Malformations craniofaciales
Cours d'Ophtalmologie
Définition
:
Les malformations craniofaciales peuvent être divisées en trois
catégories.
A - DYSOSTOSES CRÂNIENNES ET CRANIOFACIALES :
Ce sont des craniosynostoses ou cranio-facio-synostoses par sutures
prématurées des os du crâne, voire de la face.
Les plus fréquentes
sont la plagiocéphalie, la maladie de Crouzon, le syndrome d’Apert.
Lorsque l’atteinte est isolée au niveau de la voûte, c’est une
synostose crânienne.
Lorsqu’il s’agit d’un syndrome plus complexe,
touchant crâne et face, on parle de synostose craniofaciale, voire
encore de cranio-facio-sténose.
B - SYNDROMES DE FENTE FACIALE :
Ils associent des atteintes osseuses et des atteintes des parties molles.
Ces fentes faciales ont été bouleversées par la nouvelle classification
de Paul Tessier.
C - HYPERTÉLORISME :
L’hypertélorisme (HTO), ou syndrome de Greig, se traduit par
une augmentation de la distance interorbitaire moyenne (DIO)
mesurée entre les deux orbites osseuses par une téléradiographie à
4 m en prenant comme repère la paroi interne de l’orbite.
En définitive, si l’on étudie ces principales malformations craniofaciales selon les trois plans de l’espace, on peut définir là
encore trois catégories :
– les anomalies du plan sagittal, avec les cranio-facio-sténoses de la
maladie de Crouzon et d’Apert ;
– les anomalies du diamètre vertical, comme les plagiocéphalies et
dystopies orbitaires ;
– les anomalies du diamètre transversal, comme l’hypertélorisme ou télorbitisme.
Dysostoses crâniennes
et craniofaciales :
Ces malformations congénitales sont fréquentes (1/1 000
naissances).
Il en résulte deux conséquences majeures, l’une
morphologique liée à la déformation craniofaciale spécifique,
fonction d’une ou de plusieurs sutures concernées, l’autre
fonctionnelle, qu’il s’agisse d’un trouble du développement du
cerveau, avec hypertension intracrânienne, de problèmes
ophtalmologiques et neuro-ophtalmologiques, liés à la configuration
anatomique de l’orbite et du crâne, les principales atteintes
ophtalmologiques étant la baisse d’acuité visuelle par atteinte du
nerf optique, ou par exposition cornéenne, suite à une exophtalmie
voire un exorbitisme, les troubles oculomoteurs associés.
Les conséquences fonctionnelles peuvent être aussi d’ordre
respiratoire, dans le cadre des cranio-facio-sténoses.
À l’heure actuelle, la chirurgie précoce, dès les premiers mois de la
vie, permet de lever ces complications.
A - PRINCIPAUX ASPECTS CLINIQUES :
Certaines formes rares ont peu de retentissement sur l’oeil et ses
annexes.
Ce sont la scaphocéphalie, la trigonocéphalie, la
brachycéphalie, l’oxycéphalie, le crâne en « trèfle ».
B - MALADIE DE CROUZON :
Il s’agit d’une dysostose craniofaciale de type acrobrachycéphalie,
d’origine héréditaire, à transmission autosomale dominante, encore
qu’il existe des cas sporadiques.
L’atteinte siège au niveau
des sutures coronales et sagittales du crâne, plus rarement les
sutures lambdoïdes.
Au niveau de la face, l’hypoplasie frontale, sphénoïdale, ethmoïdienne et maxillaire, rend compte de la rétraction
nasomaxillaire, des troubles de l’articulé dentaire et des troubles
respiratoires.
L’exophtalmie constante, d’importance variable, s’explique par
l’étroitesse de la cavité orbitaire, en rapport avec le déplacement du
sphénoïde en avant, la poussée du cerveau en arrière, l’hypoplasie
faciale.
L’hypertélorisme et la divergence des axes orbitaires sont fréquents.
Les signes ophtalmologiques sont directement liés à la synostose craniofaciale : baisse d’acuité visuelle en rapport avec une
compression du nerf optique, une hypertension intracrânienne, une
exposition cornéenne du fait de l’exophtalmie ; troubles
oculomoteurs par l’hypoplasie musculaire d’origine mésodermique,
ou par malposition des globes oculaires, directement en rapport avec
une malposition orbitaire.
C - SYNDROME D’APERT :
Il fait partie du groupe des acrocéphalosyndactylies.
Il se rapproche
de la maladie de Crouzon et associe une déformation craniofaciale
de type acrobrachycéphalie ou oxycéphalie, une syndactylie des
mains et des pieds.
Le crâne est aplati en arrière et très saillant en
avant dans la région frontale.
