Le traitement de l’anémie s’est longtemps limité aux seules
transfusions, la prescription tenant compte d’un éventuel
phénomène d’hémodilution.
L’anémie, fréquente au moment du
diagnostic, peut se corriger chez les patients répondeurs au
traitement, mais il n’est pas rare de la voir persister tout au long de
l’évolution, sous une forme modérée qui ne justifie pas la
transfusion, mais réduit cependant la qualité de vie des malades.
De
nombreuses études ont utilisé l’érythropoïétine humaine
recombinante avec des taux de réponse (élévation d’au moins
2 g/dL du taux d’hémoglobine) de 58 à 85 %.
L’étude la plus
importante a concerné 145 patients qui ont reçu des posologies
d’érythropoïétine de 150 ou 300 UI/kg, trois fois par semaine (69
patients) ou un placebo (76 patients).
Cette étude randomisée
comportait une phase en double aveugle de 12 semaines, durant
laquelle l’incidence des transfusions a été significativement réduite
chez les patients recevant l’érythropoïétine (28 versus 47 %),
indépendamment de l’histoire transfusionnelle des patients.
Avec
l’érythropoïétine, 38 patients (58 %) ont augmenté leur taux
d’hémoglobine d’au moins 2 g/dL, et 33 patients (45,5 %) l’ont élevé
à une valeur ³ 12 g/dL, sans nécessité de transfusion.
Chez les
répondeurs au traitement, la durée moyenne pour une élévation de
plus de 2 g/dL du taux d’hémoglobine a été de 46 jours.
L’érythropoïétine est bien tolérée, et la réponse au traitement
améliore la qualité de vie des patients.
2- Insuffisance rénale et myélome
:
Une insuffisance rénale modérée est souvent réversible avec la mise
en route de la chimiothérapie, la réhydratation et la correction d’une
éventuelle hypercalcémie.
Dans une série récente, 26 % des patients
retrouvaient une fonction rénale normale, et les facteurs prédictifs
d’une récupération étaient un taux initial de créatinine sérique <
40 mg/L, une calcémie ³ 115 mg/L et une protéinurie de Bence
Jones < 1 g/24 heures.
Dans la moitié des cas, le retour à une
fonction rénale normale se fait dans un délai de 6 semaines mais
des récupérations plus tardives sont possibles.
L’insuffisance rénale ne constitue pas par elle-même un facteur de résistance à la
chimiothérapie, mais les décès précoces sont plus fréquents chez les
patients insuffisants rénaux, observés dans les 2 mois chez 30 % des
patients, alors qu’ils ne concernent que 7 % des patients à fonction
rénale normale.
Lorsqu’on exclut ces décès précoces de l’analyse de
survie, la réponse à la chimiothérapie est identique chez les patients
avec ou sans insuffisance rénale.
La situation est comparable chez
les patients nécessitant l’hémodialyse dès le diagnostic, puisque ceux
qui survivent au moins 2 mois ont un taux de réponse à la
chimiothérapie de 40 % et une médiane de survie d’environ 2 ans,
avec 30 % de longs survivants.
Un apport hydrique suffisant est
important pour faciliter l’excrétion de la protéine de Bence Jones, du
calcium, de l’acide urique et d’autres métabolites.
Dans un essai
randomisé mené par le Medical Research Council britannique
(MRC), il a été montré qu’un apport hydrique au moins égal à
3 L/jour pouvait améliorer ou corriger l’insuffisance rénale chez
39/73 patients.
Les échanges plasmatiques pourraient avoir une
place dans le traitement de l’insuffisance rénale aiguë, associés à la
chimiothérapie et si nécessaire à l’hémodialyse, mais les études
contrôlées sont rares et divergentes.
3- Traitement des infections
:
Les infections évolutives sont traitées par une antibiothérapie
précoce, en évitant si possible les antibiotiques néphrotoxiques.
Les
traitements préventifs, qu’il s’agisse de l’antibiothérapie
prophylactique, des perfusions d’immunoglobulines polyvalentes ou
de la vaccination antipneumococcique, restent en revanche
beaucoup plus discutés. Dans une étude portant sur 57 patients,
l’administration de triméthoprime-sulfaméthoxazole durant les 2
premiers mois du traitement initial s’est avérée efficace, mais 25 %
des patients ont dû interrompre le traitement pour toxicité.
