Parmi les atteintes du système nerveux périphérique, on
distingue : les polyneuropathies, atteintes en règle sensitivo-motrices et symétriques ; les mononeuropathies et
mononeuropathies multiples, atteintes focales d’un ou
plusieurs troncs nerveux,
survenant le plus souvent de
façon aiguë, et dont les mécanismes sont surtout compressifs
ou ischémiques ; les polyradiculonévrites,
atteintes d’origine inflammatoire, surtout démyélinisantes,
pouvant toucher les troncs nerveux sur toute leur
longueur (y compris les racines), avec une distribution
hétérogène et multifocale ; les neuronopathies sensitives
(ou ganglionopathies) et les neuronopathies motrices
qui touchent primitivement les corps cellulaires des
neurones sensitifs ou moteurs dont les axones dégénèrent
secondairement.
Étiologie
:
Les causes des neuropathies périphériques sont très
nombreuses et il est illusoire d’en dresser la liste
exhaustive.
En revanche, il est important de connaître les
grands cadres étiologiques et la présentation des neuropathies
périphériques les plus fréquemment rencontrées.
A - Neuropathies inflammatoires
ou dysimmunes :
L’origine dysimmune de ces neuropathies semble
actuellement bien établie, bien que les auto-antigènes en
cause et les mécanismes précis conduisant aux lésions
des nerfs périphériques soient encore mal connus.
1- Syndrome de Guillain et Barré :
Ce syndrome fait l’objet d’une question entière et ne
sera donc pas traité ici.
Elles se définissent par rapport au syndrome de Guillain
et Barré par une durée d’installation supérieure à 3 mois.
Il s’agit de polyneuropathies sensitivo-motrices à prédominance
motrice, avec déficit moteur distal et proximal,
troubles sensitifs touchant plutôt les grosses fibres
myélinisées (tact fin et sensibilité profonde), aréflexie
tendineuse et atteinte occasionnelle des paires crâniennes.
Le mode d’installation peut être subaigu sur
quelques semaines ou beaucoup plus chronique.
L’examen électrophysiologique montre en règle une
neuropathie démyélinisante diffuse et multifocale, avec
des anomalies des vitesses de conduction hétérogènes.
L’étude du liquide céphalorachidien (LCR) objective
une hyperprotéinorachie sans hypercytose (< 50 éléments/
mm3).
Si elle est réalisée, la biopsie nerveuse met en
évidence des démyélinisations segmentaires et parfois des
infiltrats de cellules mononucléées : lymphocytes et
macrophages.
Elle n’est pas utile dans les formes typiques
de la maladie.
L’évolution peut être chronique progressive
ou plus rarement à rechutes ; un traitement immunosuppresseur
ou immunomodulateur (corticoïdes, immunoglobulines
intraveineuses, échanges plasmatiques, cyclophosphamide,
azathioprine…) peut être efficace.
3- Neuropathies motrices multifocales
avec blocs de conduction
:
Ces neuropathies d’individualisation récente sont relativement
stéréotypées dans leur présentation.
Il s’agit le
plus souvent de l’installation progressive d’un déficit
moteur pur, débutant aux membres supérieurs de façon
asymétrique et de distribution tronculaire.
L’aréflexie
n’est pas constante et les troubles sensitifs sont absents.
Des crampes sont habituelles mais l’amyotrophie est
généralement tardive.
Ce tableau clinique peut en imposer
pour une sclérose latérale amyotrophique (SLA) mais les signes pyramidaux sont absents, et surtout,
l’examen électrophysiologique montre la présence de
blocs de conduction moteurs en dehors des zones de
compression habituelles des troncs nerveux.
Ces neuropathies
sont associées à la présence à forts taux d’anticorps
dirigés contre le ganglioside GM1.
Elles répondent
le plus souvent (et parfois de façon spectaculaire) à
un traitement par immunoglobulines intraveineuses à
fortes doses.
Des formes sensitivo-motrices des ces neuropathies
ont également été décrites.
B - Neuropathies toxiques :
De nombreux agents toxiques, notamment industriels et
médicamenteux, peuvent être responsables de neuropathie
périphérique.
Il faut savoir évoquer ces différents
toxiques dans certaines situations particulières d’exposition,
mais leur responsabilité ne doit être retenue que
lorsque le type de neuropathie rencontrée est connu pour
être provoqué par le toxique incriminé.
