelle de certaines neutropénies constitutionnelles
d’origine centrale, en particulier celle décrite par Kostmann.
Mais cette
gravité n’est pas retrouvée par d’autres auteurs.
Le rôle compensateur des
monocytes a été invoqué pour expliquer la bonne tolérance clinique de
certaines neutropénies constitutionnelles profondes.
Cette idée est appuyée
aussi par la constatation d’un effet protecteur de l’élévation de la monocytose
lors des neutropénies postchimiothérapie.
La localisation des infections
est très variable.
Les sites les plus fréquents sont cutanéomuqueux, ORL et
pulmonaires.
Les manifestations stomatologiques, quasi constantes après
l’âge de 2 ans en cas de neutropénie centrale profonde, sont marquées par une
gingivite érosive, hémorragique et douloureuse associée à des papules (le
« furoncle » de la bouche qui ressemble à un aphte) de la langue et des faces
muqueuses.
Il existe plus rarement des lésions diffuses sur le tube
digestif, entraînant douleurs abdominales et diarrhée.
Ces lésions peuvent
ressembler radiologiquement à une maladie de Crohn ou être en rapport
avec une entérite bactérienne.
Il faut rappeler que, en cas de neutropénie
profonde, la symptomatologie de l’infection est modifiée, avec une
diminution des signes locaux d’inflammation, une absence de pus et une
évolution nécrosante.
Un aspect particulier constitue l’ecthyma gangrenosum : ulcères infectieux, notamment de la région périanale.
Les
germes rencontrés sont le plus souvent des bactéries (Staphylococcus aureus
et epidermidis, streptocoque, entérocoque, pneumocoque, Pseudomonas
aeruginosa, bacilles à Gram négatif) et des champignons, en particulier les
Candida et l’Aspergillus.
Évaluation d’une neutropénie :
La découverte d’une neutropénie est une circonstance relativement fréquente.
Souvent, cette neutropénie est à la fois bien tolérée et rapidement régressive,
et ne nécessite pas d’exploration complémentaire spécialisée.
Parfois, elle
apparaît comme un élément secondaire au sein d’un tableau beaucoup plus
étendu et sa découverte fait redouter des complications infectieuses.
Plus
rarement, la neutropénie persiste et/ou apparaît seule comme responsable de
la symptomatologie de l’enfant.
Elle nécessite alors une évaluation précise et
des mesures thérapeutiques adaptées.
L’interrogatoire, l’examen clinique peuvent rapidement orienter sur une
étiologie particulière, comme une infection virale intercurrente, une
hémopathie maligne, une cause iatrogène, un déficit immunitaire, qui seront
confirmés par des examens adaptés.
En dehors d’un contexte d’urgence, il est souhaitable de déterminer le
caractère permanent, intermittent, voire régressif de la neutropénie sur une
période d’observation de quelques semaines.
On prendra soin de noter durant
cette période le nombre d’infections, l’évolution de l’atteinte buccale,
éléments importants pour poser une indication thérapeutique.
Le myélogramme est souvent nécessaire.
Il permet d’éliminer une
hémopathie maligne, de séparer les moelles riches, normales ou présentant
un blocage tardif de maturation, des moelles hypoplasiques ou présentant un
blocage précoce de maturation.
L’existence d’une hémophagocytose
spécifique des polynucléaires est un signe positif en faveur d’une neutropénie
auto-immune du petit enfant.
Les tests de stimulation au
glucagon, ou l’étude de la démargination des polynucléaires, sont aujourd’hui
peu utilisés, car contraignants, et n’apportant que peu d’information pratique.
La recherche d’autoanticorps antigranuleux est indispensable, de même
qu’un caryotype médullaire.
Classifications et étiologies des neutropénies :
Il existe plusieurs classifications.
En fonction des données cliniques, on
envisage :
– les neutropénies acquises ;
– les neutropénies constitutionnelles liées à une pathologie génétique
complexe ;
– les neutropénies constitutionnelles primitives.
Un paragraphe séparé sera consacré aux neutropénies néonatales.
A - Neutropénies acquises :
Elles sont reconnues par l’interrogatoire, l’examen clinique et éventuellement
des examens paracliniques accessibles facilement.
1- Neutropénie médicamenteuse
:
Deux mécanismes principaux sont en cause : un mécanisme toxique et un
mécanisme immunologique.
Le mécanisme toxique concerne presque tous les cytostatiques, à l’exception
de l’asparaginase et de la bléomycine, mais aussi d’autres médicaments.
On
peut citer la quinine, la zidovudine, la pyriméthamine, le ganciclovir, la Dpénicillamine,
les pénicillines semi-synthétiques à fortes doses, le
chloramphénicol, la chlorpromazine...
La toxicité est dose dépendante, avec
des variations individuelles importantes, et intéresse le plus souvent plusieurs
lignées sanguines. Chaque médicament a son propre mécanisme de toxicité.
Le mécanisme immunologique repose sur une réponse humorale et cellulaire
induite par le médicament, pouvant être responsable d’une inhibition de la granulopoïèse ou d’une destruction des polynucléaires.
Classiquement, le tableau diffère selon le mécanisme.
En cas d’atteinte
immunologique, le début est brutal.
Le myélogramme peut montrer soit une
hypoplasie globale de toute la lignée granuleuse, soit un blocage plus tardif
au stade du promyélocyte.
L’évolution hématologique est fonction de la
profondeur du blocage de la granulopoïèse et dure de 7 à 14 jours.
En cas
d’atteinte toxique, la neutropénie peut s’installer plus progressivement.
Le
myélogramme montre alors une hypoplasie médullaire globale, avec une
disparition des précurseurs granuleux.
À l’arrêt du médicament, la
récupération se fait en 2 semaines environ, parfois plus, en particulier avec le
chloramphénicol.
La mise en cause d’un médicament repose avant tout sur une analyse critique
des événements et sur les données de la pharmacovigilance.
Elle peut s’aider
de tests biologiques de pratique exceptionnelle comme une culture de moelle,
un test de transformation lymphoblastique en présence du médicament.
Si une
neutropénie de mécanisme immunologique est suspectée, il importe de
prévenir une récidive en évitant toute réintroduction du médicament
responsable.
En cas de mécanisme toxique, on peut discuter la diminution des
posologies ou, lorsqu’il se justifie, l’usage de facteurs de croissance
hématopoïétiques, par exemple après une chimiothérapie cytostatique.
2- Neutropénie toxique non médicamenteuse
:
L’effet cytostatique des radiations ionisantes et du benzène est bien connu.
3- Neutropénie et infections :
De nombreuses infections peuvent se compliquer de neutropénie,
selon un mécanisme central et/ou périphérique.
En pratique courante,
plusieurs tableaux bien différents sont notés :
– neutropénie au cours d’une infection virale aiguë : il s’agit d’une
découverte fortuite sans conséquence clinique, elle est le plus souvent de
courte durée ;
– neutropénie au cours d’un choc septique : il s’agit d’un élément de gravité,
contingent d’un tableau de défaillance multiviscérale ;
– neutropénie au cours d’un fièvre prolongée : elle fait discuter les
diagnostics de brucellose, de tuberculose, de typhoïde, de leishmaniose, voire
de paludisme viscéral évolutif.
