Reconstruction mammaire Techniques et indications Cours de Chirurgie
Introduction
:
La reconstruction mammaire fait actuellement partie intégrante du
traitement du cancer du sein.
Elle doit être évoquée dès la première
consultation du cancérologue.
Elle est systématiquement proposée
chaque fois qu’elle est possible.
Le but de la reconstruction mammaire
est d’apporter un volume, de symétriser le sein controlatéral et de
reconstruire la plaque aréolomamelonnaire.
Les différentes techniques chirurgicales seront successivement décrites
avant d’envisager les indications puis la chronologie des différents
temps opératoires.
Reconstruction du volume mammaire
:
Lorsque les téguments restants sont de bonne qualité, la méthode la plus
simple pour reconstruire le volume mammaire est l’utilisation d’un
implant prothétique.
A - Reconstruction prothétique
:
1- Législation - Généralités
:
Un arrêté émanant du ministère des Finances et du ministère de la Santé
datant de mai 1994 interdit tous les implants mammaires en dehors de
ceux remplis de sérum physiologique.
La France est le seul pays en Europe à interdire l’usage des prothèses préremplies de gel de silicone, avec quelques dérogations très
exceptionnelles du ministère de la Santé.
Aucune étude épidémiologique n’a pu, à ce jour, établir de façon
formelle une relation de cause à effet entre le gel de silicone et la
découverte d’une pathologie auto-immune.
Les études épidémiologiques ont en revanche éliminé le risque
carcinologique de la silicone en ce qui concerne la survie, le risque de
récidives et de métastases.
Les prothèses gonflables utilisées actuellement sont constituées d’une
enveloppe en élastomère de silicone.
Les prothèses utilisées sont rondes
ou de forme anatomique plus proche de la forme de la glande mammaire.
Le remplissage de la prothèse se fait en peropératoire par du
sérum physiologique.
Cela permet d’adapter le volume de la prothèse
au volume du sein controlatéral.
La consistance liquidienne de ces
prothèses est moins naturelle que celle des prothèses préremplies de
silicone.
En cas de fuite, dont la fréquence est relativement importante (20 %des
cas dans certaines séries), l’innocuité du sérum physiologique est totale.
Aucune prothèse n’est idéale.
Toutes présentent des avantages et des
inconvénients et toutes peuvent entraîner une réaction périprothétique
plus ou moins importante (coque).
Certains chirurgiens, pour distendre la peau ou mettre un implant plus
gros, utilisent des prothèses d’expansion dont on peut progressivement
augmenter le volume, généralement par l’intermédiaire d’une petite
chambre raccordée à la prothèse.
Ce remplissage s’effectue une à deux
fois par semaine jusqu’à l’obtention du volume désiré.
Il existe également des prothèses préremplies de sérum physiologique.
2- Mise en place de la prothèse
:
La patiente est opérée en position demi-assise.
Les prothèses sont mises
en place en général en position rétromusculaire (derrière le muscle grand
pectoral).
Lorsque la cicatrice est de bonne qualité, la prothèse est
introduite en sous-musculaire en reprenant la partie externe ou moyenne
de l’incision.
Lorsque la cicatrice est de mauvaise qualité ou rétractée,
elle est excisée et la prothèse est insérée en décalant l’incision
musculaire de la voie d’abord cutanée.
3- Limites du décollement
:
Il faut désinsérer partiellement les fibres inféro-internes du grand
pectoral en dedans, en ménageant les fibres les plus internes pour éviter
la création d’une fossette interne disgracieuse et difficile à traiter.
En bas, le décollement descend environ 2 cmau-dessous du sillon sousmammaire
controlatéral car la prothèse a presque toujours tendance à
remonter dans sa loge dans les semaines qui suivent l’intervention.
La
texturation prononcée de certaines prothèses semble diminuer cette
migration dans la loge.
Lorsque la cicatrice est située très haut sur le thorax et lorsque la peau
est rétractée par la radiothérapie, la prothèse peut avoir tendance à
migrer vers le bas si le décollement inférieur est trop important.
Une prothèse dont le bord inférieur est situé un peu plus haut que le sillon
peut avoir un aspect très satisfaisant alors qu’une prothèse dont le bord
inférieur est trop bas est toujours inesthétique.
Il est plus facile de
redescendre une prothèse trop haute que de remonter une prothèse trop
basse.
4- Complications
:
* Complications immédiates
:
+ Infection
:
Elle est rare.
L’antibiothérapie prophylactique est systématique.
+ Exposition de la prothèse
:
Elle survient quand une prothèse trop grosse a été utilisée sous des tissus
insuffisants ou de mauvaise qualité (séquelle de radiothérapie).
Elle
impose l’ablation de la prothèse ou la réalisation en urgence d’un
lambeau.
* Complications secondaires
:
+ Rétraction périprothétique (coque)
:
Une membrane se forme toujours autour d’une prothèse.
Elle peut être
fine et souple, ne modifiant ni la forme ni la consistance de la prothèse.
Lorsque la rétraction est importante, le sein reconstruit devient dur,
sphérique et douloureux (coque).
La classification de Becker définit
quatre stades allant de l’absence de coque, stade I, à la rétraction
maximale et douloureuse, stade IV.
Cette rétraction peut être rapide ou
progressive, mais est imprévisible.
Elle est gênante dans 20 à 30 % des
cas, justifiant une reprise chirurgicale (capsulotomie, changement
éventuel de prothèse).
Les prothèses texturées semblent diminuer cette rétraction périprothétique par modification de l’agencement des fibres
collagènes et des myofibroblastes autour de l’implant.
+ Rupture de la prothèse
:
Le sein reconstruit s’aplatit brutalement ou progressivement en cas de
rupture d’une prothèse gonflable.
Le changement de prothèse doit être
effectué rapidement pour limiter la rétraction de la loge.
La rupture d’un
implant prérempli de silicone peut passer inaperçue ou entraîner un
changement de consistance de la prothèse, voire des signes
inflammatoires locaux.
Une rupture de la prothèse peut être objectivée
par une mammographie numérisée.
La prothèse doit alors être enlevée
et remplacée par un autre implant.
+ Fossettes internes
:
Après la mise en place d’une prothèse, une fossette peut se creuser
progressivement dans le quadrant interne du sein reconstruit.
Elle provient d’un excès de libération des fibres internes du muscle
grand pectoral, et ce phénomène est très visible chez les patientes très
minces.
Le pectoral désinséré vient se réinsérer sur la capsule périprothétique, et
la contraction du muscle entraîne alors un aplatissement de la loge en
interne avec un « coup de hache » à ce niveau qui chasse la prothèse en
dehors.