1- Toxiques industriels et environnementaux :
Les neuropathies induites par les toxiques industriels
tendent heureusement à disparaître, grâce à l’amélioration
des conditions de travail et aux précautions prises dans
la manipulation des produits toxiques par les personnels
exposés.
Les neuropathies induites sont le plus souvent
des axonopathies distales et les mécanismes précis conduisant à la toxicité
nerveuse sont très mal connus.
2- Toxiques médicamenteux :
Il est important de reconnaître leur responsabilité, car
l’arrêt du traitement en cause est généralement suivi
d’une récupération progressive.
Là encore, il s’agit souvent
d’axonopathies distales, mais on rencontre également
des neuronopathies sensitives comme dans le traitement
par cisplatine, ou des atteintes myéliniques
primitives [neuropathies induites par l’amiodarone
(Cordarone) ou le maléate de perhexiline (Pexid)].
C - Neuropathies alcooliques et carentielles :
Ces deux types de neuropathies sont étudiés dans le
même chapitre car il semble que les deux mécanismes
soient fréquemment associés.
1- Alcoolisme
:
L’éthylisme chronique est responsable de neuropathies
périphériques dont le mécanisme n’est pas univoque.
Il
existerait effectivement une toxicité directe de l’alcool
sur le système nerveux périphérique, mais un état carentiel
est très fréquemment associé.
Il s’agit le plus souvent
d’axonopathies distales chroniques ou subaiguës,
débutant par des paresthésies ou des douleurs des
membres inférieurs et une aréflexie.
À la phase d’état, il
s’agit de polyneuropathies sensitivo-motrices.
On rencontre
également, mais beaucoup plus rarement, des
formes axonales d’installation aiguë simulant cliniquement
un syndrome de Guillain et Barré.
Le traitement
des neuropathies de l’alcoolisme repose sur l’arrêt de
l’imprégnation associé à une vitaminothérapie du
groupe B (surtout thiamine).
2- Carences vitaminiques :
La carence en vitamine B1 provoque le béribéri, qui
comporte une neuropathie identique à la neuropathie de
l’éthylisme chronique.
La carence en vitamine B6 n’est
à l’origine d’une neuropathie périphérique que lors de
traitements prolongés par isoniazide.
La survenue d’une
atteinte du système nerveux périphérique au cours d’une
carence en vitamine B12 est controversée.
Quelques cas
de neuropathie ont été rapportés au cours de carences en folates et vitamine E.
3- Malabsorptions
:
Les malabsorptions, quelle qu’en soit la cause, peuvent
déterminer une neuropathie périphérique induite par une
carence vitaminique multiple.
D - Neuropathies métaboliques
et endocriniennes :
1- Neuropathies diabétiques
:
Les neuropathies sont fréquentes au cours du diabète et
il n’y a pas une, mais des neuropathies diabétiques.
Les
facteurs susceptibles de déterminer l’apparition d’une
neuropathie au cours du diabète sont multiples : les
anomalies métaboliques sont à l’origine de perturbations
du transport axonal, la microangiopathie détermine
des perturbations endoneurales, et des facteurs immunologiques
sont également impliqués dans l’atteinte du
système nerveux périphérique.
Les différents types de
neuropathies associées au diabète sont les suivants.
• La polyneuropathie sensitive est de loin la présentation
la plus fréquente.
Il s’agit d’une polyneuropathie axonale
chronique, symétrique, qui survient généralement chez
des patients dont le diabète évolue depuis plus de 5 ans ;
elle est rarement révélatrice d’un diabète non insulinodépendant
(DNID).
Des dysesthésies à type de brûlures accompagnent l’atteinte sensitive objective qui prédomine
souvent sur les modalités douloureuses et thermoalgiques
(fibres sensitives myélinisées de petit diamètre
et fibres amyéliniques).
Une aréflexie achilléenne est
fréquente et le déficit moteur est absent ou très modéré.
L’étude électrophysiologique confirme généralement
l’atteinte axonale sensitive.
Une dysautonomie est souvent
associée, à l’origine de troubles fonctionnels gastrointestinaux
(gastroparésie, diarrhée), cardiovasculaires
(hypotension orthostatique) ou génito-urinaires (impuissance,
troubles vésicaux).
Rarement, cette neuropathie
peut s’installer de manière aiguë dans certaines circonstances
particulières comme un déséquilibre brutal du
diabète ou l’instauration d’un traitement insulinique.
