Chirurgie des malformations craniofaciales Cours de Chirurgie
Introduction
:
Dans un souci de pragmatisme, ce chapitre se limite à l’exposé des
techniques et des indications chirurgicales concernant les malformations
les plus courantes du squelette craniofacial, à l’exception des fentes
labiomaxillopalatines et de la chirurgie dite « orthognathique » qui font
l’objet d’exposés spécifiques.
Les fentes faciales rares et les lésions des
parties molles en sont également exclues.
Chirurgie craniofaciale
:
Principes et exigences
:
La correction des malformations craniofaciales fait appel à une
discipline chirurgicale particulièrement exigeante, qui doit allier à une formation chirurgicale de base un apprentissage des gestes spécifiques
au territoire craniofacial et une connaissance de la pathologie
malformative.
L’exploration chirurgicale de régions communes au crâne et à la face
impose des abords judicieusement choisis afin d’en limiter le préjudice
cicatriciel, sans pour autant restreindre la sécurité que confère un champ
opératoire correctement exposé.
Le cheminement respecte les structures et leurs enveloppes, en
restant extradural pour préserver l’encéphale, sous-périosté pour
exposer et mobiliser les pièces osseuses, extramuqueux au niveau des
fosses nasales pour prévenir les contaminations per- et postopératoires.
La conservation des voies sensorielles en particulier olfactives doit être
la règle.
L’étiologie malformative confronte le chirurgien à un certain nombre de
problèmes spécifiques, dominés par le devenir du geste chirurgical.
Un
agenda thérapeutique est donc établi après avoir identifié la
malformation, apprécié l’intensité des altérations tissulaires, évalué
l’aptitude à la croissance des territoires concernés.
Cette chirurgie ne se limite pas à remodeler une morphologie mais doit
intégrer la récupération des fonctions qui sont entretenues par la
rééducation.
Enfin, la présence de l’organe dentaire et la référence occlusale obligatoire à toute mobilisation maxillaire imposent
fréquemment un complément orthodontique.
Chirurgie multidisciplinaire
:
Elle s’adresse à l’enfant ou au nourrisson et nécessite donc
naturellement un environnement pédiatrique.
C’est le pédiatre qui, dans
la majorité des cas, détecte la malformation, la reconnaît isolée ou, au
contraire, intégrée dans un syndrome malformatif plus complexe, et a la
responsabilité du conseil génétique auprès des parents.
Cette chirurgie craniofaciale allie la compétence neurochirurgicale et
celle du chirurgien facial en une communauté de pensée et d’action sans
laquelle un tel acte ne peut se concevoir.
À l’évidence, il s’agit d’une chirurgie d’équipe.
L’otorhinolaryngologiste,
l’ophtalmologiste et l’orthopédiste dentofacial
apportent également le champ de leurs compétences respectives
dans le bilan préopératoire et la surveillance à court et long terme.
L’anesthésiste-réanimateur, enfin, doit recevoir une formation
spécifique pour faire face à tous les aléas de cette chirurgie qui ne peut
être menée à bien que dans le climat d’une confiance mutuelle entre
les différents acteurs.
Techniques
:
Préparation
:
A - Point de vue de l’anesthésiste
:
L’anesthésie d’enfants porteurs de malformations craniofaciales ne peut
être prise en charge que par une équipe entraînée et rompue à ce type
d’interventions.
En effet, elle s’adresse à des nourrissons ou des petits
enfants, pour une chirurgie à crâne ouvert, à risques hémorragiques sur
masse sanguine très restreinte, sans accès direct peropératoire aux voies
respiratoires, et souvent de longue durée.
Dans toute la mesure du
possible, l’âge de 4 mois au minimum est important à respecter ainsi
qu’un poids supérieur à 6 kg.
Dans la majorité des cas, ces enfants sont,
selon la classification de l’American society of anesthesiologists, ASA1.
La consultation d’anesthésie, réalisée à distance de l’intervention,
permet de prendre en charge aussi bien l’enfant que sa famille.
Les
explorations demandées sont centrées sur le risque hémorragique :
numération formule sanguine, bilan d’hémostase, détermination du
groupe sanguin phénotypé et recherche d’agglutinines irrégulières.
La technique anesthésique d’endormissement ne présente pas de
particularité.
L’induction au masque, lorsqu’il n’y a pas de signe
d’hypertension intracrânienne, est souvent préférée à l’induction
intraveineuse, le monitorage conventionnel ayant été mis en place.
Bien
sûr, l’enfant est intubé (attention à la fixation de la sonde, des
changements de position de la tête pouvant intervenir au cours de
l’intervention) et équipé d’une sonde orogastrique.
Devant le risque de
pertes équivalentes à une masse sanguine totale (environ 80 mL/kg) et
parfois plus, en moins de 30 minutes, l’équipement est assuré par :
– au moins deux cathéters courts périphériques (20 à 22 G) dans des
territoires différents ;
– un monitorage invasif de la pression artérielle, excellent reflet du
remplissage vasculaire et des variations hémodynamiques ;
– un cathéter veineux central avec mesure continue de la pression
veineuse centrale (à discuter selon le type de malformation) ;
– une surveillance de la diurèse horaire (à discuter selon le type de
malformation).
La surveillance continue de la fraction expirée de CO2, permet le
maintien d’une hypocapnie modérée (environ 30 mmHg), nécessaire au
cours de ces interventions à composante neurochirurgicale, en
ventilation contrôlée et normoxie.
Au décours de l’intervention, des mesures répétées de l’hématocrite et
de l’hémoglobine permettent d’évaluer les pertes sanguines.
La pesée
des compresses, la volumétrie des aspirations chirurgicales, l’examen
des champs opératoires ne donnent que des estimations approximatives
de ces pertes.
À partir de ces mesures et grâce aux « formules-guides »,
l’anesthésiste peut calculer les pertes sanguines acceptables.
Si transfusion il y a, elle repose sur des concentrés globulaires, phénotypés,
Cytomégalovirus négatifs et déleucocytés.
En cas de
transfusion massive (supérieure à une masse sanguine), il est nécessaire
d’apporter des facteurs de coagulation (plasma frais et/ou plaquettes).
Les techniques d’économie de sang sont parfois possibles pour ce type
de chirurgie : transfusion autologue programmée (enfant de plus de
20 kg), hémodilution normovolémique intentionnelle, autotransfusion
peropératoire avec technique de récupération.
Il est important d’en
connaître les limites et les contre-indications.
Les épisodes d’hypotension peropératoires sont le plus souvent
transitoires et sans conséquence.
Il faut détecter sans retard une acidose
métabolique d’origine transfusionnelle.
L’effraction accidentelle d’un
sinus veineux peut être à l’origine d’une inefficacité circulatoire.
L’embolie gazeuse peropératoire est une complication de la chirurgie
crânienne (position proclive, compression jugulaire, variations
hémodynamiques, favorisant un régime de pression négative).
Le postopératoire est assuré en réanimation.
La surveillance
hémodynamique est poursuivie avec les mêmes règles de compensation
sanguine.