Toute tentative de libération interne pour remettre la prothèse en place
fait courir un risque d’aggravation de la fossette par désinsertion
supplémentaire du grand pectoral.
La correction de cette fossette est très difficile.
Les prothèses à
texturation importante qui se fixent à la paroi thoracique limitent ce
phénomène.
La mise en place d’une prothèse est la méthode la plus simple et la plus
fréquemment pratiquée en reconstruction mammaire.
Elle nécessite une
information préopératoire rigoureuse et un suivi régulier.
B - Lambeau de grand dorsal (latissimus dorsi)
:
Lorsque les téguments restants sont insuffisants, un lambeau musculocutané de grand dorsal est souvent utilisé.
Il est presque toujours
associé à une prothèse car, même en emportant la graisse de voisinage,
il ne peut en général pas, à lui seul, fournir un volume très important.
Utilisé pour la première fois par l’italien Tansini en 1896 pour la
fermeture d’une mammectomie, ce lambeau a été véritablement
redécouvert ces dernières années en reconstruction mammaire.
C’est
actuellement le lambeau le plus universel de la chirurgie plastique, tant
par ses possibilités d’utilisation (musculaire ou musculocutané, pédiculé
ou libre) que par sa très grande taille possible, sa simplicité technique et
sa très grande fiabilité.
1- Rappel anatomique
:
Le muscle grand dorsal est le plus grand muscle du dos.
Il s’insère en
bas, d’une part sur la face externe des quatre dernières côtes, par quatre
languettes qui s’engrènent avec les digitations correspondantes du grand
oblique, d’autre part et surtout sur l’aponévrose lombaire, triangulaire,
tendue entre les apophyses épineuses des six dernières vertèbres
dorsales, des cinq vertèbres lombaires et des vertèbres sacrées, sur les
ligaments interépineux correspondants ainsi que sur le tiers postérieur
de la crête iliaque.
Le muscle recouvre l’angle inférieur de l’omoplate d’où se détache
parfois un faisceau accessoire.
Il contourne le bord inférieur du grand
rond avec lequel il forme la paroi postérieure du creux axillaire.
Il se termine au fond de la coulisse bicipitale de l’humérus entre le
tendon du grand pectoral et celui du grand rond.
* Action :
Il sert à l’adduction, la rétropulsion et la rotation interne du bras.
Il soulève le tronc si l’humérus est fixe.
Il est donc important si le patient
doit marcher avec des béquilles (paraplégique).
Les séquelles
fonctionnelles liées au prélèvement du muscle grand dorsal sont en
pratique négligeables chez l’adulte tant au niveau de l’épaule que du
rachis, en dehors des grands sportifs.
* Innervation
:
C’est le nerf du grand dorsal né du tronc secondaire postérieur.
Ses fibres
proviennent surtout de C7, mais aussi de C5, C6 et C8.
Le nerf est
satellite des vaisseaux et se divise avec eux dans le muscle.
* Vascularisation
:
La vascularisation du grand dorsal est du type V de Mathes et Nahai,
c’est-à-dire qu’elle provient d’un pédicule dominant et de pédicules
accessoires segmentaires.
Le pédicule dominant est l’artère thoracodorsale, issue de l’artère sousscapulaire
(ou scapulaire inférieure), née elle-même de l’artère axillaire.
Quelques centimètres après son origine, la sous-scapulaire se bifurque
en artère circonflexe scapulaire (destinée au muscle sous-scapulaire et à
la peau des lambeaux scapulaire et parascapulaire) et en artère
thoracodorsale qui pénètre dans le muscle grand dorsal de 6 à 16 cm (en
moyenne 9 cm) après l’origine de la sous-scapulaire, et de 1 à 4 cmen
arrière du bord antérieur du muscle.
Auparavant, elle donne le plus
souvent une ou deux, exceptionnellement trois branches thoraciques
pour le muscle grand dentelé.
En abordant le muscle grand dorsal, le
pédicule neurovasculaire se divise en un pédicule externe, parallèle au
bord antérieur du muscle qu’il suit de 1 à 4 cmen arrière, et un pédicule
interne, qui s’en détache à 45° et suit le bord supérieur du muscle.
Plus
rarement, le pédicule se divise en trois ou quatre branches.
Quel que soit
le mode de division, il faut remarquer, d’une part, la constance du
pédicule vasculonerveux satellite du bord antérieur du muscle, et d’autre
part la possibilité de fragmenter le muscle en autant d’unités
fonctionnelles qu’il y a de pédicules vasculonerveux indépendants.
L’artère et la veine sous-scapulaires naissent en général au même niveau
des vaisseaux axillaires.
Les variations anatomiques sont relativement fréquentes.
2- Arc de rotation
:
C’est le lambeau à pédicule proximal (dominant) qui est le plus utilisé
en pratique bien que le lambeau de grand dorsal à pédicule distal soit
possible sur les vaisseaux perforants paravertébraux.
Le point pivot
est situé au sommet de l’aisselle et peut aller jusqu’à l’origine des
vaisseaux sous-scapulaires.
L’arc de rotation permet alors d’atteindre le
cou, la nuque et les deux tiers inférieurs de la face, le bras et le coude.
Le lambeau en chirurgie mammaire couvre toute la région thoracique
homolatérale, antérieure et postérieure, et peut dépasser la ligne
médiane.
Le territoire cutané de ce lambeau est très vaste.
L’extension en avant
du bord antérieur du muscle permet de lever des palettes faisant jusqu’à
35 cm de long sur 25 cm de large.
Il est conseillé de ne pas descendre
d’emblée à moins de 5 cm de la crête.
La largeur maximale de la palette
cutanée autorisant une fermeture directe de la zone donneuse est de 10 à
12 cm. Au-delà, cette zone donneuse est rétrécie par des points à appui
dermique, et greffée secondairement.
3- Technique de levée
:
Le pédicule vasculonerveux du muscle grand dorsal, qui constitue la
limite postérieure de tout curage axillaire sous-veineux actuellement
pratiqué, doit si possible être conservé.
La contractilité du muscle
témoigne en général de l’intégrité de son pédicule vasculonerveux et
doit toujours être vérifiée avant de poser l’indication opératoire.
S’il
existe un doute, l’intervention commence par une exploration du
pédicule ou l’utilisation d’un doppler préopératoire.
4- Technique habituelle (lambeau musculocutané)
:
On réalise le tracé prévisionnel du lambeau avant l’anesthésie, sur un
patient debout, mains sur les hanches. Par la palpation, est repéré et
marqué le bord antérieur du muscle grand dorsal.
