Métabolisme du fer : physiologie et pathologie Cours
d'hématologie
Introduction
:
Le fer est indispensable à toute forme de vie, essentiellement pour
assurer le transport d’oxygène ou catalyser des réactions de transfert
d’électrons, de fixation d’azote ou de synthèse d’acide
désoxyribonucléique (ADN).
En solution, il peut exister sous deux
états d’oxydation, Fe(II) et Fe(III).
Au pH physiologique, Fe(II)
s’oxyde facilement en Fe(III) qui précipite sous forme d’hydroxyde
ferrique.
De plus, le Fe(II), lorsqu’il est à l’état libre, catalyse par la
réaction dite « de Fenton » la production de formes radicalaires de
l’oxygène, très réactives et particulièrement dangereuses pour la cellule.
De ce fait, les organismes vivants ont développé un grand
nombre de protéines permettant de véhiculer le fer dans les fluides
biologiques ou à travers les membranes cellulaires, et pour le mettre
en réserve sous une forme facilement disponible mais non toxique.
L’organisme d’un être humain adulte contient environ 4 g de fer,
qui se répartissent essentiellement entre l’hémoglobine (2,5 g), la ferritine (1 g) et les protéines à fer héminique (cytochrome,
myoglobine) ou non héminique (ribonucléotide réductase).
Le fer
est continuellement recyclé entre ces différents compartiments de
l’organisme et un même atome de fer peut participer à
plusieurs cycles d’érythropoïèse.
Les pertes en fer proviennent
principalement de la desquamation des cellules intestinales et des
cellules de la peau, et comme il n’existe aucun mécanisme actif
d’excrétion du fer, seul le contrôle de l’absorption intestinale du fer
permet d’éviter une surcharge de l’organisme.
Sources alimentaires et besoins en fer :
A - SOURCES ALIMENTAIRES :
L’origine du fer de l’organisme dépend exclusivement des apports
alimentaires.
Il dépend aussi de la biodisponibilité du fer
pour son absorption digestive, qui varie selon sa forme moléculaire
et les nutriments qui l’accompagnent.
Ainsi, plus que la quantité de
fer présent dans les apports alimentaires, c’est sa qualité de fer héminique ou non héminique et les facteurs extrinsèques régulant
son absorption qui déterminent la couverture des besoins en fer.
B - APPORTS ET BESOINS EN FER
:
Les apports nutritionnels conseillés en fer ont été estimés, pour
satisfaire la couverture des besoins de la grande majorité de la
population française, à 16 mg/j pour les femmes contre 8 mg/j pour
les hommes.
Plusieurs enquêtes internationales ont établi qu’à travers le monde,
l’apport de fer pour 1 000 calories ingérées est stable, de 4 à 12 mg/j.
Dans cette fourchette d’apports, les quantités les moins importantes
sont susceptibles d’entraîner des carences en fer.
Une étude
épidémiologique réalisée en 1988 a montré, dans la région parisienne
(Val-de-Marne), que les apports médians en fer variaient de 9 à
10 mg/j chez les femmes, alors qu’ils étaient de 12 à 15 mg/j chez
les hommes, et que les apports chez les femmes en âge de procréer
étaient inférieurs aux apports recommandés en fer, soit 16 mg/j.
Cette même étude a chiffré la prévalence de la déplétion totale des
réserves en fer à 23 % chez ces femmes.
1- Femme enceinte et femme allaitante :
Chez la femme enceinte, il existe un accroissement des besoins liés à
l’augmentation de la masse érythrocytaire maternelle (environ
500 mg), la constitution des réserves du foetus (environ 300 mg) et
du placenta (environ 25 mg).
Il est donc nécessaire que la femme
dispose en début de grossesse de réserves en fer importantes pour
éviter la constitution d’une carence.
Cette éventuelle carence affecte
plus la mère que l’enfant, puisque les taux d’hémoglobine et les ferritinémies des nouveau-nés des mères carencées ou non carencées
sont similaires.
Cette priorité accordée à l’enfant est maintenue
au cours de l’allaitement, comme l’atteste la faible variabilité de la
concentration en fer du lait en fonction des réserves martiales de la
mère.
On estime à 20 mg les apports quotidiens nécessaires en fer
de la femme enceinte et de la femme allaitante.
Ces besoins sont
majorés à 30 mg en cas de carence martiale avérée.
2- Nourrisson :
Le nourrisson né à terme a un stock en fer d’environ 300 mg.
Ses
besoins sont couverts par l’allaitement au sein ou artificiel pendant
les 8 premières semaines de vie, en raison du ralentissement de
l’érythropoïèse de cette période par rapport à l’érythropoïèse foetale.
Il n’y a donc pas d’indication à supplémenter en fer l’enfant pendant
les 2 premiers mois de vie.
À la fin du deuxième mois de vie, en
réponse à la chute du taux d’hémoglobine, l’érythropoïèse s’accroît
et majore les besoins en fer.
Les besoins quotidiens sont donc de
l’ordre de 1 mg, cette valeur pouvant être supérieure chez les enfants
nourris au lait de vache, qui n’apporte que 0,4 à 0,5 mg/j dans la
ration de lait de l’enfant de cet âge, dont simplement 10 à 35 % sont
absorbés.
Il importe donc de fournir une supplémentation en fer dès
l’âge de 3 à 4 mois, 10 à 15 mg/j permettant un apport réel en fer de
1 mg/j.
La supplémentation du lait par des sels ferreux avec
l’objectif d’apporter 0,7 mg/100 mL est la méthode la plus simple et
la plus efficace.
Chez les prématurés, elle est effectuée dès l’âge de
2 mois.
Les enfants nourris au sein ou par des laits artificiels non
enrichis en fer doivent recevoir 2 à 2,5 mg/kg/j, sans dépasser
15 mg/j.
3- Enfant
:
Des apports en fer de 10 mg/j sont recommandés chez les enfants
de 12 mois jusqu’à l’adolescence.
Il n’est pas rare que ces apports
fassent défaut, notamment dans les pays en voie de développement
où le fer est surtout fourni par les céréales, sans apport conjoint de
viande, volaille, poisson.
4- Adolescent
:
Au pic de la croissance pubertaire, la prise de poids annuelle
moyenne est de 10 kg et l’augmentation du taux d’hémoglobine de 0,5 à 1 g/dL.
Un apport supplémentaire de 350 mg de fer environ
doit être fourni pendant cette période, particulièrement chez la fille
où des apports quotidiens de l’ordre de 15 mg/j sont nécessaires ;
10 mg/j chez le garçon sont suffisants.
Fer dans l’organisme :
A - TRANSPORT PLASMATIQUE :
1- Fer lié à la transferrine :
Les échanges de fer entre les sites d’absorption (duodénum), de
stockage (foie et rate) et d’utilisation (moelle osseuse) se font par
l’intermédiaire de la transferrine, protéine plasmatique chargée de
véhiculer le fer dans l’organisme.