L’enfant peut être, ou non, ventilé durant cette période.
Un
traitement antalgique est instauré et, le plus souvent, la réalimentation
est reprise le lendemain.
À distance, les suites sont généralement
simples.
La chirurgie des malformations craniofaciales de l’enfant est une
chirurgie à risques.
Ces derniers ne doivent jamais être mésestimés et
toute l’équipe doit être prête à y faire face en sachant que le facteur temps
est vital, ce qui n’autorise aucun amateurisme.
B - Asepsie
:
Draconienne, elle est un temps capital de l’intervention.
Elle doit être
une obsession pré-, per- et postopératoire.
En effet, les gestes
chirurgicaux vont mettre en relation des zones fragiles à toute agression
bactérienne avec des cavités et surfaces naturellement hôtes d’une flore
microbienne plus ou moins virulente.
Une antibioprophylaxie complète,
pour la plupart des équipes, l’indispensable asepsie du site opératoire.
Elle est orientée par la connaissance de la « carte » bactériologique
locorégionale.
1- Écologie bactérienne
:
En fait, les « niches » bactériennes peu ou non accessibles à une asepsie
chirurgicale rigoureuse sont les zones orificielles et périorificielles :
– canthus médial où les voies lacrymales donnent asile à
Staphylococcus et Haemophilus ;
– orifices narinaires où la flore est multiple : Staphylococcus,
Streptococcus pneumoniae, Neisseria ;
– sinus maxillaire, possible site de Haemophilus, Streptococcus
pneumoniae, germes anaérobies ;
– pharynx, hôte de Neisseria, Streptococci, germes anaérobies ;
– gencive et langue avec en plus des germes précités, possibilité
d’abriter Veillonellae et Actinomyces.
2- Zones glabres
:
L’asepsie cutanée est facile sur les zones découvertes.
Elle est parfois
beaucoup plus aléatoire dans les orifices (nez, méat acoustique externe)
et en bouche où il faut pourtant prendre le temps d’un lavage
antiseptique soigneux avec brossage des dents si elles sont déjà sur
l’arcade.
Ce temps ne doit jamais être négligé.
3- Zones chevelues
:
La plupart des auteurs préfèrent tondre le scalp des enfants.
Il n’y a plus
de rasage vrai qui irrite le tégument et est à l’origine de résurgence
bactérienne. Pour cette raison, les opérés sont tondus sur table ou le
matin de l’intervention et non plus la veille.
L’Association des
professeurs de pathologie infectieuse proscrit tout usage du rasoir.
C - Installation
:
L’enfant est installé en position opératoire par le chirurgien qui tient
compte, bien entendu, du ou des gestes à exécuter, mais aussi des risques
potentiels d’embolie gazeuse et des angulations maximales que l’on peut
imposer à la colonne cervicale.
La majorité des interventions se déroule en décubitus dorsal.
Cette
position donne un accès aisé à la face et aux régions frontopariétales.
Elle ne permet pas, ou mal, d’aborder la région occipitale.
Si la région
occipitale est la seule à être abordée, un décubitus ventral strict est la
meilleure position à envisager, n’entraînant aucune distorsion
vertébrale.
Mais, la plupart du temps, l’ensemble craniofacial doit être
dans le champ opératoire.
Deux positions sont alors possibles, la
première en décubitus dorsal, en flexion cervicale forcée, les deux
écailles occipitales reposant sur une têtière « téléphone », la seconde, en
décubitus ventral et extension cervicale.
La flexion cervicale
forcée est celle que nous privilégions...
Le risque majeur est une
compression des jugulaires dont il faut vérifier le libre courant.
Les deux
positions forcées tête haute font courir le risque d’embolie gazeuse et
imposent un contrôle rigoureux et immédiat de toute brèche veineuse.
Voies d’abord
:
L’accès aux structures profondes de la face et du crâne impose des voies
d’abord cutanées et muqueuses.
A - Voies d’abord cutanées
:
1- Voie bitemporale
:
C’est la voie de Cairns-Unterberger.
Après avoir infiltré le trajet
d’incision avec du sérum ou de la Xylocaïne associée à un
vasoconstricteur, le tracé est mené en arrière de la ligne d’implantation
capillaire antérieure, en regard des sutures coronales.
Si un accès à la
région lambdoïde est souhaité, ce tracé peut être plus postérieur.
Latéralement, l’incision descend en avant de la racine de l’hélix
auriculaire et peut se prolonger si nécessaire en préauriculaire et en
rétromandibulaire.
Il faut s’efforcer de préserver le pédicule temporal
qui pourra être utile dans l’avenir.
L’hémostase des pédicules sousdermiques
se fait à la pince bipolaire, puis les berges sont bordées.
Le
décollement se fait dans le plan de l’espace de Merkel jusqu’à l’aplomb
des rebords orbitaires supérieurs.
À ce niveau, il faut inciser le périoste
et poursuivre le décollement en sous-périosté afin de libérer totalement
les orbites.
Quatre zones sont particulièrement adhérentes : les sutures frontomalaires, les sutures frontonasales, la poulie du grand oblique et
l’émergence du nerf sus-orbitaire.
Lorsque ce nerf sort d’un canal et non
d’une gouttière, il faut ostéotomiser le bord supérieur de l’orbite de part
et d’autre de son émergence pour le libérer.
La libération des orbites est
alors aisée, en ruginant les parois supérieures, médiales et latérales.
En
dedans, les voies lacrymales sont contournées, le ligament canthal
médial désinséré et le pédicule ethmoïdal antérieur coagulé.
En avant, la
rugination est poursuivie jusqu’à l’orifice piriforme.
Latéralement, le muscle temporal est désinséré de la ligne temporale
(ligne semicirculaire) et récliné en dehors.
On rejoint la corniche
zygomatique, et le bord supérieur du zygoma est ruginé.
La libération
totale du muscle temporal peut alors se faire à la faveur d’une large
section du feuillet superficiel du dédoublement de l’aponévrose.
Pour que la progression vers la face soit maximale, il faut libérer
largement l’étui périosté par des incisions verticales de décharge, sur la
ligne médiane à l’aplomb du dorsum, latéralement, dans l’axe de chaque
processus zygomatique.
2- Voie latérofaciale
:
Voie classique de Redon pour la parotidectomie, elle peut prolonger la
précédente et, si utile, se poursuivre en cervicotomie.
Le contrôle
premier du nerf facial et la dissection de ses branches est le préalable à
l’abord de cette région.
Elle n’est que très rarement utile pour le
traitement des malformations craniofaciales.
3- Voie sous-angulomandibulaire
:
Isolée, elle peut être utilisée pour aborder le ramus mandibulaire.
4- Voies palpébrales
:
Elles complètent plus volontiers la voie bicoronale dans les
malformations cranio-orbitaires.
