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Psychiatrie
Maladie maniaco-dépressive
Cours de psychiatrie
 


 

Le trouble de l’humeur individualisé et baptisé par Kraepelin « folie maniaco-dépressive » (1913) a été défini par la suite sous le terme de psychose maniacodépressive puis de maladie maniaco-dépressive pour renaître, selon les classifications actuelles, sous l’appellation de trouble bipolaire.

L’abandon du terme de psychose paraît tout à fait opportun car il permet de démarquer ces troubles de la notion de chronicité dont sont entachées les psychoses.

En effet, les troubles bipolaires sont certes caractérisés par la récurrence des accès thymiques, dépressifs ou maniaques, mais non par la chronicité qui présuppose une altération stable et durable.

En période intercritique, les sujets sont a priori indemnes de tout dysfonctionnement psychique.

Dans son acception première, la psychose maniacodépressive englobait tous les troubles de l’humeur dotés d’un caractère cyclique.

Ainsi, la récurrence d’épisodes dépressifs définissait la psychose maniaco-dépressive unipolaire, et l’alternance de phases d’excitation et de dépression, la psychose maniaco-dépressive bipolaire.

Dans les années 1960, les troubles unipolaires et bipolaires ont été scindés en 2 entités distinctes sur des arguments épidémiologiques, génétiques et cliniques.

De fait, à l’heure actuelle, le terme de maladie maniaco-dépressive stricto sensu fait référence aux seuls troubles bipolaires.

Diagnostic :

A - Définitions et classifications des troubles bipolaires :

Les troubles bipolaires sont caractérisés par une propension à présenter des fluctuations marquées de l’humeur de façon récurrente.

Les caractéristiques des accès et leur évolution dans le temps permettent de distinguer plusieurs formes cliniques.

Il est classique d’individualiser 2 types principaux de troubles bipolaires : le trouble bipolaire I et le trouble bipolaire II.

Le premier est caractérisé par un ou plusieurs épisodes maniaques ou mixtes habituellement accompagnés d’épisodes dépressifs majeurs (le trouble sera qualifié de bipolaire même en l’absence d’épisode dépressif).

Le diagnostic de trouble bipolaire II sera posé lors de l’association d’au moins un épisode dépressif majeur et d’un épisode d’hypomanie.

Cependant, des formes atténuées de la maladie ont été décrites.

Entre dans ce cadre le trouble cyclothymique défini par l’existence, pendant au moins 2 ans, de fluctuations de l’humeur caractérisées par la présence de symptômes dépressifs alternant avec des symptômes hypomaniaques, sans que ces oscillations thymiques ne puissent répondre aux critères d’un épisode caractérisé.

Ce trouble peut évoluer ultérieurement vers un trouble bipolaire de type I ou II, et s’avère fréquemment retrouvé chez les apparentés de patients maniacodépressifs.

Par ailleurs, chez les patients bipolaires et leurs apparentés, il est classique de décrire l’existence de 4 types de tempéraments : hyperthymique, dépressif, cyclothymique et irritable.

Ils définissent un comportement de base qui caractérise les sujets en dehors des accès thymiques, voire en l’absence d’épisode chez les apparentés indemnes de troubles.

Ils ne sont pas considérés comme pathologiques, mais pourraient prédisposer à la maladie ou représenter une expression modérée de celle-ci.

La survenue d’un épisode dépressif chez un sujet présentant un tempérament hyperthymique doit faire envisager une évolution vers le trouble bipolaire, et certains auteurs la considèrent même comme une forme atténuée du trouble.

B - Sémiologie et formes cliniques des accès dépressifs :

Pour décrire les accès thymiques, Kraepelin individualisait 3 regroupements symptomatiques : l’humeur, la sphère idéique et le comportement moteur.

Globalement, il considérait que dans la dépression ces 3 domaines tendaient uniformément dans le sens de l’inhibition tandis que dans la manie la perturbation de ces 3 domaines s’orientait à l’inverse vers le pôle de l’excitation.

