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Chirurgie
Chirurgie des malformations craniofaciales (Suite)
Cours de Chirurgie
 

 

 

B - Moyens de fixation osseuse :

En matière de chirurgie osseuse, la qualité du résultat dépend de l’habilité à découper et à déplacer les segments osseux selon les modalités pré-établies, mais aussi de la qualité de la stabilisation des pièces osseuses dans leur nouvelle situation spatiale.

La pratique différencie deux modes de contention plus ou moins complémentaires.

Ce sont d’une part les fixations intrafocales, qui agissent au sein même du foyer d’ostéotomie, et d’autre part, les fixations extrafocales intervenant à distance.

1- Fixations intrafocales :

Elles associent l’ostéosynthèse proprement dite et le calage par greffe osseuse.

L’ostéosynthèse intègre les modalités de fixation des pièces osseuses entre elles.

Elle est contrainte par les conditions anatomiques locales et par les contraintes biomécaniques.

Dans le cadre spécifique du traitement des malformations craniofaciales, ces moyens de fixation doivent également tenir compte des conditions particulières que sont :

– la finesse et l’élasticité des structures osseuses (rétention plus délicate) ;

– la dynamique de croissance ;

– les mécanismes de cicatrisation où le cal périosté prédomine.

La méthode de choix est la coaptation des pièces osseuses à l’aide de fils d’acier.

Elle répond aux caractéristiques techniques habituelles que sont l’orientation orthogonale au trait d’ostéotomie et le serrage du toron sur l’un des orifices de pénétration.

Elle présente de nombreux avantages :

– une excellente tolérance ;

– une grande facilité de mise en oeuvre ;

– un coût négligeable et un ancillaire réduit ;

– une adaptabilité à quasiment toutes les situations anatomiques ;

– une certaine souplesse de la fixation (front flottant) autorisant une meilleure adaptation à la croissance.

En corollaire, ce dernier avantage constitue, dans certaines situations, l’inconvénient principal.

Le manque de rigidité du montage, s’il est peu problématique au niveau de la voûte, peut être handicapant au niveau des maxillaires.

Il impose alors l’association d’une synthèse extrafocale (notamment le blocage intermaxillaire ou la suspension) ; à défaut, le risque de récidive de la dysmorphose n’est pas négligeable.

Ce sont ces contraintes qui ont contribué au développement des synthèses par plaques vissées.

Le matériau de référence est le titane, compte tenu de son excellente biocompatibilité.

Les avancées technologiques ont permis une miniaturisation compatible avec une application pédiatrique tout en préservant une rigidité suffisante.

Ces fixations ont considérablement simplifié le geste opératoire, notamment aux niveaux orbitaire et maxillaire.

Mais ces plaques métalliques posent un certain nombre de problèmes dans le contexte évolutif de la croissance craniofaciale.

Deux complications principales sont imputées à ces synthèses rigides : le blocage de la croissance et la migration intracrânienne des implants.

Le problème des artefacts radiologiques liés au titane sont relativement anecdotiques, ce d’autant que les techniques actuelles de traitement de l’image permettent souvent de corriger les irrégularités induites, notamment sur les scanners.

Des études expérimentales ont clairement démontré que la mise en place précoce de plaques, au niveau d’une voûte normale, limitait la croissance de la région pontée et provoquait une croissance compensatrice des secteurs libres.

Cela signifie que la planification (spatiale et temporelle) de ces ostéosynthèses rigides doit impérativement intégrer ces déviations du développement pour ne pas obérer le résultat morphologique.

D’autre part, plusieurs rapports font état de migration intracrânienne d’une plaque d’ostéosynthèse. Les mécanismes de croissance par apposition-résorption sont à l’origine de ce phénomène.

Certes, aucune conséquence neurologique n’a été déplorée pour l’instant, mais la plaque adhérant fortement à la duremère, les complications à long terme ne peuvent pas être exclues.

De plus, dans ces conditions, l’ablation du matériel est délicate.

Au total, même si l’ostéosynthèse rigide simplifie la contention des pièces osseuses en chirurgie craniomaxillofaciale, elle doit être déconseillée au niveau de la voûte du tout jeune enfant.

La solution pourrait venir du matériel de synthèse à résorption lente.

Il s’agit de copolymères associant 82 % d’acide L-lactique et 18 % d’acide glycolique, et modelés en plaques et en vis de dimensions classiques.

Les résultats expérimentaux et les premières études cliniques sont encourageants.

La vertu des greffes osseuses, en matière de fixation, est essentiellement de stabiliser le site d’ostéotomie, notamment dans les grands déplacements, et de favoriser la consolidation.