Nous insisterons sur les problèmes particuliers que pose la découverte d’une
neutropénie lors de l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH).
Cette association est en effet fréquente.
La neutropénie aggrave
manifestement le risque infectieux de ces sujets.
L’étiologie de la neutropénie
est rarement unique, associant diversement l’effet des infections
opportunistes (Cytomégalovirus [CMV], Parvovirus, mycobactéries,
leishmaniose...), des carences nutritionnelles, une auto-immunité, la toxicité
des traitements (cotrimoxazole, ganciclovir, zidovudine...), et l’effet propre
du VIH sur la granulopoïèse.
La prise en charge thérapeutique consiste à
limiter les facteurs favorisants s’ils sont identifiés, et peut s’aider d’un usage
prudent des facteurs de croissance hématopoïétiques.
4- Hémopathies acquises et neutropénies :
5- Endocrinopathies :
L’hyperthyroïdie et l’hypothyroïdie, l’insuffisance surrénalienne, le
panhypopituitarisme peuvent se compliquer d’une neutropénie, dont la
correction est obtenue lors du traitement spécifique.
6- Carences nutritionnelles :
Les carences vitaminiques en vitamine B12 ou en folates se compliquent de
neutropénie.
Les états marastiques, l’anorexie mentale comportent
également une neutropénie qui participe à leur susceptibilité aux infections.
Enfin, la carence en cuivre au cours d’une nutrition parentérale prolongée,
ou de diarrhée chronique, est une cause de neutropénie.
7-
Neutropénie auto-immune :
* Neutropénie auto-immune primitive
:
Il s’agit de la plus fréquente cause de neutropénie chronique de l’enfant, plus
connue sous le nom de neutropénie chronique bénigne.
Isolée, elle est le plus
souvent découverte au cours d’un épisode infectieux de gravité modérée.
Il
s’agit en général d’un petit enfant (âge de découverte moyen : 8 mois ;
extrêmes : 3-30 mois).
Une monocytose, une éosinophilie, une
splénomégalie de taille modérée peuvent être retrouvées.
Cette neutropénie
est permanente, parfois très profonde, mais sa tolérance est le plus souvent
bonne.
Dans une série de 240 cas, il a été recensé 8 septicémies (soit 3 %) et
un seul décès, consécutif à des infections pulmonaires répétées.
Le
myélogramme montre une hyperplasie de la lignée granuleuse avec parfois
un blocage tardif.
Récemment, la présence d’une macrophagie des
polynucléaires intramédullaires a été décrite et constitue un élément positif
en faveur de ce diagnostic.
La détection des anticorps antipolynucléaires nécessite des examens répétés (environ 75 %des cas sont
détectés lors d’un premier examen).
Plusieurs techniques sont utilisables
(détection de l’anticorps circulant ou des anticorps adhérant aux
polynucléaires).
Plusieurs spécificités sont retrouvées : anti-NA1, anti-NA2,
anti-NB1 et anti-5b, mais la plus fréquente est anti-NA1.
La régression de la
neutropénie est observée spontanément dans un délai de 12 à 24 mois,
exceptionnellement 36 mois.
La neutropénie est le plus souvent isolée,
rarement associée à d’autres pathologies auto-immunes ou à un déficit
immunitaire.
Elle peut être liée à une infection par le Parvovirus et dans ce
cas la spécificité est anti-NA1.
Une infection àCMVest parfois retrouvée.
Les traitements envisageables sont inconstamment actifs (immunoglobulines
[Ig]) ou peuvent aggraver le risque infectieux (corticoïdes).
La bonne
tolérance de cette neutropénie ne les impose pas et il est possible dans de tels
cas de se limiter à une antibiothérapie prophylactique par cotrimoxazole.
Le G-CSF est efficace, dans un bref délai (< 48 heures).
La gravité clinique peut
exceptionnellement autoriser son utilisation, dans l’objectif de compléter le
traitement d’un épisode infectieux aigu.
La forme de l’adulte diffère de
celle de l’enfant par une possible plus grande sévérité.
L’aspect cytologique
montre parfois un blocage précoce de la maturation de la lignée granuleuse.
Le G-CSF est parfois inefficace et différents traitements immunosuppresseurs
peuvent être bénéfiques.
* Neutropénies auto-immunes secondaires :
Chez l’enfant, à l’inverse de l’adulte, elles sont rares.
Les étiologies sont
nombreuses et concernent en priorité les déficits immunitaires.
La
neutropénie est en général au deuxième plan de la symptomatologie, comme
dans le lupus érythémateux aigu disséminé ou le syndrome d’Evans.
8- Neutropénie idiopathique :
Ce diagnostic est en général posé à l’âge adulte.
Il s’agit d’une neutropénie
profonde, chronique et acquise.
Le bilan étiologique en est négatif.
La
présence d’autoanticorps antipolynucléaires doit être éliminée en répétant à
plusieurs semaines d’intervalle cet examen.
L’association avec un thymome,
bien que rare, doit être recherchée.
Il semble qu’un certain nombre de ces
neutropénies soient associées à une restriction de la clonalité lymphocytaire
T, les rapprochant des neutropénies de l’hyperlymphocytose à grands
lymphocytes granuleux.
B - Neutropénies associées à une maladie
génétique complexe :
1- Neutropénies et déficits immunitaires :
L’atteinte de la lignée granuleuse au cours d’un déficit immunitaire est une
découverte fréquente.
Ces associations morbides, souvent mises sur le compte
d’une infection virale associée ou d’une auto-immunité, soulèvent néanmoins
des questions physiopathologiques non résolues.
Les progrès dans la
compréhension des déficits immunitaires devraient éclairer la compréhension
de la granulopoïèse.
* Déficits de l’immunité cellulaire
:
Les déficits immunitaires combinés sévères, s’exprimant par des
manifestations infectieuses dès les premiers mois de vie, peuvent comporter
une neutropénie.
L’atteinte profonde et simultanée de la lignée granuleuse et de la lignée
lymphocytaire définit la rarissime dysgénésie réticulaire.
Le déficit
lymphocytaire T (dans le cadre d’une alymphocytose liée à un déficit des
protéines responsables du réarrangement ou d’un déficit spécifique en cellules
T en rapport avec un déficit de la chaîne delta du récepteur de l’IL2) comporte
fréquemment une neutropénie, parfois très profonde.
Des déficits immunitaires moins précocement sévères, comme la maladie de Wiskott-Aldrich, le défaut d’expression des molécules human leukocyte
antigen (HLA) de classe II, l’ataxie-télangiectasie, peuvent aussi
comporter une neutropénie.
* Déficits immunitaires humoraux
:
L’agammaglobulinémie de Bruton, dans 10 %des cas, le déficit en ligand du
CD40 (déficit immunitaire avec hyper-IgM), dans 50 % des cas, les
hypogammaglobulinémies variables, les hypogammaglobulinémies
inclassables, se compliquent de neutropénie.
