Maladies hépatiques médicamenteuses. Aspects épidémiologiques, diagnostiques et cliniques Cours d'Hépatologie
Introduction
:
Les effets secondaires induits par les médicaments, en particulier au
niveau du foie, constituent un problème croissant.
Une enquête
récente faite dans le service d’hépatogastroentérologie du centre
hospitalier universitaire de Montpellier révélait que 9 % des
hospitalisations étaient liées à une cause médicamenteuse, les
hépatopathies constituant un des problèmes principaux.
La
toxicité hépatique médicamenteuse est en perpétuelle évolution et
reste la première cause de décès d’origine iatrogène et de retrait des
médicaments du marché pour l’industrie pharmaceutique.
En dépit
des progrès importants en toxicologie et malgré la qualité croissante
des essais cliniques en matière de sécurité, la fréquence des atteintes
hépatiques médicamenteuses n’a pas décru au cours des
10 dernières années.
Ceci s’explique en partie par
l’augmentation de l’espérance de vie avec en corollaire une
proportion accrue de personnes âgées nécessitant des soins
multiples.
En effet, chez les personnes de plus de 60 ans, la prise
d’au moins un médicament est extrêmement fréquente et il n’est
pas rare de voir des consommations dépassant cinq médicaments
ou plus.
À l’inverse, les progrès en néonatalogie permettent de
maintenir en vie des personnes physiquement plus fragiles et
requérant plus de soins donc plus d’exposition aux médicaments.
Les lésions hépatiques induites par les médicaments sont
extrêmement variées.
En effet, pratiquement toutes les cellules
présentes dans le foie peuvent être affectées par les médicaments,.
Ainsi, le spectre pratiquement
complet de la pathologie hépatique peut être reproduit par les
médicaments.
Ces éléments expliquent l’attention portée à ce
problème par les médecins, les autorités sanitaires et les
responsables de l’industrie pharmaceutique.
Le but de ce chapitre
est de préciser les aspects épidémiologiques, la démarche
diagnostique et les caractéristiques anatomocliniques des atteintes
hépatiques médicamenteuses.
Il est complété par d’autres chapitres
consacrés aux plantes médicinales, aux lésions biliaires, aux aspects
génétiques dans la toxicité hépatique médicamenteuse, ainsi qu’ un
répertoire des médicaments hépatotoxiques.
Aspects épidémiologiques
:
L’épidémiologie de l’hépatotoxicité des médicaments reste peu
documentée en dépit de la création de départements de
pharmacovigilance dans la plupart des pays depuis une vingtaine
d’années.
Ces organismes ont visé à :
– élaborer des techniques analytiques pour permettre le diagnostic ;
– enregistrer les effets indésirables pour déterminer leur incidence
et leur prévalence ;
– déterminer autant que possible les mécanismes en cause ou les
facteurs contributifs de façon à proposer des mesures préventives ;
– retirer les médicaments toxiques ou élaborer des limites de
prescription et de surveillance si nécessaire ;
– enfin, diffuser l’information à propos de ces différents points.
Malgré des efforts considérables faits dans ce domaine, les résultats
restent un peu décevants.
Il existe au moins trois raisons pour ce
relatif échec.
– Le diagnostic d’hépatotoxicité médicamenteuse reste difficile
comme nous le verrons plus loin.
– Il n’y a que très peu d’études épidémiologiques portant sur ce
sujet.
Les études cliniques et toxicologiques effectuées avant la mise
sur le marché apportent certaines données prospectives permettant
d’évaluer la fréquence des anomalies biologiques ou les faits
cliniques les plus notables.
Cependant, la plupart des données
finalement disponibles proviennent des notifications spontanées à
partir de cas individuels observés et rapportés aux agences de
pharmacovigilance.
Ainsi, beaucoup de cas restent ignorés.
Il
n’existe que très peu d’études évaluant la prévalence relative de
l’hépatotoxicité des médicaments comparée aux autres causes
d’hépatopathie et les rares études disponibles sont rétrospectives.
Une étude faite à l’hôpital Beaujon à Paris sur 10 ans a révélé que
parmi tous les adultes admis pour hépatite aiguë, 10 % l’étaient pour
une cause médicamenteuse.
La prévalence de l’hépatotoxicité
médicamenteuse dépassait 40 % chez les patients de plus de 50 ans.
Dans une autre étude française collectant près de 1 000 cas d’hépatite
médicamenteuse, 63 % étaient observés chez des femmes et, dans la
plupart des cas, chez des personnes de plus de 50 ans.
De façon
similaire, la pharmacovigilance danoise enregistrait 572 cas
d’hépatite médicamenteuse sur 10 ans représentant 6 % de tous les
effets secondaires médicamenteux enregistrés, la plupart des cas
étant observés chez des femmes de plus de 50 ans.
On estime que
les médicaments sont responsables de 15 à 20 % de toutes les causes
d’hépatites fulminantes ou subfulminantes dans les pays
occidentaux et d’environ 10 % au Japon.
Le risque d’hépatite
fulminante est de 20 % chez les patients avec hépatite
médicamenteuse et ictère, ce qui est 20 fois supérieur au risque
observé chez des patients atteints d’hépatite aiguë virale avec ictère
(1 % pour l’hépatite B et 1/1 000 pour l’hépatite A).
