Morsures, griffures et envenimations : conduite à tenir en urgence Cours de
réanimation - urgences
Introduction
:
L’incidence des piqûres et des morsures d’animaux venimeux est
faible en Europe comparée à celle des régions tropicales.
Il s’agit
toutefois d’un problème de santé publique : 0,3 à 3 % des
consultations adressées aux centres antipoison européens sont dues
à des piqûres et des morsures.
De plus, un nombre important
d’incidents ne sont ni signalés, ni enregistrés (piqûres d’abeille, par
exemple).
Des espèces importées non autochtones (nouveaux
animaux de compagnies), adoptées par les amateurs d’animaux
exotiques, sont à l’origine de problèmes médicaux plus complexes
et d’envenimations difficiles à diagnostiquer et à traiter.
Soixante-quinze à 90 % des morsures animales sont dues aux
animaux de compagnies et plus de 70 % des blessés sont mordus
par leur propre animal ou un animal qu’ils connaissent.
Moins de
10 % des morsures ont pour origine les animaux sauvages et le
bétail.
Les morsures humaines surviennent surtout lors des rixes.
Conduite à tenir devant une morsure
ou griffure :
A - DÉSINFECTION ET PARAGE DE LA PLAIE
:
La désinfection et le parage des tissus dévitalisés sont un temps
essentiel et doivent être mis en oeuvre le plus précocement possible.
Ces gestes essentiels permettent une nette diminution des infections
secondaires.
La désinfection commence par un savonnage prolongé, minutieux
et énergique, suivi d’un rinçage abondant.
Il pourra être réalisé avec
du simple savon de Marseille.
Puis un antiseptique iodé ou à base
d’ammonium quaternaire est utilisé.
L’utilisation d’eau oxygénée
pendant le nettoyage de la plaie permet de limiter l’anaérobiose.
Selon la localisation et la profondeur de la lésion, une prise en
charge spécialisée peut être nécessaire.
Ainsi une plaie profonde de
la main, avec atteinte des gaines des fléchisseurs, une atteinte
tendineuse, vasculaire ou nerveuse doit être prise en charge au bloc
opératoire.
B - RISQUE INFECTIEUX - CLINIQUE
:
La diversité de la flore bactérienne inoculée par les morsures ou
griffures est importante, induisant une fréquente
inoculation polymicrobienne.
Elle dépend de la flore buccale de
l’animal.
Le plus souvent, il s’agit de Pasteurella, de Bartonella
(maladie des griffes du chat) ou d’autres germes aéroanaérobies
ayant pour conséquence une infection localisée, avec suppuration
grise malodorante, ou une cellulite.
L’existence d’une fièvre associée, d’une lymphangite ou d’une
adénopathie est moins habituelle et ne dépasse pas 20 % des cas
(généralement vus tardivement).
Des arthrites, des ostéomyélites et
des abcès peuvent survenir ainsi que des infections encore plus
sévères à type de septicémie ou de méningite, notamment chez le
patient au terrain débilité.
Seuls 15 à 20 % des morsures de chien s’infectent.
Les prélèvements
précoces montrent une majorité de germes aérobies (streptocoques alphahémolytiques, staphylocoques dorés et Pasteurella multocida
essentiellement).
Des germes anaérobies sont retrouvés dans 30 à
40 % des cas.
Les morsures de chats comportent, en revanche, un risque élevé
d’infection (environ 50 %), de par l’inoculation profonde et
ponctiforme de germes, difficilement accessible au lavage.
Pasteurella multocida est retrouvée dans 75 % des cas.
Rappelons que la maladie des griffes du chat peut s’observer après
griffure ou morsure de chat, de chien ou de singe.
Des cas de tularémie (Francisella tularensis) après morsure de chat,
de porc, de coyotes, d’écureuil et de lièvre ont été décrits.
Les morsures de rat, de souris, de gerbilles, en dehors des infections
à Pasteurella multocida peuvent être à l’origine d’infections
disséminées telle que le sodoku (Spirillum minus), l’haverhilliose
(Streptobacillus moniliformis) ou la leptospirose (Leptospira).
Mais parmi ces divers risques infectieux, c’est la rage et le tétanos
qui représentent le danger majeur, même s’il est rare.
C - ANTIBIOTHÉRAPIE
:
La prescription d’antibiotique ne doit plus être
systématique.
L’attitude la plus raisonnable semble être de limiter
l’usage des antibiotiques aux cas de plaies étendues, profondes
(morsure de chat) et/ou très souillées, vues tardivement ou en cas
de signes inflammatoire lors du premier examen (suspect d’une
infection à Pasteurella).
Ce traitement doit être de courte durée en
n’excédant pas 4 jours.
L’infection la plus fréquente est la pasteurellose. Elle survient dans
les 24 premières heures avec présence de pus verdâtre nauséabond
et d’un important oedème.
Quand l’abcès évolue plus doucement,
l’infection à staphylocoque est plus probable.
D - TRAITEMENT ANTALGIQUE
:
La prise en charge de la douleur est évidemment une priorité.
Souvent les antalgiques de niveau I suffiront.
Nous conseillons
l’utilisation de paracétamol per os à la dose de 4 g/j.
L’aspirine et
les autres anti-inflammatoires non stéroïdiens sont à éviter.
Certaines
plaies importantes ou particulièrement algiques justifient
d’antalgiques de niveau II.
Ainsi, la prescription de tramadol ou des
associations paracétamol-dextropropoxyphène, paracétamol-codéine
ou paracétamol-tramadol peut être proposée.
E - TÉTANOS
:
Il s’agit d’une toxi-infection due à Clostridium tetani, bacille
anaérobie tellurique, dont les spores sont extrêmement résistantes.
C’est une maladie à déclaration obligatoire.
L’infection se fait par une porte d’entrée cutanée ou muqueuse
même minime.
Dans les pays industrialisés, les portes d’entrée
principales sont les petites plaies oubliées ou passées inaperçues
(70 % des cas de tétanos), dont les griffures et les morsures
d’animaux.
