Mode d’accouchement des grossesses gémellaires avec un premier jumeau en présentation par le siège Cours de
Gynécologie Obstétrique
Les grossesses gémellaires ont une fréquence d’environ 1/100
accouchements et provoquent 10 % de tous les décès périnataux.
L’incidence du premier jumeau n’étant pas en présentation
céphalique pendant le travail est d’environ 19 %.
Bien que l’accouchement par voie vaginale soit considéré comme
sûr lorsque le jumeau A a une présentation céphalique, le mode
optimal d’accouchement lorsque le jumeau A n’est pas en
présentation céphalique reste controversé.
L’American College of
Obstetricians and Gynecologists ne recommande l’accouchement
par voie vaginale qu’en cas de paires céphalique/céphalique, parfois
de paires céphaliques/non céphaliques.
En 1995, Udom-Rice et al
ont effectué une revue approfondie de l’approche à la grossesse
multiple et ils concluent que la césarienne est le traitement de choix
des grossesses non céphaliques/céphaliques.
Ce résultat a été
soutenu par la revue plus récente de Houlihan et Knuppel
portant sur des grossesses de plus de 24 semaines.
La logique sous-tendant l’intervention en présentation non
céphalique/céphalique repose sur des observations d’une morbidité
et d’une mortalité périnatales plus importantes associées à
l’accouchement par voie vaginale.
Kelsick et Minoff ont décrit
un taux de 4,5 % de perte périnatale lors de l’accouchement par voie
vaginale du jumeau A dans les présentations du siège, par rapport à
2,4 % lorsque l’accouchement se faisait par césarienne.
En outre, au
cours d’une étude dans laquelle 31 % des jumeaux étaient en
siège/siège et 36 % étaient en siège/céphalique, la morbidité
excessive des sièges accouchés par voie vaginale a conduit les
auteurs à recommander la césarienne dans tous les cas de premier
jumeau en présentation non céphalique.
Selon plusieurs études
additionnelles, ceci semble être la conception prévalente chez les
obstétriciens.
Lorsque le premier foetus se présente par le siège, les problèmes sont
plus fréquents en cas d’accouchement par voie vaginale dans les cas
suivants :
– si le foetus est anormalement gros et si la tête sature la capacité de
la filière génitale ;
– si le foetus est petit, et si les membres et le tronc sont accouchés
par un col insuffisamment effacé et dilaté pour que la tête puisse
être facilement libérée ;
– en présence d’un prolapsus du cordon ombilical.
Une complication typique et parfois catastrophique des
présentations siège/céphalique pendant le travail et l’accouchement
lorsque l’accouchement par voie vaginale est planifié est
l’entrecroisement des têtes foetales.
En effet, Oettinger et al ont
recommandé la césarienne pour toutes les présentations du siège du
premier jumeau ne serait-ce que du fait de cette possibilité peu
probable.
L’entrecroisement des jumeaux se produit dans 1/1 000
gestations gémellaires ; il est dix fois plus fréquent (1/88) dans
les présentations siège/céphalique que dans les présentations
céphalique/siège.
En outre, les jumeaux en présentation
siège/céphalique présentent un risque significativement plus élevé
d’entrecroisement que les jumeaux dans d’autres positions.
Il
est également possible que le second jumeau puisse gêner
l’accouchement par voie vaginale du premier jumeau (par le siège)
de façon plus subtile, par exemple par déflexion céphalique en cours
de descente.
Dans le même temps, des craintes ont été soulevées quant à la
pratique d’opérer systématiquement toutes les présentations du
siège, comme recommandé par Wright en 1959.
La fréquence
mondiale des accouchements par césarienne a dépassé 90 % dans le cas du siège per se.
Spécifiquement, une étude d’évaluation des
modes d’accouchement et de l’issue de 158 naissances gémellaires
a observé que les scores d’Agpar étaient généralement élevés pour
tous les modes d’accouchement, sauf dans le cas des naissances par
le siège.
Les taux de mortalité périnatale étaient généralement plus
élevés pour le jumeau B que pour le jumeau A, et pour les jumeaux
par rapport aux non-jumeaux, quel que soit le mode
d’accouchement.
Les auteurs ont conclu qu’un mode particulier
d’accouchement des jumeaux ne peut être associé à une issue
meilleure.
Par conséquent, Liapis et al ont examiné la morbidité
et la mortalité périnatales de 150 paires de jumeaux nés après 26
semaines de gestation et ont observé que la prématurité paraissait
être la cause la plus fréquente de mort périnatale, alors que le mode
d’accouchement était sans importance.
Au cours de la dernière décennie, seules quelques études ont traité
de la prise en charge périnatale des naissances siège/non
céphalique.
Nous nous intéressons ici à cinq d’entre elles, du fait de
leurs implications médico-légales actuelles.
Cependant, des
informations plus récentes s’avèrent nécessaires pour optimiser le
processus décisionnel.
Blickstein et al ont rétrospectivement comparé l’issue périnatale
de deux groupes de jumeaux en présentation siège/céphalique, 24
accouchés par voie vaginale et 35 accouchés par voie abdominale.
Dans le cas de l’accouchement par voie vaginale, les premiers
jumeaux en présentation par le siège devaient satisfaire aux critères
suivants : poids échographiquement estimé de 1 500 à 2 500
grammes, pas de déflection de la tête, ni présentation des pieds ou
de précédente cicatrice utérine.
Les caractéristiques maternelles et
néonatales étaient similaires dans les deux groupes.