* Maladie de Chediak-Higashi :
Elle est caractérisée par un albinisme oculocutané partiel, la présence de
granules géants dans tous les polynucléaires et dans la plupart des cellules
sanguines, un déficit de la bactéricidie et de la fonction NK (natural killer).
Une neutropénie, par destruction intramédullaire, est retrouvée précocement
chez ces enfants, avant que ne se manifeste un syndrome d’activation
macrophagique.
* Maladie de Griscelli :
Le tableau clinique associe de nombreux éléments de la maladie de Chediak-Higashi (en particulier l’albinisme, le déficit immunitaire, la possibilité
d’activation macrophagique).
Elle en diffère par l’absence de granulations
géantes dans les cellules sanguines, l’aspect des cheveux au microscope
optique.
Une neutropénie peut être présente, soit isolément, soit au cours d’un
syndrome d’activation macrophagique.
Ce déficit immunitaire complexe est
lié à une anomalie de la myosine, protéine impliquée dans le cytosquelette.
* Lymphohistiocytose familiale
:
Ce syndrome héréditaire, défini par l’apparition précoce d’un tableau
d’activation macrophagique, comporte dans sa définition une neutropénie.
* Cartilage-hair hypoplasia :
Ce syndrome associe un nanisme, une chondrodysplasie métaphysaire, des
cheveux clairsemés, parfois un déficit immunitaire et une neutropénie.
2- Neutropénies et hémopathies constitutionnelles :
* Anémies hémolytiques constitutionnelles :
Il existe plutôt une hyperleucocytose mais une neutropénie par
hypersplénisme est possible.
Le déficit en hexokinase comporte une
neutropénie dans le cadre d’une pancytopénie.
* Anémie de Blackfan-Diamond :
Après plusieurs années d’évolution, une neutropénie peut être rencontrée au
cours d’une anémie de Blackfan-Diamond.
* Maladie de Fanconi, dyskératose congénitale
:
La neutropénie fait partie intégrante de la description hématologique de ces
aplasies médullaires constitutionnelles, qui associent des syndromes
malformatifs complexes.
La neutropénie est ici rarement inaugurale.
* Maladie de Shwachman :
Décrite par Shwachman et Diamond en 1964, elle associe une atteinte
hématologique et un syndrome malformatif dont l’élément le plus constant
est une lipomatose du pancréas responsable d’une insuffisance pancréatique
externe, possédant une image caractéristique en résonance magnétique
(IRM).
Sont également présents une atteinte cutanée (ichtyose), des
atteintes osseuses avec une dysostose métaphysaire, un thorax en « carène »
et un retard psychomoteur.
Il existe une neutropénie avec une baisse du
chimiotactisme, une thrombopénie peu sévère, une anémie modérée, avec
élévation de l’hémoglobine foetale.
L’atteinte hématologique, d’origine
centrale, s’aggrave avec le temps et évolue dans un quart des cas vers une
aplasie.
Malgré certaines similitudes avec le syndrome de Pearson, la maladie
de Shwachman, n’est pas expliquée par une atteinte de l’acide
désoxyribonucléique (ADN) mitochondrial.
Les patients porteurs de ce
syndrome sont exposés à un risque important de leucémie secondaire.
* Monosomie 7 constitutionnelle
:
Une monosomie 7 constitutionnelle a été retrouvée dans plusieurs
observations de neutropénie, soit sporadique, soit familiale.
L’évolution se
fait en règle vers une transformation maligne secondaire.
3- Maladies métaboliques :
* Neutropénie associée à la glycogénose Ib :
Caractérisée par un déficit en translocase, protéine responsable du transport
du glucose-6-phosphate depuis le cytoplasme vers l’intérieur du réticulum
endoplasmique, où la glucose-6-phosphatase est localisée, la glycogénose
type Ib associe aux troubles métaboliques communs à toutes les glycogénoses
de type I (accumulation hépatique de glycogène, intolérance au jeûne,
accidents hypoglycémiques, hyperlactacidémie) une susceptibilité aux
infections et une colite ressemblant cliniquement et radiologiquement à la
maladie de Crohn.
Cette susceptibilité aux infections est secondaire à la neutropénie et parfois à
des troubles des fonctions du polynucléaire (chimiotactisme essentiellement).
Le myélogramme de ces enfants montre une hyperplasie de la lignée
granuleuse sans blocage de maturation.
L’origine de la neutropénie, et des
troubles fonctionnels du polynucléaire, n’est pas connue.
Elle n’est pas en
rapport avec l’état nutritionnel de ces patients et n’est pas corrigée par la
transplantation hépatique.
Cette constatation et l’absence de rôle connu de
la translocase dans le métabolisme énergétique du polynucléaire posent la
question d’une seconde anomalie génétique dont le polynucléaire serait le site
d’expression.
* Aminoacidopathies :
Une neutropénie, au deuxième plan dans le tableau clinique, est rencontrée
au cours de différentes aminoacidopathies.
Il s’agit de l’hyperglycinémie, de
l’acidémie isovalérique, propionique, méthylmalonique.
La neutropénie,
chronique et fluctuante, fait partie du tableau de l’intolérance aux protéines
dibasiques ou intolérance aux protéines avec lysinurie.
Elle s’associe alors
avec d’autres éléments du syndrome d’activation du macrophage.
* Mitochondriopathies :
Le syndrome de Pearson associe une insuffisance pancréatique externe et une
pancytopénie.
Ce syndrome est lié à une délétion de l’ADN mitochondrial.
Dans d’autres observations, la neutropénie peut exister comme manifestation
hématologique première ou principale.
Le diagnostic de mitochondriopathie
peut être suggéré, comme dans la maladie de Pearson, soit par des anomalies
cytologiques spécifiques, soit par l’existence d’une atteinte « illégitime » de
plusieurs organes, soit par la présence d’une acidose inexpliquée.
4- Syndromes malformatifs
:
* Maladie de Barth :
Ce syndrome lié à l’X, dont la localisation chromosomique est en Xq28,
associe une cardiomyopathie avec fibrose endomyocardique, une myopathie
et une neutropénie modérée ou profonde, responsable d’infections parfois
sévères.
Il n’existe pas d’anomalie mitochondriale connue.
* Syndrome de Cohen :
Ce syndrome autosomique récessif associe un retard mental et un syndrome dysmorphique avec microcéphalie, anomalies faciales, myopie, dystrophie
choriorétinienne.
La neutropénie est présente dans la plupart des cas décrits.
Elle est responsable d’infections chroniques.
Le myélogramme montre une
moelle riche, sans blocage de maturation.
Le gène de ce syndrome est localisé
sur le chromosome 8.
C - Neutropénies constitutionnelles primitives :
1- Syndrome de Kostmann :
Depuis la description de Kostmann en 1956, une centaine de cas ont été
rapportés dans la littérature.
En 1997, le registre français des neutropénies
constitutionnelles a colligé 40 cas.
