Mortinatalité et mortalité néonatale Cours de
Gynécologie
Obstétrique
Introduction
:
L’objectif de ce chapitre est de présenter les taux de mortalité en France et à
l’étranger, d’indiquer les principaux éléments pouvant expliquer ou favoriser
la mortalité, et enfin de rappeler un certain nombre de recommandations et
précautions à prendre dans l’utilisation de la mortalité pour évaluer les soins.
Définitions
:
A - Enfant né vivant et mort-né :
On entend par né vivant tout enfant qui respire ou manifeste tout autre signe
de vie à la naissance, et ceci indépendamment de sa durée de gestation.
On
entend par mort-né tout enfant n’ayant manifesté aucun signe de vie à la
naissance.
La limite permettant de distinguer une naissance d’un avortement
tardif varie suivant les sources de données.
L’Organisation mondiale de la
santé (OMS) recommande de prendre tous les foetus ou enfants pesant au
moins 500 grammes à la naissance.
En France, à l’état civil, on enregistre
les foetus dont la gestation a duré au moins 180 jours, soit un âge gestationnel
d’au moins 28 semaines.
Avant 1993, les enfants nés vivants mais décédés
avant la déclaration de la naissance (appelés « faux mort-nés ») étaient
enregistrés à l’état civil comme des mort-nés et les taux étaient corrigés pour
prendre en compte cette particularité.
Maintenant, ils sont enregistrés
comme tout autre enfant né vivant et décédé dans la période néonatale.
B - Mortinatalité et mortalité néonatale
:
La mortalité dans la période entourant la naissance est composée de :
– la mortinatalité, ou mortalité foetale, qui regroupe les mort-nés tels qu’ils
sont définis ci-dessus ;
– la mortalité néonatale, qui concerne les décès des enfants nés vivants et
morts entre 0 et 27 jours révolus.
Elle se décompose en deux sous-catégories :
la mortalité néonatale précoce entre 0 et 6 jours révolus et la mortalité
néonatale tardive entre 7 et 27 jours révolus.
On considère également la mortalité périnatale qui regroupe les mort-nés et
les décès néonatals précoces, et la mortalité périnatale étendue qui réunit les
mort-nés et tous les décès néonatals.
Les taux de mortinatalité et mortalité périnatale sont calculés en rapportant
les nombres de mort-nés et de morts périnatales observés pendant une période
donnée, au nombre total de naissances (naissances vivantes et mort-nés)
observé durant cette même période.
Les taux pour la mortalité néonatale et
ses composantes sont calculés en rapportant le nombre de morts au nombre
de naissances vivantes observé durant la même période.
Niveau de la mortinatalité et de la mortalité
néonatale en France et en Europe :
A - Situation actuelle :
En 1995, en France, la mortinatalité était de 5,3/1 000, la mortalité néonatale
de 2,9/1 000 et la mortalité périnatale de 7,4/1 000.
La mortalité périnatale
étendue atteignait 8,2/1 000.
Pour mesurer le niveau de la mortalité dans les principaux pays d’Europe et
les situer les uns par rapport aux autres, il est nécessaire de regrouper plusieurs
années car les écarts entre les pays sont réduits et les taux fluctuent d’une
année à l’autre, surtout dans les pays ayant un petit nombre de naissances.
Sur
la période 1992-1994, la Finlande et la Suède représentent les pays ayant la
mortalité la plus faible, alors que le Portugal et la Grèce ont les niveaux les
plus élevés.
La mortalité périnatale étendue passe du simple au
double entre les deux pays extrêmes.
La position relative de la Finlande et de
la Suède d’une part, de la Grèce et du Portugal d’autre part est restée stable
depuis le début des années 1970.
En revanche, le rang occupé par les
autres pays a changé au cours du temps.
Par exemple, les Pays-Bas et le
Danemark, qui avaient la mortalité périnatale la plus basse de tous les pays de
la Communauté européenne pendant les années 1970, occupent maintenant
une position moyenne.