Elles peuvent emprunter trois tracés
différents :
– supérieur, sous-ciliaire, se poursuivant par dissection de la peau du
plan de l’orbiculaire jusqu’au rebord orbitaire inférieur ;
– moyen, dans le pli palpébral, pénétrant alors directement entre les
chefs musculaires pour atteindre le rebord orbitaire ;
– inférieur, à la jonction palpébrojugale.
Un peu plus visible que les
deux autres, cette dernière voie a l’avantage de pouvoir se prolonger vers
le canthus médial.
La voie palpébrale permet de compléter la libération de tout le pourtour
orbitaire.
5- Voie médiofrontonasale
:
Perpendiculaire à la voie de Cairns dont elle part sur la ligne médiane,
elle descend verticalement jusqu’à la pointe du nez.
Elle peut être
indispensable dans la chirurgie des hypertélorismes.
Elle permet une
résection cutanée interorbitaire, voire la réalisation d’un lambeau
paramédian frontal utile pour certaines rhinopoïèses.
Si elle est
pratiquée, elle rend caduque la voie palpébrale inférieure.
De nombreux
auteurs proposent de briser la verticale frontonasale par une plastie
en Z.
Sa lourde rançon cicatricielle au niveau du nez fait parfois préférer la
voie en L proposée par Van Der Meulen : de médiofrontale, l’incision
se poursuit en latéronasale masquant ainsi la cicatrice au niveau de la
rupture de pente nasojugale.
B - Voies d’abord muqueuses
:
1- Voie nasale
:
Interseptocolumellaire unilatérale, c’est la voie classique de la
rhinoplastie.
Plus qu’ailleurs, elle doit rester strictement extramuqueuse.
Elle permet d’abaisser la muqueuse du dièdre supérieur, réduisant ainsi
ses risques d’effraction et donc celui de contamination des foyers osseux
sous-jacents.
2- Voie conjonctivale
:
Elle empreinte le fornix inférieur et se poursuit soit en préseptal, ce qui
évite l’issue de la graisse orbitaire dans le champ opératoire, soit en
rétroseptal.
Quelle qu’elle soit, elle permet de gagner le rebord orbitaire
inférieur puis de ruginer la paroi inférieure de l’orbite.
Cette voie
possède l’énorme avantage de ne pas laisser de trace, mais limite aussi
l’exposition et l’amplitude des manoeuvres instrumentales.
3- Voie buccale
:
* Vestibulaire supérieure
:
Le tracé s’effectue quelques millimètres au-delà de la ligne de réflexion
vestibulaire, sur le versant labial, afin de ménager une frange muqueuse
indispensable à la qualité de la suture.
Elle peut s’étendre, latéralement,
jusqu’au niveau molaire, en ayant eu soin de repérer l’ostium du Sténon
qu’il faut, bien entendu, éviter.
La rugination va libérer tout le pourtour
de l’orifice piriforme, le plancher des fosses nasales et le vomer sur ses
deux faces.
Elle s’étend, en haut, jusqu’au rebord orbitaire inférieur
après avoir contourné l’émergence du pédicule infraorbitaire.
Latéralement, le dégagement s’étend jusqu’à l’attache antérieure du
masséter et doit être doux vers la région ptérygomaxillaire afin d’éviter
l’issue de la boule de Bichat.
* Voie palatine
:
Il peut être utile de recourir à une courte voie juxtatubérositaire, afin
d’avoir, dans certains cas, un accès direct à la région ptérygomaxillaire.
Cette incision est arciforme, épousant la courbure tubérositaire.
Fermetures et ajustements
:
L’obsession d’une étanchéité parfaite de la base est constante.
En effet,
la moindre fuite de liquide céphalorachidien (LCR) grève la morbidité
déjà lourde de risques infectieux majeurs.
Toute brèche durale est
immédiatement aveuglée par suture voire patch épi- ou péricrânien.
Les
pertes de substance osseuses de la base sont comblées par des greffons,
le plus souvent d’origine crânienne.
Enfin, les colles biologiques
apportent une contribution non négligeable dans l’assurance de cette
qualité d’étanchéité.
Les ajustements musculaires et ligamentaires concernent le muscle
temporal et la région canthale médiale.
Lors des avancées frontoorbitaires
importantes, le muscle temporal doit être réinséré sur la
corniche frontomalaire par des points transosseux afin de combler la
dépression temporale créée.
La chirurgie intercanthale impose
une canthopexie transnasale que Tessier a bien codifiée.
Le drainage des espaces morts est constant par drains aspiratifs en
dépression s’il n’y a pas de brèche durale, déclives dans le cas contraire.
Les sutures cutanées et muqueuses obéissent aux règles de toute
chirurgie plastique.
Ostéotomies craniofaciales
:
Les altérations de la forme au niveau de l’extrémité céphalique, en se
limitant aux seules structures osseuses, peuvent relever de différentes
stratégies de « rééquilibration ».
Il peut s’agir, lorsque le tissu est en quantité suffisante, de la simple
mobilisation d’un secteur osseux après libération et découpe :
l’ostéotomie.
Les déficits tissulaires relèvent, quant à eux, des
techniques d’adjonction osseuse par greffe ou lambeaux et surtout, de
façon plus actuelle, des méthodes d’ostéogenèse par distraction.
Dans tous les cas, la stabilisation des différents segments mobilisés ou
adjoints nécessite de faire appel à une contention adaptée, dont la rigidité
doit être modulée, dans ce contexte évolutif de l’enfant malformé.
A - Tracés d’ostéotomies
:
L’ostéotomie est une section osseuse délibérée, à visée thérapeutique,
autorisant le déplacement d’un secteur osseux, le plus souvent dans une
direction et avec une amplitude planifiées.
Les tracés de découpe sont
contraints par les impératifs anatomiques locaux et par les
caractéristiques de la déformation à corriger. Leur spécificité varie en
fonction de l’étage concerné.
Nous détaillerons les modalités de
découpe osseuse à différents niveaux, qu’il s’agisse de la voûte du crâne,
de l’équerre orbitonasofrontale, de l’orbite ou des deux maxillaires.
Les
indications sont développées en fin de chapitre.
Outre ce rôle « actif », les ostéotomies ont parfois comme seul objectif
de permettre la pénétration vers les régions profondes : ce sont les
abords par dépose osseuse.
C’est le cas en particulier des abords
intracrâniens et orbitaires.
Au niveau de la voûte
L’accès à cette région ne peut se concevoir que par l’intermédiaire d’un
volet, c’est-à-dire d’une fenêtre osseuse découpée dans la zone d’intérêt.
Les volets sont le plus souvent libres.
Les volets pédiculés (sur le muscle
temporal notamment) sont devenus d’indication exceptionnelle.
Ces
volets sont presque toujours à cheval sur la ligne médiane.
Dans tous les
cas, ils doivent respecter le bandeau fronto-orbitaire.
La découpe est effectuée, le plus souvent, à partir de trous de trépan.
Ce
procédé impose un choix judicieux de leur localisation en fonction des
objectifs visés.
Il faut notamment être attentif à respecter les zones d’intérêt (notamment la région frontale) et à éviter les zones d’adhérence
de l’os avec la méninge sous-jacente.