La maladie déclarée impose une hospitalisation en service de
réanimation.
La durée médiane d’hospitalisation est de 42 jours.
La
létalité est de 20 à 30 % et des séquelles existent dans 6 à 20 % des
cas.
1- Vaccination
:
Cette maladie grave, chère par sa prise en charge et lourde de
conséquences, ne devrait plus exister en France.
En effet, la
vaccination peu onéreuse est très efficace (près de 100 %).
Elle est
obligatoire pour tout enfant de moins de 18 mois et pour les
militaires.
Malheureusement, la diminution importante des cas de
tétanos rend la population moins attentive à sa vaccination.
Il est
donc important que le corps médical s’en soucie, d’autant plus que
les facteurs de risques augmentent (vieillissement de la population,
immigration de population précaire sur le plan sanitaire…).
Toute prise en charge de plaie, par morsure, griffure ou autre, doit
inclure une enquête du statut vaccinal du patient, même si souvent,
lors de la consultation, le malade n’a pas sur lui son carnet de
vaccination.
Le test de diagnostic rapide de l’immunité antitétanique
semble être fiable.
2- Immunoglobulines
:
Les gammaglobulines antitétaniques d’origine humaine ont une
demi-vie de 28 jours.
Leur injection permet la couverture
immunitaire jusqu’à l’action efficace du vaccin.
Comme pour
l’administration de tout produit d’origine humaine, l’accord signé
du patient est obligatoire.
La posologie des immunoglobulines antitétaniques doit être de
500 UI si le sujet pèse plus de 80 kg ou s’il est vu plus de 24 heures
après la blessure.
F - RAGE
:
Malgré sa quasi-disparition de nos régions, sa gravité impose de
rester vigilant.
Les cas de rage humaine sont rares en Europe, soit
10 à 20 cas en 1997 selon les données de l’Organisation mondiale de
la santé (OMS).
Ils surviennent surtout dans les pays d’Europe de
l’Est où la rage canine reste importante (moins de dix cas par an).
De façon exceptionnelle, des personnes mordues dans des régions
de rage endémique (Afrique, Asie) développent la maladie dans un
pays européen.
En France, il n’y a pas eu de cas humain de rage depuis 1924, mais
un cas de rage d’importation a été constaté en octobre 2003.
Le
nombre de cas de rage animale diminue de façon significative grâce
à la vaccination orale des renards, principaux vecteurs du virus en
France, depuis la vaccination systématique des chiens et la quasidisparition
des chiens errants.
Seuls quelques départements restent
infectés par la rage.
L’arrêté du 28 juillet 1999 fixe la liste des départements déclarés
atteints par la rage : Ardennes, Meurthe et Moselle, Meuse, Moselle
et Bas-Rhin.
Le principal mode de contamination est la morsure par un animal
enragé et à un moindre degré par griffure et léchage.
Des cas de
contamination par aérosols ou par greffes de cornée ont été observés.
Le virus diffuse par voie hématogène et se fixe dans le tissu nerveux
pour se répliquer. Si la maladie se déclare, elle est toujours mortelle.
Ainsi, en cas de morsure de chien mort, errant ou inconnu, dont la
capture et la surveillance par un vétérinaire ne peuvent pas être
faites, le traitement doit être débuté d’emblée auprès d’un centre
antirabique.
Le traitement après exposition comprend des injections
de vaccins auxquelles est associée dans certains cas une sérothérapie.
Dans le cas où l’animal est capturé, il doit être surveillé par un
vétérinaire qui délivre un certificat de non-contagiosité à j0, j7 et j14.
La vaccination antirabique avant exposition est possible pour les
personnels exposés au virus de la rage directement, par exemple
dans les laboratoires, ou pour les vétérinaires et pour les individus
exposés aux animaux par leur profession ou leurs loisirs.
Envenimation par les animaux
marins
:
L’envenimation est due à l’inoculation à l’homme de venins
d’animaux.
Les animaux marins sont munis d’un appareil à venin
et inoculent leurs toxines, soit par piqûre, soit par morsure, soit par
contact.
La plupart des venins sont composés de protéines et de
peptides.
Souvent la symptomatologie après une piqûre est une
réaction locale, mais les venins peuvent être à l’origine de troubles
neurologiques graves et peuvent parfois mettre en cause le pronostic
vital.
A - ÉCHINODERMES
:
Il s’agit principalement des oursins, des étoiles de mer et des
concombres de mer.
Ils sont à l’origine d’une effraction cutanée
douloureuse ; les lésions guérissent après l’extraction des épines qui
doit être précoce.
Les fragments d’épines inaccessibles initialement
sont souvent éliminés par la nécrose inflammatoire périphérique.
La
complication principale de ces piqûres est une surinfection à Erysipelothrix rhusiopathiae : 24 heures après la piqûre, survient une
rougeur avec oedème et parfois une lymphangite et des douleurs
localisées aux articulations des doigts.
Certains oursins possèdent des petits appendices (pédicellaires)
contenant un venin neurotoxique à l’origine de paresthésies, voire
d’une paralysie musculaire pendant plusieurs heures.
La conduite à tenir reste de l’ordre du symptomatique après
désinfection de la plaie et contrôle du statut vaccinal.
B - POISSONS VENIMEUX
:
La nageoire dorsale et les épines des poissons (murènes, poissonschats,
rascasses, poissons-pierre, raies, poissons-chirurgiens…)
présentent une encoche.
À la base de celle-ci se trouvent les glandes
à venin.
Les venins contiennent des protéines très instables capables
d’induire des réactions de type toxique comme de type allergique.
Le tableau clinique comporte des signes locaux importants avec une
douleur souvent syncopale, un oedème, des phlyctènes
hémorragiques et une nécrose.
S’associent parfois des signes
généraux avec des paresthésies, des paralysies des muscles
squelettiques et des muscles respiratoires qui sont responsables du
décès.
Le traitement est symptomatique.