Les résultats ont
montré que les différences d’issue périnatale intergroupes, mesurées
par les scores d’Apgar, ainsi que la morbidité et la mortalité,
n’étaient pas significatives.
Les auteurs ont conclu que pour une
population sélectionnée de premiers jumeaux en présentation par le
siège, l’accouchement par voie vaginale pouvait être au moins aussi
sûr que l’accouchement par voie abdominale.
Oettinger et al ont étudié rétrospectivement 82 grossesses
impliquant un siège du premier jumeau sur deux périodes d’étude
pendant lesquelles les taux de césarienne étaient de 20,9 % et 94,9 %.
La morbidité et la mortalité néonatale et maternelle ont été
comparées entre les périodes d’étude. Il n’y avait aucune mortalité
néonatale ni aucun cas de jumeaux entrecroisés et la morbidité
néonatale n’était pas liée au mode d’accouchement.
Les auteurs ont
conclu que, pour des premiers jumeaux en bonne santé se présentant
par le siège à terme, l’accouchement par voie vaginale pouvait être
une alternative possible à l’accouchement par césarienne.
Essel et Opai-Tetteh ont analysé prospectivement l’effet du mode
d’accouchement sur l’issue périnatale chez 35 jumeaux siège/siège
et six jumeaux siège/transverse accouchés par voie vaginale et chez
27 jumeaux ayant des présentations semblables accouchés par
césarienne.
Il n’y avait aucune différence statistiquement
significative ni de l’Agpar à 5 minutes, ni des taux de mortalité
néonatale entre les groupes.
À nouveau, la conclusion a été que
l’accouchement des jumeaux par voie vaginale des présentations
siège/siège ou siège/transverse représentait une option raisonnable.
Enfin, Abu-Heija et al ont décrit leur expérience de 21
accouchements vaginaux et de 37 accouchements par césarienne de
grossesses gémellaires dans laquelle le jumeau A était en
présentation par le siège.
Aucune différence de l’issue périnatale,
mesurée par les scores d’Apgar, ou de la mortalité périnatale n’a été
observée.
Ces rapports, provenant du Moyen-Orient et d’Afrique du Sud, sont
encourageants et peuvent être le signe d’un changement d’attitude
dans la prise en charge des gestations gémellaires impliquant une
présentation par le siège du premier jumeau.
Cependant, tous les
échantillons d’étude étaient petits, avec un risque d’erreur statistique
de type 2.
Récemment, une étude cas contrôle rétrospective multicentrique
israélienne a évalué les risques associés à la naissance par voie
vaginale d’un premier jumeau se présentant par le siège sur 613
paires de jumeaux. Les issues étaient le score d’Apgar et la
mortalité.
Tous les 13 centres médicaux participants autorisaient la
naissance par voie vaginale d’un premier jumeau en présentation
par siège.
L’accouchement par voie vaginale a été effectué dans 239
cas (39 %) et la césarienne dans 374 (61 %).
Les résultats ont montré
que la multiparité et la césarienne élective avaient peu d’influence
sur les résultats.
La mortalité néonatale était associée à l’extrême
prématurité, en accord avec l’étude de Liapis et al.
Les auteurs
ont conclu qu’il n’existait aucune preuve du fait que la naissance
par voie vaginale était dangereuse en termes de scores d’Apgar
déprimés et de mortalité néonatale pour un premier jumeau en
présentation du siège pesant au moins 1 500 g.
Cette nouvelle approche, qui est en faveur d’une tentative
d’accouchement par voie vaginale d’un premier jumeau en
présentation du siège, contredit la croyance populaire que
l’accouchement par césarienne est le mode de choix dans de telles
circonstances.
Elle repose sur les études publiées au cours de la
dernière décennie.
Cependant, une récente étude randomisée
multicentrique (octobre 2000) (121 centres dans 26 pays) de 2 083
foetus non jumeaux à terme en présentation par le siège complété ou
décomplété mode des fesses a observé que la césarienne planifiée
entraînait une mortalité néonatale et périnatale moindre, ainsi
qu’une morbidité néonatale moins grave que l’accouchement par
voie vaginale.
Les complications maternelles graves étaient
similaires dans les deux groupes.
Puisque la mortalité périnatale est
plus élevée chez les jumeaux que dans les grossesses non
gémellaires et puisque la médecine défensive existe en
obstétrique, cette étude pourrait bloquer la tendance à l’inversion
dans la prise en charge, avec des médecins revenant à des
accouchements plus conventionnels et probablement plus sûrs (du
moins médico-légalement) de tels jumeaux par césarienne.
Une approche intéressante concernant le problème du premier
jumeau en présentation par le siège été rapportée par Bloomfield et Philipson sur deux séries de jumeaux.
Ces auteurs ont appliqué
avec succès la version par manoeuvres externes du jumeau A en
présentation du siège, permettant ainsi l’accouchement par voie
vaginale des deux jumeaux.
En conclusion, le mode d’accouchement préférable dans les cas de
présentations gémellaires siège/céphalique est encore mal connu.
Bien que l’opinion prévalente soit en faveur de la césarienne,
plusieurs rapports récents indiquent que l’accouchement par voie
vaginale peut être réalisable en termes de mortalité et de morbidité
périnatales, du moins dans des cas soigneusement sélectionnés.
Ces
rapports sont limités, cependant, par le petit effectif.
Jusqu’à ce
qu’un plus grand nombre d’études contrôlées multicentriques
prospectives randomisées fasse la lumière sur ce problème, les
compétences, l’expérience et le jugement de l’obstétricien joueront
un rôle majeur dans le processus décisionnel.