Le greffon doit donc être dimensionné au déplacement escompté.

Il est d’autant plus cortical que les contraintes qu’il est amené à subir sont grandes.

La composante spongieuse n’a aucune résistance mécanique, elle intervient essentiellement dans la consolidation, dans l’ostéogenèse du foyer.

Dans tous les cas, la surface de contact, entre les berges osseuses et la greffe, est optimisée pour assurer la stabilité du montage et son ossification.

Les adaptations en tenon et mortaise sont particulièrement recommandées.

2- Fixations extrafocales :

Elles concernent essentiellement les structures maxillaires.

Le principe consiste, après avoir corrigé la position des pièces osseuses, à les amarrer au crâne.

La référence anatomique est le plus souvent la référence occlusale.

Les appareils de contention sont ancrés au niveau des dents (arcs périmaxillaires) soit par des fils d’acier péridentaires, soit par l’intermédiaire de brackets d’orthodontie.

Le blocage intermaxillaire est l’expression la plus simple de la contention extrafocale.

Dans un certain nombre de situations, il peut être avantageusement complété par une suspension crânienne.

Différentes modalités sont envisageables en fonction des contraintes et des niveaux de mobilisation, qu’il s’agisse d’une suspension sous-orbitaire, zygomatique ou orbitaire externe.

Un fil d’acier transfixie le support osseux crânien, et le relais vers l’arc maxillaire est réalisé à l’aide d’une boucle intermédiaire qui reste accessible par voie endobuccale au cours du traitement.

Un certain nombre d’appareils externes offrent les mêmes possibilités de suspension.

L’ancrage osseux fait alors appel à des broches transcutanées qui supportent des systèmes mécaniques plus ou moins sophistiqués.

Le casque de Delbet-Tessier en est un exemple.

Il faut néanmoins reconnaître que, compte tenu de la qualité des ostéosynthèses intrafocales, les suspensions et les appuis péricrâniens sont rarement utilisés.

B - Apports osseux :

Ils ont deux fonctionnalités : la contention d’un foyer d’ostéotomie et la restitution du galbe dans les insuffisances squelettiques.

Deux facteurs vont conditionner les indications de ces greffes d’apposition.

Il s’agit, d’une part de la qualité du lit receveur et d’autre part, du coefficient de résorption de l’implant.

La greffe osseuse classique masque, derrière sa simplicité technique, des contraintes importantes relatives à la vascularisation du site de réception.

La trophicité du lit d’implantation de la greffe conditionne le succès et la consolidation du transplant et limite la résorption.

D’autre part, chaque fois que cela est possible, les greffons osseux d’origine membraneuse (voûte du crâne principalement) sont préférés à ceux d’origine enchondrale (typiquement la crête iliaque).

Leur coefficient de résorption est en effet bien moindre, il n’est pas alors nécessaire d’hypercorriger les reliefs.

Les lambeaux osseux, à pédicule musculaire ou à pédicule purement vasculaire, s’adaptent mieux aux environnements tissulaires déficients.

Leur vascularisation propre assure la stabilité du volume osseux et la consolidation de l’implant, et elle corrige au moins partiellement l’insuffisance trophique locale.

Leur réalisation chez l’enfant est relativement délicate et doit être réservée à des indications particulières.

1- Greffes :

L’autogreffe est celle qui assure la plus grande fiabilité et la plus grande sécurité (notamment infectieuse).

La voûte du crâne, l’os iliaque et la côte sont les trois sites principaux de prélèvements.

Le site costal offre un os plastique en quantité abondante.

Le galbe de la côte s’adapte assez bien aux contours de la voûte et aux convexités faciales.

Les possibilités de dédoublement par clivage permettent de minimiser la taille des prélèvements.

L’os costal est facile à modeler et suffisamment résistant pour supporter les contraintes biomécaniques craniofaciales. Il ne s’agit pas pour autant d’un greffon idéal.

Son origine embryologique et sa faible teneur en os spongieux déterminent une tendance marquée à la résorption à long terme.

D’autre part, même si le prélèvement ne requiert pas de compétence technique très spécifique, les risques de lésions pleurales (et donc de pneumothorax) ne sont pas négligeables.

Enfin, comme toute chirurgie thoracique, la rançon algique impose souvent le recours à des chimiothérapies relativement lourdes.

L’os iliaque est la principale source d’os spongieux.

Le volume disponible est considérable.

Le mode de prélèvement est très simple.

Les séquelles sont modestes dès l’instant où la crête est conservée.

Le nerf fémorocutané doit être ménagé.

Mais, chez l’enfant, la proximité du cartilage de conjugaison limite les possibilités de prélèvement.

