Mutations et polymorphismes génétiques associés aux thromboses Cours
d'hématologie
Introduction
:
L’hémostase est un système complexe faisant appel aux plaquettes,
aux cellules endothéliales vasculaires et à un réseau de protéines
plasmatiques.
Ce mécanisme est normalement déclenché dans
le secteur extravasculaire pour colmater une blessure et arrêter une
hémorragie.
La cascade d’activation enzymatique mise en jeu aboutit
à la formation de thrombine qui est l’enzyme clé du système.
Générée localement et à forte concentration à la surface des
plaquettes activées, elle recrute d’autres plaquettes, coagule le
fibrinogène et accélère sa propre formation en activant les facteurs
V et VIII.
Le caillot de fibrine est ensuite éliminé au cours du
processus de fibrinolyse qui comporte deux étapes : la
transformation du plasminogène en plasmine par l’activateur
tissulaire du plasminogène (tissue plasminogen activator [t-PA]) et la
dégradation du substrat par la plasmine.
Coagulation et fibrinolyse sont étroitement régulées.
La thrombine,
diluée dans le flux circulatoire, est maintenue au-dessous d’un seuil
critique par plusieurs mécanismes inhibiteurs, dont l’antithrombine
(AT) et le système de la protéine C (PC) sont les principaux.
La
régulation de la plasmine fait intervenir le plasminogen activator
inhibitor-1(PAI-1), inhibiteur rapide et spécifique du t-PA, et
l’a2-antiplasmine.
Les thromboses résultent d’une activation de l’hémostase au sein du
système vasculaire.
La défaillance des systèmes inhibiteurs de la
coagulation, un excès de facteurs procoagulants et au sein du
système fibrinolytique, le déficit en plasminogène et l’excès de PAI-1
peuvent théoriquement favoriser leur survenue.
Les déficits héréditaires en inhibiteurs de la coagulation ont été les
premières anomalies génétiques des facteurs de la coagulation
associées à un risque accru de thrombose veineuse récidivante (thrombophilie), pathologie initialement considérée comme
monogénique.
La découverte plus récente de l’implication de
polymorphismes fréquents a modifié cette conception.
Il est bien
établi à ce jour que la pathologie thrombotique (veineuse et
artérielle) est multicausale, faisant intervenir de multiples facteurs
de risque génétiques et circonstanciels.
Anomalies génétiques des protéines
de la coagulation. Facteurs de risque
de thrombose établis :
A - DÉFICITS EN INHIBITEURS DE LA COAGULATION
(ANTITHROMBINE, PROTÉINE C, PROTÉINE S)
:
1- Protéines. Gènes
:
* Antithrombine :
L’AT est une glycoprotéine plasmatique monocaténaire de masse
moléculaire 58 kDa, comportant 432 acides aminés (AA) et quatre
chaînes latérales oligosaccharidiques.
L’AT est synthétisée par le foie
et sa concentration plasmatique moyenne est de 125 mg/L. Sa demivie
plasmatique moyenne est de 65 heures.
L’AT appartient à la
superfamille des inhibiteurs de sérine protéases (serpines).
Elle
inactive essentiellement la thrombine et le facteur X activé (a), mais
également, en présence d’héparine, les facteurs VIIa, XIa et XIIa.
L’inactivation de la protéase implique la formation d’un complexe
entre le site actif de l’enzyme et le site réactif de l’inhibiteur, formé
par l’Arg 393 et la Ser 394 (P1-P1’).
L’AT joue le rôle de pseudosubstrat
pour l’enzyme.
En effet, le clivage de la liaison P1-P1’ induit
un changement de conformation important de l’AT qui peut alors
former un complexe stable avec la protéase cible par incorporation
des AA situés en amont de l’Arg 393 dans une structure en feuillet
(constituée dans la forme non clivée de cinq brins et dans la forme
clivée de six brins, le sixième étant constitué de segment P1-P14.
L’inhibition de l’enzyme par l’AT est catalysée par l’héparine
et les protéoglycanes de l’endothélium vasculaire. Cette interaction
accélère l’inhibition de la thrombine d’un facteur d’environ 2 000.
En présence d’héparine, la boucle du site réactif de l’AT est plus
exposée à la surface de la protéine et s’adapte plus facilement au
site catalytique de certains facteurs activés, comme le facteur Xa.
Dans le cas de la thrombine, qui possède comme l’AT des sites de
fixation pour l’héparine, il y a formation d’un complexe ternaire qui
rapproche l’enzyme de son inhibiteur.
Le domaine de liaison à
l’héparine de l’AT comporte la région des AA 41 à 49 d’une part, et
celle des AA 107 à 156 d’autre part.
Les deux régions sont riches en
AA basiques qui peuvent interagir avec les groupements sulfates de
l’héparine.
Elles sont voisines dans la structure tertiaire de la
protéine.
Le gène codant l’AT est situé sur le chromosome 1, comporte sept
exons et s’étend sur 13 480 paires de bases.
Il existe dix séquences
Alu dans les introns, représentant 22 % des séquences introniques,
soit quatre fois plus que dans l’ensemble du génome humain.
Le
rôle de ces éléments répétitifs est inconnu, mais ils peuvent
certainement contribuer à la survenue de mutations par délétion
d’un segment du gène après recombinaison entre séquences
homologues.