L’inverse est observé pour l’Allemagne (ou la
République fédérale d’Allemagne [RFA] auparavant).
Une partie des différences de mortalité entre pays peut provenir de variations
dans la déclaration des naissances et des décès, surtout pour les naissances
aux âges les plus faibles.
Il existe tout d’abord des différences dans les règles
d’enregistrement des décès.
Par exemple, en France, la mortalité néonatale
précoce est légèrement sous-estimée puisque, jusqu’en 1992, toute
naissance avant 28 semaines d’un enfant né vivant décédé avant sa déclaration
à l’état civil était considérée comme une fausse-couche et non comptabilisée
dans les statistiques.
Par ailleurs, il existe entre pays
des différences de comportement du corps médical concernant la déclaration
ou la non-déclaration de naissance d’enfants de très faible poids ou ayant une
malformation majeure.
Enfin, il semble que la prise en charge des enfants
ayant un très mauvais pronostic ne soit pas conduite de la même manière d’un
pays à l’autre, notamment en ce qui concerne les interruptions médicales de
grossesse et les arrêts de réanimation.
Tous ces éléments montrent que les
comparaisons internationales doivent être interprétées avec précaution.
B - Évolution entre 1960 et 1995
:
Depuis 1960, la mortalité foetale et néonatale a diminué de manière
importante, mais en suivant un rythme différent pour chacune de ses
composantes.
La mortinatalité a subi une baisse assez
importante pendant les années 1970, puis la diminution s’est ralentie
progressivement.
La mortalité néonatale précoce a diminué en suivant le
même rythme que la mortinatalité pendant les années 1960, puis avec un
rythme plus rapide pendant les années 1970 ; la tendance s’est amortie
progressivement par la suite et les taux sont quasiment stables depuis 1992.
Causes de mortalité néonatale en France
:
Les causes médicales de décès sont certifiées en France pour tous les décès,
sauf pour les mort-nés.
Pour les décès néonatals, les statistiques ont été
pendant longtemps difficiles à interpréter car les causes n’étaient pas connues
pour les « faux mort-nés ».
La situation a changé en 1993 avec l’obligation
d’enregistrer tous les décès d’enfants nés vivants selon la procédure standard.
Selon la CIM de l’OMS (CIM 9), environ la moitié des causes de décès
néonatal sont regroupées dans le chapitre «Affections dont l’origine se situe
dans la période périnatale ».
Il s’agit essentiellement de l’hypoxie
intra-utérine et de l’asphyxie à la naissance (10,4 %des décès), du syndrome
de détresse respiratoire (8,3 %), des autres affections respiratoires du foetus
ou du nouveau-né (5,9 %), et des hémorragies foetales ou néonatales (6,4 %),
qui comprennent essentiellement les hémorragies intraventriculaires.
La prématurité ou un petit poids à la naissance ne représente que 4,5 % des
décès, mais selon les règles de classement de l’OMS, cette cause est retenue
seulement si aucune autre n’est mentionnée sur le certificat de décès.
Pour
connaître avec précision le rôle de la prématurité ou du poids sur la mortalité,
il est nécessaire de disposer des taux de mortalité en fonction de l’âge
gestationnel et du poids de naissance.
Ceci va être possible dans l’avenir en
France puisque maintenant l’âge gestationnel et le poids sont enregistrés de
manière systématique pour toutes les naissances et tous les décès néonatals.
Les causes d’origine maternelle ou obstétricale représentent une part
relativement faible : 2,4 % des décès sont dus à des troubles maternels
(hypertension, infections...) et 4,3 % à des complications du travail et de
l’accouchement, y compris les complications concernant le placenta, le
cordon et les membranes.
Il semble que le rôle de ces causes soit sous-estimé.
En effet, on ne peut retenir qu’une seule cause ayant déterminé le décès alors
que parfois celui-ci est le résultat d’une cause d’origine maternelle ou
obstétricale et d’une cause liée à l’enfant.