Le bord antérieur réel
du muscle est à 3 ou 4 cmen avant de ce bord palpé.
L’origine du pédicule sous-scapulaire est située au sommet du creux
axillaire, que l’on repère d’une croix.
Dès lors, tous les dessins suivants
et les mesures de l’arc de rotation sont faits en demandant au patient de
relever le bras (pour profiter de toute la laxité cutanée possible).
La situation de la palette cutanée dépend de la perte de substance à
couvrir et de la taille du lambeau.
Si le lambeau à prélever est de petite
taille, il doit être taillé à l’aplomb du muscle.
Si le lambeau est de grande
taille, il peut être placé à cheval sur le bord antérieur du muscle.
Pour réaliser un lambeau vertical en reconstruction mammaire,
théoriquement trois installations chirurgicales différentes sont
préconisées pour harmoniser, au mieux, le dessin de la palette au volume
de la prothèse.
* Première installation
:
– La patiente est installée en position demi-assise, bras le long du corps.
– La cicatrice de mastectomie est reprise sur toute sa longueur ou
excisée et adressée pour examen anatomopathologique.
– La loge prothétique rétromusculaire est décollée.
– La prothèse est positionnée et gonflée au volume souhaité.
– Un calque précis de la perte de substance est réalisé sur un papier
stérile.
Il correspond à la dimension du lambeau de grand dorsal à
prélever en tenant compte de la fermeture de la zone donneuse.
– La prothèse est ensuite retirée, dégonflée et conservée sur la table dans
une solution antiseptique.
* Deuxième installation
:
– La patiente est allongée en décubitus dorsal, avec un coussin le long
de la colonne vertébrale pour surélever légèrement de la table
l’hémithorax correspondant.
Le membre supérieur badigeonné est en
abduction sur une table à bras.
– Le calque du lambeau de grand dorsal est apposé verticalement sur la
zone donneuse et peut parfois se superposer au tracé prévisionnel réalisé
sur la patiente debout.
– Par une incision cutanée qui suit le bord antérieur du dessin de la
palette cutanée, on recherche le bord antérieur du muscle grand dorsal à
la partie moyenne de la verticale.
– Le grand dorsal est séparé du grand dentelé.
– On repère le pédicule vasculonerveux, 2 ou 3 cm en arrière du bord
antérieur.
Les insertions costales du grand dorsal sont sectionnées en
bas.
Ces insertions ne sont pas toujours faciles à distinguer de celles du
grand oblique et du grand dentelé.
– Les perforantes intercostales sont liées.
– La dissection remonte le long du pédicule, en liant au besoin toutes
les branches rencontrées jusqu’aux vaisseaux axillaires (en particulier
thoraciques et circonflexes scapulaires) pour bénéficier du plus long
pédicule et du plus gros calibre vasculaire possible.
– On termine l’incision de la palette cutanée en arrière, on sectionne le
muscle le long de ses fibres en emportant avec lui le pédicule principal
du bord antérieur.
Il est conseillé de prendre un débord musculaire en
arrière de la palette cutanée, de façon à obtenir une couverture le plus
large possible de la prothèse.
– La section musculaire remonte jusqu’au tendon, qui est au
besoin sectionné pour mettre le lambeau en îlot vasculaire pur et
augmenter ainsi au maximum son arc de rotation.
Il faut bien distinguer
les fibres du grand dorsal de celles du grand rond.
– La zone donneuse est suturée sur drains aspiratifs.
– Le lambeau est passé à travers un tunnel sous-cutané en avant du
tendon du muscle grand pectoral et fixé avec deux points d’attente au
niveau de la perte de substance pariétale thoracique.
Le lambeau doit
s’étaler sans aucune tension.
* Troisième installation
:
– La patiente est remise en position demi-assise, bras le long du corps.
– La prothèse est gonflée au volume idéal sous le lambeau de grand
dorsal.
Le décollement externe et inférieur peut être adapté prothèse en
place.
– Le grand dorsal et le grand pectoral sont suturés l’un à l’autre.
– Si le débord musculaire interne est insuffisant, la partie distale du
lambeau est désépidermisée et enfouie, ce qui permet de minimiser le
risque d’exposition de la prothèse, fréquent à ce niveau.
– Le lambeau est suturé ensuite en deux plans sur un drain aspiratif dans
le décollement inférieur.
5- Variantes
:
* Position de la palette
:
Elle peut être dessinée horizontalement, et tous ces temps opératoires
peuvent alors être réalisés en décubitus latéral.
* Grand dorsal expansé
:
L’expansion de la zone donneuse dorsale permet de prélever une palette
de plus grande taille, autofermante, ayant un galbe facilitant la mise en
place de la prothèse.
Dans ce cas particulier, lorsque l’expansion maximale est obtenue, il faut
attendre un délai minimal de 15 jours avant de lever le lambeau expansé.
* Grand dorsal sans prothèse
:
Les avantages théoriques de ce lambeau sont ceux d’une reconstruction
autologue : sein souple, de forme et de consistance naturelles.
La graisse est prélevée autour du lambeau, au-dessous du fascia superficialis ainsi qu’au-dessus et en avant du grand dorsal.
Elle peut
apporter un volume théorique en immédiat d’environ 200 mL.
Il faut surcorriger le volume du sein reconstruit de 15 à 30 % par rapport au
volume que l’on souhaite obtenir.
Ce lambeau est intéressant dans certaines morphologies, notamment
dans les cas où l’on peut enfouir de façon totale ou subtotale la palette
cutanée désépidermisée, éventuellement associée à un lambeau
graisseux d’avancement abdominal.
6- Avantages et inconvénients
:
Le lambeau de grand dorsal est fiable, son prélèvement est
techniquement facile et rapide (moins de 1 % de nécrose totale).
La cicatrice du prélèvement de grand dorsal peut être de mauvaise
qualité et notablement élargie (îlot cutané supérieur à 10 cm).
La saillie des dernières côtes peut être anormalement visible ainsi
qu’une déformation en « coup de hache ».
Les séquelles au niveau de la mobilité de l’épaule sont minimes.
Le retentissement sur la vie professionnelle est négligeable, l’activité
sportive est conservée.
De rares déviations rachidiennes à type de scoliose sont décrites lors de
larges prélèvements musculaires chez des sujets de moins de 20 ans.
C - Lambeau de grand droit de l’abdomen
:
Décrit par Hartrampf en 1982, le lambeau musculocutané de grand droit
de l’abdomen permet de reconstruire un volume mammaire sans
prothèse à partir des tissus cutanéograisseux sous-ombilicaux.