L’hypertélorisme et l’exophtalmie sont moins marqués que dans la
maladie de Crouzon.
Les fentes antimongoloïdes sont plus
fréquentes.
L’hypoplasie de l’étage moyen de la face
explique les anomalies palatines dentaires, occasionnant des troubles
de l’articulé dentaire.
Des anomalies cardiaques et viscérales sont souvent associées.
Sur
le plan cérébral, l’hydrocéphalie et le retard mental ne sont pas rares.
L’oeil et ses annexes sont atteints, au même titre que dans la maladie
de Crouzon, en particulier, on retrouve des agénésies de certains
muscles (droit supérieur, oblique supérieur), par atteinte
mésodermique.
La transmission se fait sur un mode héréditaire autosomal
dominant, avec une fréquence élevée de cas sporadiques.
D - PLAGIOCÉPHALIE :
Elle est liée à une synostose prématurée de la suture coronale d’un
seul côté, occasionnant une déformation asymétrique, avec du côté
atteint une région frontale aplatie et oblique en dehors ;
l’orbite est ovalaire, à grand axe oblique dirigé en haut et en dehors, responsable d’une ascension du sourcil, du globe oculaire,
qui paraît situé plus haut que le côté controlatéral, sans
obligatoirement un strabisme.
L’aspect peut être caractérisé par une dystopie oculo-orbitaire.
Du côté sain, le rebord orbitaire supérieur est beaucoup plus saillant,
le sourcil est plus bas ; à la radiographie, la petite aile du sphénoïde
est surélevée et verticalisée, l’orbite est très agrandie, avec un axe
oblique en haut et en dehors et un toit surélevé.
E - SIGNES NEUROLOGIQUES ET OPHTALMOLOGIQUES
DES DYSOSTOSES CRÂNIENNES ET CRANIOFACIALES :
Cette symptomatologie peut être faite de signes associés aux
malformations, ou plus fréquemment, les conséquences de ces
malformations squelettiques retentissent sur le cerveau et l’appareil
oculaire.
1- Atteintes neurologiques
:
Les céphalées seraient présentes dans plus de 50 % des cas sans
aucun parallélisme avec l’importance de la synostose.
Les crises d’épilepsie sont retrouvées, avec une prédominance dans
l’oxycéphalie, surtout lorsqu’il existe une hypertension
intracrânienne.
L’électroencéphalogramme est souvent perturbé,
sans anomalie clinique décelable.
On note aussi fréquemment des retards psychomoteurs, des retards
staturaux, comme un retard staturopondéral, en rapport avec des
troubles de la croissance, des troubles endocriniens, notamment
dans l’oxycéphalie, dans les acrobrachycéphalies.
L’hypertension intracrânienne est le signe essentiel à rechercher
devant toute craniosténose.
Cette hypertension s’installe
progressivement et est directement liée à l’incapacité de
compensation de sutures perméables, lors de l’expansion du volume
crânien.
Ainsi, le risque est maximal pendant les années de
croissance rapide de l’encéphale, donc jusqu’à 3 ans environ,
puisqu’il atteint 80 % de son volume.
L’hypertension intracrânienne
est d’autant plus grave s’il s’agit de synostoses multiples, comme
l’oxycéphalie, la brachycéphalie, surtout d’une synostose du cintre
coronal.
Cette hypertension intracrânienne, avec hydrocéphalie, peut parfaitement rester asymptomatique, comme s’accompagner de
céphalées, d’épilepsie, d’un retard psychomoteur ou staturopondéral.
L’absence de parallélisme anatomoclinique rend indispensable la
mesure de la pression intracrânienne.
2- Signes ophtalmologiques
:
L’acuité visuelle peut être touchée, soit par atteinte du nerf optique,
comme en témoigne un oedème papillaire, liée à une hypertension
intracrânienne surtout rencontrée dans l’oxycéphalie et la maladie
de Crouzon.
Un geste de cranioplastie, de dérivation, de
décompression des méninges peut s’imposer.
Il peut s’agir aussi d’une atrophie optique, soit d’origine primitive
par compression du nerf optique dans son canal trop étroit ou
déformé, soit plus fréquemment d’atrophie postoedémateuse, suite
à une hypertension intracrânienne passée inaperçue.
Sont
responsables avant tout, l’oxycéphalie, la maladie de Crouzon et le
syndrome d’Apert.
La fonction visuelle peut être atteinte par kératopathie d’exposition,
voire par certaines anomalies du segment antérieur associées.
Ces kératopathies d’exposition sont la conséquence de l’exophtalmie par
réduction du contenant orbitaire osseux, avec rétrusion du massif
facial.