Les venins étant thermolabiles, il
faut chauffer la lésion : soit immerger la blessure dans une eau
chaude (température au-dessus de 45 °C), soit approcher une
cigarette incandescente ou éventuellement se servir d’un sèchecheveux.
La douleur, généralement importante, justifie souvent
d’une prescription d’antalgique de palier deux.
Une réanimation
respiratoire doit être mise en oeuvre en cas d’accident grave.
Il faut
prévenir les surinfections à pyogènes et le tétanos.
Bien que
rarement nécessaire, un sérum antivenimeux est disponible pour les
patients présentant des réactions générales sévères à la suite
d’envenimation par les poissons-pierre (stone fish antivenin
Common Wealth Serum Laboratories, Department of Health.
Melbourne).
C - INTOXICATION PAR LES COQUILLAGES
:
Les cônes sont responsables d’une envenimation parfois mortelle.
Le poison, une neurotoxine, est inoculé par une dent creuse et
pointue ressemblant à un dard, qui se trouve dans les trompes de
l’animal.
Les toxines sont de petits peptides qui agissent au niveau
des canaux ioniques et des récepteurs présents dans le système
neuromusculaire.
Le sujet présente après quelques minutes une douleur intense au
point de piqûre avec un oedème souvent volumineux, puis une
paralysie musculaire entraînant le décès.
La mort peut survenir en
3 à 6 heures, mais la guérison en 24 heures est la règle.
Il n’y a pas
de traitement spécifique. Le traitement symptomatique peut aller
jusqu’à la ventilation mécanique.
D - PIQÛRE PAR LES CNIDAIRES
:
1- Physiopathologie
:
Les cnidaires sont des animaux pluricellulaires primitifs regroupant
les méduses, les coraux, les anémones de mer, les gorgones, les
hydres d’eau douce et les physalies.
Ces animaux possèdent des tentacules porteurs des nématocytes
(cellules urticariantes) sur leur surface externe.
Celles-ci déchargent
le venin dans la victime à l’aide d’un aiguillon après un stimulus
physique ou chimique.
Le venin est constitué de polypeptides et
d’enzymes diverses.
2- Clinique
:
La piqûre est immédiatement suivie d’une douleur intense avec
éruption cutanée à type d’érythème.
Celui-ci peut s’aggraver dans
les heures qui suivent par des lésions hémorragiques, nécrotiques
ou ulcéreuses.
Ces lésions peuvent se chroniciser avec apparition de
zones pigmentées définitives ou de cicatrices chéloïdes.
Les envenimations sévères (surtout en milieu tropical)
s’accompagnent d’une réaction cutanée ainsi que de signes
généraux : céphalées, léthargie, vertiges, ataxie, syncope,
convulsions, vomissements, paralysie, choc anaphylactique,
coma, troubles du rythme, bronchospasme, insuffisance respiratoire
et décès.
Les troubles du rythme font suite, soit à la libération
massive de catécholamines, soit à la cardiotoxicité du venin.
3- Traitement local
:
– Nettoyer les plaies sans frotter (pour ne pas aggraver la
symptomatologie en éclatant la totalité des cellules urticantes), avec
de l’eau de mer ou au sérum physiologique.
La toxine étant
thermolabile, on peut utiliser de l’eau chaude.
– Retirer les tentacules visibles avec une pince.
– Recouvrir la zone lésée par de la mousse à raser ou du sable et
racler avec une surface rigide pour retirer les nématocytes
persistants.
– Après décontamination, sécher la plaie puis l’enduire
d’anesthésiques locaux (type Xylocaïnet en crème).
– Les antibiotiques ne sont pas indiqués en première intention.
– Les corticoïdes sont réservés aux lésions chroniques.
– Ne pas oublier de vérifier la vaccination antitétanique.
4- Traitement général
:
– Traitement systématique de la douleur.
– Traitement d’un éventuel choc anaphylactique.
– Il existe un antivenin (Box Jellyfish antivenom) en cas de piqûre
par C. fleckeri disponible en Australie.
Piqûre de scorpion
:
Comme l’araignée, le scorpion fait partie de la famille des
arachnides, dont la piqûre peut induire une envenimation.
A - ÉPIDÉMIOLOGIE
:
Toutes les espèces de scorpions (environ 1 500) ont des glandes à
venin, mais 25 espèces seulement sont connues comme dangereuses
et posent, dans certains pays du monde, un problème de santé
publique important.
Les scorpions vivent dans des territoires ne
s’étendant pas au-delà du 50e parallèle.
Le nombre de piqûres de
scorpion est important dans le sud de la France et dans les pays
méditerranéens.
Elles sont dues essentiellement aux « scorpions
noirs » (Euscorpius (E.) flavicaudis, E. italicus, E. carpathicus, Belisarius
xambeni) et au « scorpion jaune » (Buthus occitanus).
Cependant, des
espèces tropicales dangereuses peuvent être ramenées par des
collectionneurs ou des touristes.
Les scorpions ne sont vraiment
actifs que pendant les mois les plus chauds de l’année, soit d’avril à
octobre dans l’hémisphère Nord : plus de 80 % des piqûres
surviennent au cours des mois de juin à septembre.
B - PHYSIOPATHOLOGIE
:
Les venins de scorpions contiennent des neurotoxines actives sur les
canaux ioniques voltage-dépendants des cellules excitables
nerveuses ou musculaires (canaux sodium, canaux potassium,
canaux calcium et les canaux chlores).
Les neurotoxines actives sur
les canaux sodiques sont responsables de la symptomatologie de
l’envenimation ; elles maintiennent les canaux ouverts et provoquent
des décharges répétées des neurones.
C - CLINIQUE
:
Une piqûre de scorpion entraîne dans 80 % des cas des signes locaux
correspondant à des douleurs.
Dans moins de 20 % des cas, on
retrouve des manifestations systémiques :
– hyper- ou hypotension artérielle ;
– hyperthermie, hypersialorrhée ;
– troubles digestifs ;
– troubles du rythme cardiaque, tachycardie ;
– difficultés respiratoires, oedème pulmonaire ;
– parfois un état de choc.