Une
étude randomisée a aussi montré l’intérêt des immunoglobulines
polyvalentes à forte posologie (400 mg/kg/j par voie intraveineuse,
une fois par mois, pendant 1 an) dans la prévention des infections
chez des patients en phase de plateau.
Les patients tirant le plus
grand bénéfice de cette attitude étaient ceux dont la réponse
anticorps IgG à la vaccination antipneumococcique était faible.
Il
reste que la perfusion d’immunoglobulines polyvalentes chez des
patients en phase de plateau n’est pas de pratique courante, du fait
sans doute de la relative rareté des infections à ce stade de
l’hémopathie.
Le recours aux vaccinations antipneumococcique et
anti-Haemophilus influenzae type B est controversé.
Seuls 19 % des
patients obtiennent un titre anticorps protecteur après vaccination
anti-Haemophilus type B.
Après vaccination antipneumococcique,
38 % à 61 % des patients n’obtiennent pas de réponse immune
protectrice.
Ainsi, certains auteurs ne recommandent pas ces
vaccinations alors que d’autres, eu égard à la possibilité de protéger
certains patients, au faible coût et à l’absence de toxicité, considérent
qu’elles peuvent être proposées.
4- Traitement des complications osseuses et des épisodes hypercalcémiques
:
La chimiothérapie est souvent le plus efficace des traitements
antalgiques.
L’existence de douleurs osseuses doit faire prescrire des
antalgiques en quantité suffisante, débutant par le paracétamol mais
en n’hésitant pas à utiliser les morphiniques.
La radiothérapie
localisée peut être indiquée sur un foyer tumoral particulièrement
douloureux ou sur un site douloureux circonscrit, persistant malgré
la chimiothérapie.
Certaines lésions (vertèbres, cotyle) peuvent
parfois bénéficier d’une cimentoplastie.
Une lésion lytique à haut
risque de fracture, sur un fémur ou un humérus, peut justifier une
chirurgie orthopédique préventive (enclouage centromédullaire),
complétée par la radiothérapie localisée.
Les épidurites et
compressions médullaires sont des urgences.
Il faudra faire la part,
après IRM et un avis neurochirurgical, entre les patients chez qui
une laminectomie décompressive est nécessaire (souvent suivie
d’une radiothérapie), et ceux pour lesquels la chirurgie pourra être
évitée grâce à la radiothérapie, volontiers associée à la
dexaméthasone à forte posologie.
Les épisodes hypercalcémiques
sont devenus moins fréquents, du fait de l’utilisation large des
bisphosphonates.
L’hypercalcémie est une urgence thérapeutique,
dont le traitement repose sur l’hydradation, les bisphosphonates et
la mise en route (ou la modification) de la chimiothérapie.
5- Traitement du syndrome d’hyperviscosité :
Le traitement du syndrome d’hyperviscosité associe les échanges
plasmatiques (plasmaphérèses) et la mise en route rapide de la
chimiothérapie
B - TRAITEMENT ANTITUMORAL :
1- Patients concernés :
Il est admis qu’il n’y a pas d’indication à instituer la chimiothérapie
chez les patients asymptomatiques à faible masse tumorale, souvent
définis par le stade I de la classification pronostique de Durie et
Salmon.
Le début précoce d’une chimiothérapie non intensive
comportant des agents alkylants n’augmente pas les taux et durée
de réponse, et n’allonge pas la survie.
La décision de mise en
route du traitement doit être prise sur la base d’un bilan initial
complet.
C’est finalement « ni trop tôt, ni trop tard » que le
traitement doit être entrepris, excluant de la chimiothérapie des
patients dont la maladie, en faible quantité et stable, pourra rester
quiescente pendant plusieurs années, et, à l’inverse, mettant le
traitement en place avant la survenue de complications.
Cette voie
est parfois étroite, à tel point que l’on estime à environ 10 % la
proportion de malades inclus « en excès » dans des essais
thérapeutiques.
Avec une maladie quiescente, ils sont volontiers non
répondeurs à la chimiothérapie, alimentant un groupe inattendu de
« mauvais répondeurs - longs survivants ».
2- Médicaments essentiels
:
Schématiquement, les médicaments les plus actifs sont les alkylants
(melphalan ou cyclophosphamide, respectivement commercialisés
sous les noms d’Alkérant et d’Endoxant), les corticoïdes
(dexaméthasone à forte posologie) et le thalidomide.
Ils pourraient
être rejoints dans un proche avenir par certains analogues du
thalidomide et des inhibiteurs du protéasome.