Cette neutropénie chronique, profonde, en règle constamment inférieure à
500/mm3, est associée à diverses anomalies biologiques : monocytose,
éosinophilie, thrombocytose, syndrome inflammatoire avec
hypergammaglobulinémie portant sur tous les isotypes des Ig.
La neutropénie est permanente, retrouvée dès la période néonatale, même si
la symptomatologie est d’apparition retardée.
La caractéristique essentielle
est cytologique, avec un blocage isolé de la lignée granulocytaire au stade
promyélocyte, associée à une éosinophilie et à une monocytose.
Parfois, le blocage médullaire est plus précoce. Plusieurs modes de
transmission génétique ont été décrits : autosomique récessive dans la série
de Kostmann, dominante ou sporadique dans la majorité des cas décrits.
La définition historique ne tient compte que de critères cytologiques et ne
considère pas la cytogénétique.
Il est cependant admis que l’examen
cytogénétique médullaire doit être normal au diagnostic.
On notera que
certains patients porteurs d’une monosomie 7 présentent une cytologie en tout
point superposable au syndrome de Kostmann.
La survie de ces enfants s’est notablement améliorée depuis les années 1970,
par les progrès de l’antibiothérapie parentérale curative et par la
généralisation de l’antibiothérapie prophylactique.
La qualité de vie de ces
patients restait cependant médiocre, en raison de la répétition des épisodes
infectieux et d’une stomatite constante.
Ces survies prolongées ont permis d’observer plusieurs cas d’hémopathies
(leucémies aiguës myéloblastiques ou myélodysplasies) à l’adolescence, mais ce risque est difficile à quantifier.
Au sein du registre français, sur 40
cas de syndrome de Kostmann confirmé par une relecture cytologique, un seul
cas de transformation maligne a été observé.
Parmi les 238 cas du registre
international, sans relecture centralisée des myélogrammes, une prévalence
de 20 cas est notée.
À l’exception de la transplantation médullaire, aucun traitement
(corticoïdes, lévamisole, lithium...) n’était capable de corriger la neutropénie.
Les facteurs de croissance hématopoïétiques, G-CSF et GM-CSF, utilisés à
partir de 1988, sont tout de suite apparus capables de corriger à la fois la
neutropénie et la susceptibilité aux infections.
La physiopathologie reste inconnue en dépit de nombreuses recherches.
Il
n’existe pas d’anomalie intrinsèque de la cellule souche médullaire, qui est
capable in vitro de se différencier spontanément et sous l’action de facteurs
de croissance hématopoïétiques.
In vitro, les cultures de moelle à long
terme permettent parfois de reproduire l’anomalie de maturation granuleuse
avec accumulation de cellules bloquées au stade de promyélocytes.
Le
sérum de ces patients ne présente pas de caractère inhibiteur sur les cultures
de moelle de sujet normal.
La greffe de moelle permet de corriger cette
anomalie.
La concentration sérique de G-CSF des patients est normale ou
augmentée, tandis que la production de G-CSF par les cellules
mononucléées et la transcription de l’acide ribonucléique (ARN) messager
du G-CSF par ces cellules sont normales.
Les récepteurs membranaires au G-CSF sont en quantité normale ou augmentée à la surface des
polynucléaires. L’affinité pour le G-CSF de ces récepteurs est normale.
Le G-CSF, aussi bien in vitro qu’in vivo est supérieur au GM-CSF, avec
néanmoins une grande disparité interindividuelle.
L’effet différenciant de
l’acide rétinoïque in vitro et in vivo a été noté par certains auteurs tandis
qu’il n’est pas retrouvé dans notre expérience.
L’analyse des fonctions des
polynucléaires obtenus lors d’un traitement par G-CSF montre la présence de
plusieurs sous-populations.
L’utilisation du G-CSF à dose
pharmacologique permet d’obtenir, pour la durée de l’utilisation du G-CSF
seulement, une correction de la neutropénie dans neuf cas sur dix avec des
doses de G-CSF de 1 à 60 íg/kg/j.
L’ensemble de ces constatations
oriente les recherches vers l’étude du récepteur au G-CSF et les voies de
signalisation intracellulaires.
Une délétion de la partie intracytoplasmique carboxyterminale a été
rapportée par Dong, initialement chez deux patients.
Ceux-ci ont
conservé dans un premier temps une réponse au G-CSF mais ont évolué
ensuite vers une leucémie secondaire, avec dans un cas une monosomie 7.
L’analyse d’un plus grand nombre de patients (n = 83), suivis plus
longtemps, amène à être plus circonspect devant la détection d’une telle
anomalie.
En effet, elle peut être transitoire
et n’annonce pas systématiquement une évolution vers une transformation
maligne.
Ainsi, cette anomalie semble être un événement secondaire dans
l’évolution du syndrome de Kostmann, au même titre qu’une transformation
leucémique.
Cette mutation somatique pourrait être la conséquence d’une
hyperstimulation, compensatrice du déficit initial de la lignée granulocytaire.
On note de plus qu’il n’existe pas d’altération détectable de la structure
biochimique du récepteur, bien que l’ARN du récepteur soit muté.
2- Neutropénie constitutionnelle intermittente :
* Neutropénie cyclique :
Cette neutropénie est caractérisée par une fluctuation régulière des
neutrophiles (par cycles de 21 à 28 jours) associée à des fluctuations moins
importantes mais néanmoins présentes des autres lignées sanguines.
Ces
patients présentent lors du nadir des polynucléaires, une susceptibilité
marquée aux infections, des aphtes buccaux et des douleurs abdominales.
La
physiopathologie n’en est pas connue.
Cette maladie semble être une
accentuation pathologique du caractère cyclique de l’hématopoïèse normale.
Le rôle d’une anomalie intrinsèque de la cellule souche sanguine est déduit
du fait qu’elle est transférable par transplantation médullaire.
Le récepteur au G-CSF est normal en nombre et en affinité.
Le GM-CSF modifie
modestement le nadir des polynucléaires tout en augmentant fortement
l’éosinophilie.
Le G-CSF est nettement efficace sur le nadir des
polynucléaires, sans modifier le caractère cyclique de l’hématopoïèse.
Il
n’y a pas de susceptibilité connue à la transformation maligne.
Des modèles
mathématiques de ce phénomène ont été développés. Il existe un modèle
animal chez le chien.
La transmission génétique apparaît autosomique
dominante.
* Autres neutropénies intermittentes
:
Entre la neutropénie cyclique typique et la neutropénie permanente, il existe
de nombreux cas intermédiaires de neutropénie intermittente, où le nombre
des polynucléaires fluctue sans aucune régularité.
3-
Myélokathexie :
Très rarement décrite, cette neutropénie constitutionnelle, de transmission
génétique autosomique récessive, est caractérisée par des anomalies
morphologiques des rares polynucléaires circulants (aspects hypersegmentés,
vacuoles cytoplasmiques) et une moelle hyperplasique, très granuleuse, sur
laquelle sont retrouvées les mêmes anomalies morphologiques sanguines.