• Les neuropathies focales et multifocales sont plus
rares et peuvent toucher tous les troncs nerveux.
Les nerfs crâniens sont souvent atteints (surtout le III et
le VI), à l’origine de diplopies plus ou moins brutales.
Une atteinte douloureuse et amyotrophiante du nerf
crural est également fréquente, généralement de bon
pronostic.
Plus rares sont les atteintes thoraciques ou
abdominales, caractérisées par des déficits en bandes et
parfois une paralysie des muscles abdominaux.
Des
neuropathies motrices multifocales peuvent se rencontrer,
pour lesquelles l’étude histologique a pu montrer des
infiltrats inflammatoires suggérant un mécanisme dysimmunitaire.
Ces neuropathies évoluent le plus souvent
spontanément vers la guérison, et peuvent être sensibles
à une courte corticothérapie.
Pour mémoire, on peut citer quelques cas de polyradiculonévrites
aiguës ou chroniques, pour lesquelles la responsabilité
du diabète ou d’un « terrain » dysimmunitaire
est controversée.
2- Neuropathies endocriniennes autres
que diabétiques
:
L’acromégalie et l’hypothyroïdie peuvent être à l’origine
d’un syndrome du canal carpien par infiltration locale.
Plus rarement, l’hypothyroïdie peut provoquer des polyneuropathies.
Enfin, de rares neuropathies peuvent
s’observer au cours d’hyperlipidémies sévères.
3- Neuropathies de l’insuffisance rénale
:
L’insuffisance rénale n’entraîne désormais que très
rarement une neuropathie chez les patients dialysés.
Il s’agit le plus souvent d’une axonopathie sensitivomotrice
distale dont le mécanisme est mal connu.
La transplantation rénale a un effet bénéfique.
E - Neuropathies infectieuses :
1- Rétrovirus
:
La sérologie du virus de l’immunodéficience humaine
(VIH) fait désormais partie du bilan de première intention
d’une neuropathie périphérique.
En effet, environ
un tiers des patients serait concerné à un stade ou l’autre
de la maladie et à peu près tous les types de neuropathies
peuvent se rencontrer.
• La polyradiculonévrite aiguë s’observe à la phase de
séroconversion.
Elle mime un syndrome de Guillain et
Barré, mais comporte une hypercytose du liquide céphalorachidien.
Elle peut également apparaître plus tardivement
dans l’évolution de la maladie, alors associée à une
infection à cytomégalovirus (CMV).
• La polyradiculonévrite inflammatoire subaiguë ou
chronique ne se distingue pas cliniquement de la forme
observée chez les patients séronégatifs.
• La mononeuropathie multiple est une forme associée
à une vascularite nécrosante, susceptible d’être améliorée
par un traitement corticoïde. Une mononeuropathie
multifocale peut également se rencontrer au cours de
l’infection à cytomégalovirus, pouvant alors bénéficier
d’un traitement antiviral par ganciclovir.
• Des polyneuropathies axonales distales sont également
fréquentes au cours de l’infection par le virus de
l’immunodéficience humaine.
Elles se manifestent habituellement
au stade sida. Enfin, une polyneuropathie
axonale subaiguë ou aiguë, douloureuse, survient au
cours du syndrome DILS (diffuse infiltrative lymphocytosis
syndrome), associée à des infiltrats lymphocytaires
diffus faits de cellules CD8+.
De rares cas d’atteintes du système nerveux périphérique
ont été décrits en association avec le virus de type
herpès 1.
2- Borrélioses
:
Un tableau de méningoradiculonévrite appelée maladie
de Lyme peut survenir après morsure de tique.
Il est dû à
l’infection par un spirochète, Borrelia burgdorferi, et
associe généralement des radiculalgies diffuses souvent
pénibles à des paralysies plus ou moins extensives et à
une diplégie faciale.
Le liquide céphalorachidien montre
en règle une méningite lymphocytaire.
Ce tableau fait
classiquement suite à une phase d’invasion au cours de
laquelle survient un érythème migrant, et s’associe de
façon variable à des arthralgies et une atteinte cardiaque.
Le diagnostic est confirmé par la sérologie spécifique
(sang et liquide céphalorachidien) et la PCR (polymerase
chain reaction), et le traitement fait appel à la ceftriaxone
(Rocéphine) en première intention, voire à la pénicilline
G ou aux cyclines.