De plus, le coefficient de résorption, très important (de l’ordre de 30 à 50 %), impose une anticipation en surcorrigeant les reliefs.

Enfin, la rigidité de l’os iliaque rend son maniement moins aisé que celui de la côte.

La voûte crânienne, et plus spécifiquement l’os pariétal, est sans conteste le matériau de choix chez le nourrisson.

Les propriétés ostéogéniques de la dure-mère permettent des prélèvements étendus, sur le même site opératoire, sans séquelles à long terme.

L’os prélevé est plastique et son coefficient de résorption est quasiment nul.

Chez l’enfant plus grand et chez l’adulte, le pariétal peut être dédoublé.

Deux modalités de prélèvement sont donc envisageables.

Dans la première, le pariétal est prélevé comme un volet osseux.

Il est dédoublé sur table.

La corticale interne, remise en place, protège la méninge au niveau du site de prélèvement.

La corticale externe constitue la réserve osseuse.

L’alternative consiste à dédoubler l’os in situ.

Après avoir marqué les limites du prélèvement, une tranchée, assez large, est creusée en périphérie jusqu’à la table interne.

Cette gorge va permettre d’horizontaliser le ciseau à frapper ou la scie pour ne prélever que la corticale externe.

On évite ainsi la craniotomie, mais la largeur du prélèvement est limitée par les possibilités de pénétration tangentielle de l’outil de coupe et par la convexité de la région.

Il est difficile d’obtenir une bande osseuse de plus de 2 à 3 cmde large.

L’inconvénient principal de l’os de voûte est sa grande rigidité (sauf chez le nourrisson).

L’adaptation du greffon aux relief receveur est donc un peu plus délicate.

2- Lambeaux osseux :

Leurs indications en matière de chirurgie des malformations craniofaciales sont relativement limitées.

Elles concernent essentiellement les lambeaux de muscle temporal transporteur d’os et le lambeau de galéa ostéoaponévrotique.

* Lambeau de muscle temporal :

Le muscle est capable d’assurer, via le périoste, la vascularisation d’une pièce osseuse.

C’est ce principe qui régit les transferts ostéomusculaires dont le lambeau composite temporal est un archétype.

Ce lambeau est vascularisé par deux branches de l’artère maxillaire interne : les artères temporales profondes antérieure et postérieure.

Ce pédicule pénètre la face profonde du muscle de part et d’autre de l’apophyse coronoïde, sous le niveau de l’arcade zygomatique.

Cette duplicité vasculaire permet de lever indifféremment le lambeau sur un pédicule musculaire antérieur ou postérieur.

La vascularisation osseuse pariétale relève d’un important réseau anastomotique musculopériosté.

Le prélèvement est effectué par voie de Cairns.

Le muscle temporal est largement exposé.

Le périoste calvarial est incisé un peu en dehors de la périphérie du prélèvement osseux.

La zone de sécurité pour prélever le pariétal (en évitant le sinus longitudinal) se situe 1 à 2 cmen dehors de la suture sagittale.

La pièce osseuse est découpée comme un volet en prenant soins de ménager l’attache périostée et le pédicule musculaire.

En fonction des besoins, le greffon peut être dédoublé.

Le prélèvement monocortical d’emblée est possible, mais techniquement délicat notamment dans sa partie inférieure, sous le pédicule musculaire.

Le périoste est assuré par des points transosseux à la périphérie du lambeau.

Le muscle est ensuite libéré de l’arcade zygomatique et à sa face profonde jusqu’au coroné ; il est éventuellement séparé longitudinalement en deux faisceaux.

L’un des faisceaux (le plus souvent antérieur) porte l’os, le second comble la portion ventrale de la fosse temporale.

Les transferts vers le bas (vers le maxillaire) imposent le plus souvent une dépose transitoire de l’arcade zygomatique compte tenu du volume du lambeau.

* Lambeau de galéa :

On doit à Cutting, puis à Casanova d’avoir montré que l’os pariétal était principalement vascularisé, via les anastomoses périostées, par des branches de l’artère temporale superficielle.

C’est ainsi que ce sont développées les indications de lambeau de galéa transporteur d’os.

Par rapport au lambeau de muscle temporal, ce lambeau à l’avantage d’être plus fin, plus malléable, son pédicule est plus long et son prélèvement n’évide pas la fosse temporale.

Il débute par la dissection de la face superficielle de la galéa au ras des follicules pileux.

Le segment osseux est découpé comme précédemment, avec les mêmes précautions relatives à l’adhérence périostée.

La dissection se termine par la libération de la face profonde du fascia prétemporal dans l’espace de Merkel, à la partie inférieure du lambeau.