1- Rappel anatomique
:
Le muscle grand droit de l’abdomen s’étend le long de la ligne
médiane, du pubis au thorax.
Son tendon inférieur, généralement divisé
en deux faisceaux distincts (interne et externe), s’insère sur le pubis, de
la symphyse à l’épine.
En haut, le muscle s’insère, de dehors en dedans, par trois digitations
charnues sur les cinquième, sixième et septième cartilages costaux, et
sur l’appendice xiphoïde.
Le muscle présente deux à cinq intersections tendineuses transversales,
le plus souvent incomplètes car elles s’étendent rarement à la fois à toute
la largeur et à toute l’épaisseur du muscle.
Ces intersections tendineuses
correspondent à des condensations de la face antérieure de l’aponévrose
du muscle grand droit, et lorsqu’il existe deux ou trois intersections, ce
qui est habituel, l’une d’elles est au niveau de l’ombilic et les deux autres
se situent au-dessus de l’ombilic, avec classiquement l’une au niveau du
rebord costal inférieur et la seconde à mi-distance entre l’ombilic et le
rebord costal.
Chacun des muscles grands droits est contenu dans une gaine
aponévrotique constituée par les aponévroses des muscles grand
oblique, petit oblique et transverse :
– dans les deux tiers ou les trois quarts supérieurs du muscle, la gaine
est formée en arrière par l’aponévrose d’insertion du transverse, unie au
feuillet postérieur de celle du petit oblique, et en avant par l’aponévrose
d’insertion du grand oblique, unie au feuillet antérieur de celle du petit
oblique.
De fortes adhérences unissent les intersections tendineuses du
muscle à la partie correspondante de la gaine antérieure (il n’y a pas
d’adhérence en arrière) ;
– dans le tiers ou le quart inférieur du muscle, les lames tendineuses des
muscles grand oblique, petit oblique et transverse passent en totalité en
avant du muscle droit.
La partie postérieure de la gaine est uniquement
constituée par le fascia transversalis, feuillet aponévrotique qui recouvre
la face profonde du transverse et l’abandonne pour passer en arrière du
muscle grand droit.
La paroi postérieure de la gaine des droits est donc
tendineuse en haut et fibrocelluleuse en bas.
La limite entre ces deux
zones est indiquée par l’arcade de Douglas, qui est le bord inférieur
concave, en bas, de la partie tendineuse de la paroi postérieure de la
gaine.
Elle est située à peu près à mi-distance entre le pubis et l’ombilic.
En bas, il existe un espace prismatique triangulaire à base inférieure,
rempli de graisse, l’espace sus-pubien.
Les deux muscles droits sont séparés l’un de l’autre sur la ligne médiane
par un raphé tendineux appelé « ligne blanche ».
Ce raphé est constitué
par l’entrecroisement des fibres tendineuses des muscles grand oblique,
petit oblique et transverse.
Large à l’étage sus-ombilical (jusqu’à 2 cm)
où les deux muscles sont distants l’un de l’autre, la ligne blanche est
étroite et vraiment linéaire en sous-ombilical, où les deux muscles
présentent d’intimes adhérences.
* Vascularisation
:
Celle du muscle grand droit de l’abdomen est de type III dans la
classification de Mathes et Nahai, c’est-à-dire qu’elle est assurée par
deux pédicules dominants :
– les vaisseaux épigastriques supérieurs ;
– les vaisseaux épigastriques inférieurs profonds.
La vascularisation du muscle grand droit de l’abdomen a été très bien
étudiée par Boyd et Taylor.
Deux études anatomiques servant de références, parues en 1984 et 1988,
ont permis, grâce aux travaux de Taylor, de préciser :
– les variations anatomiques des artères épigastriques supérieure et
inférieure profondes, avec une attention toute particulière pour les
anastomoses entre ces deux réseaux vasculaires ;
– les relations entre cet axe vasculaire épigastrique et l’aponévrose
antérieure de la gaine du muscle droit, ses intersections tendineuses et
ses implications chirurgicales ;
– la richesse vasculaire des différentes zones de la paroi abdominale
avec leur lambeau correspondant, avec une étude toute particulière des
connexions vasculaires lors du croisement de la ligne médiane
abdominale :
– l’innervation du muscle, ses rapports avec le corps musculaire,
mais aussi avec les perforantes musculaires ;
– le rôle des cicatrices de l’abdomen dans l’apparition d’une nécrose
de lambeau.
+ Artère épigastrique supérieure (AES)
:
Elle est la branche de bifurcation terminale interne de la mammaire
interne, la branche de division externe étant l’artère musculophrénique
qui se dirige obliquement, en bas et en dehors, en arrière des septième,
huitième et neuvième cartilages costaux.
L’AES naît derrière le sixième cartilage costal et passe derrière le
septième.
Son calibre à l’origine est en moyenne de 1,6 mm (veine :
1,2 mm).
Poursuivant le trajet de la mammaire interne, elle passe entre
les chefs sternal et costal du diaphragme et pénètre dans la gaine du
muscle droit.
Arrivée à mi-distance entre le sternum et l’ombilic, elle
pénètre dans le muscle où elle s’anastomose avec la suivante.
Elle naît de l’artère iliaque externe juste au-dessus de l’arcade crurale, à
sa face postéro-interne, à l’opposé de l’origine de l’artère circonflexe
profonde.
Cette AEIP, ou artère épigastrique classique, ne doit pas être
confondue avec l’artère épigastrique superficielle ou sous-cutanée
abdominale classique.
Le calibre à l’origine de l’AEIP est en moyenne
de 3,4 mm(veine double dans un quart des cas, de 2,5 à 4,4 mm).
Elle se
porte en dedans puis s’infléchit et monte vers l’ombilic en décrivant une
crosse à concavité supérieure qui contourne l’orifice inguinal profond.
Dans son segment oblique, l’épigastrique suit une direction donnée par
une ligne menée du milieu de l’arcade crurale à l’ombilic.
Dans ce trajet,
elle se rapproche du muscle grand droit, croise son bord externe et
s’engage peu à peu sous l’arcade de Douglas.
Jusqu’à cette arcade,
l’artère est située en avant du fascia transversalis.
À partir de l’arcade,
elle monte dans la gaine, en arrière du corps musculaire, jusqu’à
l’ombilic où elle pénètre dans le muscle et va s’anastomoser avec la
précédente.
Le plus souvent, dans 71 % des cas, l’artère se divise en sous-ombilical en donnant deux branches, voire trois de division.
Les artères épigastriques supérieure et inférieure s’anastomosent donc
entre elles dans l’épaisseur du muscle, nettement au-dessus de l’ombilic,
par l’intermédiaire de vaisseaux de petit calibre (choke vessels décrits
par Taylor).