La
présence d’un déficit du chimiotactisme des polynucléaires a fait rattacher ce
tableau à un défaut de migration des polynucléaires en dehors de la moelle, et
à une destruction intramédullaire accrue.
* Syndrome des « leucocytes paresseux » :
Décrit en 1971 chez deux enfants, ce syndrome associe une neutropénie
profonde, sans anomalie morphologique des polynucléaires, une maturation
médullaire granuleuse satisfaisante et un déficit du chimiotactisme.
L’absence de nouveaux cas publiés et les difficultés méthodologiques de
l’évaluation du chimiotactisme chez des sujets très neutropéniques, rendent
son identification suspecte.
* Neutropénie et lymphocytose à larges lymphocytes granuleux :
L’association d’une neutropénie profonde à une hyperlymphocytose T à
grands lymphocytes granuleux est connue depuis plusieurs années chez
l’adulte.
Les lymphocytes ont un aspect dystrophique faisant redouter une
pathologie maligne.
Plusieurs observations pédiatriques ont été décrites. Dans
une famille, le frère et la soeur étaient atteints.
L’évolution de ces patients
est marquée par des épisodes infectieux parfois sévères. Le G-CSF est ici
aussi actif.
D - Neutropénie du nouveau-né
:
Une incidence élevée (de 6 à 17%) de neutropénies a été rapportée chez des
enfants hospitalisés en unité de soins intensifs.
La moitié d’entre elles sont
notées le premier jour de vie et régressent ensuite.
Le diagnostic étiologique
à cet âge est particulier.
Quelques hémopathies et déficits immunitaires sont à révélation néonatale.
La neutropénie est alors retrouvée sur tous les hémogrammes consécutifs, et
doit faire évoquer un déficit immunitaire cellulaire ou des phagocytes, une
neutropénie primitive...
Ces diagnostics sont en fait exceptionnels et la
discussion étiologique se limite, de façon habituelle, à quatre cadres
nosologiques.
1- Neutropénie et infection bactérienne
:
La neutropénie apparaît ici à la fois comme une conséquence et comme un
facteur de gravité d’une infection bactérienne néonatale.
Un score
a été établi à partir de l’hémogramme initial, corrélé au risque
d’infections bactériennes.
L’adjonction de G-CSF à l’antibiothérapie
pourrait améliorer le pronostic des septicémies du nouveau-né, mais la
question du moment exact du début du traitement par la cytokine n’est pas
résolue.
Son administration pour une courte durée ne présente pas de danger
évident à long terme, sur une petite série de patients.
2- Neutropénie allo-immune :
Cette neutropénie est liée à la présence chez la mère d’anticorps dirigés contre
un antigène des neutrophiles de l’enfant.
L’origine de ces anticorps maternels
est le plus souvent liée à l’allo-immunisation foetomaternelle,
exceptionnellement à une auto-immunité maternelle.
L’immunisation peut se
faire contre des antigènes communs à plusieurs cellules, comme les antigènes
HLA, ou plus souvent contre des antigènes spécifiques du polynucléaire,
comme les antigènes des systèmes NA, NB, NC...
Le diagnostic est évoqué
devant une neutropénie périphérique, et sera confirmé par la détection chez la
mère d’anticorps reconnaissant les polynucléaires de l’enfant et du père.
Le
groupage des polynucléaires des parents, et ultérieurement de l’enfant,
confirmera cette hypothèse.
L’importance réelle de cette pathologie n’a
jamais été évaluée clairement, et elle est probablement faible (1 cas sur
87 nouveau-nés neutropéniques dans une série prospective).
Les cas rapportés
concernent les patients chez qui un problème clinique (infection maternofoetale, omphalite) s’est posé.
La neutropénie étant à la fois
périphérique, avec une hyperplasie granulocytaire médullaire, et d’évolution
spontanément favorable dans un délai de 3 à 20 semaines, ces enfants n’ont
pas de susceptibilité marquée aux infections.
L’administration préventive de cotrimoxazole peut constituer une mesure de prudence, tant que la
neutropénie est présente.
À noter que la perfusion d’Ig à visée
immunomodulatrice ne constitue pas une mesure régulièrement efficace chez
ces enfants.
Le risque de récidive lors d’une grossesse ultérieure est
important, et peut justifier pour le nouveau-né un hémogramme au cordon et
le cas échéant une prévention des infections par le cotrimoxazole.
3- Neutropénie liée à une hypertension maternelle :
Les nouveau-nés dont la mère a été hypertendue, plus particulièrement si elle
a présenté un HELLP syndrome (hypertension artérielle, cytolyse hépatique,
hémolyse, thrombopénie), sont à risque de neutropénie.
Ce risque est estimé
à près de 50 %devant un syndrome HELLP constitué.
Il est en rapport avec
la gravité de l’hypertension chez la mère et il est donc associé au risque de
prématurité et d’hypotrophie.
Une thrombopénie est parfois présente.
L’évolution de cette neutropénie est en général favorable dans un délai de
72 heures, mais des neutropénies prolongées, compliquées d’une infection
nosocomiale, ont bénéficié d’un traitement par G-CSF.
La gravité est plus le
fait de la grande hypotrophie et de la prématurité que de la neutropénie.
4- Neutropénie et foetopathie virale
:
Plusieurs foetopathies comportent une neutropénie, en particulier le CMV.
Thérapeutique, prise en charge
:
A - Prise en charge d’un épisode infectieux aigu
:
Il importe rapidement de reconnaître la gravité éventuelle de l’épisode
infectieux par un examen clinique attentif.
L’estimation du risque d’infections
bactériennes peut s’aider de l’expérience acquise lors des chimiothérapies
anticancéreuses, où l’importance de la température (> 39 °C) et une
diminution des monocytes (< 100/mm3) constituent des éléments de gravité
indiscutables.
Devant une neutropénie modérée, compliquée d’une infection limitée, il est
possible de se contenter d’une antibiothérapie par voie orale, et d’une
surveillance ambulatoire attentive.
En revanche, devant une neutropénie sévère et un état septique, la prise en
charge nécessite une hospitalisation en urgence.
Après différents examens
bactériologiques (hémocultures, examen cytobactériologique des urines,
prélèvements locaux...) et une radiographie de thorax, une antibiothérapie par
voie parentérale s’impose dans un délai bref, associant le plus souvent une
céphalosporine de troisième génération et un aminoside.
La place des glycopeptides (vancomycine ou téicoplanine) de première intention est
discutée.
En cas de persistance de la fièvre au-delà de 48 heures, il est logique
de compléter l’antibiothérapie par un glycopeptide, voire d’ajouter un
traitement antimycotique.
Si l’état septique de l’enfant est inquiétant, dès le départ il faut associer un
traitement par G-CSF, soit à la dose à laquelle répond le patient, si celle-ci est
connue, soit à la dose usuelle de 5 íg/kg/j, en n’hésitant pas à l’augmenter en
l’absence d’amélioration.
Une telle attitude est licite même en l’absence de
diagnostic étiologique précis de la neutropénie.
Il n’existe aucune raison pour
penser que l’administration temporaire d’un facteur de croissance
hématopoïétique puisse perturber ultérieurement la nécessaire démarche
diagnostique.