Le melphalan est la
drogue la plus prescrite, à faible posologie par voie orale dans les
protocoles de chimiothérapie conventionnelle, et à forte dose par
voie intraveineuse dans les traitements intensifs avec autogreffe de
cellules souches hématopoïétiques (CSH).
Le concept d’un
traitement intensif destiné aux « sujets jeunes », par opposition à des
traitements non intensifs avec des posologies conventionnelles d’antimitotiques, réservés aux « sujets âgés », est récent et lié aux
progrès thérapeutiques accomplis depuis environ 15 ans.
3- Traitements conventionnels :
Il est généralement admis que l’association melphalan-prednisone
(MP) reste le traitement de référence.
La chimiothérapie MP a fait
l’objet de nombreuses adaptations, avec différentes posologies de prednisone et des espacements variables des cures (4 ou 6 semaines).
La version princeps est l’association melphalan 0,25 mg/kg/j et
prednisone 2 mg/kg/j par voie orale, 4 jours consécutifs toutes les
6 semaines.
La reconnaissance depuis près de 30 ans de
l’association MP comme traitement conventionnel de référence doit
être assortie de certains commentaires.
Le cyclosphophamide est
aussi efficace que le melphalan, et l’adjonction de la prednisone aux
posologies standards de 1 à 2 mg/kg/j n’a pas d’intérêt antitumoral,
de même que l’association de la vincristine.
Ces résultats sont en
particulier ceux des essais thérapeutiques menés par le Medical
Research Council britannique entre 1964 et 1982.
La méta-analyse de 27 essais thérapeutiques (6 633
patients) ayant comparé la chimiothérapie MP à des
polychimiothérapies conventionnelles n’a pas retrouvé, sur la survie,
d’avantage à ces dernières.
Dans une autre méta-analyse, les
patients de bon pronostic semblaient évoluer plus favorablement
avec la chimiothérapie MP alors que les patients à risque élevé
bénéficiaient de la polychimiothérapie, mais là encore aucune
différence de survie n’était significative.
La polychimiothérapie
associant vincristine, doxorubicine et dexaméthasone (VAD) (ou son
équivalent VAMP utilisant la méthylprednisolone à la place de la
dexaméthasone) a l’avantage d’une cytoréduction rapide, mais ne
s’est pas non plus avérée capable de prolonger la survie des patients
lorsqu’elle est prescrite au diagnostic.
La place du VAD tend
aujourd’hui à se réduire à la phase de réduction tumorale, d’une
durée de 3 à 5 mois, avant traitement intensif.
La dexaméthasone
seule à forte posologie (selon les mêmes modalités que dans le
protocole VAD) a également été proposée comme traitement initial
du MM.
Il s’agit d’un traitement différent de la prednisone aux
posologies de 1 à 2 mg/kg/j en ce sens qu’il a parfois un réel effet
antitumoral, mais il ne s’est pas avéré supérieur à l’association MP
sur la survie, et a même été inférieur aux chimiothérapies
comportant un alkylant sur la survie sans progression.
La méta-analyse récente des essais comportant l’interféron alpha ne
plaide pas vraiment en faveur de la prescription de cette molécule,
l’avantage très modeste de survie qu’elle pourrait conférer à certains
patients étant à mettre en balance avec une tolérance souvent
médiocre.
L’intérêt d’un traitement d’entretien par de faibles
doses de prednisone a été étudié dans un essai du groupe SWOG,
sur 126 patients répondeurs à une chimiothérapie d’induction
proche du VAD.
Les patients avaient reçu après randomisation la prednisone à la posologie de 10 ou 50 mg/j, un jour sur deux.
La
survie sans progression à partir de la randomisation était
significativement plus longue chez les patients recevant la prednisone à 50 mg (14 versus 5 mois), de même que la survie
globale (37 versus 26 mois).
4- Traitements intensifs avec greffe de cellules souches
hématopoïétiques (CSH)
:
* Acquis
:
Plusieurs études ont rapporté la supériorité du traitement intensif
avec autogreffe de CSH par rapport au traitement conventionnel.
Dans le protocole de l’Intergroupe francophone du myélome
(IFM) 90, première étude randomisée ayant comparé en première
ligne thérapeutique traitements standard et intensif, les patients
recevaient la polychimiothérapie conventionnelle alternant VMCP
et VBAP (vincristine-melphalan-cyclophosphamide-prednisone/
vincristine-carmustine-adriamycine-prednisone) ou une autogreffe
de moelle osseuse avec un conditionnement par le melphalan
140 mg/m2 associé à l’irradiation corporelle totale (8 Gy).