* Protéine C :
La PC est une glycoprotéine plasmatique de masse moléculaire
62 kDa, vitamine K-dépendante, comportant 23 % de carbohydrates.
Il s’agit du zymogène d’une sérine protéase à propriétés
anticoagulantes.
La PC est synthétisée par le foie et circule dans le
plasma à la concentration de 3 à 5 mg/L.
Sa demi-vie est de 6 à 8
heures.
Le gène de la PC, situé sur le chromosome 2, s’étend sur 11,6 kb et
comprend neuf exons.
Chacune des régions codantes correspond
à un domaine fonctionnel, sauf l’exon I qui n’est pas traduit.
Deux
polymorphismes de la région promotrice du gène qui influent sur le
taux de PC ont été identifiés (- 1654 C->T, - 1641 A->G).
Le
génotype CC/GG, associé aux taux de PC les plus bas, est facteur
de risque de thrombose.
La PC est synthétisée sous forme d’un polypeptide monocaténaire
de 461 AA comportant un peptide leader, un site de reconnaissance
de la c-carboxylase vitamine K-dépendante, une chaîne lourde et
une chaîne légère.
La PC mature, sous forme bicaténaire, résulte des
clivages protéolytiques intracellulaires qui induisent la perte du
prépropeptide et le clivage de la forme monocaténaire.
La chaîne
légère comporte un domaine (résidus 1 à 45) contenant neuf acides
c carboxyglutamiques (GLA) et deux domaines (résidus 46 à 91 et
92 à 136) analogues à l’epidermal growth factor (EGF).
La chaîne
lourde comporte le domaine sérine protéase (185, 419) et un peptide
d’activation N terminal lié au domaine catalytique.
Le site
catalytique est constitué de trois AA : His 211, Asp 257 et Ser 360.
Le
domaine GLA permet la fixation d’ions calcium et la formation du
complexe enzymatique à la surface de phospholipides anioniques.
In vivo, un complexe formé par la thrombine et son récepteur
endothélial, la thrombomoduline, convertit la PC inactive en PC
activée (PCa) capable de dégrader les facteurs Va et VIIIa.
L’activation résulte du clivage de la liaison Arg 169-Leu 170 et de la
libération du dodécapeptide N terminal de la chaîne lourde qui
démasque la poche catalytique.
* Protéine S :
La PS est le principal cofacteur de la PC.
C’est une glycoprotéine
monocaténaire vitamine K-dépendante, de masse moléculaire
69 kDa, comprenant 7 % de carbohydrates.
Sa concentration
plasmatique est de 20 à 25 mg/L et sa demi-vie de 42 heures.
La PS est produite par le foie, mais elle a également été localisée
dans la cellule endothéliale, le mégacaryocyte et la cellule de Leydig.
Elle est synthétisée sous forme d’un précurseur de 676 AA
comprenant une séquence leader éliminée avant la sécrétion, un
peptide signal hydrophobe et un propeptide comportant le site de
reconnaissance de la carboxylase analogue à celui des autres facteurs
vitamine K-dépendants.
La forme mature de la PS, comportant 635
AA, consiste en un domaine GLA comportant 11 résidus GLA, un
peptide de liaison, une boucle sensible à la thrombine (BST), quatre
domaines EGF et une région carboxyterminale présentant des zones
d’homologie par rapport à la sex hormone binding globuline (SHBG).
La PS augmente l’affinité de la PCa pour les phospholipides chargés
négativement, formant un complexe PCa-PS lié à la membrane qui
rend les facteurs Va et VIIIa plus accessibles au clivage par la PCa.
La PS circule dans le plasma pour partie sous forme libre (40 % de
la PS circulante), active dans le système de la coagulation, pour
partie (60 %) sous forme complexée à la C4b binding protein (C4bBP),
protéine du système du complément qui lie la PS au niveau du
domaine SHBG.
La PS liée à la C4bBP n’a pas d’effet cofacteur de la PCa.
Le gène codant la PS a été localisé sur le chromosome 3.
Il existe en
fait deux gènes présentant 98 % d’homologie : un gène actif
(comportant 15 exons s’étendant sur plus de 80 kb) et un
pseudogène (non codant, très proche du gène).
2- Déficits héréditaires
:
* Fréquence et phénotypes intermédiaires
:
Les déficits constitutionnels en AT, PC et PS, se manifestant par des
thromboses veineuses chez l’adulte, se transmettent habituellement
sur le mode autosomique dominant.
Le déficit en AT est retrouvé chez 1 à 2% des patients atteints de
maladie thromboembolique veineuse primitive.
La prévalence du
déficit en AT symptomatique dans la population générale est
comprise entre 1/2 000 et 1/5 000.
Le déficit en PC est retrouvé chez 3 % des patients atteints de
maladie thromboembolique veineuse primitive.
Les modes de
transmission du déficit en PC apparaissent cependant complexes.
En effet, il ressort d’études de cohortes de patients thrombophiliques
que la prévalence du déficit en PC associé à des thromboses dans la
population générale est comprise entre 1/16 000 et 1/36 000.
Une
prévalence beaucoup plus forte du déficit en PC asymptomatique a
cependant été mise en évidence dans des populations saines de
donneurs de sang (1/200 à 1/700).
Une forme beaucoup plus
sévère du déficit peut refléter un état homozygote.
Le déficit en PS est retrouvé chez 2 à 3 % des patients thrombophiliques.
