Mutations et polymorphismes génétiques associés aux thromboses
(Suite) Cours
d'hématologie
Polymorphismes génétiques d’autres
protéines de la coagulation :
A - FIBRINOGÈNE :
Le fibrinogène circulant (2-4 g/L) est constitué d’un dimère de trois
chaînes polypeptidiques Aa, Bb et c.
Les chaînes a et b sont clivées
par la thrombine qui libère les fibrinopeptides A et B et expose les
sites de polymérisation de la fibrine.
Les trois chaînes sont codées
par des gènes séparés regroupés dans une zone de 50 kb située sur
le chromosome 4.
Les gènes codant les chaînes a, b et c
comportent respectivement 5, 8 et 10 exons qui s’étendent sur plus
de 8, 8 et 10 kb.
Les trois chaînes sont synthétisées séparément dans
les hépatocytes, puis assemblées avant la sécrétion.
La synthèse de
la chaîne Bb est l’étape qui limite la production de la protéine.
Des
mutations affectant la production de cette chaîne peuvent donc
modifier le taux de fibrinogène circulant.
L’expression du gène de la
chaîne b est sous la dépendance de plusieurs facteurs de
transcription qui possèdent des sites de liaison dans la région
proximale du promoteur.
Le contrôle de la transcription de ce gène
est complexe, les facteurs de transcription agissant de façon
coopérative, en contrôlant à la fois la sécrétion basale et la sécrétion
induite par l’IL6.
L’expression du gène, particulièrement en phase
d’inflammation, est influencée par les hormones stéroïdes.
La région
du gène du fibrinogène b, située entre -2900 et -1500, est impliquée
dans l’expression hormonodépendante.
Des anomalies qualitatives du fibrinogène peuvent être
diagnostiquées en associant les techniques chronométriques et
immunologiques de dosage de la molécule. Des dysfibrinogénémies
constitutionnelles ont été décrites dans quelques familles. Environ
250 cas ont été rapportés.
La plus grande partie d’entre eux est
asymptomatique, une tendance hémorragique est décrite chez 28 %,
une tendance thrombotique chez 18 %, et l’association des deux chez
2 % des patients.
Les dysfonctionnements mis en évidence sont, dans
71 % des cas des anomalies de polymérisation, dans 37 % des cas
des anomalies de libération des fibrinopeptides, dans 6 % des cas
des anomalies de stabilisation de la fibrine.
L’analyse des gènes a
permis d’identifier les mutations causales chez plusieurs malades.
Les dysfibrinogénémies sont des facteurs de risque de thrombose
peu fréquents, retrouvés chez moins de 1 % des patients atteints de
thrombophilie veineuse.
Le fibrinogène est, sans ambiguïté, un facteur de risque vasculaire.
Les mécanismes par lesquels il pourrait intervenir dans la
constitution des thromboses artérielles restent à préciser.
Plusieurs polymorphismes de restriction des gènes codant les
différentes chaînes du fibrinogène ont été mis en évidence.
Ils
expliquent globalement entre 1 et 15 % de la variabilité totale du
taux de fibrinogène plasmatique dans la population générale.
Dans
la région flanquante en 5’ du gène b, deux polymorphismes
communs (- 148 C->T et - 455 G->A) influencent cette
concentration.
Le taux de fibrinogène plasmatique est aussi
dépendant de facteurs environnementaux.
La réaction inflammatoire
l’augmente rapidement et fortement.
La prise de contraceptif oral,
la grossesse et la ménopause, l’âge, l’obésité le modifient.
L’influence
du tabac est particulièrement importante.
Une réponse
inflammatoire chronique à l’usage du tabac serait à l’origine de
l’augmentation du taux de fibrinogène observée.
Ce mécanisme
expliquerait en grande partie l’existence de la relation forte tabagisme-infarctus du myocarde.
Les résultats d’études de cohortes disponibles à ce jour montrent
que la concentration de fibrinogène est associée positivement au
risque cardiovasculaire.