De plus, chez
70 % des patients avec hépatite médicamenteuse et encéphalopathie,
la maladie a souvent une évolution subfulminante.
Pour les
maladies chroniques du foie telle une hépatite chronique ou une
cirrhose, les médicaments apparaissent beaucoup plus rarement en
cause, ne représentant qu’environ 1 % de toutes les causes
confondues.
– La troisième difficulté est la très grande variabilité de la
prévalence de l’hépatotoxicité des médicaments d’une molécule à
l’autre. Les médicaments ayant une forte prévalence de toxicité,
c’est-à-dire supérieure à 1 % sont généralement rapidement éliminés
avant la mise sur le marché.
La fréquence maximale des effets
secondaires hépatotoxiques des médicaments commercialisés est aux
alentours de 1 %, les principaux exemples étant l’isoniazide, la
chlorpromazine et la tacrine.
Cependant, pour l’immense majorité
des médicaments, le risque d’hépatotoxicité est nettement plus rare
et compris entre 1/10 000 et 1/100 000.
Ceci explique probablement
pourquoi la toxicité n’a pas été détectée durant les essais cliniques
effectués pour obtenir l’autorisation de mise sur le marché puisque
ces essais, en général, incluent entre 1 à 4 000 patients.
Par
conséquent, les premiers cas d’hépatotoxicité sont généralement
décrits au cours des deux premières années de mise sur le marché
lorsqu’un nombre suffisant de patients a été exposé au nouveau
médicament.
On estime que le nombre de molécules susceptibles
d’être toxiques pour le foie dépasse maintenant 1 100.
À cela, il
faut ajouter des agents chimiques, des herbes médicinales,
des agents détournés tels que la cocaïne et certaines amphétamines
(Ecstasy) ou buprénorphine en voie veineuse et même parfois des
excipients utilisés avec des médicaments conventionnels comme
cela a été récemment démontré.
Aspects diagnostiques
:
Au cours des 20 dernières années, plusieurs méthodes analytiques
ont été proposées pour évaluer le lien de causalité pour un
médicament donné face à une atteinte hépatique.
En 1990, une
conférence de consensus a proposé des définitions pour décrire les
effets secondaires hépatiques et les critères permettant d’établir
l’imputabilité.
Cette technique très largement utilisée maintenant au
niveau mondial et dérivant fortement de la méthode analytique
française est utilisée de façon standard par les cliniciens, les autorités
de santé et les responsables de l’industrie pharmaceutique.
Le lien
de causalité est analysé essentiellement sur des bases chronologiques
et des critères cliniques permettant d’éliminer d’autres causes et de
démontrer le rôle du médicament suspecté.
A - CRITÈRES CHRONOLOGIQUES
:
Le premier critère est l’intervalle entre le début du traitement
suspecté et le début de l’atteinte hépatique.
Cela varie beaucoup.
Le
délai est considéré comme suggestif lorsqu’il est compris entre
1 semaine et 3 mois.
Une durée plus courte, de 1 à 2 jours par
exemple, peut être observée chez des patients qui ont été
préalablement exposés à l’agent impliqué et qui ont été ainsi
sensibilisés.
Un délai compris entre 3 mois et 1 an reste compatible,
mais est moins évocateur. Un délai supérieur à 1 an est rare et rend
le rôle du médicament peu probable pour les cas d’hépatite aiguë, à
moins d’avoir d’autres arguments très solides.
Le second critère est la disparition des anomalies hépatiques après
arrêt du traitement.
Ce critère est très suggestif lorsque les signes
cliniques disparaissent en quelques jours et quand les transaminases
diminuent de plus de 50 % en 1 semaine. Habituellement, une
guérison complète est obtenue en quelques semaines.
Le troisième critère est la rechute des anomalies hépatiques après
une réadministration accidentelle du médicament causal.
Cela
constitue un excellent critère diagnostique. Cependant, cette
réexposition ne doit pas être réalisée volontairement car elle peut
être extrêmement dangereuse, surtout pour les hépatites immunoallergiques.
En effet, la réadministration d’un simple
comprimé peut parfois occasionner une hépatite fulminante
mortelle.
B - CRITÈRES CLINIQUES
:
Les critères sont basés, d’une part, sur l’exclusion des autres causes
qui pourraient expliquer l’atteinte hépatique et, d’autre part, sur la
présence de caractères qui orientent vers une cause médicamenteuse.
1- Critères d’élimination et critères négatifs
:
Les caractères analytiques varient beaucoup selon le type d’atteinte
hépatique.
Pour les hépatites aiguës, situation la plus fréquente, il
est particulièrement important de rechercher un antécédent de
maladie hépatique ou biliaire, une consommation excessive d’alcool
ou des circonstances épidémiologiques compatibles avec une
infection virale (toxicomanie, transfusion sanguine, intervention
chirurgicale récente, voyage dans un pays d’endémie).
Les examens
sérologiques appropriés doivent être réalisés, notamment pour les
principales hépatites virales A, B, C, D, E et dans certaines
circonstances, cytomégalovirus, virus d’Epstein-Barr et virus
herpétique.
L’utilité de rechercher le virus G ou le virus TT n’est pas
établie.