Aucune étude de la prévalence du déficit en PS
dans la population générale n’a été publiée.
L’extrapolation des
résultats obtenus dans des cohortes de patients atteints de
thrombose permet de l’estimer à 1/33 000.
Les déficits héréditaires en AT et PC peuvent être quantitatifs (type
I) ou qualitatifs (type II).
Un défaut de sécrétion de la
protéine, objectivé par le déficit en antigène, est à l’origine du déficit
de type I.
Dans les déficits de type II, la protéine est sécrétée
normalement, mais présente une anomalie fonctionnelle.
Les déficits
en AT de type II peuvent être divisés en trois groupes.
Dans les
déficits de type II-reactive site (IIRS), l’anomalie porte sur le site actif.
Dans les déficits de type II-heparin binding site (IIHBS), le site actif
est normal, mais le site de liaison à l’héparine est modifié.
Dans les
déficits de type II à effet pléiotropique (IIPE), la capacité de liaison
de l’AT à l’héparine et sa capacité d’inhibition des protéases sont
toutes deux affectées, ainsi qu’à un degré moindre, la sécrétion de la
protéine.
On distingue les déficits en PC de type II activité
amidolytique (IIAM) et de type II activité anticoagulante (IIAC).
Dans les déficits de type IIAM, l’activité enzymatique est diminuée.
Dans les déficits de type IIAC, l’activité anticoagulante de la protéine
est diminuée, bien que le site catalytique soit intact.
Ces déficits
affectent l’un des sites d’interaction de la PC et des autres
partenaires du système.
En ce qui concerne la PS, il existe de plus des déficits de type III,
caractérisés par une PS libre basse contrastant avec une PS totale
normale.
Les déficits de types I et III seraient en fait l’expression
d’un même génotype.
* Bases moléculaires :
L’anomalie moléculaire responsable du déficit en AT a été identifiée
dans de nombreux cas et l’ensemble des mutations décrites a été
regroupé dans une base de données régulièrement mise à jour.
Les grandes délétions du gène, relativement rares, expliquent moins
de 10 % des déficits de type I.
La plupart des mutations retrouvées
dans les déficits de type I sont des mutations ponctuelles, des
insertions ou des délétions de petite taille (1 à 30 nucléotides) qui
peuvent altérer le processing de l’acide ribonucléique (ARN)
messager, induire un arrêt prématuré de la synthèse ou la
production d’une protéine instable ou non sécrétée.
Les déficits de
type II sont le plus souvent la conséquence de mutations ponctuelles
qui entraînent la substitution d’un AA responsable du
dysfonctionnement de la protéine.
Les mutations qui génèrent des
déficits de type IIRS affectent les AA 392, 393, 394, 382 et 384 du site
actif.
La plupart des mutations responsables de déficits de type IIHBS sont des mutations faux sens, affectant les résidus Arg 47 et
Arg 129 chargés positivement.
Leur remplacement par un AA non
chargé peut diminuer les interactions ioniques nécessaires à la
catalyse de l’inhibition AT protéase par l’héparine.
Les mutants à
effet PE (pléiotropique) sont généralement porteurs de substitutions
des résidus 402 à 407 situés dans la région P9’-P14’ de l’AT.
Le
défaut d’inhibition de la thrombine mis en évidence pourrait être la
conséquence d’une anomalie de l’insertion du segment au sein de la
molécule d’AT.
L’anomalie de l’affinité de l’AT pour l’héparine
pourrait démontrer l’existence d’un lien conformationnel entre le site
de liaison à l’héparine et le site actif.
Dans les déficits de type PE,
des traces de protéine anormale peuvent être mises en évidence dans
le plasma.
En ce qui concerne les déficits en PC, une base de données rapporte
l’ensemble des mutations décrites.
Les mutations retrouvées dans
les déficits de type I sont la plupart du temps des mutations
ponctuelles faux sens. Les délétions et les insertions ne surviennent
que dans 10 % des cas.
Un tiers des mutations ponctuelles
surviennent au niveau des nucléotides CpG, qui sont des points
chauds de mutation.
La plupart des mutations entraînent un arrêt
prématuré de la synthèse ou une modification de la conformation
protéique induisant une perte de stabilité. Dans les déficits de type II, qui sont plus rares (10 % des déficits rapportés), des mutations
faux sens sont retrouvées principalement au niveau du domaine
GLA et du domaine catalytique, dans la séquence du prépropeptide
et au niveau du site de clivage par la thrombine.
Les mutations décrites dans les déficits en PS ont également
récemment fait l’objet d’une base de données.
Dans plus de la
moitié des cas, il s’agit de mutations faux sens.
On observe
également des micro-insertions ou délétions et quelques codons
stop.
Quelques grandes délétions ont été mises en évidence.
Les
mutations ponctuelles entraînant un arrêt prématuré de la synthèse
ou une modification de la conformation protéique sont cependant
plus fréquentes que les délétions.
Quelques substitutions d’AA
survenant au site de clivage du propeptide ou dans les domaines
EGF génèrent des déficits qualitatifs.
* Manifestations cliniques :
+ Déficits hétérozygotes
:
Les déficits héréditaires en AT, PC et PS induisent une maladie
thromboembolique essentiellement veineuse.
Le risque relatif
de thrombose veineuse associé à la présence d’un déficit à l’état
hétérozygote est, d’après les données de la littérature, de l’ordre de
10 à 40 pour l’AT, de 5 à 10 pour la PC ou la PS.