Taylor a pu ainsi définir trois modes de distribution vasculaire de l’AEIP,
correspondant aux branches descendantes de l’AES :
– type I (29 % des cas) : les deux artères donnent une branche unique
qui se ramifie au-dessus de l’ombilic, à l’artère opposée, avec une
moyenne de cinq branches anastomotiques ;
– type II (57 % des cas) : chaque artère donne deux branches.
L’AEIP
se divise au-dessous de l’arcade de Douglas et donne en moyenne neuf
anastomoses avec les deux branches homologues de l’AES ;
– type III (14 %des cas) : l’AEIP se divise en trois branches ou plus qui
donnent en moyenne 13 anastomoses avec les trois branches
homologues de l’AES.
Il existe de nombreuses branches vasculaires destinées à la peau,
qu’elles atteignent en perforant le feuillet antérieur de la gaine du muscle
(perforante musculocutanée) ou bien le bord interne ou externe de la
gaine (perforantes fasciocutanées interne et externe).
Le plus grand
nombre de vaisseaux perforants de gros calibre se trouve dans la région périombilicale, surtout vers les deux tiers internes du muscle.
Le tiers
externe du feuillet antérieur de la gaine peut donc être raisonnablement
laissé en place pour faciliter la réparation de cette gaine.
Les vaisseaux perforants proviennent pour l’essentiel de l’épigastrique
inférieure et s’anastomosent en un réseau sous-cutané qui irradie autour
de l’ombilic vers les vaisseaux perforants intercostaux (connexion la plus
importante), perforants de la circonflexe iliaque profonde, circonflexe
iliaque superficielle, sous-cutanée abdominale et honteuse externe.
Il existe aussi des anastomoses profondes entre le système épigastrique
et les branches vasculaires de petit calibre qui accompagnent les nerfs
intercostaux par les perforantes fasciocutanées externes.
+ Retour veineux
:
Le drainage veineux, particulièrement bien étudié par Carramenha,
s’effectue de la palette cutanéograisseuse du lambeau vers le système
veineux épigastrique profond à travers des perforantes verticales
essentiellement périombilicales.
L’essentiel du retour veineux est
ensuite assuré par la veine épigastrique supérieure, puis la veine
mammaire interne.
La veine épigastrique superficielle, dans sa partie supérieure, à un
diamètre avoisinant 1,8 mm.
Tout le long de son trajet, elle donne des
branches anastomotiques croisant la ligne médiane avec son homologue
controlatéral.
Elle donne surtout des branches perforantes qui traversent
le feuillet antérieur de la gaine du droit et le muscle pour s’anastomoser
dans le système veineux épigastrique profond.
Ces perforantes sont
essentiellement concentrées en périombilical.
+ Veines épigastriques profondes supérieure et inférieure
:
Elles suivent le réseau artériel épigastrique profond et sont situées
latéralement par rapport à l’artère, d’un côté ou de l’autre.
Au niveau des tiers supérieur et inférieur du muscle, elles cheminent
entre le muscle et le feuillet postérieur de sa gaine.
– La veine épigastrique supérieure profonde (2 mm de diamètre
environ) est formée par deux branches, ensuite elle conflue avec la veine musculophrénique et devient la veine mammaire interne.
– Laveine épigastrique inférieure profonde est elle aussi constituée de
deux veines qui s’unissent dans la région inguinale.
Leur diamètre
moyen est de 2,8 mmde diamètre.
Ces deux veines sont en règle situées
de part et d’autre de l’artère avec de nombreux shunts entre elles.
Il existe de nombreuses anastomoses avec les veines épigastriques
inférieures profondes controlatérales, surtout dans la région périombilicale et sus-pubienne.
L’injection du système veineux épigastrique superficiel entraîne une
opacification du système veineux épigastrique profond et ce, de façon
bilatérale.
En revanche, l’injection du système veineux profond n’atteint
pas le système veineux superficiel, mais le réseau profond veineux
controlatéral.
La circulation veineuse se fait donc du réseau veineux épigastrique
superficiel vers l’axe veineux profond par les perforantes verticales.
Le
sang veineux gagne le réseau veineux épigastrique supérieur puis la
veine mammaire interne, mais il existe à l’évidence un flux rétrograde
par le réseau veineux épigastrique inférieur profond.
* Innervation du grand droit
:
Elle est segmentaire et provient des branches terminales des six derniers
nerfs intercostaux.
Ces nerfs cheminent, avec les branches terminales
des artères intercostales, entre les muscles petit oblique et transverse.
Ils
pénètrent au bord externe de la gaine musculaire et cheminent à la face
profonde du muscle, dans laquelle ils pénètrent à environ 3 cm du bord
externe.
Duchateau a bien démontré, contrairement aux notions
classiques, que ces nerfs ne donnent pas d’autre branche, en particulier
cutanée.
Toutes ces données anatomiques permettent de mieux comprendre le
lambeau musculocutané pédiculé de grand droit de l’abdomen, à
pédicule supérieur, décrit par Hartrampf en 1982, ou TRAM flap
(transverse rectus abdominal myocutaneous flap).
Ce lambeau utilise la
peau sous-ombilicale sur un pédicule épigastrique supérieur.
Celui-ci
revascularise à contre-courant l’artère épigastrique inférieure qui, par
ses perforantes et ses anastomoses sous-ombilicales, revascularise les
artères sous-cutanées abdominales et circonflexes iliaques du même côté
et du côté opposé.
Le drainage veineux est parallèle et rejoint dans la
région périombilicale la veine épigastrique inférieure qui, étant
valvulée, doit être forcée pour que le retour sanguin se fasse vers la veine
épigastrique supérieure.
Ce lambeau est donc anatomiquement fragile à
trois niveaux :
– finesse des anastomoses entre les systèmes épigastriques supérieur et
inférieur (choke vessels) ;
– faiblesse du nombre des perforantes sous-ombilicales dans la partie
inférieure du lambeau ;
– variabilité des anastomoses vasculaires sur la ligne médiane entre les
territoires cutanés.
2- Technique chirurgicale
:
Quand nous réalisons un lambeau musculocutané transversal de grand
droit de l’abdomen ou TRAM flap, nous utilisons un lambeau à pédicule
supérieur unique ou un lambeau libre dont les vaisseaux nourriciers sont
représentés par les vaisseaux épigastriques inférieurs profonds.
Nous
n’utilisons plus les lambeaux bipédiculés pour limiter les séquelles
pariétales.
La chronologie des différents temps opératoires peut
varier selon les habitudes de chacun.