Dans certaines situations
pathologiques (surcharge en fer, hémolyse) ou dans les atransferrinémies congénitales, on peut voir apparaître du fer
circulant sous une autre forme.
La transferrine lie deux atomes de Fe(III) avec une haute affinité
(kDa = 10–23 mol/L) et cette fixation nécessite la présence d’un ion
carbonate ou bicarbonate.
La transferrine est une molécule bilobée,
chaque lobe pouvant fixer un atome de fer.
Les deux lobes
présentent une forte homologie interne et il est probable que le gène
de la transferrine a évolué par duplication d’un gène ancestral.
Dans
les conditions normales, la saturation de la transferrine est de l’ordre
de 30 % et quatre formes moléculaires distinctes sont présentes dans
le plasma, correspondant à l’apotransferrine, à la transferrine ayant
fixé deux atomes de fer et aux deux formes monoferriques avec
seulement un atome de fer par molécule, à l’extrémité C-terminale
ou à l’extrémité N-terminale.
La transferrine est synthétisée et sécrétée principalement par le foie,
et dans une moindre mesure par les cellules de Sertoli, les
oligodendrocytes, le plexus choroïde et les cellules neuronales.
L’expression du gène de la transferrine est régulée au cours du
développement et de façon tissu-spécifique, principalement au
niveau transcriptionnel.
De nombreux éléments activateurs ou
répresseurs ont été identifiés dans la région promotrice et dans les
régions distales, en amont du gène de la transferrine.
L’expression
du gène de la transferrine est aussi activée par la carence en fer, par
un mécanisme qui n’est pas encore connu.
La transferrine appartient à une famille de protéines de transport
du fer qui présentent de fortes homologies de séquence, à savoir
l’ovotransferrine, présente dans le blanc de poulet, la mélanotransferrine (anciennement connue sous le nom d’antigène
tumoral p97) et la lactoferrine.
Cette dernière est une glycoprotéine
aux multiples fonctions, dont la principale est de fixer le fer avec
une affinité supérieure à celle de la transferrine et de limiter la
croissance bactérienne.
La lactoferrine est présente dans le lait, les
larmes et dans les granules des polynucléaires neutrophiles.
2- Fer non lié à la transferrine (NTBI) :
On appelle généralement ainsi une forme de fer(II) faiblement
associée aux protéines plasmatiques et qui se rencontre dans des
conditions pathologiques particulières.
En effet, dans les fortes
surcharges en fer, qu’elles soient d’origine héréditaire ou acquise,
du fer peut être présent dans le plasma en excès de la capacité de
fixation de la transferrine.
Ce fer peut pénétrer dans les cellules,
particulièrement dans le foie, par diffusion passive facilitée et
contribuer à la formation de la surcharge à l’origine de dommages
cellulaires potentiels importants.
Ce fer non lié à la transferrine n’est
pas utilisé par les précurseurs érythropoïétiques, puisque les souris
hpx, qui n’ont pour ainsi dire pas de transferrine, du fait d’une
anomalie d’épissage du gène de la transferrine, ont une anémie
microcytaire hypochrome malgré une surcharge en fer des
parenchymes.
De même, dans les cas rares d’hypotransferrinémie
génétique chez l’homme, les malades ont un déficit de
l’érythropoïèse.
B - FER INTRACELLULAIRE :
1- Internalisation des complexes transferrine-récepteurs :
Le fer lié à la transferrine plasmatique va pénétrer dans les différents
tissus par l’intermédiaire de récepteurs membranaires présents à la
surface de la plupart des cellules et en particulier à la surface des
cellules en phase de croissance exponentielle et à la surface des
précurseurs érythropoïétiques de la moelle osseuse.
Ces récepteurs
sont présents à la membrane sous forme de dimères de deux sousunités
identiques de poids moléculaire 95 kDa, liées par deux ponts
disulfures.
Le domaine cytoplasmique d’une sous-unité correspond
aux 61 premiers acides aminés, suivi d’un seul domaine
transmembranaire de 28 acides aminés et d’un domaine
extracellulaire de 671 acides aminés.
Le nombre de récepteurs
présents à la surface des cellules varie entre 104 et 106, suivant le
type cellulaire, l’état de prolifération ou de différenciation, et suivant
le statut en fer.
Ainsi, le nombre de récepteurs augmente
progressivement au cours de la maturation des précurseurs érythropoïétiques dans la moelle osseuse, pour atteindre un
maximum de l’ordre de 106 par cellule au stade érythroblaste, avant
de diminuer autour de 100 000 dans le réticulocyte.
Les
érythrocytes matures ne contiennent pratiquement plus de
récepteurs à la transferrine.
La régulation transcriptionnelle du gène
du récepteur à la transferrine a été relativement peu étudiée, à
l’exception de la régulation par les agents mitogènes et par
l’hypoxie, la régulation par l’hypoxie pouvant avoir des implications
dans le contrôle de la régulation de l’absorption intestinale du fer
.
En revanche, le fer régule le nombre de récepteurs présents
à la surface des cellules par un mécanisme post-transcriptionnel qui
module la stabilité de l’acide ribonucléique messager (ARNm) du
récepteur à la transferrine par l’intermédiaire du système iron
responsive element (IRE)/iron regulatory protein (IRP).
Il existe une forme soluble du récepteur à la transferrine (sRTf) qui
est une forme tronquée du récepteur, générée par coupure
protéolytique du domaine extracellulaire entre Arg-100 et Leu-101.
Les précurseurs érythropoïétiques de la moelle osseuse constituent
la source principale de sRTf.
Un état ferriprive peut augmenter le
nombre des récepteurs à la transferrine à la surface des
érythroblastes, par stabilisation de l’ARNm par le système IRE/IRP.
D’autre part, une stimulation de l’érythropoïèse augmente le nombre
des cellules engagées dans la voie de différenciation érythropoïétique.
Ces deux conditions entraînent une augmentation
du nombre des sRTf, et de ce fait le dosage des sRTf est proposé en
clinique comme un moyen d’évaluer le fer « fonctionnel » dans
l’organisme.
La fixation de la transferrine sur son récepteur entraîne la formation
d’une vésicule d’endocytose et l’internalisation du complexe.
La
maturation de l’endosome s’accompagne d’une acidification
progressive permettant la dissociation du fer de sa liaison à la
transferrine et sa réduction à l’état de Fe2+.
À pH acide, la transferrine
reste fixée sur son récepteur et se trouve recyclée vers le plasma
par fusion de l’endosome avec la membrane plasmique.
L’ion Fe2+
ainsi libéré va ensuite traverser la membrane de l’endosome et
passer dans le cytoplasme.