Le risque artériel
n’apparaît pas augmenté.
Près de 90 % des épisodes thrombotiques
sont des thromboses veineuses profondes des membres inférieurs,
avec ou sans embolie pulmonaire.
Les thromboses veineuses
survenant dans des sites inhabituels, telles que les thromboses
veineuses mésentériques ou les thromboses cérébrales, sont rares
(moins de 5 % des accidents).
Les thromboses veineuses
superficielles sont plus fréquentes chez les patients porteurs d’un
déficit en PC ou en PS que chez les déficients en AT.
La maladie thromboembolique se développe chez 60 à 80 % des
patients déficitaires en AT, PC et PS.
Le premier accident survient le
plus souvent entre 15 et 45 ans. Des récidives de thrombose sont
observées dans la moitié des cas.
Le déficit en AT est un facteur de
risque thrombotique plus fort que le déficit en PC ou en PS.
La
moitié des accidents thrombotiques surviennent dans des situations
à risque de thrombose (chirurgie, grossesse, alitement prolongé).
La
fréquence des thromboses survenant pendant la grossesse ou le postpartum
est de l’ordre de 40 % chez les déficitaires en AT, de 15 %
chez les déficitaires en PC ou en PS, de 28 % chez les patientes
porteuses de la mutation Leiden du facteur V.
La prise de
contraceptifs oraux oestroprogestatifs augmente fortement le risque
thrombotique, en particulier chez les déficitaires en AT.
Les risques thrombotiques associés aux déficits qualitatifs ou
quantitatifs sont généralement similaires, à l’exception du risque
associé au déficit en AT de type IIHBS qui est très faible (6 %).
+ Déficits homozygotes
:
Le déficit homozygote en AT de type I ou de type IIRS est
probablement incompatible avec la vie.
L’expression clinique du
déficit homozygote en AT de type IIHBS est précoce.
Il s’agit d’une
maladie thromboembolique sévère, avec parfois des manifestations
artérielles.
La fréquence du déficit homozygote ou hétérozygote
composite en PC a été estimée à 1/60 000-1/360 000.
Lorsque la
concentration plasmatique en PC est nulle, des manifestations
cliniques gravissimes de type purpura fulminans peuvent survenir
dès la naissance ou dans la première année de la vie.
En présence
de concentrations en PC de 5 à 25%, les manifestations cliniques se
rapprochent de celles qui sont observées chez les hétérozygotes.
La
prévalence des thromboses survenant chez les hétérozygotes
apparentés à un patient atteint de déficit homozygote est faible (5 %
contre 50 % dans les familles de déficitaires sans homozygotie).
Les
causes de cette discordance ne sont pas connues.
Le déficit homozygote en PS se traduisant par un purpura fulminans
a été beaucoup plus rarement rapporté.
* Diagnostic biologique
:
Le diagnostic de déficit en AT, PC ou PS utilise en première intention
les techniques de dosage de la protéine circulante.
Le caractère
constitutionnel de l’anomalie ne peut être affirmé qu’après contrôle
de la permanence du déficit, vérification de l’absence de toute cause
de déficit acquis et enquête familiale.
L’analyse du gène est le plus
souvent inutile en ce qui concerne le diagnostic de déficit en AT.
Les
informations apportées par l’analyse du gène de la PC et de la PS
conduisent à envisager une application diagnostique de la biologie
moléculaire dans un certain nombre de cas.
+ Déficit en antithrombine
:
L’association de méthodes mesurant l’activité de la protéine en
présence et en l’absence d’héparine avec une méthode
immunologique permet de faire le diagnostic et de typer le déficit.
Le dépistage s’effectue par la mesure de l’activité cofacteur de
l’héparine, à l’aide d’un substrat synthétique qui, lorsqu’elle est
réalisée dans de bonnes conditions analytiques, décèle l’ensemble
des anomalies.
Lorsque l’activité cofacteur de l’héparine est
abaissée (inférieure à 80 %) et après confirmation de la permanence
du déficit, il est impératif de réaliser un dosage par méthode
immunologique.
Ce dosage permet de confirmer un déficit de type I
si la concentration est inférieure à 80 %, ou de suspecter un déficit
de type II s’il existe une divergence avec l’activité cofacteur de
l’héparine.
Dans ce cas, la mesure de l’activité AT ou antifacteur Xa
en l’absence d’héparine (activité progressive) permet de différencier
les types IIHBS et IIRS.
Les déficits de type IIPE sont caractérisés
par une différence modeste entre la concentration immunologique et l’activité cofacteur de l’héparine.
La présence de traces de protéine
non fonctionnelle n’est révélée que par des techniques électrophorétiques.
Les traitements par héparine non fractionnée diminuent la
concentration plasmatique d’AT de 10 à 20 %.
En présence d’un taux
pathologique d’AT, un contrôle doit être pratiqué après 5 jours
d’arrêt du traitement.
+ Déficit en protéine C
:
Le diagnostic biologique de déficit en PC est rendu difficile par la
variété des anomalies moléculaires responsables du défaut
d’expression de l’allèle muté.
Ainsi, des concentrations de PC
comprises entre 60 et 80 % sont observées aussi bien chez des sujets
normaux que chez des sujets hétérozygotes.