Une classification basée sur la sévérité croissante des manifestations
cliniques a été proposée :
– grade I : manifestations locales isolées ;
– grade II : manifestations systémiques ne mettant pas en cause le
pronostic vital ;
– grade III : manifestations cliniques mettant en jeu le pronostic
vital.
D - TRAITEMENT
:
– En cas de piqûre présumée de scorpion, garder les victimes en
observation pendant au moins 12 heures.
Contacter le centre
antipoison pour identifier l’espèce en cause.
– Vérifier la vaccination antitétanique.
– Les douleurs musculaires généralisées peuvent être traitées par
des injections intraveineuses de gluconate de calcium.
– Traitement des complications cardiaques par des antiarythmiques
et des bêtabloquants.
– Mesures de réanimation en cas d’état de choc ou d’oedème
pulmonaire.
– Administration de sérum antiscorpionique spécifique en
intraveineuse, nécessaire en cas d’atteinte grave.
Araignées
:
A - ÉPIDÉMIOLOGIE
:
Les araignées sont ubiquitaires et leurs morsures sont fréquentes,
même en milieu urbain.
Parmi les 30 000 espèces, une centaine
seulement se défend de façon agressive.
L’espèce la plus dangereuse
présente en Europe est Latrodectus mactans sous-espèce
tredecimguttatus (« veuve noire » ou « malmignathe »).
L’habitat est
généralement situé à l’extérieur, dans les granges, les étables et les
tas de bois.
Seule la femelle est dangereuse pour l’homme ; elle porte
deux taches rouges typiques sur la face dorsale de l’abdomen.
B - CLINIQUE
:
La morsure provoque dans la plupart des cas une douleur intense
qui peut s’étendre à tout le membre, avec parfois une nécrose locale.
D’autres symptômes peuvent apparaître : hypertension artérielle,
tachycardie, nausées, vomissements, céphalées et parfois
convulsions. Les signes évoluent environ 24 heures puis se résolvent
les jours suivants.
C - TRAITEMENT
:
– Désinfection locale.
– Vérification de la vaccination antitétanique
– Administration d’antalgiques et application de vessie de glace.
– L’antivenin spécifique de Lactrodectus n’est utilisé qu’en cas
d’envenimations graves, chez les patients à haut risque.
Il est
administré par voie intraveineuse, sans dépasser trois ampoules.
Il est à noter que les Centres antipoison référents en matière de prise
en charge des envenimations par les nouveaux animaux de
compagnie sont :
– Centre antipoison de Lyon : 04. 72. 11. 69. 11.
– Centre antipoison de Marseille : 04. 91. 75. 25. 25.
Piqûres d’hyménoptères
:
Les piqûres d’hyménoptères constituent une pathologie courante en
saison estivale.
Leur gravité est très variable, il faut distinguer les
piqûres simples qui, dans la plupart des cas entraînent une réaction
locale et ne nécessitent pas d’intervention médicale, des piqûres
multiples et des allergies aux piqûres qui peuvent être gravissimes.
A - ÉPIDÉMIOLOGIE
:
Les hyménoptères comprennent :
– les apidés (abeilles) : vivent en colonie, elles ne piquent que pour
se défendre.
Le dard, en forme de harpon, est abandonné lors d’une
piqûre sur la peau de la victime avec réservoir et glande à venin.
Les piqûres de masse peuvent être au nombre de plusieurs
centaines ;
– les vespidés (guêpes, frelons) : leur piqûre est unique.
Les piqûres
multiples sont provoquées par une colonie en danger ;
– les formicidés (les fourmis) : ces derniers ont très peu
d’importance en Europe notamment parce qu’ils ne sont quasiment
pas responsables de réactions pathologiques dangereuses ;
– les abeilles africaines et « africanisées » (apis mellifera scutellata).
Ces abeilles d’Afrique centrale et orientale sont caractérisées par leur
agressivité.
Leur introduction en Europe a pour conséquence une
africanisation des abeilles domestiques avec apparition d’un
comportement agressif (brazilian bees, killer bees).
Les venins sécrétés par les hyménoptères sont des mélanges
complexes et diffèrent en fonction des familles.
Ce sont surtout les
protéines enzymatiques et les peptides qui sont allergisants.
L’antigénicité croisée est relativement importante entre les venins
de guêpes et de frelons ; elle est faible entre guêpes polistes et
guêpes vespula, ainsi qu’entre guêpes et abeilles.
B - MANIFESTATIONS CLINIQUES
:
On différencie les réactions liées à la toxicité des composants des
venins et les réactions allergiques dues à une sensibilisation
antérieure aux antigènes de ces venins.
1- Réactions non allergiques
:
Elles sont de deux types :
– les réactions inflammatoires locales sont dues à l’inoculation dans
le tissu sous-cutané de venin riche en histamine, peptides vasoactifs,
enzymes et toxiques.
La quantité de venin injectée dépend de
l’insecte piqueur et de la durée de la piqûre.
Ces réactions locales,
qui régressent en quelques heures, ne sont dangereuses que si la
piqûre est intrabuccale en raison de l’oedème pharyngé avec
obstruction des voies respiratoires qu’elle entraîne ;
– les réactions toxiques qui sont liées à la toxicité directe du venin.
La morbidité et la mortalité lors des piqûres massives (> 30 piqûres
de guêpes ou 200 à 300 piqûres d’abeilles) sont très importantes en
raison de l’effet cumulé des toxines.
– troubles de la coagulation : hémolyse, thrombopénie, coagulation intravasculaire disséminée ;
– insuffisance hépatique ;
– état de choc ;
– détresse respiratoire avec syndrome de détresse respiratoire aiguë
(SDRA) ;
– ischémie myocardique ;
– convulsions, oedème cérébral, coma.
2- Réactions allergiques
:
Elles peuvent être localisées, généralisées ou retardées.