Les trous de trépan doivent être
suffisamment nombreux pour faciliter et assurer le décollement de la
dure-mère.
Chez le nourrisson, les fontanelles ouvertes peuvent faire
office de trou de trépan ; mais l’étroite relation entre le périoste et la
dure-mère à ce niveau doit rendre la dissection prudente.
L’accès ouvert par le volet va permettre de procéder au décollement de
l’ensemble de la dure-mère.
S’il débute systématiquement en périphérie
de la craniectomie, il peut concerner la voûte tout autant que la base du
crâne.
Au niveau de la voûte, les difficultés de dissection sont relatives
aux adhérences qui prédominent au niveau des sutures et sur la ligne
médiane, le long du sinus longitudinal supérieur.
La dissection de la face
profonde de l’os peut être compliquée par la présence d’aspérités liées à
la dystrophie osseuse (impressions digitiformes).
Au niveau de la base
du crâne, le décollement est mené le plus souvent au sein de la fosse
cérébrale antérieure, il concerne plus rarement la fosse cérébrale
moyenne.
Les difficultés sont liées aux adhérences au niveau de la crista
galli, et au niveau des petites ailes du sphénoïde.
D’autre part, la
dissection de la lame criblée de l’ethmoïde est soumise à l’impératif de
conservation des filets olfactifs (au moins d’un côté).
Latéralement, les
pôles temporaux font obstacle à une exploration très étendue.
Les risques de ce décollement sont de plusieurs ordres.
Il peut s’agir
d’une contusion cérébrale, d’une lésion vasculaire et surtout d’une
brèche méningée.
La meilleure prévention est représentée par la qualité
de l’exposition osseuse.
La survenue d’une brèche durale impose une
réparation immédiate.
Elle procède d’une obturation par une pièce de
péricrâne suturée et colmatée à la colle biologique en périphérie de la
solution de continuité méningée.
La couverture osseuse de la région
réparée doit être continue pour éviter la survenue d’un défaut
d’ossification en regard (growing skull fracture des Anglo-Saxons).
En pratique, les ostéotomies peuvent être effectuées à tous les niveaux
de la voûte : frontal unilatéral, bifrontal, temporal, pariétal,
temporopariétal, voire occipital.
Les ajustements pour corriger la
déformation relèvent des techniques traditionnelles de chirurgie
osseuse.
Il peut s’agir :
– d’une simple régularisation des contours ;
– d’une mobilisation ou d’un échange de pièces.
Toutes les modalités
sont envisageables depuis la rotation, la transposition jusqu’au
retournement du ou des segments ostéotomisés ;
– de craniotomies partielles modelantes qui, par des affaiblissements
ciblés, vont permettre de redonner à un os rigide le galbe souhaité ;
– de greffes d’apposition.
Une fois en place, les pièces osseuses sont stabilisées selon des
modalités détaillées.
1- Au niveau du bandeau orbitonasofrontal
:
Ce bandeau osseux, d’une quinzaine de millimètres de hauteur,
comprend la région glabellaire, les deux rebords orbitaires supérieurs et
les apophyses orbitaires externes du frontal.
Il surplombe le
globe oculaire en marquant un angle de 90 à 120° avec le nez.
Transversalement, il est légèrement convexe dans sa partie centrale, puis
il se ferme à environ 90° latéralement pour rejoindre la fosse temporale.
Il constitue la transition antérieure entre l’étage crânien et l’étage facial
de l’extrémité céphalique.
Sa reconstruction est donc capitale dans la
prise en charge des malformations craniofaciales.
L’ostéotomie du bandeau orbitonasofrontal ne peut s’envisager qu’après
un abord bitragial et après la dépose d’un volet frontal.
L’ostéotomie
proprement dite débute en dehors de la jonction frontomalaire.
La
technique de choix consiste à contourner le ptérion selon différentes
modalités dépendant du mouvement à imprimer au bandeau.
La
découpe en « rail » est privilégiée dans les mouvements sagittaux, alors
que lors des mobilisation verticales on choisit plus volontiers une taille en « Z » ou en « ergot ».
Ces artifices assurent une meilleure stabilité du
montage et rendent superflue l’interposition d’une greffe osseuse. Les
clivages de l’apophyse orbitaire externe, de même que les tailles
verticales intra- ou rétroptériques sont abandonnées.
De la région frontoorbitaire,
le tracé est ensuite poursuivi en dedans à travers la racine
externe de la petite aile du sphénoïde et à travers le toit d’orbite dans son
tiers postérieur.
La gouttière olfactive est contournée par l’avant.
La
découpe s’épuise sur la ligne médiane dans le foramen cæcum.
L’ostéotomie est totalisée en avant, horizontalement à la jonction internasofrontale, et en dedans au niveau des parois orbitaires internes
jusqu’à rejoindre la taille orbitaire précédente.
Deux entraves brident la mobilisation du bandeau, elles doivent
être sectionnées au ciseau à frapper.
L’une est externe, à la jonction frontoptérionique ; sa libération est soumise à la protection du lobe
frontal.
Elle nécessite la résection à la gouge de l’extrémité de la petite
aile du sphénoïde.
L’autre, sise sur la ligne médiane, est
constituée par l’épaisseur de l’épine nasale du frontal et de son
environnement.
Son débridement est contraint par le respect de
l’intégrité des afférences olfactives et de la muqueuse des fosses nasales.
Avant stabilisation en bonne position, la pièce osseuse peut subir toute
une série d’adaptations pour se conformer à l’objectif morphologique
visé.
Il peut s’agir de résections, de partitions ou de simples corticotomies modelantes.
Ces modalités sont revues au chapitre
« Indications ».
2- Au niveau de la région orbitaire
:
Les ostéotomies de l’orbite se conçoivent le plus souvent au travers
d’une exposition large associant un abord coronal bitemporal et un abord
palpébral inférieur.
La voie de Cairns ne garantit pas toujours, à elle
seule, la précision de la découpe osseuse et la sécurité de la mobilisation.
La désinsertion du ligament canthal interne améliore notablement
l’exposition.
D’un point de vue chirurgical l’orbite osseuse, cavité intermédiaire entre
le crâne et la face, est constituée de deux portions.
Le cône
postérieur, aux parois papyracées, sert de contenant au globe oculaire et
à ses annexes périorbitaires.
Sa participation chirurgicale est modeste.
À l’inverse, l’anneau antérieur est une structure épaisse et solide plus
complaisante à l’égard du chirurgien craniofacial.
C’est donc
logiquement à ce niveau que sont effectuées les ostéotomies.
Elles vont consister en une partition plus ou moins complexe de ce cadre orbitaire
antérieur.
Les ostéotomies segmentaires sont dissociées des ostéotomies
totales.
* Ostéotomies totales
:
Elles préservent l’intégrité du cadre orbitaire.
La découpe
osseuse s’effectue à deux niveaux différents : l’un antérieur circonscrit
de façon plus ou moins complexe le cadre, l’autre, plus postérieur, siège
au sein même des parois orbitaires.