Dans une étude anglaise d’envergure
(Northwick Park Heart Study [NPHS], 1 511 hommes étudiés),
une élévation d’une déviation standard du fibrinogène plasmatique
(environ 0,6 g/L) est associée à une augmentation de 84 % du risque
d’infarctus du myocarde survenant dans les 5 ans dans une
population masculine d’âge moyen.
Les résultats d’autres études
confirment le rôle potentiel du taux de fibrinogène en tant que
facteur de risque d’infarctus du myocarde, de cardiopathie
ischémique et d’accident vasculaire cérébral.
L’hypothèse d’une implication du génotype du fibrinogène b dans
la survenue de thromboses artérielles a été testée dans une vingtaine
d’études de tailles très variées.
Les résultats des grandes études
publiées ne sont pas en faveur d’une modulation de la pathologie
artérielle par ces polymorphismes.
En particulier, aucune implication
du polymorphisme - 455 G/A n’a pu être mise en évidence dans
l’étude ECTIM, dans la Copenhagen City Heart Study (étude
prospective de la maladie cardiaque ischémique) et dans deux
autres études de grande envergure.
L’allèle BCII du
fibrinogène b, qui est associé à des taux forts de fibrinogène, a été
rattaché de façon cohérente au risque d’artérite des membres
inférieurs dans une étude cas-témoins.
S’il est probable que le
génotype du fibrinogène b contribue à définir un profil individuel
de risque artériel et d’infarctus du myocarde, cet effet est en fait
difficile à quantifier compte tenu des nombreuses interactions gènesenvironnement
existantes.
Dans la chaîne a du fibrinogène, existe un polymorphisme (Thr 312
Ala) qui est localisé dans une région impliquée dans l’interaction
fibrinogène/facteur XIII et qui influence effectivement la structure
du caillot.
Dans l’étude ECTIM, aucune influence de ce
polymorphisme n’a été mise en évidence.
Dans une étude de
l’accident vasculaire cérébral, le polymorphisme en 312 a un effet
statistiquement significatif sur la survie des malades.
Selon la même
équipe, cette mutation pourrait moduler le risque d’embolie
pulmonaire.
Les résultats de ces études princeps demandent à
être confirmés dans des travaux de plus grande envergure.
B - FACTEUR VII :
Le facteur VII est une protéine vitamine K-dépendante d’origine
hépatocytaire, de masse moléculaire 48 kDa, qui circule dans le sang
sous forme monocaténaire inactive, à la concentration moyenne de
450 µg/L.
Cette protéine monocaténaire comporte un domaine GLA,
deux domaines EGF et un domaine sérine protéase.
Le facteur VIIa,
actif, est généré par protéolyse limitée du facteur VII par les facteurs
IXa, Xa ou XIIa.
Il existe une régulation positive en feedback au
niveau transcriptionnel par le F1+2, produit d’activation de la prothrombine
par le facteur Xa.
Le facteur VIIa est actif sous forme
d’un complexe facteur VIIa-facteur tissulaire qui initie la coagulation
par protéolyse limitée des facteurs IX et X.
Le gène du facteur VII,
situé sur le chromosome 13, s’étend sur 13 kb.
Il comporte cinq
sites polymorphiques qui peuvent expliquer 30 % de la variation de
la concentration plasmatique de la protéine.
Une insertion de dix
nucléotides, localisée dans la région promotrice (-323), est en déséquilibre de liaison avec une mutation ponctuelle (Arg 353 Gln)
de la région codante.
Trois autres polymorphismes sont localisés
respectivement en position - 401 (G/T), - 402 (G/A) et dans une
région hypervariable de l’intron 7, HVR4.
Le taux de facteur VII plasmatique pourrait être associé
positivement au risque cardiovasculaire.
Chez les patients de la NPHS, une élévation d’une déviation standard de l’activité
coagulante du facteur VII (facteur VIIc) est associée à une
augmentation de 54 % du risque d’infarctus du myocarde survenant
dans les 5 ans chez les hommes de 55-64 ans.
Cependant, dans
d’autres études, cette association n’a pas été confirmée.
En fait, les
difficultés d’interprétation proviennent de la nature des méthodes
de dosage utilisées.
Des études transversales récentes ont montré
l’existence d’une corrélation positive entre l’activité du facteur VII
et les taux sériques de cholestérol total et de triglycérides.