La distance interorbitaire peut être soit augmentée comme dans
l’hypertélorisme, soit diminuée dans l’hypotélorisme, rencontré dans
40 % des trigonocéphalies.
Les troubles oculomoteurs sont extrêmement fréquents au cours des
dysostoses crâniennes et craniofaciales.
Leur fréquence varie avec
les différents types de dysostoses, le nombre le plus important de
ces strabismes se trouvant parmi les plagiocéphalies, les syndromes
d’Apert et la maladie de Crouzon.
Le plus souvent, on observe un
strabisme divergent, auquel s’associe un syndrome V, avec au cours
des versions latérales, une élévation de l’oeil en adduction.
Ce
strabisme peut être alternant, comme s’associer à une amblyopie
relative.
Pour certains, ce tableau est caractéristique d’une extorsion
oculaire, accompagnée au fond d’oeil d’une pseudoectopie
maculaire, qui va ici de pair avec une extorsion des orbites,
dont la divergence est généralement plus grande dans la partie
frontale que maxillaire.
Les actions de tous ces muscles sont donc
modifiées du fait de cette extorsion, les muscles droits horizontaux
devenant des muscles obliques, le muscle droit externe s’insérant
plus bas que le droit interne.
Ces types d’anomalies ont été
rencontrés essentiellement dans les cranio-facio-sténoses et les
hypertélorismes, associées à des fentes antimongoloïdes.
D’autres explications sont avancées concernant la modification de
l’arc de contact entre les muscles et la sclère.
Ainsi, dans
l’exorbitisme, avec un plancher orbitaire court, l’oeil est localisé dans
une partie trop antérieure.
Il en résulte une augmentation de l’arc
de contact entre le muscle oblique inférieur et le droit inférieur,
entraînant une hyperaction de ces muscles, pouvant expliquer le
syndrome V et la double hyperaction des obliques inférieurs.
Il n’en
reste pas moins que la divergence oculaire n’accompagne pas
systématiquement les cranio-facio-sténoses, qu’il existe
d’authentiques strabismes convergents avec limitation de
l’abduction.
Tous les strabismes ne peuvent être expliqués par la
dysmorphie orbitaire des maladies de Crouzon et des syndromes
d’Apert, mais peuvent être bien d’origine sensorielle.
Enfin, il existe d’authentiques strabismes verticaux, sous forme
d’hypotropie, liés à une agénésie du droit supérieur,
rencontrés dans les syndromes d’Apert.
Retenons donc la fréquence extrêmement importante des troubles
oculomoteurs dans les cranio-facio-sténoses, l’association de
plusieurs facteurs pathogéniques : agénésie musculaire, malposition
des globes oculaires et des muscles induite par la malposition
orbitaire, mais aussi troubles sensoriels associés.
Les plagiocéphalies sont responsables de nombreux troubles
oculomoteurs.
La principale caractéristique est un trouble oculomoteur vertical,
sous forme d’une hypertropie du côté de la plagiocéphalie, avec
hyperaction de l’oblique inférieur homolatéral, et insuffisance de
l’oblique supérieur.
Parfois, une déviation horizontale s’y associe.
Dans la série de
Morax, 15 hypertropies ont été retrouvées sur 23 cas.
Ces hypertropies sont visibles en position primaire ou parfois
uniquement visibles dans les directions nasales du regard.
L’amblyopie n’est pas rare.
Plusieurs mécanismes peuvent être invoqués, tout d’abord le rôle
de l’extorsion orbitaire, avec syndrome unilatéral de pseudoectopie
maculaire.
D’autres auteurs considèrent que l’hyperaction
de l’oblique inférieur, du côté de la plagiocéphalie, est liée à
l’inégalité de l’angle que forment obliques inférieur et supérieur
avec l’axe optique.
Limon de Brown suggère qu’il existe une limitation mécanique de
l’élévation de l’oeil opposé, par la saillie du rebord orbitaire
supérieur, qui simule une paralysie du droit supérieur.
Il s’agirait
donc d’une hyperaction de l’oblique inférieur du côté atteint,
secondaire.
D’autres auteurs accordent un rôle pathogénique
important à la faiblesse de l’oblique supérieur, moins par perte de
son parallélisme avec l’oblique inférieur que du fait du recul du bord
supérieur de l’orbite, par rapport à l’équateur du globe.
La sagittalisation du muscle oblique, proposée par Gobin,
s’applique parfaitement bien à la plagiocéphalie.
La perte du
parallélisme entre les muscles obliques supérieurs et inférieurs
survient lors du développement des os maxillaires et frontaux, qui
ont une origine embryologique différente.