L’ostéotomie débute par le trait antérieur, qui est horizontal.
Il suit le
bord inférieur de la découpe du volet frontal et déborde latéralement la
région orbitaire.
Cette extension latérale sert de point de repère lors de
la mobilisation et éventuellement de support à la fixation osseuse.
L’ostéotomie verticale est ensuite réalisée latéralement et vers le bas au
travers du malaire.
Sa limite inférieure se situe en dessous du niveau du
foramen infraorbitaire.
Elle est prolongée en dedans dans une direction
horizontale, à travers le maxillaire, vers l’orifice piriforme et sous le
cornet inférieur.
Chez l’enfant, le niveau de coupe doit parfois être relevé
pour préserver les bourgeons dentaires, dans ce cas il peut être utile de
libérer le nerf infraorbitaire à son émergence faciale.
L’ostéotomie est
terminée en dedans par la section des os propres du nez étendue au sinus
frontal.
En arrière, la découpe correspond à une ostéotomie circulaire du cône
orbitaire.
Elle remonte depuis la fente sphénomaxillaire vers la fosse
cérébrale antérieure.
Au niveau du ptérion, le trait se détourne pour
rejoindre l’extrémité latérale de la découpe supérieure du cadre orbitaire.
En dedans, l’ostéotomie traverse le toit d’orbite pour rejoindre la paroi
interne, au niveau du plancher elle contourne par l’arrière les voies
lacrymales pour rejoindre la fissure infraorbitaire.
La découpe intraorbitaire doit se situer en arrière du méridien du globe oculaire pour
éviter la survenue de déséquilibres oculomoteurs.
Deux freins peuvent contraindre la mobilisation de cet ensemble
orbitaire.
Il s’agit d’une part du zygoma, latéralement, qui impose un
complément de découpe au ciseau à frapper en direction de la fosse
temporale.
Le second obstacle est médial, il correspond au pilier canin.
La libération totalisée, le déplacement planifié peut être réalisé. Il s’agit
le plus souvent d’une translation médiale.
En réalité, il s’agit plus d’une
rotation médiale le long d’un axe craniocaudal fictif, qui a pour
corollaire une projection antérieure des structures latérales.
La cavité
orbitaire se voit, de ce fait, élargie, ce qui contribue à un certain degré
d’énophtalmie dont il faut tenir compte.
De même, la fosse temporale se
trouve approfondie, créant une dépression parfois inesthétique.
Dans un
certain nombre de cas, il peut être nécessaire de corriger
concomitamment une divergence orbitaire craniocaudale.
Une seconde
rotation, le long d’un axe sagittal, s’impose.
Ce mouvement conduit, en
plus, à une ascension de la paroi latérale.
Le repère du bandeau frontal
devient fondamental dans la prévention des projections inadéquates des
cadres orbitaires.
De nombreuses variations de ces ostéotomies totales ont été proposées.
Les principales reposent sur des modifications du dessin de l’extension
latérale.
Dans un certain nombre de cas, l’ostéotomie peut permettre de
mobiliser l’ensemble de l’hémimaxillaire avec l’orbite.
Il faut, dans ces
situations, réaliser les disjonctions ptérygomaxillaire et intermaxillaire,
pour espérer mobiliser l’ensemble.
Converse, quant à lui, propose une
ostéotomie respectant l’arête nasale lorsque la déformation centrofaciale
n’est pas très importante.
* Ostéotomies partielles
:
L’orbite peut être segmentée en quatre secteurs : médiofrontal,
latérofrontal, maxillaire et zygomatique.
Chacun de ces secteurs
peut faire l’objet d’une ostéotomie.
Toutes les associations sont
possibles.
Les plus courantes sont les ostéotomies en « U » qui
mobilisent deux secteurs, qu’il s’agisse des deux quarts supérieurs ou
inférieurs.
De même, les ostéotomies dites en « C » mobilisent les
portions médiales ou latérales.
* Ostéotomies interorbitaires
:
La transposition médiale des orbites impose la résection d’une pièce
osseuse centrale, rectangulaire, dans la région nasofrontale.
Cette
ostéotomie interorbitaire débute par la section supérieure prolongeant
en dedans le trait supraorbitaire.
La dissection inférieure est menée entre
le bord libre des os propres du nez et les cartilages triangulaires.
Elle
permet d’effectuer une dissection sous-muqueuse du toit des fosses
nasales, en préservant les pédicules olfactifs.
Les sections verticales
passent au travers du sinus frontal, et débouchent au niveau de la fosse
cérébrale antérieure.
L’ostéotomie se termine par la découpe et la
résection progressive du toit des fosses nasales et des cellules
ethmoïdales antérieures.
Les dômes muqueux peuvent ainsi être
préservés, tout en exposant le septum nasal.
La mobilisation du bloc interorbitaire est, à ce stade, conditionnée par la
section du septum et de la jonction frontoethmoïdale.
Dans tous
les cas la lame criblée est respectée.
3- Ostéotomies maxillaires
:
* Historique
:
La première tentative d’ostéotomie maxillaire est attribuée à Langenbeck, en 1859.
Il décrit en effet une ostéotomie horizontale dans
le cadre d’une résection tumorale.
Il est suivi dans cette voie par Cheever
en 1867.
Mais les conceptions actuelles dérivent des observations
traumatologiques de René Lefort, datant de 1901.
Il décrit les trois types
de disjonctions craniofaciales que l’histoire retiendra, bien que la
classification actuelle (américaine) soit inversée par rapport à
l’originale.
Wassmund, en 1927, est le premier à utiliser une ostéotomie maxillaire
pour fermer une béance.
En 1934, Axhausen effectue la première
avancée maxillaire pour corriger un cal vicieux.
Malgré les tentatives d’ostéotomies en deux temps de Schuchardt (en
1942), il faut attendre les travaux anatomiques de Bell, sur la
vascularisation du maxillaire, pour rendre cette chirurgie plus sûre.
Depuis, de nombreux auteurs ont attaché leur nom à une modification
de la technique chirurgicale ; entre autres, Obwegeser en 1969 propose
une greffe intertubéroptérygoïdienne, et surtout Tessier développe le
concept d’ostéotomie craniofaciale.
* Tracés d’ostéotomies
:
Ils sont multiples et d’intérêt inégal.
La plupart sont réservés à des
indications particulières, notamment les grandes dysostosténoses
craniofaciales.
Dans l’immense majorité des cas, c’est l’ostéotomie de
Le Fort I (et ses variantes) qui est utilisée.
Néanmoins, pour être exhaustif, nous aborderons tous les tracés en
adoptant un parcours descriptif descendant.
+ Ostéotomie frontofaciale monobloc dite Le Fort IV
:
Elle a été proposée pour la première fois par Ortiz Monasterio en 1978.
L’objectif est d’avancer en monobloc l’étage frontofacial, dans les
formes sévères de craniosténoses associées à des rétrusion faciales par
dysplasie, telles que la maladie de Crouzon ou le syndrome d’Apert.