L’excédant d’aponévrose peut servir à envelopper complètement l’os, notamment lorsqu’il s’agit de reconstruire la voûte palatine.

Le pédicule doit être assez large (au moins 3 cm) car le retour veineux n’est pas toujours satellite de l’axe artériel, il est souvent placé en arrière, témoignant d’un drainage auriculaire postérieur.

Dans les dysplasies latérales (Treacher-Collins notamment), il est recommandé de repérer le pédicule vasculaire avant l’intervention, par échodoppler, afin de s’adapter à une éventuelle aberration anatomique.

Indications :

La chirurgie des malformations craniofaciales impose au chirurgien la connaissance préalable des caractéristiques et du pronostic de croissance des désordres malformatifs qu’il se propose de corriger.

Dans cet objectif thérapeutique, une classification a été établie au sein de laquelle on distingue trois grands groupes.

– Malformations cérébrocrâniennes

L’accident malformatif dominé par la déficience de l’inducteur encéphalique se traduit par un défaut de déploiement de la voûte crânienne. L’existence d’une altération cérébrale conduit le plus souvent à une abstention thérapeutique.

– Malformations cérébrofaciales

Elles sont secondaires à la déficience des placodes sensorielles, incapables d’induire la formation et le développement du territoire facial correspondant.

L’arhinencéphalie (ou holoproencéphalie) par atteinte de la placode olfactive, l’anorbitisme et le micro-orbitisme par aplasie ou hypoplasie du globe oculaire, en sont les expressions cliniques les plus caractéristiques.

Les syndromes microphtalmiques, dans leurs formes isolées, sont accessibles à une correction chirurgicale précoce, basée sur le double principe de l’expansion cutanée pour les paupières et de la distraction osseuse pour le cadre orbitaire.

Un conformateur conjonctival est mis en place dès la naissance afin de déployer les paupières et de créer un cul-de-sac conjonctival.

Vers 6 mois est mise en route la distraction orbitaire par la réalisation d’une ostéotomie orbitomalaire et la mise en place d’un expandeur gonflable.

L’expansion est poursuivie jusqu’aux environs de la sixième année, date à laquelle le volume orbitaire obtenu est consacré par un implant puis par une prothèse oculaire définitive.

Chez l’adulte, on a recours aux procédés classiques d’ostéotomies d’agrandissement, accompagnés de blépharopoïèses et d’approfondissement du cul-de-sac conjonctival.

L’expansion de l’orbite osseuse se heurte, dans le sens vertical, à la position basse du plafond orbitaire et impose une voie endocrânienne.

L’expansion du sac conjonctival est réalisée dans le même temps, par une greffe de muqueuse buccale.

La microblépharie fait l’objet d’une reconstruction palpébrale au cours d’un temps ultérieur.

– Malformations craniofaciales

Elles relèvent de trois mécanismes :

– la non-confluence des bourgeons faciaux à l’issue de l’embryogenèse est à l’origine d’une fente, le plus souvent labiomaxillopalatine ;

– l’altération des sutures ou zones de jonction entre les pièces osseuses est responsable de synostoses.

Localisées le plus souvent à la voûte crânienne, les synostoses prématurées s’opposent à l’expansion encéphalique créant le tableau de craniosténose.

La levée chirurgicale précoce de l’obstacle représenté par la suture synostosée libère la poussée encéphalique dont l’effet orthopédique peut à nouveau se manifester et participer à la remise en forme des structures ;

– l’altération tissulaire intrinsèque ou dysplasie peut concerner un ou plusieurs tissus.

L’atteinte osseuse est la plus courante, elle correspond aux dysostoses, qui peuvent siéger indifféremment ou simultanément au niveau du crâne, du maxillaire ou de la mandibule.

L’aptitude à la croissance des tissus altérés est en général défavorable, elle peut cependant varier en fonction de l’intensité de la dysplasie et de sa topographie.

Cette classification, dont l’intérêt est de tenir compte du potentiel de croissance, sert de guide à l’exposé des indications.

Synostoses de la voûte :

Elles correspondent à la fermeture prématurée d’une ou plusieurs sutures, responsable d’une déformation caractéristique du territoire concerné, par arrêt du développement dans l’axe de la suture atteinte, associé à une croissance excessive compensatoire au niveau des sutures saines (loi de Virchow).

La retombée sur la base des sutures crâniennes, ainsi que leur prolongement au travers du massif facial moyen, rend compte du retentissement que peut avoir une synostose sur la morphologie orbitaire et sur la croissance du massif facial.