2- Transfert endosome/cytoplasme
:
Plusieurs études récentes suggèrent que les protéines de la famille
« natural resistance associated macrophage protein » (Nramp), qui
constituent une nouvelle classe de transporteurs ou échangeurs de
cations divalents, pourraient transporter le fer de l’endosome vers
le cytoplasme.
La protéine Nramp2, aussi appelée DMT1, est un transporteur
membranaire des cations divalents et plus probablement du Fe2+.
Cette protéine possède 561 acides aminés et 12 domaines
transmembranaires.
Elle existe sous deux isoformes, codées par deux
ARNm issus du même gène mais différant par leur extrémité 3’ non
codante, par suite de l’utilisation de deux sites de polyadénylation
alternatifs.
L’un des deux ARNm possède un motif de régulation
traductionnelle par le fer et code une protéine exprimée à la membrane du pôle apical des cellules polarisées.
Cette protéine
semble jouer un rôle dans l’absorption intestinale du fer.
Le deuxième ARNm code une protéine présente à la fois à la
membrane des cellules et dans la membrane de l’endosome précoce
et qui se colocalise avec les récepteurs à la transferrine.
Dans ce
cas, la protéine Nramp2/DMT1 permet le passage du fer de
l’intérieur de l’endosome vers le cytoplasme.
Ce transport est facilité
par un cotransport des ions H+ aussi présents dans l’endosome suite
à son acidification. Une mutation dans le quatrième domaine
transmembranaire de Nramp2/DMT1, qui affecte les deux
isoformes, est responsable, chez la souris mk/mk, d’une anémie
microcytaire hypochrome par suite d’un défaut d’absorption
intestinale du fer et d’un défaut d’utilisation du fer lié à la
transferrine par les précurseurs érythropoïétiques.
La protéine Nramp1, autre membre de cette famille de transporteurs
de cations divalents, est exprimée essentiellement dans les
phagocytes et joue un rôle dans la défense antimicrobienne.
Le gène
codant la protéine Nramp1 est associé au locus Bcg, qui exerce chez
la souris un contrôle génétique sur la résistance aux infections par
les pathogènes à développement intracellulaire tels que
Mycobacterium avium, Salmonella ou Cryptococcus.
Dans les lignées
pures de souris, il existe deux formes alléliques différentes,
correspondant à un polymorphisme protéique au niveau de l’acide
aminé 169 (G169D) et à une perte de fonction.
Chez les souris
possédant l’allèle BcgR, les macrophages ont une activité
bactériostatique importante, limitant la multiplication intracellulaire
des pathogènes.
À l’inverse, les macrophages des souris ayant
l’allèle BcgS vont permettre la prolifération microbienne, le
développement de l’infection dépendant alors de la virulence de
l’agent pathogène et de la réponse immunitaire de l’hôte.
Après la phagocytose d’un agent infectieux par le macrophage,
Nramp1 est recruté à la membrane du phagosome, au cours d’un
processus de maturation qui permet l’acquisition d’activités
bactéricides dues à la présence d’agents cytotoxiques ou à
l’élimination d’éléments nutritifs essentiels à la multiplication des
pathogènes.
La fonction exacte de Nramp1 n’est pas encore connue,
mais son rôle dans le contrôle de la production du monoxyde
d’azote (NO) par les macrophages ou dans l’élimination des ions fer
ou manganèse vers l’extérieur du phagosome a été évoqué, les deux
effets n’étant pas mutuellement exclusifs, particulièrement du fait
des liens étroits qui existent entre le NO et le métabolisme du fer.
Des arguments indirects tirés de la comparaison avec d’autres
protéines de la famille, et en particulier avec Nramp2/DMT1, avec
qui elle présente 78 % d’identité au niveau de la séquence en acides
aminés, suggèrent que Nramp1 pourrait contribuer à transporter le
fer en dehors du phagosome, hors d’atteinte de l’agent infectieux.
Il n’existe pas de mutation du gène Nramp1 identifiée chez l’homme
et le rôle de cette protéine dans les défenses antimicrobiennes n’est
pas encore connu.
3- Pool de fer libre
:
L’existence dans le cytoplasme des cellules d’un pool de fer libre,
faiblement lié à des composés de bas poids moléculaire, facilement
accessible à des agents chélateurs, a fait l’objet de nombreuses
controverses.
Cependant, par sa capacité à catalyser la production
de formes réactives de l’oxygène et par son rôle dans la régulation
post-transcriptionnelle de l’expression d’un certain nombre de gènes
, il est permis de croire à la réalité de ce fer libre.
De plus,
une méthode de dosage sur cellules vivantes a récemment été
développée qui a permis de confirmer son existence.
Ce pool de fer libre est l’objet de nombreux échanges entre les
compartiments cellulaires.
Il est alimenté d’une part par le fer qui
pénètre dans les cellules par la voie de l’endocytose des complexes
fer-transferrine, et d’autre part par le fer libéré de la dégradation de
l’hème ou de la ferritine ou encore par le fer mobilisé par le radical
superoxyde à partir du noyau ferrique de la molécule de ferritine.
Ce fer peut être recyclé vers le plasma ou être redistribué entre les
différents compartiments subcellulaires, comme la mitochondrie ou
le compartiment de stockage associé à la ferritine.
À côté de son rôle bénéfique, le fer peut aussi représenter un danger
réel pour la cellule puisqu’il est capable, en participant à des chaînes
de transfert d’électrons, de générer des radicaux libres.
C’est ce
qui se produit au cours de la réaction de Fenton qui, à partir de fer
et d’eau oxygénée, est à l’origine de la production du radical
hydroxyle : H2O2 + Fe2 + ® OH– + OH· + Fe3 +.
Les radicaux libres sont des espèces chimiquement très réactives
possédant un électron célibataire qui leur confère une grande
instabilité énergétique. Ils sont toxiques pour la cellule et ont un
rôle carcinogène.
Ainsi, la capacité du fer à produire des radicaux
oxygénés le rend potentiellement délétère pour un grand nombre
de composants cellulaires qui sont directement à proximité de son
lieu de production.
Le fer peut être à l’origine de la peroxydation
des acides gras polyinsaturés constituant les membranes cellulaires.
Ce phénomène touche aussi bien les lipides de la membrane
plasmique que ceux des organelles (mitochondrie, lysosomes,
microsomes). Après peroxydation, les acides gras sont dégradés,
induisant la disruption des membranes et le mauvais
fonctionnement des composants cellulaires.
Le fer peut être aussi la cause de lésions sur l’ADN.
Il a été en effet
montré que les radicaux libres peuvent réagir avec l’ADN et ainsi
provoquer des cassures de la chaîne qui peuvent être double ou
simple brin, ou des modifications de certaines bases de l’ADN.
4- Fer mitochondrial
:
Le fer doit être adressé dans la mitochondrie pour permettre d’une
part la synthèse de l’hème et d’autre part la constitution des centres fer-soufre nécessaires à l’activité d’un certain nombre d’enzymes
mitochondriales ou cytosoliques.