Il est également important de rechercher une ischémie
hépatique liée à un dysfonctionnement cardiaque ou une baisse tensionnelle particulièrement chez les personnes âgées ou ayant un
risque cardiovasculaire.
Cette atteinte hépatique différentielle est très
largement méconnue et risque d’impliquer à tort le médicament.
L’obstruction biliaire doit être également éliminée par échographie
ou autre examen approprié.
En effet, il est fréquent qu’au cours
d’une migration lithiasique, les transaminases augmentent à plus de
10 fois la normale simulant une hépatite aiguë.
Il faut également
éliminer une hépatite auto-immune ou une cholangite, certaines
hépatites bactériennes qui peuvent simuler une hépatite aiguë,
notamment avec Campylobacter, les salmonelles, et Listeria.
Enfin,
chez les sujets jeunes, il faut éliminer une maladie de Wilson
(intoxication par le cuivre).
2- Critères positifs
:
La présence d’anticorps spécifiques de certaines
hépatites médicamenteuses, particulièrement les anticorps antimitochondries de type 6 avec l’isoniazide, les anticorps anti-LKM2 ou anticytochrome 2C19 avec l’acide tiénilique,
anticytochrome P450 1A2 (dihydralazine) et les anticorps
anticytochrome P450 2E1 (halothane) constituent des marqueurs
diagnostiques importants.
Les analyses médicamenteuses dans le
sang ou dans les tissus peuvent être également utiles, par exemple
pour le paracétamol et les surdosages en vitamines A.
La présence de manifestations d’hypersensibilité, bien
qu’incomplètement spécifique, constitue un argument positif, non
seulement pour le rôle d’un médicament, mais également en faveur
d’un mécanisme immunoallergique.
Finalement, une biopsie
hépatique peut être également contributive au diagnostic lorsqu’elle
montre la présence de dépôt de médicament (vitamine A) ou de
lésions suggestives d’une réaction médicamenteuse, par exemple,
une stéatose microvésiculaire, un infiltrat éosinophile ou des lésions
centrolobulaires, ou le tout associé.
3- Évaluation de la relation de causalité
:
À la fin de ces investigations, le diagnostic est plus ou moins
évident.
Le diagnostic est très probable dans de rares circonstances : il existe
un surdosage flagrant, par exemple avec le paracétamol ; il y a une
rechute après une réadministration accidentelle avec un
médicament ; il existe des caractères spécifiques d’hépatite liée à un
médicament.
Le diagnostic est compatible dans la plupart des cas : l’atteinte
hépatique n’a pas de caractère spécifique.
Cependant, l’histoire est
chronologiquement très évocatrice d’une cause médicamenteuse et
les autres causes d’atteintes hépatiques ont pu être raisonnablement
éliminées.
Fréquemment, le diagnostic reste douteux : en ce cas, l’atteinte
hépatique n’est pas spécifique, il existe un manque dans certaines informations concernant la chronologie ou l’élimination des critères
diagnostiques.
Il faut remarquer que les hépatites fulminantes sont
toujours classées dans ce groupe puisqu’il est impossible d’analyser
l’évolution complète, en particulier la guérison après retrait du
médicament.
Le diagnostic peut être incompatible : quand il existe une autre cause
qui a pu être démontrée (par exemple une infection virale) ; lorsque
la chronologie n’est pas compatible, en particulier lorsque le
traitement a été démarré alors que les symptômes étaient déjà
présents ou lorsqu’il existe un délai dépassant 15 jours entre la fin
du traitement et le début de l’atteinte hépatique.
Cependant, il existe
deux exceptions.
Avec l’halothane et ses dérivés, l’hépatite peut
survenir 3 semaines après l’exposition initiale.
De façon similaire,
pour l’association acide clavulanique-amoxicilline, l’atteinte hépatique
survient fréquemment 3 à 4 semaines après l’arrêt du traitement.
4-
Principales difficultés diagnostiques :
Elles sont particulièrement importantes en cas de prescriptions
multiples chez des patients ayant des maladies qui en elles-mêmes
peuvent entraîner des anomalies hépatiques.
Ceci est bien illustré
par les antirétroviraux chez les patients atteints d’infection par le
virus de l’immunodéficience humaine (VIH).
5- Biopsie hépatique
:
La biopsie hépatique n’est pas nécessaire dans la plupart des cas.
Elle est cependant indiquée dans les situations suivantes :
– pour éliminer d’autres causes qu’une cause médicamenteuse ;
– pour montrer des lésions évocatrices d’une cause médicamenteuse
quand cela est connu ;
– pour définir les lésions lorsqu’il s’agit de médicaments dont on ne
connaissait pas jusqu’à présent l’hépatotoxicité.
Aspects cliniques
:
A - HÉPATITES AIGUËS
:
1- Mécanismes
:
La toxicité est le plus souvent due à la transformation des
médicaments en des métabolites réactifs toxiques (principalement
par les cytochromes P450 hépatiques).
Habituellement, ces
métabolites réactifs peuvent être facilement détoxifiés par différents
systèmes de protection, en particulier la conjugaison au glutathion
et les époxydes.
Lorsque ces mécanismes sont insuffisants, les
métabolites réactifs peuvent se lier de façon covalente sur certains
constituants des hépatocytes et entraîner la mort cellulaire en
interférant avec l’homéostasie cellulaire ou en déclenchant des
réactions immunologiques.