3- Lèpre :
Première cause de neuropathie infectieuse dans le
monde, la lèpre est rarement observée sous nos latitudes,
mais la maladie peut parfois se rencontrer chez des
sujets ayant séjourné en pays d’endémie.
On distingue la
forme tuberculoïde (paucibacillaire), au cours de laquelle
de rares lésions cutanées hypopigmentées sont le siège
d’une anesthésie thermoalgique témoignant de l’atteinte
préférentielle des petites fibres amyéliniques.
Dans cette
forme, l’atteinte nerveuse détermine essentiellement des mononeuropathies multiples avec gros nerfs, souvent
palpables et indurés.
L’entrée du bacille dans l’organisme
déclencherait une intense réaction inflammatoire à l’origine
de granulomes, empêchant le multiplication microbienne.
Au cours de la forme lépromateuse (multibacillaire), l’atteinte cutanée est plus diffuse et les troubles
sensitivo-moteurs sont souvent symétriques prenant la
forme d’une polyneuropathie distale.
L’agent infectieux
est présent en abondance dans les tissus biopsiés.
Le
diagnostic de lèpre repose sur le contexte et la mise en
évidence du bacille de Hansen (Mycobacterium lepræ)
dans les biopsies cutanées ou nerveuses.
4- Diphtérie :
Depuis la généralisation de la vaccination, la diphtérie,
toxi-infection due à Corynebacterium diphteriæ, est
devenue exceptionnelle dans les pays industrialisés.
Un
tableau clinique identique au syndrome de Guillain et
Barré succède à la classique angine à fausses membranes.
Une méningite lymphocytaire est habituellement associée.
L’administration précoce d’antitoxine diphtérique diminue
l’intensité des signes cliniques.
5- Mononucléose infectieuse
:
Différents tableaux d’atteinte du système nerveux périphérique
peuvent s’associer à cette virose : syndrome de
Guillain et Barré, multinévrite, neuronopathie sensitive.
Le mécanisme lésionnel est inconnu.
F - Neuropathies associées à un cancer :
Au cours des cancers, l’atteinte du système nerveux périphérique
peut relever de mécanismes divers : infiltration
des nerfs et des racines par le processus néoplasique, compressions
locales, complication des traitements (chimiothérapie,
radiothérapie), atteintes dites paranéoplasiques
au cours desquelles certains antigènes tumoraux déterminent
une réaction immunitaire dirigée contre le nerf.
1- Neuronopathie sensitive paranéoplasique
(syndrome de Denny-Brown)
:
La présentation clinique est celle d’une neuronopathie
sensitive douloureuse, d’évolution le plus souvent subaiguë
sur quelques semaines, avec ataxie, aréflexie, et parfois
dysautonomie.
L’examen électrique révèle une altération
ou une abolition des potentiels sensitifs, sans
anomalie des vitesses de conduction motrices.
Il existe
souvent une hyperprotéinorachie, associée parfois à
une discrète réaction lymphocytaire.
Des anticorps antineuronaux
de type anti-HU sont très fréquemment
rencontrés, mais leur rôle pathogène est incertain.
Ces
neuropathies précèdent la découverte du cancer en cause
(le plus souvent cancer du poumon à petites cellules)
dans plus des trois quarts des cas et le traitement de la
néoplasie peut avoir un effet bénéfique sur l’évolution
de la neuropathie.
Il peut s’agir de polyradiculonévrites aiguës du type
Guillain et Barré, décrites en association avec des lymphomes
hodgkiniens, ou de polyneuropathies axonales
subaiguës chroniques pour lesquelles la responsabilité
du cancer n’est pas démontrée.
3- Neuropathies radiques :
Tous les éléments nerveux sont susceptibles d’être
atteints lors d’une radiothérapie, mais certains syndromes
sont bien individualisés.
Les atteintes plexiques
(et parfois radiculaires) sont les mieux décrites et peuvent
toucher les membres supérieurs et (ou) inférieurs en
fonction du siège de l’irradiation.
On distingue des plexopathies précoces et transitoires, survenant en
moyenne environ 4 mois après l’irradiation, et qui évoluent
le plus souvent vers la récupération en quelques
mois ; et des plexopathies tardives, survenant parfois
plusieurs années après le traitement, et qui sont de plus
mauvais pronostic.
Pour la pratique, il faut surtout
retenir que la présence de douleurs au premier plan du
tableau et le caractère strictement unilatéral de l’atteinte
orientent plutôt vers une infiltration tumorale que vers
une atteinte plexique d’origine radique.