Il s’agit d’une intervention lourde chez le petit enfant, n’autorisant que
des déplacements de faible amplitude et grevée d’une morbidité
importante, notamment infectieuse.
De plus, le résultat à long terme est
souvent décevant au niveau facial.
Chez l’adolescent et chez l’adulte,
l’espace mort frontal, dû à un défaut d’expansion encéphalique, peut être
à l’origine de séquestrations.
C’est pourquoi de nombreux opérateurs
ont abandonné cette intervention au profit d’une dissociation, dans le
temps et dans l’espace, de la mobilisation du bandeau frontal et du
complexe maxillaire.
Van Der Meulen a proposé une variante pour corriger, lors de l’avancée,
un hypertélorisme.
Il réalise, après la mobilisation du Le Fort IV, une
bipartition faciale sagittale qui lui permet de médialiser une ou les deux
hémifaces.
+ Ostéotomie orbitonasomaxillaire dite Le Fort III
:
Elle réalise une véritable disjonction craniofaciale.
L’exposition est assurée principalement par un abord supérieur bicoronal.
Celui-ci doit être complété par une voie palpébrale inférieure
pour libérer l’orbite inférieure et la région malaire.
D’autre part, le nez
fait l’objet d’une dissection sous-muqueuse via une incision
interseptocolumellaire, de façon à minimiser le risque de contamination
septique de l’étage supérieur.
Enfin, une courte ouverture endobuccale,
vestibulaire supérieure, va permettre d’appréhender la jonction
ptérygomaxillaire en vue de la disjonction.
Chez l’enfant, cette
disjonction peut s’envisager par la voie haute temporale, ouverte par le
Cairns.
La découpe osseuse de l’orbite externe débute au niveau de la suture frontomalaire et se prolonge vers le bas et l’arrière, en direction de la
fente sphénomaxillaire.
L’ostéotomie est perpétuée en dedans, au niveau
du plancher orbitaire, en arrière des voies lacrymales ; l’extension à la
paroi interne permet de rejoindre la jonction frontonasale.
De même, le
trait est poursuivi en bas et en arrière au niveau de la paroi postérolatérale du maxillaire vers la fente ptérygomaxillaire, qui est disjointe.
La jonction nasofrontale est traversée transversalement.
Ce
foyer nasofrontal est élargi pour permettre la section à l’ostéotome de la
lame perpendiculaire de l’ethmoïde et du vomer.
Cette étape
admet comme prérequis la localisation et donc la préservation de la lame
criblée.
La jonction temporozygomatique est dissociée par voie haute.
À ce stade, l’ensemble de la pyramide osseuse peut être mobilisée
prudemment au davier.
De nombreuses variantes du Le Fort III existent.
Elles visent
dans certains cas à améliorer la contention, dans d’autres situations, il
s’agit d’avancer, dans le même temps, une partie du frontal.
Les
modifications impliquent, le plus souvent, la paroi latérale de l’orbite.
Tessier a conjugué cette ostéotomie en différentes modalités :
– Tessier I où le pilier frontomalaire est clivé sagittalement dans sa
partie basse, le malaire faisant, quant à lui, l’objet d’une ostéotomie en
« marche d’escalier » ; il s’agit d’une technique dite à crâne fermé qui
n’est plus utilisée à l’heure actuelle ;
– Tessier II où la section latérale concerne, outre la paroi latérale,
l’arcade zygomatique selon un trajet vertical ou oblique ;
– Tessier III dont l’objectif est d’avancer l’ensemble du pilier orbitaire
externe, sous couvert d’un trou de trépan (méthode à crâne semi-ouvert)
qui permet de protéger les structures cérébrales lors des manoeuvres de
découpe et de mobilisation ; la mobilisation concomitante de la portion
externe de l’orbite permet de corriger un exorbitisme associé à la
rétrusion maxillaire, lorsque le bandeau nasofrontal n’est pas altéré par
la dysmorphose ;
– Tessier IV arborant un éperon latéral sphénofrontal qui assure une
bonne stabilité, mais là encore au prix d’une craniotomie ;
– Tessier V avec son éperon vertical autobloquant, en forme de « Z ».
+ Ostéotomie nasomaxillaire dite Le Fort II
:
Elle isole la pyramide centrofaciale et son appendice nasal selon des
modalités proches des constatations traumatologiques.
Mais à
la différence du trait de fracture, elle contourne les voies lacrymales par
l’arrière, et elle sépare le nez au niveau de la jonction frontonasale.
L’exposition associe une voie muqueuse vestibulaire supérieure et une
voie cutanée qui peut être soit, de préférence, un abord bicoronal, soit
un abord canthal interne.
Le ligament palpébral interne doit souvent être désinsérer pour optimiser l’accès à la paroi interne de l’orbite et pour
mieux contrôler les voies lacrymales.
Le nez fait l’objet, comme dans le
Le Fort III, d’une dissection extramuqueuse soignée, menée au travers
d’une incision interseptocolumellaire.
Le dégantage facial moyen de
Converse, effectué par une voie circonférentielle intranasale est
abandonné compte tenu du risque de sténose de la valve nasale.
L’ostéotomie nasofrontale et ses extensions orbitaires internes se
déroule de façon analogue à celle du Le Fort III.
Elle préserve, là encore,
l’intégrité de la lame criblée de l’ethmoïde, qui a été préalablement
localisée grâce au bilan morphologique préopératoire.
La section du
plancher s’épuise, en avant, au niveau du rebord orbitaire, en dedans du
foramen infraorbitaire.
Le tracé est prolongé obliquement, au travers du
maxillaire, jusqu’à la partie basse de la jonction ptérygomaxillaire qui
est disjointe.
Une multitude de variantes ont été décrites, elles concernent l’extension
latérale de la découpe osseuse.
Tessier propose d’inclure une partie de
l’os malaire, et donc de mener l’ostéotomie en dehors du nerf infraorbitaire.
Converse verticalise le trait latéral qui meurt entre canine
et prémolaire ; il procède ainsi à une mobilisation segmentaire de
l’arcade dentaire.
Psillakis réalise, quant à lui, une ostéotomie périnasale
qui épargne l’infrastructure maxillaire.
Cette acrobatie est relativement
dangereuse pour les apex dentaires, et la mobilisation de l’ensemble est
délicate. Les indications confinent à l’exception.
+ Ostéotomie maxillaire de Le Fort I
:
C’est la plus fréquente des ostéotomies maxillaires.
La première
description semble provenir deWassmund, en 1927.
L’abord vestibulaire supérieur apporte à lui seul une exposition
suffisante.
Le décollement sous-périosté concerne l’ensemble de l’étage
moyen de la face (comprenant la partie basse des fosses nasales), de
façon à ne pas brider la mobilisation osseuse et de façon à assurer une
bonne redistribution des parties molles sur les reliefs corrigés.
En
revanche, la dissection respecte la muqueuse de la berge inférieure de
façon à ne pas compromettre la vascularisation par les anastomoses
gingivales.
Le tracé d’ostéotomie comporte deux segments.