La toxicité peut être aussi liée à une apoptose de l’hépatocyte (mort programmée cellulaire).
Plus
récemment enfin, il a été démontré que les dysfonctionnements
mitochondriaux jouent un rôle croissant.
Les différents
mécanismes peuvent s’associer pour l’hépatotoxicité d’un même
médicament.
Ainsi, peuvent survenir des hépatites toxiques ou immunoallergiques.
* Hépatites toxiques
:
Il en existe deux types :
– les hépatites liées à un surdosage : dans ce cas, l’hépatite est
prévisible et a une évolution souvent fatale (par exemple,
intoxication au paracétamol) ;
– les hépatites toxiques idiosyncrasiques survenant à dose
thérapeutique ; ce type d’hépatite n’est pas prévisible et ne touche
qu’une petite proportion des sujets traités, en général 1/100 à
1/100 000 (par exemple, l’isoniazide, le kétoconazole).
Pour un
même malade, l’atteinte hépatique peut être reproduite avec le
même délai en cas de réexposition au médicament responsable dans
les mêmes circonstances qu’au cours du premier épisode.
* Hépatites immunoallergiques
:
Elles sont fréquemment liées à une réaction dirigée contre un néoantigène résultant de la fixation covalente des métabolites
réactifs sur des constituants de l’hépatocyte présents sur la
membrane plasmique.
Parfois, des phénomènes auto-immunitaires
peuvent survenir conduisant à la formation d’autoanticorps
sériques.
Certains de ces autoanticorps, tels que les antimuscles
lisses, les anticorps antinoyaux ne sont pas spécifiques (clométacine,
papavérine, méthyldopa). D’autres anticorps apparaissent
spécifiques pour un médicament particulier comme indiqué dans le
paragraphe « Diagnostic ».
L’hépatotoxicité des médicaments peut être favorisée par différents
facteurs :
– le jeûne et la dénutrition qui diminuent les capacités de
détoxication (baisse du glutathion) ;
– l’induction enzymatique qui peut augmenter la transformation
d’un autre médicament en métabolite réactif (par exemple
rifampicine et isoniazide ou alcoolisme chronique et paracétamol) ;
– les facteurs génétiques : une faible capacité d’acétylation
(sulfamides et hydralazine), la déficience en P450 2D6 (perhexiline)
une déficience de la capacité d’oxydation de la méphénytoïne liée
au P450 2C19 (Atriumt et troglitazone), une déficience dans les
mécanismes de détoxication des métabolites réactifs (halothane,
phénytoïne, sulfamides, carbamazépine et amineptine), certains
phénotypes human leukocyte antigen (HLA) (HLA A11 pour
l’halothane, les antidépresseurs tricycliques et le diclofénac, HLA
A8 pour la nitrofurantoïne ou la clométacine, HLA DR6 pour la
nitrofurantoïne et la chlorpromazine, HLA DRB1 1501 pour
l’association amoxicilline-acide clavulanique.
2- Caractères anatomocliniques
:
Les hépatites aiguës constituent la principale forme d’atteinte
hépatique médicamenteuse.
Une classification en trois groupes a été
récemment proposée par un groupe international de consensus,
d’après des critères biochimiques basés sur les activités sériques de
l’alanine aminotransférase (ALAT ou SGPT), l’activité sérique des
phosphatases alcalines et leur rapport R, exprimé en nombre de fois
la limite supérieure de la valeur normale.
En dépit de l’absence de
corrélation directe avec les caractères histologiques, cette
classification a l’avantage de distinguer des formes d’hépatites ayant
des évolutions et des caractères pronostiques assez différents.
* Atteintes hépatiques cytolytiques
:
Elles sont définies par une augmentation de l’ALAT supérieure à
deux fois la limite supérieure de la normale sans augmentation des
phosphatases alcalines ou par un rapport R supérieur à 5.
Ce type
d’atteinte hépatique n’a généralement pas de caractère spécifique et
ressemble beaucoup aux hépatites aiguës virales par exemple.
L’atteinte hépatique peut être asymptomatique ou bien révélée par des symptômes non spécifiques tels qu’une asthénie, une anorexie,
des vomissements et des douleurs abdominales modérées associées
ou non à un ictère.
Le principal caractère anatomopathologique est
la nécrose hépatocytaire généralement associée à un infiltrat inflammatoire
lobulaire.
Plusieurs
centaines de médicaments peuvent entraîner ce type d’hépatite.
Dans la plupart
des cas, l’interruption de l’administration du médicament
responsable est suivie d’une amélioration rapide de la
symptomatologie clinique et d’une guérison complète clinique et
biologique en quelques semaines, ceci sans nécessité de traitement
particulier.
Parfois cependant, il existe une insuffisance hépatique
caractérisée par des troubles de la coagulation et une
encéphalopathie hépatique.
Ces hépatites graves ont une évolution
spontanée très défavorable avec une fréquence de décès de l’ordre
de 90 à 95 %.
De ce fait, une transplantation hépatique en urgence
est indiquée particulièrement chez les sujets jeunes.