* Réactions localisées
:
La réaction allergique locale entraîne un érythème, une douleur, un
oedème plus ou moins extensif, parfois phlycténulaire.
L’extension
de cette réaction peut facilement atteindre l’articulation voisine
lorsque la piqûre siège sur les extrémités.
Les piqûres siégeant sur
la face, le cou ou dans la bouche, peuvent entraîner des réactions érythémato-oedémateuses spectaculaires.
Elles sont parfois
responsables de réactions sévères comme un oedème laryngé
entraînant un risque vital.
En cas de repiqûre, 40 à 80 % de ces
personnes présenteront à nouveau une réaction locale étendue.
* Réactions généralisées
:
Les réactions générales ou systémiques surviennent à distance du
point de piqûre.
Le délai d’apparition est généralement court,
inférieur à 30 minutes. Les réactions systémiques comportent
plusieurs tableaux cliniques, et atteignent un ou plusieurs appareils.
L’expression la plus sévère en est le choc
anaphylactique, manifestation grave et redoutée de l’hypersensibilité
immédiate de type I.
Le choc anaphylactique suppose une
sensibilisation antigénique préalable.
Les mastocytes tissulaires et
les basophiles sanguins sont sensibilisés par un premier contact
antigénique ; ces cellules vont porter en leurs surfaces des
immunoglobulines E spécifiques liées à des récepteurs
membranaires.
La réintroduction de l’antigène entraîne la formation
de ponts entre les récepteurs dont découlent une cascade de
réactions et la libération massive de médiateurs biochimiques,
histamine en particulier.
Les premières manifestations surviennent habituellement dans les
minutes qui suivent l’exposition à une substance antigénique, mais
des formes retardées de plusieurs heures sont possibles.
Le tableau
clinique associe à des degrés divers les éléments suivants.
– Syndrome cardiovasculaire : tachycardie et pression artérielle
abaissée, voire imprenable, sont les constatations les plus habituelles.
– Syndrome respiratoire : une dyspnée expiratoire par
bronchospasme est plus volontiers observée qu’une dyspnée
inspiratoire par oedème laryngé.
– Syndrome cutanéomuqueux : très souvent inaugural, il peut
comporter un prurit palmoplantaire intense, une éruption
urticarienne, un rash morbilliforme ou scarlatiniforme, un oedème
de Quincke, une rhinorrhée, un larmoiement, une hypersialorrhée.
– Syndrome hématologique : coagulopathie de consommation.
Les formes suraiguës (un tiers des cas) associent habituellement des
signes cardiovasculaires, digestifs et neurologiques avec évolution
rapide (quelques minutes) vers la mort en l’absence de
thérapeutique adaptée.
Des formes graves sont décrites chez les
patients traités par bêtabloquants.
* Réactions retardées
:
Elles sont plus rares ; elles apparaissent 1 à 10 jours après la piqûre.
Ce sont des manifestations locales ou générales évoquant une
maladie sérique : urticaire, fièvre, arthralgies, atteinte rénale ou
hépatique. Plus rarement ont été rapportées des réactions neuroencéphaliques.
C - DIAGNOSTIC PARACLINIQUE
:
Le diagnostic d’allergie après une piqûre d’insecte peut être
confirmé par des tests cutanés et par un dosage des
immunoglobulines E spécifiques.
Ces examens sont réalisés à
distance de l’accident (4 à 6 semaines).
1- Tests cutanés (« prick test » et tests intradermiques)
:
Ils sont effectués dans des centres équipés de matériel de
réanimation. Des tests intradermiques avec des concentrations
progressives de venin d’abeille, de guêpe Vespula ou Poliste,
éventuellement de frelon, permettent d’établir un seuil de réactivité.
Un test intradermique est considéré comme positif si le seuil de
réaction est inférieur ou égal à 0,1 mg/ml.
2- Immunoglobulines E spécifiques
:
Les dosages d’immunoglobulines E spécifiques sériques par
méthode radio-immunologique radio-allergosorbent test (RAST) ou
par méthode immunoenzymologique enzyme-linked immunosorbent
assay (Elisa) sont moins spécifiques que les tests cutanés.
D - TRAITEMENT
:
1- Mesures générales
:
La vaccination antitétanique est vérifiée.
En cas de piqûre d’abeille,
l’ablation du dard doit être faite en prenant soin de ne pas presser
sur l’appareil venimeux restant.
Le grattage léger avec l’ongle ou la
pointe d’un canif doit permettre l’extraction.
2- Réactions cutanées locales
:
Lors des réactions locales, un traitement par des antalgiques simples
(paracétamol, glaçage) associés à un antihistaminique H1 est
suffisant.
En cas d’oedème important, une corticothérapie brève
pendant 2 à 3 jours est indiquée.
3- Réactions cutanées à distance
:
Une urticaire généralisée nécessite l’administration intraveineuse
d’un antihistaminique H1 associé à un corticoïde : méthylprednisolone
1 à 2 mg/kg.
En cas d’oedème de Quincke, on ajoute de l’adrénaline par voie
aérienne : Dyspné-inhalt à raison de 10 à 15 pulvérisations
distribuant environ 0,15 mg d’adrénaline ou aérosol d’une solution
de 1 mg d’adrénaline dans 5 mg de sérum physiologique sur
10 minutes.
Dans ce cas, une surveillance hospitalière de quelques
heures est nécessaire, jusqu’à disparition complète des troubles.
4- Bronchospasme
:
En cas de bronchospasme, on associe à de l’adrénaline en inhalation
un bêta-2 mimétique en aérosol ou à la seringue électrique dans les
cas sévères.
Une surveillance hospitalière de quelques heures est
nécessaire.
5- Choc anaphylactique
:
C’est une urgence médicale absolue.
L’hospitalisation est nécessaire.
Le traitement repose sur l’adrénaline qui s’oppose aux
effets cardiovasculaires et bronchiques liés à la libération brutale des
médiateurs, en particulier l’histamine.