Les trois dernières enzymes de la
chaîne de biosynthèse de l’hème sont localisées dans la
mitochondrie, en association avec la membrane interne, et cet
arrangement a permis de proposer l’existence d’un complexe
multienzymatique permettant le transfert de substrat d’une enzyme
à l’autre à travers les membranes de la mitochondrie.
La dernière
étape, qui réalise l’insertion de l’ion Fe2+ dans la molécule de protoporphyrine,
est catalysée par la ferrochélatase.
Cette enzyme, qui a
donc deux substrats, le fer et la protoporphyrine, est ancrée dans la
membrane interne de la mitochondrie et possède un centre 2Fe-2S à
son site actif.
Les mécanismes qui régulent l’adressage du fer vers la
mitochondrie, sa réduction de Fe3+ en Fe2+ et son passage à travers
la membrane externe puis la membrane interne, sont encore
inconnus.
Certains auteurs ont proposé un passage direct du Fe2+
de l’endosome vers la mitochondrie, sans transition par le
cytoplasme.
Ce mécanisme serait particulièrement important dans
les cellules de la lignée rouge où l’activité de synthèse d’hème est
très élevée.
D’autres études suggèrent un transport du Fe3+ suivi
d’une réduction grâce à des équivalents réducteurs apportés par la
chaîne respiratoire.
Les dépôts de fer observés dans les
mitochondries dans certains cas d’anémies sidéroblastiques acquises
seraient la conséquence d’un défaut de la chaîne respiratoire qui
empêcherait la réduction du fer et son incorporation dans la
protoporphyrine IX.
En revanche, dans les formes héréditaires
d’anémie sidéroblastique, un déficit de synthèse de protoporphyrine
IX dû à la présence de mutations dans le gène codant pour l’acide
aminolévulinique synthétase érythroïde (eALA-S), est à l’origine
d’une accumulation de fer dans la mitochondrie.
Ces dépôts de
fer ne sont pas associés à la molécule de ferritine, et seul l’ajustement
du taux de formation de la protoporphyrine et du flux de fer
mitochondrial permet d’éviter que le fer ne s’accumule dans la
mitochondrie.
Des dépôts de fer dans la mitochondrie s’observent
aussi dans des tissus non érythropoïétiques chez les malades atteints
de l’ataxie de Friedreich.
L’identification du gène responsable de
cette pathologie a permis de découvrir une nouvelle protéine qui
pourrait jouer un rôle dans le contrôle du flux de fer mitochondrial :
la frataxine.
L’expansion d’un triplet GAA dans le premier intron
du gène codant pour la frataxine est responsable de l’ataxie de
Friedreich, une maladie autosomique récessive s’accompagnant
d’une ataxie progressive et d’une cardiomyopathie.
Des mutants de
levure déficitaires dans yfh1p, l’homologue de la frataxine chez
Saccharomyces cerevisiae, présentent une accumulation en fer dans la
mitochondrie dix fois supérieure à des souches sauvages.
Chez
les malades atteints d’ataxie de Friedreich, des dépôts de fer ont été
observés dans les mitochondries des cardiomyocytes.
Chez
l’homme, comme chez la levure, il existe un stress oxydatif de la
mitochondrie, mis en évidence par une inhibition de la
phosphorylation oxydative dans les mutants de levure ou un déficit
des enzymes à noyau fer-soufre dans le myocarde des malades.
Des auteurs ont suggéré que la frataxine puisse jouer le rôle de
réservoir mitochondrial de fer, mais ces travaux doivent encore être
confirmés.
Enfin, le fer mitochondrial permet aussi l’assemblage des centres fersoufre
nécessaires à l’activité enzymatiques de certaines enzymes à
fer non héminique.
5- Enzymes à fer héminique et non héminique :
Parmi les enzymes à fer non héminique se trouvent les enzymes à
noyau fer-soufre qui sont impliquées dans de nombreux processus
métaboliques tels que des réactions d’isomérisation ou de
déshydratation, et qui servent de transporteurs d’électrons dans des
chaînes d’oxydoréduction.
Chez les eucaryotes, la plupart des
enzymes à noyau fer-soufre sont localisées dans la mitochondrie à
l’exception de quelques-unes, comme la protéine IRP.
Des
travaux récents suggèrent que l’assemblage fonctionnel des noyaux Fe-S de ces enzymes se fasse dans la matrice mitochondriale, aussi
bien pour les enzymes qui résident dans la mitochondrie que pour
celles dont la localisation est cytosolique.
Une protéine
appartenant à la famille des ABC-transporteurs, la protéine hABC7
chez l’homme, serait chargée d’exporter vers le cytoplasme des
constituants du cluster fer-soufre après leur assemblage dans la
mitochondrie.
Cette protéine hABC7 est très homologue de yATM1,
une protéine de levure appartenant à la famille des ABC
transporteurs localisée dans la membrane interne de la
mitochondrie.
Le gène codant hABC7 est localisé sur le chromosome
Xq13.1-q13.3 et pourrait être le gène impliqué dans une forme
particulière d’anémie sidéroblastique associée à une ataxie
cérébelleuse.
Une mutation dans un segment transmembranaire
de hABC7 a été identifiée dans une famille où cinq individus de
sexe masculin d’une même fratrie étaient atteints de cette forme
d’anémie sidéroblastique.
La mutation ségrégeait avec l’expression
clinique de la maladie et n’a pas été retrouvée dans la population
normale.
Parmi les enzymes possédant un atome de fer au site catalytique, on
compte la ribonucléotide réductase qui catalyse la réduction des
ribonucléotides en nucléotides pour permettre la synthèse d’ADN.
Le fer est associé à la sous-unité M2 de la protéine et permet
l’activation d’un radical tyrosyl en présence d’oxygène,
indispensable à l’activité catalytique de l’enzyme.
Cette sous-unité
M2 a une demi-vie d’environ 3 heures et sa synthèse augmente de
trois à sept fois lors de la transition G1/S du cycle cellulaire.
Tous
les biologistes cellulaires savent que le fer est un constituant
indispensable du milieu de culture des lignées continues, son
premier rôle étant de permettre la synthèse de la sous-unité M2 de
la ribonucléotide réductase.
De même, les chélateurs du fer tels la déféroxamine bloquent la prolifération des cellules en culture et, par
voie de conséquence, inhibent la synthèse de l’ADN (blocage en
phase G1/S).
C - CONTRÔLE POST-TRANSCRIPTIONNEL PAR LE FER
LIBRE (IRE/IRP)
:
La synthèse d’un certain nombre de protéines clé du métabolisme
du fer est régulée par le fer libre intracellulaire.
Cette
régulation dépend d’interactions spécifiques ARN-protéines dans le
cytoplasme.
Une protéine appelée IRP, dont on connaît deux
formes moléculaires distinctes (IRP1 et IRP2), présente à l’état natif
une forte affinité de liaison pour un motif ARN d’environ
30 nucléotides, appelé IRE.