La discordance temporospatiale des rythmes de croissance font que l’expression clinique d’une atteinte suturaire est :

– immédiate, à évolution rapide, au niveau de la voûte crânienne, tributaire de la poussée encéphalique ;

– plus tardive au niveau de la face, entité de croissance discontinue, multifactorielle et à long terme.

Cette action au niveau du massif facial est nulle ou minime au cours des synostoses de la suture sagittale ou de la lambdoïde, elle est plus apparente lors des atteintes de la suture coronale ou de la suture métopique sous la forme d’une déformation orbitaire concomitante, ou d’une rétrusion faciale évolutive, à long terme, lors d’atteinte polysuturaire.

La correction chirurgicale des craniosténoses poursuit trois objectifs :

– libérer le verrou représenté par la synostose en séparant les pièces osseuses fusionnées, pour permettre à la poussée encéphalique d’exercer son effet orthopédique ;

– corriger les déformations en remodelant la voûte par mobilisation ou échange de volets osseux ;

– retarder la réossification parfois, en agissant sur le feuillet externe de la dure-mère lors des interventions précoces.

A contrario, au-delà du 18e mois, le potentiel de réossification s’épuise et doit conduire à limiter la surface des brèches osseuses.

L’indication chirurgicale varie en fonction de la topographie et de l’évolutivité de la synostose.

A - Scaphocéphalie :

L’atteinte de la suture sagittale provoque une réduction du diamètre bipariétal compensé par un allongement antéropostérieur frontooccipital responsable de l’aspect dolichocéphale.

La compensation peut porter préférentiellement sur la région frontale ou sur la région occipitale.

La correction chirurgicale est univoque chez le nourrisson avant 6 mois.

Elle consiste dans la réalisation de deux larges crâniectomies parasagittales largement prolongées dans les sutures coronales et lambdoïdes.

La compliance de la voûte à cet âge permet une reprise rapide de la croissance transversale, réduisant d’autant la compensation antéropostérieure.

Dans certains cas, la déformation peut être plus accentuée à une des extrémités du crâne, soit sous la forme d’une volumineuse bosse frontale fermant l’angle nasofrontal, soit par la proéminence d’un chignon occipital.

Dans ces conditions, la procédure précédente peut être complétée par la correction de l’un ou de ces deux défauts, selon un tracé en « ∏ » .

Les craniectomies prolongées très bas et l’affaiblissement des pièces osseuses par une fragmentation en « marguerite », permettent une mobilisation et une correction de la zone proéminente, à la faveur d’une résection à une des extrémités de la pièce sagittale, autorisant une mise en tension par une suture au fil à résorption lente.

À partir de 1 an parfois et dans tous les cas au-delà de 18 mois, ces procédés ne permettent plus d’obtenir une correction satisfaisante de la dolichocéphalie.

Dans ces formes du grand enfant, le remodelage de la voûte par transposition de volet devient la méthode de choix.

Dans cette technique, la hauteur excessive du front est mise à profit pour rehausser l’aspect en fuite de la région occipitopariétale.

B - Brachycéphalie :

La synostose bilatérale de la suture coronale crée une brièveté du diamètre antéropostérieur, associée à une compensation transversale et verticale.

La rétrusion frontale basse supraorbitaire est souvent responsable d’un exorbitisme supérieur, il s’y associe toujours une brièveté de la base antérieure qui se verticalise.

Ce retentissement facial de la synostose coronale rend inopérante la seule craniectomie coronale, même en prolongeant celle-ci à travers la base jusqu’à la fente sphénomaxillaire et impose un remodelage fronto-orbitaire.

Ce geste, toujours réalisé avant la fin de la première année, consacre la correction de la déformation supraorbitaire par l’avancée et la bascule d’une équerre orbitonasofrontale selon différents tracés à la recherche d’une autocontention.

L’avancée frontale concomitante sommairement fixée sur le précédent bandeau, libéré de toute attache latérale est donc susceptible de se redresser sous la poussée encéphalique (front flottant de Marchac).

La déformation frontale en rétrusion justifie parfois la rotation à 180° de ce volet.

C - Oxycéphalie :

Ces formes correspondent habituellement à une synostose de la coronale associée à une synostose partielle de la sagittale, en particulier dans sa portion antérieure.

La déformation est caractéristique, réalisant un crâne pointu par la bascule postérieure du front en continuité avec l’arête nasale.

C’est dans ces formes plurisuturaires que le risque d’hypertension intracrânienne (HIC) est le plus important au cours des 2 premières années.

Le geste chirurgical procède, comme précédemment, d’une avancée du bandeau orbitonasofrontal, mais le rétablissement du galbe frontopariétal nécessite souvent la volte ou l’échange de volet.

Brachycéphalie et oxycéphalie peuvent être isolées à la voûte et à la région fronto-orbitaire.