L’utilisation de transfusion de concentrés leucocytaires doit être dans ce
cadre-là rappelée, même si elle est devenue exceptionnelle aujourd’hui.
B - Prophylaxie des infections :
1- Antibiothérapie prophylactique :
La prévention des récidives des infections chez ces patients est une nécessité.
L’indication d’une prophylaxie dépend d’une évaluation personnalisée du
risque infectieux, de l’anamnèse personnelle, de l’importance de la
neutropénie.
La première des possibilités est une antibiothérapie prophylactique.
L’antibiothérapie idéale a une efficacité sur la plupart des germes habituels
chez ces patients, une toxicité réduite et ne sélectionne pas de souches
microbiennes résistantes.
L’antibiotique qui remplit le mieux ces conditions
est l’association sulfaméthoxazole/triméthoprime (cotrimoxazole) à la dose
quotidienne de 50 mg/kg/j par voie orale.
Il n’y a pas d’études affirmant son
intérêt dans les neutropénies constitutionnelles, mais on peut raisonnablement
extrapoler les données obtenues chez le patient leucémique ou chez les
patients atteints de granulomatose septique.
Ce traitement ne prévient que
partiellement la gingivostomatite dont souffrent ces patients, qui justifie une
antibiothérapie active sur la flore saprophyte buccale, en particulier les
anaérobies (métronidazole).
La deuxième possibilité de prévention est d’agir directement sur la
neutropénie par l’utilisation thérapeutique des facteurs de croissance
hématopoïétiques, G-CSF et GM-CSF, produits par génie génétique.
2- Utilisation des cytokines dans les neutropénies constitutionnelles
:
Les cytokines disponibles dans une utilisation thérapeutique sont au nombre
de deux : le G-CSF et le GM-CSF.
L’utilisation de cette dernière est moins
fréquente au long cours, en raison d’une moindre efficacité dans ces
indications et d’une tolérance immédiate moins bonne (syndrome grippal,
éosinophilie importante).
Nous ne développerons donc que les aspects
fondamentaux et pratiques de l’utilisation du G-CSF qui est actuellement
commercialisé en France par deux compagnies pharmaceutiques (Neupogent
en flacons de 480 et 300 íg par Amgen-Roche et Granocytet en flacons de
263 et 105 íg par Bellon-Rhône Poulenc Rorer).
* Base rationnelle :
+ Cinétique et expérience du G-CSF chez le sujet sain
:
La pharmacocinétique dépend du mode d’administration, de la dose injectée
et du chiffre de polynucléaires du sujet.
Par voie veineuse, pour des doses
inférieures à 10 íg/kg, la demi-vie est de 30 minutes et ne dépasse pas
1,5 heure pour une dose de 40 íg/kg.
Par voie sous-cutanée, la demi-vie
augmente jusqu’à 9 heures à la dose de 40 íg/kg.
La répétition des injections
ne modifie pas ces paramètres, suggérant qu’il n’existe pas d’accumulation
de G-CSF dans l’organisme.
L’élimination du G-CSF est liée à une protéolyse
et ne dépend pas de la clairance hépatique ou rénale.
L’effet immédiat du G-CSF chez le sujet sain est une baisse transitoire du
nombre de polynucléaires circulants, dans les minutes qui suivent l’injection
d’un bolus.
Une élévation s’ensuit rapidement, correspondant
vraisemblablement à la libération du pool le plus mature des polynucléaires
médullaires, mais aussi à une démargination des polynucléaires adhérant à
l’endothélium et à une augmentation de la durée de vie des polynucléaires.
Les fonctions des polynucléaires sont aussi stimulées.
La réponse de ces
polynucléaires « sensibilisés » à une agression est plus forte que celle des
polynucléaires natifs.
Après une injection unique, le pic des polynucléaires
est atteint entre 4 et 8 heures par voie veineuse et 8 à 12 heures après une
injection sous-cutanée.
Le retour à des chiffres normaux s’effectue en
24 heures après une injection intraveineuse et entre 72 et 96 heures après une
injection sous-cutanée.
Par la suite, en cas d’administration continue, il existe une augmentation dose
dépendante du chiffre de polynucléaires, avec apparition dans le sang
circulant de formes jeunes.
+ Expérience après chimiothérapie
:
L’expérience de l’utilisation du G-CSF après chimiothérapie est aujourd’hui
très large.
L’utilisation de facteurs de croissance lors d’épisodes infectieux
non contrôlés par une antibiothérapie adaptée est aujourd’hui de pratique
courante.
L’utilisation préventive du G-CSF est plus discutée.
Pour les
chimiothérapies qui entraînent une aplasie attendue longue (supérieure à
5 jours), l’utilisation de cytokines améliore la qualité de vie en diminuant les
hospitalisations et les épisodes infectieux.
Son coût est compensé par une
économie de journées d’hospitalisation.
Cependant, son impact sur la
mortalité infectieuse n’est pas démontré.
En prophylaxie secondaire chez des
patients ayant déjà présenté un épisode infectieux sévère lors d’une première
chimiothérapie, sa place n’est pas contestée.
+ Données pharmacocinétiques chez le sujet neutropénique chronique
:
La pharmacocinétique du G-CSF présente quelques particularités chez le
patient neutropénique par rapport au sujet sain.
Par voie sous-cutanée, la
concentration maximale est atteinte entre 2 et 8 heures après l’injection et un
plateau se maintient pendant au moins 12 heures.
L’intensité du pic est
fonction de la dose injectée.
La clairance du G-CSF se modifie après plusieurs
injections et augmente avec le nombre des polynucléaires.
La dose seuil
permettant d’obtenir une élévation des polynucléaires n’apparaît pas liée aux
paramètres pharmacocinétiques.
Ceci apparaît en particulier vrai pour les
neutropénies résistantes au G-CSF.
* Schéma thérapeutique (pour les neutropénies chroniques
de type syndrome de Kostmann)
:
Le traitement au long cours s’organise schématiquement autour de deux
phases.
+ Phase d’induction
:
L’objectif est ici d’acquérir une bonne connaissance des caractéristiques
individuelles de la réponse au G-CSF.
C’est une phase dont la durée peut
varier entre 1 et 4 mois selon la rapidité à obtenir une réponse et la stabilité de
cette réponse.
Celle-ci est appréciée alors sur l’élévation du chiffre des polynucléaires (PNN
> 1500/mm3) et sur l’amélioration clinique, au terme de périodes de 10 à
15 jours, délai souvent utile pour voir se modifier la situation.
La dose quotidienne initiale recommandée est de 5 íg/kg par voie souscutanée.
Il n’y a pas d’horaires particuliers à recommander. En l’absence de
réponse après 15 jours, la dose quotidienne est augmentée par paliers de
5 íg/kg.
Si la réponse est au contraire rapide, voire excessive (PNN >
5000/mm3), il est logique de diminuer la dose de moitié.
C’est ainsi qu’on détermine pour un patient donné la dose minimale
quotidienne requise.