Ce motif, qui adopte une structure tige-boucle, a d’abord été identifié dans l’extrémité 5’ non codante
des ARNm H- et L-ferritine et s’est avéré être impliqué dans la mise
en réserve sous une forme non traduite des ARNm ferritine et la
répression de la synthèse de ferritine dans des conditions de faible
apport en fer.
Un motif IRE a aussi été identifié dans la partie 5’
non codante de l’ARNm codant l’eALA-S, première enzyme de la
chaîne de biosynthèse de l’hème.
Ce motif permet d’ajuster le taux
de la synthèse de protoporphyrine IX à la disponibilité du fer dans
les cellules érythropoïétiques.
Des motifs IRE ont aussi été
identifiés dans les ARNm codant des protéines impliquées dans le
transport du fer mais, dans ce cas, les IRE sont présents dans la
région 3’ non codante.
En particulier, l’ARNm codant le récepteur à
la transferrine possède cinq IRE dans les 2,7 kb de l’extrémité 3’ de
l’ARNm, alors qu’un seul motif est retrouvé dans l’ARNm
Nramp2/DMT1.
La reconnaissance d’un motif IRE par une molécule
d’IRP a des conséquences fonctionnelles différentes selon la position
de l’IRE dans l’ARNm, entraînant soit une répression de la synthèse
de ferritine et de l’eALA-S, par inhibition de la formation du
complexe d’initiation de la traduction, soit une stabilisation des
ARNm du récepteur à la transferrine en le protégeant d’une
destruction par les endonucléases.
Ces différents motifs IRE sont
remarquablement conservés. Ils adoptent une structure tige-boucle avec une tige double brin de longueur variable et une boucle de
cinq nucléotides de séquence consensus 5’-CAGUGN-3’.
Le
milieu de la tige est interrompu par un renflement qui possède en
particulier une cytosine non appariée complètement conservée dans
tous les motifs IRE et qui joue un rôle dans l’interaction avec l’IRP.
Les rôles respectifs des deux formes IRP1 et IRP2 sont encore mal
connus.
Une augmentation du pool de fer dans les cellules entraîne
un changement de conformation de l’IRP1 par suite de la formation
d’un noyau fer-soufre (4Fe-4S), caractéristique des protéines de la
famille des aconitases.
La protéine IRP1 est donc une aconitase
cytoplasmique, codée par un gène différent de celui de l’aconitase
mitochondriale.
L’activité enzymatique aconitase de l’IRP1 est donc
mutuellement exclusive avec l’activité de liaison aux IRE et la
fonction de cette activité enzymatique cytoplasmique n’est pas
connue.
Ce changement de conformation entraîne une perte
d’affinité pour l’IRE, permettant une synthèse rapide de ferritine,
une synthèse d’eALA-S dans les cellules érythropoïétiques, et une
dégradation des ARNm du récepteur à la transferrine. Le rôle de
cette régulation dans la stabilisation de l’ARNm Nramp2/DCT1
n’est pas encore démontré.
À l’inverse, les formes radicalaires de
l’oxygène, et en particulier le NO produit par la forme inductible de
la NO synthétase, sont capables aussi de moduler l’activité de l’IRP
en détruisant le noyau Fe-S.
Ainsi, la stimulation des
macrophages murins par l’interféron-c et les lipopolysaccharides
induit la synthèse de NO et active la fixation de IRP1 et IRP2 sur les
IRE.
La protéine IRP2 ne forme pas de noyau fer-soufre mais
possède un site de fixation de Fe2+ à l’extérieur de la molécule qui
entraîne une oxydation, suivie d’une ubiquitination et destruction
de la protéine par le protéasome.
Il existe sans doute une certaine
redondance fonctionnelle entre ces deux protéines dans la mesure
où des souris déficitaires en IRP1 ne présentent pas de phénotype
anormal.
Cependant, l’inactivation du gène IRP2 chez la souris
entraîne des dépôts de fer dans les cellules de la muqueuse
duodénale et l’apparition progressive de signes de dégénérescence
neuronale.
Ce mécanisme de régulation traductionnelle par le fer permet à la
cellule d’adapter sa capacité d’acquisition et de stockage du fer à
ses besoins immédiats et en particulier à la synthèse de l’hème dans
les cellules érythropoïétiques ou à la progression du cycle cellulaire
en réponse à des facteurs de croissance inducteurs de la
prolifération.
La stimulation rapide de la synthèse de ferritine en
réponse à une augmentation du fer libre, qui peut résulter d’une
pénétration du fer par la voie d’endocytose ou d’une production
endogène de fer libre par destruction de la molécule d’hème, offre
plusieurs avantages pour la cellule.
En facilitant la séquestration du
fer au sein de la molécule de ferritine, ce mécanisme offre une
protection contre l’effet toxique du fer libre et limite la production
de formes radicalaires de l’oxygène.
Dans certaines cellules
spécialisées, la synthèse de ferritine permet la constitution de
réserves en fer disponibles pour le métabolisme cellulaire au niveau
de l’organisme.
D - ABSORPTION INTESTINALE DU FER
:
L’entérocyte mature au sommet de la villosité duodénale assure un
transport vectoriel du fer et exprime un certain nombre de protéines
nécessaires à l’absorption du fer au pôle apical de la cellule, et à son
transfert vers la transferrine plasmatique au pôle basolatéral.
Le fer non héminique présent dans l’alimentation doit d’abord être
réduit sous l’action d’une réductase membranaire ou d’agents
réducteurs présents dans l’alimentation comme l’acide ascorbique.
Le Fe2+ est ensuite transporté à travers les membranes par la
protéine Nramp2/DMT1, qui assure un cotransport des ions H+.
Ce
transport est facilité par le pH acide de la lumière duodénale.
La
protéine Nramp2 existe sous deux isoformes codées par deux
ARNm qui diffèrent par leur extrémité 3’ terminale du fait de
l’utilisation de deux sites de polyadénylation alternatifs.
L’ARNm
avec IRE code l’isoforme exprimée au pôle apical des entérocytes,
dont l’expression est fortement induite par la carence en fer.
Le
fer alimentaire présent sous forme héminique est aussi absorbé au
pôle apical des cellules, avec une meilleure efficacité que le fer non
héminique, mais par un mécanisme encore mal connu.
Le
transport vectoriel du fer vers le pôle basolatéral nécessite
probablement des protéines chaperos qui présentent le fer à un
transporteur basolatéral.
La ferroportine décrite récemment est un
excellent candidat pour exercer cette fonction.
Cette protéine, qui
possède dix passages transmembranaires, est exprimée dans le
placenta et dans le duodénum, ainsi que dans le foie, le rein et la
rate.
Une mutation de la ferroportine chez le poisson-zèbre est
responsable du phénotype weh associé à une anémie hypochrome
sévère.