L’adrénaline peut être
administrée par différentes voies :
– voie veineuse qui est la voie de référence ;
– voies intramusculaire et sous-cutanée de réalisation facile, mais
d’absorption variable ;
– voie sublinguale à ne pas négliger en raison de la riche
vascularisation de cette région.
L’injection doit être prudente à partir d’une solution d’adrénaline
diluée (1 mg dans 10 ml de sérum physiologique).
Il convient de
commencer par 3 ml puis de titrer millilitre par millilitre.
Cette dose
peut être renouvelée toutes les 15 à 20 minutes tant que l’état
hémodynamique reste instable.
Les patients sous médicament bêtabloquant répondent difficilement
au traitement : malgré l’augmentation des doses d’adrénaline, il est
parfois nécessaire d’ajouter du glucagon à 1 mg intraveineuse lente
à renouveler éventuellement jusqu’à 5 mg.
Un relais au pousseseringue
peut être pris à raison de 1 mg/h.
Le remplissage vasculaire est nécessaire lorsqu’il persiste une
hypotension artérielle malgré la répétition des injections
d’adrénaline, ou lorsque survient une hypotension artérielle
récurrente après une phase où la pression artérielle a retrouvé ses
valeurs normales.
Les cristalloïdes sont les solutions recommandées
car ils n’augmentent pas l’histaminolibération.
L’oxygénothérapie (8 à 10 l/min) et la liberté des voies aériennes
doivent être assurées devant un trouble grave de la conscience ou
une détresse respiratoire.
La corticothérapie est prescrite après la réalisation des premiers
gestes d’urgence.
Elle n’a pas d’indication dans le traitement de
choc ; elle prévient les réactions retardées et traite les réactions cutanéomuqueuses.
6- Désensibilisation spécifique
:
Elle est indiquée chez l’adulte et l’enfant ayant eu une réaction
générale sévère (stades II à IV de la classification de Müller).
La
grossesse n’est pas une contre-indication à la désensibilisation, mais
la plupart des cliniciens préfèrent attendre l’accouchement avant
d’entamer la procédure.
Elle se fait après un bilan étiologique
détaillé (interrogatoire minutieux, tests cutanés, dosage des
immunoglobulines E spécifiques).
Les protocoles de
désensibilisations comportent une phase d’accoutumance, suivie
d’une phase d’entretien.
La désensibilisation doit être spécifique à
partir des extraits purifiés de venin.
Elle est faite à distance après un
délai de 4 à 6 semaines suivant une réaction grave.
Il existe différents
schémas d’immunothérapie (cure étalée, cure courte, cure semirapide).
L’efficacité de la désensibilisation, déterminée par l’absence
de réaction générale lors d’une nouvelle piqûre, est de 95 % pour la
guêpe et 80 % pour l’abeille.
7- Prévention des réactions allergiques ultérieures
:
Les personnes victimes d’une réaction allergique après une piqûre
d’hyménoptère doivent se munir d’une trousse d’urgence
comprenant de l’adrénaline injectable, un antihistaminique et un
corticoïde injectable.
Le patient ou son entourage doit effectuer une
injection d’adrénaline en cas de signes prémonitoires de choc
anaphylactique lors d’une nouvelle piqûre.
La dose d’adrénaline à
injecter en intramusculaire lors d’un choc anaphylactique est de
0,01 mg/kg.
Certaines règles de prudence sont à respecter : éviter, en présence
des insectes, les mouvements brusques, les parfums, le port de
vêtements de couleurs vives, la proximité des fruits et des ordures.
Éviter la marche pieds nus, le stationnement près des ruches.
La
destruction des nids de guêpes et de frelons à proximité des
habitations s’impose.
Morsures de serpents en France
métropolitaine :
La vipère est pratiquement le seul serpent venimeux que l’on peut
rencontrer en France métropolitaine si l’on fait exception du cas
particulier des animaux d’importation appelés « NAC » (nouveaux
animaux de compagnie) qui posent le problème des envenimations
accidentelles par des serpents exotiques extrêmement dangereux
chez des professionnels ou des collectionneurs amateurs.
On estime à environ 1 000 morsures de vipères par an dans notre
pays dont seulement une centaine à l’origine d’une véritable
envenimation nécessitant une hospitalisation.
La mortalité est faible (< 5/an) survenant chez des patients victimes
d’envenimation grave n’ayant pas bénéficié du traitement spécifique
(Viperfavt).
A - DESCRIPTION
:
Le plus souvent, le serpent n’est pas vu par la victime mais il est
tout de même important de savoir différencier une vipère d’une
couleuvre.
La vipère aspic est l’espèce la plus répandue dans les deux tiers
méridionaux du pays et également dans les montagnes jusqu’à
3 000 m.
La vipère Berus ou Péliade vit au nord de la Loire et dans
les régions limitées du Massif Central et des Alpes.
Il existe d’autres espèces, plus rares : la vipère de Seoane dans le
Pays Basque, la vipère d’Orsini dans les Basses-Alpes, la vipère
Ammodyte en Savoie et Haute-Savoie et la vipère de Lataste dans
les Pyrénées-Orientales.
B - BIOLOGIE
:
L’activité des vipères est réglée par la température extérieure ;
l’essentiel de leur cycle biologique va de mars à octobre
(alimentation, reproduction, mue).
La vipère vit surtout dans les
rochers, rocaille, herbes sèches et au bord de l’eau.
C’est un animal
craintif et fuyant qui n’attaque pas, sauf s’il se sent menacé,
notamment lors des périodes d’accouplement et de mue.
L’appareil venimeux de la vipère est très perfectionné.
Chaque
glande à venin située au niveau de la région temporale aboutit à la
base de crochets canaliculés (dits solénoglyphes) : au repos, ceux-ci
sont repliés le long du palais ; lors de la morsure, ils pivotent vers
l’avant alors que le maxillaire s’ouvre à 180° et que la tête est
projetée comme une flèche.
Le venin est alors injecté sous pression
jusque dans l’hypoderme.