4- Autres neuropathies :
D’autres tableaux cliniques peuvent se rencontrer au
cours des cancers, tels que des mononeuropathies multiples
en rapport avec une vascularite, des neuropathies
dysautonomiques, ou des polyneuropathies axonales très
modérées dont l’origine paranéoplasique est douteuse.
G - Neuropathies associées à une hémopathie :
1- Lymphomes :
On rencontre principalement au cours des lymphomes
des neuropathies axonales, sensitivo-motrices, souvent
douloureuses et asymétriques.
L’évolution peut être très
insidieuse et la biopsie des nerfs prend tout son intérêt
lorsqu’elle montre des infiltrats mononucléés de cellules
lymphomateuses.
La recherche d’un lymphome systémique
doit être systématiquement effectuée dans ce type
de tableau clinique.
2- Leucémies :
Au cours des leucémies, surtout lymphoïdes, les
tableaux cliniques rencontrés relèvent essentiellement
d’une infiltration néoplasique.
3- Dysglobulinémies :
Les neuropathies rencontrées au cours de dysglobulinémies
peuvent être classées dans le chapitre neuropathies
dysimmunes.
En effet, pour certaines d’entre elles, le
composant monoclonal possède une activité dirigée
contre certains déterminants antigéniques du nerf périphérique.
C’est notamment le cas des neuropathies associées
à la maladie de Waldenström et aux dysglobulinémies
monoclonales « bénignes » à immunoglobulines M
(IgM).
Il s’agit le plus souvent dans ce cas de neuropathies
sensitives ataxiantes, avec atteinte préférentielle
des fibres myélinisées de gros diamètre.
Sur le plan électrophysiologique, il s’agit d’une neuropathie
démyélinisante avec un allongement marqué des
latences distales motrices.
L’immunoglobuline monoclonale
possède fréquemment une activité anti-MAG (myelin associated glycoprotein), et la biopsie peut
montrer des aspects typiques d’élargissement des
lamelles myéliniques en microscopie électronique.
Au
cours du très rare myélome ostéocondensant, on
rencontre dans plus de la moitié des cas un tableau
assez stéréotypé de neuropathie sensitivo-motrice ayant
les caractéristiques électrophysiologiques d’une polyradiculonévrite
chronique.
Ce tableau peut se compléter
pour former le syndrome POEMS (polyneuropathy,
organomegaly, endocrinopathy, M protein et skin
changes).
La neuropathie s’améliore parfois de façon
spectaculaire après une radiothérapie focalisée.
Au
cours du myélome multiple comme au cours des gammapathies
monoclonales bénignes de type IgG ou IgA,
différents types de neuropathies peuvent se voir : neuropathies
axonales sensitivo-motrices, neuropathies
démyélinisantes…
Enfin, toutes les gammapathies
monoclonales peuvent s’accompagner d’une amylose,
constituée de fragments polypeptidiques de chaînes
légères se déposant dans les tissus, où ils prennent
une configuration bêtaplissée, reconnaissable par la
coloration au rouge Congo.
Les neuropathies amyloïdes
acquises ont les mêmes caractéristiques électrocliniques
que les neuropathies amyloïdes héréditaires.
4- Cryoglobulinémies :
Les cryoglobulines sont des immunoglobulines précipitant
de manière réversible à 4 °C.
Les cryoglobulinémies
dites « essentielles » seraient associées dans près de 80 %
des cas à une sérologie positive pour le virus de l’hépatite C.
On rencontre principalement 2 types de neuropathies en
association avec les cryoglobulinémies : des mononeuropathies
multiples sévères avec signes généraux extraneurologiques
et vascularite nécrosante à la biopsie de nerfs,
qui répondraient favorablement aux immunosuppresseurs
et aux antiviraux (interféron α) ; et des polyneuropathies
axonales chroniques sensitives, souvent douloureuses,
assez rebelles aux différentes thérapeutiques.
H - Neuropathies vasculaires et neuropathies
au cours des maladies systémiques :
1- Périartérite noueuse
:
Cette vascularite systémique touche les vaisseaux de
moyen calibre et atteint fréquemment le système nerveux
périphérique.
Il s’agit le plus souvent d’une mononeuropathie
multiple d’évolution sévère, avec déficits
sensitivo-moteurs tronculaires fréquemment associés
à des douleurs.