Dans la dystopie orbitaire
ou plagiocéphalie, la malformation osseuse conditionne une perte
de parallélisme des muscles obliques, le muscle oblique inférieur
étant plus sagittal que le muscle oblique supérieur.
Ces anomalies verticales très fréquentes peuvent être responsables
d’amblyopie et certains auteurs proposent d’intervenir rapidement
sur les plagiocéphalies, avant l’âge de 6 mois.
À l’heure actuelle, aucun travail ne prouve qu’un traitement
chirurgical précoce évite une éventuelle amblyopie.
Fentes faciales et craniofaciales
:
En 1976, Paul Tessier a proposé une nouvelle classification
anatomique, ainsi qu’une tentative de systématisation du traitement
chirurgical des fentes faciales et craniofaciales.
Cette classification utilise un système numérique de 0 à 14, touchant
toutes les fentes s’articulant autour de l’orbite.
On parle de fentes faciales quand elles touchent aussi bien l’orbite
osseuse et les paupières que les lèvres et les maxillaires.
On parle de
fentes latérofaciales essentiellement dans les fentes n° 6, 7 et 8.
On parle de fentes orofaciales dans les n° 3, 4 et 5.
Les fentes craniofaciales sont des fentes qui se prolongent vers le
crâne.
En résumé, les fentes portant un numéro à un chiffre sont dites
faciales, touchant orbite, oeil, paupière inférieure, voies lacrymales,
maxillaires, oreilles.
Elles peuvent entraîner des manques tissulaires
et parfois des formations en excès, souvent des tissus normaux
ectopiques (choristomes).
Les fentes portant un numéro à deux chiffres ont un prolongement
vers le crâne, et doivent faire rechercher une anomalie de la partie
de l’encéphale correspondant à la crête neurale en cause.
Aujourd’hui, les progrès de la neuroradiologie et notamment de la
tomodensitométrie avec reconstruction tridimensionnelle ont
apporté un complément d’informations essentiel, et rendent ces
examens actuellement indispensables, permettant d’améliorer encore
les modalités thérapeutiques et les résultats dans la chirurgie
réparatrice cranio-orbito-faciale.
1- Fentes n° 0, 1, 2
:
Elles n’ont aucune manifestation ophtalmologique.
Leur
prolongement crânien en fentes 12, 13 et 14 entraîne un
hypertélorisme, une possibilité de fente de l’arcade sourcilière,
exceptionnellement des atteintes oculaires associées.
2- Fentes n° 3, 4 et 5
:
Ce sont des fentes orofaciales, ou encore fentes orbitomaxillaires.
La fente n° 3 est une fente orbitomaxillaire interne.
Elle passe au
niveau du segment lacrymal de la paupière inférieure.
Elle déplace
le canthus interne vers le bas, le rapproche de l’aile du nez qui est
ascensionnée. La microphtalmie peut être présente.
La fente traverse
la lèvre et le mur alvéolaire, comme un bec-de-lièvre.
Le
prolongement crânien de cette fente en fait la fente 3, 11.
La fente n° 4, ou encore orbitomaxillaire médiane, traverse presque
verticalement le segment lacrymal de la paupière inférieure, le
rebord infraorbitaire, le plancher de l’orbite, en dedans du nerf sousorbitaire.
En bas, elle passe par le sinus maxillaire, avant de rejoindre
la lèvre entre filtrum et commissure, ainsi que le mur alvéolaire.
Les
formes bilatérales ne sont pas rares. L’extension vers le crâne en fait
la fente 4, 10.
La fente n° 5 est une fente orbitomaxillaire externe, exceptionnelle.
Elle se traduit par un colobome du tiers moyen de la paupière
inférieure, donnant sur la joue un sillon se dirigeant vers la
commissure labiale.
La microphtalmie est fréquente.
Au niveau
osseux, la fente passe par le rebord infraorbitaire, le plancher, le
maxillaire en dehors d’un nerf sous-orbitaire, puis franchit le mur
alvéolaire en région prémolaire.
3- Fentes n° 6, 7 et 8
:
Ce sont des fentes latérofaciales qui, lorsqu’elles sont assemblées,
constituent le syndrome de Franceschetti. Le syndrome de
Franceschetti, le syndrome de Goldenhar et le syndrome
otomandibulaire (SOM) sont actuellement réunis dans le groupe des
microsomies latérofaciales (MLF) antérieurement classées sous le
vocable syndrome du premier et deuxième arc.
La fente n° 6
appartient au syndrome de Franceschetti, la fente n° 7 correspond
plus spécifiquement au SOM et la n° 8 au syndrome de Goldenhar.
La fente n° 6 est une fente intermaxillozygomatique, isolée ou plus
volontiers associée aux fentes n° 7 et 8.