Ceci
pourrait expliquer en partie le lien qui existe entre hypertriglycéridémie et thrombose artérielle.
Le déterminisme génétique des taux de facteur VII et de l’association
triglycérides-facteur VII a été bien démontré dans une étude
effectuée sur 215 paires de jumeaux.
Le polymorphisme en - 353
serait à l’origine de cette association.
Les polymorphismes en
- 401 et - 402 influencent l’activité transcriptionnelle du promoteur
et la concentration de facteur VII circulant.
L’implication des polymorphismes du gène du facteur VII dans la
maladie coronarienne est incertaine.
Plusieurs études qui se sont
intéressées à des populations relativement hétérogènes sur le plan
clinique ont apporté des résultats contradictoires.
Les résultats d’un
travail très récent suggèrent néanmoins que les polymorphismes de
la région HVR4, en - 323 et en 353 (qui n’ont aucune influence sur
le développement des lésions athéromateuses) pourraient avoir un
rôle significatif dans la survenue d’infarctus du myocarde chez les
coronariens.
L’influence du génotype du facteur VII sur la survenue d’accident
vasculaire cérébral a été étudiée dans un groupe de 317 patients.
Aucune relation significative n’a été mise en évidence.
C - FACTEUR XIII :
Le facteur XIII est une transamidase tétramérique de 320 kDa qui
comporte deux sous-unités A et deux sous-unités B.
Après clivage
par la thrombine entre les résidus en positions 37 et 38 de la sousunité
A, le facteur XIIIa catalyse la formation de liaisons e (cglutamyl)
lysine covalentes entre les chaînes des monomères de
fibrine qui augmentent la résistance mécanique du caillot.
Le gène codant la sous-unité A du facteur XIII, situé sur le
chromosome 1, s’étend sur plus de 160 kb.
Il existe quatre
polymorphismes communs des régions codantes de ce gène qui
induisent les transformations Val 34 Leu, Pro 564 Leu, Val 650 Ile et
Glu 651 Gln.
Le polymorphisme Val 34 Leu, qui modifie un acide
aminé très proche du site d’activation du facteur XIII par la
thrombine, pourrait être un nouveau facteur modulateur du risque
thrombotique.
Ainsi, l’allèle Leu serait protecteur de la survenue d’infarctus du
myocarde (OR 0,68, p = 0,004) chez les coronariens.
Dans la même
population, aucun effet n’a été mis en évidence pour les variations
de séquence en 564, 650 et 651.
L’allèle Leu pourrait, d’autre part,
être facteur de risque d’hémorragie cérébrale primitive (p = 0,05).
Ces résultats demandent à être confirmés.
Il a été démontré in vitro que le facteur XIII porteur de Leu est plus
rapidement activé et aussi dégradé par la thrombine, ce qui peut
expliquer la réduction d’efficacité de la protéine vis-à-vis de la
stabilisation du caillot.
L’implication du polymorphisme en 34 dans la survenue de
thrombose veineuse n’est pas établie avec certitude.
Une métaanalyse
effectuée d’après les résultats de six études cas-contrôle
récentes ne permet pas d’exclure un effet protecteur faible de l’allèle
Leu.
Polymorphismes génétiques des
protéines de la fibrinolyse :
A - INHIBITEUR DE L’ACTIVATEUR DU PLASMINOGÈNE :
Le PAI-1 est un inhibiteur rapide et spécifique du t-PA et de
l’urokinase appartenant à la superfamille des serpines.
Le PAI-1 est
une glycoprotéine de masse moléculaire 50 kDa comportant 379 AA.
Son site actif est localisé en C terminal au niveau d’une structure en
boucle comprenant une liaison Arg 346-Met 347. Le PAI-1 est produit
par la cellule endothéliale et l’hépatocyte, et est contenu dans les
plaquettes.
La contribution relative de ces trois sources à l’activité
PAI-1 plasmatique n’est pas établie avec certitude.
Le PAI-1
circulant, présent à la concentration moyenne de 50 ng/mL, existe
pour partie sous forme latente, pour partie sous forme active liée à
la vitronectine.