Le diagnostic repose sur la biopsie nerveuse,
qui montre une vascularite nécrosante (infiltrats
inflammatoires et nécrose fibrinoïde des vaisseaux de
moyen calibre).
La perte axonale est généralement très
marquée.
Enfin, aux frontières de la périartérite noueuse,
on peut citer le syndrome de Churg et Strauss, qui associe
à l’atteinte nerveuse un asthme et une hyperéosinophilie
sanguine.
Le traitement de ces vascularites repose essentiellement
sur la corticothérapie, voire les immunosuppresseurs.
2- Lupus érythémateux aigu disséminé :
Cette maladie se complique de polyradiculonévrites
subaiguës ou chroniques, ou parfois de mononeuropathies
multiples du fait de la vascularite.
3- Polyarthrite rhumatoïde :
Plusieurs types de neuropathies peuvent être observés.
Des neuropathies par compressions dues aux déformations ostéo-articulaires, des neuropathies sensitives
axonales chroniques apparaissant tardivement dans
l’évolution de la maladie, et des mononeuropathies
multiples du fait de la vascularite.
4- Syndrome de Sjögren :
Cette maladie associe dans sa forme complète un syndrome
sec et une atteinte systémique.
Divers types de
neuropathies lui ont été associés.
Il s’agit principalement
de neuronopathies sensitives ataxiantes au cours
desquelles des infiltrats inflammatoires ont été observés
dans les ganglions rachidiens postérieurs. Des neuropathies
axonales sensitives et sensitivo-motrices
peuvent également se rencontrer.
I - Neuropathies héréditaires :
1- Maladie de Charcot-Marie-Tooth :
Les différents syndromes de neuropathie héréditaire
sensitivo-motrice regroupés sous cette
appellation ont pour caractéristique commune la présence
d’une amyotrophie péronière, diversement associée à
une scoliose et à des pieds creux.
L’atteinte motrice prédomine
sur les troubles sensitifs qui sont généralement
discrets.
Ces maladies sont très hétérogènes au plan
génétique, électrophysiologique et neuropathologique et
la présentation clinique peut être très variable au sein
d’une même famille.
2- Neuropathies héréditaires à rechutes
:
On en rencontre 2 types principaux.
• La neuropathie héréditaire avec hypersensibilité à la
pression (ou neuropathie tomaculaire).
Cette neuropathie
se présente sous la forme d’accès de paralysies
tronculaires et de troubles sensitifs, déclenchés par des
traumatismes ou des postures susceptibles de comprimer
les troncs nerveux, notamment dans les défilés anatomiques.
L’anomalie en cause est habituellement une
délétion d’une région de 1,5 mégabases sur le chromosome
17, contenant le gène de la PMP22 (protéine de la
myéline). Histologiquement, les fibres myélinisées
présentent des aspects d’hypermyélinisation aberrante,
prenant sur les coupes longitudinales (teasing) un aspect
en saucisses (ou tomacula).
• Les porphyries hépatiques, et notamment la porphyrie
aiguë intermittente, sont dues à des erreurs innées
du métabolisme de l’hème, et sont également à l’origine
d’une neuropathie axonale à rechutes, se présentant le
plus souvent sous la forme de paralysies ascendantes
simulant un syndrome de Guillain et Barré ou d’une
mononeuropathie multiple.
Les facteurs déclenchants
sont multiples (traitements médicamenteux, infections…).
La survenue d’accès de paralysie dans un
contexte évocateur (douleurs abdominales intenses,
émission d’urines foncées, troubles du comportement)
permet d’évoquer le diagnostic, qui est confirmé par
l’augmentation des porphyrines urinaires et du taux sanguin
d’acide delta-aminolévulinique.
3- Neuropathies amyloïdes héréditaires :
L’amylose héréditaire se présente sous la forme d’une
neuropathie axonale ascendante chronique, caractérisée
cliniquement par une hypoesthésie thermoalgique, des
douleurs et une dysautonomie. L’atteinte motrice est
généralement plus tardive et au second plan.
En règle
générale, l’évolution est sévère et le décès survient en
quelques années par complications rénales et (ou) cardiaques
et il n’existe actuellement aucun traitement efficace
pour cette maladie.
Le diagnostic de neuropathie
amyloïde repose sur la biopsie nerveuse.
Ces neuropathies
sont génétiquement hétérogènes et peuvent être
liées aux mutations de 3 gènes codant les protéines
suivantes : la transthyrétine, l’apolipoprotéine A1 et la
gelsoline.