L’expression de cette protéine dans les oeufs de xénope
augmente l’export du fer du cytoplasme vers le milieu extracellulaire
et tout laisse à penser que la ferroportine pourrait être le
transporteur du fer au pôle basolatéral des entérocytes.
Le transfert plasmatique du fer est couplé à son oxydation de Fe2+
en Fe3+, oxydation probablement catalysée par l’héphaestine.
Cette
protéine présente 50 % d’identité avec la céruloplasmine et appartient à la famille des oxydases cuivre-dépendantes.
Cependant,
à l’inverse de la céruloplasmine qui est une protéine plasmatique,
l’héphaestine possède un domaine d’ancrage membranaire.
Une
délétion partielle du gène codant l’héphaestine présent sur le
chromosome X a été trouvée chez les souris sla (sex linked anemia).
Les souris sla hémizygotes ont une anémie microcytaire hypochrome
due à un déficit d’absorption intestinale du fer et une surcharge en
fer des entérocytes duodénaux.
Plusieurs signaux émis par l’organisme sont capables d’augmenter
l’absorption intestinale du fer, à savoir une érythropoïèse élevée, un
déficit des réserves en fer et l’hypoxie.
La modulation de
l’absorption intestinale en fonction du taux d’érythropoïèse dépend
probablement d’un facteur soluble transporté de la moelle vers le
cytoplasme.
Il est intéressant de noter qu’un certain nombre
d’anémies telles les thalassémies, les anémies dysérythropoïétiques
congénitales et les anémies sidéroblastiques stimulent l’absorption
intestinale du fer alors que d’autres anémies hémolytiques comme
les sphérocytoses ou les anémies hémolytiques auto-immunes n’ont
pas cet effet.
Les anémies qui stimulent l’absorption intestinale ont
en commun le fait que l’hémolyse est intramédullaire et concerne
les précurseurs érythropoïétiques immatures.
Les anémies qui ne
stimulent pas l’absorption intestinale du fer résultent d’une
destruction des hématies périphériques.
La modulation de l’absorption en fonction de l’état des réserves en
fer tissulaires pourrait dépendre de la transferrine ou, plus
exactement, de son taux de saturation.
Un taux de saturation élevé
de la transferrine plasmatique est probablement un signal de
diminution de l’absorption intestinale.
En effet, les cellules de la
crypte possèdent des récepteurs à la transferrine au pôle basolatéral.
L’internalisation de la transferrine chargée en fer entraînerait une
augmentation du pool de fer libre, aboutissant à la répression de
l’expression de la protéine Nramp2.
La protéine HFE, de par sa
capacité à interagir avec le récepteur à la transferrine, amplifierait le
signal d’arrêt de l’absorption intestinale transmis par la saturation
de la transferrine.
L’existence d’une protéine mutée chez les
malades atteints d’hémochromatose génétique serait responsable
d’un défaut dans la transduction du signal et d’une hyperabsorption
intestinale du fer.
Chez les souris hpx/hpx, qui sont presque
totalement dépourvues de transferrine, le taux d’absorption
intestinal du fer est élevé, malgré une surcharge en fer hépatocytaire
importante.
Cependant, la transfusion d’érythrocytes n’entraîne pas
de diminution de l’absorption alors que l’injection intraveineuse de
transferrine permet une réduction notable de l’absorption intestinale
du fer.
À l’inverse, une stabilisation du messager Nramp2 dans des
conditions de déficit en fer (faible charge en fer de la transferrine),
d’activité érythropoïétique élevée (clairance rapide du fer sérique
[FS]) ou d’hypoxie (effet direct sur l’IRP ?), permettrait l’expression
de la protéine Nramp2 au cours de la maturation et de la migration
des cellules le long de la villosité intestinale.
Nramp2, insérée
dans la membrane au pôle apical des cellules au sommet de la
villosité, permettrait l’absorption du fer alimentaire non héminique,
après sa réduction en Fe2+.
E - ÉRYTHROPOÏÈSE :
1- Biosynthèse de l’hème :
La biosynthèse de l’hémoglobine est coordonnée à celle de l’hème,
qui s’effectue d’une part dans les mitochondries, d’autre part dans
le cytosol.
La première réaction,
qui conduit à la formation du d-ALA à partir d’acide succinique et
de glycocolle, se déroule à l’intérieur de la mitochondrie.
L’enzyme
qui la catalyse, le d-ALA-S, dont le coenzyme est le phosphate de
pyridoxal, dérivé de la vitamine B6, occupe une position clé dans
cette séquence réactionnelle.
Dans le foie, la synthèse et l’activité de
cette enzyme sont soumises à un rétrocontrôle par l’hème, produit
final de la chaîne métabolique.
Une forme spécifique de cellules érythropoïétiques (eALA-S ou ALA-S2) est codée par un gène
présent sur le chromosome X, différent de celui codant la forme
ubiquitaire.
Cette isoforme érythroïde présente une régulation
particulière, adaptée au taux de synthèse d’hème élevé dans ces
cellules.
L’ARNm-eALA-S possède, dans sa région 5’ non codante,
un motif de type IRE qui régule la synthèse de l’enzyme en fonction
des apports en fer.
C’est ensuite dans le cytosol que s’effectuent
les autres réactions conduisant au porphobilinogène, à
l’uroporphyrinogène et au coproporphyrinogène.
Les réactions
suivantes sont à nouveau intramitochondriales : transformation en
protoporphyrinogène, puis en protoporphyrine IX sur laquelle
s’accroche l’atome de fer.
L’hème quitte alors la mitochondrie pour
se fixer à la chaîne de globine en croissance. Les déficits
enzymatiques de cette voie métabolique conduisent à des
porphyries, dont certaines peuvent avoir des traductions
hématologiques.
L’hème stimule activement la synthèse des
chaînes de globine.
Dans les troubles de synthèse de l’hème, que ce
soit par carence en fer ou par déficit enzymatique, un déséquilibre
de synthèse entre les chaînes de globine alpha- et non-alphaglobines
est observé, le rapport alphaglobine/bêtaglobine, au lieu d’être
voisin de 1, peut être abaissé jusqu’à des valeurs de 0,7 à 0,6,
simulant une alphathalassémie.
2- Érythropoïèse médullaire : sidéroblastes
Les sidéroblastes sont des érythroblastes médullaires contenant des
granules de fer non héminiques, visibles en microscopie optique
après coloration de Perls au bleu de Prusse.
La dimension, le
nombre et la disposition des grains de fer dans le cytoplasme
permettent de reconnaître trois types de sidéroblastes :
– type I, à granules peu nombreux, à la limite de la visibilité ; type II, a granules bien visibles repartis dans le cytoplasme ;
type III, a granules nombreux, volumineux, disposes en
"couronne" autour du noyau.