Dans certains cas, il semble même possible
d’administrer le médicament un jour sur deux seulement.
Cette période aura également permis de connaître la tolérance à court terme
du G-CSF et de détecter des effets secondaires dose dépendants dont on
tiendra compte dans un traitement au long cours.
+ Phase de maintenance :
Il est alors possible de moduler la dose et de tenter parfois de la diminuer ou
d’espacer les injections.
Mais il peut être nécessaire d’augmenter la dose
quotidienne, en particulier pour un enfant en cours de croissance.
La
surveillance des hémogrammes ne doit pas être excessivement rapprochée.
En dehors de problèmes cliniquement perceptibles, un bilan de surveillance
ne doit être pratiqué que tous les 4 à 6 mois.
* Efficacité :
+ Syndrome de Kostmann :
De 1988 à 1997, le résultat du traitement par G-CSF d’une centaine de
patients atteints de neutropénies chroniques sévères a été étudié, le plus
souvent dans des essais de phase I/II.
Une seule étude randomisée a
été rapportée.
Dans cette étude, portant sur 36 patients, certains ont reçu
d’emblée du G-CSF, d’autres au terme d’une période d’observation de 4 mois.
Cette étude a permis d’évaluer valablement le bénéfice d’un traitement par G-CSF sur le plan du risque infectieux, comme de la qualité de vie.
La dose nécessaire pour obtenir une réponse varie grandement selon les
patients.
Près de deux tiers d’entre eux répondent à des doses comprises entre
2 et 10 íg/kg/j.
Près de 20 % répondent à des doses comprises entre 10 et
20 íg/kg/j.
Enfin, dans un petit nombre de cas des doses plus élevées sont
nécessaires, exceptionnellement supérieures à 100 íg/kg/j.
Six échecs
complets de traitement par G-CSF ont été à ce jour rapportés, dont deux dans
le registre français.
La réponse est obtenue après un délai d’au moins 5 à
7 jours, voire 12 jours.
Il n’y a pas d’épuisement avec le temps.
L’augmentation du nombre de polynucléaires paraît être dépendante de la
dose, au-delà d’un seuil minimal, mais pour une même dose, elle fluctue dans
le temps sans rythme particulier.
Il est notable qu’aucun élément dans la présentation clinique ou biologique
d’un patient ne permette de prédire la dose à laquelle ce patient sera sensible.
Une nette amélioration de l’état infectieux et stomatologique est notée.
Celle-ci est parfois remarquable, alors même que le chiffre de polynucléaires
reste inférieur à 1000/mm3.
La qualité de vie de ces patients est très largement
améliorée.
+ Neutropénie cyclique :
L’efficacité du G-CSF est constante.
Toutefois, il n’abolit pas le caractère
cyclique de la granulopoïèse dont le pic peut dépasser 30 000 polynucléaires/
mm3.
En dépit de nombreuses tentatives, aucune modalité cyclique
d’administration du G-CSF (par exemple 1 semaine/3) ne s’est avérée
efficace.
En revanche, la dose nécessaire pour élever le nadir est en général
inférieure à 5 íg/kg/j, qu’il est possible d’administrer de façon intermittente
(par exemple 1 jour/3).
+ Glycogénose Ib :
Le G-CSF est indiscutablement efficace pour corriger la neutropénie dans
cette affection.
L’expérience de la littérature ne concerne que 24 patients, dont
sept en France.
Le plus souvent, de faibles doses (< 5 íg/kg/j) sont
suffisantes pour corriger la neutropénie et obtenir une amélioration clinique.
La réponse est obtenue dans un délai de 48 heures, ce qui est compatible avec
la libération des polynucléaires du compartiment médullaire et l’absence de
blocage de maturation observée chez ces patients.
L’efficacité du G-CSF n’est
probablement pas que quantitative, et la préactivation des polynucléaires peut
y contribuer.
La tolérance chez ces patients est en général bonne, en dehors
d’un nombre relativement important de thrombopénies sous G-CSF.
*
Tolérance du G-CSF :
+ Tolérance à court terme :
Une expérience importante, concernant plus de 50 000 patients (enfants et
adultes) a été rassemblée dans le monde concernant le G-CSF utilisé de façon
brève, lors de chimiothérapies, pour une durée inférieure à 15 jours et à des
doses de 1 à 5 íg/kg/j.
De cette expérience, il apparaît que la tolérance est
bonne, voire excellente.
Les injections, que ce soit sous forme intraveineuse
ou sous-cutanée, n’entraînent qu’exceptionnellement une réaction immédiate
(moins d'une fois sur 100) ou locale.
Une réaction générale, fébrile, telle
qu’elle peut apparaître lors de l’injection d’autres cytokines, est aussi
exceptionnelle.
Des douleurs osseuses sont plus fréquemment rencontrées (2 à 5 % des
sujets).
Elles sont rapidement régressives à l’arrêt du traitement (en moins de
24 heures) et pour un même sujet, elles ne réapparaissent le plus souvent pas
à une dose inférieure.
+ Tolérance à long terme
:
L’utilisation à long terme du G-CSF concerne de façon exclusive des patients
présentant une neutropénie chronique.
L’expérience de la littérature est ici
plus limitée et ne concerne au maximum que 500 patients dont la durée de
traitement, les modalités de traitement, en bref l’exposition au facteur de
croissance varient largement.
– Tolérance hématologique.
Bien que l’action du G-CSF soit en principe
limitée à la lignée granulocytaire, diverses anomalies hématologiques
peuvent être présentes ou apparaître transitoirement sous traitement.
Une monocytose au-delà de 1 500/mm3 est fréquente, une éosinophilie, fréquente
lors du diagnostic, peut être majorée sous traitement.
La lymphocytose reste
inchangée, ainsi le plus souvent que le taux d’hémoglobine.
Cependant, il
n’est pas rare d’observer une élévation de la réticulocytose et une ascension
du taux d’hémoglobine, surtout s’il existait au départ une anémie
inflammatoire.
Une anémie manifestement corrélée avec le traitement par GCSF
a été observée une fois chez un enfant porteur d’une glycogénose Ib.
La constatation d’une thrombopénie semble en fait le plus courant des effets
secondaires hématologiques.
Cette thrombopénie est modérée et régressive
avec la diminution des doses de G-CSF.
Elle peut aussi s’expliquer par un
hypersplénisme.
– Splénomégalie.
L’augmentation de taille de la rate lors du début du
traitement est pratiquement constante lorsqu’on évalue ce paramètre par des
techniques d’imagerie, mais sa constatation clinique est beaucoup plus rare.
Dans une série de 32 patients atteints de neutropénie chronique, 12 cas de
splénomégalies ont été observés, quatre fois responsables d’anomalies
hématologiques, une fois nécessitant une splénectomie.
– Goutte et hyperuricémie.
Une élévation de l’uricémie est observée au long
cours, sans retentissement clinique.
L’exacerbation d’une goutte ancienne a
été observée au décours d’un traitement de courte durée.
– Vascularite, syndrome de Sweet.