Cette
étude, menée sur 200 patients d’âge inférieur à 65 ans, a montré
l’avantage du traitement intensif en termes de taux de réponse (81 %
versus 57 %), de réponse complète (22 % versus 5 %), de survie sans
progression à 5 ans (28 % versus 10 %) et de survie globale (52 %
versus 12 %).
Ces résultats font du traitement intensif le traitement
de choix des sujets jeunes, même si une étude a rapporté une survie
comparable, chez ces patients jeunes, avec le traitement
conventionnel.
Il existe maintenant un consensus pour
administrer le traitement intensif d’emblée, même si les résultats
d’une autogreffe de rattrapage, au moment de la première rechute,
avec des cellules souches collectées au diagnostic, sont identiques à
ceux de l’autogreffe d’emblée.
La limite d’âge au-delà de laquelle les patients ne relèvent plus du traitement intensif mais du
traitement standard varie selon les équipes.
Elle est souvent fixée à
65 ans, mais certains estiment que l’autogreffe doit être discutée chez
des patients jusqu’à 75 ans voire au-delà.
Des progrès ont été
accomplis dans la procédure d’autogreffe et les critères de réponse
ont été clarifiés.
Les cellules souches hématopoïétiques du sang
périphérique (CSP) constituent maintenant le greffon de référence,
du fait de leur moindre contamination par les cellules tumorales
et d’une prise de greffe plus rapide.
Le conditionnement par le melphalan seul, à la posologie de 200 mg/m2, est le plus habituel.
Dans un essai de l’IFM, il s’est avéré moins toxique sur le plan
hématologique et digestif (mucite) et au moins aussi efficace que
l’association melphalan 140 mg/m2 et irradiation corporelle totale
(8 Gy).
Deux études ont concerné les résultats de l’autogreffe de CSH chez des patients présentant une insuffisance rénale.
L’insuffisance rénale n’influe pas sur la qualité de la collecte de CSH
et la prise de greffe.
Les décès toxiques sont plus fréquents dans
l’étude comportant une procédure de double autogreffe, à hauteur
de 6 % à la première et 13 % à la seconde autogreffe. Un
conditionnement par le melphalan à 140 mg/m2 paraît préférable
au melphalan 200 mg/m2.
Globalement, l’existence d’une
insuffisance rénale ne constitue pas en soi un critère d’exclusion à
l’autogreffe, même si celle-ci doit être fortement discutée chez des
patients en mauvais état général avec une insuffisance rénale sévère
(créatinine > 50 mg/L).
À ce jour, on peut considérer le traitement de référence du MM du
sujet jeune comme représenté par une ou deux autogreffe(s) de CSP
avec un conditionnement par le melphalan à forte posologie.
Si les
patients sont correctement sélectionnés, les décès d’origine toxique
sont rares (1 à 3 %) avec des taux de rémission complète de l’ordre
de 30 % après une autogreffe, 50 % après deux autogreffes, et une
survie médiane supérieure à 5 ans, soit 2 à 3 ans supérieure à celle
observée après traitement conventionnel.
La réalisation d’une allogreffe CSH avec un conditionnement
myéloablatif et un donneur familial HLA identique reste très
controversée, 10 ans après la publication de l’étude princeps du
groupe européen (European Bone Marrow Transplantation Group,
EBMT).
Même si les résultats se sont améliorés dans la deuxième
partie des années 1990, avec une réduction de la mortalité infectieuse
et des pneumopathies interstitielles, les décès liés à la greffe restent
à hauteur de 21 % à 6 mois et 30 % à 2 ans dans la dernière étude de
l’EBMT.
Une réponse complète est obtenue chez environ 50 % des
patients.
Les survies actuarielles à 4 et 10 ans, pour la période la
plus récente (1994-1998), sont respectivement de 50 et 18 %.
* Améliorer les résultats des traitements intensifs actuels :
+ Vers l’identification des patients en échec aux traitements intensifs
actuels
:
De précieuses informations pronostiques ont été obtenues par la
cytogénétique appliquée à de grandes séries de patients recevant un
traitement intensif.
L’anomalie -13/13q-, détectée par
cytogénétique conventionnelle ou mieux par FISH, est assortie d’un
mauvais pronostic.