Nous développons actuellement une nouvelle méthode
d’autonomisation qui serait une alternative possible au lambeau libre.
Certains auteurs, pour diminuer les séquelles musculaires, prélèvent un
lambeau sur les perforantes transmusculaires (DIEP : deep inferior
episgratic perforator).
* Lambeau musculocutané transversal de grand droit
à pédicule supérieur (TRAM « flap »)
+ Dessin de la palette
:
Le tracé du lambeau se fait sur la patiente debout, puis couchée et assise,
en vérifiant la symétrie.
La hauteur de la palette cutanéograisseuse est fonction du volume
mammaire à reconstruire et non de la surface cutanée utile.
La
quantité des perforantes cutanées directes transmusculaire est
maximale dans la région ombilicale.
Afin d’emmener le maximum
de perforantes, le tracé supérieur de la palette se situe au moins à 1 cm au-dessus de l’ombilic.
Le tracé inférieur, variable selon les
besoins, n’est jamais aussi bas que dans une plastie abdominale
classique, mais peut être modifié pour améliorer l’aspect de la
cicatrice finale.
La forme du lambeau peut être elliptique ou à berge
supérieure très convexe.
+ Levée du lambeau
:
Elle s’effectue en décubitus dorsal.
Le muscle droit utilisé est controlatéral à la reconstruction mammaire
afin de permettre une meilleure rotation du lambeau.
D’autre part, en cas
de radiothérapie antérieure, le pédicule mammaire interne homolatéral
a pu être endommagé.
On réalise une incision cutanée des deux berges du lambeau jusqu’à
l’aponévrose en circonscrivant et en isolant l’ombilic.
Le décollement de la palette cutanéograisseuse se fait au ras de
l’aponévrose, du côté opposé au muscle droit prélevé jusqu’à la ligne
médiane, en notant la localisation du bord externe de la gaine du muscle
droit, dont la position est assez variable, et celle des perforantes (leur
disposition est généralement symétrique).
Du côté du lambeau, la palette est décollée au ras de l’aponévrose
jusqu’au bord externe de la gaine du droit.
On conservera 1 à 1,5 cm du
bord externe de la gaine pour faciliter la réparation pariétale.
La gaine
est donc incisée verticalement à ce niveau et permet d’aborder la face
profonde du muscle.
Dans le but de réduire le plus possible la surface d’aponévrose prélevée,
et pour faciliter la réparation pariétale, on peut aussi décoller la peau du
lambeau dans son tiers inférieur, car les perforantes sont rares à ce
niveau.
On réalise une incision horizontale de l’aponévrose le long de la
limite inférieure avec section transversale du muscle grand droit au bord
inférieur du lambeau.
Le pédicule épigastrique inférieur est repéré dans
la graisse de l’espace sus-pubien et est sectionné entre deux ligatures.
La tranche de section musculaire est fixée à la palette
cutanée pour éviter les effets de cisaillements.
La levée du lambeau se
termine par l’incision de la gaine sur la ligne médiane, verticalement au
ras du décollement controlatéral.
Dans la région sus-ombilicale, après avoir largement décollé la paroi
abdominale comme dans une plastie abdominale, le feuillet antérieur de
la gaine du muscle est ouvert en respectant les bandelettes transversales.
Le muscle est libéré prudemment jusqu’au rebord costal, en ligaturant
au fur et à mesure les branches collatérales du pédicule se rendant à la
paroi.
Le lambeau isolé est transféré sur la paroi thoracique par un tunnel souscutané
réalisé près de la ligne médiane, entre le décollement abdominal
et le décollement thoracique.
Le lambeau est fixé par quelques points.
+ Réparation pariétale
:
En sus-ombilical, la suture en « paletot » des deux berges du feuillet
antérieur de la gaine paraît suffisante.
Dans la région sous-ombilicale, la mise en place d’une plaque de
matériel synthétique est recommandée. Le matériel peut être placé à
l’intérieur de la gaine des droits ou en avant, fixé très à distance sur la
paroi.
Il peut être utile de réaliser une plicature de la gaine du droit controlatéral
dans la région ombilicale afin d’éviter la déviation postopératoire de
l’ombilic.
La fermeture cutanée sera réalisée comme lors d’une plastie
abdominale, sur la patiente en position demi-assise.
+ Mise en place et modelage du lambeau
:
L’excision de la cicatrice de mammectomie et du tissu de mauvaise
qualité sera adressée en anatomopathologie.
Décollement des berges : la perte de substance ainsi recréée est de taille
variable, mais la palette cutanée du lambeau est toujours de taille
supérieure, puisqu’elle a été déterminée en tenant compte du volume
mammaire à reconstruire et non de la surface cutanée utile.
Il faut faire
un choix entre résection supplémentaire de peau thoracique ou désépidermisation et enfouissement du lambeau.
Le modelage du lambeau s’effectue en position demi-assise, ce qui
améliore le retour veineux et facilite l’adaptation du lambeau, qui doit
être d’emblée satisfaisante et permettre une symétrie avec le sein
controlatéral.
La mise en place du lambeau sur le thorax après rotation de 180° est
beaucoup plus satisfaisante que sa mise en place en translation.
Le lambeau est plicaturé sur lui-même.
À sa partie inférieure, la
fermeture de la région périombilicale réalise une pince verticale,
recréant un galbe au segment inférieur du sein.
La cicatrice inférieure est placée si possible un peu au-dessus du futur
sillon, le lambeau ayant, de part son poids, une tendance naturelle à
descendre.
Vers le haut, plutôt que d’exciser la peau thoracique, ce qui rendrait la
cicatrice supérieure plus haute, donc plus visible, il est préférable de désépidermiser et d’enfouir les tissus en excès : on peut ainsi, selon les
cas, reconstituer le galbe du décolleté et la région du sillon deltopectoral.
Le lambeau est amarré au plan profond ou à la peau par des bourdonnets.
Le lambeau, surtout s’il est épais, peut présenter des signes de souffrance
veineuse.
La teinte un peu foncée qu’il peut présenter au début doit s’améliorer
après la mise en position demi-assise de la patiente.
Dans le cas contraire, il faut :
– vérifier que le pédicule n’est pas comprimé dans son tunnel souscutané
et, au besoin, élargir celui-ci plutôt aux dépens de la région
xiphoïdienne ;
– réséquer les extrémités du lambeau.
Le quadrant interne reconstruit est habituellement sacrifié.
Il correspond
à la partie externe de la peau abdominale controlatérale (zone IV de Hartrampf).
Le quadrant externe est, selon les cas, sacrifié ou désépidermisé pour être
enfoui vers le creux axillaire ou être replié sur lui-même.