Aucune technique commercialisée ne permet de dépister tous les
types de déficit en PC, car aucune d’entre elles (pour des raisons de
praticabilité) n’utilise l’activateur physiologique de la PC, le
complexe thrombine-thrombomoduline.
La technique de dépistage
la plus pertinente est celle qui mesure l’activité anticoagulante de la
PC activée par une enzyme extraite d’un venin de serpent, le protac.
Lorsque l’activité anticoagulante est diminuée (inférieure à 70 %), il
faut systématiquement, après contrôle de la permanence de
l’anomalie, pratiquer un dosage immunologique par une technique enzyme-linked immunosorbent assay (Elisa), méthode
immunoenzymatique.
La méthode amidolytique permet de
différencier les déficits qualitatifs de types IIAM et IIAC.
L’analyse du gène de la PC n’est totalement justifiée que dans le
contexte d’homozygotie ou d’hétérozygotie composite avec
complications thrombotiques sévères à la naissance, pour permettre
un diagnostic anténatal en cas de nouvelle grossesse dans la famille.
Elle peut de plus être intéressante dans quelques cas particuliers :
identification d’hétérozygoties lorsque la concentration plasmatique
de la PC est comprise entre 60 et 80 %, résolution de phénotypes
familiaux complexes.
+ Déficit en protéine S :
L’association de trois méthodes de dosage de la PS (évaluant la PS
totale, la PS libre et son activité) est indispensable au dépistage et
au typage des déficits.
La concentration immunologique de
la PS totale et de la fraction libre est le plus souvent évaluée par
dosage immunoenzymatique.
L’activité cofacteur de la PCa se
mesure à l’aide d’un test de coagulation globale par l’effet
anticoagulant exercé par le plasma du malade en présence de PCa
sur un plasma déplété en PS enrichi en facteur V bovin.
Comme pour la PC, l’analyse du gène de la PS n’est totalement
justifiée que dans le contexte d’homozygotie associée à des
manifestations thrombotiques.
Le diagnostic de déficit héréditaire en PC ou en PS ne peut se faire
qu’en dehors de tout traitement par les antivitamines K, au besoin
lors d’une fenêtre thérapeutique, après passage à l’héparine de bas
poids moléculaire (HBPM) ou à un dérivé, pendant le mois qui
précède l’examen.
* Attitude thérapeutique
:
+ Déficit hétérozygote :
Le traitement curatif classique de la maladie thromboembolique
veineuse par HBPM ou par héparine non fractionnée, puis par
antivitamine K, est généralement efficace chez les patients porteurs
d’un déficit constitutionnel en AT, PC ou PS.
Les patients
déficitaires en AT peuvent présenter une relative résistance à
l’héparine qui oblige à utiliser des posologies plus fortes pour
obtenir une anticoagulation satisfaisante.
L’administration de
concentrés d’AT est rarement nécessaire, sauf dans les cas de déficit
homozygote de type IIHBS.
La durée du traitement anticoagulant
oral est discutée en fonction de l’histoire thrombotique personnelle
et familiale.
Chez les sujets déficitaires n’ayant pas d’antécédents de
thrombose, il n’est généralement pas prescrit de traitement
anticoagulant préventif systématique.
En revanche, une prévention,
le plus souvent par HBPM, est instaurée dans toute situation à
risque (intervention chirurgicale, alitement prolongé, grossesse ou
post-partum).
Le port d’une contention élastique est également
indiqué dans certains cas.
Le risque thrombotique apparaît élevé
pendant toute la grossesse et le post-partum chez les déficitaires en AT, et le recours aux concentrés d’AT est parfois nécessaire pendant
l’accouchement.
Chez les déficitaires en PS, le risque serait plus
important en post-partum que pendant la grossesse. Les
médicaments oestroprogestatifs sont totalement contre-indiqués chez
les femmes déficitaires.
Ceci n’est pas le cas de certains progestatifs
purs. Un traitement anticoagulant oral ne doit jamais être débuté
d’emblée sans couverture héparinique chez un patient porteur d’un
déficit en PC.
En effet, la chute rapide de la PC déclenchée par la
prise d’antivitamine K induit un déséquilibre de la balance
hémostatique qui a été rendu responsable de la survenue de
nécroses cutanées.
+ Déficit homozygote :
Chez les enfants porteurs d’un déficit homozygote ou hétérozygote
composite en PC présentant un purpura fulminans à la naissance,
l’administration de concentrés de PC est une thérapeutique
efficace.
Ces concentrés sont également utilisés lors du relais héparine-vitamine K chez les déficitaires adultes ayant des
antécédents de nécrose cutanée.
B - MUTATION LEIDEN DU FACTEUR V
:
1- Protéine et mutations :
Le facteur V est une glycoprotéine de 300 kDa, codée par un gène
localisé sur le chromosome 1 comportant 25 exons.
Le facteur V
comporte plusieurs domaines A1A2BA3C1C3.
Le domaine B est
éliminé après clivage du facteur V par la thrombine, et le facteur Va
ainsi formé est un cofacteur du facteur Xa qui active la prothrombine
en thrombine.
Le facteur Va est physiologiquement dégradé par
protéolyse limitée par la PCa qui clive les liaisons en position 306 et
506 de la chaîne lourde.
L’addition de PCa purifiée à un plasma normal induit un
allongement du temps de céphaline activé (TCA) qui reflète la
dégradation accrue des facteurs Va et VIIIa par la PCa.