Les principaux
médicaments responsables d’hépatite grave sont le paracétamol,
l’halothane, l’isoniazide, la pyrazinamide, les sulfonamides, les antiinflammatoires
non stéroïdiens (AINS) et les antidépresseurs
tricycliques.
En cas de surdosage en paracétamol, l’atteinte
hépatique peut être prévenue ou tout au moins limitée par
l’administration rapide de N-acétylcystéine.
Les atteintes hépatiques aiguës cytolytiques évoluent parfois de
façon insidieuse vers une hépatopathie chronique.
* Atteintes hépatiques aiguës cholestatiques
:
Elles sont caractérisées par une augmentation des phosphatases
alcalines isolée à plus de deux fois la limite supérieure de la normale
sans anomalies de l’ALAT ou par un rapport R inférieur à 2.
Ce
type d’atteinte recouvre deux sous-types de cholestase hépatocytaire
aiguë : la cholestase pure et l’hépatite cholestatique vraie.
+ Cholestase pure
:
La symptomatologie clinique complète de la cholestase pure associe
un ictère, un prurit, une décoloration des selles et des urines foncées.
L’ictère et le prurit peuvent manquer.
Le diagnostic repose alors sur
les anomalies biochimiques et l’histologie hépatique.
En plus de
l’augmentation des phosphatases alcalines, les autres anomalies
biologiques comprennent une augmentation de la bilirubine
conjuguée, une hypercholestérolémie, une augmentation de la
concentration des acides biliaires et de l’activité de la gammaglutamyltransférase (GGT).
Les lésions histopathologiques
hépatiques sont constituées d’un dépôt granulaire brunâtre de
bilirubine dans les hépatocytes prédominant dans la zone
centrolobulaire.
Les canalicules sont plus ou moins dilatés et
contiennent des pigments biliaires.
La cholestase pure est observée
principalement avec des dérivés hormonaux (contraceptifs oraux,
oestrogènes et androgènes).
Le risque d’atteinte cholestatique avec
les contraceptifs oraux est fortement accru par l’administration
concomitante de troléandomycine par inhibition des isoenzymes du
P450 3A impliquées dans l’élimination des oestrogènes.
L’interruption des médicaments en cause est suivie d’une disparition
de la cholestase clinique et biologique en quelques semaines et sans
séquelle.
+ Hépatite cholestatique
:
Ce sous-type est beaucoup plus fréquent.
En plus des caractères de
la cholestase pure, on peut observer des douleurs abdominales
parfois très intenses, de la fièvre, des frissons et des manifestations
d’hypersensibilité.
Le syndrome clinique peut simuler une
obstruction aiguë des voies biliaires (ceci notamment avec les
phénothiazines, les macrolides, l’amineptine et la carbamazépine).
Les constatations histopathologiques sont celles d’une cholestase pure auxquelles il faut associer fréquemment une discrète nécrose
hépatocytaire, un infiltrat inflammatoire fait de cellules
mononucléées et parfois d’éosinophiles dans les espaces portes et
dans les zones nécrosées.
Les principaux médicaments sont les
phénothiazines, les macrolides, les antidépresseurs tricycliques et les AINS.
Dans la majorité des cas, l’interruption du
traitement responsable est suivie d’une guérison complète en
quelques semaines.
Rarement, une cholestase chronique peut
survenir avec la destruction progressive des petits canaux biliaires.
Les hépatites cholestatiques sont généralement attribuées à des
mécanismes immunoallergiques.
Ceci est renforcé par l’observation
de plusieurs cas d’hépatotoxicité croisée entre médicaments ayant
des structures chimiques voisines par exemple, entre différents
dérivés des phénothiazines, entre antidépresseurs tricycliques, entre
érythromycine et troléandomycine, entre différents dérivés des
sulfamides bactériens ou hypoglycémiants ou entre dérivés des
fibrates.
+ Atteintes hépatiques aiguës mixtes
:
Ce terme décrit les atteintes hépatiques aiguës dans lesquelles
l’ALAT et les phosphatases alcalines sont toutes deux augmentées
avec un rapport R compris entre 2 et 5.
Les manifestations cliniques,
biologiques et histopathologiques associent celles observées au cours
des hépatites cytolytiques et cholestatiques.
L’ictère est souvent
présent.
L’évolution vers une hépatite fulminante est exceptionnelle.
Les médicaments responsables d’atteinte hépatique mixte sont
principalement les antidépresseurs tricycliques, les AINS, les
macrolides, les antibiotiques, les bêtalactamines.
Les
mécanismes impliqués dans les atteintes hépatiques mixtes
paraissent être principalement de type immunoallergique.
B - HÉPATITES SUBAIGUËS, HÉPATITES CHRONIQUES
ET CIRRHOSE :
1- Mécanismes
:
Certains médicaments peuvent entraîner une maladie hépatique
subaiguë ou chronique comme pour les hépatites virales.
Ceci s’observe dans quatre circonstances :
– quand les lésions hépatiques se développent silencieusement ;
– quand la prescription de l’agent responsable impliqué dans
l’atteinte hépatique aiguë n’a pas été reconnue et que son
administration est poursuivie ;
– quand l’agent responsable a été interrompu mais est réadministré
ultérieurement avant la guérison complète ;
– quand le processus aboutissant à l’atteinte hépatique persiste
malgré l’arrêt de l’administration de l’agent responsable ; cette
situation arrive avec des médicaments dont le stockage tissulaire est
très important du fait de leur lipophilie permettant ainsi un
relargage très prolongé dans la circulation systémique malgré l’arrêt
de l’administration du médicament.