Un drain aspiratif est mis en place dans le décollement pariétal
thoracique.
Les cicatrices supérieure et inférieure du lambeau sont fermées par des
surjets intradermiques.
La fermeture de la paroi abdominale se fait en deux plans classiques, sur
drain aspiratif avec transposition de l’ombilic.
Après l’intervention, il est important que la patiente soit installée en
position demi-assise, genoux fléchis, pour détendre au maximum la
paroi abdominale.
* Lambeau
libre de grand droit centré sur les vaisseaux épigastriques
profonds
Le lambeau libre musculocutané de grand droit peut être taillé un peu
plus bas que le lambeau pédiculé.
L’intervention est réalisée en décubitus dorsal, un billot situé sous
l’omoplate permettant de dégager l’aisselle.
La dissection du creux
axillaire et la préparation des vaisseaux receveurs thoracodorsaux, ou
de préférence les vaisseaux circonflexes scapulaires, sont réalisées dans
le premier temps opératoire.
On réalise, dans le même temps, la
résection de la cicatrice de mastectomie, qui sera adressée en
anatomopathologie, ainsi que le décollement des berges, qui sera adapté
au positionnement du futur lambeau.
Le pédicule choisi pour le lambeau libre est pour nous controlatéral au
sein à reconstruire, et ce pour des raisons de positionnement du lambeau
dans l’aisselle après une rotation de 180°.
Après avoir pratiqué une incision première de la berge inférieure du
lambeau et l’avoir décollée jusqu’au niveau de l’arcade de Douglas,
l’aponévrose est incisée transversalement puis fendue verticalement
jusqu’au niveau des vaisseaux iliaques pour repérer le pédicule
vasculaire épigastrique inférieur profond.
La palette cutanéograisseuse est décollée jusqu’à la ligne médiane, du
côté opposé au pédicule.
De l’autre côté, elle est décollée jusqu’en
dedans du bord externe du muscle, en respectant si possible la rangée
des perforantes verticales latérales et médianes.
Un petit carré de muscle et d’aponévrose contenant les perforantes est
incisé et prélevé en paraombilical.
Certains isolent les perforantes sans prendre de muscle (DIEP).
Après avoir vérifié la viabilité du lambeau sur son pédicule, celui-ci est
sectionné au ras des vaisseaux iliaques externes, et le lambeau ainsi
libéré est transposé dans l’aisselle.
La palette musculocutanée est fixée au muscle grand pectoral par
quelques points, de façon à effectuer l’anastomose microchirurgicale
dans de bonnes conditions.
Cette anastomose est réalisée à l’aide de Prolènet ou d’Éthilont 8/0 à
points séparés.
Elle est pratiquée à l’oeil nu ou en s’aidant d’un
microscope opératoire.
Les vaisseaux receveurs sont de préférence les
vaisseaux circonflexes scapulaires car ils préservent la vascularisation
du muscle grand dorsal.
En cas d’impossibilité de se brancher sur les
vaisseaux circonflexes scapulaires, les vaisseaux thoracodorsaux sont
utilisés en anastomose terminoterminale.
Exceptionnellement, il est
possible de réaliser des pontages veineux, de dérouter la veine
céphalique ou de se brancher sur les vaisseaux mammaires internes.
On
vérifie la perméabilité des anastomoses et la qualité de la
revascularisation du lambeau.
Le modelage du lambeau et la réfection pariétale abdominale sont
effectués en position demi-assise.
La paroi est refermée sans tension à l’aide de points séparés, parfois
associés à des surjets de renforcement.
À l’époque où les premiers
lambeaux ont été réalisés dans le service, nous pensions que l’un des
intérêts du lambeau de grand droit libre était le moindre affaiblissement
de la paroi abdominale, permettant une suture aponévrotique sans
tension et sans plaque.
Actuellement, la mise en place d’une plaque est
redevenue systématique.
La paroi abdominale est ensuite décollée
comme dans une plastie abdominale classique et l’ombilic est transposé.
La fermeture pariétale s’effectue sur drainage aspiratif.
La cicatrice
finale est basse.
Lors du modelage du lambeau, il est souvent utile de désépidermiser les
berges supérieures et inférieures du lambeau afin de les glisser sous les
berges de la mastectomie et de pouvoir adapter le volume à ce niveau.
La symétrie des deux sillons sous-mammaires est vérifiée ainsi que le
volume, la projection et la forme des deux seins.
Grâce au lambeau libre,
la partie utile de la palette cutanéograisseuse est plus importante.
Les
souffrances vasculaires en zone IV sont moins importantes.
La palette désépidermisée peut être plicaturée sur elle-même pour accroître la
projection du sein reconstruit.
* Lambeau de grand droit autonomisé
:
+ Description
:
On réalise dans un premier temps, sous anesthésie générale, une ligature,
par abord direct, des vaisseaux épigastriques inférieurs du côté du
pédicule musculaire, et des deux veines sous-cutanées abdominales.
Après infiltration et prédécollement à la canule de lipoaspiration, un
décollement endoscopique de la zone de la palette opposée au pédicule
est réalisé.
Toutes les perforantes musculocutanées controlatérales au
pédicule musculaire sont coagulées et sectionnées.
Les incisions nécessaires sont situées sur le tracé de la futur palette du
lambeau.
Le lambeau est ensuite levé dans un deuxième temps après 15 jours.
+ Avantages
:
L’absence de grand décollement pour ligaturer les perforantes fait que
le lambeau au 15e jour est peu inflammatoire et encore facilement
modelable.
En théorie, la ligature des vaisseaux épigastriques inférieurs du côté du
pédicule musculaire et des perforantes musculocutanées controlatérales
augmente la surface viable de la palette cutanée.
+ Indications
:
Cette technique serait à proposer en alternative aux lambeaux musculocutanés de grand droit libres et en remplacement des lambeaux
de grand droit bipédiculés, très mutilants pour la paroi abdominale.
3- Avantages du lambeau de grand droit
:
Le sein est reconstruit par des tissus autologues sans apport prothétique
et présente, malgré une petite dyschromie, un aspect naturel évoluant
dans le temps presque comme l’autre sein (variation pondérale, ptôse).
Le bénéfice esthétique d’une plastie abdominale est parfois surajouté.
4- Inconvénients du lambeau de grand droit
:
L’intervention est longue et relativement lourde, avec notamment des
risques thromboemboliques.
Les séquelles pariétales abdominales
existent, avec des risques d’éventration ou de voussure pariétale malgré
l’utilisation systématique de plaque synthétique de renfort.