Les sideroblastes de type I ne sont jamais pathologiques. Ceux de
type III, a l'inverse, le sont toujours.
Les sideroblastes de type II
sont observes de facon non spécifique dans de multiples anomalies
hematologiques (megaloblastoses, hemoglobinopathies, etc).
Dans
une moelle normale, 20 a 30 % des erythroblastes sont des
sideroblastes de type I.
La microscopie electronique montre que le
fer des sideroblastes de type I est incorpore dans des agregats de
ferritine parfois entoures d'une membrane ; ces agrégats sont
extramitochondriaux.
Dans le type III, l'ultrastructure des granules
montre qu'ils sont composes de dépôts intramitochondriaux de fer
insoluble, distincts des molécules de ferritine.
En outre, leur nombre
et leur volume sont augmentes.
F - RECYCLAGE DU FER HEMINIQUE PAR LES
MACROPHAGES :
Chez l'homme, environ 80 % du fer plasmatique est transporte vers
la moelle pour participer a la synthèse d'hémoglobine dans les
précurseurs erythropoietiques.
A la fin de la durée de vie des
érythrocytes, le fer est recycle après phagocytose des
érythrocytes sénescents par les macrophages de la rate, de la moelle osseuse et,
dans une moindre mesure, par les cellules de Kupffer.
Le
catabolisme intracellulaire de l'hème libere du monoxyde de carbone
(CO), du fer et de la bilirubine, sous l'action d'un complexe
enzymatique ancre dans la membrane du reticulum endoplasmique
et constitue d'une nicotinamide-adenosine-dinucleotide-phosphate
(NADPH)-cytochrome c-reductase, de l'hème oxygenase et de la
biliverdine réductase.
La majeure partie de la production journalière de bilirubine (80 %) provient du catabolisme de l'hème
dans les macrophages par suite de la destruction des globules rouges
sénescents, le reste provenant de la destruction des
hémoprotéines
dans les hépatocytes, et en particulier des cytochromes qui ont une
demi-vie courte.
L'hème oxygénase existe sous deux formes, HO-1 et HO-2, codées
par deux gênes différents.
L'isoforme HO-1 est inductible dans de
nombreuses conditions de stress oxydatif, alors que l'expression de
HO-2 est constitutive.
L'inactivation du gêne HO-1 par
recombinaison homologue chez la souris entraîne une accumulation
de fer dans le foie et dans les tubules du cortex rénal, et une anémie sévère.
Ces résultats suggèrent que seul le catabolisme de l'hème
par HO-1 permet une réutilisation efficace du fer pour
l'érythropoïèse, alors que l'hème détruit par une autre voie entraîne
une rétention de fer dans les tissus.
Le mécanisme permettant au fer
libère par le catabolisme des globules rouges sénescents dans les
macrophages d'être recycle vers le plasma n'est pas encore élucide,
mais certains auteurs ont propose que la ferritine puisse contribuer
a cette redistribution.
La ferritine existe a l'état de traces dans le sérum des
mammifères a
des concentrations comprises entre 20 et 200 µg/L, et elle diffère de
la ferritine tissulaire dans la mesure ou elle contient peu de fer et ou
elle est partiellement glycosylée.
Cependant, un échange de
molécules de ferritine chargées en fer pourrait se faire entre les
macrophages et les érythrocytes ou les hépatocytes, par
l'intermédiaire de récepteurs spécifiques qui semblent présents a la
surface de ces cellules chez l'homme.
Ce recyclage direct du fer se
ferait localement dans le microenvironnement de la moelle osseuse
ou du foie, respectivement.
En cas d'hémolyse, il se forme des complexes circulants
hemoglobine-haptoglobine qui sont rapidement élimines par les
hépatocytes par l'intermédiaire de récepteurs spécifiques.
L'hème
libre est aussi élimine par les hépatocytes, sous forme d'un complexe
avec l'hémopexine.
Il existe un polymorphisme génétique de
l'haptoglobine du fait de l'existence de deux allèles Hp1 et Hp2,
l'allèle Hp2 résultant d'une duplication partielle ancestrale du gêne
haptoglobine.
Ce polymorphisme se traduit par trois phénotypes
distincts, Hp1-1, Hp2-1 et Hp2-2.
La molécule Hp 1-1 est une petite
molécule de poids moléculaire 86 kDa et de structure bien
définie,
alors que Hp2-1 forme des hétéropolymères de 86 a 300 kDa et
Hp2-2 des complexes macromoléculaires de poids moléculaire
compris entre 170 et 1 000 kDa.
L'haptoglobine Hp2-2 a une affinité
de liaison a l'hémoglobine plus faible et sa nature macromoléculaire
fait que les complexes Hb-Hp2-2 sont captes préférentiellement par
les macrophages.
Des travaux récents montrent que le phénotype
Hp 2-2 est associe avec une légère augmentation des réserves en fer
du système réticuloendothelial qui semble avoir des conséquences néfastes sur l'évolution de la charge virale et la
mortalité chez les
malades atteints du syndrome de l'immunodéficience humaine
acquise (sida).
Les taux d'haptoglobine sérique varient aussi en
fonction du phénotype et sont de l'ordre de 1,2 g/L pour Hp1-1 et
0,74 g/L pour Hp2-2.
Plusieurs travaux récents ont mis en évidence la relation
étroite qui
existe entre le métabolisme du cuivre et celui du fer et ont montre
l'importance de la céruloplasmine dans le recyclage du fer par les
macrophages.
Les premières indications d'un lien entre le transport
du fer et la disponibilité du cuivre ont été obtenues chez la levure et
confirmées chez l'homme par la caractérisation moléculaire des
aceruloplasminemies.
Chez la levure, le fer est mobilise a partir des
complexes ferriques du milieu extracellulaire, par réduction du
Fe(III) en Fe(II) catalysée par des réductases membranaires.
Le fer
traverse ensuite la membrane par la protéine FTR1, un transporteur
de haute affinité du fer ferrique.
Cette étape nécessite l'oxydation
du Fe(II) en Fe(III) catalysee par FET3, une oxydase dont l'activité
catalytique est cuivre-dépendante et qui appartient a la famille des "multi-copper" oxydase, au
même titre que la céruloplasmine et
l'héphaestine des mammifères.
La céruloplasmine est une
glycoprotéine plasmatique synthetisee par le foie et secrétée comme
une holoprotéine après incorporation de six atomes de cuivre durant
sa biosynthèse.
Comme la protéine FET3 de levure, la
céruloplasmine a une activité ferroxydase qui semble nécessaire a la
mobilisation du fer hépatocytaire et macrophagique.
L'inactivation
du gene de la ceruloplasmine chez la souris entraine une
accumulation excessive du fer dans les hepatocytes et les
macrophages.