La nécrose hépatocytaire prolongée peut entraîner une hépatite
subaiguë, une hépatite chronique ou une cirrhose.
Les principaux
médicaments responsables de ces lésions sont l’amiodarone,
l’iproniazide, le méthotrexate, la méthyldopa, la nitrofurantoïne, la
papavérine et la vitamine A.
La clométacine, l’acide
tiénilique et la perhexiline ne sont plus utilisés maintenant en raison
de la survenue de cirrhose mortelle.
2- Caractères anatomocliniques
:
*
Hépatites subaiguës :
Les manifestations cliniques et biochimiques persistent ou même
s’aggravent en quelques semaines après le début de l’ictère.
Une
ascite, une encéphalopathie, une hypoalbuminémie, une
hypoprothrombinémie peuvent apparaître.
Sur le plan histopathologique, il existe des lésions ayant différents stades
d’évolution des lésions aiguës, des lésions secondaires constituées
par une nécrose en pont reliant deux espaces portes ensemble ou un
espace porte à une veine centrolobulaire, des lésions tardives
suggestives d’un processus chronique avec une fibrose et un infiltrat
inflammatoire dans les espaces portes et même, dans certains cas,
des nodules de régénération.
L’hépatite subaiguë survient
principalement lorsque l’administration du médicament responsable
a été poursuivie en dépit de la survenue d’une atteinte hépatique
symptomatique.
* Hépatites chroniques
:
Généralement, les symptômes sont absents ou non spécifiques
pendant une longue période.
Les transaminases sériques sont
augmentées ainsi que la concentration sérique des gammaglobulines.
Les anomalies histologiques consistent en une nécrose hépatocytaire périportale, une inflammation et une fibrose portale
qui peuvent s’étendre toutes deux dans le parenchyme périphérique.
* Cirrhoses :
Les manifestations cliniques sont très variables.
La cirrhose peut être
découverte fortuitement et être asymptomatique. Au contraire, elle
peut être révélée par un ictère, une ascite, une encéphalopathie
hépatique, une hépatomégalie ou des complications de
l’hypertension portale.
L’activité sérique des transaminases est
modérément augmentée.
L’hypoalbuminémie et l’hypoprothrombinémie
sont fréquentes.
Histologiquement, la cirrhose est
caractérisée par une destruction de l’architecture lobulaire, une
fibrose extensive et des nodules de régénération.
Ces lésions peuvent
être associées à celles d’une hépatite subaiguë ou d’une hépatite
chronique.
3- Anomalies immunologiques
:
Les trois types de lésions hépatiques décrits ci-dessus sont
également associés à des anomalies immunologiques, en particulier
la présence d’autoanticorps sériques.
C - HÉPATITES GRANULOMATEUSES
:
Elles sont caractérisées par la présence de granulomes non caséeux
dans le lobule et dans les espaces portes.
Les granulomes peuvent
être associés à une nécrose hépatocytaire ou une cholestase.
Les
hépatites granulomateuses peuvent être complètement
asymptomatiques.
Quand les granulomes sont nombreux, il peut y
avoir une hépatomégalie, un ictère, voire un prurit.
Biologiquement,
il existe une augmentation de l’activité sérique des phosphatases
alcalines et de la GGT.
Les transaminases sont généralement
normales ou très peu augmentées.
Il existe fréquemment des
manifestations d’hypersensibilité associées.
Le diagnostic repose sur
l’examen histopathologique.
Les anomalies hépatiques disparaissent
après l’arrêt du traitement responsable.
Les principaux médicaments
responsables d’hépatites granulomateuses sont l’allopurinol, la
carbamazépine, la phénylbutazone, la quinidine, l’hydralazine, la
dapsone, les sels d’or, la nitrofurantoïne et les sulfamides.
D -
STÉATOSE :
Elle est définie par l’accumulation de lipides, principalement des
triglycérides, dans les hépatocytes.
On en distingue deux types, macrovacuolaire et microvésiculaire ayant des caractères cliniques
et pronostiques différents.
1- Stéatose macrovacuolaire
:
Elle est caractérisée par la présence d’une gouttelette de graisse,
unique et de grande taille, refoulant le noyau en périphérie de l’hépatocyte.
Les stéatoses macrovacuolaires modérées sont
asymptomatiques.
Lorsque les lésions sont étendues, un ictère, des
douleurs abdominales et une hépatomégalie peuvent être observés.
Les transaminases et la gammaglutamyltranspeptidase sont
modérément augmentées.
La stéatose macrovacuolaire isolée n’a pas
de caractère de gravité en soi.
Les principaux médicaments en cause
sont les corticostéroïdes, le méthotrexate et l’asparaginase.
La
stéatose macrovacuolaire pourrait être liée à une atteinte de
l’excrétion des lipides à partir du foie.
2- Stéatose microvésiculaire
:
Elle s’oppose point par point à la stéatose macrovacuolaire.