Ces risques
pariétaux semblent diminuer lors de l’utilisation d’un transfert libre, le
prélèvement musculoaponévrotique étant alors plus limité.
5- Limites et contre-indications du lambeau de grand droit
:
Le lambeau est utilisé si le panicule adipeux sous-ombilical est suffisant
pour reconstruire un volume comparable au sein controlatéral.
Une
cicatrice sous-costale est une contre-indication absolue en raison du
risque de nécrose de la peau abdominale décollée.
Une cicatrice médiane sous-ombilicale oblige à sacrifier la moitié de la
palette ou à prélever un lambeau bipédiculé.
L’obésité, un état général précaire et l’intoxication tabagique chronique
sont des facteurs de risque de nécrose très importants.
6- Complications
:
– Une nécrose partielle du lambeau dans la partie controlatérale au
pédicule vasculaire impose une excision des tissus nécrotiques (vers le
10e jour).
– Les complications thromboemboliques sont prévenues par un
traitement anticoagulant.
D - Lambeaux libres de grand fessier (gluteus maximus)
:
Ils peuvent être utilisés sur un pédicule supérieur (artère fessière
supérieure) comme lambeau musculocutané, ou mieux lambeau
dermograisseux, évitant tout sacrifice musculaire.
La rançon cicatricielle au niveau du site donneur est minime, mais la longueur du
pédicule (2 à 3 cm) et le calibre des vaisseaux (1,5 à 2,5 mm de diamètre)
offrent une dissection et des anastomoses difficiles sur les vaisseaux
mammaires internes, avec dépose du cinquième cartilage costal.
Quand les lambeaux fessiers sont utilisés sur un pédicule inférieur, la
longueur du pédicule permet le plus souvent une anastomose au niveau
du creux axillaire, évitant l’abord plus difficile de la mammaire
interne.
La cicatrice de la zone donneuse peut être placée idéalement dans le
sillon sous-fessier.
Les lambeaux fessiers libres, de réalisation technique difficile,
permettent une reconstruction mammaire autologue sans prothèse.
Ces
lambeaux, idéalement proposés chez les femmes possédant un excédent cutanéograisseux dans la région fessière, peuvent être indiqués en cas
de contre-indication au TRAM.
Symétrisation du sein controlatéral
:
Le geste effectué sur le sein controlatéral est variable en fonction de son
volume, de son degré de ptôse et de la technique de reconstruction
utilisée pour le sein amputé.
Les mammographies et échographies préopératoires avant tout geste de symétrisation du sein controlatéral sont systématiques.
Un examen
anatomopathologique des exérèses glandulaires est toujours réalisé.
Environ 3 à 5 % de cancers occultes sont découverts lors de la symétrisation du sein controlatéral.
L’exploration de zones glandulaires à risque et la réalisation de biopsies
de zones suspectes cliniquement ou radiologiquement doivent être
pratiquées avant la reconstruction.
– Le sein reconstruit est de forme et de volume satisfaisants : dans ce
cas, aucun geste ne sera pratiqué sur le sein controlatéral.
Une légère
asymétrie de forme ou de volume est parfois préférable à de nouvelles
cicatrices.
– Le sein controlatéral est hypertrophique : une plastie mammaire de
réduction est indiquée.
Toutes les méthodes de réduction mammaire
peuvent être utilisées (technique en T, oblique, périaréolaire, verticale).
– Le sein controlatéral est hypotrophique : l’augmentation du sein
controlatéral par prothèse est alors souhaitable.
– Le sein controlatéral est ptôsé :
– si le volume glandulaire est correct, il faut redraper l’enveloppe
cutanée et reconcentrer la glande mammaire ;
– si le volume glandulaire est insuffisant, il est possible d’associer à
la technique précédente de redrapage cutané une augmentation de
volume par prothèse.
Reconstruction de la plaque aréolomamelonnaire
:
La réalisation de la plaque aréolomamelonnaire se fait lorsque l’on a
obtenu une symétrie de volume et de forme satisfaisante des deux seins.
* Aréole :
La reconstruction de l’aréole est obtenue par greffe de peau totale
prélevée au niveau du sillon génitocrural ou par un tatouage.
Les greffes de peau totales prélevées à cet endroit ont la particularité de
se pigmenter.
Cette pigmentation n’est pas toujours suffisante pour
reproduire la couleur de l’aréole controlatérale.
Les tatouages ont tendance à s’atténuer.
Les greffes sont plus durables et
naturelles.
* Mamelon
:
Le relief mamelonnaire peut être obtenu par :
– une greffe de mamelon controlatéral si celui-ci est projeté et
généreux ; c’est la solution la plus satisfaisante ;
– un lambeau local enroulé sur lui-même (lambeau de Little), un
tatouage secondaire du mamelon est alors nécessaire.
Indications chirurgicales
:
Le choix de la méthode de reconstruction d’un sein amputé dépend
essentiellement de la morphologie du sein controlatéral :
– s’il est possible d’obtenir, par une des méthodes décrites
précédemment, un sein rond et stable, une reconstruction mammaire
prothétique est proposée seule ou avec adjonction d’un lambeau musculocutané de grand dorsal ;
– s’il est impossible d’obtenir un sein rond et stable, ou en cas de refus
de prothèse par la patiente, un lambeau de grand droit de l’abdomen est
indiqué si les conditions abdominales le permettent.
Ce lambeau est
particulièrement indiqué aussi pour reconstruire un sein à base large et
peu ptôsé qui vieillira mieux dans le temps en se passant d’une plastie
controlatérale.
La chronologie des temps opératoires de reconstruction et de symétrisation est variable selon les auteurs.
La reconstruction du sein peut être immédiate ou différée, et le geste de symétrisation controlatérale pratiqué au moment de la reconstruction ou
à distance de celle-ci.
Nous préférons les reconstructions secondaires, à
distance de la fin de la radiothérapie.
La souplesse des tissus pariétothoraciques peut être ainsi mieux appréciée.
Bien que le traitement conservateur ait beaucoup progressé, les
mastectomies gardent encore de très nombreuses indications.
La reconstruction mammaire, marquant le plus souvent la fin du
traitement et si longtemps attendue par les patientes, est de mieux
en mieux codifiée.
Les reconstructions par prothèse avec utilisation d’implant
anatomique profilé sont très souvent pratiquées.
Les reconstructions par lambeau de grand droit ne doivent pas
faire oublier les excellents résultats que l’on peut obtenir par
l’association de lambeau de grand dorsal plus prothèse.
D’autres lambeaux, comme les lambeaux de fessier
microchirurgicaux, sont d’une utilisation exceptionnelle.