Cependant, leur association avec des rétrusions faciales ne sont pas rares.

Elles répondent alors à une faciosténose rendant compte de la réalité de la retombée de la suture coronale à travers la jonction craniofaciale.

Le retentissement facial de ces formes obéit à la chronologie de la croissance craniofaciale et ne se révèle que tardivement, souvent à la fin de la denture lactéale, voire plus tard.

Les craniectomies de la voûte, même étendues à la base, ainsi que l’allongement de l’étage antérieur par la propulsion fronto-orbitaire n’ont aucun effet de prévention sur le défaut de croissance faciale.

D - Plagiocéphalie :

Le terme de « plagiocéphalie », dans le cadre des synostoses, correspond au raccourcissement fronto-orbitaire unilatéral par sténose d’une hémisuture coronale.

L’orbite externe bloquée sur son ptérion est à la fois ascensionnée et reculée selon une orientation dont témoigne la verticalisation de la petite aile du sphénoïde sur une incidence radiographique de face.

Cette rétrusion fronto-orbitaire peut être accentuée par une projection compensatoire de la bosse frontale controlatérale.

Il y a lieu de noter que ce terme de « plagiocéphalie », fréquemment utilisé, est ambigu.

Il recouvre d’autres déformations, en particulier occipitales, le plus souvent d’origine posturale.

Un examen clinique attentif des régions orbitaires et temporales permet de les distinguer.

La correction chirurgicale est adaptée à la déformation et s’adresse :

– soit au seul côté pathologique, en réalisant une reposition frontoorbitaire par un déplacement dans les trois plans de l’espace dont le centre de rotation est représenté par le nasion ;

– soit une mobilisation globale bilatérale, ce mouvement ayant l’avantage de corriger la proéminence frontale controlatérale.

E - Trigonocéphalie :

Cette déformation triangulaire du front et des orbites correspond à une synostose prématurée de la suture métopique ou interfrontale.

Cette atteinte toujours très précoce de la suture au cours de la vie intrautérine, crée une déformation caractéristique très apparente le jour même de la naissance.

À cette déformation s’associe une verticalisation des parois internes des orbites, créant un hypotélorisme au-dessous d’un petit frontal étroit dans toutes ses dimensions.

La correction chirurgicale réalisée au cours de la première année, consiste en une ouverture du bandeau naso-orbitofrontal sur une charnière médiane.

L’élargissement de la glabelle et l’abaissement des orbites externes justifient souvent l’interposition d’une pièce osseuse triangulaire au niveau du nasion.

La déformation en « carène » du front subit la même correction selon différentes modalités :

– le remplacement total de l’os frontal par une pièce pariétale ou par un hémifront ;

– la rotation des deux hémifronts ;

– la correction étagée en plusieurs bandeaux selon un tracé horizontal ;

– le remplacement de la suture métopique extirpée par une greffe osseuse de la voûte pariétale, par une hémisuture coronale.

F - Pachycéphalie :

Cette terminologie correspond à la déformation de l’arrière-crâne, créée par une synostose bilatérale de la suture lambdoïde.

De profil, l’arrière-crâne est verticalisé, très aplati, réalisant parfois un angle droit avec un vertex horizontal.

De face, la compensation transversale crée une saillie souvent majeure des bosses pariétales et temporales.

La forme unilatérale réalise une hémipachycéphalie, à laquelle il vaut mieux réserver le terme de « plagiocéphalie postérieure ».

Cette forme est rare, difficile à différencier des plagiocéphalies posturales, bien que l’analyse tomodensitométrique du lambda et de la situation des rochers permette en théorie de l’identifier.

Lorsque la correction de cette rétrusion de l’arrière-crâne se justifie, le remodelage chirurgical peut faire appel, soit à deux volets occipitaux remodelés ou échangés soit à une transposition bipariétale retournée, selon le procédé de Stricker et Czorny.

Cette atteinte de l’arrière-crâne peut s’associer à une brachycéphalie par sténose coronale, réalisant la déformation caractéristique en tour ou turricéphalie.

Cette déformation dans sa forme majeure peut justifier deux interventions chirurgicales, le premier temps étant réservé à la décompression de l’arrière-crâne.

L’atteinte polysuturaire intéressant la coronale, la sagittale, et parfois la lambdoïde est responsable de déformations importantes (acrocéphalie, turricéphalie, crâne trilobé), associées à un risque fonctionnel majeur dès les premières semaines de vie.

Ces situations imposent une libération chirurgicale précoce et un remodelage de la voûte, utilisant une combinaison des procédés précédemment décrits.

