Mode d’accouchement des enfants de faible poids de naissance (< 2 500 g) Cours de
Gynécologie Obstétrique
Introduction
:
Le mode idéal d’accouchement des enfants
de faible poids de naissance (< 2 500 g) n’est
pas encore clairement établi.
Dix questions ont donc été posées à un
groupe d’experts dans le but d’élaborer une
série de recommandations pour la pratique
clinique, recommandations étayées par la
lecture critique et exhaustive des travaux
publiés sur le sujet.
Il a été recommandé aux experts de
privilégier les études à niveau de preuve
élevé, de ne pas confondre les retards de croissance avec les prématurés et de stratifier
leurs recommandations en fonction du terme
d’accouchement.
Enfin, il était souhaité de
distinguer les femmes en travail de celles qui
ne l’étaient pas, mais pour lesquelles une
naissance était désirée dans de brefs délais.
Les obstacles rencontrés ont été de deux types :
– pauvreté de la littérature à preuves élevées
sur le sujet ;
– confusion dans l’interprétation des
résultats, ceux-ci n’étant jamais exprimés en
« intention de traiter » mais à partir du poids
de naissance, donnée méconnue au moment
de la décision thérapeutique.
Description des pratiques
en France :
Les modalités d’accouchement des enfants de
faible poids de naissance en France sont
approchées par l’étude des données obtenues
par le réseau sentinelle AUDIPOG.
Ce réseau
centralise les dossiers des naissances
survenues au mois de janvier de chaque
année depuis 1994, soit 32 299 naissances ;
une technique de redressement d’échantillon
tente de pallier le biais de recrutement et
permet d’avancer des chiffres représentatifs
de la population générale.
Le taux global de césariennes est de 33,2 %
lorsque le nouveau-né pèse moins de 2 500 g ;
le taux de césariennes le plus élevé (61,4 %)
intéresse la population des enfants de poids
de naissance compris entre 1 500 et 1 999 g et
dont le terme est inférieur à 37 semaines
d’aménorrhée.
Modalités d’anesthésie
en cas de césarienne
ou d’accouchement
par les voies naturelles
:
Les données disponibles, pharmacologiques
et cliniques, sont en faveur de l’anesthésie
locorégionale (ALR) comme technique de
référence dans la prise en charge de
l’accouchement, que celui-ci soit le fait d’une
prématurité ou d’un retard de croissance in
utero (RCIU) (NP4), aussi bien pour un
accouchement par voie basse que pour une
césarienne programmée ou en cours de travail
(NP4).
Le risque foetal principal de l’ALR est
dominé par l’hypotension artérielle
maternelle qui retentit directement sur le
débit utéroplacentaire ; ce risque est réduit
par une prise en charge adaptée (remplissage
et vasoconstricteurs).
Les avantages et
inconvénients concernant les différentes
techniques d’ALR (rachianesthésie,
péridurale, péri-rachiséquentielle) ne sont pas
détaillés ici, ni les produits et doses utilisés.
En cas de décision d’accouchement par voie
basse, la technique de référence est
l’anesthésie péridurale (APD).
L’APD
n’entraîne pas d’effets négatifs sur l’état
néonatal en cas d’accouchement prématuré
et/ou d’un RCIU (NP3).
Par ailleurs, il existe
des avantages théoriques à réaliser une APD
en cas d’accouchement d’un nouveau-né
prématuré :
– éviter les efforts expulsifs inappropriés et
un accouchement précipité en présence d’un
foetus potentiellement fragile (NP5) ;
– transformation rapide et avec un moindre
retentissement tensionnel d’une analgésie
obstétricale en une analgésie chirurgicale en
cas de décision de césarienne (NP4).
En cas de décision de césarienne en cours de
travail (hormis les cas de césariennes à
réaliser en urgence), l’ALR présente
des avantages maternels et néonatals par
rapport à l’anesthésie générale (AG), même si
la patiente n’a pas pu bénéficier de la pose
du cathéter avant la décision (NP3-4).
La question reste posée en cas d’indication de
césarienne en urgence (pour anomalies
sévères du rythme cardiaque foetal par
exemple). Les données disponibles ne
permettent pas de choisir entre l’AG et la
rachianesthésie (NP5).
Compte tenu de leurs
avantages et inconvénients respectifs, le choix
entre les deux techniques sera fonction de
l’expérience de l’anesthésiste et du temps
dont il dispose.
Implications
psychologiques
:
Les données descriptives associées à
l’expérience des équipes de pédopsychiatrie
qui travaillent dans les maternités et les
services de néonatologie soulignent le poids
des événements périnatals dans les troubles
ultérieurs du développement et dans la
dépression maternelle (NP4).