La première
observation d’un défaut d’allongement du TCA du plasma
supplémenté en PCa, donc d’une diminution de l’effet anticoagulant
de la PCa chez des patients atteints de thrombophilie familiale, a été
faite par Dahlbäck et al en 1993.
Cette résistance plasmatique à la PCa (RPCA) est un facteur de risque de thrombose très
fréquemment retrouvé dans les populations d’origine européenne.
Dans la plupart des cas, la RPCA est conséquence de la présence de
l’existence d’un facteur V anormal (facteur V Leiden), comportant
en position 506 une glutamine à la place d’une arginine.
La
substitution d’AA résulte d’une mutation ponctuelle du gène
induisant le remplacement de la guanine en position 1691 par une
adénine.
Cette mutation modifie l’un des sites de clivage du
facteur Va par la PCa.
Plusieurs groupes ont étudié les cinétiques
d’inactivation du facteur Va. Pour l’un d’entre eux, le clivage initial
survient en 506 et favorise le clivage en 306.
Ce deuxième clivage
est fondamental vis-à-vis de l’inactivation de la protéine.
Pour un
autre, le clivage se produit sur les deux sites simultanément, mais
est plus lent en 306.
Le clivage en 506 constitue, pour cette équipe,
le mécanisme principal d’inactivation.
Ainsi, la mutation Leiden du facteur V réduit la vitesse de
dégradation du facteur Va (par réduction du clivage en 506 ou par
défaut d’accélération du clivage en 306).
Elle pourrait de plus
modifier une autre fonction du facteur V, son effet cofacteur de la PCa et de la PS vis-à-vis de la dégradation du facteur VIIIa.
La
mutation n’entraîne, en revanche, aucune modification des fonctions procoagulantes du facteur V.
Les bases moléculaires de la RPCA apparaissent plus simples que
celles des déficits en PC ou en PS, puisque la plupart des patients
qui ont une RPCA anormale sont porteurs de la même mutation.
La RPCA induite par la présence du facteur V Leiden peut être
modulée par d’autres polymorphismes du gène du facteur V.
Ainsi,
il existe deux allèles fréquents, appelés HR1 et HR2, définis par cinq
polymorphismes de restriction dans l’exon 13 et une variation de
séquence dans l’exon 16.
La fréquence de l’allèle HR2 est de l’ordre
de 10 % dans la population générale.
La mutation Leiden du facteur
V affecte toujours l’allèle HR1.
Des données récentes suggèrent que
l’allèle HR2 code un facteur V moins sensible à l’action de la PCa et
que l’association de l’allèle HR1 portant la mutation Leiden avec
l’allèle HR2 renforce le phénotype de RPCA.
2- Risque thromboembolique veineux associé à la
présence du facteur V Leiden/RPCA :
Les données épidémiologiques ont établi sans ambiguïté
l’implication du facteur V Leiden et de la RPCA dans la maladie
thromboembolique veineuse.
Cette relation a été tout d’abord mise
en évidence dans la Leiden Thrombophilia Study (LETS), une
grande étude cas-témoin hollandaise comportant 474 sujets atteints
de thrombose veineuse et 474 témoins appariés sur l’âge et le sexe
(risque relatif significatif de 2,7) puis dans de nombreuses autres
études.
Cette mutation, qui résulte d’un effet fondateur, est observée dans
les populations normales avec une fréquence variable (5 % en
moyenne en Europe) en fonction de la localisation géographique.
Elle augmente le risque de développer une thrombose veineuse
profonde d’un facteur 5 à 10 lorsqu’elle est présente à l’état
hétérozygote.
Ce facteur de risque ne s’exprime en fait, le plus
souvent, que dans des situations à risque de thrombose
(contraception orale, grossesse...) ou chez des patients atteints
d’autres facteurs génétiques de risque (déficits en PC, PS).
Ainsi, le
risque relatif de thrombose veineuse profonde chez les femmes
ayant une contraception oestroprogestative est multiplié par 4 par
rapport à une population contrôle sans contraception, alors qu’il est
multiplié par 30 chez celles qui sont hétérozygotes pour le facteur V
Leiden et qui ont un traitement oestroprogestatif.
Néanmoins, si en
termes de risque relatif cette augmentation est importante, en termes
de risque absolu on passe d’un risque de 2,2 à 27,7/10 000 femmesannée,
ce qui est faible.
Compte tenu de la forte prévalence de l’anomalie dans la population
générale, de nombreux patients sont susceptibles d’être porteurs de
l’anomalie à l’état homozygote (0,06 à 0,25 %) ; le risque relatif de
thrombose est alors plus important (50 à 100).
Cependant,
l’expression clinique du déficit chez ces homozygotes est
considérablement moins sévère que celle observée chez les patients
porteurs d’un déficit homozygote en PC ou en PS.
Le facteur V Leiden n’est pas associé uniquement à la thrombose
veineuse profonde des membres inférieurs.
Il est également facteur
de risque de thrombose veineuse superficielle et de thrombose
veineuse cérébrale.
Il pourrait être associé à la survenue de
fausses couches tardives.
En revanche, il n’est pas associé à la
survenue d’embolie pulmonaire isolée.
Cette singularité pourrait
être expliquée par l’influence du facteur V Leiden sur la structure
du caillot.
La mutation Leiden du facteur V pourrait, d’autre part,
être associée à une réduction du risque de thrombose iliofémorale.