Dysostoses craniofaciales avec synostoses ou dysostosténoses :

Elles correspondent à des dysmorphies craniofaciales majeures, appartenant au groupe des craniofaciosténoses, ou dysostosténoses craniofaciales, dont les formes les plus représentatives sont la maladie de Crouzon et le syndrome d’Apert.

Bien que parfaitement identifiables à partir de leur différence sémiologique, les similitudes pathogénique, symptomatologique et thérapeutique ont conduit Tessier à regrouper ces deux affections sous le terme de « Croupert ».

La symptomatologie morphofonctionnelle de ces malformations craniofaciales est caractéristique dès la naissance, mais la dysmorphie s’aggrave avec le temps, à court terme au niveau de la voûte et à plus long terme au niveau de la face.

L’association d’une plurisynostose retombant sur la face à travers la base, à une dysostose sphénoïdofaciale, plus ou moins diffuse, est responsable :

– d’une craniosténose de la voûte sous la forme d’une oxycéphalie ou d’une turricéphalie, fréquemment compliquée d’une HIC ;

– d’un exorbitisme par brièveté de l’orbite ;

– d’une rétrusion du massif facial, plus ou moins marquée au niveau du secteur nasomaxillaire, responsable d’une atrésie nasopharyngée, compliquée d’une étroitesse de l’espace rétrobasilingual à l’origine d’apnées obstructives.

La correction de ces formes, révolutionnée par l’avancement facial initialement décrit par Tessier, est cependant loin d’être univoque, car elle doit tenir compte à la fois du problème encéphalique initial et des déformations faciales évolutives dans le temps.

Pour répondre à ces deux obligations, l’avancée frontofaciale en monobloc ou bipartite ont pu être proposées.

Cependant, aussi magistral que soit ce type d’intervention, son indication est soumise à un certain nombre d’aléas :

– le remodelage de la voûte, nécessaire à la levée de l’HIC est souvent indiqué au cours des premiers mois de vie et n’autorise pas à cet âge un monobloc frontofacial.

On peut s’autoriser en revanche, à ce stade, la réalisation d’un bandeau orbitonasofrontal dont l’avancée représente un geste efficace sur l’exophtalmie ;

– au-delà de la troisième année, la propulsion orbitofrontale crée un espace mort, mal compensé par l’expansion encéphalique, et augmente le risque de séquestration frontale ;

– l’avancée faciale précoce ne peut être indiquée que dans le contexte de troubles fonctionnels majeurs, ophtalmologiques ou respiratoires, car cette propulsion en l’absence de croissance sagittale est vouée à l’immobilisme, donc à sa détérioration progressive ;

– l’avancée faciale définitive doit être renvoyée aux alentours de la 12e année, selon un tracé de Le Fort III.

À ce stade, la correction est habituellement stable et peut bénéficier du concours de l’orthodontie.

Il est à penser que ces protocoles seront modifiés dans les années à venir par l’introduction du nouveau procédé thérapeutique que représente la distraction osseuse au niveau craniofacial.

Dysostoses :

Les déformations du squelette par déficience intrinsèque du tissu osseux, ou dysostose, peuvent siéger indifféremment ou simultanément au niveau de l’orbite, du nez, du maxillaire ou de la mandibule.

Dans un but pragmatique, nous retiendrons trois localisations permettant de mettre en exergue les principaux protocoles thérapeutiques.

Il s’agit :

– des méningoencencéphalocèles par brèche ostéoméningée ;

– les dysostoses centrofaciales ;

– les dysostoses latérofaciales.

A - Brèches osseuses ostéoméningées :

Occupées par une hernie méningoencéphalique de localisation frontonasale, frontoethmoïdale, médiale ou latérale, elles créent, de par cet obstacle et du fait de la dysostose, des déformations interorbitaires et médiofaciales parfois majeures.

Leur réparation impose une réintégration du tissu hernié, ou sa résection lorsqu’il s’agit de névroglie non fonctionnelle, une réfection du sac méningé par une plastie de péricrâne, ainsi que de la brèche osseuse par un greffon provenant habituellement de la voûte.

Cette intervention, menée par double voie endocrânienne et faciale, souvent réalisée à partir du sixième mois, n’autorise pas toujours la correction définitive de la dislocation orbitonasale avec augmentation de la distance interorbitaire.

La correction de l’hypertélorisme interorbitaire ou orbitaire résiduel, souvent asymétrique, associée à une rhinoplastie reconstructive, s’impose dans un deuxième temps.

B - Dysostoses centrofaciales :

Elles regroupent une grande variété d’expression clinique, depuis l’hypertélorisme interorbitaire, jusqu’aux grandes dysostoses mixtes, précédemment citées, telles que la maladie de Crouzon ou le syndrome d’Apert.