Dans une enquête à base régionale
où on recherchait séparément ces deux types de cause, environ la moitié des
décès néonatals avaient une origine maternelle ou obstétricale associée, dans
la plupart des cas, à une cause d’origine foetale ou néonatale.
Le certificat
de décès néonatal introduit en 1997 en France va permettre de mieux prendre
en compte les causes d’origine maternelle ou obstétricale puisqu’il est
demandé de déclarer d’une part les causes d’origine foetale ou néonatale et
d’autre part les causes d’origine obstétricale ou maternelle.
Suivant la CIM, la deuxième grande catégorie de causes après les affections
d’origine périnatale est représentée par les anomalies congénitales.
Elles
regroupent 27,5 % des causes de décès.
Il s’agit dans près de la moitié des cas
des anomalies du coeur et de l’appareil circulatoire.
Facteurs intervenant sur la mortalité :
A - Principaux facteurs de risque liés à l’enfant :
1- Multiplicité
:
Le risque de mortalité est particulièrement élevé parmi les enfants issus de
grossesse multiple.
Les taux de mortalité en fonction du nombre d’enfants ne
sont pas connus en France.
En Angleterre et au pays de Galles, le taux de
mortalité périnatale était de 36/1 000 pour les jumeaux et de 60/1 000 pour
les triplés, au lieu de 8/1 000 pour les enfants uniques nés en 1995.
Quelle
que soit l’année, le risque associé à une naissance multiple est plus élevé pour
la mortalité néonatale que pour la mortinatalité.
Le taux de naissances
gémellaires et triples a augmenté de manière importante au cours des années
1970 et 1980.
Cette évolution a eu une influence faible sur la mortalité au
niveau national en raison de la proportion peu importante des naissances
multiples dans la population générale.
En revanche, dans les services
accueillant un grand nombre de femmes ou de nouveau-nés à haut risque, il
est important de prendre en compte cet élément et d’analyser la mortalité
séparément parmi les enfants uniques et les enfants multiples.
2- Poids et âge gestationnel :
Le poids à la naissance et l’âge gestationnel représentent des facteurs de
risque essentiels.
La mortalité en fonction de ces deux facteurs ne peut pas
être présentée sur de grandes populations en France car l’introduction de ces
deux caractéristiques sur le bulletin de naissance et le certificat de décès
néonatal est trop récente.
Les données d’état civil de l’Angleterre et du pays
de Galles montrent qu’en 1996 la mortalité périnatale passait de 49,8/1 000
chez les enfants pesant entre 1 500 et 1 999 grammes à 1,5/1 000 chez les
enfants pesant de 3 500 à 3 999 grammes.
Entre ces deux
classes de poids, la mortinatalité était multipliée par 38 et la mortalité
néonatale par 22.
Il faut par ailleurs noter que même si la mortalité diminue
très rapidement quand le poids augmente, le taux de mortalité périnatale
demeure encore trois fois plus élevé chez les enfants de 2 500 à
2 999 grammes que chez les enfants de 3 500 à 3 999 grammes.
Les statistiques fournissant des taux de mortalité en fonction de l’âge
gestationnel en population générale sont peu nombreuses.
L’âge gestationnel
et le poids ont été enregistrés dans une étude comprenant la totalité des mortnés
et des décès néonatals et un échantillon représentatif de naissances
vivantes en 1988-1989 dans neuf régions françaises.
Parmi les enfants
décédés pendant la période néonatale, 61 % avaient moins de 35 semaines et
57 % avaient moins de 2 000 grammes, alors que les pourcentages étaient
respectivement de 1,5 % et 1,4 % parmi les enfants nés vivants.
Bien que l’âge gestationnel et le poids soient extrêmement liés entre eux,
chacune de ces caractéristiques a un rôle propre, comme le montrent les oddsratios
ajustés.
Par rapport aux enfants de 39 semaines ou plus, les enfants nés
avant 35 semaines ont un risque multiplié par 25, et cela indépendamment de
leur poids et des autres principaux facteurs de risque.