Dans une étude sur 1 000 patients, l’anomalie
-13q/13q- réduisait, au terme de 5 ans, la survie sans progression de
20 à 0 % et la survie globale de 44 à 16 %.
À l’inverse, une rémission
complète persistante était observée chez 52 % des patients sans
-13/13q-, à b2m et CRP basses et avec un traitement précédant
l’intensification inférieur à 12 mois.
Dans une série de l’IFM, les
patients avec -13/13q- et une b2m ³ 2,5 mg/L avaient une survie
médiane de seulement 25 mois.
Dans une autre série, un sousgroupe
de 22 patients avec une translocation t(4 ; 14)(p16 ; q32) avait
une survie médiane de 33 mois.
Ces patients en échec sont
candidats à des traitements innovants.
+ Améliorer les résultats de l’autogreffe :
La supériorité d’un traitement comportant deux autogreffes
consécutives par rapport à une seule autogreffe, au moins pour
certains patients âgés de moins de 60 ans, vient d’être rapportée
dans un essai thérapeutique français(3).
Des progrès pourraient venir
également d’autogreffes à conditionnement renforcé, de type melphalan 220 mg/m2, seul ou avec un anticorps monoclonal anti-IL
6.
Quasiment tous les patients rechutent après l’autogreffe.
Un traitement d’entretien serait en théorie intéressant pour
maintenir ou atteindre un état de rémission complète.
Une seule
étude randomisée a utilisé l’interféron alpha en traitement
d’entretien après autogreffe, sans démonstration d’un bénéfice.
L’immunothérapie utilisant des cellules dendritiques et l’idiotype
comme antigène spécifique de tumeur est faisable et bien tolérée,
mais son intérêt clinique réel n’a pas été démontré.
Le groupe
de l’Arkansas a recours à la polychimiothérapie DCEP
(dexaméthasone, cyclophosphamide, étoposide, cisplatine) avec une
amélioration possible de la survie sans progression et de la survie
globale.
Les bisphosphonates et le thalidomide, seuls ou associés,
sont également des candidats potentiels pour le traitement
d’entretien.
+ Extension du traitement intensif à des patients plus âgés
:
Le groupe de l’Arkansas a comparé les résultats de la double
autogreffe chez 49 patients d’âge supérieur à 65 ans et 49 patients
plus jeunes appariés sur les facteurs pronostiques.
Aucune différence
n’a été observée sur l’ensemble des paramètres du traitement
intensif : qualité de la collecte de CSP, décès ou toxicité de grade
3/4 liés à la procédure, fréquence de réalisation de la seconde
autogreffe, médiane de survie sans progression et de survie globale.
Dans cette étude, l’âge ne constituait pas un facteur pronostique, et
les auteurs concluaient qu’il ne devait pas, par lui-même, faire
exclure les patients d’un schéma de traitement intensif.
Le groupe de Turin a adapté le traitement intensif aux patients plus
âgés, avec une procédure comportant deux ou trois séquences de melphalan 100 mg/m2.
L’évolution de 71 patients âgés de 55 à
75 ans a été comparée à celle de 71 patients appariés recevant la
chimiothérapie conventionnelle MP.
Le schéma melphalan
100 mg/m2 s’est avéré faisable et bien toléré, sans décès toxique.
Il
s’est montré supérieur à la chimiothérapie MP en termes de taux de
rémission complète (47 % versus 5 %), de survie sans progression
(médiane 34 versus 18 mois) et de survie globale (56 versus 48 mois).
Une autre approche pour réduire la morbidité de l’autogreffe
pourrait être représentée par l’expansion ex vivo des progéniteurs
hématopoïétiques CD34+.
+ Allogreffes avec conditionnement non myéloablatif :
L’effet « greffe contre myélome » a été maintenant démontré
et les transfusions de lymphocytes du donneur peuvent être efficaces
en cas de rechute après allogreffe.
L’avenir est sans doute aux
allogreffes avec conditionnement non myéloablatif (le terme le plus
juste serait en fait celui d’immunothérapie par greffe allogénique
sans myéloablation) ou T déplétées avec infusions de lymphocytes
du donneur.
Ces traitements n’en sont toutefois qu’à une phase
préliminaire de développement, appliqués à des patients au
diagnostic avec des critères de très mauvais pronostic ou lors de la
rechute, la réaction de greffon contre l’hôte restant une complication
significative.