Le premier est
horizontal, légèrement oblique en bas et en arrière, sus-apical, transnasal
et transseptal.
Il se situe, en dedans, sous le cornet inférieur, et passe 3 à
4 mm au-dessus de l’apex canin.
Il se termine latéralement quelques
millimètres au-dessus des racines des molaires, c’est-à-dire à peu près
au niveau du tiers inférieur de la fente ptérygomaxillaire.
La section
s’effectue à la scie « va-et-vient ».
Le second segment est vertical entre
la tubérosité maxillaire et l’apophyse ptérygoïde, il correspond plus, en
général, à une disjonction qu’à une véritable taille osseuse.
Dans tous
les cas, elle doit rester assez basse pour éviter les risques hémorragiques
liés à une blessure des branches du pédicule maxillaire interne.
Le
préalable à la mobilisation osseuse est l’ostéotomie, au ciseau à frapper,
du vomer sur la ligne médiane, et de la paroi interne des sinus
maxillaires.
La mobilisation au davier de Rowe et Killey, et la
régularisation des arêtes auront soin de préserver les pédicules palatins
descendants.
Une fois en place, la contention est assurée, transitoirement, par un
blocage intermaxillaire sur une plaque d’intercuspidation, associé à une
suspension aux rebords orbitaires.
La stabilisation définitive fait appel
aux techniques traditionnelles d’ostéosynthèse par plaques vissées.
4- Ostéotomies mandibulaires
:
* Limitations contextuelles
:
Contrairement aux indications orthognathiques, la chirurgie
mandibulaire des malformations craniofaciales est relativement limitée
à quelques techniques bien standardisées.
La nécessité d’une prise en
charge précoce pour limiter la dysmorphose a relégué les ostéotomies
au second plan, notamment par rapport aux techniques plus récentes de
distraction osseuse.
Leurs indications se limitent plus, actuellement, à la
prise en charge des séquelles morphologiques, qu’au traitement
primaire.
Dans ce contexte, un certain nombre de modalités techniques
méritent néanmoins d’être évoquées, même si elles sont détaillées par
ailleurs dans d’autres chapitres plus spécifiques de cet ouvrage.
D’autre part, un certain nombre de malformations latérofaciales sont le
fait, entre autres, d’une insuffisance ou d’une absence de développement
des structures mandibulaires.
Ces situations relèvent plus des techniques
de reconstruction.
Des trois sites mandibulaires, seuls nous intéressent, dans les
ostéotomies mandibulaires, les secteurs antérieur et postérieur.
* Ostéotomies du secteur antérieur
:
Il s’agit des différentes modalités de génioplastie qui visent à corriger
les déformations du menton.
L’exposition est univoque, par une voie vestibulaire inférieure, exposant
la symphyse mentonnière d’un foramen mentonnier à l’autre.
Le bord
basilaire n’est dégagé que dans sa portion antérieure, de façon à
préserver les insertions musculaires et la vascularisation locale.
Le trait d’ostéotomie sis au moins 4 mm en dessous des apex dentaires
et sous l’émergence des nerfs alvéolaires.
Le segment osseux isolé doit
avoir une hauteur d’au moins 8, voire 10 mm, de façon à pouvoir
supporter l’ostéosynthèse et à assurer un minimum de vascularisation.
La découpe est plus ou moins symétrique en fonction de la correction à
apporter.
Tous les mouvements du fragment génien sont possibles.
Lors
des reculs, il est préférable de prévoir la résection des extrémités
postérieures pour éviter un relief disgracieux et leur perception sous le
tégument.
Les génioplasties d’augmentation requièrent un apport
osseux.
Les grandes avancées (supérieures à 10 ou 12 mm) peuvent
s’envisager au moyen d’ostéotomies à deux étages.
* Ostéotomies du secteur postérieur
:
Ce sont les plus courantes. Le ramus se prête particulièrement bien à ce
type d’intervention, l’histoire de la chirurgie orthognathique en atteste.
L’épaisseur de l’os à ce niveau, la présence d’os spongieux, la facilité
d’exposition sont autant d’atouts pour une découpe osseuse préservant
le pédicule alvéolaire et pour une ostéosynthèse simple et de qualité.
Deux modalités sont retenues dans le cadre de la chirurgie des grandes
malformations craniofaciales : le clivage sagittal et l’ostéotomie en
potence (L inversé).
+ Clivage sagittal d’Obwegeser-Dalpont
:
Il consiste à séparer le ramus en deux portions dans le plan sagittal.
La valve externe porte les structures articulaires condyliennes
et le coroné, la valve interne est solidaire de l’arcade dentaire et elle
héberge le pédicule alvéolaire qui a été esquivé par l’extérieur.
Tous les déplacements de l’arcade dentaire
sont envisageables dans les limites de la superposition des deux valves.
Après la mise en articulé dentaire, la valve externe doit être aménagée
de façon à reproduire au mieux la position préopératoire du condyle
mandibulaire.
Schématiquement, elle doit être réduite dans les
reculs mandibulaires, et il faut calibrer le foyer d’ostéotomie dans les
avancées.
L’utilisation d’un système de repositionnement, qu’il s’agisse
d’une plaque d’ostéosynthèse ou de systèmes plus sophistiqués assistés
par ordinateur, s’avère d’une grande utilité.
Epker a montré que la
reproduction de la position préopératoire du condyle mandibulaire
conditionnait la stabilité du résultat chirurgical, réduisait l’incidence des
dysfonctionnements articulaires et améliorait la fonction
manducatoire.
L’ostéosynthèse se fait à l’aide de vis bicorticales,
mises en place par voie transjugale, en triangulation de part et d’autre du
nerf alvéolaire.
+ Ostéotomie en « potence »
:
Les grandes avancées mandibulaires se prêtent mal au clivage sagittal
compte tenu des limites du chevauchement des valves osseuses.
L’ostéosynthèse et la consolidation osseuse peuvent être critiques dans
ces conditions.
C’est pourquoi il est alors préférable d’envisager une
ostéotomie en « potence » ou en « L inversé », telle qu’elle a été décrite
par Trauner en 1955 et modifiée par Schuchardt en 1958.
Cette intervention nécessite un abord cutané cervical, en arrière des
vaisseaux faciaux, qui expose l’ensemble de la région angulaire.
La
découpe osseuse est d’emblée bicorticale, à la fois sus- et rétrospigienne.
Après la mise en articulé dentaire, la perte de substance osseuse,
induite par l’avancée de la portion dentée, doit être comblée par une
greffe osseuse.
L’artifice de Mehnert, destiné à éviter la greffe, est
déconseillé.
Contraignant le condyle dans une position plus antérieure,
il expose, à moyen terme, soit à une récidive du rétrognathisme, soit à
des problèmes articulaires.
5- Techniques de reconstructions mandibulaires appliquées
aux malformations craniofaciales :
Les grandes dysplasies latérales avec hypoplasie ou absence du ramus
ne peuvent être réparées par de simples ostéotomies.
L’insuffisance
tissulaire doit être compensée.