La concentration de PAI-1 est le déterminant majeur
de l’activité fibrinolytique plasmatique.
Le PAI-1 forme rapidement,
avec la protéase cible, un complexe inactif initialement réversible
qui devient irréversible après scission de la liaison Arg 346-Met 347
et libération d’un peptide de 33 AA.
La concentration circulante de PAI-1 est très variable.
Elle est
extrêmement influencée par des facteurs environnementaux. Ainsi,
le syndrome d’insulinorésistance et l’inflammation sont à l’origine
de fortes augmentations du PAI-1 circulant.
Dans une étude
française familiale récente concernant des sujets sains, il a été
clairement démontré que la concentration plasmatique du PAI-1 était
largement dépendante du syndrome d’insulinorésistance (qui
expliquait 49 % de la variance chez les hommes).
De fortes concentrations de PAI-1 sont associées à des désordres
thrombotiques variés : le PAI-1 est impliqué dans la pathologie
coronarienne ; les concentrations plasmatiques de PAI-1 sont
corrélées à l’étendue de l’athérosclérose de la paroi vasculaire ; elles
sont associées au risque d’événements coronariens chez les patients
souffrant d’angine de poitrine.
La régulation du métabolisme du PAI-1 fait intervenir de nombreux
agents tels que le tumor necrosis factor (TNF), l’IL1, le transforming
growth factor (TGF)b, les liposaccharides, les hormones
glucocorticoïdes, les lipoprotéines de très basse densité (VLDL) et
l’insuline.
Une part importante de cette régulation est effectuée au
niveau post-transcriptionnel.
Les effets des cytokines passent
probablement par la modulation de la transcription du gène.
Le gène du PAI-1, situé sur le chromosome 7, s’étend sur 16 kb.
Huit polymorphismes ont été mis en évidence : un polymorphisme
de restriction Hind III, deux minisatellites de type CA (l’un dans le
promoteur, l’autre dans l’intron 4), un polymorphisme d’insertion
(5G)/délétion (4G) en position - 675 du promoteur, deux
substitutions G/A en positions - 844 et + 9785, une substitution T/G
en + 11053 et une délétion de neuf nucléotides entre + 11320 et
+ 11345.
Dans plusieurs études, une association significative du
polymorphisme 4G/5G à la concentration plasmatique du PAI-1 a
été démontrée.
En revanche, en ce qui concerne l’association à la pathologie
coronarienne, les résultats sont contradictoires.
Dans plusieurs
études de taille relativement modeste, une association significative a
été mise en évidence. Par ailleurs, dans trois études de grande taille
(ECTIM, PHS et SMILE), aucune relation
génotype/phénotype (infarctus du myocarde) n’a été objectivée.
Dans une quatrième, le génotype 4G/4G a été associé
significativement à la maladie coronarienne (OR 1,3).
Enfin, une méta-analyse suggère une association significative (mais faible) de
ce génotype à l’infarctus du myocarde.
Le polymorphisme 4G/5G pourrait jouer un rôle en pathologie
thrombotique veineuse.
En effet, 4G/5G pourrait être un facteur
modulateur du risque thrombotique chez les sujets porteurs
d’anomalies responsables de thrombose, héréditaires (déficit en PS,
facteur V Leiden...) ou acquises (anticorps antiphospholipides).
Très curieusement, il a été rapporté récemment que l’allèle 4G
pourrait avoir un effet protecteur vis-à-vis de l’accident vasculaire cérébral ischémique.
Cet effet inattendu passerait par une
inhibition d’une fonction de la plasmine indépendante de sa fonction
fibrinolytique.
Les autres polymorphismes n’ont pas, à ce jour, d’effet démontré.
B - ACTIVATEUR TISSULAIRE DU PLASMINOGÈNE :
Le t-PA est une sérine protéase de 70 kDa comportant 527 AA,
présente en très faible concentration dans le plasma, liée pour 80 %
à son inhibiteur spécifique, le PAI-1.
Le t-PA est libéré à partir de la
cellule endothéliale vasculaire stimulée.
Le site actif se situe à
l’extrémité C terminale (His 322, Asp 371, Ser 478) de la molécule.