De même, les enfants
de moins de 2 000 grammes ont un risque de mortalité multiplié par 11 par
rapport aux enfants ayant au moins 3 500 grammes à la naissance, après prise
en compte des différences concernant l’âge gestationnel et les autres facteurs
de risque.
L’effet propre de l’âge et du poids est donc très fort chez les enfants
très prématurés ou de petit poids ; il joue encore chez les enfants de
38 semaines ou pesant entre 3 000 et 3 500 grammes puisque ces enfants ont
un risque de mortalité plus élevé que les enfants nés après 38 semaines ou
pesant au moins 3 500 grammes.
L’importance propre du poids et de l’âge
gestationnel a été montrée dans d’autres populations sur l’ensemble des
enfants ou parmi les enfants très prématurés ou de très petit poids.
3- Sexe :
Dès la naissance, il existe une surmortalité masculine.
En 1995 en France, les
taux de mortinatalité étaient de 5,5/1 000 pour les garçons et de 5,0/1 000 pour
les filles ; les taux de mortalité néonatale étaient respectivement de 3,2 et
2,6/1 000.
B - Principaux facteurs de risque correspondant
aux caractéristiques sociodémographiques des parents :
1- Situation sociale
:
La mortalité varie en fonction de la classe sociale des parents.
En France, la
catégorie socioprofessionnelle des parents est enregistrée à l’état civil pour
chaque naissance, mais jusqu’en 1997 ce n’était pas le cas pour les décès
néonatals.
Il est donc nécessaire d’apparier chaque bulletin de décès au
bulletin de naissance correspondant, avant de pouvoir fournir des statistiques
de mortalité en fonction des principales caractéristiques sociales des parents.
Cette opération a été conduite pour la dernière fois pour les enfants nés entre
1984 et 1989.
Parmi ces générations, le taux de mortalité néonatale des
enfants légitimes variait suivant la catégorie socioprofessionnelle du père,
avec un taux élevé chez les enfants d’ouvriers (4,2/1 000), d’artisans,
commerçants ou chefs d’entreprise (4,1/1 000) ou agriculteurs (3,9/1 000), et
un taux plus bas parmi les enfants de cadres, professions intellectuelles
supérieures ou professions intermédiaires (3,4/1 000).
Ce bilan ne comprend
pas environ un tiers des enfants qui étaient illégitimes et pour lesquels on ne
disposait pas d’information sur la profession du père.
Dans des populations à
base géographique où le milieu social est connu pour la totalité ou la plupart
des nouveau-nés, la mortalité périnatale ou la mortalité néonatale varie
suivant la catégorie socioprofessionnelle, le niveau d’études de la mère
ou le niveau de vie caractérisant la zone d’habitat.
D’autres facteurs
sociaux jouent un rôle sur la mortalité périnatale.
Dans les générations 1984-1989 précédemment décrites, le taux de mortalité néonatale était de 4,5/1 000
pour les naissances hors mariage au lieu de 4,0/1 000 pour les naissances
légitimes.
Par ailleurs, la mortinatalité ou la mortalité périnatale est plus
élevée chez les femmes de nationalité étrangère ou nées à l’étranger que chez
les femmes françaises.
2- Âge maternel et parité
:
L’âge maternel et la parité sont des facteurs à prendre en compte quand on
compare la mortalité entre différentes zones géographiques ou quand on
étudie l’évolution de la mortalité au cours du temps, chaque fois que la
fécondité ou l’âge à la maternité diffèrent beaucoup entre les taux comparés.
La question se pose actuellement pour les études temporelles en raison du
glissement important des naissances vers des âges maternels plus tardifs.
La
mortalité périnatale est élevée chez les femmes de moins de 20 ans et chez les
femmes de 35 ans et plus, ainsi que chez les femmes de parité élevée.
C - Effets de la prise en charge médicale :
1- Viabilité et déclaration des naissances et des décès
:
La mesure de la mortalité dépend pour une large part du seuil fixé entre les
avortements et les naissances.