L’évolution est mortelle en quelques années
et la transplantation hépatique est actuellement à l’étude
à titre de traitement curatif.
4- Autres neuropathies héréditaires :
De nombreuses autres neuropathies héréditaires sont
décrites telles que les neuropathies héréditaires sensitives
et dysautonomiques souvent responsables de
lésions trophiques cutanées et osseuses (acropathies
ulcéro-mutilantes).
Enfin, certaines maladies neurologiques
héréditaires associent atteinte du système
nerveux central et du système nerveux périphérique.
On peut citer pour mémoire la maladie de Refsum, les
leucodystrophies, l’abêtalipoprotéinémie, la maladie de
Friedreich, les cytopathies mitochondriales…
J - Autres neuropathies :
1- Neuropathies au cours des séjours
en réanimation :
De physiopathologie mal connue, ces neuropathies
s’observent habituellement dans un contexte de sepsis et
défaillance multiviscérale.
Le diagnostic est difficile
chez des patients sous assistance ventilatoire et sédation
profonde, et il est souvent évoqué devant des difficultés
de sevrage de la ventilation mécanique.
L’électrophysiologie
confirme la présence d’une neuropathie axonale souvent sévère.
L’évolution est le plus souvent
spontanément favorable, mais la récupération peut
prendre plusieurs mois.
2- Sarcoïdose :
Cette granulomatose peut se compliquer de manifestations
neurologiques centrales ou périphériques, au premier rang
desquelles on trouve la paralysie faciale périphérique.
Des polyneuropathies axonales, mononeuropathies multiples
et polyradiculonévrites ont également été décrites.
Neuropathies de cause indéterminée
Au terme d’un bilan étiologique bien conduit, 10 à 20 %
des neuropathies restent de cause indéterminée.
Il s’agit
presque toujours de neuropathies axonales, dont le suivi
permet parfois, plusieurs années après le début de la
neuropathie, d’identifier une cause potentielle.
Diagnostic
:
A - Approche clinique :
• L’interrogatoire permet de préciser les antécédents
personnels et familiaux, la prise de médicaments et l’exposition
éventuelle à des toxiques environnementaux.
Il recueille les doléances du patients : gêne motrice,
troubles sensitifs subjectifs (intensité, type et facteurs
déclenchants éventuels), troubles de l’équilibre, crampes,
tremblement, manifestations suggestives d’une dysautonomie
(troubles génito-urinaires, accélération du transit,
malaises évocateurs d’hypotension orthostatique,
troubles vasomoteurs, hypo- ou hypersudation) ; et il
précise les modalités évolutives (installation aiguë, subaiguë
ou chronique, évolution progressive ou à rechutes).
• L’examen clinique recherche des arguments objectifs
en faveur d’une neuropathie périphérique : troubles sensitifs
objectifs, aréflexie tendineuse, déficits moteurs, amyotrophie.
Il peut mettre en évidence des signes orientant
vers une neuropathie héréditaire : pieds creux, amyotrophie
péronière (« mollets de coq »), cyphoscoliose.
Il précise
la distribution spatiale des troubles : symétrie ou asymétrie,
atteinte d’un ou plusieurs troncs nerveux, atteinte
distale exclusive ou distale et proximale.
Il détermine en
outre les modalités de l’atteinte sensitive : troubles sensitifs
profonds (atteinte des grosses fibres myélinisées),
déficit thermoalgique isolé (atteinte des petites fibres myélinisées
et des fibres amyéliniques).
Un examen général
pourra parfois utilement orienter vers une cause précise.
B - Exploration électrophysiologique :
Elle joue actuellement un rôle crucial, en affirmant le
diagnostic de polyneuropathie, en déterminant l’étendue
et la distribution des lésions, et en précisant le mécanisme
probable de l’atteinte nerveuse : atteinte myélinique,
axonopathie, neuronopathie sensitive, neuronopathie
motrice. Cette exploration permet également de préciser
la sévérité des lésions en vue du pronostic.
L’exploration
électrique des nerfs et des muscles ne peut apporter des
renseignements utiles que lorsqu’elle s’appuie sur un
examen clinique complet et répond à des questions précises.