Le t-PA transforme le plasminogène en plasmine, enzyme majeure
du système fibrinolytique.
L’efficacité catalytique du t-PA est
grandement majorée en présence de fibrine.
Pendant de longues années, on a considéré que l’hypofibrinolyse
par anomalie de libération du t-PA pouvait favoriser la survenue de
thrombose.
À la lumière des travaux les plus récents, il apparaît que,
à l’inverse, ce sont les augmentations de la concentration
plasmatique du t-PA (qui reflètent en fait les augmentations de
concentration du complexe PAI-1-t-PA) qui sont des marqueurs de
risque coronarien.
Ainsi, dans deux grandes études prospectives
portant respectivement sur des sujets sains et des sujets coronariens
(PHS et ECAT), les sujets ayant des concentrations plasmatiques de
t-PA augmentées ont un risque relatif d’infarctus du myocarde accru.
Les variations du t-PA sont largement influencées par le syndrome
d’insulinorésistance et l’inflammation.
Le gène du t-PA, situé sur le chromosome 8, comporte 14 exons.
Plusieurs polymorphismes ont été mis en évidence.
L’un d’entre eux,
dans l’intron h, est un polymorphisme d’insertion/délétion d’une
séquence Alu.
L’implication de ce polymorphisme dans la maladie
cardiovasculaire a fait l’objet de trois études récentes : aucune
association n’a été mise en évidence dans la PHS.
Les résultats de
deux études cas-témoins européennes sont contradictoires.
Polymorphismes des glycoprotéines
de membrane plaquettaire :
Le bon fonctionnement des plaquettes est dépendant de la présence
des glycoprotéines de membrane, en particulier des GP IIb-IIIa
(intégrine aIIbb3) (80 000 récepteurs en moyenne par plaquette) et
Ib-IX-V (25 000 récepteurs par plaquette), qui jouent un rôle
fondamental dans le déclenchement des processus d’adhésion et
d’agrégation plaquettaire.
Ainsi, un mécanisme essentiel à l’origine
du processus d’adhésion est la liaison de GP Ib-IX-V au facteur
Willebrand fixé au sous-endothélium des vaisseaux lésés.
Le
déclenchement de ce processus va conduire à l’activation des
plaquettes au cours de laquelle la conformation du récepteur IIb-
IIIa va être modifiée.
Lorsque les forces de cisaillement sont élevées, IIb-IIIa va alors lier le facteur Willebrand, et par cette liaison, induire
l’agrégation.
Lorsque les forces de cisaillement sont faibles,
l’agrégation implique préférentiellement la liaison de IIb-IIIa au
fibrinogène.
Certaines glycoprotéines de la surface plaquettaire sont
médiateurs d’interactions directes plaquettes/collagène.
Les plus
importantes d’entre elles sont le complexe GP Ia-IIa (intégrine a2b1
ou VLA2) (1 000 à 3 000 récepteurs par plaquette) et la GP VI.
De
nombreux polymorphismes des gènes qui codent pour ces
glycoprotéines ont été identifiés.
Certains d’entre eux pourraient être
significativement associés à la survenue de thrombose.
A - GP IIB-IIIA :
GP IIb est une protéine de 150 kDa qui s’associe à la GP IIIa,
polypeptide de 90 kDa.
Les gènes qui codent pour ces deux
glycoprotéines sont situés sur le chromosome 17.
De nombreux
polymorphismes de ces gènes ont été identifiés.
Un polymorphisme
commun de GP IIIa est une mutation ponctuelle qui induit la
transformation Pro 33 Leu.
L’allèle Leu (PLA1) est présent chez 85 %
des Européens et l’allèle Leu (PLA2) chez 15 %.
L’influence de
l’allèle PLA2 en pathologie cardiovasculaire a fait l’objet de
multiples travaux.
Dans une petite étude cas-témoins (71 patients/68
témoins) publiée en 1996, Weiss et al avaient rapporté une surreprésentation
de l’allèle PLA2 chez les malades.
Le risque relatif de
maladie coronaire associé à la présence de cet allèle était de 2,8 pour
l’ensemble de la population et de 6,2 pour les sujets de moins de 60
ans.