Deux solutions, pas forcément
contradictoires, sont possibles : la traditionnelle reconstruction du ramus par greffe chondrocostale et l’ostéogenèse par distraction
mandibulaire.
Plus loin, les indications respectives sont discutées.
* Reconstruction du ramus par greffe chondrocostale
:
Le matériau de choix pour reconstruire le ramus, notamment de l’enfant,
reste la jonction chondrocostale.
Ses dimensions sont adaptées à la
région à reconstruire, son extrémité cartilagineuse confère au greffon
une compétence articulaire unique ; enfin, il est établi que le potentiel de
croissance est un atout dans ces reconstructions pédiatriques.
Il semble que la première utilisation condylienne soit le fait de Gillies en
1920.
Depuis, de nombreuses publications ont confirmé la légitimité de
cette intervention.
+ Prélèvement
:
Il implique un abord thoracique, dans le sillon sous-mammaire.
Le
prélèvement concerne la cinquième, sixième ou septième côte, en
fonction de la taille souhaitée. Le greffon comporte 3 à 6 cm d’os et
environ 1 cm de cartilage.
La dissection est sous-périostée ou souspérichondrale
sauf au niveau de la jonction ostéocartilagineuse pour ne
pas trop l’affaiblir.
La résection des enveloppes se traduirait
invariablement par une séparation du cartilage et de l’os.
La greffe est prélevée, en général, du côté opposé à la reconstruction de
façon à adapter la courbure de la côte à la morphologie ramale.
+ Reconstruction
:
Elle s’envisage par un double abord, sous-angulomandibulaire et
prétragien.
L’abord cervical isolé est rarement suffisant pour adapter
correctement le greffon dans la cavité glénoïdale.
L’abord prétragien
peut être étendu à la région temporale, soit pour assurer la dissection
dans certaines situations difficiles (hypoplasies sévères), soit en
prévision du prélèvement associé d’un lambeau de galéa.
La dissection
préserve les vaisseaux temporaux et les branches du nerf facial.
Un soin
tout particulier est apporté à l’hémostase des veines périarticulaires.
L’exposition est améliorée, en fin de dissection, par une traction
angulaire à l’aide d’un fil d’acier transfixiant l’angle mandibulaire.
L’occlusion dentaire est contrôlée par un blocage intermaxillaire.
Le
greffon chondrocostal est mis en place en lieu et place du condyle
manquant.
Sa relation avec la cavité glénoïdale peut être assurée à l’aide
d’un fil d’acier suspendant l’extrémité proximale du greffon au basfond
articulaire.
Les modalités d’ostéosynthèse distale sont
variables.
Il peut s’agir d’une simple stabilisation par fils d’acier transfixiants ou circonférenciels.
Le plus souvent, l’option choisie est
celle des plaques vissées.
Crawley préconise l’interposition d’un
lambeau de galéa entre le greffon et la cavité glénoïdale pour conforter
le résultat fonctionnel.
L’articulé dentaire est contrôlé en fin d’intervention.
Le blocage
intermaxillaire est conseillé les 15 premiers jours.
* Ostéogenèse par distraction mandibulaire
:
+ Historique
:
Elle débute en 1905 par un allongement fémoral effectué par Codivilla.
Il faut attendre 1927 pour voirAbott renouveler l’expérience sur un tibia.
Mais la diffusion de ces techniques reste confidentielle compte tenu des
très nombreuses complications (nécrose cutanée, infection sur les
broches, ossification aléatoire…).
On doit à Ilizarov d’avoir codifié cette
technique pour la rendre plus fiable.
Il préconise de simples corticotomies préservant le plus possible l’enveloppe périostée, il invite
à respecter un délai de cicatrisation de quelques jours avant de débuter
la distraction au rythme de 1 mm/j.
La première distraction mandibulaire est le fait de Snyder, en 1973, qui
applique un distracteur externe sur des chiens.
Quatre ans plus tard, Michielli réalise le même type d’expérimentation canine à l’aide d’un
appareil endobuccal.
Mais c’est McCarthy qui, en 1972, prouve la réalité
de l’ostéogenèse dans le foyer de distraction. L’essor clinique de la
méthode doit beaucoup à l’équipe d’Ortiz Monasterio à Mexico.
Et
c’est en France, sous l’impulsion de Vasquez et Diner que sont établies
les bases de la distraction endobuccale.
+ Modalités pratiques
:
Diner identifie trois modalités de distraction en fonction du nombre
d’ostéotomies.
Il peut s’agir d’une distraction monofocale (un seul foyer
d’ostéogenèse), d’une distraction bifocale où un fragment intermédiaire
sert de relais, ou enfin d’une distraction trifocale avec deux sites de
régénération osseuse et un site de consolidation par compression.
En pratique, l’abord est le plus souvent endobuccal, l’exposition est le
fait d’une dissection sous-périostée de l’angle mandibulaire.
La découpe
osseuse est tracée en fonction des données de la planification.
Les
broches sont mises en place par voie transcutanée, en pinçant la peau
entre le site proximal et le site distal, de façon à ménager une petite
réserve cutanée qui minimise la rançon cicatricielle.
L’implantation
osseuse des broches est bicorticale.
Pour Molina, la section osseuse est
une simple corticotomie externe étendue au bord basilaire et à la crête
alvéolaire, alors que pour McCarthy, il convient de sectionner
totalement l’os.
La distraction n’est débutée qu’après un délai de cicatrisation de 5 à
7 jours.
Elle est effectuée au rythme moyen de 1 mm/j.
Elle est suivie
d’une période de stabilisation qui varie de 6 à 8 semaines en fonction de
l’importance de l’allongement et de l’âge du patient.
Cette phase de
consolidation est accompagnée d’une prise en charge orthodontique, s’il
y a lieu, pour maintenir l’éventuelle béance molaire créée par
l’allongement du ramus.
En fin de traitement, le matériel peut être
déposé au fauteuil.
Dans le cadre d’une distraction bidirectionnelle, il est préférable
d’envisager une double corticotomie isolant l’angle mandibulaire, le
trait proximal horizontal est supra-angulaire, alors que le trait distal est
vertical et préangulaire.
La distraction endobuccale a l’avantage de limiter la séquelle
cicatricielle et les contraintes socioprofessionnelles.
Mais elle se heurte
aux difficultés liées aux impératifs de miniaturisation.
De plus, pour
l’instant, seuls des distracteurs unidirectionnels sont disponibles.
Ces techniques innovantes sont en plein essor actuellement.
Mais les
indications méritent d’être codifiées plus précisément.
Si les
applications mandibulaires sont à peu près bien établies, la place de la
distraction au niveau de l’étage moyen, et a fortiori au niveau de l’étage
supérieur de la face, reste à préciser.
Marchac a montré que cette
technique pouvait être utile, chez le nourrisson, pour corriger les
rétrusions faciales sans avoir recours à des interventions lourdes.
Cependant la morbidité reste importante (environ 50 % de
complications) et les problèmes techniques à résoudre sont encore
nombreux.