La limite de 180 jours de grossesse ou
28 semaines d’aménorrhée (SA) utilisée à l’état civil correspond mal à la
réalité du fait du nombre croissant d’enfants qui survivent en dessous de ce seuil.
En l’absence de critères adaptés, l’enregistrement des naissances à l’état
civil varie d’un médecin à l’autre et dépend de la viabilité de l’enfant, telle
qu’elle peut être perçue par son poids, la présence de malformations ou les
possibilités de réanimation.
Ces variations dans l’enregistrement
affectent non seulement la mortinatalité mais également la mortalité néonatale
car certains enfants nés vivants ne sont pas déclarés, en particulier s’ils sont
morts peu de temps après leur naissance.
Ceci peut avoir des effets sur la
qualité des comparaisons non seulement entre zones géographiques, mais
aussi entre périodes de temps, dans la mesure où on a tendance à considérer
comme viable un nombre de plus en plus grand d’enfants.
Pour estimer
l’ampleur des différences de taux de mortalité suivant les seuils
d’enregistrement, nous avons appliqué, sur une même population hospitalière
en 1983-1984, différentes définitions d’une naissance.
Nous avons ainsi
constaté que le taux de mortalité périnatale variait de 27,3/1 000 si le seuil
d’enregistrement était fixé à 500 grammes à 18,7/1 000 si on retenait le seuil
de 28 semaines utilisé à l’état civil.
2- Impact des décisions médicales sur la mortalité :
Le développement de la prévention, l’organisation des services en fonction
du niveau de risque des femmes et des nouveau-nés ainsi que l’attitude de plus
en plus active du corps médical dans le déroulement de la grossesse et la prise
en charge des nouveau-nés ont des effets extrêmement variés sur la mortalité.
Une première conséquence est le report des décès.
Ainsi la décision
d’interrompre la grossesse en cas de souffrance foetale sévère conduit à
réduire le nombre de mort-nés, mais fait naître des enfants vulnérables ayant
un risque élevé de mourir dans la période néonatale ou au-delà.
De même, les
nouvelles techniques de réanimation ou de traitement des enfants très
prématurés permettent de maintenir en vie des nouveau-nés fragiles qui
risquent de mourir au-delà de la période néonatale.
À cela s’ajoutent les
situations où, après une prise en charge active de certains nouveau-nés, on
décide d’interrompre les soins en raison de la gravité des lésions cérébrales
observées.
Ces pratiques ont beaucoup changé au cours du temps et diffèrent
entre services ou entre régions, ce qui peut affecter le niveau de mortalité à la
naissance et pendant la première année suivant la naissance.
Par ailleurs, le développement du diagnostic anténatal conduit à interrompre
très tôt certaines grossesses qui ne sont donc pas comptabilisées ou ne sont
présentes que dans les statistiques de mortinatalité.
Ainsi les foetus ayant fait
l’objet d’une interruption médicale de grossesse ne figurent pas du tout dans
les statistiques si l’interruption a été réalisée avant 28 SA, ou sont présents
parmi les mort-nés si l’interruption a eu lieu plus tard.
Par exemple, selon les
registres de malformations congénitales français, 91 % des cas
d’anencéphalie diagnostiqués in utero conduisent à une interruption médicale
de grossesse, réalisée presque toujours avant 28 semaines.
Nous avons
constaté, dans une enquête conduite à la fin des années 1980 dans plusieurs
régions françaises, que 25 % des mort-nés entre 22 et 27 semaines
correspondaient à des interruptions médicales de grossesse.
Le diagnostic
anténatal et les interruptions médicales de grossesse peuvent avoir des effets
importants quand on compare des pays ayant des pratiques très actives vis-à-vis
des malformations, comme la France, à des pays où les interruptions
médicales de grossesse sont rares, ou quand on étudie l’évolution de la
mortalité pendant une période de forte augmentation des interruptions
médicales de grossesse.
Utilisation de la mortalité
pour l’évaluation des soins :
Les différences de pratiques entre services ou entre pays peuvent conduire à
des disparités relativement importantes entre les taux de mortalité, indépendament de la qualité des soins.