La non-congruence de ces 3 domaines de la vie psychique, autrement dit leur orientation vers des pôles divergents, constituait les états mixtes.

À ces 3 grands axes symptomatiques, associés de manière très variable selon les individus, peuvent se superposer d’autres symptômes tels que des troubles somatiques ou des idées délirantes, voire des hallucinations qui soulèvent parfois des difficultés diagnostiques.

1- Sémiologie de l’épisode dépressif :

• L’humeur est triste et ce sentiment est généralement présent tout au long de la journée, assorti de ruminations douloureuses dominées par le sentiment d’incapacité, d’inutilité, de culpabilité et d’incurabilité.

Ce sentiment prégnant est peu sensible à la réassurance et l’entourage échoue dans ses tentatives de stimulations qui généralement ne font qu’aggraver le sentiment d’incapacité du patient.

Tout au plus celui-ci répondra aux sollicitations par de l’irritabilité.

Finalement, le sujet s’installe dans un désintérêt pour le monde environnant ainsi qu’une incapacité à éprouver du plaisir (anhédonie).

Au-delà de cette douleur morale, un sentiment de véritable anesthésie affective peut envahir le sujet, avec une incapacité à ressentir les affects.

La tristesse peut enfin s’accompagner d’angoisse plus ou moins envahissante.

• L’altération des processus cognitifs peut être également très marquée et s’apparente à un ralentissement et une pauvreté du contenu idéique, entraînant des difficultés pour se concentrer et soutenir l’attention.

Cela renforce la mésestime de soi éprouvée par le patient.

• L’altération de la composante motrice et motivationnelle constitue le 3e volet fondamental de la dépression.

L’aspect du patient est contaminé par ce ralentissement qui se traduit par l’appauvrissement des gestes et de la mimique.

La démarche est lente et fastidieuse.

Le patient reste le plus souvent prostré au fond de son lit et se plaint d’une grande lassitude.

Dans ce contexte, il est facile de concevoir que les activités les plus élémentaires comme s’habiller ou se laver ne sont réalisées qu’au prix d’efforts considérables, voire impossibles à effectuer.

À un degré moindre, les patients se plaignent d’une asthénie, d’une plus grande fatigabilité ou encore d’une difficulté à initier les activités.

À cette symptomatologie se surajoutent des perturbations somatiques comme la perte d’appétit avec pour conséquence fréquente une perte de poids, des troubles du sommeil avec difficultés d’endormissement. Plus typiquement, il s’agit d’une insomnie de fin de nuit.

Le risque majeur est le passage à l’acte suicidaire qu’il est nécessaire d’évaluer systématiquement et qui sera d’autant plus à craindre qu’il existe un scénario précis quant à la façon de procéder.

L’évaluation de ce risque est la meilleure façon de le prévenir, et n’incite pas au passage à l’acte.

2- Formes cliniques des accès dépressifs :

Les épisodes dépressifs, tels que nous venons de les décrire, sont variables dans leur sévérité.

Bien que le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-IV) les qualifie tous de « majeurs » (qu’il faut entendre dans le sens de « caractérisés »), leur intensité peut être graduée de légère à sévère.

Ainsi, tous les tableaux cliniques de dépression, du plus banal au plus marqué, peuvent se rencontrer au cours de la maladie maniaco-dépressive.

Cependant certaines formes graves devront faire évoquer systématiquement le diagnostic de trouble bipolaire.

L’accentuation matinale des troubles associée à une morosité persistante, peu mobilisable par les événements positifs intercurrents, et accompagnée d’une diminution marquée des intérêts et des plaisirs constituent les caractéristiques de la mélancolie.

Il en va de même dans les formes cliniques avec caractéristiques psychotiques – idées délirantes et (ou) hallucinations – qui constituent le tableau classique de mélancolie délirante.

Les thèmes délirants les plus fréquemment rencontrés sont dits congruents à l’humeur c’est-à-dire de tonalité négative, en accord avec la tristesse de l’humeur.