Elle appartient au groupe de
nombreux tableaux cliniques du syndrome de Franceschetti-Treacher
Collins.
Le colobome de la paupière inférieure siège entre le tiers
moyen et le tiers externe.
Il se prolonge par un sillon sclérodermique
jugal, atteignant la commissure labiale ou l’angle mandibulaire ; s’y
associent ectropion et orientation antimongoloïde des fentes
palpébrales.
La fente n° 7 correspond au syndrome otomandibulaire et peut
participer au syndrome de Franceschetti.
Cette fente temporozygomatique se traduit par une atrophie de l’arcade
zygomatique, une hypoplasie du maxillaire, une branche montante
de la mandibule très courte, une légère dystopie de l’orbite.
Les
anomalies des parties molles comportent microtie, atrophie ou
absence du muscle temporal, macrostomie, enchondrome prétragien.
La patte des cheveux est anormale.
La fente n° 8 est une fente frontozygomatique, commune au
syndrome de Franceschetti-Treacher Collins et Goldenhar.
Les
déficits osseux sont plus marqués dans le syndrome de Franceschetti-Treacher Collins que dans le syndrome de Goldenhar,
où les malformations des parties molles sont prédominantes.
Il existe en effet une absence totale de paroi externe de l’orbite, qui
reste constituée par la grande aile du sphénoïde.
On peut noter un
colobome du canthus externe, une microphtalmie, la présence de
dermoïdes épibulbaires, de dermolipomes, volontiers dans les fornix
inférieurs et inféroexternes.
Une paralysie faciale périphérique n’est
pas rare.
4- Fente n° 9
:
La fente n° 9 est orbitaire supéroexterne.
Elle s’accompagne
d’anomalies du canthus externe, sans véritable colobome.
Elle est
responsable d’une asymétrie faciale, ressemblant à la plagiocéphalie.
La microphtalmie peut être présente.
5- Fente n° 10 :
La fente n° 10 prolonge éventuellement la fente n° 4 et peut se
traduire par un colobome du tiers moyen de la paupière supérieure,
allant jusqu’à l’ablépharie.
Elle peut se prolonger au niveau du
sourcil. Le globe oculaire peut être atteint sous forme d’un colobome
irien, d’une déviation strabique.
6- Fente n° 11
:
La fente n° 11 est la prolongation crânienne de la fente n° 3.
Elle se
traduit par un colobome du tiers interne de la paupière supérieure,
qui peut s’étendre au sourcil et qui peut s’accompagner d’une
anomalie de la ligne antérieure des cheveux et un front plat.
Hypertélorisme ou syndrome de Greig
:
Il s’agit d’une malformation congénitale caractérisée par une
distance anormalement exagérée entre les deux orbites.
Le diagnostic d’hypertélorisme orbitaire repose sur la
téléradiographie.
Actuellement, le scanner avec reconstruction
tridimensionnelle permet de mesurer parfaitement l’écart interorbitaire entre les deux parois internes de l’orbite.
Ces valeurs
normales sont de 20 mm chez le nourrisson, 24 mm chez l’enfant,
30 mm chez l’adulte.
Cet hypertélorisme doit être différencié des
simples télécanthus (élargissement intercanthal sans atteinte
osseuse), des augmentations de distance interpupillaire qui peuvent
être liées à une exotropie.
L’espace interorbitaire se développe comme l’ethmoïde, le frontal, et
accessoirement comme le maxillaire.
Il dépend donc de la résistance
de ces derniers aux forces divergentes actives, qui sont :
– une poussée encéphalique exagérée par une hypertension
intracrânienne, par une tumeur comme une encéphalocèle ;
– une pneumatisation ethmoïdofrontale.
Ainsi, tout ce qui affaiblit la partie centrale du squelette craniofacial
(fentes ou fissures) ou exagère les poussées, favorise
l’hypertélorisme.
Il semble cependant que la cause directe paraît
bien résider dans une malformation primitive de la base antérieure,
comme la plupart des syndromes fissuraires ou des craniosynostoses.
Ce syndrome est commun à des malformations crâniennes et
faciales, rencontrées notamment dans les dysostoses crâniennes, type plagiocéphalie, craniofaciales (maladie de Crouzon, syndrome
d’Apert), mais aussi les fentes craniofaciales 0-14, 1-13, 2-12, 3-11.
Nous en rapprocherons les traumatismes (bien que l’on parle plus d’un télécanthus post-traumatique que d’un véritable
hypertélorisme), mais aussi certaines pathologies tumorales, comme
une dysplasie fibreuse.
Traitement des malformations craniofaciales
:
Nous n’en donnerons que les lignes directrices, étant donné la
complexité de ces traitements chirurgicaux.