Au niveau orbitaire, la déformation prédomine dans le sens transversal, qu’elle soit symétrique ou asymétrique, limitée à la région interorbitaire (hypertélorisme interorbitaire) ou réalisant une dystopie vraie des orbites (téléorbitisme de Tessier).

Ces modifications de la situation spatiale des orbites se corrigent en déplaçant celles-ci vers la ligne médiane.

Ce geste chirurgical doit être envisagé au-delà de la quatrième année, pour des raisons de structure et de cohésion osseuse.

Le résultat dépend, non seulement de la bonne reposition des orbites et de la réduction de la distance intercanthale, mais aussi de la projection du nez.

La morphologie initiale de la pyramide nasale est prise en considération au moment du tracé de l’ostéotomie orbitaire.

Une rétrusion nasale majeure, associée à un téléorbitisme sévère, justifient une résection interorbitaire et une reconstruction par greffe osseuse.

À l’opposé, une projection nasale suffisante et un l’hypertélorisme modéré feront opter pour une résection paramédiane conservatrice des structures médionasales.

Quoiqu’il en soit, la rhinoplastie reste un geste essentiel, souvent à renouveler ultérieurement car la croissance du nez est, le plus souvent, insuffisante à moyen terme dans ces formes.

Certaines formes majeures réalisant une véritable duplication faciale doivent bénéficier précocement, habituellement vers l’âge de 1 an, d’un geste majeur mais efficace : la bipartition faciale.

C - Dysostoses latérofaciales :

Elles affectent l’étage latéral, maxillomandibulaire et pétreux, atteignant séparément ou conjointement l’orbite externe et le zygoma, la branche montante de la mandibule ; les déformations pouvant être unilatérales (syndrome otomandibulaire et microsomie hémifaciale) ou bilatérales (syndrome de Franceschetti ou Treacher-Collins).

L’oreille externe participe, à des degrés divers, au tableau malformatif, le pavillon auriculaire pouvant être en situation anormale, de dimension réduite, voire rudimentaire ou absent.

La reconstruction osseuse est différemment considérée selon que l’on s’adresse à la région orbitaire externe ou à la mandibule

La région orbitozygomatomalaire peut être reconstruite précocement à l’aide de greffons osseux prélevés sur la voûte ou de transferts ostéomusculaires pédiculés sur le muscle temporal.

Ces gestes doivent être associés à une reposition du canthus externe et de la paupière inférieure.

La reconstruction mandibulaire a été réalisée, au fil du temps, par de très nombreux procédés allant de la simple greffe osseuse ou ostéochondrale, au lambeau composite microanastomosé.

La détérioration des résultats dans le temps conduit, d’ordinaire, à différer ces interventions.

L’asymétrie faciale habituellement associée, du fait du retentissement d’une mandibule asymétrique sur la croissance maxillaire, voire de l’atteinte dysostosique de ce dernier, peut faire l’objet :

– de traitements orthopédiques associés à la reconstruction mandibulaire, réalisés le plus souvent à partir d’une greffe chondrocostale ;

– d’ostéotomies symétriques ou asymétriques maxillomandibulaires, de type Le Fort I pour la correction du sens vertical, ou Le Fort II, lorsque la correction doit être faite dans les trois sens de l’espace.

Les techniques de distraction osseuse mandibulaire, voire bimaxillaire, introduites récemment dans l’arsenal thérapeutique, représentent incontestablement une voie thérapeutique d’avenir.

Ces procédés, basés sur le principe de l’ostéogenèse par distraction osseuse sont remarquablement adaptés à la rééquilibration squelettique des enfants.

L’action sur le squelette mandibulaire s’accompagne d’une expansion des parties molles et autorise une compensation spontanée ou accompagnée par un appareillage orthodontique au niveau du maxillaire supérieur.

Chez l’adolescent et l’adulte, la rééquilibration des parties molles doit accompagner, dans les formes sévères, celle du squelette.

La correction simultanée de l’étui cutané déficitaire et des plans sousjacents hypoplasiques est habituellement confiée à un lambeau musculocutané, le grand dorsal répond habituellement à cet objectif.

La galéa, de par sa proximité et sa richesse vasculaire, est aussi un matériau de choix pour la couverture des greffes osseuses et l’harmonisation du galbe génien.

Son utilisation doit cependant être des plus parcimonieuses, voire proscrite en cas de microtie, de façon à ne pas se priver de ce précieux fascia pour protéger la maquette cartilagineuse au moment de l’otopoïèse que l’on réalise vers l’âge de 8 à 9 ans.

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