Il s’agit d’idées délirantes d’incurabilité, d’indignité, de ruine, de culpabilité ou encore d’idées délirantes hypochondriaques.

Peuvent également être présentes des idées non congruentes à l’humeur, notamment à thème de persécution.

Enfin, lorsque le tableau est dominé par une inhibition motrice et un mutisme interrompus seulement par des réactions motrices paradoxales, on évoque le diagnostic d’épisode dépressif majeur avec caractéristiques catatoniques ou mélancolie stuporeuse.

Enfin, selon le DSM-IV, le diagnostic d’épisode dépressif majeur nécessite la présence des symptômes principaux au cours d’une période d’au moins 2 semaines.

Ainsi, des symptômes d’ordre émotionnel, en réaction à un facteur de stress, ne doivent pas être considérés comme un épisode dépressif, ni traités comme tels, si l’évolution des troubles est inférieure à 2 semaines.

Parmi les autres diagnostics différentiels, il convient d’évoquer les syndromes dépressifs secondaires à des désordres neurologiques (maladie de Parkinson, sclérose en plaques, syndrome démentiel débutant…), endocriniens (hypothyroïdie, Cushing…) ou induites par une substance exogène.

C - Sémiologie et formes cliniques des accès maniaques :

1- Sémiologie des accès maniaques :

La symptomatologie de l’épisode maniaque peut généralement se décrire comme à l’opposé de celle de l’épisode dépressif et concerne également l’humeur, les facultés cognitives, et les comportements moteur et motivationnel.

• L’humeur, dans un désir de parfaite symétrie, est généralement considérée comme euphorique et expansive, renvoyant à une image un peu caricaturale du patient maniaque heureux, prompt aux plaisanteries, enthousiaste et empreint d’un optimisme à toute épreuve.

Il semblerait cependant que ce qui caractérise le mieux l’humeur du maniaque soit l’hyperesthésie affective, c’est-à-dire une augmentation de l’amplitude des émotions, une hyperréactivité émotionnelle ou encore une capacité exagérée mais syntone

– en résonance avec le contexte

– à ressentir les affects.

Bien qu’il puisse exister une tonalité de base relativement uniforme, la coloration des affects peut être très fluctuante.

Cette labilité émotionnelle conduit très souvent les patients à osciller entre l’euphorie, l’irritabilité, la tristesse, voire l’angoisse.

• Les facultés cognitives font l’objet d’une accélération des processus idéiques donnant l’impression au sujet que ses idées défilent (tachypsychie).

Le discours consiste en une logorrhée intarissable avec fuite des idées, émaillée de jeux de mots souvent construits sur des associations par assonance.

La cohérence du discours est parfois altérée par la multitude de coq-à-l’âne.

L’accélération idéique confère au sujet une impression de supériorité intellectuelle qui augmente son estime de soi.

De manière générale, le sujet a un plus grand besoin de communiquer et fait preuve d’une familiarité confinant souvent à la grossièreté.

• La composante motrice et motivationnelle est la plupart du temps mue par la même agitation fébrile.

Le patient est sans cesse en activité, mais cette hyperactivité demeure malheureusement le plus souvent stérile.

Au gré de cette frénésie comportementale, les débordements instinctuels sont fréquents, à type d’alcoolisation massive, d’hypergénésie ou de transgression des interdits sociaux.

• Parmi les perturbations somatiques, les troubles du sommeil comme l’insomnie sont les plus fréquents.

La réduction du besoin de sommeil peut être majeure, le sujet ne dormant que 2 à 3 h par nuit sans pour autant ressentir des signes de fatigue.

Ce trouble du sommeil pourrait contribuer à entretenir la manie : il s’avère qu’une réduction circonstancielle du temps de sommeil peut favoriser la survenue d’un accès maniaque.

Enfin, au cours d’un épisode maniaque, il existe très souvent un amaigrissement.