La lésion
est semblable à celle observée dans le syndrome de Reye et consiste
en de multiples petites gouttelettes lipidiques dans l’hépatocyte sans
déplacement du noyau.
Les stéatoses microvésiculaires peuvent être
isolées, comme avec les tétracyclines, ou bien associées à d’autres
lésions hépatiques, notamment une nécrose, comme pour l’acide
valproïque.
Les stéatoses microvésiculaires modérées sont
habituellement asymptomatiques.
L’activité sérique des
transaminases et la concentration de la bilirubine sont modérément
augmentées.
Quand les lésions sont étendues, on peut observer une
insuffisance hépatocellulaire, une hypoglycémie et un coma avec une
évolution fatale.
Les principaux médicaments responsables sont les cyclines, surtout administrées par voie intraveineuse à forte dose,
l’acide valproïque, les salicylés et, moins fréquemment, l’amineptine
et les AINS comme le kétoprofène et l’ibuprofène.
La stéatose microvésiculaire est probablement liée à une inhibition de la
bêtaoxydation mitochondriale des acides gras par le médicament en cause.
E - PHOSPHOLIPIDOSE ET LÉSIONS
PSEUDOALCOOLIQUES DU FOIE :
1- Phospholipidose
:
La phospholipidose hépatique est caractérisée par l’accumulation de
phospholipides dans les lysosomes hépatocytaires.
Cette lésion a été
observée avec trois médicaments antiangineux, l’amiodarone, le
maléate de perhexiline et le 4-4’-diéthyl-amino-éthoxy-hexestrol.
Ces
médicaments sont des composés cationiques amphiphiliques avec
un radical lipophile et un azote ionisable.
Ces propriétés favorisent
l’accumulation de ces médicaments dans les lysosomes des cellules
hépatiques.
Il en résulte une inhibition des phospholipases
lysosomiales aboutissant à une accumulation de phospholipides.
En
raison d’un stockage tissulaire important, responsable d’une
élimination très lente, ces médicaments peuvent être détectables
dans le plasma plusieurs semaines à plusieurs mois après
l’interruption du traitement.
Lorsqu’elle est isolée, la phospholipidose n’a pas de conséquence clinique grave.
Le
diagnostic repose sur l’examen en microscopie électronique qui peut
mettre en évidence des structures pseudolamellaires dans les
lysosomes.
2- Lésions pseudoalcooliques
:
Généralement, celles-ci sont observées chez les malades recevant un
traitement au long cours et paraissent corrélées avec la dose
cumulative.
Le plus souvent, la maladie a un développement
insidieux.
Elle peut être révélée par une asthénie, une hépatomégalie
ou une augmentation modérée des transaminases.
Elle peut se
révéler plus tardivement au stade de complications d’une cirrhose.
L’examen histopathologique met en évidence des lésions qui
ressemblent à une hépatite alcoolique aiguë en associant une nécrose
acidophile, la présence de corps de Mallory, un infiltrat fait de
polynucléaires neutrophiles et une stéatose dans les lobules
hépatiques.
Il peut s’y associer une fibrose portale ou une cirrhose.
L’interruption du traitement est habituellement suivie d’une
diminution progressive des anomalies hépatiques.
Dans quelques
cas cependant, l’état hépatique continue à s’aggraver et peut aboutir
à la mort probablement du fait de libération prolongée dans la
circulation systémique du médicament à partir de ces sites de
stockage tissulaire.
L’hépatotoxicité de la perhexiline est très
fortement influencée par le déficit génétique en P450 2D6 qui
entraîne une accumulation de médicament dans les hépatocytes.
Des
lésions pseudoalcooliques du foie peuvent être observées en
l’absence de phospholipidose après l’administration de tamoxifène
et très rarement de nifédipine et de diltiazem.
F - MALADIES VASCULAIRES
DU FOIE :
Les médicaments
constituent une des causes principales de maladies vasculaires du
foie.
1- Fibrose périsinusoïdale
:
Cette lésion résulte de l’accumulation de fibres de collagène dans
les espaces de Disse.
La fibrose périsinusoïdale peut être asymptomatique ou être révélée par une hépatomégalie ou une
hypertension portale.
Sa principale cause est l’hypervitaminose A
chronique.
L’accumulation de vitamine A peut être mise en évidence
par la microscopie optique et électronique d’une hyperplasie des
cellules d’Ito.
La concentration de vitamine A hépatique est
fortement augmentée.
Une fibrose portale, voire une véritable
cirrhose, peuvent survenir si l’administration de vitamine A est
poursuivie.
Les autres médicaments responsables sont
l’azathioprine, la 6-mercaptopurine, le méthotrexate et les dérivés arsenicaux.
2- Dilatation sinusoïdale
:
Cette lésion est souvent asymptomatique.
Elle peut cependant
entraîner une hépatomégalie et des douleurs abdominales.
Sa cause
principale est la prise de contraceptifs oraux et plus rarement
d’azathioprine.
3- Péliose :
Elle est caractérisée histologiquement par l’existence de cavités intralobulaires remplies de sang et bordées d’hépatocytes,
distribuées au hasard dans le parenchyme hépatique sans
prédominance zonale.
Le plus souvent, la péliose est
asymptomatique et les tests hépatiques sont normaux ou peu
perturbés.