Parmi les couleuvres, seule la couleuvre de Montpellier possède des
crochets venimeux mais ceux-ci, en arrière du maxillaire
(opisthoglyphes), sont inoffensifs pour l’homme.
La toxicité du venin et sa composition (protéines, toxines, enzymes)
varient d’une espèce à l’autre.
Le venin tue les proies puis
commence leur digestion.
Dans la plupart des morsures infligées à
l’homme, la quantité de venin injectée est faible.
C - ASPECTS CLINIQUES
:
Il est important de comprendre que les signes cliniques observés
sont toujours corrélés au degré d’envenimation.
En fait, cette envenimation est rare : les morsures de vipères ne sont
à l’origine de manifestations cliniques qu’une fois sur deux et de
réelle envenimation qu’une fois sur dix ; seules 10 % de ces
envenimations sont graves.
Ne pas confondre :
– «morsure simple », où les crochets n’entrent pas en action, donc
sans inoculation de venin ;
– «piqûre », où les crochets pénètrent dans l’hypoderme, avec ou
sans inoculation de venin ;
– «envenimation », lorsque le venin est inoculé dans les tissus.
La gradation clinique des morsures et des envenimations est
déterminante pour l’évaluation de chaque victime et guide la
conduite à tenir.
1- Grade 0 : morsure sans envenimation
– Caractérisé par la trace des crochets (deux effractions ponctiformes
espacées de 5 à 15 mm s’entourant rapidement d’une auréole rouge).
On peut observer une seule trace (perte d’un crochet non remplacé)
ou plusieurs (morsure multiple).
– Localisation le plus souvent à l’extrémité du membre inférieur
sans dépasser en hauteur le niveau des malléoles ; autres
localisations plus rares (main, sans dépasser le poignet).
– En général, indolore.
2- Grade I : envenimation minime
Il est caractérisé par l’apparition d’un oedème local ne dépassant
pas le poignet ou la cheville, douloureux, en général très précoce
(dans les 30 à 60 min).
Son absence 4 heures après la morsure élimine
en principe toute possibilité d’envenimation.
3- Grade II : envenimation modérée
Il peut correspondre à deux tableaux cliniques différents.
– Grade II précoce avec apparition en moins de 1 heure d’une
hypotension parfois associée à une bradycardie ou à une absence de
tachycardie, d’un malaise et de signes anaphylactoïdes (dyspnée
laryngée, oedème pharyngolaryngé, éruption).
– Grade II plus progressif, en 8 à 24 heures : extension de l’oedème
au membre atteint ; secondairement, il se parsème de taches
ecchymotiques, purpuriques, de phlyctènes pouvant masquer la
trace de la morsure ; adénopathie douloureuse axillaire ou crurale ;
signes digestifs, signes généraux modérés : hypotension modérée,
vomissements, diarrhée, douleurs abdominales.
Autre tableau possible selon le type de vipère : neurotoxicité
(observé dans l’Aveyron et dans l’arrière-pays niçois) : ptosis,
diplopie, dysarthrie, troubles de la déglutition, sensation de
difficulté respiratoire, vertiges, paresthésies.
Évolution en général favorable avec le traitement.
4- Grade III : envenimation sévère
Il est exceptionnellement observé : il s’agit, soit de grade II non traité
par les immunoglobulines antivenimeuses, soit d’envenimation
admise très tardivement à l’hôpital.
Caractérisé par :
– un oedème majeur, extensif au tronc ; des nécroses et des
gangrènes sont possibles ;
– des signes généraux digestifs (diarrhée qui est un signe de
gravité) ;
– un état de choc résistant à l’expansion volémique, nécessitant des
amines vasoactives.
Complications apparaissant dans les 48 heures :
– signes d’anasarque avec épanchement des séreuses (troisième
secteur) ;
– complications cardiaques : troubles du rythme, de la conduction
ou de la repolarisation (nécrose myocardique, myocardite toxique) ;
– oedème pulmonaire lésionnel, hémorragique et hypoxémiant ;
– insuffisance rénale aiguë oligoanurique le plus souvent
fonctionnelle mais parfois tubulaire ou glomérulaire ;
– troubles de l’hémostase (thrombopénie, CIVD, anémie
hémolytique) ;
– hémorragie digestive ;
– complications septiques nosocomiales ;
– thrombose veineuse profonde.
D - SIGNES BIOLOGIQUES
:
Les troubles biologiques peuvent apparaître dès le grade II.
1- Quel bilan effectuer ? À quel moment ?
– Dès l’apparition de signes d’envenimation locale.
– Bilan : numération-formule sanguine, bilan d’hémostase (taux de
prothrombine, temps de céphaline activé, fibrinogène, produit de
dégradation de la fibrine), ionogramme, urémie, créatininémie,
créatine phosphokinase.
– Complété par un bilan orienté par les anomalies cliniques et/ou
biologiques.
2- Signes biologiques de gravité (d’après Harry)
:
E - PRONOSTIC
:
Il dépend avant tout du degré de gravité de l’envenimation et de la précocité de mise en oeuvre du traitement
spécifique pour les grades II et III.
Il faut également tenir compte de certains facteurs :
– l’âge de la victime : gravité particulière chez l’enfant (rapport
venin/poids plus élevé que chez l’adulte) ;
– le terrain : les pathologies viscérales préexistantes (insuffisance
cardiaque, rénale, diabète …), femme enceinte ;
– le type de morsure : caractère multiple (supérieur à deux
morsures), localisation intravasculaire ou intéressant les zones très
vascularisées comme la face ;
– la quantité de venin injectée : variable selon l’espèce, la saison et
le temps écoulé depuis la dernière piqûre ; ces données sont en
pratique inconnues !
F - TRAITEMENT
:
La plupart des morsures de vipère sont sans conséquence mais
engendrent chez la victime et son entourage une panique
incontrôlable avec des gestes intempestifs et des erreurs commises
par les premiers intervenants !