2- Formes cliniques des états d’agitation :

Comme pour les épisodes dépressifs majeurs, la sévérité de l’accès maniaque peut être variable.

De la même manière, aux symptômes précédemment décrits peuvent se surajouter des idées délirantes et des hallucinations.

Le plus souvent leur contenu est congruent à l’humeur, avec notamment une nette propension à la mégalomanie, enrichie souvent d’éléments mystiques ainsi que d’idées délirantes de référence (impression que la télévision ou les journaux contiennent des messages personnels).

Les thèmes délirants de persécution peuvent être soit congruents à l’humeur s’ils sont en relation directe avec les idées de grandeur (la persécution est dans ces cas la conséquence du pouvoir ou de l’importance particulière du sujet), soit non congruents au même titre que les idées de pensée imposée ou de diffusion de la pensée (ces 2 derniers thèmes délirants sont beaucoup plus rares).

La présence de certains de ces éléments conduit au diagnostic d’épisode maniaque avec caractéristiques psychotiques, congruentes ou non à l’humeur, selon le DSM-IV et correspond à la manie délirante de la nosographie classique.

À côté de ces formes sévères, il existe une forme atténuée qualifiée d’hypomanie.

Les troubles sont du même registre que ceux de la manie, mais sont généralement d’une intensité moindre et d’une durée plus limitée (ils doivent toutefois être présents pendant au moins 4 jours selon le DSM-IV).

Bien que marquant un état clairement différent du fonctionnement habituel, l’intensité de l’épisode n’entraîne pas d’incapacité professionnelle ou sociale.

D - Sémiologie des états mixtes :

Kraepelin définissait les états mixtes par l’association d’une symptomatologie maniaque et dépressive.

Ainsi, parmi les trois regroupements symptomatiques décrits précédemment

– l’humeur, les processus cognitifs, et le comportement moteur et motivationnel

– 2 adopteront les caractéristiques d’un accès thymique donné (par exemple la manie) tandis que le troisième ira dans le sens d’un épisode de polarité opposée (la dépression).

À l’heure actuelle, les états mixtes définis par le DSM-IV nécessitent de répondre à la fois aux critères d’épisode dépressif (mis à part le critère de durée de 2 semaines) et d’accès maniaque.

Cela semble réduire cet état à ce qu’il convient dès lors d’appeler les manies dysphoriques, c’est-à-dire un état associant une excitation idéique et motrice avec des oscillations de l’humeur.

De fait, il devient très difficile de distinguer ces « états mixtes » d’accès maniaques avec labilité de l’humeur.

Ainsi, alors que les états mixtes étaient considérés comme un phénomène rare, leur prévalence à l’heure actuelle est estimée à environ 30 % des manies, avec des variations allant de 5 % à 70 % en fonction des études.

Cette variation importante est par ailleurs un élément témoignant des problèmes de définition.

L’intérêt récent porté aux états mixtes a toutefois permis de mettre l’accent sur le fait que les manies euphoriques ne sont pas forcément les plus caractéristiques.

Cela conduit, à juste titre, à évoquer plus souvent le diagnostic de trouble bipolaire en présence d’un état d’excitation.

Le diagnostic différentiel qui se pose le plus souvent en présence d’un état d’excitation avec idées délirantes est la bouffée délirante, ou épisode psychotique pouvant évoluer par la suite vers un trouble schizophrénique.

Cependant il est important de noter que de nombreuses « bouffées délirantes » sont en fait des manies délirantes avec labilité émotionnelle.

Il convient alors de proposer un thymorégulateur et d’éviter d’emblée un neuroleptique au long cours. Par ailleurs, les troubles thymiques atténués sont souvent pris à tort pour des troubles de la personnalité à type d’état limite ou de personnalité hystérique.

Enfin, il existe des syndromes maniaques secondaires à un désordre organique ou une prise de substance (corticoïdes…).

Étiopathogénie :

Il s’agit d’une maladie à déterminisme complexe associant des facteurs de vulnérabilité génétique et des facteurs environnementaux.