Certains protocoles actuels utilisent une première
autogreffe délivrée à titre de réduction tumorale, suivie d’une
allogreffe à conditionnement non myéloablatif.
C - TRAITEMENT PAR LES BISPHOSPHONATES :
Les années 1990 ont été celles de l’expertise de nombreux
bisphosphonates, nul ne contestant aujourd’hui leur aptitude à
réduire la fréquence des événements osseux au cours du MM.
L’efficacité et la bonne tolérance des bisphosphonates ont été
affirmées dans plusieurs essais randomisés contre placebo, avec le
clodronate (Clastobant, Lytost) par voie orale (à 1 600 et 2 400 mg/j) et le pamidronate (Arédiat) par voie intraveineuse
(90 mg, en perfusion intraveineuse, toutes les 4 semaines).
L’acide zolédronique (Zométat) est au moins aussi efficace que le
pamidronate.
Globalement, selon les études, les événements
osseux (fractures, épisodes hypercalcémiques, indication de
radiothérapie) sont réduits de 20 à 60 % par l’utilisation des
bisphosphonates.
Le choix du bisphosphonate reste
discuté, mais il y a maintenant un consensus sur la prescription, en
association avec la chimiothérapie, dès le diagnostic dans le MM
symptomatique, a priori de façon définitive.
Les études contre placebo ne font peut-être que clore une première
étape de développement, puisque certains bisphosphonates
possèdent, sans que le bénéfice clinique soit à ce jour établi, des
effets antitumoraux in vitro, directs ou par l’intermédiaire d’une
stimulation de certains lymphocytes T.
L’intérêt des bisphosphonates dans le MM asymptomatique à faible masse
tumorale ne requérant pas de chimiothérapie est une question non
résolue.
En théorie, leur prescription pourrait être justifiée, du fait
de la précocité de l’hyperrésorption ostéoclastique et même de leur
effet antitumoral potentiel.
L’analyse à long terme (médiane de suivi
d’environ 9 ans) du protocole MRC VI du Medical Research Council
britannique semble aller dans ce sens.
Dans ce protocole, 535
patients traités par polychimiothérapie (ABCM ou ABCMP) avaient
reçu le clodronate ou un placebo.
Si, globalement, la survie n’était
pas meilleure dans le groupe clodronate, l’analyse du sous-groupe
de 153 patients sans fractures osseuses au diagnostic montrait un
avantage de survie statistiquement significatif pour les patients
recevant le clodronate (59 versus 37 mois).
Des approches
alternatives ou complémentaires aux traitements par bisphosphonates sont à l’étude, consistant en particulier en
l’intervention sur le système OPG/RANK-L.
Certaines de ces
molécules pourraient à terme être associées aux bisphosphonates,
pour un meilleur contrôle de l’ostéopathie.
D - TRAITEMENT PAR LE THALIDOMIDE
:
Le thalidomide s’est récemment imposé comme un traitement
efficace du MM. Chez des patients en rechute, cadre
habituel de la prescription actuelle, 30 à 50 % des patients sont
répondeurs.
Les résultats sont proches de ceux obtenus par le melphalan en première ligne de traitement, faisant du
thalidomide, avec le traitement intensif, le progrès thérapeutique
le plus significatif des trente dernières années.
Au rang des
avantages du thalidomide, il faut aussi citer l’absence de toxicités
rénale et hématologique significatives, favorable à l’association
avec d’autres drogues.
Les associations avec la dexaméthasone
ont été rapportées, avec des taux de réponse de l’ordre de 50 %.
Les réponses thérapeutiques sont rapides, observées dans les
2 mois chez 80 % des répondeurs, et presque toujours dans
les 4 mois.
Elles vont de pair avec une amélioration de l’état
général, une réduction des douleurs osseuses, de la
consommation d’antalgiques, et une correction souvent franche
et rapide de l’anémie. Posologie et durée de traitement optimales
ne sont pas connues.
Les posologies utilisées ont varié entre 200
et 800 mg/j, mais la tendance actuelle est plutôt de prescrire 200
à 400 mg/j, et on sait qu’il existe des patients qui répondent aux
faibles doses de 50 ou 100 mg/j.
Les mécanismes d’action du
thalidomide restent imparfaitement connus, combinant une
action directe sur la croissance du clone tumoral, des effets antiangiogéniques et immunomodulateurs, y compris sur des
cellules myélomateuses résistantes à la chimiothérapie.