Nous renvoyons le
lecteur au rapport de la Société française d’ophtalmologie de 1977,
qui traite abondamment de ce sujet.
A - DYSOSTOSES CRÂNIENNES
ET CRANIOFACIALES. HYPERTÉLORISME
:
Les lignes directrices de base du traitement visent à déplacer la
partie fonctionnelle de l’orbite (orbite utile), c’est-à-dire celle où est
localisé le globe oculaire, soit les parois orbitaires situées en arrière
de l’équateur des globes.
Ce déplacement orbitaire peut être fait dans les trois plans de
l’espace, dans le sens transversal lors de l’hypertélorisme,
dans le sens vertical au cours d’une plagiocéphalie ou
dystopie orbitaire, dans le plan sagittal au cours des craniosténoses
et des cranio-facio-sténoses, comme la maladie de Crouzon
et le syndrome d’Apert.
L’objectif de ce traitement est de rétablir un contenant orbitaire
osseux de volume normal, permettant ainsi au contenu orbitaire de
reprendre sa place dans les trois plans de l’espace.
Le résultat est
donc à la fois fonctionnel et esthétique.
Outre ce traitement craniofacial, le traitement chirurgical doit
comporter un traitement crânien dans les craniosynostoses, responsables
d’hypertension intracrânienne.
Ce traitement doit être précoce, pour éviter à la fois
l’hypertension intracrânienne et les compressions des nerfs
optiques, sources d’atrophie optique.
1- Cranio-facio-sténoses, maladie de Crouzon,
syndrome d’Apert
:
Le but de l’intervention est de redonner un profil normal à la partie
médiane du visage, rétablir l’occlusion dentaire, augmenter la
profondeur de l’orbite, par une disjonction craniofaciale, à la fois
interfrontofaciale et interptérygomaxillaire.
En même temps, on rétablit les dimensions verticales de massif
facial, on assure le développement des voies aériennes supérieures
et surtout, on agrandit le volume crânien, pour lutter contre
l’hypertension intracrânienne.
* Technique
:
Nous ne décrirons ici que l’avancement médian par une ostéotomie
type Tessier-Le Fort III.
Les différents temps sont listés
ci-dessous.
+
Par voie coronale :
– Taille de la face externe de l’orbite dans la gouttière rétromalaire.
– Disjonction de la suture temporozygomatique.
– Puis, sur l’os frontal, réalisation d’un éperon frontal vertical
profond, ou un croissant frontal transversal, derrière lequel sont
placées les greffes osseuses, qui empêchent son recul.
– Sur l’aire fronto-naso-orbitaire, section verticale des parois
orbitaires médianes, jusqu’au plancher, 10 mm en arrière des crêtes
lacrymales postérieures.
– Au centre, on pratique une ostéotomie infrabasale, parallèle à la
fente de la base crânienne antérieure.
+ Par voie orale
:
Une disjonction interptérygomaxillaire, en hypercorrigeant d’au
moins 10 mm, est pratiquée.
De cette manière, sept diastasis se forment : un frontonasal central,
deux frontolatéraux, deux zygomatiques, deux rétromaxillaires, qui
tous devront être comblés par des greffes osseuses.
Tout en obturant ces diastasis orbitaires, les greffes osseuses assurent
le modelé des zones atrésiques : glabelle, arcade sourcilière, arcade
zygomatique, rebord infraorbitaire.
Les ostéosynthèses par plaques vissées assurent de manière
définitive la fixation des zones reconstruites.
Concernant l’occlusion dentaire, les procédés diffèrent.
Chez
l’adulte, on recherche une normocclusion ; chez l’enfant, on recherche une
hypercorrection sagittale de 6 mm, afin d’assurer un espace
nécessaire aux poussées dentaires et à l’orthodontie.
2- Plagiocéphalie :
La dystopie orbitaire congénitale des craniosténoses unilatérales
(plagiocéphalie) est toujours la conséquence d’une autre
malformation, qui doit être systématiquement dépistée, ainsi que ses
retentissements.
Le traitement consiste en un relèvement monobloc de l’orbite
controlatérale à la plagiocéphalie, par ostéotomie frontale et malaire,
puis un repositionnement correct complété par greffes osseuses,
pour remodeler les zones hypoplasiques et déplacées.
L’orbite doit être relevée dans sa totalité en un ou deux fragments.
* Par voie coronale et intracrânienne :
La base crânienne est exposée depuis la crista galli jusqu’au bord
postérieur de la petite aile.
Les ostéotomies obliques ou en gradin
sont tracées sur le frontal et le malaire de façon à assurer la
mobilisation monobloc de l’orbite.