L’existence d’une vulnérabilité génétique vis-à-vis de la maladie maniaco-dépressive est établie depuis longtemps.

Elle repose sur l’observation d’une agrégation familiale définie comme l’augmentation du risque de présenter la maladie chez les apparentés de premier degré (8 %) en comparaison de sa prévalence dans la population générale (1 %).

Cette concentration familiale du trait repose en partie sur des facteurs génétiques, puisque la concordance pour la maladie maniaco-dépressive est en moyenne de 85 % chez les jumeaux monozygotes contre seulement 20 % chez les jumeaux dizygotes.

Les très nombreuses études de liaison génétique réalisées au cours de ces 10 dernières années ont suggéré l’existence d’une quinzaine de locus de susceptibilité pour la maladie maniacodépressive.

Par ailleurs les études cas-témoins ont montré des associations entre maladie maniaco-dépressive et différents gènes-candidats, comme le gène de la tyrosine hydroxylase (enzyme qui constitue l’étape limitante dans la voie de synthèse des catécholamines), le gène de la tryptophane hydroxylase (enzyme limitante de la synthèse de sérotonine), ou encore le gène du transporteur de la sérotonine (qui assure sa recapture et qui est bloqué par les antidépresseurs).

Cependant, ces résultats, qu’il s’agisse d’études de liaison ou d’études d’association, n’ont pas toujours pu être répliqués, et le mode de transmission précis de la maladie demeure inconnu.

Cela signifie que cette affection est probablement hétérogène dans son expression clinique comme dans son déterminisme génétique.

Sur ce terrain génétique, de nombreux facteurs psychoenvironnementaux sont susceptibles de précipiter la survenue d’accès thymiques.

Cette influence des événements de vie tendrait toutefois à décroître au fur et à mesure de la répétition des accès.

Les accès thymiques engendreraient ainsi une sensibilisation (ou kindling), c’est-à-dire une vulnérabilité biologique croissante visà- vis des événements déclenchants lors des épisodes ultérieurs.

Évolution et complications :

A - Âge de début :

L’âge de début des troubles est très variable en fonction de la définition retenue pour en faire l’évaluation.

L’âge moyen de survenue de la maladie se situe entre 20 et 25 ans, cependant il apparaît de plus en plus évident qu’il existe des formes à début précoce, entre l’âge de 13 et 15 ans.

Un début précoce de la maladie semble prédictif d’un trouble plus sévère, avec notamment des rechutes plus fréquentes et la présence d’éléments psychotiques au cours des accès, un plus grand nombre d’épisodes maniaques et davantage de sujets atteints parmi les membres de la famille (30 %).

À l’inverse, il existe des formes à début tardif, après l’âge de 50 ans.

Quoi qu’il en soit, il se passe 5 à 10 ans en moyenne entre les premiers symptômes et une prise en charge adéquate du patient.

Cela est en partie dû à la méconnaissance de ce trouble et témoigne de l’effort à fournir en termes d’information et de pédagogie.

B - Évolution :

L’évolution longitudinale des accès permet de définir des formes particulières du trouble bipolaire.

Ainsi, il peut exister un caractère saisonnier lorsque les épisodes dépressifs majeurs présentent une récurrence et une rémission à une période particulière de l’année.

Dans la plupart des cas, les épisodes dépressifs débutent à l’automne ou en hiver, et guérissent au printemps.

Depuis 1974 un sous-groupe, dit à cycles rapides, a été défini par la présence d’au moins 4 épisodes thymiques au cours des 12 derniers mois.

Chacun de ces épisodes peut être un épisode dépressif majeur, maniaque, hypomaniaque ou mixte ; il doit exister une période de rémission d’au moins 2 mois entre les épisodes, ou bien la succession de 2 épisodes distincts correspond à un virage de l’humeur vers un épisode de polarité opposée.