Les premières observations de vascularite
leucocytoclasique, correspondant à un syndrome de Sweet, ont été décrites
au décours de traitements de courte durée.
Quatre cas ont été observés chez des patients neutropéniques chroniques.
Tous sont apparus dans un délai de 1 mois après le début du traitement.
La
majoration de l’expression des molécules d’adhésion du polynucléaire par le G-CSF semble être responsable de ce tableau.
Ces manifestations cutanées
ont toutes régressé avec la diminution ou l’arrêt du traitement.
– Glomérulonéphrite.
Deux observations de glomérulonéphrite mésangioproliférative ont été rapportées lors de traitements au long cours,
d’évolution favorable après la diminution ou l’arrêt du traitement.
– Effet sur l’os.
Une ostéoporose est observée chez près d’un quart des
patients atteints de syndrome de Kostmann traités au long cours.
Deux cas
de fractures pathologiques ont été observés parmi ces patients.
La découverte
de cet effet secondaire justifie la surveillance de la densité osseuse et constitue
une des raisons pour utiliser la dose la plus faible possible de G-CSF lors d’un
traitement au long cours, même si le rôle du G-CSF n’est pas complètement
démontré.
En effet, le syndrome de Kostmann en lui-même semble
responsable d’une ostéopénie, souvent présente avant tout traitement.
– Croissance et développement.
Le développement staturopondéral n’est pas
modifié par le G-CSF, de même que la puberté.
– Risque leucémogène.
Cet effet secondaire est redouté depuis le début de
l’utilisation du G-CSF dans les neutropénies chroniques.
Le G-CSF est un
puissant stimulant de la granulopoïèse et par son effet mitotique il augmente
le risque statistique d’apparition d’un événement clonal.
De plus, le récepteur
au G-CSF est exprimé à la surface des cellules leucémiques myéloblastiques.
Cependant, son utilisation clinique pour une courte durée, chez des patients
atteints d’une leucémie myéloblastique, n’a pas entraîné d’augmentation de
la proportion des échecs ou des rechutes.
Dans les myélodysplasies de
l’adulte, pathologie typiquement préleucémique, son usage n’entraîne pas
d’augmentation du risque de « leucémisation ».
Mais les neutropénies chroniques de l’enfant constituent un cadre hétérogène,
tant par leur gravité infectieuse que par leur physiopathologie.
Dans l’expérience acquise depuis 1989, seules deux pathologies sont
concernées par le risque leucémogène : le syndrome de Kostmann et la
maladie de Shwachman.
À ce jour, aucun cas de leucémie secondaire n’a été
décrit parmi les autres types de neutropénies constitutionnelles.
Pour ces deux pathologies, il est à noter que des observations de leucémies
secondaires ont été décrites antérieurement à l’utilisation de cytokine.
L’utilisation au long cours du G-CSF pose ici la question de l’augmentation
du risque individuel de présenter une leucémie et non de l’apparition d’un
événement inattendu.
Risque leucémogène avant G-CSF.
Dans le syndrome de Kostmann, sept observations de leucémie aiguë
myéloblastique (LAM) ou de myélodysplasie ont été rapportées à ce jour,
parmi moins de 100 patients connus n’ayant jamais reçu de G-CSF.
Seuls deux de ces cas sont récents et leur caryotype est normal.
Ces cas sont
apparus après l’âge de 10 ans. Leur évolution a été défavorable.
Dans le syndrome de Shwachman, le nombre de transformations malignes
semble particulièrement élevé. Il s’agit principalement de myélodysplasies,
s’acutisant sous forme de leucémie aiguë myéloïde.
Risque leucémogène sous G-CSF.
Dans le syndrome de Kostmann, la littérature rapporte de nombreuses
observations parcellaires.
Les données du registre international (20 cas
parmi 238 patients) posent la question du diagnostic initial des patients, en
effet il n’existe pas de revue centralisée des myélogrammes.
Au sein du
registre français, parmi 40 cas confirmés par une expertise cytologique, une
seule leucémie a été notée.
Il est difficile de dire que l’incidence observée est
plus élevée que chez les patients n’ayant jamais reçu de G-CSF.
Mais il faut
souligner que l’analyse a jusqu’à présent été effectuée sans tenir compte de
l’exposition réelle au G-CSF.
Or, il est notable que certains patients reçoivent
un traitement quotidien, tandis que d’autres ne reçoivent du G-CSF qu’en cas
d’infection déclarée (c’est-à-dire moins de 30 jours par an).
Ces données ne
permettent pas de contre-indiquer définitivement l’utilisation du G-CSF chez
ces patients, ni même d’affirmer que le G-CSF soit responsable des
hémopathies secondaires observées.
Ceci justifie une utilisation
parcimonieuse et individuellement adaptée de ce nouveau traitement dont le
bénéfice clinique à court terme est pourtant, pour ces patients, largement
démontré.
Ceci justifie pleinement la mise en place, à la demande de la Food
and Drugs Administration et de l’Agence française du médicament, d’un
registre des patients traités et d’un comité international de surveillance.
Dans le syndrome de Shwachman, cinq cas d’hémopathies ont été observés
parmi 45 patients.
On notera que dans deux cas, le G-CSF a été commencé
alors que les patients avaient déjà des signes évidents de myélodysplasie.
Ainsi, l’imputabilité du G-CSF dans cet effet secondaire est encore plus
discutable.
Compte tenu d’un risque spontané d’hémopathie maligne très
important, et supérieur probablement à 15 %des cas, la décision de débuter le G-CSF doit être étayée par la gravité particulière des complications
infectieuses.
C - Place de l’allogreffe de moelle :
La place de l’allogreffe de moelle est ici très modeste.
Quoique de nature à
corriger l’anomalie hématologique préexistante, son utilisation pose
problème dans une stratégie thérapeutique où l’on compare les avantages et
les inconvénients.
Ainsi, très peu d’indications demeurent et l’expérience de la littérature dans
ce domaine est très limitée.
Pour le syndrome de Kostmann, les
indications admises sont l’échec du G-CSF chez un patient présentant un
retentissement infectieux significatif, l’existence ou l’apparition d’une
clonalité (anomalie cytologique ou cytogénétique).
Les indications sont à
discuter pour le syndrome de Shwachman en cas d’évolution vers une
pancytopénie, en tenant compte du risque très élevé de leucémie secondaire.
D - Vie quotidienne :
Il faut rappeler le danger des injections intramusculaires et de la prise de
température rectale.
La plupart des vaccins sont possibles, y compris les
vaccins viraux vivants.
Il semble seulement prudent de contre-indiquer le
bacille de Calmette-Guérin (BCG) chez l’enfant atteint de neutropénie
chronique profonde, même si aucun cas de BCGite n’a encore été rapporté.
Aucune restriction alimentaire ne s’impose chez les enfants neutropéniques et les collectivités d’enfants leur sont tout à fait
accessibles.
Ils ne sont en effet pas spécifiquement sensibles aux épidémies
virales et il n’y a donc aucune raison de les priver de ces possibilités d’éveil
et d’interaction.