Dans les années suivantes, nombre d’études, et en particulier PHS et ECTIM, ont apporté des résultats négatifs (tous âges
confondus et par tranches d’âge).
Les résultats d’une étude de
cohorte et d’une étude cas-témoins font exception.
Dans la première,
Carter et al ont montré une surreprésentation de PLA2 dans un petit
groupe de sujets jeunes ayant souffert d’infarctus du myocarde et
dans la seconde, qui concernait une population similaire de 200
patients, PLA2 était surreprésenté chez les sujets fumeurs ayant
souffert d’un infarctus du myocarde précoce.
Dans quatre études
majeures (incluant la PHS), PLA2 n’est pas significativement associé
à un accident vasculaire cérébral.
B - GP IB-IX-V :
Le complexe GP Ib-IX-V comporte quatre protéines : GP Iba,
protéine de 140 kDa, liée par liaison disulfure à GP Ibb, protéine de
25 kDa. Ces deux protéines sont associées par des liaisons non
covalentes à GP IX (17 kDa) et GP V (82 kDa).
Le site de liaison du
facteur Willebrand est situé sur GP Iba.
Les gènes codant pour ces
quatre protéines ont été localisés respectivement sur les
chromosomes 17, 22, 3 et 3. Plusieurs publications récentes
s’intéressent à trois polymorphismes du gène de GP Iba :
– un polymorphisme de taille lié à la présence d’un nombre variable
de tandem repeats (VNTR) de 39 pb codant pour 13 AA de la région
glycosylée (cette région placerait la zone de liaison des ligands à
distance adéquate de la surface plaquettaire) ;
– une substitution C/T responsable du remplacement de la
thréonine en 145 par une méthionine, associée au système
d’alloantigènes HPA2, en déséquilibre de liaison avec le
polymorphisme de VNTR ;
– une mutation ponctuelle - 5C/T qui pourrait influencer le degré
d’expression du récepteur à la surface plaquettaire compte tenu de
sa position.
Les résultats d’une première étude cas-témoins de petite taille
démontraient l’implication du polymorphisme de VNTR/Met 145
Thr dans la maladie coronarienne et cérébrovasculaire.
Les
résultats d’une seconde étude cas-témoins concernant des sujets
jeunes survivants d’un infarctus du myocarde ne confirment pas les
données précédentes.
Aucune implication du polymorphisme en
- 5 n'a été mise en évidence dans ce contexte clinique.
C - GP IA-IIA :
Le récepteur du collagène comporte deux sous-unités
polypeptidiques, a2 de 167 kDa et b1 de 130 kDa.
Il existe une
grande variabilité individuelle de la densité du récepteur à la surface
des plaquettes, associée à une variabilité importante de la réponse
au collagène.
Cette variabilité est génétiquement déterminée, en
particulier par le polymorphisme silencieux 807C/T.
Une dizaine
d’études se sont intéressées à l’implication clinique de ce
polymorphisme.
Dans quelques études, l’allèle T est surreprésenté
chez les sujets ayant souffert d’infarctus du myocarde ou d’accident
vasculaire cérébral.
Dans d’autres études, aucun effet n’a pu
être démontré.
Hyperhomocystéinémie : facteur
de risque artériel et veineux
L’homocystéine n’est pas une protéine de la coagulation, mais
l’hyperhomocystéinémie est un facteur perturbateur potentiel du
système de la coagulation qui favorise la survenue des thromboses.
1- Biochimie :
L’homocystéine est un AA sulfhydrilé dérivé de la méthionine.
Elle
peut être transformée dans la cellule, soit en méthionine par méthylation, soit en cystéine par transsulfuration. Il existe deux
voies de méthylation.
La première est catalysée par la méthionine synthase, et le groupe méthyl est fourni par le méthyltétrahydrofolate.
La cobalamine est un cofacteur de cette voie.
La
régénération du méthyltétrahydrofolate fait intervenir la méthylène
tétrahydrofolate réductase (MTHFR).
Dans la seconde, la bétaïne est
le donneur de méthyle et la réaction est catalysée par la bétaïnehomocystéine
méthyltransférase.