C - Diagnostic électro-clinique :
Au terme du premier bilan que constituent l’examen clinique
et l’exploration électrophysiologique, le clinicien
doit, dans le meilleur des cas être en mesure de porter un
diagnostic électro-clinique, précisant le mode d’installation
et l’évolution des symptômes et signes, le type de fibres
nerveuses atteintes, la distribution des lésions, le processus
pathologique supposé et la sévérité de l’atteinte.
D - Bilan de première intention :
Il comprend un certain nombre d’examens simples qui
peuvent permettre de mettre en évidence une cause, ou
au moins d’orienter vers certaines causes.
Ce bilan peut
comprendre : numération formule sanguine plaquettes,
vitesse de sédimentation, ionogramme sanguin, urée,
créatinine, aspartate aminotransférase (ASAT), alanine
aminotransférase (ALAT), phosphatases alcalines,
gamma GT, glycémie à jeun et post-prandiale, électrophorèse
des protéines sériques, immuno-électrophorèse
(sang et urines) avec immunofixation, folates, B12, T4,
TSHus, sérologie du virus de l’immunodéficience
humaine, radiographie du thorax.
Bilan selon le contexte et le type
de neuropathie
1- Sérologies :
• Borrelia : si le contexte est évocateur de méningoradiculonévrite
après morsure de tique.
• Hépatite B : surtout utile dans un contexte de mononeuropathie
multiple si une périartérite noueuse est suspectée.
• Hépatite C : devant une mononeuropathie multiple
ou neuropathie axonale sensitive, surtout en cas de
cryoglobulinémie.
• Campylobacter jejuni : en cas de suspicion de syndrome
de Guillain et Barré.
2- Examens immunologiques :
Anticorps antinucléaires, anticorps anti-DNA, anticorps
anti-SSA, anti-SSB, anticorps anticytoplasme des polynucléaires
(ANCA), enzyme de conversion de l’angiotensine
: ces recherches sont intéressantes si l’on suspecte
une maladie systémique ou une vascularite associée.
3- Ponction lombaire :
Elle présente 3 intérêts principaux : étayer un diagnostic
de polyradiculonévrite aiguë ou chronique en montrant
une hyperprotéinorachie isolée ; rechercher une méningite
lymphocytaire associée à la neuropathie (dans le
cadre d’une méningoradiculonévrite), et la présence
éventuelle de micro-organismes par sérologie ou polymerase
chain reaction (borréliose) ; mettre en évidence
des cellules anormales, notamment si on suspecte un
lymphome malin avec infiltration radiculaire.
4- Autres :
Selon le contexte, on peut être amené à pratiquer divers
examens tels que le scanner thoraco-abdomino-pelvien,
des radiographies du squelette, une biopsie ostéomédullaire
à la recherche d’un cancer solide ou d’un
lymphome malin ; une biopsie des glandes salivaires
accessoires (pour confirmer un diagnostic de syndrome
de Sjögren ou d’amylose) ; une recherche d’anticorps
anti-HU (si on craint une neuronopathie sensitive subaiguë
supposée paranéoplasique).
Une biopsie musculaire
peut être indiquée pour rechercher une cytopathie
mitochondriale en cas de contexte évocateur (atteinte
oculomotrice, signes centraux, ataxie…).
5- Place de la biopsie nerveuse :
L’examen histopathologique du nerf périphérique a
perdu de son intérêt pour le diagnostic des neuropathies
héréditaires, où il est supplanté par la génétique moléculaire,
et dans les polyradiculonévrites chroniques, où
l’analyse électro-clinique combinée à celle du liquide
céphalo-rachidien peut suffire pour le diagnostic.
Dans
ces neuropathies, la biopsie garde un intérêt pour les cas
atypiques et à titre de recherche.
Les principales indications
actuelles de la biopsie nerveuse sont les suivantes :
mettre en évidence une vascularite, généralement devant
une mononeuropathie multiple ou une polyneuropathie
axonale d’évolution rapide et sévère ; rechercher une amylose
devant une neuropathie axonale de cause indéterminée
après un bilan approfondi ; affirmer une infiltration
lymphomateuse, surtout si il y a une altération de l’état
général et une neuropathie douloureuse ; confirmer une
lèpre ou une sarcoïdose.
6- Étude génétique :
Un diagnostic moléculaire est disponible pour les
formes démyélinisantes de transmission autosomique
dominante de la maladie de Charcot-Marie-Tooth, pour
la forme dominante liée à l’X de cette même maladie, et
pour les neuropathies amyloïdes héréditaires.