Le principe du traitement des envenimations vipérines modérées et
sévères repose essentiellement sur l’immunothérapie antivenimeuse
dont les indications sont actuellement bien codifiées et sur le
traitement symptomatique en cas de complications.
1- Phase préhospitalière
:
Ce qu’il faut faire :
– garder son calme, rassurer la victime et son entourage !
– repos conseillé (toute activité motrice peut favoriser la diffusion
du venin) ;
– enlever les bagues, bracelets ou garrot potentiel ;
– désinfecter la plaie avec de l’alcool ou autre antiseptique.
Ce qu’il ne faut pas faire :
– inutile, voire dangereux, d’effectuer une incision, une succion, un
débridement de la plaie ou de mettre en place un garrot ;
– l’Aspivenint n’a pas fait la preuve de son efficacité à cause de la
pénétration hypodermique du venin ;
– l’héparine et les corticoïdes n’ont aucune indication.
2- Transport : appel au 15
Toute suspicion de morsure de vipère implique une évaluation
médicale et une surveillance dans un service d’urgence.
En cas de signes généraux, le transport doit faire appel à une équipe
médicalisée.
3- Phase hospitalière
:
La surveillance initiale dans un service d’urgence a pour but
d’effectuer une surveillance clinique régulière de la gravité de
l’envenimation.
Les critères d’hospitalisation et les indications thérapeutiques sont
fonction du grade observé, en sachant que celui ci peut évoluer
durant les premières heures.
* Grade 0 (morsure sans envenimation)
:
– Surveillance de 4 heures aux urgences (apparition d’un oedème ?).
– Au-delà, une évolution vers un grade l est improbable.
– Désinfection locale et contrôle de la vaccination antitétanique.
* Grades I (envenimation mineure, simple oedème local)
:
– Hospitalisation pendant au moins 24 heures en unité
d’hospitalisation de courte durée (UHCD).
– Réévaluer la gradation toutes les heures pendant la période
d’aggravation maximale (6 premières heures).
– Tracer le niveau de l’oedème au feutre sur la peau.
– Examens biologiques à renouveler toutes les 6 heures.
– Traitement idem au grade 0 et antalgiques (éviter les salicylés).
* Grade II (envenimation modérée, extension de l’oedème et/ou
signes généraux modérés)
:
Hospitalisation en réanimation.
– Dès ce stade, l’immunothérapie par Viperfavt est
indiquée.
Depuis plusieurs années, le traitement spécifique par Viperfavt fabriqué à partir de fragments F(ab') 2 d’immunoglobulines
équines antivenimeuses de vipères européennes (Vipera
aspis, Vipera berus, Vipera ammodytes) a prouvé son efficacité dans
les envenimations de grades II et III :
– il réduit la mortalité en diminuant les complications et les
séquelles ;
– il diminue la durée d’hospitalisation, notamment la durée de
séjour en réanimation.
Il doit être administré le plus tôt possible, au mieux dans les
6 premières heures.
– Antibiothérapie : non recommandée de façon systématique.
Elle
doit être envisagée s’il existe une infection ou une nécrose locale
(environ 2 % des cas) : amoxicilline-acide clavulanique préconisé.
– Héparinothérapie : aucune indication en dehors de la prévention
de la thrombose veineuse profonde (héparines de bas poids
moléculaire).
– Corticothérapie : aucune indication à titre systématique.
– Indications chirurgicales : rares, excision de zones nécrotiques,
parfois plastie, greffe tardive.
* Grade III : oedème extensif majeur et signes généraux sévères
:
Hospitalisation en réanimation.
Ces cas deviennent rarissimes si les patients sont admis rapidement
à l’hôpital et si le traitement spécifique est administré dès le grade II.
– Immunothérapie par Viperfavt (grade II).
– Correction rapide des troubles hémodynamiques : expansion volémique, sympathomimétiques.
– Traitement symptomatique des complications : allergiques,
pulmonaires, digestives, rénales…
4- Traitement préventif
:
Ne pas oublier que la vipère n’attaque pas, sauf si on la menace ;
elle est sourde et myope mais très sensible aux vibrations.
– Porter des chaussures fermées ou des bottes, des pantalons longs ;
– Faire attention où l’on marche, où l’on met les mains (tas de
feuille, paille, pierres, rochers, pieds de vignes) ;
– En cas de rencontre avec une vipère, ne pas la menacer avec un
bâton, ni l’effrayer.
Cas particulier des nouveaux animaux
de compagnie :
De nombreuses espèces de serpents exotiques sont en captivité chez
des particuliers et responsables d’accidents dont le tableau est fort
différent de ce que l’on observe avec nos vipères.
Le traitement repose essentiellement sur l’administration d’un antivenin spécifique, lequel est bien sûr rarement disponible en
France (se renseigner auprès d’un centre antipoison) et sur le
traitement symptomatique des différentes complications des
envenimations graves en réanimation.
Conclusion
:
Les morsures ou griffures d’animaux domestiques nécessitent une prise
en charge relativement simple dans l’urgence : prévention du risque
infectieux, du tétanos et de la rage.
La plupart d’entre elles sont non
compliquées.
Les morsures humaines ne doivent cependant pas être
sous-estimées car fréquemment source de complications infectieuses.
Quant aux piqûres d’animaux venimeux, les piqûres d’animaux
marins, d’arachnides sont peu médicalisées du fait de la rareté des
formes graves ; les piqûres d’hyménoptères entraînent encore trop de
décès chaque année de par la méconnaissance ou le retard de traitement
du choc anaphylactique et l’absence de traitement préventif
(désensibilisation, kit d’adrénaline).
Les morsures de vipères sont pour
la moitié d’entre elles sans conséquence.
Pour le reste, le traitement est
bien codifié, basé sur une classification clinique.
L’immunothérapie
antivenimeuse (Viperfavt) a changé le pronostic des formes modérées à
graves.
Reste le problème des « nouveaux animaux de compagnie »
comme les serpents exotiques entraînant des morsures graves ; elles
nécessitent des sérums antivenimeux spécifiques, rarement disponibles
en France.