La transsulfuration fait intervenir
la cystathionine-b-synthase qui transforme l’homocystéine en
cystathionine.
La pyridoxine est cofacteur de cette voie. Dans le
plasma, l’homocystéine est oxydée en disulfides d’homocystéine
(homocystine) et d’homocystéine-cystéine.
On regroupe sous le
terme d’homocystéine totale, l’homocystéine et les deux disulfides
qui existent sous forme libre et liée aux protéines.
La concentration
plasmatique normale de l’homocystéine totale est comprise entre 5
et 16 µmol/L.
2- Phénotypes
:
Différents types d’homocystéinémies, d’origine constitutionnelle ou
acquise, ont été mis en évidence.
Elles peuvent être sévères (>
100 µmol/L), modérées (25-100 µmol/L) ou faibles (16-24 µmol/L).
* Hyperhomocystéinémie sévère
:
La cause la plus fréquente est le déficit homozygote en cystathionine-b-synthase, dont la prévalence moyenne dans la
population générale est de l’ordre de 1/200 000.
Les individus
atteints souffrent le plus souvent de retard mental sévère,
d’anomalies du squelette, d’une maladie vasculaire artérielle et de
thromboses veineuses.
La symptomatologie est parfois atypique, en
particulier dans le cas de l’homozygotie pour la mutation 833 T/C
qui peut ne se traduire que par la survenue d’événements
thromboemboliques.
Dans un petit nombre de cas (5 à 10 %), la maladie est la
conséquence d’anomalies constitutionnelles des voies de reméthylation.
Le déficit homozygote en MTHFR est l’anomalie la
plus commune.
Elle est caractérisée par une atteinte neurologique,
un retard psychomoteur, des convulsions, une maladie vasculaire
prématurée et des thromboses veineuses.
*
Hyperhomocystéinémie modérée et faible
:
Ces formes d’hyperhomocystéinémie sont d’origine génétique ou
acquise.
Dans la population générale, le déficit hétérozygote en b cystathionine synthase est fréquent (0,3 à 1,4 %).
Une autre anomalie
fréquente est la présence d’un variant thermolabile de la MTHFR
qui possède 50 % de l’activité enzymatique normale.
Ce variant
résulte d’une substitution C -> T du nucléotide 677 du gène,
transformant une alanine en valine.
Sa prévalence à l’état
homozygote dans la population générale est de 10 %.
Les causes les
plus communes d’hyperhomocystéinémie acquise sont des déficits
nutritionnels en cobalamine, folate ou pyridoxine, qui sont des
cofacteurs essentiels du métabolisme de l’homocystéine.
Des
concentrations élevées d’homocystéine sont assez souvent observées
chez les personnes âgées, même en présence de concentrations
vitaminiques sériques normales.
L’insuffisance rénale chronique,
la prise de médicaments interférant avec le métabolisme des folates
tels que le méthotrexate et les anticonvulsivants, ou avec celui de la
cobalamine tel l’oxyde nitrique, peuvent aussi être cause
d’hyperhomocystéinémie modérée.
3- Pathogénie
:
Les mécanismes impliqués dans le rôle athérogène et thrombogène
de l’hyperhomocystéinémie sont partiellement connus.
L’homocystéine entraîne chez le babouin la desquamation des
cellules endothéliales vasculaires, la prolifération des cellules
musculaires lisses et l’épaississement de l’intima.
D’autres effets sur
les cellules endothéliales ont été décrits : activation du facteur V,
interférence dans l’activation de la PC et l’expression de la thrombomoduline, inhibition du t-PA, diminution de la génération
d’oxyde nitrique et de prostacycline, induction de l’expression du
facteur tissulaire, suppression de l’expression des sulfates
d’héparane de la paroi vasculaire, induction d’une RPCA par
modification du facteur V.
Il faut cependant insister sur le fait que la
majorité des effets décrits existent pour de fortes concentrations
plasmatiques d’homocystéine, supérieures à celles qui sont
retrouvées chez les patients porteurs d’une hyperhomocystinurie
homozygote.