L’individualisation de ce sous-groupe semble se justifier par une moins bonne réponse au traitement par le lithium, et par un déséquilibre de la répartition entre les sexes en faveur des femmes (70 à 90 % de femmes).

Ces cycles rapides peuvent survenir puis disparaître à tout moment au cours de l’évolution d’un trouble bipolaire, mais leur survenue pourrait être favorisée par l’utilisation d’antidépresseurs.

C - Complications :

Dans une forte proportion des cas, lorsque le traitement préventif des rechutes est correctement suivi, le retentissement social, relationnel et professionnel demeure minime.

Cependant, certains facteurs peuvent entacher le pronostic des troubles de l’humeur.

C’est le cas notamment de la comorbidité, les troubles les plus fréquemment associés étant l’abus ou la dépendance à l’alcool, les toxicomanies ou encore les troubles anxieux qui sont souvent méconnus, donc non traités et qui aggravent considérablement le pronostic.

Le risque majeur encouru par les patients bipolaires est le suicide. Une analyse regroupant plusieurs études et concernant plus de 9 000 patients a montré que 20 % des sujets maniaco-dépressifs décédaient par suicide.

Réciproquement, 46 à 60 % des suicidants souffriraient de troubles de l’humeur, unipolaires et bipolaires confondus.

Traitement :

Le traitement des troubles bipolaires repose sur le traitement des accès aigus et sur la prévention des rechutes.

Si les traitements médicamenteux sont essentiels, il est indispensable de proposer une aide psychologique adaptée au patient et à son entourage immédiat.

A - Accès dépressifs :

Les caractéristiques de l’accès dépressif vont guider la conduite à tenir et en premier lieu faire apprécier la nécessité d’une hospitalisation.

Celle-ci se justifiera en présence d’éléments psychotiques et (ou) d’un risque suicidaire.

En cas de refus de la part du patient, il faudra avoir recours à une mesure d’hospitalisation à la demande d’un tiers (loi du 27 juin 1990) dans un établissement spécialisé.

Le séjour à l’hôpital sera assorti de mesures de surveillance étroites et continues afin de prévenir toute velléité de passage à l’acte suicidaire.

Les recommandations ayant actuellement fait l’objet d’un consensus préconisent en première intention diverses stratégies selon la symptomatologie.

Ainsi, un épisode dépressif avec caractéristiques psychotiques chez un patient bipolaire connu peut bénéficier d’emblée d’un traitement associant un thymorégulateur, un antidépresseur et un neuroleptique.

En cas d’inefficacité, ou encore lorsque le pronostic vital est en jeu, l’électroconvulsivothérapie (ECT) est justifiée.

En l’absence d’élément psychotique, le thymorégulateur et l’antidépresseur constituent le traitement de choix.

Lorsque l’épisode dépressif est d’intensité modérée, l’addition de l’antidépresseur au thymorégulateur sera laissée à l’appréciation du thérapeute.

1- Électroconvulsivothérapie :

L’électroconvulsivothérapie représente un traitement rapide et efficace qui garde sa place dans le traitement des épisodes dépressifs délirants ou catatoniques, lorsqu’il existe une altération marquée de l’état général ou en cas d’inefficacité antérieure d’un ou plusieurs antidépresseurs.

Les séances d’électroconvulsivothérapie (8 à 12 en moyenne à raison de 3 par semaine) sont réalisées sous anesthésie générale, après un bilan préanesthésie et l’élimination d’une contre-indication aux électroconvulsivothérapies, représentée essentiellement par les processus expansifs cérébraux.

Les effets secondaires sont des troubles mnésiques généralement transitoires.

À l’issue de la série d’électroconvulsivothérapies nécessaire au retour à la normothymie, le relais est généralement pris par un traitement médicamenteux.

2- Traitement médicamenteux :

Le choix de la molécule est orienté d’une part par le respect des contre-indications et la notion d’une efficacité antérieure, et d’autre part par la sémiologie de l’accès.