Cependant, l'absorption intestinale du fer et
l'érythropoïèse restent normales chez ces souris, suggérant que la
céruloplasmine n'est pas impliquée dans la mobilisation du fer au
niveau intestinal, ce rôle étant plutôt assure par l'héphaestine,
comme cela a été évoque dans le chapitre sur l'absorption intestinale
du fer.
G - STOCKAGE DU FER :
Le fer étant peu soluble au pH physiologique et chimiquement
très réactif en présence d'oxygène, il est nécessaire pour les cellules de le
séquestrer rapidement sous une forme non toxique mais disponible
en cas de besoin.
La ferritine est la protéine chargée d'assurer cette
fonction dans les cellules.
Cette protéine hautement spécialisée est
très conservée dans le monde du vivant, puisque des formes
analogues de ferritine existent dans les bactéries, les champignons,
les plantes, les vertèbres et les invertébrés.
Seule la levure semble
pouvoir se passer de ferritine en stockant le fer dans la vacuole.
Chez les mammifères, les principales réserves en fer se trouvent
dans le foie et dans la rate.
Le fer absorbe au niveau duodénal et
véhicule par la transferrine est stocke principalement par le foie,
alors que le recyclage du fer héminique contribue a la constitution
des réserves en fer dans les macrophages de la rate, du foie ou de la
moelle osseuse.
De ce fait, le développement d'une surcharge en fer
peut se faire dans différents tissus, suivant le mécanisme a l'origine
de la surcharge.
Ainsi, les hémochromatoses génétiques étant dues a
une hyperabsorption du fer au niveau duodénal, la surcharge
apparaît dans un premier temps dans les hépatocytes.
Ce n'est que
dans un deuxième temps, lorsque la surcharge est plus importante,
qu'une redistribution s'opère entre les différents tissus et que la
surcharge se développe dans les macrophages.
Dans les anémies
hemolytiques et en cas de transfusions répètées, la surcharge est
principalement associée aux macrophages.
Curieusement, une délocalisation du site de destruction de l'hème, qui
apparaît chez
les souris dont le gêne de l'HO-1 a été inactive par recombinaison
homologue, entraîne une surcharge en fer des tissus parenchymateux.
Cette observation suggère que le fer héminique
n’est pas efficacement recyclé dans ces tissus.
Le fer dans les tissus s’accumule associé à la ferritine, qui a une
capacité de stockage pouvant aller jusqu’à 4 500 atomes de fer par
molécule.
La ferritine est une protéine hétérogène, constituée d’une
coquille protéique creuse de diamètre extérieur 12-13 nm et d’un
noyau ferrique qui s’accumule au sein de la cavité centrale.
La
coquille protéique est un hétéropolymère de 24 sous-unités, réalisée
par l’assemblage en proportions variables de deux sous-unités
différentes, appelées H et L.
Ces deux sous-unités sont codées
par des gènes distincts, présents sur le chromosome 11q23 pour le
gène H et 19q 13-qter pour le gène L.
Les deux sous-unités
présentent 50 % d’identité au niveau de leur séquence en acides
aminés, mais leur structure tridimensionnelle très conservée leur
permet de se coassembler dans un même polymère de ferritine.
L’étude des sous-unités recombinantes in vitro a permis de mettre
en évidence des propriétés physiochimiques différentes pour ces
deux sous-unités.
La sous-unité H présente une activité catalytique
ferroxydase qui oxyde le Fe2+ en Fe3+ et qui est nécessaire à la
captation du fer par la molécule de ferritine, alors que la sousunité
L catalyse la formation du noyau ferrique.
La ferritine des
plantes et des bactéries est un homopolymère d’un seul type de
sous-unité qui combine les résidus carboxyliques spécifiques de
l’activité de la sous-unité L et le centre ferroxydase de la sous-unité
H.
Les gènes H- et L-ferritine sont exprimés dans tous les tissus
mais la transcription du gène L est peu régulée, à l’inverse de celle
du gène H qui est activée dans de très nombreuses circonstances.
L’étude du gène H-ferritine de souris a permis de mettre en évidence
des éléments de régulation situés très à distance du gène, qui
permettent l’activation de la transcription au cours de la
différenciation érythropoïétique ou en réponse à de nombreux
agents, tels le tumor necrosis factor (TNF)-a, certaines hormones ou
proto-oncogènes.
L’augmentation de la proportion de sous-unités
de type H dans ces différentes circonstances semble être un
mécanisme de défense devant toute situation susceptible
d’augmenter le fer libre intracellulaire.
Cette hypothèse est
renforcée par l’observation que l’inactivation des deux allèles du
gène H-ferritine chez la souris conduit à une létalité embryonnaire
précoce, entre 3 et 9 jours de développement.
Dans les conditions normales, la saturation de la ferritine est
rarement atteinte et ne dépasse pas 30 %. Dans les tissus surchargés
en fer, la ferritine peut se dégrader partiellement pour former
l’hémosidérine.
En microscopie électronique, l’hémosidérine se voit
sous forme d’agrégats irréguliers, denses aux électrons et
généralement entourés de membrane.
Il y a sans doute plusieurs
mécanismes aboutissant à la formation d’hémosidérine mais, dans
tous les cas, le fer associé à l’hémosidérine est difficilement
mobilisable et persiste dans les tissus malgré des traitements
déplétifs de type saignées itératives ou chélation.
Dans certains cas
particuliers, le fer peut s’accumuler dans les cellules sous une forme
non liée à la ferritine.
Dans les maladies neurodégénératives, des
dépôts importants de fer s’observent, associés aux zones de
dégénérescence sous une forme inerte dépourvue de ferritine.
De
même, le fer qui s’accumule dans la mitochondrie, dans les
érythrocytes de malades atteints d’anémie sidéroblastique, n’est pas
associé à la ferritine.
H - PERTES EN FER
:
Les mouvements très actifs du fer dans l’organisme se font selon
des voies qui ont peu d’échanges avec le milieu extérieur.
Alors que
le stock martial de l’adulte normal est d’environ 3 à 4 g, seuls 1 à
2 mg sont absorbés et excrétés chaque jour.
Les pertes sont
pour deux tiers liées à la desquamation des cellules du tractus
gastro-intestinal, pour le reste à la desquamation des cellules de
l’épiderme.
L’élimination urinaire est très faible ; l’élimination
sudorale est négligeable.
Chez l’homme, les pertes sont estimées à
1 mg/j ; chez la femme, elles sont plus élevées du fait des
hémorragies menstruelles : 50 % des femmes ont des pertes en fer
supérieures à 1,5 mg/j, 10 % supérieures à 2 mg/j.
La grossesse est
également un élément de perte en fer chez la femme, un nouveau-né
à terme ayant un stock de fer de 75 à 100 mg/kg.
Tout saignement
chronique majore les pertes en fer, puisque 1 mL de sang total
contient 0,5 mg de fer.
Chez l’adulte, dans notre pays, la principale
cause des anémies hypochromes et hyposidérémiques microcytaires
est un saignement chronique.