L’association du facteur V Leiden à la récidive de thrombose a fait
l’objet de plusieurs études dont les résultats sont contradictoires.
3- Risque thrombotique artériel :
De nombreuses équipes ont étudié le rôle du facteur V Leiden dans
la survenue d’infarctus du myocarde.
Dans l’étude prospective des
médecins américains (PHS), la présence de la mutation n’était pas
associée à la survenue d’un infarctus du myocarde ou d’un accident
vasculaire cérébral ischémique.
Dans le cadre de l’étude cas-témoins
de l’infarctus du myocarde (ECTIM) regroupant 643 patients et 726
témoins, aucune association significative n’était relevée.
Quelques études rapportent cependant des associations positives,
particulièrement lorsque l’effet conjoint de la mutation et d’un
facteur de risque environnemental a été étudié.
Ainsi, dans une
étude cas-témoins de l’infarctus du myocarde survenant chez la
femme jeune (88 patientes, 388 contrôles), l’usage du tabac augmente
32 fois le risque relatif d’infarctus du myocarde associé à la présence
du facteur V Leiden qui, présent seul, est associé à un risque relatif
beaucoup plus faible.
Le facteur V
Leiden n’est pas significativement associé à la survenue
d’accident vasculaire cérébral.
4- Techniques de diagnostic :
Le diagnostic de la RPCA est réalisé à l’aide de techniques de dosage
plasmatique.
La recherche de la mutation Arg 506 Gln du facteur V
fait appel aux techniques de biologie moléculaire.
* Mesures plasmatiques de la RPCA :
Il s’agit essentiellement de techniques coagulométriques.
Les
premiers tests mesuraient le degré d’allongement du TCA du plasma
du patient en présence de PCa.
Ces tests n’étaient pas spécifiques de
la RPCA Arg 506 Gln-dépendante, un allongement du TCA (déficit
en facteur, traitement anticoagulant) ou la présence d’un
anticoagulant circulant de type lupus pouvant masquer l’anomalie.
Pour pallier certains de ces inconvénients, des techniques de
deuxième génération ont été développées.
Les tests, de principe
globalement inchangé, sont effectués sur des mélanges de plasma
du patient et de plasma normal déplété en facteur V.
Ils peuvent
être utilisés en cas de déficit en facteur et chez les patients traités
par antivitamine K.
Même si les tests sont effectués dans des
conditions de bonne standardisation sur des échantillons
correctement déplaquettés, leur spécificité et leur sensibilité vis-àvis
de la mutation Arg 506 Gln ne peuvent pas être parfaites.
* Recherche de la mutation Arg 506 Gln :
Les techniques de biologie moléculaire développées sont
nombreuses.
Classiquement, la première étape consiste en une
amplification de la région du gène du facteur V (exon 10) contenant
le site de la mutation.
Cette amplification peut être réalisée sur
l’acide désoxyribonucléique (ADN) purifié, ou sur sang total.
Les
amorces d’amplification sont des amorces classiques ou modifiées,
soit pour introduire un site de restriction lorsque l’allèle muté est
amplifié, soit pour générer une amplification spécifique de l’allèle
normal ou de l’allèle muté.
L’étude de la migration électrophorétique des fragments amplifiés natifs ou après digestion
par enzyme de restriction aboutit au diagnostic.
Dans certains cas,
la révélation se fait par hybridation, les sondes utilisées pouvant
être radioactives ou froides.
La sensibilité et la spécificité de ces
techniques sont de 100 %.
Elles permettent donc d’établir un
diagnostic de certitude.
5- Attitude thérapeutique :
La mutation Arg Q506 Gln du facteur V ne s’exprime, le plus
souvent, que dans des situations à risque de thrombose ou chez des
patients porteurs d’autres facteurs génétiques de risque.
L’attitude
thérapeutique qui peut être proposée est la suivante : chez les
porteurs de la mutation à l’état hétérozygote sans histoire
thrombotique personnelle ou familiale et sans autre anomalie de la
coagulation, une prophylaxie est proposée dans les situations
hautement thrombogènes (par exemple chirurgie majeure).
La
contraception oestroprogestative n’est pas contre-indiquée
formellement.
L’attitude thérapeutique à long terme adoptée chez
les hétérozygotes symptomatiques n’est pas, à ce jour, consensuelle.
L’incertitude de la relation du facteur V Leiden vis-à-vis de la
récidive de thrombose et l’absence de relation vis-à-vis de la
survenue d’embolie pulmonaire nuisent à l’adoption d’un
consensus.
Lors d’un premier épisode de thrombose, les
hétérozygotes sont traités de la même façon que les sujets porteurs
d’un déficit en AT, PC ou PS.
Chez les homozygotes et les
hétérozygotes porteurs d’une seconde anomalie génétique,
asymptomatiques, une prophylaxie est instaurée dans toutes les
situations à risque.
C - MUTATION LEIDEN DE LA PROTHROMBINE
:
1- Découverte. Risque thrombotique veineux
:
La prothrombine est une protéine de 72 kDa qui, après clivage par
le facteur Xa au sein du complexe prothrombinase, est transformée
en thrombine, enzyme clé de l’hémostase aux multiples facettes
fonctionnelles.