Cela conduit à faire un certain nombre
de recommandations dans le recueil et l’analyse de la mortalité.
A - Définitions des naissances et des décès
:
Il est important d’enregistrer toutes les naissances et les décès en prenant un
seuil d’inclusion précoce, commun pour toutes les études.
L’OMS
recommande d’enregistrer tous les foetus et les enfants ayant au moins
500 grammes à la naissance ou, si le poids est inconnu, ceux nés à au moins
22 SA.
En fait, il ne semble pas justifié de privilégier le poids par rapport
à l’âge, compte tenu de l’importance de ce deuxième critère dans les décisions
et le pronostic vital de l’enfant.
Il est donc souhaitable d’enregistrer dans les
études tous les foetus et enfants d’au moins 500 grammes, et tous les foetus et
enfants nés à au moins 22 semaines.
Les études comparant la mortalité entre
pays sont dépendantes des seuils appliqués par l’état civil de chaque pays.
Actuellement, seule la Finlande retient tous les foetus ayant au moins
500 grammes ou 22 semaines pour l’enregistrement des mort-nés à l’état
civil.
Étant donné les variations dans le choix des seuils utilisés, entre les pays par
exemple, il est nécessaire de noter le poids et l’âge gestationnel pour
chaque naissance et chaque décès, pour pouvoir calculer des taux de
mortinatalité et mortalité néonatale selon ces différents seuils.
Pour prendre en compte au mieux les reports des décès de la naissance vers
des âges plus avancés, il est intéressant de considérer la mortalité sur des
périodes de temps larges, en étudiant la mortalité périnatale étendue ou la
mortalité foeto-infantile, qui regroupe la mortinatalité et la mortalité pendant
la première année de vie.
Par ailleurs les problèmes d’interprétation des taux de mortalité liés au
développement des interruptions médicales de grossesse peuvent être limités
en étudiant la mortalité pour toutes les causes excepté les malformations.
Cela
n’est possible que si les causes de décès sont bien connues dans les
populations étudiées.
B - Définition des populations :
L’étude de la mortalité peut être réalisée au niveau de services ou au niveau
de zones géographiques. Dans le premier cas, les populations étudiées sont
sélectionnées.
Le recrutement des services peut varier considérablement dans
le temps ou d’un hôpital à l’autre, ce qui se traduit par des différences
importantes dans les caractéristiques des populations étudiées.
Les effets d’un
type de prise en charge ou de traitement ne peuvent donc pas être mesurés au
niveau d’un service mais inclure toute la population susceptible d’utiliser ce
service.
C’est pourquoi il est préférable de raisonner au niveau de populations
définies sur une base géographique (département, région...).
C - Estimation des taux, comparaison des taux
et taille des populations
:
Le calcul d’un taux de mortalité permet d’obtenir une estimation ponctuelle
de la vraie valeur de ce taux dans la population étudiée.
Cette estimation a un
degré de précision qui dépend de la taille de la population étudiée. Cette
précision est en général exprimée par l’intervalle de confiance.
Dans une
population où on observe 1 000 naissances et 10 décès périnatals, le taux
estimé est de 10/1 000 et on peut dire, avec un risque de 5 % de se tromper,
que le vrai taux est compris entre 3,7 et 16,3/1 000.
Si la population était de
100 000 naissances et comprenait 1 000 décès périnatals, le taux estimé serait
le même mais l’intervalle de confiance à 95 % serait alors compris entre 9,4
et 10,6/1 000.
La comparaison des taux de mortalité entre deux zones géographiques ou
deux périodes de temps suppose la réalisation de tests statistiques.
Le fait
d’observer une différence statistiquement significative entre deux taux
dépend de l’ampleur de la différence entre ces taux et de la taille des
populations étudiées.
L’intervalle de confiance de la différence entre deux
taux illustre bien l’importance de la taille des populations.