L’ostéotomie faciale inférieure passe à deux niveaux différents :
latéralement, elle est oblique et siège relativement haut sur le
malaire ; en dedans, elle est transversale, se dirigeant vers le méat
inférieur.
Le positionnement de l’orbite ne se limite pas au seul relèvement.
Dans le même temps, un déplacement transversal peut corriger un
hypertélorisme.
Un déplacement postéroantérieur entraîne une énophtalmie qui est
corrigée par des greffes osseuses.
Une rotation autour d’un axe antéropostérieur relève davantage le
quadrant externe, toujours plus abaissé que le quadrant interne.
Une rotation autour d’un axe vertical, passant par l’apophyse frontomaxillaire, permet d’avancer le malaire hypoplasique.
Enfin, une rotation autour d’un axe horizontal permet de relever le
rebord orbitaire plus affaissé que les parois.
* Variantes :
Au relèvement monobloc de l’orbite abaissée, peut être proposé, par
la même voie intracrânienne, l’abaissement monobloc de l’orbite
surélevée (du même côté que la craniosténose).
3- Hypertélorisme :
La correction de l’hypertélorisme repose sur la réduction de la
distance interorbitaire.
La technique la plus courante est
le déplacement transversal des orbites par voie intracrânienne, grâce
à des ostéotomies des quatre parois orbitaires.
La résection centrale porte sur l’os frontal, les os du nez, les
apophyses frontomaxillaires et l’ethmoïde.
La résection antérieure est complétée par la résection des masses
latérales de l’ethmoïde et des structures intranasales : septum,
vomer, cornets inférieur et moyen, bord de l’orifice piriforme.
Les canthopexies internes transnasales permettent le rapprochement
des orbites sur la ligne médiane, l’avancement du muscle temporal
et la suture de l’aponévrose temporale au pli externe de l’orbite et à
la crête temporale.
Les divers déficits et l’arête nasale doivent être parfaitement
restaurés par des greffes osseuses.
Il existe bien sûr de nombreuses variantes chirurgicales, que ce soit
par la voie d’abord extracrânienne, par les types d’ostéotomie,
fonction des formes anatomocliniques.
4- Opérations combinées
:
Les ostéotomies monobloc de l’orbite peuvent être réalisées aussi
bien dans les plans sagittaux, verticaux que transversaux, selon
l’importance de la cranio-facio-sténose, de la plagiocéphalie, ou de
l’hypertélorisme.
Aussi, toutes les combinaisons sont possibles, selon les formes anatomocliniques de ces malformations craniofaciales.
S’il existe une hypertension intracrânienne, la craniotomie faite par
le neurochirurgien doit tenir compte des interventions futures dans
la région orbitofrontale et dans la région faciale.
En cas d’hypertélorisme secondaire à une fente craniofaciale, cette
dernière doit être fermée dans le même temps, ou secondairement à
la correction de l’hypertélorisme.
En fait, dans cet hypertélorisme,
les interventions secondaires sont inévitables : restauration de
l’occlusion palpébrale, fermeture des fentes maxillopalatines.
En cas de cranio-facio-sténose et de dystopie orbitaire, il est
important du point de vue esthétique et fonctionnel, de corriger
dans le même temps, ou secondairement, les malformations du nez,
du menton, des canthi internes et les troubles de la motilité, tels
strabisme et ptôsis.
5- Opérations secondaires
:
Ce sont tous les gestes chirurgicaux, faits dans un deuxième temps,
qui complètent le remodelage osseux orbitaire, et qui agissent
essentiellement sur les parties molles au niveau du nez, du menton,
des canthi internes, du globe oculaire, du strabisme, des paupières.
6- Date d’intervention
:
Hormis les cas d’interventions extrêmement précoces du fait d’un
risque fonctionnel lié à une hypertension intracrânienne ou à une
exophtalmie avec exposition du globe oculaire, voire à un problème
respiratoire, la plupart des auteurs semblent préférer des
interventions entre l’âge de 3 et 5 ans.
Les principes thérapeutiques sont dans un premier temps de traiter
les déformations osseuses et de clore les déficits des fentes, en
sachant que lors de la première intervention, le maximum de gestes
doit être fait, car les révisions secondaires de la région orbito-craniofaciale
sont beaucoup plus difficiles du point de vue technique.
Concernant les opérations secondaires, notamment une éventuelle
correction d’un strabisme, ces opérations doivent être réalisées au
moins 6 mois après la translation orbitaire, en particulier lorsque le
strabisme est stabilisé.
Il est des cas où certaines opérations ont précédé les ostéotomies
monobloc de l’orbite.