En effet, la thrombine est :
– un activateur plaquettaire puissant ;
– un partenaire essentiel du système procoagulant, car elle gère la
transformation du fibrinogène en fibrine ;
– un partenaire essentiel du système PC/PS (complexée à la thrombomoduline, elle transforme la PC en PCa).
En 1996, le groupe de Bertina a identifié, par séquençage de la région
3’ non transcrite du gène de la prothrombine (facteur II), une
substitution nucléotidique (20210 G/A) (mutation Leiden du facteur
II) associée à un risque accru de thrombose veineuse.
L’ADN de
28 sujets qui avaient une histoire personnelle et familiale de
thrombose a été initialement étudié.
La mutation était présente chez
18 % des sujets malades, mais chez seulement 1 % des sujets sains
étudiés en parallèle.
Le risque relatif de thrombose associé à la
présence de cette substitution a été déterminé dans la LETS ; 6,2 %
des patients et 2,3 % des témoins étaient porteurs de l’allèle A
donnant un risque relatif significatif de thrombose de 2,8.
L’allèle A
était de plus associé significativement à une augmentation de la
concentration circulante de prothrombine, elle-même facteur de
risque de thrombose (odds ratio [OR] 2,1 pour une concentration
plasmatique de facteur II supérieure à 115 %).
Les mécanismes
moléculaires impliqués ne sont pas, à ce jour, élucidés.
La fréquence
de cette mutation chez les Européens est de l’ordre de 2 %.
Elle est
plus fréquente au sud de l’Europe qu’au nord, très rare en Afrique
et en Asie. L’analyse d’haplotype a démontré qu’elle résulte d’un
effet fondateur.
Les résultats de plusieurs études cas-témoins
publiées récemment confirment le risque accru de thrombose
veineuse (phlébite et embolie pulmonaire) (OR compris entre 2 et 6
suivant les études), associé à la présence de l’allèle A.
Nous
disposons de peu d’informations au sujet du risque de récurrence
associé à la présence de cet allèle et les résultats obtenus dans deux
études prospectives récentes sont contradictoires.
Dans deux
études rétrospectives, la présence simultanée des mutations Leiden
du facteur V et du facteur II était associée à un risque de récidive
accru (OR 2,6 et 4,8 respectivement).
Ces résultats demandent à
être confirmés dans des études prospectives rigoureuses.
2- Risque thrombotique artériel
:
L’implication de la mutation 20210 G/A du facteur II dans la
survenue d’infarctus du myocarde et d’accident vasculaire cérébral
a été étudiée par quelques équipes. Pour l’infarctus du myocarde,
les résultats obtenus dans deux études cas-témoin sont
évocateurs d’un effet délétère potentiel de l’allèle A (OR significatif
de l’ordre de 4), en particulier chez les femmes jeunes, mais dans
d’autres études, aucun effet n’a pu être mis en évidence.
L’allèle A pourraît être associé à un risque accru d’accident
vasculaire cérébral ischémique de l’adulte jeune.
3- Techniques de diagnostic :
La recherche de la mutation Leiden du facteur II fait obligatoirement
appel aux techniques de biologie moléculaire.
Toutes les techniques
classiques de détection des mutations ponctuelles peuvent être
employées (amplification suivie d’une digestion par enzyme de
restriction, d’une hybridation ; amplification spécifique d’allèle, etc).
Des techniques d’amplification multiplexes permettent la recherche
simultanée des mutations Leiden du facteur V et du facteur II.
4- Attitude thérapeutique
:
L’attitude thérapeutique est similaire à celle qui est adoptée chez les
porteurs de la mutation Leiden du facteur V.
D - AUGMENTATIONS DU FACTEUR VIII CIRCULANT
D’ORIGINE GÉNÉTIQUE
:
Le facteur VIII est une glycoprotéine de grande taille (330 kDa)
codée par un gène localisé sur le chromosome X, mesurant 186 kb et
comportant 26 exons.
La protéine mature comporte 2 351 AA.
Sa
structure est analogue à celle du facteur V. Le facteur VIII comporte comme le facteur V six domaines A1A2BA3C1C2, dont le rôle est
assez bien connu, à l’exception du rôle du domaine B, très sensible à
la protéolyse.
Le facteur VIII circulant est stabilisé par le facteur
Willebrand au sein d’un complexe non covalent.
Lors de l’activation
du facteur VIII par la thrombine ou le facteur Xa, le domaine B est
éliminé.
Le facteur VIIIa se comporte comme un cofacteur du facteur
IXa au sein du complexe tenase.
La concentration plasmatique du
facteur VIII dans la circulation est extrêmement variable,
dépendante d’influences multiples, dont l’inflammation.
Il a été récemment démontré que des augmentations permanentes
du facteur VIII circulant (indépendantes de la réaction
inflammatoire) sont associées à un risque accru de thrombose
veineuse (premier accident et récidive).
Ainsi, dans la LETS, les
concentrations de facteur VIII supérieures à 150 % étaient associées
à un risque relatif de thrombose significatif de 4,8.
La concentration
plasmatique du facteur VIII est largement déterminée par le groupe
sanguin et la concentration plasmatique du facteur Willebrand.
Néammoins, un déterminisme familial des concentrations
plasmatiques du facteur VIII, indépendant de ces paramètres, a été
mis en évidence.
Les gènes impliqués dans cette modulation sont,
à ce jour, inconnus.
La recherche dans les régions promotrice et 3’
du gène du facteur VIII de polymorphismes modulateurs a été
négative.