Par exemple, si
on compare deux zones comprenant chacune 1 000 naissances et dans
lesquelles le taux de mortalité est de 12/1 000 dans la zone A et 8/1 000 dans
la zone B, la différence est de 4/1 000 et son intervalle de confiance à 95 %est
compris entre - 4,9/1 000 et 12,9/1 000.
Si les taux de mortalité sont les
mêmes dans chacun des deux groupes mais que le nombre de naissances est
maintenant de 10 000, alors la différence a 95 % de chances de se trouver
entre 1,2/1 000 et 6,8/1 000.
Dans le premier cas, la différence est statistiquement non significative puisque
l’intervalle de confiance comprend la valeur 0, et les données sont
compatibles tout autant avec une différence de 12,9/1 000 en défaveur de la
zone A qu’avec une différence de 4,9 en défaveur de la zone B.
Dans le
deuxième cas, la différence est statistiquement significative et l’intervalle de
confiance est beaucoup plus réduit.
Si le calcul de l’intervalle de confiance permet d’apprécier a posteriori le
degré de précision d’un taux ou d’une différence, il est préférable d’avoir
calculé le nombre de sujets nécessaire au début de l’étude.
D - Prise en compte des principaux facteurs de risque
:
Étant donné les variations de la mortalité en fonction du poids de naissance,
de l’âge gestationnel et de certaines caractéristiques maternelles, il est
important de tenir compte de ces facteurs dans l’analyse de l’évolution de la
mortalité ou dans les comparaisons entre services ou entre zones
géographiques.
Pour les études utilisant les données hospitalières, ces
informations sont présentes dans les dossiers médicaux.
Pour les études
utilisant les données d’état civil, on ne dispose pas pour l’instant de telles
informations.
Toutefois, deux modifications majeures introduites dans le
recueil vont permettre dans l’avenir d’analyser la mortalité en fonction des
principaux facteurs de risque.
Tout d’abord l’âge gestationnel et le poids de
naissance sont maintenant enregistrés pour chaque naissance.
Par ailleurs, le
certificat de décès néonatal introduit en 1997 comprend un recueil détaillé des
caractéristiques des parents et de l’enfant à la naissance.
Il va donc être
possible de calculer des taux de mortalité néonatale en fonction des
principaux facteurs de risque.
L’analyse de la mortalité en fonction des principaux facteurs de risque
comporte deux étapes principales.
La première consiste à calculer des taux de mortalité dans les différentes classes du facteur de risque étudié, par exemple
pour chaque classe de poids de naissance, et d’effectuer des comparaisons à
l’intérieur des sous-groupes.
La deuxième consiste à faire une comparaison
globale fondée sur les comparaisons à l’intérieur de chaque sous-groupe, à
l’aide d’un test d’ajustement.
Cette méthode suppose que les différences
observées à l’intérieur de chaque sous-groupe sont voisines.
Pour exprimer le
résultat, on peut calculer des taux de mortalité ajustés, ou taux comparatifs,
par une méthode de standardisation.
Cela permet d’obtenir des taux de
mortalité pour lesquels sont éliminées les différences dans la fréquence des
facteurs de risque entre les populations comparées.
Une autre approche pour
effectuer une comparaison globale consiste à faire une analyse multivariée
prenant en compte les principaux facteurs de risque.
La relation existant entre
les périodes ou les zones comparées est alors exprimée sous forme d’un oddsratio
ajusté de mortalité.
Ainsi la comparaison de la mortalité périnatale
entre le Danemark et la Suède montre un excès de risque au Danemark ;
l’odds-ratio de mortalité est de 1,19 (intervalle de confiance à 95 % : 1,13-
1,24).
Après ajustement sur le poids de naissance, l’âge maternel et la parité,
l’écart se réduit puisque l’odds-ratio est alors de 1,05 (intervalle de confiance
à 95 % : 1,03-1,07).
E - Classification des décès dans une perspective
de prévention
:
Pour évaluer la qualité des soins, il est nécessaire d’opérer des distinctions
entre les décès pour lesquels la prévention et les soins médicaux ont une
influence faible et les décès qui seraient dus à des soins insuffisants ou
inadaptés.