Le
thalidomide est maintenant étudié à d’autres phases évolutives
du MM.
Dans le MM indolent, il obtient, à des posologies de 200
à 800 mg/j, 38 % de réponses partielles.
En association avec
la dexaméthasone dans le MM au diagnostic, le taux de réponses
partielles s’élève à 77 %, ce qui en fait un équivalent oral de la
polychimiothérapie VAD (vincristine, adriamycine,
dexaméthasone).
E - TRAITEMENTS INNOVANTS :
Diverses molécules, exprimées à la surface des cellules
myélomateuses, ont été considérées comme des cibles potentielles
dans le cadre d’une immunothérapie passive (CD20, CD38, CD54,
CD138, HM1.24) mais plusieurs de ces antigènes sont exprimés dans
des tissus sains.
Les plasmocytes malins n’expriment CD20 que
chez environ 20 % des patients, ce qui limite l’intérêt thérapeutique
des anticorps monoclonaux anti-CD20 (rituximab).
Dans des études
préliminaires, comprenant des nombres limités de patients, une
réponse partielle ou une stabilisation a été obtenue, chez certains
patients dont les plasmocytes étaient positifs pour le CD20.
L’idiotype de la protéine monoclonale est l’antigène spécifique de
tumeur qui a été le plus considéré dans les essais de vaccination.
Les vaccins, administrés à des phases évolutives variables de
l’hémopathie, ont utilisé parfois l’idiotype seul, mais plus souvent
porté par la protéine KLH ou introduit dans des cellules
dendritiques, avec ou sans association à un facteur de croissance
(GM-CSF, IL 2).
Ils ont été bien tolérés, à l’occasion suivis de
réponses immunes T prolifératives spécifiques de l’idiotype, mais
leur réel bénéfice clinique reste à établir.
Dans ce
domaine, des progrès sont à accomplir dans une meilleure
caractérisation des réponses immunologiques, et peut-être avec la
conception de nouveaux vaccins à acide désoxyribonucléique
(ADN).
Après stimulation par des cellules dendritiques portant
l’idiotype tumoral, il est possible de générer et d’expandre ex vivo
des cellules T autologues spécifiques de la tumeur.
Une telle
immunisation pourrait être appliquée à des cellules mononucléées
de donneur sain, alternative à la technique d’immunisation in vivo
des donneurs qui a permis le transfert lors de l’allogreffe d’une
immunité T spécifique.
Les protocoles de thérapie génique, presque toujours en phase préclinique, cherchent surtout à améliorer le transfert de gène, avec
des vecteurs viraux (rétrovirus, adénovirus) ou non viraux.
Des
approches de type gène-suicide, avec la thymidine kinase du virus
herpès simplex, ont été explorées sur des cellules en lignées et des
souris SCID, ainsi que pour la purge in vitro des cellules
myélomateuses.
Dans un protocole clinique, le transfert par
vecteur adénoviral du gène de l’IL 2 dans une tumeur plasmocytaire
a pu être affirmé, mais sans effet clinique sur la lésion.
Comme le thalidomide, les molécules innovantes en cours
d’investigation ciblent les cellules tumorales et l’environnement
médullaire.
Le trioxyde d’arsenic réduit la prolifération et induit
l’apoptose des cellules myélomateuses, et ses effets in vitro sont
renforcés par l’acide ascorbique.
Dans une étude très limitée,
menée chez 14 patients atteints d’un MM réfractaire, trois patients
ont obtenu une réponse, avec une tolérance considérée comme
acceptable.
Une classe thérapeutique prometteuse est représentée
par les analogues du thalidomide, qui comprennent les inhibiteurs
de la phosphodiestérase 4 inhibant le tumor necrosis factor (TNF)a
(selected cytokine inhibitory drugs ou SelCIDs) et les molécules
stimulant la prolifération lymphocytaire, avec production d’IL 2 et
d’interféron c (immunomodulary drugs ou IMiDs).
Le premier IMiD
disponible en clinique sera le Revimidt (anciennement CC 5013),
médicament administré par voie orale.
Dans l’étude de phase I, qui
concernait des patients en rechute et réfractaires, 17 (71 %) et 7
(30 %) des 24 patients traités ont obtenu respectivement une
réduction de plus de 25 % et 50 % de la protéine monoclonale, les
réponses pouvant s’observer chez des patients antérieurement
exposés au thalidomide.