L’objectif des
équipes obstétricales et pédiatriques dans ce
contexte d’enfant de faible poids de naissance
est d’offrir à des parents très vulnérables un
« nid » relationnel fait d’empathie, de
cohérence, de fermeté et de respect mutuel,
afin d’éviter des troubles développementaux
ultérieurs parfois profonds.
La découverte de la pathologie (RCIU,
menace d’accouchement prématuré) est
considérée comme une urgence psychique.
L’attention de l’équipe soignante doit se
porter sur la qualité de l’accueil, la cohérence
des informations ; c’est également le moment
d’organiser des liens entre le médecin
envoyeur, l’équipe soignante de la maternité
et l’équipe pédiatrique qui prendra en charge
l’enfant.
La décision de faire naître l’enfant représente
un moment de vulnérabilité, non seulement
pour les parents, mais également pour les
médecins dont le rôle dans la prise en charge
psychologique du couple devient plus
difficile.
Il est fondamental qu’il n’y ait pas de
variations dans les décisions médicales et que
les parents ressentent une cohérence
d’appréciation entre les médecins et au sein
de l’équipe soignante.
La participation du
père à l’information et à la décision est
importante également.
La visite anténatale du
pédiatre est un élément fondamental de
cohérence et de gage de continuité dans la
prise en charge.
Au moment de la naissance, les parents
doivent être entourés par l’équipe.
Il est
également fondamental, si c’est possible, que
la mère ait un contact visuel ou tactile avec
son bébé avant qu’il ne soit transféré en
service de néonatologie.
Enfin, lors de l’hospitalisation de l’enfant, il
est bon que les parents sentent que l’équipe
obstétricale continue à s’intéresser à leur
enfant.
Modalités d’accouchement
en cas de retard
de croissance in utero
en dehors de tout travail
lorsque la naissance
est jugée indispensable :
En l’absence d’indication maternelle ou foetale
d’extraction urgente, il n’y a pas de contreindication
au déclenchement sous réserve que
les conditions locales soient très favorables
(NP4-5).
Les pratiques de maturation cervicale
semblent donc discutables.
En ce qui concerne les situations obstétricales
particulières (grossesse gémellaire, utérus
cicatriciel, siège), les remarques peuvent être
identiques.
Mode d’accouchement
en cas de rupture prématurée
des membranes
avant tout travail
lorsque la naissance
est jugée indispensable :
Un déclenchement par Syntocinont peut être
proposé lorsque les conditions locales sont
très favorables et le terme raisonnable (34 SA)
(NP5).
Cette attitude est valable pour les
foetus en présentation céphalique mais aussi
en cas de présentation du siège, grossesse
gémellaire et utérus cicatriciel.
L’utilisation de prostaglandines intravaginales
peut être envisagée en cas de rupture
prématurée des membranes avant terme et
conditions locales défavorables (si la
présentation est céphalique et l’utérus non
cicatriciel) (NP5).
Cette indication correspond
au cas où il serait décidé, en dehors de toute
anomalie évoquant une souffrance foetale, de
ne pas prolonger la grossesse au-delà de 34
SA afin de diminuer les risques infectieux
maternels et foetaux.
Devant l’existence de
signes évoquant une souffrance foetale il faut
alors recourir à une extraction par césarienne.
Enfin, il n’est actuellement pas recommandable
de pratiquer systématiquement une
extraction par césarienne dans le but de
diminuer l’incidence des leucomalacies
périventriculaires.
En effet, les quelques
données disponibles dans la littérature sont
rétrospectives et de plus contradictoires
(NP5).
Mode d’accouchement
pour les patientes en
travail quand l’enfant est
de faible poids :
La césarienne systématique, en cas de
présentation céphalique, n’apporte pas de
bénéfices démontrés en termes de mortalité et
de séquelles neurosensorielles (NP4).
Concernant le mode d’accouchement des
foetus en présentation du siège, les études
publiées sont à la fois rétrospectives et
anciennes avec de nombreux biais possibles,
telle la décision de ne pas intervenir par
césarienne si le foetus était jugé de trop faible
poids ou trop prématuré.
Aucun argument
décisif ne plaide pour une voie d’accouchement
plutôt qu’une autre (NP4).
Il n’existe
donc actuellement aucune restriction
spécifique portant sur le poids ou le terme de
naissance pouvant justifier la pratique
systématique d’une césarienne (NP5).
Cette
notion reste valable en cas de grossesse
gémellaire (NP5) ou d’utérus cicatriciel.
Lorsqu’une césarienne
est pratiquée et que
l’enfant est de faible
poids, quelles techniques
particulières faut-il
envisager ?
Il n’existe pas de données permettant de
recommander une incision cutanée
particulière (médiane sous-ombilicale,
incisions de Pfannenstiel ou transrectale) ; les
opinions d’experts ne recommandent pas en
général d’incision cutanée particulière (NP5).