On doit éviter, chez les bipolaires, les tricycliques susceptibles d’induire des virages maniaques ou des cycles rapides.

L’effet thérapeutique apparaît dans un délai de 2 semaines et l’absence de réponse au bout de 6 semaines justifie un changement de traitement.

La durée de ce dernier est moins bien codifiée chez les patients bipolaires du fait du risque de virage et les 4 à 6 mois habituellement préconisés ne sont pas forcément justifiés.

Du fait du délai d’action des antidépresseurs, il est parfois nécessaire d’adjoindre en début de traitement un médicament anxiolytique et sédatif.

À l’encontre de bien des habitudes, il est préférable de prescrire un neuroleptique sédatif à dose modérée, type Tercian ou Nozinan, plutôt que des benzodiazépines afin d’éviter une prise médicamenteuse au long cours ultérieure.

B - Accès maniaques, hypomaniaques ou mixtes :

L’accès maniaque justifie la plupart du temps une hospitalisation qui peut, comme pour l’épisode dépressif, s’effectuer de façon contrainte.

Il convient également d’évaluer la nécessité de mesures de protection, au premier rang desquelles figure la sauvegarde de justice si l’on suspecte des dépenses inconsidérées ou tout acte contraire aux intérêts personnels du patient.

L’entretien s’attache à retrouver la prise de produits susceptibles de favoriser l’émergence de cet état, tels que les antidépresseurs, les corticoïdes ou les psychostimulants.

Le traitement de référence reste à ce jour le lithium (Téralithe).

Il possède des propriétés curatives propres vis-à-vis des accès maniaques, au même titre que les neuroleptiques en association avec lesquels il peut être prescrit en cas d’agitation importante et d’insomnie majeure.

La carbamazépine (Tégrétol) et le valproate (Dépamide) sont des anticonvulsivants qui font également partie des traitements thymorégulateurs tout en possédant une action antimaniaque.

Il est aussi possible d’utiliser des benzodiazépines et notamment le clonazépam (Rivotril).

Dans les cas plus rares de manie furieuse, de contreindication ou de résistance aux traitements précités, le recours à l’électroconvulsivothérapie, qui est aussi curatif de la manie, se justifie.

À ce sujet, lorsqu’un dépressif présente un virage maniaque déclenché par l’électroconvulsivothérapie, la règle est de poursuivre celle-ci jusqu’à la résolution de l’épisode maniaque.

Tandis que l’évolution spontanée des accès maniaques vers la guérison nécessiterait en moyenne 4 à 6 mois, un traitement adéquat permet d’obtenir en moyenne la normothymie au bout de 4 à 6 semaines.

Il est alors nécessaire de s’assurer d’une bonne observance ultérieure vis-à-vis des soins prodigués, fondée d’une part sur une bonne connaissance du patient de sa pathologie et des symptômes avant-coureurs des accès, d’autre part sur une alliance thérapeutique avec le psychiatre.

C - Traitement prophylactique des rechutes :

Le trouble bipolaire étant caractérisé par la récurrence des accès, le risque de récidive justifie la mise en oeuvre d’un traitement prophylactique.

À l’heure actuelle, il est admis que ce traitement peut être débuté dès le premier épisode maniaque ou mixte.

Il repose essentiellement sur les thymorégulateurs, qui correspondent à 3 produits actuellement disponibles : les sels de lithium (Téralithe, Neurolithium), la carbamazépine (Tégrétol) et le valproate (Dépamide).

1- Traitement par le lithium :

La mise en place d’un traitement par le lithium nécessite un bilan cardiaque, rénal (urée, créatinine et mesure de la clairance de la créatinine), thyroïdien, et un test de grossesse pour les femmes en âge de procréer.

Les contreindications absolues sont : le 1er trimestre de grossesse, l’insuffisance rénale, l’hyponatrémie, le régime désodé, les traitements diurétiques ou anti-inflammatoires non stéroïdiens.

En cas d’épilepsie, on peut lui préférer les propriétés thymorégulatrices des anticonvulsivants.