4- Manifestations cliniques :
Dans de multiples études cas-témoins, et dans des études
transversales, une relation significative entre l’hyperhomocystéinémie
(faible ou modérée, d’origine constitutionnelle ou
acquise) et la maladie artérielle (infarctus du myocarde et accident
vasculaire cérébral [risque relatif de l’ordre de 2], maladie artérielle
périphérique [risque relatif de l’ordre de 7]) a été mise en évidence.
Dans des études de design analogue, l’hyperhomocystéinémie faible
ou modérée a également été associée à la thrombose veineuse
survenant chez l’adulte jeune et à ses récurrences (risque relatif de
l’ordre de 2).
Cependant, les résultats obtenus dans des études
prospectives ne confirment pas toujours les résultats des études castémoins,
en particulier en ce qui concerne le risque thrombotique
veineux.
5- Diagnostic biologique
:
L’homocystéinémie peut être évaluée à l’aide de techniques
chromatographiques, électrophorétiques ou immunologiques.
La
substitution 677 C -> T responsable de la présence du variant
thermolabile de la MTHFR est facile à mettre en évidence par des
techniques de biologie moléculaire.
Autres gènes candidats
:
A - « ENDOTHELIAL CELL PROTEIN C/ACTIVATED
PROTEIN C RECEPTOR » (EPCR)
:
L’EPCR est une protéine de 43 kDa de la cellule endothéliale
vasculaire, récepteur de la PC.
Elle est présente majoritairement sur
les gros vaisseaux où elle assure une forte concentration locale de
PC qui peut activer le complexe thrombine-thrombomoduline.
Le
gène de l’EPCR est connu depuis peu de temps et l’implication de
ses variations de séquence dans la survenue des thromboses est
encore peu étudiée.
Une insertion de 23 pb dans l’exon 3 qui génère
un codon stop a été mise en évidence.
Les résultats d’une étude cas-témoins récente (publiée sous forme de résumé) suggèrent que
cette mutation pourrait être facteur de risque thrombotique veineux
(OR : 4,6 ; intervalle de confiance [IC] : 1,1-19,7) et artériel.
B - THROMBOMODULINE :
La thrombomoduline est un autre récepteur membranaire présent
sur la cellule endothéliale vasculaire.
Elle fixe la thrombine et
modifie sa spécificité.
En effet, la thrombine fixée à la thrombomoduline perd toutes ses fonctions procoagulantes et
acquiert une grande capacité d’activation de la PC. Le gène de la
thrombomoduline est un gène sans intron situé sur le chromosome
20.
Sa région codante comporte 1,7 kb.
L’implication des régions
codantes et du promoteur du gène de la thrombomoduline dans la
survenue des thromboses veineuses et artérielles a été étudiée par
plusieurs groupes.
Plusieurs variations de séquence ont été mises
en évidence.
Aucune de ces mutations n’est un facteur de risque
établi de thrombose.
Cependant, une mutation du promoteur
(G-33A), qui est rare dans les populations européennes mais
beaucoup plus fréquent en Asie, pourrait être impliquée dans la
pathologie artérielle.
Conclusion
:
Le nombre des facteurs de risque génétiques établis qui interviennent
dans la maladie thromboembolique veineuse augmente très rapidement.
À côté des déficits en inhibiteurs de la coagulation qui sont connus de
longue date mais qui sont assez rares, on a découvert récemment des
anomalies beaucoup plus fréquentes (mutation Leiden du facteur V et du
facteur II, augmentation du facteur VIII d’origine génétique).
Ces
facteurs de risque jouent un rôle majeur dans la thrombophilie.
Dans le domaine de la maladie thrombotique artérielle, la situation est
beaucoup moins claire.
De nombreux polymorphismes qui pourraient
contribuer au développement de la thrombose artérielle ont été découverts.
Dans de nombreux cas, des relations significatives entre génotypes et
phénotypes plasmatiques ont été mises en évidence.
En revanche, la
contribution exacte des génotypes aux phénotypes cliniques reste bien
souvent incertaine.
Ces incertitudes sont en partie explicables par la
complexité des processus mis en jeu et par l’importance majeure des
facteurs environnementaux dans le développement de cette pathologie.