Dans certains cas, la péliose est révélée par une
hépatomégalie, un ictère, une hypertension portale et même une
insuffisance hépatocellulaire ou un hémopéritoine.
Les principaux
agents responsables sont les stéroïdes androgéniques et anabolisants,
l’azathioprine, la 6-thioguanine et les dérivés arsenicaux. Le rôle des contraceptifs oraux reste controversé.
4- Maladie veino-occlusive
:
Cette maladie est caractérisée par une obstruction non thrombotique
de la lumière des petites veines hépatiques centrolobulaires
responsable d’une congestion sinusoïdale et d’une nécrose des
hépatocytes dans la région centrolobulaire.
L’atteinte peut être aiguë
ou chronique.
La forme aiguë est caractérisée par la survenue brutale
de douleurs abdominales et d’une ascite.
Elle peut évoluer soit vers
la guérison soit, au contraire, vers une insuffisance hépatocellulaire
mortelle.
La maladie peut se développer beaucoup plus
insidieusement conduisant à une fibrose centrolobulaire et
éventuellement à une cirrhose.
La maladie veino-occlusive,
initialement observée après l’ingestion de plantes médicinales
contenant des alcaloïdes de la pyrrolizidine, est maintenant surtout
observée chez les patients traités par irradiation et chimiothérapie
pour greffe de moelle.
Elle peut être également observée au cours
de l’administration de diverses thiopurines.
5- Syndrome de Budd-Chiari
:
Il est caractérisé par une obstruction des grosses veines hépatiques
qui entraîne une congestion hépatique à prédominance centrolobulaire associée à une nécrose hépatocytaire.
La sévérité du
syndrome varie avec le lieu et l’extension de la thrombose.
Les
manifestations cliniques sont voisines de celles de la maladie veinoocclusive
et peuvent être aiguës ou chroniques.
Le lobe de Spiegel
qui est épargné par la maladie est hypertrophié.
Les contraceptifs
oraux et les oestrogènes augmentent le risque de survenue d’un
syndrome de Budd-Chiari en exacerbant une maladie thrombogène,
en particulier un syndrome myéloprolifératif latent.
Le syndrome
de Budd-Chiari peut être également provoqué par certains agents
antinéoplasiques.
G - TUMEURS HÉPATIQUES
:
Les médicaments
peuvent entraîner plusieurs types de tumeurs hépatiques
1- Adénome hépatocellulaire
:
L’adénome hépatocellulaire est une tumeur bénigne constituée
d’hépatocytes d’aspects normaux sans espace porte ou veine centrolobulaire.
La survenue de cette tumeur est accrue chez les
femmes prenant des contraceptifs oraux.
L’incidence apparaît liée à
la fois à la durée d’administration et à la dose ingérée. Les quantités
d’oestrogènes présents dans les contraceptifs oraux sont beaucoup
plus faibles depuis plusieurs années. Parallèlement, l’incidence de
l’adénome est devenue très faible.
La tumeur est généralement
asymptomatique et souvent découverte fortuitement par
l’échographie.
Moins souvent, elle est révélée par une
hépatomégalie, des douleurs abdominales et, exceptionnellement,
par une hémorragie intrapéritonéale ou intratumorale.
L’interruption des contraceptifs oraux est parfois suivie d’une
réduction de la taille de la tumeur.
La tumeur peut récidiver en cas
de réadministration de contraceptifs oraux ou de grossesse.
La
dégénérescence de l’adénome induit par les contraceptifs oraux en
carcinome hépatocellulaire reste controversée.
La survenue d’un
adénome hépatique est également favorisée par l’administration
prolongée de stéroïdes anabolisants androgéniques alkylés en 17-alpha.
Les adénomes provoqués par ces derniers médicaments
peuvent évoluer vers un carcinome hépatocellulaire.
Des cas
exceptionnels d’adénomes ont été observés après l’administration
de clomifène et de noréthistérone.
2- Carcinome hépatocellulaire
:
La survenue de cette tumeur maligne développée à partir des
hépatocytes paraît augmentée par la prise prolongée de stéroïdes
anabolisants androgéniques et peut-être de celle de contraceptifs
oraux bien que ceci soit controversé.
Le carcinome hépatocellulaire
associé à ces médicaments a des particularités qui le distinguent du
carcinome hépatocellulaire compliquant la cirrhose.
Il survient
principalement chez des sujets jeunes (20 à 45 ans).
La concentration
de l’alphafoetoprotéine reste en général normale. La survenue de
métastases est rare.
La tumeur pourrait parfois régresser après l’arrêt
du traitement.
Le rôle des stéroïdes dans la survenue de cancers fibrolamellaires est encore inconnu.
3- Autres tumeurs
:
Le développement d’angiosarcome et de cholangiocarcinome
semble occasionnellement favorisé par certains médicaments.
Conclusion
:
Les médicaments peuvent reproduire pratiquement l’ensemble des
maladies aiguës ou chroniques hépatiques.
Le diagnostic est souvent
difficile et repose surtout sur des critères d’exclusion.
Des
manifestations d’hypersensibilité sont souvent présentes, ce qui facilite
le diagnostic et suggère le rôle d’un mécanisme immunoallergique. Le
traitement repose essentiellement sur l’interruption de l’administration
du médicament responsable.