L’hystérotomie segmentaire verticale ne
présente pas plus de risque de rupture utérine
lors de la grossesse ultérieure que
l’hystérotomie segmentaire (NP3) horizontale.
En revanche, le risque de rupture utérine
ultérieure est augmenté en cas d’hystérotomie corporéale, qui existe plus souvent en cas
d’hystérotomie verticale.
Il n’existe pas de
données permettant de choisir préférentiellement
l’hystérotomie segmentaire verticale
ou horizontale.
Cependant, les experts (NP5) s’accordent
pour penser qu’en cas de segment inférieur
non formé avec un petit utérus (terme très
précoce avant 30-32 SA et/ou foetus de très
petit poids [< 1 500 g]), il est préférable de
réaliser d’emblée une hystérotomie verticale
segmentaire plutôt que de faire une incision
en T ou en J après une hystérotomie
segmentaire horizontale.
Surveillance du travail
en cas de foetus de faible
poids :
Il existe des données permettant de confirmer
une plus grande fragilité du foetus de faible
poids et notamment un risque accru d’acidose
métabolique au cours du travail (NP2).
Concernant la surveillance foetale, les données
sont en faveur d’une utilisation de
l’enregistrement continu du rythme cardiaque
foetal au cours du travail (NP3).
Il n’existe
pas d’argument objectif pour affirmer que la
surveillance à l’aide du pH au scalp entraîne
une amélioration de l’état néonatal, ni même
qu’elle permette de réduire les interventions
en cas d’anomalies du rythme cardiaque
foetal.
D’un autre côté, il n’existe pas
d’argument objectif pour affirmer que
l’utilisation du pH au scalp est contreindiquée
en cas d’accouchement prématuré
ou en présence d’un foetus présentant un
RCIU.
De même, il n’existe pas de données
permettant d’indiquer ou de contre-indiquer
l’utilisation de l’amniotomie précoce ou de
l’oxytocine au cours du travail dans ce cadre.
Enfin, dans l’état actuel de nos connaissances,
il n’est pas recommandé de prendre des
décisions médicales chez le foetus prématuré
ou atteint de RCIU (césarienne, expectative)
sur les résultats des nouvelles techniques
d’évaluation du bien-être foetal, telles que
l’oxymétrie de pouls foetal, la mesure des
lactates au scalp, l’analyse de l’électrocardiogramme
foetal ou la spectroscopie proche de
l’infrarouge.
Faut-il proposer des modalités
préventives particulières
lors du dégagement
?
En dehors des cas où l’expulsion a lieu de
manière très rapide et très facile, il existe des
données pour justifier la pratique
systématique d’une extraction instrumentale
dans le but de protéger le foetus contre la
survenue d’hémorragies intra- et périventriculaires (NP3).
Il n’existe pas de
données permettant de privilégier un
instrument par rapport à un autre (forceps,
spatules, ventouse).
Il n’existe pas de données permettant
d’indiquer ou de contre-indiquer l’utilisation
de la ventouse chez le foetus prématuré ou
atteint de RCIU.
De même, il n’existe pas de
données permettant d’indiquer ou de contreindiquer
la pratique systématique de
l’épisiotomie chez le foetus prématuré ou
atteint de RCIU.
Quelles mesures spécifiques
sont à envisager
pour le nouveau-né :
La prise en charge du nouveau-né de faible
poids de naissance pose des problèmes
spécifiques, principalement pour les enfants
de poids inférieurs à 1 500 g.
Il existe des
données pour affirmer que la morbidité et la
mortalité néonatales sont diminuées si
l’accouchement a lieu dans une maternité où
existe une réanimation néonatale (maternité
de niveau III) (NP2).
Ces résultats confirment
la nécessité du travail en réseau des
maternités et des services de néonatologie
afin de réaliser les transferts in utero dans les
meilleures conditions médicales et
psychologiques (adapter le lieu d’accouchement
selon le niveau de risque de la
grossesse).
Il est probable qu’il y aura toujours un
nombre minimal d’accouchements
prématurés, incompressible, dans une
maternité sans service de néonatologie.
Il est
donc nécessaire que les pédiatres et les sagesfemmes
de ces maternités restent formés à la
prise en charge spécifique de ce type de
nouveau-né ; il est également nécessaire que
toute maternité dispose d’un plateau
technique adapté minimal et vérifié
régulièrement.
En cas d’accouchement d’un enfant de très
faible poids de naissance, il est souhaitable
que les problèmes relatifs à la viabilité et à la
réanimation du nouveau-né aient été discutés
avant la naissance entre d’une part les parents
et, d’autre part, l’équipe soignante
(obstétriciens et pédiatres).