La mise en route du traitement par le lithium s’effectue toujours de façon progressive jusqu’à l’obtention d’une lithémie plasmatique comprise entre 0,6 et 1 mmol/L pour le Téralithe 250 et entre 0,8 et 1,2 mmol/L pour le Téralithe LP 400.

La surveillance de la tolérance nécessite le dépistage d’éventuels signes de surdosage tels qu’une asthénie, une polyurie-polydipsie, des nausées, une diarrhée, une hypotonie, des tremblements, une dysarthrie, des vertiges, une vision trouble, une hyperréflexie.

À l’extrême, on pourra observer une confusion mentale suivie d’un coma hyperréflexique avec oligo-anurie.

La surveillance au long cours comprend un bilan thyroïdien (risque d’hypothyroïdie) et rénal régulier et une évaluation du poids.

Dans la mesure où il s’agit d’un traitement préventif, la prescription de lithium peut se concevoir comme un traitement à vie. Cette efficacité préventive ne serait pleinement effective qu’au bout de 2 ans de traitement.

Si le patient souhaite interrompre le traitement, il importe de l’informer sur le risque important de rechutes (50 % de rechutes à 3 mois en cas d’arrêt brutal).

Lorsque les effets secondaires sont trop importants, on peut proposer une réduction de la posologie ou un changement de thymorégulateur.

Ici encore, l’observance du traitement tire profit d’une bonne connaissance de son trouble par le patient, de l’efficacité du traitement et du contrôle de ses effets secondaires.

2- Traitement anticonvulsivant :

Une alternative possible au traitement par le lithium est la prescription d’un anticonvulsivant tel que la carbamazépine (Tégrétol) ou le valproate (Dépamide).

Ils peuvent être prescrits en première intention dans certaines formes cliniques, notamment lorsqu’il existe une impulsivité et une instabilité, ou bien en association avec le lithium en cas de cycles rapides.

Leur efficacité à long terme est cependant moins bien établie que pour le lithium.

La carbamazépine nécessite une adaptation posologique très progressive (augmentation de 100 mg tous les 2 à 3 j) afin d’éviter une cytolyse hépatique, un rash cutané, ou simplement des nausées et des vertiges à l’instauration du traitement.

La surveillance de ce traitement comprend un bilan biologique avec un hémogramme (risque de neutropénie), un bilan hépatique (cytolyse hépatique), un ionogramme sanguin (hyponatrémie), ainsi qu’un dosage plasmatique (fourchette thérapeutique comprise entre 6 et 12 µg/mL).

Le valproate nécessite globalement les mêmes précautions d’emploi avec cependant une fréquence moindre des effets secondaires si ce n’est une prise de poids.

La posologie sera établie en fonction du dosage plasmatique qui doit être compris dans une fourchette de 50 à 100 µg/mL.

D - Prise en charge psychologique :

Au-delà du traitement médicamenteux, il est indispensable d’apporter au patient et à son entourage un soutien pédagogique et psychologique.

En effet, le patient doit apprendre à gérer sa vulnérabilité.

À cette fin, il est nécessaire qu’il connaisse parfaitement son trouble et qu’il puisse repérer une symptomatologie atténuée annonciatrice d’une éventuelle décompensation.

Cette éducation du patient, assortie d’une bonne alliance thérapeutique, rend possible le contrôle de la plupart des fluctuations thymiques en ambulatoire, et permet d’éviter le recours aux hospitalisations.

La famille proche doit également être sensibilisée au repérage de ces prodromes.

Le respect de certaines règles hygiéno-diététiques telles que la régularité du temps de sommeil, l’évitement de périodes de surmenage et le contrôle de la prise d’alcool et de psychostimulants, contribue à éviter les décompensations.

La gestion des événements de vie stressants s’appuie sur un renforcement transitoire du soutien psychologique. Enfin, certains patients peuvent bénéficier de la mise en oeuvre de psychothérapies plus structurées.

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