Il peut s’agir alors au préalable d’une
restauration d’une parfaite occlusion palpébrale, comme un
colobome, une fermeture d’une fente maxillopalatine, un éventuel
renforcement d’une dure-mère, une correction d’un strabisme
lorsque la chirurgie osseuse orbitaire est programmée après la
première dentition.
B - FENTES FACIALES ET CRANIOFACIALES :
Les objectifs du traitement sont de restaurer les déficits du squelette
osseux par des ostéotomies et des greffes osseuses et de corriger les
anomalies des parties molles, en particulier des fentes par des
lambeaux cutanés ou musculocutanés divers.
Ces différents temps
osseux et des parties molles peuvent parfois être faits dans le même
temps.
Lorsque la fente est fermée, d’autres gestes chirurgicaux
complémentaires peuvent être faits au niveau du front, du sourcil,
du globe oculaire, des paupières, des voies lacrymales, du nez, etc.
1- Syndrome de Franceschetti-Treacher Collins
:
Le syndrome de Franceschetti-Treacher Collins (dysostose
mandibulofaciale) est une dysgénésie à hérédité autosomale
dominante, avec une forte pénétrance et une expressivité variable,
mais il existe de nombreux cas sporadiques.
Ce syndrome, classé dans les syndromes du premier arc, et
actuellement dans les syndromes de fentes latérofaciales 6, 7 et 8,
est caractérisé par une micrognatie, des déformations de l’oreille
externe, une agénésie ou hypoplasie du malaire et de l’arcade
zygomatique, des fentes palpébrales antimongoloïdes, parfois une
surdité partielle ou totale.
Les principales manifestations ophtalmologiques sont un colobome
de la paupière inférieure dans son tiers externe, en regard de la fente
n° 6, avec comme conséquence une fente antimongoloïde, une
irrégularité de la ligne ciliaire, des colobomes iriens, parfois une
microphtalmie, des anomalies des points lacrymaux.
Des strabismes peuvent être retrouvés, et notamment un syndrome
de torsion, d’extorsion, avec pseudoectopie maculaire
Le traitement comporte la reconstruction du squelette osseux sousjacent
au niveau du déficit de la fente sphénomaxillaire et de
l’agénésie du malaire, avec correction du colobome de la paupière
inférieure et de la fente antimongoloïde par différentes plasties en
« Z » et canthoplastie externe.
2- Syndrome de Goldenhar :
Ce syndrome (dysplasie auriculovertébrale), classé aussi dans le
syndrome du premier arc et actuellement dans les fentes
latérofaciales n° 8, est caractérisé par une triade : déficit de l’oreille,
anomalies vertébrales et faciales.
La plupart des cas sont unilatéraux, avec cependant 10 % de cas
bilatéraux.
Les anomalies les plus fréquentes sont des déformations de l’oreille
externe, une surdité partielle par trouble de la conduction et la
possibilité d’un choristome sous forme d’un appendice prétragien.
Les anomalies vertébrales associent une fusion de certaines vertèbres
cervicales et une occipitalisation de l’atlas.
Au niveau de la face, on note une hypoplasie mandibulomaxillaire.
La paralysie faciale périphérique n’est pas rare.
Les signes
ophtalmologiques les plus fréquents sont les dermoïdes épibulbaires,
des dermolipomes, des colobomes des paupières supérieures.
La
plupart des syndromes de Goldenhar sont sporadiques.
3- Microsomie hémifaciale
:
Elle fait partie des syndromes de fentes latérofaciales (caractéristique
de la fente n° 7, syndrome otomandibulaire).
Elle se caractérise
par des degrés variables : hypoplasie de la mandibule, du maxillaire,
du zygoma et de l’os temporal.
En conséquence, les muscles de la mastication peuvent être
atrophiques.
L’oreille externe peut être atteinte sous forme d’une absence ou
d’une déformation de l’oreille, avec des appendices préauriculaires.
L’atteinte est le plus souvent unilatérale, mais certains cas bilatéraux
ont été décrits.
Nouvelles techniques : l’avenir
La chirurgie craniofaciale a commencé avec Paul Tessier dans les
années 1960.
Elle a permis de concilier les compétences en chirurgie maxillofaciale et en neurochirurgie afin d’envisager une prise en
charge globale des malformations craniofaciales.
Le principe
d’élongation osseuse introduit par Ilizarov en chirurgie
orthopédique, puis appliqué à la mandibule par McCarthy, semble
révolutionner cette chirurgie craniofaciale.
La distraction progressive
des différents fragments du squelette craniofacial, après la
réalisation judicieuse des ostéotomies, permet le remodelage
tridimensionnel au niveau osseux et l’adaptation harmonieuse des
parties molles.