Une procédure d’audit consiste à réunir un comité d’experts
représentant plusieurs disciplines qui doit, pour chaque cas de décès, analyser
les mécanismes ayant conduit à la mort et se prononcer sur les anomalies de
la prise en charge médicale.
De tels systèmes ont été mis en place en
Angleterre pour l’ensemble des décès périnatals, et en France dans certains
départements ou régions.
Une procédure d’audit, si elle est conduite
au niveau local directement par les cliniciens concernés, peut avoir des effets
importants sur la pratique.
Si elle est conduite en routine sur de grandes
populations, elle est difficile à faire fonctionner en raison de son coût.
Une autre approche consiste à utiliser des classifications établies a priori.
Les
causes de décès présentées suivant la CIM fournissent des résultats trop
détaillés.
Une classification regroupée a été mise au point en Angleterre et au
pays de Galles pour les mort-nés et les décès infantiles pour fournir un
maximum d’information dans une perspective de prévention et elle est
utilisée en routine dans les statistiques d’état civil.
Un grand nombre d’autres
classifications ont été proposées, qui combinent des informations sur les
circonstances du décès, les causes de décès et les principaux facteurs de
risque. Elles se différencient dans leurs objectifs.
Les unes
privilégient la prévention, et les décès sont classés en fonction des possibilités
de prévention et de traitement des pathologies.
Les autres ont une approche
plus physiopathologique, et elles regroupent les décès en fonction des
pathologies et des mécanismes qui les sous-tendent.
Parmi les classifications
les plus récentes, il faut noter la Nordic-Baltic Classification.
Elle n’utilise
pas les causes de décès, si ce n’est les malformations, mais tient compte de
l’âge au décès, de l’âge gestationnel et du coefficient d’Apgar.
Elle a
permis de montrer que la mortalité périnatale élevée au Danemark par rapport
à la Suède provenait surtout des décès pendant le travail.
La NICE
classification (Neonatal and Intrauterine Death Classification to Etiology)
distingue quelques grandes catégories de causes de décès (malformations,
pathologies maternelles, complications obstétricales), l’âge au décès et
quelques facteurs de risque majeurs (multiplicité, âge gestationnel et retard
de croissance).
Ces deux classifications utilisent uniquement les
informations contenues dans les bases de données existantes ; elles sont
particulièrement adaptées pour sélectionner un groupe de décès à analyser de
manière approfondie, par une procédure d’audit par exemple.
Une autre manière de classer les décès est de constituer a priori une liste de
causes de décès ne devant pas se produire ou une liste de situations
caractérisées par des soins inadaptés.
Ces listes doivent être établies par un
groupe d’experts et obtenir un large consensus.
Cette approche est très utile
pour mesurer les conséquences de certaines anomalies de la prise en charge
médicale et savoir quelle proportion de décès pourrait être prévenue si les
anomalies étaient éliminées.
Ainsi dans une étude anglaise conduite parmi les
enfants à terme, l’absence de décision en cas de souffrance foetale aiguë
prolongée était très liée à la mortalité périnatale, après prise en compte des
autres facteurs de risque de mortalité ; cependant, les auteurs soulignaient
le fait qu’une conduite active systématique en cas de diagnostic de souffrance
aiguë ne réduirait que très faiblement la mortalité car les absences de décision
étaient très rares.
La mortalité foetale et néonatale représente un indicateur de santé
facilement disponible et largement utilisé pour identifier les besoins
sanitaires et évaluer les prises en charge médicales.
Cet indicateur doit
toutefois être utilisé avec précaution en raison des différences
d’enregistrement des décès et de l’évolution des pratiques médicales.
Les politiques de plus en plus actives pour améliorer la survie et éviter
des handicaps majeurs montrent que la mortalité ne peut plus être le
seul critère d’évaluation de la qualité des soins et qu’il est important de
disposer de critères à plus long terme sur la fréquence des handicaps
dans les populations étudiées.