Le MM est un bon candidat au
traitement par les inhibiteurs du protéasome.
Le protéasome est une
enzyme complexe, formée de nombreuses sous-unités protéiques,
qui reconnaît et détruit les protéines marquées par une autre
molécule, l’ubiquitine.
La voie dite « ubiquitine-protéasome » est un
système protéolytique majeur présent dans de nombreux types
cellulaires, dégradant par exemple des facteurs de transcription, des
enzymes et des protéines régulatrices du cycle cellulaire.
Le bortezomid (anciennement PS-341, Velcadet) est un inhibiteur
spécifique et puissant du protéasome qui réduit la prolifération et
induit l’apoptose des cellules myélomateuses, diminue l’adhérence
des cellules malignes à l’environnement médullaire et l’activation
délétère de NF-jB, et a des effets antiangiogéniques.
Le schéma thérapeutique actuel utilise le bortezomid par voie
intraveineuse aux jours 1, 4, 8 et 11 d’un cycle de 21 jours, jusqu’à
huit cycles.
Les premiers résultats cliniques disponibles font état,
chez des patients atteints d’un MM réfractaire, d’un taux de réponse
ou de stabilisation de l’hémopathie de 68 %, avec 32 % de réponses
au moins partielles (réduction de plus de 50 % de la protéine
monoclonale) et 13 % de réponses complètes ou quasi complètes.
Ces résultats sont très encourageants, d’autant qu’ils sont obtenus
chez des patients en phase très avancée du MM, souvent greffés et
ayant reçu du thalidomide, et que le bortezomid ne fait sans doute
qu’inaugurer une nouvelle classe thérapeutique.
Même s’il est
encore tôt pour se prononcer, on ne peut exclure que ces molécules
modifient en profondeur le traitement du MM.
Évolution sous traitement :
A - DÉFINITION DE LA RÉPONSE. NOTION DE PHASE
DE PLATEAU. RECHUTES :
L’évolution du MM symptomatique ne se conçoit que traitée.
La
réponse thérapeutique est jugée sur la disparition des signes
cliniques et la réduction des anomalies biologiques, en particulier
du taux de la protéine monoclonale sérique et/ou urinaire (critère
usuel de réponse).
La réponse complète se définit par la
normalisation de la moelle osseuse et la disparition du composant
monoclonal.
Les patients répondeurs atteignent une phase
d’indolence de la maladie, dite « phase de plateau », à des niveaux
divers de masse tumorale, pendant laquelle la poursuite des alkylants est inutile voire préjudiciable (accroissement du risque de
syndrome myélodysplasique secondaire).
La « phase de plateau »
correspond à une diminution de l’activité proliférante de la tumeur.
De durée variable, en moyenne 1 année pour la première phase de
plateau, elle est inévitablement suivie d’une rechute, justifiant la
reprise de la chimiothérapie. Une à trois rechutes séparent le plus
souvent le diagnostic du décès avec, à chaque reprise évolutive, des
réponses plus rares (chimiorésistance) et plus courtes, la dégradation
de l’état osseux et la multiplication des complications.
B - SURVIE :
Avec les drogues dont nous disposons, les réponses sont
inconstantes.
Sous traitement conventionnel, le taux de réponse au
traitement initial est d’environ 50 %, contre 80 % avec le traitement
intensif.
La réponse complète est rare avec le traitement standard
(moins de 5 %), plus fréquente avec le traitement intensif (30 à 50 %).
C’est là que réside la supériorité de l’intensification, car les patients
qui obtiennent une réponse complète ont une survie plus longue.
Le MM est une affection hétérogène, avec des survies allant de
quelques jours à plus de 10 ans (2 à 4 % des cas avec le traitement
conventionnel).
Dans les séries hospitalières, la médiane de survie
est d’environ 36 mois avec le traitement conventionnel et 60 mois
avec le traitement intensif.
En 2002, le myélome reste une maladie
presque toujours non curable.
Le terme de guérison peut être avancé
avec prudence chez de rares patients allogreffés.
Les traitements
intensifs avec autogreffe de CSP les plus récents, utilisés chez des
patients n’ayant pas de facteurs pronostiques défavorables,
pourraient permettre des survies très prolongées confinant peut-être
à la guérison.
Beaucoup d’espoir est mis dans les analogues du
thalidomide et les inhibiteurs du protéasome mais leur impact réel
sur l’avolution du MM n’est pas à ce jour connu.